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362. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Joubert » pp. 185-199

mais sans la robe flottante, sans le cap Sunium, sans Socrate derrière et au-dessus de lui dans la nuée d’or, comme un dieu dans une apothéose, sa coupe de ciguë à la main ; Platon, enfin, sans tout cet éloignement dans l’azur éblouissant de l’Histoire grecque, qui grandit tout, qui colore tout et nous fait belles jusqu’à ses erreurs ! […] « On imite la force, — dit-il, — la gravité, la véhémence, la légèreté même, non la délicatesse et la finesse. » Erreur de son amour pour elles !

363. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « L’Angleterre depuis l’avènement de Jacques II »

Si, d’un côté, les opinions connues de Macaulay, devenu, grâce à sa plume, un homme politique important et un ministre d’État, disaient assez nettement d’après quelles tendances et dans quel système cette histoire d’Angleterre serait conçue et réalisée, d’un autre, les articles de la Revue d’Édimbourg, qui avaient commencé et fixé la réputation de l’auteur, et dont quelques-uns sont des chefs-d’œuvre, ne disaient pas avec moins d’autorité qu’à part ces opinions premières qui pèsent sur tout ce qu’on écrit et y impriment la marque de leur vérité ou de leur erreur relatives, qu’à part enfin le joug des partis si dur à secouer dans les pays fortement classés, il y aurait, du moins, dans l’histoire écrite par une telle main, le talent, mûri par les années et par l’étude, de l’homme qui avait tracé des pages si animées et si réfléchies en même temps sur Warren Hastings, lord Burghley et le comte de Chatham ! […] Nous avons rencontré et pleinement reconnu dans cette histoire le whig des premiers jours, devenu plus que jamais l’homme de la cause ; le whig avec ses préoccupations, ses passions, ses erreurs, et, pourquoi ne le dirions-nous pas ?

364. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XIII. M. Nicolardot. Ménage et Finances de Voltaire » pp. 297-310

Nous pensons trop que de ce siècle, qui n’est pas jugé, puisqu’on le loue encore, tout est radicalement mauvais, — mauvais par l’erreur de l’esprit, par le vice du cœur et même par les contre-sens de la gloire, pour ne pas accueillir avec applaudissement un livre qui fait la preuve, souveraine et multiple, de la perversité de doctrine, de mœurs et de renommée de ce siècle déperdition. […] Dans le livre d’une si effroyable accusation d’improbité et de lésinerie qu’il lance aujourd’hui contre Voltaire, chaque fait, trié par l’examen, porte l’indication des sources où il a été puisé, et, si l’auteur se trompe, on pourra du moins compulser ses erreurs et la Critique est avertie.

365. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « M. le vicomte de Meaux » pp. 117-133

Tolérant ou toléré, du reste, la tolérance est si chère à M. de Meaux, que dans cette furieuse et religieuse histoire du xvie  siècle, où il s’agit de la Vérité absolue pour ceux qui y croient contre l’Erreur absolue pour ceux qui n’y croient pas, il s’est volontairement détourné des faits immenses et terribles de la Monarchie française déchirée dans sa Tradition et dans l’esprit de sa Constitution, et des hommes de ce temps qui furent parfois également sublimes dans le bien et dans le mal, pour ne voir uniquement que ce petit résultat exquis de la tolérance distillée de la fatigue et de l’indifférence des âmes, et qui lui paraît, à ce grand pharmacien historique, le cordial qui doit réconforter les peuples vieillis et les empêcher de mourir ! […] Mais le moyen de voir de la tolérance dans cette charité armée, qui ne pactisa pas une seule fois avec l’erreur et qui ne cessa jamais de la réprimer et de la punir !

366. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Lamennais »

Resté un enfant dans la vie, comme, du reste, cette promptitude à la colère le prouve bien, car il n’y a d’hommes forts que les sangs-froids ou les sangs-froidis, — à qui le monde appartient, disait Machiavel, — resté un enfant, comme un poète de métaphysique, par l’esprit, et un prêtre par le cœur et les habitudes (les prêtres sont toujours des enfants quand ils sont descendus de l’autel), Lamennais n’avait pas grand goût pour la réalité qui le blessait souvent, qui le faisait bondir de souffrance, cette sauvage hermine de Bretagne, et il s’en détournait, se retirant violemment en lui-même, les yeux retournés en dedans et attachés sur une idée, — une idée qui fut la vérité pendant une moitié de sa vie et une erreur pendant l’autre moitié, — mais qui, dans tous les temps, a suffi aux ardeurs et aux aspirations de cette âme désintéressée ! […] Quel que soit le jugement qu’on doive prononcer sur la conduite de Lamennais dans sa rupture avec l’Église, et ce jugement, nous pensons que l’Histoire le fera sévère, la Correspondance n’en entraînera pas moins ces deux erreurs contemporaines sur sa personne.

367. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « III. Donoso Cortès »

Ce que le comte de Maistre et le vicomte de Bonald firent contre les erreurs de leur temps, le marquis de Valdegamas l’a fait contre les erreurs du sien, et il l’a fait avec des qualités tout à la fois semblables aux leurs et différentes… L’un (le comte de Maistre) était un grand esprit intuitif, l’autre (le vicomte de Bonald) un grand esprit d’enchaînement.

368. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XVI. Buffon »

Flourens, qui voudrait couvrir de sa tête tout entière, comme on couvre de sa poitrine celui qu’on aime, les erreurs de Buffon, ces erreurs qui sont souvent grandioses, — « et j’aime mieux, à tout prendre, une conjecture qui élève mon esprit qu’un fait exact qui le laisse à terre… J’appellerai toujours grande la pensée qui me fait penser. »« C’est là le génie de Buffon, ajoute-t-il encore, et le secret de son pouvoir, c’est qu’il a une force qui se communique, c’est qu’il ose et qu’il inspire à son lecteur quelque chose de sa hardiesse. » Et pourtant, est-ce que les paroles de M. 

369. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Lacordaire. Conférences de Notre-Dame de Paris » pp. 313-328

Il faut bien le dire : l’art pour l’art, ce déplorable et faux système (l’art ne devant jamais être que le glorieux serviteur de la vérité), trouve une application trop fréquente dans notre pays quand il s’agit de l’éloquence, Par une faiblesse commune aux plus mâles esprits, tous ou presque tous nous allons nous asseoir, avec l’espérance d’une grande sensation ou d’une puissante ivresse, devant l’homme qui ne représente souvent pour nous que l’erreur ou que le sophisme, et nous écoutons comme un bois mélodieux et sonore une créature vivante qui abuse artistement de la parole, au lieu de l’écouter comme un pur instrument de la Vérité qui devrait faire palpiter dans nos cœurs l’amour que nous avons pour elle. […] Les Conférences de Notre-Dame de Paris sont un magnifique traité de dogme et de morale dressé contre la philosophie du xixe  siècle, et répondant à ses erreurs.

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