Il est vraisemblable qu’elle eût tiré un plus grand parti de ses richesses, si les Parques eussent été d’accord avec la Fortune pour prolonger sa vie, & lui procurer cette aisance si nécessaire aux Enfans d’Apollon ; car, selon un ancien Auteur, C’est peu pour eux d’avoir ce Dieu pour pere, Si rien n’échoit du côté de leur mere.
Lus à l’étranger, presque uniquement par des étrangers, — auxquels il serait bien aisé pourtant, s’ils le voulaient, de trouver dans leurs propres officines de quoi satisfaire leurs goûts les plus spéciaux, — ces ouvrages contribuent à faire la fortune du lieu commun légendaire « de la corruption française », non moins que celle du cliché classique sur le « dévergondage » de la littérature au pays de Molière. […] La fortune du roman psychologique n’a point subi un retour aussi défavorable que celle du roman naturaliste. […] Il y aurait surtout à y rechercher la répercussion du tourment social contemporain, répercussion plus ou moins étroitement associée au réveil des études historiques, ainsi qu’à l’examen des forces qui, à travers les temps, ont pesé sur les sociétés : la fortune du roman de mœurs sociales et collectives s’explique par-là merveilleusement. […] D’après lui, la fortune sensationnelle du nouveau genre serait le résultat d’une sorte de fatigue ressentie par le public et par les auteurs eux-mêmes à l’égard de la littérature purement Imaginative. […] Tous les états de fortune relèvent de lui ; tous les hommes sont bénéficiaires de l’effort.
Son Roman intitulé les Tableaux de la Fortune, est d’un bon Observateur ; son Histoire au Monde, souvent réimprimée & écrite d’après les Auteurs originaux, donne une idée avantageuse de son érudition : personne n’avoit traité, avant lui, d’une maniere plus vraie & plus instructive, ce qui concerne les Orientaux, & en particulier les Musulmans.
La Mesnardiere cependant eut le talent de faire une grande fortune.
Les Ouvrages sortis de sa plume n’ont fait aucune fortune dans le Public ; mais les différens Recueils qu’il a formés des Poésies de nos meilleurs Auteurs, ont été accueillis.
Les Ouvrages qu’on a de lui se ressentent également & du mauvais état de sa fortune & de la trempe de ses sentimens.
C’était Balzac, grand nom alors, vain nom aujourd’hui, dont il faut expliquer les fortunes si contraires et toutefois si méritées, le même bon sens public ayant fait sa grandeur et sa chute. […] A ceux qui reprochaient à Balzac le titre de Lettres donné à ses pièces d’éloquence, disant qu’une inscription si basse ne devait couvrir que des choses ordinaires, ses admirateurs répondaient « qu’il n’avait tenu qu’à la fortune que ce qu’on appelait Lettres n’eussent été harangues ou discours d’Etat ; mais que, dans un pays où la volonté d’un seul avait remplacé le gouvernement populaire, n’y ayant ni peuples opprimés à défendre devant un sénat, ni oppresseurs à accuser, il n’y avait pas lieu à l’éloquence politique ; que quant au barreau, les affaires y étaient tellement étouffées par la chicane, que là non plus il n’y avait pas place pour l’éloquence judiciaire : qu’il restait les chaires des prédicateurs, mais que ce n’étaient pas des hommes tels que M. de Balzac qu’on appelait aux fonctions ecclésiastiques », — allusion à Richelieu, qui l’avait critiqué et ne l’avait pas fait évêque, pas même abbé, à quoi Balzac, dit-on, s’était rabattu ; — « que dès lors il avait fallu que son éloquence s’enfermât dans ce petit espace. » C’est là, en effet, le malheur de cette éloquence. […] Il y procédait comme en toute espèce de changement, par le mépris et la destruction du passé, s’en remettant à la fortune du soin de remplacer ce qu’il détruisait. […] Il les occupa de spéculations religieuses, et les honora par des aumônes et des actes de piété, faisant des charités d’une partie de sa fortune, et demandant par testament à être enterré dans l’hôpital de Notre-Dame des Anges, à Angoulême, aux pieds des pauvres qui y étaient inhumés.
Malade, nerveux, excité, vivant dans un grand monde factice où la disproportion de la fortune se faisait perpétuellement sentir à lui, et où les passions ne l’attiraient plus, il voulait s’en retirer, et il ne le pouvait qu’à demi. […] » Mais Chamfort, qui devinait cela, se retirait d’autant plus qu’il se voyait plus fêté, et il se révoltait de ce qui aurait adouci tout autre : J’ai toujours été choqué, écrivait-il à un ami, de la ridicule et insolente opinion, répandue presque partout, qu’un homme de lettres qui a quatre ou cinq mille livres de rentes est à l’apogée de la fortune. […] Mais comme le hasard a fait que ma société est recherchée par plusieurs personnes d’une fortune beaucoup plus considérable, il est arrivé que mon aisance est devenue une véritable détresse par une suite des devoirs que m’imposait la fréquentation d’un monde que je n’avais pas recherché. Je me suis trouvé dans la nécessité absolue ou de faire de la littérature un métier pour suppléer à ce qui me manquait du côté de la fortune, ou de solliciter des grâces, ou enfin de m’enrichir tout d’un coup par une retraite subite.