Elle trouvait que l’on faisait la balance trop inégale entre les deux, et que le contraste s’établissait trop aisément par le sacrifice de la moins brillante des deux figures. […] Elle donne à entendre qu’il ferait une assez triste figure s’il avait à comparaître en personne. […] Sa figure me parut plus animée qu’à l’ordinaire. […] Tâchons nous-mêmes, au lieu de tant juger les autres, de n’y pas faire trop méchante figure, quand nous y serons. […] Il convient de laisser aux organes passionnés des réactions ces représailles et ces injustices ; mais nous, dont les origines sont d’hier, dont les sentiments ont leurs racines dans un principe d’égalité, ne nous fatiguons pas de voir en elle une belle et glorieuse figure ; ne nous ennuyons pas de l’honorer.
C’était dans les premiers temps un parti pris chez elle d’aimer, d’admirer son mari : « On ne sait d’abord, écrivait-elle, ce qu’on aime le plus en lui, ou de sa figure noble et élevée, ou de son esprit qui est toujours agréable et qui s’aide encore d’une imagination vaste et d’une extrême culture ; mais, en le connaissant davantage, on n’hésite pas : c’est ce qu’il tire de son cœur qu’on préfère ; c’est quand il s’abandonne et se livre entièrement qu’on le trouve si supérieur. […] Mme de Krüdner s’inquiète ; les heures s’avancent, l’orage ne cesse pas ; sa tête se monte : elle se figure le sentier qui longe la Brenta envahi par les eaux, son mari luttant avec le péril ; elle veut l’en arracher. […] La figure de Valérie, encore belle, se détachait sur ce fond de vapeur. Cette figure de Valérie, qui nous était surtout chère, se trouve sacrifiée chez M. […] Eynard a chassé le nuage où la figure de Mme de Krüdner se dessinait : s’il y a lieu de discuter sur quelques points avec l’excellent et complet biographe, je ne craindrai donc pas de le faire.
Le poète s’en vante dans les Grenouilles d’Aristophane : — « Vous souvient-il d’avoir vu ces Phrygiens qui venaient chez Achille, avec Priam, pour racheter le cadavre d’Hector, et combien de figures diverses ils ont faites ? […] Tout, en effet, est démesuré dans Eschyle : la scène, les figures, les passions, les catastrophes, le langage. […] Il y a de la simplification du profil dans le dessin tranchant de ces figures solennelles, imperturbablement tournées vers une idée fixe. […] Zeus, avant de se condenser dans la grandiose figure du roi de l’Olympe, errait dans les orages de l’atmosphère, à peine figuré par une idole à trois yeux. […] La façon mémo dont il conçoit les dieux de son temps dissipe leur figure et détruit leur alliage humain.
La comédie éclate dans les larmes, le sanglot naît du rire, les figures se mêlent et se heurtent, des formes massives, presque des bêtes, passent lourdement, des larves, femmes peut-être, peut-être fumée, ondoient ; les âmes, libellules de l’ombre, mouches crépusculaires, frissonnent dans tous ces roseaux noirs que nous appelons passions et événements. […] L’arabesque est incommensurable ; il a une puissance inouïe d’extension et d’agrandissement ; il emplit des horizons et il en ouvre d’autres ; il intercepte les fonds lumineux par d’innombrables entrecroisements, et, si vous mêlez à ce branchage la figure humaine, l’ensemble est vertigineux ; c’est un saisissement. […] Vous voici dans le resplendissant jardin des Muses où s’épanouissent en tumulte et en foule à toutes les branches ces divines éclosions de l’esprit que les grecs appelaient Tropes, partout l’image idée, partout la pensée fleur, partout les fruits, les figures, les pommes d’or, les parfums, les couleurs, les rayons, les strophes, les merveilles, ne touchez à rien, soyez discret. […] Ceci nous rappelle qu’un fort professeur de la restauration, indigné des comparaisons et des figures qui abondent dans les prophètes, écrasait Isaïe, Daniel et Jérémie sous cet apophthegme profond : Toute la Bible est dans comme. […] On dirait, aux réclamations et clameurs de l’école doctrinaire, que c’est elle qui est chargée de fournir à ses frais à toute la consommation d’images et de figures que peuvent faire les poètes, et qu’elle se sent ruinée par des gaspilleurs comme Pindare, Aristophane, Ézéchiel, Plaute et Cervantes.
Les pédants ne l’admettent aussi que dans le discours oratoire, et ne la distinguent pas de l’entassement des figures, de l’usage des grands mots, et de la rondeur des périodes. […] Il ne paraît pas qu’on l’ait défini ; est-ce une figure ? naît-il des figures, ou du moins de quelques figures ? […] Il doit au contraire éviter comme un écueil de vouloir imiter ceux qui écrivent par humeur, que le cœur fait parler, à qui il inspire les termes et les figures, et qui tirent, pour ainsi dire, de leurs entrailles tout ce qu’ils expriment sur le papier ; dangereux modèles et tout propres à faire tomber dans le froid, dans le bas, et dans le ridicule ceux qui s’ingèrent de les suivre : en effet, je rirais d’un homme qui voudrait sérieusement parler mon ton de voix, ou me ressembler de visage.
Encore aujourd’hui, si éloignés que nous soyons de l’imitation corporelle, ils gardent avec eux une partie du cortège qui les entourait à leur naissance ; ils renaissent en nous accompagnés par l’image des gestes que nous avons faits lorsqu’ils sont venus sur nos lèvres ; ils traînent après eux la figure de l’objet qui pour la première fois vous les fait jaillir… De sorte qu’un mot bien choisi fait en nous comme un éveil de sensations ; par lui un point clair se détache, et tout alentour apparaissent et s’enfoncent par échappées les choses environnantes. Si les mots suivants ont la même vertu, le style est comme un flambeau qui, promené successivement devant toutes les parties d’une grande toile, fait passer devant nos yeux une suite de figures lumineuses, chacune accompagnée par le groupe vague des formes qui l’entourent, et sur lesquelles la clarté principale a égaré quelques rayons.
Au lieu de rendre des arrêts par prétention, au lieu de se borner à omettre, dans un dictionnaire inconnu du public et déjà démodé quand il paraît, les mots de figure trop étrangère, elle agirait dans le présent, et les formes refusées ou bannies par elle seraient proscrites de l’écriture et du parler. […] Indulgente pour les déformations spontanées, œuvre de l’ignorance, sans doute, mais d’une ignorance heureuse et instinctive, elle admettrait avec joie les innovations du parler populaire ; elle n’aurait peur ni de gosse, ni de gobeur et elle n’userait pas de phrases où figure kaléidoscope 113 pour réprouver les innovations telles que ensoleillé et désuet 114.
Le contour particulier du trait avec lequel chaque homme forme les vingt-quatre lettres de l’alphabet, les liaisons de ces caracteres, la figure des lignes, leur distance, la perseverance plus ou moins longue de celui qui a écrit à ne point précipiter, pour ainsidire, sa plume dans la chaleur du mouvement, comme font presque tous ceux qui écrivent, lesquels forment plus exactement les caracteres des premieres lignes que ceux des autres lignes, enfin la maniere dont il a tenu la plume, tout cela, dis-je, donne plus de prise pour faire le discernement des écritures que des coups de pinceau n’en peuvent donner. […] C’est le soin des anciens pour avoir des cachets qui ne pussent point ressembler à d’autres, qui est cause que nous trouvons aujourd’hui sur les pierres gravées antiques des figures si particulieres, et même si bizarres, et souvent la tête de celui qui se servoit du cachet.