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573. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Edgar Quinet. L’Enchanteur Merlin »

Il se brisa à plat contre cette langue difficile à manier, quand on n’est pas un poète dans toute la force du mot, et M.  […] Quinet n’était pas de force, comme M. de Vigny, à attacher un rayon oublié par Milton, sont des êtres surnaturels et symboliques, des généralités exsangues, aussi froides et aussi vides, aussi impersonnelles enfin, que si vous les nommiez la Sagesse, la Beauté, la Force physique, la Perversité. […] Au moins, nous, nous réagirons dans la mesure de nos forces.

574. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Agrippa d’Aubigné »

Réaume et de Caussade, ont extrait, à force d’efforts, ces pépites… Et si, dans l’ordre interverti des volumes, le troisième a paru avant le second, c’est que dans le troisième se trouvent les vers inédits et absolument inconnus de d’Aubigné, et qu’on a cru intéresser au succès immédiat de l’édition qu’on publie par cet attrait de nouveauté. […] L’âme religieuse de cet homme triple atteignait au sublime d’une foi profonde, quoique erronée ; mais pour retomber bientôt de cette hauteur aux faiblesses, ou aux forces, de l’humanité : à l’amour toujours païen de la femme, — à cette époque plus païen que jamais, — aux fureurs sacrées, comme disent les poètes » de la Muse, aux sonnets ardents qu’à la cour, pendant les trêves de ces guerres protestantes, il jetait, comme des torches, dans l’escadron volant des filles de la reine, pour leur embraser les sens et les cœurs. […] Il y avait en lui une force de faculté génératrice qui s’abattit sur tous les sujets et qui les féconda. […] La grande force poétique d’Agrippa d’Aubigné ne peut pas être isolée de son siècle.

575. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Jules De La Madenène » pp. 173-187

Sur celui-là, sur cette tête crépue de Samson, la civilisation, cette Dalila, a déjà mis cette affreuse main qui coupe la force ; demain elle y mettra les ciseaux ! […] Les paysans dont le beau roman de M. de La Madelène fait l’histoire sont, nous l’avons dit déjà, ces robustes et lestes paysans du Midi, bruyants, extérieurs, ivres de leur force, têtes de poudre et de foudre, capables de tout dans un moment donné, et dont la gaieté est une turbulence encore. […] Ils l’appellent l’esprit de la lune, l’espérit des ciales, et même l’évêque des cigales, les jours où ils l’aiment davantage, car ils l’aiment, cet homme qui en sait plus long qu’eux, par les seules forces mystérieuses de sa pensée, sans avoir comme eux rien appris ! […] Nous le disons en finissant : là est la force indiscutable et absolue du talent de M. de La Madelène.

576. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Prosper Mérimée. » pp. 323-336

On alla jusqu’à croire à une abdication en pleine force. […] Il pouvait tenailler et reforger à froid des sujets qui avaient passé sur des enclumes plus brûlantes que la sienne, mais qui gardaient sous son marteau des empreintes et des contournements qu’il n’était pas de force à effacer. […] Mérimée, qui n’est pas seulement sec de nature, mais qui l’est encore de système, et il faut d’autant plus insister sur ce reproche qu’il existe à cette heure beaucoup d’esprits assez intéressés à proclamer que le sans ornement et la brièveté sont la force. […] La vie des Faux Démétrius de Russie, cet imbroglio dramatique, cette mystification pour tout un peuple, cette sanglante et incroyable comédie, deux fois recommencée et toujours avec le même prestige, avec la même force d’illusion, l’histoire des Cosaques d’autrefois, ce poëme dix mille fois plus poétique que le Corsaire de lord Byron, et qu’un Byron seul, doublé d’un Hogarth, pouvait raconter, ont été écrites par une plume qu’elles n’ont pas réchauffée, et qui avait plus de netteté et de tranchant autrefois, quand elle écrivait des romans bien moins romanesques que ces histoires.

577. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Préface »

Peut-être faut-il admettre qu’il n’y a pas d’autre moyen de construire à demeure, et que l’invention subite d’une constitution nouvelle, appropriée, durable, est une entreprise qui surpasse les forces de l’esprit humain. […] Dégagée de tout parti pris, la curiosité devient scientifique et se porte tout entière vers les forces intimes qui conduisent l’étonnante opération. Ces forces sont la situation, les passions, les idées, les volontés de chaque groupe, et nous pouvons les démêler, presque les mesurer.

578. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — T. — article » pp. 372-383

Un vil Mortel, un nouvel Erostrate, Ose abuser du grand art d’Hippocrate ; Par le scalpel il découvre à nos yeux De nos ressorts les accords merveilleux : Il voit leur force, il prévoit leur ruine. […] Non, cher Damon ; une force seconde Entretient tout, sans que rien se confonde : De son pouvoir la source est dans les Cieux. […] Alors, nos regards curieux En verront naître une espece imparfaite, Qui du cheval n’aura point la beauté, Ni du taureau la force & la fierté ; De tous les deux sa nature est extraite, Mais impuissante à se régénérer.

579. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Première Partie. Des Langues Françoise et Latine. — De la langue Latine. » pp. 147-158

A force de s’appliquer à retenir les fleurs de la plus exquise latinité, il parvint à se faire un stile clair, élégant, agréable, sur-tout dans ses Colloques & dans son Eloge de la folie. Aussi écrivit-il avec force, pour justifier les stiles différens de celui de l’orateur Romain. […] Quelle perfection n’eut il pas mis à ses ouvrages, s’il eut été jaloux de joindre la force & la pureté de Cicéron au choix heureux de ses pensées, à la délicatesse & aux agrémens de sa brillante latinité ?

580. (1867) Le cerveau et la pensée « Avant-propos »

Oui, ces raisons subsisteraient encore dans toute leur force, lors même que la physiologie viendrait à bout d’établir avec précision et d’une manière infaillible certaines relations rigoureuses entre l’intelligence et le cerveau. […] Mais qui vous assure que l’une de ces conditions n’est pas la force pensante elle-même, ce que nous appelons l’âme ? […] La force intérieure, secrète, première, leur échappe, et ils n’atteignent que des symboles grossiers et imparfaits.

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