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445. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre troisième. L’esprit et la doctrine. — Chapitre III. Combinaison des deux éléments. »

D’abord une possession de huit siècles, un droit héréditaire semblable à celui par lequel chacun jouit de son domaine et de son champ, une propriété fixée dans une famille et transmise d’aîné en aîné, depuis le premier fondateur de l’État jusqu’à son dernier successeur vivant ; ensuite la religion qui ordonne aux hommes de se soumettre aux pouvoirs établis  Cette religion enfin, qui l’autorise ? […] Par cette délégation permanente, un grand office public est soustrait aux compétitions, fixé dans une famille, séquestré en des mains sûres ; désormais la nation possède un centre vivant, et chaque droit trouve un protecteur visible. […] Il n’a pas de rôle à jouer, il n’est pas comédien. » — Sciences, beaux-arts, arts de luxe, philosophie, littérature, tout cela n’est bon qu’à efféminer et dissiper l’âme ; tout cela n’est fait que pour le petit troupeau d’insectes brillants ou bruyants qui bourdonnent au sommet de la société et sucent toute la substance publique  En fait de sciences, une seule est nécessaire, celle de nos devoirs, et, sans tant de subtilité ou d’études, le sentiment intime suffit pour nous l’enseigner. — En fait d’arts, il n’y a de tolérables que ceux qui, fournissant à nos premiers besoins, nous donnent du pain pour nous nourrir, un toit pour nous abriter, un vêtement pour nous couvrir, des armes pour nous défendre  En fait de vie, il n’en est qu’une saine, celle que l’on mène aux champs, sans apprêt, sans éclat, en famille, dans les occupations de la culture, sur les provisions que fournit la terre, parmi des voisins qu’on traite en égaux et des serviteurs qu’on traite en amis  En fait de classes, il n’y en a qu’une respectable, celle des hommes qui travaillent, surtout celle des hommes qui travaillent de leurs mains, artisans, laboureurs, les seuls qui soient véritablement utiles, les seuls qui, rapprochés par leur condition de l’état naturel, gardent, sous une enveloppe rude, la chaleur, la bonté et la droiture des instincts primitifs  Appelez donc de leur vrai nom cette élégance, ce luxe, cette urbanité, cette délicatesse littéraire, ce dévergondage philosophique que le préjugé admire comme la fleur de la vie humaine ; ils n’en sont que la moisissure. […] — Giraud-Teulon, les Origines de la famille. […] Le Play, de l’Organisation de la famille (Histoire d’un domaine dans les Pyrénées).

446. (1863) Cours familier de littérature. XVI « XCIIe entretien. Vie du Tasse (2e partie) » pp. 65-128

Alphonse et ses sœurs le reçurent en favori de la famille. […] Quelques expressions attestent déjà, dans ces lettres, que le Tasse portait son mal en lui-même, et ne l’attribuait pas encore à la famille d’Este, qui le comblait d’égards, d’amitié, et peut-être d’amour. […] C’est vers Sorrente qu’il s’avançait comme à tâtons dans sa lente marche ; c’est là qu’il retrouvait d’avance, en imagination, sa liberté, sa raison, sa santé, ses tendresses de famille. […] Dix-huit années s’étaient écoulées depuis ce mariage ; la jeune et belle Cornélia était devenue une grave et tendre mère de famille ; elle avait perdu son mari ; elle continuait à vivre seule et dans une médiocrité presque indigente dans sa maison à Sorrente, sans autre fortune que les orangers et les figuiers du petit domaine de ses pères. […] M’avançant alors vers ce bon père de famille, je le saluai avec le respect dû à ses années et à son extérieur.

447. (1869) Cours familier de littérature. XXVIII « CLXVIe entretien. Biographie de Voltaire »

Un abbé de cour, d’une société lettrée et licencieuse, qui avait brigué autrefois les préférences de la belle trésorière, qui était resté l’ami de la famille et qui était le parrain du jeune homme, dirigea ou égara plutôt ses premiers pas dans le monde. […] Son père s’en alarma, il s’en plaignit à l’abbé de Châteauneuf : l’abbé, pour apaiser la famille, envoya le jeune Voltaire en Hollande, en le recommandant comme une espérance de la diplomatie à son frère le marquis de Châteauneuf, ambassadeur de France à la Haye. […] M. de Châteauneuf renvoya le jeune homme à sa famille ; il partit en jurant fidélité et protection à celle qu’il avait involontairement compromise. […] Un des amis de la famille, M. de Caumartin, lui donna asile dans le château de Saint-Ange, aux environs de la forêt de Fontainebleau ; il y conçut dans la solitude le plan d’un poëme épique, la Henriade. […] Il y appela de Genève et des villes voisines des familles d’ouvriers horlogers, auxquels il fournit libéralement des maisons, des capitaux, des matières premières, pour exercer leur industrie sous ses auspices.

448. (1911) La morale de l’ironie « Chapitre III. Les immoralités de la morale » pp. 81-134

La morale d’un médecin peut contredire celle de l’homme politique, la morale du père de famille n’est pas toujours d’accord avec celle du citoyen. […] La famille, les amis, la patrie, l’école, l’église, le groupe professionnel, l’état, l’humanité cherchent à nous façonner à leur guise et à nous imposer comme devoir ce qu’ils espèrent de nous. […] L’esprit de corps en offre beaucoup de variétés, l’esprit de famille également et le patriotisme aussi parfois, bien qu’il puisse aussi s’élever très haut. […] La transformation, chez nous, de la famille et du mariage peut servir d’exemple pour vérifier ce qui précède. […] Et l’on ne peut dire encore où aboutira cette transformation qui part de la famille de la cité antique et semble actuellement se diriger vers l’amour libre et la socialisation de l’enfant.

449. (1908) Dix années de roman français. Revue des deux mondes pp. 159-190

Paul Bourget et son école, se préoccupe avant tout de la lutte entre le passé et le présent, des conflits qui surgissent entre l’idéal d’hier et celui de demain, de la bataille engagée entre les intérêts individuels et les intérêts familiaux, des vicissitudes que traverse l’idée de famille, — par la crise du mariage, par la déchéance de l’autorité paternelle, — et, enfin, des haines de classes. […] Son premier principe est celui de la prédominance de l’idée de famille sur l’idée d’individu. […] Bourget ait songé à ramener de force et en bloc l’ancien régime avec ses divisions inexorables, et à empêcher, par principe, les migrations de classe exceptionnelles et justifiées ; il a simplement voulu montrer combien étaient salutaires les coutumes qui, dans la vieille société française, préservaient les familles des désordres que nous y voyons généralisés aujourd’hui. […] Le vrai bien-être pour la famille, tel est donc le premier article du credo social de M.  […] Il s’est plongé dans le passé lui aussi ; il a exploré ce sol de la Savoie où sa famille a vécu longtemps.

450. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre VIII : Hybridité »

Lorsque le pollen d’une plante est placé sur le stigmate d’une autre plante de famille distincte, son action est aussi nulle que pourrait l’être celle d’une égale quantité de poussière anorganique. […] Cela ressort évidemment du fait que jamais on n’a vu obtenir d’hybrides entre des espèces rangées par nos classifications en des familles distinctes ; tandis que des espèces très proche-alliées peuvent, en général, être croisées aisément. […] On peut trouver dans la même famille un genre, tel que les Dianthus, dont beaucoup d’espèces croisent très aisément, et un autre genre, tel que les Silènes, dont les efforts les plus persévérants n’ont jamais pu obtenir un seul hybride, même entre les espèces les plus semblables. […] Mais les affinités systématiques ont ici, comme à l’égard des croisements, une tout autre importance ; car nul n’a jamais pu greffer l’un sur l’autre deux arbres appartenant à des familles distinctes ; tandis que des espèces proche-alliées, et les variétés de la même espèce, se prêtent ordinairement, mais non pas invariablement à la greffe. […] Quoique beaucoup de genres distincts dans la même famille aient été greffés l’un sur l’autre, en d’autres cas des espèces du même genre se refusent à une semblable opération.

451. (1855) Louis David, son école et son temps. Souvenirs pp. -447

L’aisance dont jouissait la famille d’Étienne engagea cependant ses parents à lui faire suivre le cours des études classiques. […] Mais cette tolérance s’explique par un seul fait : les artistes, leur famille et leurs élèves y étaient logés gratis. […] Cette histoire de la famille Horace lui plaisait. […] Il a encore chez lui la modeste table ronde autour de laquelle sa famille se rassemblait. […] La sainte égalité plane sur la terre, et d’une immense population fait une seule famille.

452. (1922) Gustave Flaubert

Cette vie de famille des Flaubert fut toujours unie et affectueuse, mais un peu lourde et triste. […] Avec la famille Chevalier-Mignot, la grande famille littéraire de Gustave fut celle des Le Poittevin. […] On voyageait avec la sœur du docteur et un abbé, ce qui, même pour une famille déiste, était une manière de garantie. […] Il est alors marié, père de famille. […] Avec ses quatre enfants, la famille Homais est devenue probablement une grande famille de la Seine-Inférieure, et il y eut des moments où il ne s’y donnait pas un bureau de tabac sans sa permission.

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