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619. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Joseph de Maistre »

Pour nous, nous n’essayerons pas de le mêler plus qu’il ne convient à ces querelles, qu’il surmonte de toute la hauteur de sa venue précoce et de son génie. […] Si vous êtes catholiques, essayez un peu de jeter à la poste une lettre adressée à Sa Sainteté, le Pape, à Rome, vous verrez si elle arrivera. […] Entre une Rome à laquelle on ne croit plus qu’assez difficilement, et une Providence philosophique qui n’est guère qu’un mot vague pour les discours d’apparat, bien des esprits inquiets et sincères se réfugient dans une sorte de religion de la nature et de l’ordre absolu, qui a déjà essayé plusieurs costumes en ces derniers temps. […] Claude Têtu va essayer de répondre dans ce qui suit à cette dernière opinion si spécieuse. […] C’est dans le Ve qu’il avait commencé à accoster Bacon, à lui porter tant de piquantes atteintes : « Bacon fut un baromètre qui annonça le beau temps, et, parce qu’il l’annonçait, on crut qu’il l’avait fait. » Et lorsque, ne voulant pas de lui pour soleil, il essaie de se rabattre à une aurore  : « Et même, ajoute-t-il, on pourrait y trouver de l’exagération, car lorsque Bacon se leva, il était au moins dix heures du matin. » Une telle escarmouche aurait paru à tout autre un combat, mais, pour de Maistre, c’était peloter en attendant partie.

620. (1923) Critique et conférences (Œuvres posthumes II)

Libre à d’autres d’essayer plus. […] Barbey d’Aurevilly a bien osé qualifier Leconte de Lisle de « jeune littérateur français qui essaie de petites inventions ou de petits renouvellements littéraires, et provoque le succès comme il peut. » — Leconte de Lisle est une des victimes de M.  […] — a très bien, très subtilement mis au jour, suivant son immanquable habitude, ce que j’essaie de manifester là, moi tard venu en l’occurrence, quand il écrivait de Roger Marx pris dans l’ensemble de ses travaux : « C’est un artiste doux et clairvoyant qui s’orne chaque jour ». […] D’autant plus qu’il sait où et quand ce livre, où j’ai essayé de mettre toute mon âme et que la totalité des compétents a considéré comme tel, fut pleuré, souffert ! […] S’en suit-il que l’auteur des Fleurs du Mal, fidèle, comme il le dit, à son douloureux programme et forcé, de par son titre même, à des logiques heureusement presque inaccessibles, y ait même essayé ?

621. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre I. Les origines. — Chapitre I. Les Saxons. » pp. 3-71

. —  Il n’arrêta point l’essor de l’épée, en sorte que, sur sa tête,  — le glaive chanta bien haut — une âpre chanson de guerre. » Mais voyant que ni le tranchant ni la pointe n’entamaient la chair, il la tordit de ses bras et l’abattit par terre, pendant qu’elle, « de son couteau large au tranchant brun », essayait de percer la chemise d’acier qui le couvrait. […] Cent cinquante ans après la conquête, l’importation du christianisme et le commencement d’assiette acquise par la société qui se pacifiait, firent germer une sorte de littérature, et l’on vit paraître Bède le Vénérable, plus tard Alcuin, Jean Érigène et quelques autres, commentateurs, traducteurs, précepteurs de barbares, qui essayaient non d’inventer, mais de compiler, de trier ou d’expliquer dans la grande encyclopédie grecque et latine ce qui pouvait convenir aux hommes de leur temps. […] Au-delà de l’Humber, je pense qu’il n’y en avait guère ; il y en avait si peu, qu’en vérité je ne me rappelle pas un seul homme qui en fût capable, au sud de la Tamise, quand je pris le royaume. » Il essaya, comme Charlemagne, d’instruire ses sujets, et mit en saxon à leur usage plusieurs livres, surtout des livres moraux, entre autres la Consolation de Boëce ; mais cette traduction même témoigne de la barbarie des auditeurs. […] Alors il pensa qu’il pourrait aller trouver les dieux de l’enfer, et essayer de les adoucir avec sa harpe, et les prier de lui rendre sa femme. » Voilà comme on parle quand on veut faire entrer une pensée bégayante. […] En vain les grands esprits de ce temps essayent de s’accrocher aux débris de la belle civilisation antique, et de se soulever au-dessus de la tumultueuse et fangeuse ignorance où les autres clapotent ; ils se soulèvent presque seuls, et, eux morts, les autres se renfoncent dans leur bourbe.

622. (1898) Émile Zola devant les jeunes (articles de La Plume) pp. 106-203

En réalité, Zola s’est surtout attaché à un groupe très restreint d’idées générales, à deux ou trois vérités nouvelles, tout au plus, qui ont été acquises récemment par nos physiologistes et nos sociologues, et dont il essaye l’application dans les sciences morales et esthétiques. […] En écrivant la Comédie humaine, rongé par la fièvre qui toujours le dévora, Balzac essayait surtout de guérir sa haine, sa répulsion pour les hommes, en sculptant de hideuses figures et en peignant l’enfer des âmes. […] quelle idée restreinte vous faites-vous donc de la Justice, ou bien quelle équivoque essayez-vous de créer en nos esprits ? […] Vous tous dont les clameurs essaient maintenant de soulever un peuple en faveur d’un homme, avez-vous seulement à ce moment-là tenté d’émouvoir un seul homme en faveur de tout un peuple ! […] Mais un paysan ouvrant un sillon de labour dans l’aurore, un semeur, le bras levé vers le ciel, un pâtre dressé sur la lande immense et nue, un cavalier domptant un étalon libre, ont, en soi, assez de beauté, assez de vie, pour que nous essayions de les fixer sans les déformer, sans les exagérer encore.

623. (1881) La parole intérieure. Essai de psychologie descriptive « Chapitre II. La parole intérieure comparée à la parole interieure »

Voir par exemple la nouvelle de 1927 « La robe neuve » où l’héroïne essaie de conjurer son malaise et son sentiment d’infériorité dans une soirée mondaine, La Mort de la phalène, Seuil, Points, p. 166-167 : « Nous ressemblons tous à des mouches qui essayent de franchir le rebord de la soucoupe, se dit Mabel, elle se répétait cette phrase comme elle se serait signée, comme si elle essayait de trouver un charme qui annulât cette douleur, qui rendît supportable cette souffrance aiguë. […] ‘Des mouches qui s’essaient à ramper’, redisait-elle. »] 133. […] On remarquera que, dans tout le cours de cette étude, nous employons le mot extériorité et les mots de la même famille, comme externer, etc., pour désigner une tout autre idée que celle de l’étendue : externer = aliéner, déclarer non-moi ; extérieur = aliéné par le moi, étranger au moi, ou cru tel ; extériorité remplace les barbarismes non-moi-ité, atién-ité, étranger-ité ; on voit que la langue française ne nous fournissait aucune famille de mots préférable, pour énoncer cet ordre d’idées, à celle que nous avons adoptée en désespoir de cause ; les termes aliéner et étranger sont excellents, mais isolés dans la langue, et ne suffiraient pas à un exposé doctrinal suivi. — L’inconvénient des mots externer, etc., vient de leur origine ; ils ont reçu leur sens actuel de l’association même que nous essayons de dissoudre, et, bien que la philosophie les emploie surtout (dans les locutions comme perception externe) pour désigner la non-moi-ité, ils gardent encore, même chez les philosophes, quelque chose de leur sens primitif ; ce sont des métaphores, des mots à sens mixte, et, par suite, équivoques ; ils signifient, dans leur acception usuelle, le non-moi spatial, et non pas le non-moi, abstraction faite de la spatialité.

624. (1903) Articles de la Revue bleue (1903) pp. 175-627

Pendant qu’emporté par le vent ton corps dévorera les distances, de ton âme s’élèveront, pour essayer d’escalader le ciel, les vagues de passions gigantesques. […] Je voudrais donc essayer ici de condenser aujourd’hui en un article l’essentiel de ce que nous devons savoir sur les rapports qui unissent la vie psychique, son rythme et la poésie, c’est-à-dire sur le mystère même de la création poétique dans l’âme du poète. Un peu plus tard j’essayerai de montrer de même comment l’œuvre se réalise, et quels sont actuellement les divers modes d’expression possibles de la poésie française. […] J’ai essayé d’indiquer récemment8 comment pouvait se présenter au regard d’une critique affirmative le problème de la création poétique dans l’âme même du poète. […] Ce qu’il a créé, n’essayons pas de le mettre en poussière.

625. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE RÉMUSAT » pp. 458-491

On essayait d’un commencement de cour. […] Quelquefois elles essaient de se parer encore des apparences de cette innocence qui leur a valu tant de succès. […] L’art léger avec lequel l’habile patron essaye de lui en inoculer l’idée, l’espèce de négligence qu’il met à lui en apprendre, comme par hasard, la nouvelle courante ; le premier mouvement d’Alphonse qui regimbe, qui va s’indigner, et qui pourtant, peu à peu gagné par l’esprit de son rôle, s’y soumet presque : ce sont là des points savamment touchés.

626. (1895) Histoire de la littérature française « Seconde partie. Du moyen âge à la Renaissance — Livre I. Décomposition du Moyen âge — Chapitre II. Le quinzième siècle (1420-1515) »

Mais sa prose française est d’un homme qui a vécu avec les anciens : dans ces cadres118 qu’il emprunte encore un peu trop volontiers au goût du moyen âge, dans ces visions pédantesquement allégoriques où ratiocinent interminablement de sèches abstractions, le détail du style, le moule de la phrase viennent de Cicéron et de Suétone : surtout Chartier imite Sénèque, et s’essaie, parfois avec bonheur, à en retrouver la brièveté nerveuse et le trait119. […] Pas de grandes machines, ni de vastes compositions : quand il s’y essaie, il ennuie, mais il n’essaie pas souvent.

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