Il rencontre bientôt une troisième vérité également évidente, et qui découle de la seconde : c’est l’existence de certaines idées qui ne sont le résultat ni des impressions organiques de notre esprit, ni des déductions de l’expérience, mais qui sortent naturellement de l’âme. […] C’est trop peu, pour cette intelligence sublime, de l’évidence relative des vérités de l’expérience ; il lui faut l’évidence absolue des vérités de la raison. […] Toutefois l’emploi discret que fait Descartes des vérités d’expérience, pour nous rendre plus sensibles les vérités métaphysiques, et nous aider à monter le degré quand il est trop haut, répand sur ses écrits je ne sais quel agrément qui ajoutait à leur influence littéraire. […] Montaigne se plaît dans les vérités d’expérience, les dissemblances individuelles, les contradictions, les fluctuations de l’homme, les particularités et les bigarrures des opinions, des gouvernements, des polices, de la morale ; il cherche à son aise des faits vrais plutôt qu’il ne poursuit la vérité elle-même, pour y trouver une croyance et une règle. […] Il serait puéril d’ôter à Gassendi, pour la donner à Descartes, la gloire des premières impressions que reçut le génie de Molière ; mais il est vrai de dire que tous les deux y ont eu part, Gassendi par son attachement même pour les vérités d’expérience, qui sont le fond de la comédie ; Descartes par sa méthode, qui donnait, pour tous les genres d’ouvrages, les règles de l’art, c’est-à-dire de l’expression durable.
Les recherches profondes, les discussions savantes, les observations justes & lumineuses, l’exposition de quantité d’expériences curieuses, les instructions méthodiques, répandues dans ses Ecrits, font juger combien le Recueil en seroit préférable à l’Encyclopédie, si, pour la partie des Sciences & des Arts qu’il n’a point traités, il eût trouvé des Coopérateurs aussi zélés, aussi intelligens, aussi laborieux que lui.
L’expérience de la scène a été, en effet, terrible à l’adaptation de M. […] Ernst reproche d’aller chercher à Bayreuth « quelle dose de demi-vérité et d’émotion moyenne, un compositeur pourrait offrir sans trop de risques au public parisien » a, dans Manon, appliqué avec bonheur le procédé wagnérien de l’union intime de la musique et de la parole, et même tenté une expérience assez délicate pour déterminer les limites où l’une finit et où l’autre commence. […] L’expérience constate facilement cette double oscillation : d’abord, l’obscurité nous gêne peu à peu, et ne pouvant supporter de « voir » là où tout se dérobe à notre vue, nous fermons les yeux instinctivement, c’est-à-dire que nous fuyons une cécité imposée, pour nous réfugier dans une cécité voulue, naturelle, connue. […] Cette condition est manifestement cherchée, et le but est parfaitement atteint, comme chacun a pu en faire l’expérience.
Qui sait même si, comme le croyait Platon et comme un darwiniste serait porté à le soutenir, nous n’avons pas parfois des réminiscences d’une expérience antérieure à notre naissance, et conséquemment ancestrale ? On déterminera peut-être un jour, dit James Sully, ce que l’expérience de nos ancêtres est au juste capable de nous fournir, si ce sont des tendances mentales vagues, ou des représentations presque définies. […] Mais, tant que nous ne posséderons pas de documents précis sur ces points, il semble plus sage de rapporter les souvenirs nuageux qui hantent parfois l’esprit à des faits rentrant dans l’expérience personnelle de l’individu. […] Par elle, l’expérience, c’est-à-dire une adaptation d’ordre supérieur a été possible pour l’animal… Il est vraisemblable que la conscience s’est produite comme toute autre manifestation vitale, d’abord sous une forme rudimentaire et, en apparence, sans grande efficacité.
sans doute il traînera toujours derrière soi des lambeaux du vieil homme ; il ne sera jamais un Vincent de Paul ; ses expériences d’« altruisme » ont échoué, et ses tentatives pour « croire » n’ont point mieux réussi. […] Le don ou le pouvoir de vivre sur cet acte de foi implicite, je crois qu’il peut être développé ou diminué par l’éducation ou par l’expérience, mais que rien ne peut le communiquer aux créatures manquées qui ne l’apportent pas en naissant ou qui n’en ont pas, du moins, un petit germe, et qu’ainsi il y aura longtemps encore, dans le grand œuvre, un énorme déchet de forces inemployées ou nuisibles, mais que tout de même le grand œuvre se fera … Amen.
II Et encore, un Gros-Jean, c’est bien gros ; c’est Jean-Jean peut-être qu’il faudrait dire, car il y a quelque chose de mince, de naïf, — de conscrit, enfin, — dans l’idée, vieillotte à force d’être jeune, après tant et tant d’expériences, que le juste milieu gouvernemental et parlementaire, le juste milieu des choses et des hommes exactement pratiqué, est pour notre pays l’idéal du gouvernement moderne. […] Les partis extrêmes n’appartiennent pas au premier sermonnaire politique venu comme Thureau-Dangin, et ce n’est pas l’expérience du passé, qui, du reste, ne sert jamais à rien, qui les empêchera d’être ce qu’ils sont ou ce qu’ils ont toujours été, imbécilles ou sublimes, mais obtus !
» Mais la vocation, mais le génie, le génie seul, — car il n’est pas comme son ennemi et son vis-à-vis dans la gloire, qui eut, lui, le génie et la volonté, la bonne part, et qui s’appelait Bonaparte, — le génie seul, qui est d’un jet sans aucune pièce de rapport, dans Nelson, et qui l’avait fait amiral au ventre de sa mère, l’emporta sur les prédictions de la force, de l’expérience et du métier ! […] Ont-ils compris la spontanéité de ce génie qui n’eut guère qu’une manœuvre en tout, — couper la ligne de l’ennemi au risque de se faire écraser, — mais qui n’avait besoin d’aucune autre pour être le roi de la mer ; qui pouvait se passer de tout, de réflexion, d’expérience et de science, et n’en pas moins être ce qu’il fut, parce qu’il avait le plus brave, le plus pur et le plus puissant du génie militaire, qui est d’aller, même contre toute raison, toujours en avant !
et qui s’appelait Bonaparte, — le génie seul, qui est d’un jet, sans aucune pièce de rapport, dans Nelson, et qui l’avait fait amiral au ventre de sa mère, l’emporta sur les prédictions de la force, de l’expérience et du métier ! […] Ont-ils compris la spontanéité de ce génie qui n’eut guère qu’une manœuvre en tout, — couper la ligne de l’ennemi au risque de se faire écraser, — mais qui n’avait besoin d’aucune autre pour être le roi de la mer, qui pouvait se passer de tout : de réflexion, d’expérience et de science, et n’en pas moins être ce qu’il fut, parce qu’il avait le plus brave, le plus pur et le plus puissant du génie militaire, qui est d’aller, même contre toute raison, toujours en avant !