En quel tems précisément ces théatres magnifiques, et dont la grandeur avoit donné lieu à mettre dans la représentation des pieces dramatiques tous les rafinemens dont nous avons parlé, furent-ils abandonnez ?
On verra que l’application de ma méthode à la poésie épique s’accorde par sa conformité avec les formules analytiques que j’ai appliquées à la poésie dramatique. […] Si quelques-uns de mes auditeurs se souviennent de mes développements des deux genres dramatiques, ils sont convaincus de cette vérité. […] Une dramatique éloquence nécessaire au dialogue ? […] Tel qui fournira, comme Sophocle ou Racine, la carrière de trois ou cinq actes dramatiques, ne fournira pas, comme Homère ou Virgile, celle de douze ou vingt-quatre chants. […] Du respect de cette règle dépendent l’arrangement dramatique de la fable, et la diversité des scènes qu’elle expose.
J’y parle de l’artifice de la conduite, des confidens, des monologues ; et j’y examine les conditions d’un bon dialogue par rapport au poëme dramatique. […] On a destiné au poëme dramatique les vers alexandrins comme plus voisins de la prose ; et on l’a fait dans le même esprit que les grecs et les latins avoient choisi le vers ïamble pour le theatre. […] Je passe à présent à une considération plus essentielle, et qui ne sauroit être trop présente aux auteurs dramatiques. […] L’opinion établie de la superiorité de Corneille sur tous les auteurs dramatiques, n’est pas le fruit de chacune de ses piéces en particulier ; c’est le tribut légitime du mérite surprenant répandu dans tous ses ouvrages ; et c’est au génie consideré en son entier, et non pas séparément, à aucune de ses productions, qu’est dû le prix de la poësie dramatique. […] Voici enfin un dernier fruit de l’usage que je voudrois établir ; c’est de multiplier le nombre des auteurs dramatiques, en les dispensant d’un talent que bien des gens d’esprit n’ont pas.
Hélène est le développement dramatique et lyrique de la légende bien connue qui explique l’expédition des tribus guerrières de l’Hellade contre la ville sainte d’Ilos. […] En lui, le romancier, le moraliste et l’écrivain dramatique n’ont guère été que les échos affaiblis du poète, plus rapprochés de la foule, très remarquables sans doute, mais que je n’ai point à examiner. […] L’éclat du style et l’éloquence lyrique des personnages semblaient aux adversaires du Poète l’unique mérite et à la fois le défaut fondamental de ces œuvres si pleines pourtant de situations dramatiques. […] Cette langue si neuve, si riche et si précise, ces figures, ces péripéties dramatiques, ces noms ne sortiront plus de notre mémoire ; la vision du Poète est devenu la nôtre. […] De telles œuvres, messieurs, toujours lues et toujours admirées, quelque permises que soient certaines réserves respectueuses, consolent, s’il est possible, de l’épidémie qui sévit de nos jours sur une portion de notre littérature et contamine les dernières années d’un siècle qui s’ouvrait avec tant d’éclat et proclamait si ardemment son amour du beau ; alors que d’illustres poètes, d’éloquents et profonds romanciers, de puissants auteurs dramatiques, auxquels je ne saurais oublier de rendre l’hommage qui leur est dû, secondaient l’activité glorieuse de Victor Hugo.
Quatre époques importantes font la manière et le sujet des quatre volumes que l’on publie, et dans lesquels tous les genres de poésie sont représentés, excepté la poésie dramatique. […] Toute cette histoire suprême de Bégon, partant de son château, sur la marche de Gascogne, où lui, homme du Nord, il s’ennuie, et s’arrachant de sa belle et riante famille pour s’en aller mourir dans une forêt, près de Valenciennes, au pied d’un tremble, de la main d’un misérable archer, est d’une haute fierté et d’un effet des plus dramatiques. […] On n’a pas eu, dans ce recueil, à s’occuper du théâtre et de la poésie dramatique, sans quoi c’eût été, au XVe siècle, la branche de poésie à laquelle il eût fallu le plus emprunter.
Il n’est pas seulement pittoresque, il est dramatique : il a le don de nous intéresser aux actions, toute tendresse et sympathie mises à part, par cette anxiété et suspension d’attente que nous cause toujours la vue d’une action qui se fait sous nos yeux. […] Tel autre sermon est une vision, tel autre un conte dévot : ailleurs, et plus heureusement, les arguments prennent vie, et le sermon se développe en un dialogue dramatique. […] Il y a encore de la gaucherie, de l’inégalité dans sa démarche : mais il suffit de lire dans son unique plaidoyer la vive et dramatique narration de la procession des écoliers bousculés par les gens du sire de Savoisy, pour reconnaître qu’en nommant Cicéron, il indique son maître et son modèle.
L’action dramatique reproduisit les exploits de l’action guerrière. […] La corde de l’ode frappée par la main d’Eschyle, rend toutes les notes de terreur et de pitié, d’émotions et de gradations qui composent la lyre dramatique. […] Cette règle dramatique sortant de la raison politique, était inviolable ; Eschyle tourna l’obstacle par un mouvement inspiré.
D’abord, vous vous êtes débarrassé en maître de la plus pénible des corvées, celle de parler de soi… Ensuite, digne ami d’Horace, vous avez décomposé l’art dramatique avec une profondeur qui m’a fait frémir pour l’intéressant Collin ; mais bientôt le peintre habile, en ne ménageant aux curieux que le jour favorable à son modèle, a glissé adroitement sur la sévérité de l’ancienne école pour ne nous peindre que le brillant de la nouvelle. […] Daru alors en Allemagne, en Westphalie (août 1808), et lui apprenant que « les bons Parisiens sont menacés de quatre grandes, comédies en vers », d’Andrieux (Les Deux Vieillards), de Picard (Les Capitulations), de Lemercier (Le Faux Bonhomme), et de lui-même Duval qui se met à lui citer des vers de son Aventurière, et qui regrette de ne le pouvoir consulter plus en détail : « Je me rappelle vos observations sur Le Tyran domestique, ajoute-t-il ; elles m’ont contrarié sans doute, mais j’en ai profité. » D’un caractère à part dans ce groupe des amis d’alors ; ombrageux, jaloux, très sensible à la critique, mais doué d’une certaine force de conception dramatique et de la faculté d’intéresser, Alexandre Duval, Breton de naissance, se pliait malaisément au ton de la petite société des dimanches ; il dépassait un peu par sa chaleur et sa poussée d’imagination l’ordre de critiques de style et d’observations de détail si goûtées d’Andrieux et de ses dociles émules.