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425. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section III. Des ressources qu’on trouve en soi. — Chapitre III. De l’étude. »

Ces travaux suspendent l’action de l’âme, dérobent le temps, ils font vivre sans souffrir ; l’existence est un bien dont on ne cesse pas de jouir ; mais l’instant qui succède au travail, rend plus doux le sentiment de la vie, et dans la succession de la fatigue et du repos, la peine morale trouve peu de place. […] Quelles que soient les opinions que l’on professe, personne ne peut nier qu’il est doux de croire à l’immortalité de l’âme ; et lorsqu’on s’abandonne à la pensée, qu’on parcourt avec elle les conceptions les plus métaphysiques, elle embrasse l’univers, et transporte la vie bien loin au-delà de l’espace matériel que nous occupons.

426. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre V. Indices et germes d’un art nouveau — Chapitre I. Bernardin de Saint-Pierre »

L’originalité de B. de Saint-Pierre Ceux qui se figurent Bernardin de Saint-Pierre595 d’après ses oeuvres, se le représentent comme un suave bonhomme, au sourire angélique, à l’œil humide, les mains toujours ouvertes pour bénir : c’était un nerveux, inquiet, chagrin, pétri de fierté et d’amour-propre, ambitieux, aventureux, toujours mécontent du présent, et toujours ravi dans l’avenir qui le dégoûtait en se réalisant, un solliciteur aigre, que le bienfait n’a jamais satisfait, mais a souvent humilié, un égoïste sentimental, qui aimait la nature, les oiseaux, les fleurs, et qui a sacrifié à ses aises, à ses goûts, les vies entières des deux honnêtes et douces femmes qu’il épousa successivement : il accepta ces dévouements béatement, sereinement, comme choses dues, sans un mouvement de reconnaissance, sans même les apercevoir. […] Ce ne sont pas deux caractères, ce sont deux noms, quelques sentiments élémentaires, simples, larges, plus rêvés qu’observés, quelques attitudes gracieuses ou touchantes ; c’est un doux et triste songe d’amour pur, par lequel l’humanité se repose des réalités rudes.

427. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — V — Vigny, Alfred de (1797-1863) »

Ce profil si doux, si arrêté pourtant, si pur, — ces yeux innocents et braves, cette longue et angélique chevelure blonde, allaient bien au gentilhomme, au guerrier qui fut de notre race, et qui jetait son manteau de comte sur le corps débile et nu des poètes morts à l’hôpital. […] L’occasion est bonne à la critique pour revenir une fois encore sur l’auteur de Moïse , d’Éloa, de la Maison du Berger, de la Mort du Loup et de la Colère de Samson, — poèmes d’une beauté inaltérée, et qui brillent, sous notre ciel littéraire d’aujourd’hui, avec une douce clarté de lointaines étoiles.

428. (1898) Le vers libre (préface de L’Archipel en fleurs) pp. 7-20

III Je voudrais rencontrer une brute, un être primitif et sensitif frissonnant aux frissons de la forêt, rêveur à cause du murmure des roseaux frôlés par le vent aux rives des fleuves, illuminé d’un doux rire puéril aux querelles des oiseaux, heureux par la pureté du soleil qui se lève et surtout épris, sans le savoir, de quelque Ève apparue un soir de printemps, au lointain bleu d’une allée, enfuie depuis, Dieu sait vers quels saules. […] Ils sont doux et bénins ; ils fondent en larmes sur eux-mêmes et sur autrui ; ils maudissent la pensée.

429. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXXV » pp. 402-412

Comment le croire aussi éclairé et aussi élevé qu’il était piquant, lorsqu’on la voit confondre les empressements du roi voluptueux, au moment d’un retour après une longue absence, avec un de ces retours de tendresse et d’affection qui attestent les douces et vives sympathies des âmes délicates et des intelligences élevées ? […] Et supposons madame de Maintenon, malgré des alternatives fréquentes de dégoûts et de contentements, suivant que madame de Montespan exerçait de douces ou de malignes influences sur le roi, marchant néanmoins d’un pas lent, égal et ferme vers son but, qui était la considération du public par celle du roi, celle du roi par celle du public ; et vers un but plus éloigné qui se laissait entrevoir dans les nuages.

430. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — R. — article » pp. 8-23

Par cette heureuse facilité d’animer tout ce qu’il dit, par l’heureux talent de parler intimement au cœur, de l’attendrir, de lui faire éprouver, par des charmes aussi doux que puissans, tous les mouvemens des passions, il s’est rendu maître de la Scène tragique, en maniant, avec une supériorité sans égale, le plus intéressant de ses ressorts, la pitié. […] Que ces reproches soient fondés ou non, on ne pourra se dispenser d’avouer que l’amour, trop souvent introduit dans ses Tragédies, en fait languir l’intérêt aux yeux des Spectateurs, qui préferent le plaisir d’être émus par l’impétuosité des grandes passions, à celui d’être attendris par des passions plus douces.

431. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « L’insurrection normande en 1793 »

Il n’échappa au lieu commun de la mort du temps qu’en s’engageant dans la marine, et l’ironie qui gouverne le monde fit du professeur de beau langage, du doux Ionien de la rhétorique que nous avons connu, un matelot à bord du Brûle-Gueule… Je n’oserai jamais dire un rude matelot ! […] Le mouvement fut digne de ceux qui l’avaient inspiré ou qui le fomentèrent, de ces principaux chefs de la Gironde, proscrits du « déplorable 31 mai », comme dit Vaultier, collégiens réussis qui furent des politiques manqués, et qui, le doux Vaultier lui-même l’affirme, n’ont compris ni les hommes, ni les événements, ni le jeu des intérêts sociaux : rien que cela !

432. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XIII. Éloges donnés aux empereurs, depuis Auguste jusqu’à Trajan. »

Dans les églogues, déjà l’assassin est un dieu ; dans les Géorgiques, les astres se rangent humblement pour lui faire place, et lui demandent quelle est celle qu’il voudra bien occuper parmi eux ; et l’Énéide, comme on sait, n’est, d’un bout à l’autre, qu’un monument que la servitude éleva, par la main du génie, à la famille des Césars ; Virgile avait l’âme plus tendre qu’élevée, et plus douce que forte. […] Humain et bienfaisant envers tous les hommes, je ne doute point qu’il n’ait déjà employé les plus fortes consolations pour guérir votre blessure et charmer vos douleurs : mais quand il n’en aurait rien fait, voir Claude, ou penser seulement à lui, c’est déjà une consolation bien douce.

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