Ce qu’il faut dire d’abord, c’est que ce qu’on appelle les Œuvres de Mme Swetchine, ce ne sont pas précisément des œuvres ni des écrits destinés par elle au public. […] Et sans sortir de mon sujet, je me contenterai de dire avec Mme de Lambert : « Il vient un temps dans la vie qui est consacré à la vérité, qui est destiné à connaître les choses selon leur juste valeur. » Or, ce n’est pas apprécier les choses à leur juste valeur que de se grossir démesurément le soleil couchant. […] Son énergie sa volonté et la destinée difficile qu’elle ne s’était point choisie tinrent longtemps ce caractère en forme et à la gêne, avant qu’il nous apparût tout fait, tout cimenté et dans sa pleine consistance.
Mme de Prie entre à tous moments dans ses appartements pour voir ce qu’elle fait, et elle n’est maîtresse d’aucune grâce. » Or, un matin, la reine trouva sur sa table un papier d’une fort belle écriture, et elle y lut, sous ce titre d’Instruction de Mme de Prie à la reine de France et de Navarre, les mauvais vers suivants qui parodiaient le discours d’Arnolphe à Agnès avec la gaieté de moins : Marie, écoutez-moi : laissez là le rosaire, Et regardez en moi votre ange tutélaire, Moi qui suis de Bourbon l’amante et le conseil, Moi qu’il chérit autant et plus que son bon œil52 : Notre roi vous épouse, et cent fois la journée Vous devez bénir l’heur de votre destinée, Contempler la bassesse où vous avez été, Et du prince qui m’aime admirer la bonté ; Qui de l’état obscur de simple demoiselle, Sur le trône des Lys par mon choix vous appelle. […] On était sûr d’ailleurs du désintéressement de celle qu’on destinait à devenir favorite, et de son éloignement pour tout projet sérieux d’ambition. Ce ne fut pas sans peine qu’on parvint à établir une familiarité complète entre un prince excessivement timide et une femme à laquelle sa naissance du moins imposait quelques bienséances… Tout le monde sait quelles suites elle eut, quel empire le goût pour les femmes exerça sur Louis XV ; combien la variété lui devint nécessaire, et combien peu la délicatesse et toutes les jouissances des âmes sensibles entrèrent dans ses amusements multipliés. » Ce qu’on vient de lire est exact, presque à la lettre ; cette reine, dont la destinée de loin paraît celle d’une femme délaissée, donna en effet au roi, avant l’éclat des désordres, jusqu’à dix enfants : deux garçons seulement, dont un seul vécut ; tout le reste n’était que des filles, et Louis XV avait fini par ne plus compter sur autre chose avec la reine : il semblait voir dans cette monotonie l’image de leurs froides amours.
De fait, la princesse royale Josèphe était sa nièce ; la placer si près du trône de France où elle se verrait destinée à monter un jour, c’était, pour lui, rendre un service éclatant à sa maison ; c’était en même temps assurer, s’il en eût été besoin, la grandeur de son propre avenir. […] Je trouve cette affaire avantageuse de tout point pour votre maison, et je descendrai sans regret au ténébreux empire, après l’avoir vue terminée ; j’aurai rempli ma carrière : j’ai joui des délices de ce monde ; la gloire me comble de ses bienfaits ; il ne me restait plus qu’à vous être utile, et toute ma destinée aura été remplie d’une manière bien satisfaisante. […] Elle a toujours été mon inclination, et il y a longtemps que je lui destine la couronne de France, qui est un morceau assez beau ; et le prince qui la portera un jour est beau aussi (??).
Lamennais, Affaires de Rome «… Je regarde donc et je désire qu’on regarde ce court écrit comme destiné à clore la série de ceux que j’ai publiés depuis vingt-cinq ans. J’ai désormais des devoirs plus simples et plus clairs ; le reste de ma vie sera, je l’espère, consacré à les remplir, selon la mesure de mes forces… Qu’on ne s’y trompe pas, le monde a changé : il est las des querelles dogmatiques. » Telle est la déclaration formelle que M. de La Mennais exprime aux dernières pages de ce livre ; les termes seuls dans lesquels elle est conçue montrent assez que, si le nouvel écrit est destiné à clore la série de ceux que l’auteur a publiés à partir des Réflexions sur l’État de l’Église, datant de 1808, il ne leur ressemble ni par les principes ni par le ton, et que, sinon pour le sujet et la matière, du moins dans les pensées et les conclusions, il se rattache déjà à cette série d’écrits futurs que nous promet l’illustre auteur. […] Immuablement fixées par le Très-Haut, ses destinées s’accompliront malgré les hommes, malgré les haines, les fureurs, les persécutions, et les portes de l’enfer ne prévaudront point contre elle ; » — ou bien quand il écrivait, en 1826, à la fin de la Religion considérée, etc. : « S’il est dans les desseins de Dieu que ce monde renaisse, alors voici ce qui arrivera.
L’histoire de M. de La Mennais est plus ou moins celle de chacun, de nos jours : ce qu’il résume avec fracas, et non sans grandeur, dans ses vicissitudes étonnantes, est assez bien le type auquel se rapportent nombre de destinées. […] Ce banquet est destiné précisément à fêter la vieille race, la tribu, la famille, la langue distincte, le contraire, en un mot, des dîners de l’ancienne Revue encyclopédique sous M. […] La sagacité du critique se trouvait liée à leurs destinées de poëtes fidèles et d’écrivains révérés ; le meilleur de nos fonds était embarqué à bord de leurs renommées, et l’on se sent périr pour sa grande part dans leur naufrage.
Et, si telle est la vie, qu’est-ce que l’humanité qui en est un si mince fragment Tel est l’homme dans la nature, un atome, un éphémère ; n’oublions pas cela dans les systèmes que nous faisons sur son origine, sur son importance, sur sa destinée. […] Avant notre histoire, quelle longue histoire animale et végétale, quelle succession de flores et de faunes, que de générations d’animaux marins pour former les terrains de sédiment, que de générations de plantes pour former les dépôts de houille, quels changements de climat pour chasser du pôle les grands pachydermes Enfin voici l’homme, le dernier venu, éclos comme un bourgeon terminal à la cime d’un grand arbre antique, pour y végéter pendant quelques saisons, mais destiné comme l’arbre à périr après quelques saisons, lorsque le refroidissement croissant et prévu qui a permis à l’arbre de vivre forcera l’arbre à mourir. […] Les écrivains du dix-huitième siècle renversent ce procédé : c’est de l’homme qu’ils partent, de l’homme observable et de ses alentours à leurs yeux, les conclusions sur l’âme, sur son origine, sur sa destinée, ne doivent venir qu’ensuite, et dépendent tout entières, non de ce que la révélation, mais de ce que l’observation aura fourni.
C’est là que, dans les loisirs d’une vie toute pieuse, toute studieuse, et où les plus nobles amitiés avaient leur part, il composa les deux premiers volumes de l’ouvrage intitulé Esquisse de Rome chrétienne, destiné à faire comprendre à toutes les âmes élevées le sens et l’idée de la Ville éternelle : « La pensée fondamentale de ce livre, dit-il, est de recueillir dans les réalités visibles de Rome chrétienne l’empreinte et, pour ainsi dire, le portrait de son essence spirituelle. » Interprète excellent dans cette voie qu’il s’est choisie, il se met à considérer les monuments, non avec la science sèche de l’antiquaire moderne, non avec l’enthousiasme naïf d’un fidèle du Moyen Âge, mais avec une admiration réfléchie, qui unit la philosophie et la piété : L’étude de Rome dans Rome, dit-il encore, fait pénétrer jusqu’aux sources vives du christianisme. […] Voici quelques vers (car, sans y prétendre, l’abbé Gerbet est poète) qui rendent déjà le premier effet et qui marquent le ton de l’âme ; la pièce est intitulée Le Chant des Catacombes, et elle est destinée, en effet, à être chantée51 : Hier j’ai visité les grandes Catacombes Des temps anciens ; J’ai touché de mon front les immortelles tombes Des vieux chrétiens : Et ni l’astre du jour, ni les célestes sphères, Lettres de feu, Ne m’avaient mieux fait lire en profonds caractères Le nom de Dieu. […] J’ai sous les yeux une jolie petite scène en vers, qu’il destinait, il y a peu de jours, aux jeunes pensionnaires du Sacré-Cœur d’Amiens, et dans laquelle il a passé comme un souffle d’Esther, mais d’une Esther égayée du voisinage de Gresset.
Jules Simon : « La loi que je sollicite aurait donc ce double objet : « 1° D’approuver la proposition faite par l’archevêque de Paris d’ériger sur la colline de Montmartre en un point déterminé après une enquête, un temple destiné à appeler sur la France la protection et la bonté divines ; « 2° D’autoriser l’archevêque à acquérir, tant en son nom qu’au nom de ses successeurs, les « terrains nécessaires, à l’amiable et, s’il y a lieu, par voie d’expropriation, après déclaration d’utilité publique, à la charge par lui de payer le prix d’acquisition des terrains et les frais de construction de l’édifice, avec les ressources mises ou à mettre à sa disposition par la piété des fidèles. » Il est inutile, je pense, de faire remarquer la profonde habileté et la prudence d’expression de cette requête, qui cache, sous son apparente modestie, le piège où allait se prendre l’Assemblée nationale. […] Ce que le prélat demande à l’Assemblée par l’intermédiaire du ministre, nous l’avons vu tout à l’heure : c’est la simple autorisation d’élever une église « destinée à appeler, sur la France, la protection et la bonté divines » ! […] Le pauvre vestige du « Vœu national » que l’on pouvait encore deviner sous la phrase de l’archevêque — « un temple destiné à appeler sur la France la protection et la bonté divines » — a maintenant tout à fait disparu.