/ 2203
355. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre III. Les grands artistes classiques — Chapitre I. Les mondains : La Rochefoucauld, Retz, Madame de Sévigné »

Ensuite nous regarderons, dans Boileau, les grandes théories d’art qui nous expliquent les créations de l’éloquence et de la poésie classiques, dans ce qu’elles ont de propre à l’égard de l’œuvre des autres siècles, et dans ce qu’elles ont entre elles de commun. […] En deux mots, il définit un homme, par sa propriété essentielle ; ou bien il développe tous les replis, fait valoir toutes les nuances, explique tous les rouages avec une clairvoyance qui devient à l’égard de ses ennemis la plus exquise perfidie. […] Les lettres : Sévigné et Maintenon Les recueils de lettres353 sont plus nombreux encore que les Mémoires, et peut-être encore plus agréables : cette richesse et cette perfection s’expliquent aisément par la vie de société qui fait du commerce des esprits une des nécessités de l’existence, et qui, les affinant, leur impose de n’offrir à autrui que le meilleur d’eux-mêmes. […] Graecitatis (1688) ; Baluze (1630-1718), bibliothécaire de Colbert : Regum Francorum Capitularia (1677) ; Luc d’Achery (1609-1685) : Veterum aliquot scriptorum… spicilegium (165-1677) ; Luc d’Achery et Mabillon, Acta sanctorum ordinis Sancti Benedicti (1668-1701) ; Mabillon (1652-1707) : De re diplomatica libri VI (1682) ; Traité des études monastiques (1691) contre l’abbé de Ranéc ; Ruynart (1657-1709) : Acta primorum martyrum sincera et selecta (1689) ; Montfaucon (1655-1741) : l’Antiquité expliquée (1719) ; Paleographie graeca (1708) ; Monuments de la monarchie française (1729-1733), etc. — À consulter : E. de Broglie, Mabillon et la Société de l’abbaye de Saint-Germain des Prés, Paris, 1888, 2 vol. in-8 ; B. de Montfaucon et les Bernardins, Paris, 1891, 2 vol. in-8.

356. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre vi »

Et puis, le même jour, virilement, il expliquait ses sentiments dans une autre lettre adressée à son ami M.  […] Dans les moments difficiles, quand le geste d’autorité tout sec ne donnerait rien de bon, je m’adresse à la plus forte tête, je lui explique mon idée sur le terrain : C’est là le point le plus important, et je n’ai plus de tête à y mettre ; choisis tes meilleurs camarades, ceux que tu voudras, et vas-y ; d’heure en heure, tu m’enverras un des tiens pour me rendre compte, et tu tiendras. […] A ce degré, une opinion politique est une foi. « Il a joué son salut, nous dit Paul Desjardins, sur une promesse unique : savoir, que la vraie vie spirituelle qui seule explique le monde et contente l’homme, est fille, non des loisirs élégants comme les sociétés aristocratiques l’ont cru, mais du normal labeur ». Pour notre part, nous pensons que la plus haute pensée, celle qui explique le monde, est fille du laboratoire scientifique et de l’oratoire religieux, et pour sauver la civilisation complète nous défendons à la fois le Collège de France et les petites églises de village.

357. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre III. »

Il est une belle manière de concevoir la naissance de la poésie lyrique : c’est de l’associer à la création même de la nature intelligente, c’est d’en faire la première voix de l’homme, jeté adulte dans le monde par un miracle sans lequel ne peut s’expliquer le miracle même du commencement des choses. […] C’est à la science des antiquités orientales de pénétrer dans ce problème encore peu avancé, même depuis que cette science nous a donné la traduction des grandes épopées de l’Inde, monument qui, s’il a précédé les poëmes homériques, ne saurait en expliquer ni en diminuer la grandeur originale. […] L’ardeur de la passion ne s’explique pas plus que le principe de la vie ; elle meurt de même, avant d’être saisie par le scalpel qui la cherche. […] Humainement parlant, on ne peut expliquer d’autre sorte ces écoles perpétuées dans Israël, ces prophètes, voix du peuple et conseils du souverain, accusateurs publics de toute violence et de toute fraude, hérauts et messagers, scellant de leur sang la vérité de leurs reproches et de leurs prédictions.

358. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Sénac de Meilhan. — I. » pp. 91-108

Le prince de Montbarrey, qui était alors directeur au même ministère, explique dans ses Mémoires comment cette place nouvelle fut créée par le ministre à l’effet de l’amoindrir ; car on le craignait comme opposé aux réformes : M. de Saint-Germain, dit-il, fit choix pour cette place de M.  […] M. de Meilhan, sans trop s’expliquer, paraissait avoir un secret sûr pour cela. […] On peut appliquer à M. de Meilhan ce que lui-même a dit quelque part de La Rochefoucauld et de ce besoin de tout expliquer par l’amour-propre : M. de La Rochefoucauld est peut-être un peu suspect ; il est comme ces médecins qui, dans toutes les maladies, voient celle qu’ils ont le plus particulièrement étudiée ; mais enfin il a des traits de lumière qui pénètrent jusqu’au fond du cœur, et je lui dois en partie de me connaître.

359. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Sylvain Bailly. — I. » pp. 343-360

Dans le volume où sont renfermés plusieurs morceaux de ce genre, je ne trouve de vraiment digne de lui que la notice sur l’abbé de La Caille, juste tribut du disciple envers un maître, et l’Éloge de Leibniz, couronné par l’Académie de Berlin en 1768 : il y explique avec étendue et facilité ce génie universel et souverainement conciliateur de Leibniz, le moins ressemblant de tous (dans ces hauteurs) à celui de Pascal, lequel au contraire se plaît à opposer en tout point les deux rivages, à les tailler à pic, et à creuser l’abîme qui les sépare. […] Bailly s’en expliqua par lettre auprès de Voltaire, lequel répliqua à son tour et résista par toutes les raisons que le bon sens trouve au premier abord, et que le sien rendait si piquantes et si gaies ; il répugnait à admettre que l’âge d’or des sciences, et de l’astronomie en particulier, eût été se loger d’emblée en Sibérie : J’ose toujours, monsieur, vous demander grâce pour les brachmanes. […] Après avoir plus ou moins établi qu’il se rencontre chez les anciens peuples connus de l’Asie des ressemblances d’idées, d’institutions, et particulièrement de notions ou mesures astronomiques qui sont d’une singularité frappante, Bailly se demande d’où peut provenir une telle similitude, et il ne voit pour l’expliquer qu’un de ces trois moyens : ou une communication libre et facile de ces anciens peuples entre eux ; ou une invention spontanée et directe, dérivant essentiellement de la nature humaine en chacun, ou enfin une origine, une parenté supérieure et commune à tous : et il discute ces trois suppositions.

360. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Histoire du Consulat et de l’Empire, par M. Thiers. (Tome XII) » pp. 157-172

Les vicissitudes et les haltes sanglantes de la retraite sont rendues vivantes par la curiosité et le soin de l’historien à expliquer les détails des moindres actions militaires. […] Il veut savoir, il veut s’expliquer le mouvement des choses humaines, mais se l’expliquer d’une manière si particulière, si précise, si appropriée à chaque ordre de faits et à chaque branche d’affaires, que cette seule connaissance, pourvu qu’on y atteigne, lui paraît constituer la condition fondamentale, l’essence même de l’histoire ; il appelle cela l’intelligence.

361. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Sainte-Hélène, par M. Thiers »

Et ses compagnons d’exil, l’entendant s’expliquer avec ce feu, cette netteté, cette éloquence, lui disaient : « Sire, écrivez comme César, soyez vous-même l’historien de votre histoire. » Il s’y refusait d’abord : le désespoir, sous cette forme tranquille, était en lui trop profond. […] Il expliquait en moraliste consommé les défections dont il avait été l’objet et s’en rendait compte par des intérêts, des vues, des illusions qui rendaient les hommes moins haïssables et moins coupables : « Ils ne m’ont point trahi », disait-il, « ils m’ont abandonné, et c’est bien différent. » — « Les traîtres, répétait-il encore, sont plus rares que vous ne le croyez. […] Ce n’est pas celle des philosophes proprement dits, qui analysent la machine humaine, la démontent, la décomposent, se donnent le plaisir de la regarder en dedans et en dessous, de l’expliquer tant bien que mal, et puis n’en font rien.

362. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Entretiens sur l’architecture par M. Viollet-Le-Duc »

Viollet-Le-Duc qui ne sont pas trop spéciaux, j’ai pensé qu’il y avait lieu de profiter d’une circonstance qui le met tout d’un coup en vue et en contact avec le public pour expliquer à ceux qui le connaissent moins, quel il est, et l’ordre d’idées qu’il représente dans l’art, dans l’histoire et l’érudition littéraire. […] Prenant pour exemple, sur l’Acropole même d’Athènes, l’Erechtheïum, « ce groupe de trois temples ou salles dont deux se commandent, avec trois portiques à des niveaux différents », se replaçant en idée dans ce bel âge de la Grèce, il suppose que le monument terminé, au moment où l’échafaud disparaît et où l’effet d’ensemble se révèle, un mécontent, un critique sort de la foule et accuse publiquement l’architecte d’avoir violé les règles au gré de sa fantaisie ; et l’artiste alors, heureux d’avoir à s’expliquer devant un peuple véritablement artiste et qui saura le comprendre, réfute agréablement son contradicteur, non sans flatter un peu son auditoire : « Celui qui vient de parler si légèrement, Athéniens, est probablement un étranger, puisqu’il est nécessaire de lui expliquer les principes d’un art dans l’exercice duquel vous dépassez les autres peuples.

/ 2203