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468. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre XIV. Moralistes à succès : Dumas, Bourget, Prévost » pp. 170-180

Le roman n’est-il pas advenu aujourd’hui à une élasticité telle que toute forme de projection littéraire s’y puisse poser ? […] (On parle quelquefois de formes originales, de tentatives inédites de roman. […] Pour nous, plus que la trivialité pâteuse de son style, nous déplorons le tour spécial qu’il a donné à une forme de roman, j’ai dit tout fi l’heure, admissible. […] Il a réuni sous une appellation trop vague des œuvres infiniment diverses, en les opposant à une forme de roman également mal définie.

469. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre II. Recherche des vérités générales » pp. 113-119

Comme le latin en ce temps-là est beaucoup plus écrit que parlé, comme ils consultent leurs yeux plutôt que leurs oreilles, la forme qui se rapproche le plus visiblement de la forme ancienne est celle qui se présente le plus aisément à leur pensée. […] Tout ensemble qui évolue part d’une forme moins cohérente pour arriver à une forme plus cohérente.

470. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. Samuel Bailey »

Partisan déclaré de l’expérience, il forme comme une transition entre l’école écossaise et les psychologistes dont nous venons de parler. […] salués d’applaudissements de triomphe, des milliers de savants s’emploieront à des investigations physiques presque infinitésimales ; à rechercher la composition atomique et la structure microscopique du corps ; à explorer les formes innombrables de la vie animale et végétale, invisibles à l’œil tout seul ; à découvrir des planètes qui ont parcouru, inconnues pendant des siècles, leurs orbites obscurs ; à condenser, par la puissance du télescope, en soleils et systèmes, ce qui était regardé récemment encore comme la vapeur élémentaire des étoiles ; à traduire en formules numériques l’inconcevable rapidité des vibrations qui constituent ces rayons, si fermes en apparence que les plus forts vents ne les ébranlent pas ; à mettre ainsi en vue les parties les plus mystérieuses de l’univers matériel, depuis l’infiniment loin jusqu’à l’infiniment petit ; mais l’analyse exacte des phénomènes de conscience, la distinction entre les différences, si fines pourtant et si petites, des sentiments et des opérations ; l’investigation attentive des enchaînements les plus subtils de la pensée, la vue ferme mais délicate de ces analogies mentales qui se dérobent au maniement grossier et négligent de l’observation vulgaire, l’appréciation exacte du langage et de tous ses changements de nuances et de tous ses expédients cachés, la décomposition des procédés du raisonnement, la mise à nu des fondements de l’évidence : tout cela serait stigmatisé comme un exercice superflu de pénétration, comme une perte de puissance analytique, comme une vaine dissection de cheveux, comme un tissage inutile de toiles d’araignées ? […] Quand bien même ni moi, ni aucun de mes semblables ne verrait le chat ni ne toucherait le verre, ces objets n’en resteraient pas moins avec leurs qualités propres de forme, de résistance, etc., telles que je les perçois. […] Ainsi lorsqu’on laisse de côté le langage vague sur la liberté de la volonté — qui est, comme on l’a dit, la liberté de quelque chose qui n’existe pas — la véritable question se présente sous une forme qui ne laisse plus guère de place à une divergence d’opinions.

471. (1765) Essais sur la peinture pour faire suite au salon de 1765 « Mes pensées bizarres sur le dessin » pp. 11-18

Toute forme belle ou laide a sa cause, et de tous les êtres qui existent, il n’y en a pas un qui ne soit comme il doit être. […] Tournez vos regards sur cet homme dont le dos et la poitrine ont pris une forme convexe. […] Vous me direz que quels que soient l’âge et les fonctions, en altérant les formes, elles n’anéantissent pas les organes. […] Dans ces différents modèles le professeur aura soin de lui faire remarquer les accidents que les fonctions journalières, la manière de vivre, la condition et l’âge ont introduits dans les formes.

472. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Henri Rochefort » pp. 269-279

Or, cette plaisanterie, qui n’est pas le fond du livre d’Henri Rochefort, mais sa forme, je me permettrai de la décrire et de l’examiner ; car la forme d’un livre quelconque, fût-ce L’Esprit des Lois ou le Traité du Prince, est plus importante que le fond, malgré tous les pédants qui le nient ou qui pourraient le nier. Le Traité du Prince et L’Esprit des Lois, dépassés, jugés, presque méprisés, dans leur fond, à cette heure, grâce à notre éducation et à notre expérience politiques, sont encore vivants par leur forme, qui, si elle n’est pas immortelle, mettra du moins plus de temps à mourir… Et s’il en est ainsi pour les œuvres de Machiavel et de Montesquieu, qui eurent leur jour de nouveauté et de profondeur dans la pensée, à plus forte raison pour un livre inférieur à ceux-là, pour un recueil, écrit au jour le jour, d’observations piquantes, — je le veux bien !  […] Il y a là quelque chose d’enivré, de chaud et d’aimablement fou dans la forme, qui n’est pas en Rochefort, au talent, pour moi, trop frappé de glace.

473. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre I. La littérature pendant la Révolution et l’Empire — Chapitre IV. Chateaubriand »

En vertu même de ce caractère, la forme de l’intelligence, en Chateaubriand, n’est pas philosophique ou scientifique, mais artistique. […] À ces défauts de forme s’ajoutent les insuffisances du fond. […] De là le vide de ces formes, psychologiquement nulles, délicieux modèles de chromolithographie. […] Et leur vision ne se forme pas en lui selon l’idée d’un certain rapport du physique au moral, mais selon l’idée de beauté. […] Avec les motifs d’inspiration, il a révélé la forme : il a rétabli l’art et la beauté, comme objets essentiels de l’œuvre littéraire.

474. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre cinquième »

Ronsard l’entendit de l’imitation matérielle ; il en copia les formes, il en francisa la langue autant qu’il put, sinon autant qu’il voulut. […] Mais c’eût été trop peu d’opposer des théories, même excellentes, à une forme de poésie en possession de la faveur. […] Le travers de cette école avait été d’imiter les formes mêmes de la poésie antique, dans ce qu’elle a de plus indigène et de plus local. […] Admirable vue dans un pays qui ne se prête pas aux fictions, et où cette forme de poésie n’a jamais réussi. […] C’était l’ode, de toutes les formes poétiques la plus propre à rendre sensibles ses réformes ; rien n’étant lu de plus près, ni avec plus d’attention aux détails.

475. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 août 1885. »

s’emmêleront, infiniment affinées, toutes les anciennes formes de l’expression artistique ; il a compris, et il a osé ; il nous a montré la définition et l’exemple de l’Art totalbp, parfait, vers lequel, isolément et obscurément, nous marchons, de si loin ; son œuvre est un signal pour les générations futures, — pour des époques si distantes, que Wagner est, plutôt que le Précurseur à l’Art de l’avenir, son Prophète. […] Le tact est merveille qui, sans totalement en transformer aucune, opère, sur la scène et dans la symphonie, la fusion de ces formes de plaisir disparates. […] Donc, il conçut, l’artiste, la théorie d’Œuvres, où toutes les formes d’art, affinées en leurs suprêmes essences, étaient unies pour la glorieuse expression, vraie et complète, de ce qui est ; et il conçut ces Œuvres, elles mêmes ; et il les conçut accomplies, faites chose, écrites, et vivantes, dans un livre. […] Nous trouvons bien ici l’idée que chaque forme d’art particulier peut, à sa manière, trouver l’union des arts. […] Wagner a donné au monde un drame alliant formes plastiques, littéraires et musicales à travers le mythe.

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