/ 2207
2030. (1864) Histoire anecdotique de l’ancien théâtre en France. Tome I pp. 3-343

Il est vrai de dire que l’amoureux Ligdamon s’y prend d’une façon singulière pour se faire adorer, voilà sa déclaration à la bergère : Lorsque le temps vengeur, qui vole diligent, Changera ton poil d’or en des filons d’argent, Que l’humide et le chaud manquant à ta poitrine, Accroupie au foyer t’arrêteront chagrine ; Que ton front plus ridé que Neptune en courroux, Que tes yeux enfoncés n’auront plus rien de doux, Et que, si dedans eux quelque splendeur éclate, Elle prendra son être en leur bord d’écarlate ; Que tes lèvres d’ébène et tes dents de charbon, N’auront plus rien de beau, ne sentiront plus bon ; Que ta taille si droite et si bien ajustée, Se verra comme un temple en arcade voûtée ; Que tes jambes seront grêles comme roseau ; Que tes bras deviendront ainsi que des fuseaux ; Que dents, teint et cheveux restant sur la toilette, Tu ne mettras au lit qu’un décharné squelette ; Alors, certes, alors, plus laide qu’un démon, Il te ressouviendra du pauvre Ligdamon. […] Cette histoire fut réduite en Farce imprimée, laquelle fut jouée un soir devant le roi Charles IX, moi y étant. » Voici le singulier titre d’une farce représentée en 1558 : les Femmes Salées, en un acte, en vers, à cinq personnages, par un anonyme, jouée par les Enfants Sans Souci, imprimée en caractères gothiques, ou discours facétieux des hommes qui font saler leurs femmes à cause qu’elles sont trop douces. […] Le cardinal ne prit pas le change, déclara qu’il n’avait pas assez de temps à vivre pour voir la fin de Clovis, que le tracas des affaires exigeait qu’il prît des distractions, que les représentations théâtrales de bonnes pièces en vers étaient ses plus douces distractions, que Desmarets étant né poëte et homme d’esprit, Desmarets lui devait son talent et ses veilles. […] On connaît les vers de l’épître sur la calomnie, de Voltaire : Ô dur Boileau, dont la muse sévère, Au doux Quinault envia l’art de plaire.

2031. (1904) En lisant Nietzsche pp. 1-362

Il fut, sinon pénétré, du moins touché de ce romantisme allemand, si différent du nôtre, par quoi je ne veux dire ni qu’il soit meilleur ni qu’il soit pire, qui est fait surtout de sensibilité et d’attendrissement, de Gemüthlichkeit, de mélancolie rêveuse, douce et pitoyable, et dans lequel la sensibilité l’emporte de beaucoup sur l’imagination. […] Est-ce que le progrès dont notre âge se vante ne serait pas celui du sable mouvant ou de la vase montant, d’un mouvement insensible et doux, de nos jambes à notre ceinture et de notre ceinture à nos épaules ? […] Elle l’énerve en le replongeant dans une douce quiétude aussitôt qu’il a payé ce tribut ridicule à l’humanité. […] Il veut que l’État soit un brave homme pacifique, doux, timide, bienfaisant faible. […] Je ne connais rien sur la terre qui soit plus joyeux que le spéciale de vieux ânes et de vieilles filles qu’agite le doux sentiment de la vertu, et « j’ai vu cela », comme parlait Zarathoustra.

2032. (1837) Lettres sur les écrivains français pp. -167

Henri Berthoud, dont la physionomie douce et distinguée me plaisait infiniment, un grand bruit se fit au-dessus de notre tête ; mon auteur d’un acte de vaudeville me dit que c’était la loge des lions qui prenait ses ébats. […] Il n’a pas de barbe, mais de beaux yeux bleus, fort doux. […] La princesse Belgiojosos, qui était présente, s’empara d’un instant de silence général, pour rappeler à Méry que, pendant leur rencontre à Florence, deux ans auparavant, ils passaient souvent des soirées, qui, prolongées fort tard, se terminaient toujours par un conte de revenant, commencé à cette même heure de minuit par le poète, et qui, toutes les lumières éteintes, aux douces lueurs de la nuit d’Italie, répandait dans l’auditoire des terreurs dont le souvenir la charmait et l’émouvait encore, elle, la belle et jeune femme. — Eh bien !

2033. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre IV. Que la critique doit être écrite avec zèle, et par des hommes de talent » pp. 136-215

Le Times, c’est la montagne en travail ; elle mugit, elle rugit, elle se démène, elle n’accouche guère, pendant que le journal français va droit son chemin et tient le monde attentif, grâce à l’art d’écrire, qui est aussi répandu à Paris que la musique à Milan, la statuaire à Carrare, les eaux des fontaines à Rome, la neige à Moscou, la fumée à Manchester, le fracas des marteaux à Saint-Étienne, la peinture au Louvre, le bruit aux écoles, la gaieté chez les jeunes, l’avarice au vieillard, la douce odeur des roses naissantes dans les jardins fleuris de l’Été ! […] C’est que, pour suivre jusqu’à la fin ce héros vagabond, Molière a pris tout simplement la plus douce, la plus allante et la plus capricieuse des montures. […] Dona Elvire, en habit de campagne, lui a fait de sombres menaces, la mer a voulu l’engloutir, deux jolies filles de la campagne, deux alouettes au doux plumage qu’il avait prises à la glue, Charlotte et Mathurine, ont échappé à l’ardent amoureux ; il s’en va dans la campagne cherchant l’odeur de la chair fraîche, lorsqu’il fait la rencontre de ce vieillard.

2034. (1856) Le réalisme : discussions esthétiques pp. 3-105

Il est du domaine de toute œuvre sérieuse de ne pas attirer l’attention par des retentissements inutiles : une douce symphonie de Haydn, intime et domestique, vivra encore, qu’on parlera avec dérision des nombreuses trompettes de M.  […] Il sait dessiner, ses Lutteurs en font foi, et, quant à la couleur, sa gamme, ordinairement douce et tranquille, a beaucoup de solidité. […] Vous n’en trouverez pas un, sans en excepter l’idiot, dont le masque abêti et stupide s’illumine par intervalles12 d’une clarté mélancoliquement nostalgique, d’un attrait si doux et si pénétrant.

2035. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Werther. Correspondance de Goethe et de Kestner, traduite par M. L. Poley » pp. 289-315

Puis, les années s’écoulant et la mort achevant d’épurer et de consacrer les souvenirs, le quatrième de ses douze enfants à qui elle avait transmis plus particulièrement sans doute une étincelle de son imagination et de sa douce flamme, s’aperçut qu’après tout il y avait là, mêlé à de l’affection véritable, un de ces rayons immortels de l’art que le devoir permettait ou disait de dégager, que c’était un titre de noblesse domestique, même pour son père, de l’avoir emporté sur Goethe, et que de la connaissance plus intime des personnes il allait rejaillir sur les plus modestes un reflet touchant de la meilleure gloire.

2036. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Sismondi. Fragments de son journal et correspondance. »

Quelqu’un qui l’a connu me le dépeint ainsi : il était court de taille, assez gros, brun, l’air doux et affectueux ; bon, enjoué, sans ironie : on sentait en lui sa race italienne.

2037. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Chateaubriand — Chateaubriand, Mémoires »

Le premier voyage à Paris, en compagnie de mademoiselle Rose, marchande de modes, qui méprise fort son vis-à-vis silencieux ; l’entrevue avec le cousin Moreau, qui n’est pas le grand général, avec madame de Châtenay, cette femme de douce accortise ; l’amour de garnison au profit de Lamartinière, la présentation à Versailles, la journée de la chasse et des carrosses, tous ces riens plus ou moins légers du monde extérieur sont emportés avec une verve de pur et facile esprit à laquelle le sérieux poëte ne s’était jamais nulle part aussi excellemment livré.

/ 2207