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512. (1899) Le préjugé de la vie de bohème (article de la Revue des Revues) pp. 459-469

Nous pourrions lui exposer que ces misères, qui sont saintes, nécessaires, et dont il est même blessant de se targuer, sont supportées avec une dignité, une patience, une foi incompatible avec ces débraillements de carnaval ; nous pourrions lui démontrer que précisément le bohème est la déconsidération vivante de l’artiste sans fortune, ce qu’est le faux mendiant au pauvre honteux, l’ouvrier ivrogne au socialiste intelligent. […] Elle n’est pas inhérente au fait d’être mai nourri et mal vêtu : il y a des gens qui, avec de la fortune, sont bohèmes, parce qu’ils aiment fainéanter, mettre les coudes sur la table, fumer des pipes dans des cabarets, traîner sur des divans d’atelier, dire des farces ou théoriser indéfiniment, arpenter le boulevard, brailler en chœur et mettre à mal les ouvrières.

513. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre XVI. Les derniers temps de la comédie italienne en France » pp. 311-338

Voilà, mon cher enfant, les préceptes solides que mon honneur et ma conscience me suggèrent et que tu dois suivre, si tu aimes tant soit peu la fortune. […] Car, enfin que vous l’entendiez, quand on veut faire son coup, il faut être dans cette odeur de fortune et d’opulence.

514. (1785) De la vie et des poëmes de Dante pp. 19-42

L’Italie était alors tout en confusion ; ses plus grandes villes s’étaient érigées en Républiques, tandis que les autres suivaient la fortune de quelques petits tyrans. […] Navire sans gouvernail et sans voiles, poussé de rivage en rivage par le souffle glacé de la misère, les peuples m’attendaient à mon passage, sur un peu de bruit qui m’avait précédé, et me voyaient autre qu’ils n’auraient osé le croire : je leur montrais les blessures que me fit la fortune, qui déshonorent celui que les reçoit. » À une sensibilité profonde et à la plus haute fierté, Dante joignait encore cette ambition des républiques, si différente de l’ambition des monarchies.

515. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Marie Stuart, par M. Mignet. (2 vol. in-8º. — Paulin, 1851.) » pp. 409-426

Elle fut assaillie d’orages dès le berceau, Comme si, dès ce temps, la Fortune inhumaine Eût voulu m’allaiter de tristesse et de peine, ainsi que lui fait dire un vieux poète dans je ne sais quelle tragédie. […] Et bientôt après, forcée par les lords de s’arracher à Bothwell, et le leur reprochant amèrement, elle ne demandait qu’une chose, « c’était qu’on les mît tous deux dans un navire pour les envoyer là où la fortune les conduirait ».

516. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Les regrets. » pp. 397-413

Je sais des gens de goût qui ont pu ressentir l’amertume, mais qui l’ont dissimulée galamment : une grande fortune et une situation faite sont un excellent coussin dans la chute, pour parer aux contrecoups. […] Il commence à voir à contresens le monde, et, si un retour de fortune lui ménage un rôle dans l’avenir, il n’y rentre plus qu’à contretemps.

517. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Gustave Droz » pp. 189-211

Si, par exemple, il enlevait son Bébé du livre où il se trouve, s’il le publiait à l’écart de la mauvaise compagnie du Monsieur et de la Madame avec lesquels il se trouve pour l’instant, le Bébé deviendrait le bréviaire des mères de famille… Ce serait une fortune pour l’auteur, un succès à la Picciola, qui eut, je crois, trente à quarante éditions, — et par la souveraine raison qu’un pareil livre est en équation avec les manières de sentir actuelles de la foule. […] Larreau, ancien marchand de robinets, devenu l’un des plus grands industriels de France, et c’est cet industriel dans lequel Droz a cubé tout l’industrialisme moderne et dont il a fait une personnalité tout à la fois odieuse, redoutable et comique, c’est ce coquin à gilet blanc qui s’est imaginé qu’un miracle, comme celui de la Salette, par exemple, si on pouvait se le procurer, poserait bien cette source dans l’opinion, et ferait colossale la fortune des établissements qu’il médite de fonder autour d’elle.

518. (1900) Molière pp. -283

En 1662, à ce moment où il commençait à avoir enfin la fortune, la renommée et la faveur, sa santé est irréparablement atteinte. […] La plus douce, celle qui présente le mariage de Molière avec Armande Béjart sous sa forme la plus acceptable, la voici : dans cette tradition, dans ce système, Armande Béjart, qu’il épouse, est tout au moins la sœur de cette Madeleine Béjart à la suite de laquelle il a couru fortune. […] un grand seigneur méchant homme est une terrible chose45. » Cet orgueil absolu du rang, de la richesse, de la fortune éclate dans la scène du Pauvre. […] Chacun sait que prudente et avisée dès le berceau, elle a conclu, il y a de cela trois ou quatre mille ans, une alliance durable avec la Fortune que les gens d’esprit appellent aveugle, probablement, je suppose, parce qu’ils la voient s’égarer de temps à autre jusque chez eux. […] ——— Il ne vaut guère mieux charmer une jeune fille par la beauté du visage, par l’esprit que l’on montre ou par de grandes actions, que de l’éblouir par l’éclat du rang et de la fortune ; car c’est toujours sa vanité qui est séduite.

519. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Donec eris felix… »

Il est impossible, faute de documents sérieux (car on n’a que ses proclamations, qui sont insignifiantes), de dire si Boulanger fut un ambitieux de haute intelligence et capable de grands desseins, ou s’il ne fut qu’un aventurier vulgaire, servi un moment par des circonstances exceptionnelles, et, finalement, inégal à sa fortune. » J’espère que l’on sentira plus de pitié que de raillerie dans ces faciles horoscopes.

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