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12. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamennais — Lamennais, Affaires de Rome »

Prêtre austère, âme de génie, il a gardé sous ses cheveux gris tous ses trésors de foi et de jeunesse ; il a dépouillé d’un coup ses préjugés politiques, non inhérents à la vraie foi. […] Il n’y avait pas là encore de solution de continuité à proprement parler ; la rupture n’était que dans l’ordre humain et secondaire : la foi faisait pont sur l’abîme. […] à la fougue d’une imagination qui outrait tout… » Mais au pis, et malgré l’inconséquence reprochable, et malgré le danger de la pente rapide, ce rôle d’un Arnauld, d’un Savonarole, offrait encore de grandes parties continues et en harmonie avec cette nature invincible de prêtre : il y avait la foi[…] Le talent, ce don, cet instrument un peu particulier et qui ne suit pas nécessairement la loi de la vérité intérieure, a gagné chez M. de La Mennais en souplesse, en variété, en grâce et en coloris, sans perdre en force, à mesure que sa rigueur de foi a été davantage ébranlée. […] Rien n’est pire, sachez-le bien, que de provoquer à la foi les âmes et de les laisser là à l’improviste en délogeant.

13. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Deux tragédies chrétiennes : Blandine, drame en cinq actes, en vers, de M. Jules Barbier ; l’Incendie de Rome, drame en cinq actes et huit tableaux, de M. Armand Éphraïm et Jean La Rode. » pp. 317-337

L’avenir me réserve les mêmes revanches : j’ai foi. » Allons, tant mieux. […] Quelle gloire d’affirmer devant tout un peuple son dire et sa foi ! […] N’afflige pas Jésus par ton manque de foi ! […] Blandine appartenait à une dame chrétienne, qui sans doute l’avait initiée à la foi du Christ. […] Il viole la jeune Grecque Hébé, puis, l’ayant donnée pour femme à l’esclave germain Faustus, la lui enlève contre la foi jurée.

14. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « PENSÉES FRAGMENTS ET LETTRES DE BLAISE PASCAL, Publiés pour la première fois conformément aux manuscrits, par M. Prosper Faugère. (1844). » pp. 193-224

Sa foi, je le pense, fut antérieure à son doute ; lorsque ce doute survint, il ne trouva place que dans l’intervalle de ce qu’on a appelé ses deux conversions, et il fut vite recouvert. […] Se prévaloir contre la foi de Pascal de certain mode d’argumentation qu’il emploie hardiment et qui impliquerait le scepticisme absolu au défaut de la foi, c’est supposer ce qu’il s’agit précisément de démontrer, c’est oublier combien cette foi faisait peu défaut en lui, combien elle était pour lui chose réelle, pratique, sensible et vivante. […] La foi parfaite, c’est Dieu sensible au cœur ! […] Il y aurait illusion aussi à prendre pour des convulsions de sa foi ce qui peut souvent n’avoir été que des brusqueries du talent. Pour preuve qu’elle était, malgré tout, assise et stable en lui, je ne voudrais que sa charité ; car la charité découle de la foi, comme la source du rocher.

15. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — Y. — article » pp. 529-575

M. l'Abbé Yvon, de meilleure foi que son Apologiste, en cessant d'être Philosophe, a senti la foiblesse de ce raisonnement. […] Rien n’est donc si faussement supposé, que cette humiliation prétendue de la raison devant les Oracles de la Foi. […] Ce qui prouve combien cette Foi est supérieure aux idées de l’Homme, c’est le désintéressement qu’elle exige de lui dans toutes ses actions, & la sublimité du but qu’elle lui propose. Si cette Foi étoit de l’invention de l’Homme, l’Homme n’auroit-il pas gardé pour lui-même un hommage qu’il est obligé de faire remonter jusqu’au Dieu dont il est la créature ? […] Le mal du Chrétien n’est, aux yeux de sa foi, qu’un mal passager, & toujours propre à lui mériter des récompenses éternelles.

16. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre III. Le naturalisme, 1850-1890 — Chapitre VI. Science, histoire, mémoires »

Il a reçu l’éducation ecclésiastique, et il a gardé l’âme ecclésiastique : une âme de douceur, de finesse, de nuances, et puis — ce qui est le grand point — dans la perte de la foi, le sens de la foi, le respect de la foi. […] Et il a toujours affirmé que celui-là ne se trompe pas, qui déclare en vivant sa foi à l’idéal. […] Et ce choix est une affaire de foi. Contre la foi, nulle critique ne vaut : mais dès qu’on ne croit pas « comme un petit enfant », inutile de se monter la tête, inutile de se griser d’esthétique, de s’inventer des raisons de croire : de l’affirmation déterministe sort la dissolution des religions. […] De là cette curieuse conséquence : pour nombre d’esprits, Renan a rendu la foi impossible, et il a rendu impossible aussi la guerre à la foi.

17. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Ernest Hello » pp. 207-235

Henri Lasserre à la gloire de Hello lequel, ma foi ! […] Les chrétiens seuls, et les chrétiens à foi profonde et enflammée, accepteront avec ferveur ces récits naïfs et incroyablement sublimes. […] Si on a la foi de l’écrivain qui a tracé ces pages, il n’est pas étonnant que ce soit beau, mais si, sans avoir la foi, on a seulement le sentiment poétique et l’imagination grandiose, on admirera certainement encore, et peut-être regrettera-t-on de ne pas croire à ce qui est si beau ! […] Le surnaturel de sa foi a surnaturalisé son talent. […] Mais nulle part de foi féconde et de grande poésie, quand enfin, sur le tard, deux religieux, le Père Pitra et le Père Lacordaire, retrouvèrent l’accent qu’il faut avoir quand on se mêle de parler des Saints.

18. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre premier »

Faut-il aller plus loin, et le mettre, sur la foi de Voltaire, dans le Temple du goût ? […] Le Vayer professe le doute universel, pour y envelopper la foi ; le doute de Pascal est un combat au profit de la foi contre la raison. […] Il n’admet pas les deux termes, foi et raison ; la foi seule existe, et la raison ne s’en distingue qu’au moment où elle s’y abîme. […] Il est vrai qu’à la différence des autres sceptiques, s’il veut nous prendre notre raison, c’est pour nous donner sa foi, et le don est inestimable, à voir à quel degré de pureté, de grandeur morale, la foi a élevé Pascal. […] Voltaire les avoue pour ses pères, même l’évêque, qui par son acharnement à prétendre que la raison n’a rien à voir à la foi, n’a réussi qu’à faire douter de sa foi et médiocrement estimer sa raison.

19. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Mélanges de critique religieuse, par M. Edmond Scherer » pp. 53-66

J’aurais eu regret cependant que l’auteur eût complètement supprimé dans le volume offert à notre public deux ou trois morceaux. « La crise de la foi » est un beau chapitre intérieur, et qui rappelle, à quelques égards, le touchant monologue de Jouffroy au moment où il s’aperçut que la foi première sur laquelle il s’appuyait s’était écroulée dans son cœur. […] Scherer nous offre, dans cette suite d’études premières, le spectacle d’une âme, d’une intelligence en travail, en marche continuelle, en évolution permanente : c’est une variante moins orageuse et sous forme toute scientifique, une variante qui a son intérêt pourtant, de la lutte et de la recherche que nous offre l’homme de Pascal dans les Pensées, avec cette différence qu’au lieu d’acquérir de la foi, il va la perdant, ce semble, de plus en plus, mais en s’obstinant à ne jamais la perdre tout à fait. Chrétien sincère, il s’est détaché, à un certain jour, de la foi naïve pour s’élever (car il estime que c’est un progrès) par un examen rigoureux à la foi réfléchie. […] Jusqu’à quel point la connaissance, l’analyse sévèrement appliquée a-t-elle dissous ou transformé la foi en lui ? […] La religion est avant tout, pour lui, une théologie, une théorie ; sa foi est un système sur la foi, Avec ses grands airs qui imposent au premier abord, il a plus d’esprit, de mordant et de vivacité piquante que d’autorité grave et de véritable éloquence.

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