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388. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Histoire des Pyrénées »

Cette publication importante, cet âpre travail où les faits tiennent une si grande place, et malheureusement toute la place, ce précis rapide, serré, virilement écrit, d’une, histoire à peu près inconnue, — car l’Espagne et la France, en se pressant l’une sur l’autre dans leurs luttes, l’avaient étouffée, cette histoire de peuples intermédiaires étranglés, écrasés entre les portes des deux pays, — on se demande, quand on la lit ou qu’on l’a lue, au profit de qui ou de quoi la voilà écrite, avec cette science et cette conscience, si ce n’est au profit isolé de l’auteur ? […] n’a pas le droit d’écrire ses mémoires, et, j’en demande bien pardon à Cénac-Moncaut, tout peuple non plus n’a pas droit à l’Histoire, parce que, boue et crachat longtemps pétris dans les mains de la divine Providence, il a vécu, combattu et souffert. […] Le critique est quelquefois comme ce terrible juge qui ne demandait que dix lignes d’un homme pour l’envoyer au supplice, mais souvent, plus heureux et plus doux, pour sauver un écrivain fourvoyé et prévoir son avenir, le critique n’en demande pas davantage.

389. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « La Femme et l’Enfant » pp. 11-26

Frappé de l’état d’oppression et de servage dans lequel la femme et l’enfant ont été tenus jusqu’ici chez tous les peuples de la terre, et là où la civilisation s’est le plus élevée et grandit encore, Jobez, après avoir fait l’histoire de ces deux touchantes Faiblesses, l’enfant et la femme, se demande ce qu’il faudrait pour que l’oppression contre laquelle il s’indigne cessât entièrement, et pour qu’on vît s’ouvrir enfin la période d’affranchissement que doivent également provoquer l’homme d’État et le philosophe ; et il se répond sans hésiter, avec une simplicité légère, que la solution du douloureux problème est tout entière dans l’accroissement de la richesse. […] Malgré les succès actuels d’une philosophie qui mutile l’homme pour le simplifier, les questions morales, en fin de compte, seront toujours les grandes questions, les questions premières ou dernières, et l’homme se prendra dans ses propres efforts comme dans un filet inextricable toutes les fois qu’il méconnaîtra son âme, et qu’il demandera à une autre cause que son âme l’explication et l’amélioration de sa destinée. […] Ainsi, par exemple, un esprit qui aurait voulu voir, dès le début de son travail, jusqu’à quel point il devait aller et s’arrêter, se serait demandé si la Douleur, contre laquelle la sensibilité se révolte avec tant d’énergie, n’a pas sa raison d’être, sa nécessité profonde, et si tout le progrès humain, toute la civilisation du monde, consiste à de plus en plus la diminuer et l’effacer. […] Seulement, nous le demandons à Alphonse Jobez, pourquoi, si cette philosophie est sienne, s’il l’a acceptée après examen, ne l’a-t-il pas hardiment posée au front de son livre, pour qu’elle pût donner à ce livre l’autorité d’un ensemble de vues sans lequel l’Économie politique ne sera jamais rien ?

390. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « IV. M. Henri Martin. Histoire de France » pp. 97-110

Probablement métempsychosiste comme le sont ses maîtres, mais avec discrétion et n’ayant pas besoin de l’être expressément dans une Histoire de France, de manière à troubler le Jean Jeannot de lecteur qui ne demande qu’à grignoter sa petite touffe de thym historique ; ne lâchant le mot « transformation » qu’avec prudence, mais le risquant parfois, comme une petite lumière pour les yeux prévenus et fidèles, qui savent bien ce que veut dire cette petite lueur, M.  […] Martin, qu’il crible méchamment de cette épithète, que par sa calme et ferme érudition, a demandé, dans un livre spécial, à cet éloquent M.  […] Mais franchement, lorsque l’érudition est à cette portée, dans des conditions si abondantes et qui demandent si peu d’efforts pour être saisies, quel mérite a-t-on de raconter ces faits, à peu près exacts, de leur exactitude extérieure ? […] Sa perspective, très réelle, nous le croyons, et très agréable, si on veut, de gagner beaucoup d’argent pour avoir déposé sur le marché une histoire qui était demandée, cette perspective ne nous trouble pas.

391. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Auguste Vacquerie » pp. 73-89

Quand on vient de lire l’incroyable volume d’Auguste Vacquerie, on se demande à quelle classe d’esprits appartient l’auteur de ces pages… amusantes, car elles le sont ; mais à quel prix ? […] car on se demande si, Victor Hugo manquant, Vacquerie aurait existé. […] demande le criminaliste candide. […] Le poète lui demande qui l’allume et dit aux rayons : Vous êtes des ténèbres ! 

392. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Edgar Quinet. L’Enchanteur Merlin »

Mais difficilement me refusera-t-on l’honneur d’avoir abordé les grands sujets, composé de vastes ensembles, suivi le fil des immenses labyrinthes, porté le fardeau des hardies inventions, en un mot, tenté les voies qui demandent non pas un essor pindarique d’un moment, mais une aile infatigable pour parcourir, sans se lasser, le champ de l’épopée. […] À présent que le temps a marché, qu’Ahasverus s’est vidé, racorni et momifié dans sa poussière, à présent que la raison qui juge les œuvres, ou, du moins, s’inquiète de leur vraie et éternelle beauté, a remplacé, dans nos esprits, les entraînements plus sensibles qu’intelligents de nos jeunesses, demandons-nous ce que vaut cet Ahasverus, réveillé, sous le nom de Merlin, de son sommeil d’Épiménide ? Demandons-nous ce que c’est que cette épopée, faite, comme M.  […] Dans cette succession d’événements qui osent tout, — le chimérique et l’absurde, sous prétexte de merveilleux, — on se demande vainement où finit la légende, fruit de l’imagination des poètes ou des chroniqueurs du passé, et où commence l’inspiration du poète moderne et son travail… Quel est le fait ou la combinaison, de quelque nature qu’ils soient, qui, réellement, lui appartiennent ?

393. (1887) Discours et conférences « Discours prononcé à Quimper »

Je vous demanderai tout à l’heure de boire un verre de cet excellent cidre à la santé de Renan le torpilleur. […] Je ne demanderais pour récompense que de recommencer ; je ne me plains que d’une seule chose, c’est d’être vieux dix ans trop tôt. […] J’ai demandé à un de mes confrères du Muséum la vérité sur ce point.

394. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « XI »

« Je ne crois pas, dit-il, qu’on doive demander des leçons de style aux grands écrivains. […] Pélissier ; ce n’était l’avis ni de Chateaubriand, ni de Mme de Staël, ni de Chénier, qui non seulement croyaient qu’on peut demander des leçons aux grands écrivains, mais conseillaient même d’étudier leurs manuscrits. « Je conseillerais, dit Chateaubriand, l’étude des manuscrits originaux des auteurs du grand siècle. […] Buffon consultait Bexon, Gueneau et ses collaborateurs ; il demandait leur avis ; ils refondaient ensemble leur prose ; quant à Chateaubriand, nul ne fut plus docile à la critique.

395. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre quatrième. Du cours que suit l’histoire des nations — Chapitre III. Trois espèces de jurisprudences, d’autorités, de raisons ; corollaires relatifs à la politique et au droit des Romains » pp. 299-308

La jurisprudence humaine ne considère dans les faits que leur conformité avec la justice et la vérité ; sa bienveillance plie les lois à tout ce que demande l’intérêt égal des causes. […] Trois espèces d’autorités La première est divine ; elle ne comporte point d’explications ; comment demander à la Providence compte de ses décrets ? […] Ainsi les faits nous apparaissent tellement séparés de leurs causes, que Bodin, jurisconsulte et politique également distingué, montre tous les caractères de l’aristocratie dans les faits que les historiens rapportent à la prétendue démocratie des premiers siècles de la république. — Que l’on demande à tous ceux qui ont écrit sur l’histoire du Droit romain, pourquoi la jurisprudence antique, dont la base est la loi des douze tables, s’y conforme rigoureusement ; pourquoi la jurisprudence moyenne, celle que réglaient les édits des préteurs, commence à s’adoucir, en continuant toutefois de respecter le même code ; pourquoi enfin la jurisprudence nouvelle, sans égard pour cette loi, eut le courage de ne plus consulter que l’équité naturelle ?

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