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471. (1900) L’état actuel de la critique littéraire française (article de La Nouvelle Revue) pp. 349-362

L’inconscience souriante avec laquelle on voit des gens inconnus et improductifs accepter du jour au lendemain la critique des livres des autres est une des plus curieuses aberrations du cerveau humain, et il est très heureux que l’abus même de cette aberration lui ôte toute importance, sans quoi la communication des auteurs avec les lecteurs serait totalement aux mains d’une centaine de personnes. […] Si, lors du mouvement symboliste, à peine terminé depuis trois ans après avoir occupé douze années, lors de cette confuse aspiration de la jeunesse française vers une réunion de tous les arts sous l’influence de Wagner et de l’internationalisme, un critique de haut sens moral s’était levé pour arrêter les polémiques inutiles et substituer la logique aux dédains des critiques et aux saillies des nouveaux venus, il aurait précisé l’un des plus curieux mouvements intellectuels du siècle, et peut-être développé deux ou trois conséquences fécondes de cette crise pleine d’intentions et de promesses ; il y avait là un rôle considérable et bienfaisant à remplir, le rôle de Heine dans le second romantisme allemand, après Schlegel et Tieck, le rôle de Baudelaire, de Gautier et de Nerval, en 1840, le rôle de Taine dans les débuts du rationalisme, le rôle de William Morris dans les tentatives de socialisation d’art qui suivirent le préraphaélisme, le rôle professoral de César Franck dans l’école symphonique après Wagner ; ce rôle, personne ne se présenta pour le tenir, et si le symbolisme a avorté, s’est restreint à un dilettantisme de chapelle alors qu’il était parti pour une bien plus grande tentative, c’est à cause des obstinées plaisanteries des critiques superficiels, à cause du manque d’intelligence logique dans l’école, autant et plus qu’à cause des défauts eux-mêmes des symbolistes.

472. (1890) L’avenir de la science « XII »

L’attraction du succin n’était aux yeux des anciens physiciens qu’un fait curieux, jusqu’au jour où, autour de ce premier atome, vint se construire toute une science. […] Les recherches relatives aux écritures cunéiformes, qui forment un des objets les plus importants des études orientales dans l’état actuel de la science, offrent un des plus curieux exemples d’études dignes d’être poursuivies avec le plus grand zèle, malgré l’incertitude des résultats auxquels elles amèneront.

473. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. Bain — Chapitre II : L’intelligence »

C’est dans les hémisphères cérébraux que la cohésion des actes associés se produit : deux courants de force nerveuse font jouer deux muscles l’un après l’autre ; ces courants, affluant ensemble au cerveau, forment une fusion partielle, qui, avec le temps, devient une fusion totale : — Ce qui est encore plus curieux que cette fusion des mouvements réels, c’est la fusion des simples idées de mouvements. […] Mais la disposition à passer d’un souvenir, imagination ou idée, à l’action qu’ils représentent, — à produire l’acte et non pas seulement à le penser, — c’est là aussi un principe déterminant dans la conduite humaine. » L’auteur montre combien de faits curieux en psychologie s’expliquent par cette tendance de l’idée à se réaliser : la fascination causée par un précipice, les phénomènes produits par les idées fixes, par le sommeil magnétique, les sensations causées par sympathie.

474. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre XI. Quelques philosophes »

« Le style, dit largement Buffon, n’est que l’ordre et le mouvement qu’on met dans ses pensées. » L’écriture est chose plus petite, plus multiple, uniquement curieuse du détail. […] Le grand homme qui a un style est à l’écrivain curieux d’écriture comme le savant aux larges conceptions est à l’érudit amusé du détail.

475. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Pensées de Pascal. Édition nouvelle avec notes et commentaires, par M. E. Havet. » pp. 523-539

Il est curieux de remarquer que la phrase un peu méprisante de Pascal : « J’admire avec quelle hardiesse, etc. », avait d’abord été imprimée dans la première édition de ses Pensées, et la Bibliothèque nationale possède depuis peu un exemplaire unique, daté de 1669, où on lit textuellement cette phrase (page 150). […] Quelques curieux et quelques érudits continueront d’étudier à fond tout Pascal ; mais le résultat qui paraît aujourd’hui bon et utile pour les esprits simplement sérieux et pour les cœurs droits, le conseil que je viens leur donner d’après une lecture faite dans cette dernière édition des Pensées, c’est de ne pas prétendre trop pénétrer dans le Pascal particulier et janséniste, de se contenter de le deviner par ce côté et de l’entendre en quelques articles essentiels, mais de se tenir avec lui au spectacle de la lutte morale, de l’orage et de cette passion qu’il ressent pour le bien et pour un digne bonheur.

476. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Saint Anselme, par M. de Rémusat. » pp. 362-377

les plus orthodoxes eux-mêmes, et pour attirer tous les curieux d’entre les profanes. […] Quelques lecteurs seront peut-être curieux de savoir quel était ce fameux argument dont Anselme se croyait l’inventeur, et sur lequel il comptait tant.

477. (1936) Réflexions sur la littérature « 6. Cristallisations » pp. 60-71

(Qu’on songe au livre curieux de M.  […] Ce livre et celui de Stendhal se font suite, dans l’ordre du développement philosophique, de façon curieuse, et nous donnent la sensation très nette de ce que la philosophie de la vie a ajouté à la philosophie analytique du XVIIIe siècle.

478. (1896) Le IIe livre des masques. Portraits symbolistes, gloses et documents sur les écrivains d’hier et d’aujourd’hui, les masques…

Bloy ; elles sont curieuses par leur tendance vaine vers l’absolu. […] C’est un esprit très varié, curieux de tout et capable aussi bien d’un conte pittoresque et de tragiques histoires. […] Fontainas est capable de très curieuses virtuosités. […] Le poème le plus curieux, le plus étrange et aussi le plus connu des Soliloques est le Revenant. […] Cette sorte d’histoire n’est pas toute l’histoire, mais c’est peut-être la seule qui puisse intéresser désormais des esprits devenus sceptiques par trop de lectures et plus curieux de comprendre les différences que de ramener à l’unité la diversité des événements.

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