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709. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « La Chine »

… Et malgré la plus excessive bienveillance, peut-on vraiment appeler méthode une enfilade de chapitres qui se suivent, comme les moutons de Dindenaut, et qu’on a cru classés parce qu’on leur a noué à la tête la plate cocarde d’une étiquette ? […] Que de fois nous avons cru la reconnaître dans leur histoire ! […] Et l’on crut un instant qu’il échangerait sa veste de basin et ses bas de soie gris, roulés sur les genoux, dans lesquels nous l’a peint si admirablement le prince de Ligne, contre la robe bigarrée et les babouches historiées du mandarin. […] , je croirai à la divinité de leur religion. […] Il y a déjà quelques années, on publia sur la Chine et sur les Chinois un petit livre, avec des dessins lithographies à deux teintes par Cicéri (je crois), et dont l’auteur était un artiste, un monsieur Auguste Borget, qui, au lieu de voyager à Paris dans les grammaires chinoises, avait pris le parti d’aller voir chez eux les Chinois, assis sur leurs propres tapis, et de leur demander, sans trop de cérémonie, une tasse de thé… Balzac, notre grand romancier, qui aimait la Chine comme un roman à écrire, rendit compte de cet ouvrage dans un journal, — une des lucioles du temps à présent éteinte.

710. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Louis Vian » pp. 373-387

Il a cru que cet avocat allait bien à ce président et ce président à cet avocat, et voilà qu’il s’est mis à plaider sa biographie ! […] Louis Vian, qui croit à Montesquieu plus de génie que moi, a vu l’acuité ; mais a-t-il vu, comme moi, la sécheresse, qui l’explique autant que l’acuité ? […] Elle était dans son esprit au même degré, et c’est là ce qui l’empêcha, quand il crut l’être, d’être poète. […] Je crois que Vian l’a peint quelque part se promenant en carrosse éreinté, attelé de deux rosses, lui qui avait soixante mille livres de rente au beau soleil du Bordelais ! […] … En cette biographie, Louis Vian s’est montré tout ce qu’il pouvait être, excepté avocat, et je ne crois pas qu’il y en ait, en France, une meilleure de Montesquieu ni de personne.

711. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Madame de Sévigné » pp. 243-257

Babou est du Midi, je crois, et voilà qui est diablement chaud, diablement soleil de Narbonne ! Pour ma part, je ne crois pas beaucoup que les yeux bleus, spirituels et taquins de madame de Sévigné éclairassent l’espace autour d’elle. […] Je ne crois point au feu des yeux de madame de Sévigné ; je crois à leur lumière. Je ne crois pas non plus à sa pureté rayonnante, ni même à sa pureté du tout. […] Or, parmi ces femmes vertueuses dont Babou nous a donné les images, il y en a une qui fut une sainte, et qui n’est un sujet d’histoire que dans le livre des Anges, si, comme je le crois, ils suivent du ciel les mouvements de nos âmes et sont, là-haut, nos historiens !

712. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « Michelet » pp. 259-274

Personne, je crois, ne s’est plus occupé que moi de Michelet2. […] et son merveilleux talent ne l’excuserait pas d’avoir cru à Dieu. […] C’est bien moins de leur génie militaire et de leurs hauts faits de bataille dont il se préoccupe que de ces vertus, qu’il croit humaines et qui sont chrétiennes ; car l’Antiquité, qui ne fut qu’humaine, n’a rien produit de comparable à de tels héros ! […] Ses pères croyaient. […] Vous reconnaissez là l’idée philosophique et utopique de tous les abolisseurs d’immortalité, qui veulent la justice absolue dans l’espace et dans le temps et le Paradis sur la terre, parce qu’ils ne croient qu’à la terre.

713. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XVII. Saint-Bonnet »

« On croit éteinte la Révolution, — dit M.  […] Or, de toutes les facultés de l’homme, la plus gauchie, la plus radicalement altérée, c’est précisément celle-là que la philosophie croit avoir le plus développée ; c’est la faculté qui sert à concevoir le vrai, la Raison ! […] nous renverrons ceux qui croient à leurs paroles légères au livre de M.  […] elles ne le sont plus, aux esprits sévères qui croient aujourd’hui la foi et la civilisation perdues, si on ne refait pas l’homme dans son germe, c’est-à-dire dans son existence intellectuelle. […] Mais, selon nous, si les faits cités sont incontestables, nous croyons que le savant jésuite en a tiré de fausses conclusions ; et c’est surtout quand on a lu cette histoire des Études classiques que M. 

714. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XVIII. Lacordaire »

Parmi ces titres peu nombreux et encore plus nombreux qu’aperçus, il a glissé ce livre sur Marie-Madeleine, et s’il ne l’a pas publié pour les besoins de son élection, puisqu’il était nommé quand le livre a paru, on peut cependant très bien croire qu’il l’a publié pour la justifier ou pour en témoigner à qui de droit sa reconnaissance. […] C’est son inclinaison vers le terre-à-terre de toutes choses qui nous emporte en bas, hors du monde des choses saintes et divines, et que le devoir d’un prêtre de la religion surnaturelle de Jésus-Christ n’est pas, je crois, de précipiter. […] disons ce que c’est que le livre qu’il a intitulé Sainte Marie-Madeleine ; disons-le bien vite, ne fût-ce que pour être cru ! […] En ne s’expliquant pas plus qu’il ne le fait sur les sentiments, purement humains, de Notre-Seigneur, l’Évangile, qui est la vérité, et qui devrait être la règle de ceux qui croient qu’il est la vérité, l’Évangile aurait dû arrêter le R.  […] C’est une nouvelle anatomie, mais je ne la crois excellente !

715. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Dargaud »

Seulement, il n’a pas cru que ce fût une mauvaise interruption apportée à des travaux plus vastes et plus sévères, qu’un livre où il est question de l’âme de l’homme, quand même l’homme y dirait ce « Je » que haïssait Pascal. […] Qui l’aurait cru ? […] Contradiction plus commune qu’on ne croit entre la pensée d’un homme et la nature de son génie ! Dargaud nous offre le spectacle d’une de ces anomalies vivantes, partagées entre ce qu’elles croient la vérité dans les choses et la sincérité de leurs facultés. […] Pour ceux qui prennent l’existence au sérieux et qui croient qu’elle a l’importance d’un but immortel, tout est enseignement de mal ou de bien dans la vie.

716. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Edgar Quinet »

Quand on veut donner une notion nouvelle de la Création et du Créateur, quand on croit tenir le secret du monde, la plume et la langue peuvent fourcher. Or, il croit le tenir comme Nadar son ballon, qui lui cassa le nez ! […] Edgar Quinet, auteur d’Ahasvérus, de Napoléon et de Merlin, qui n’a jamais pu être un poète, tout en se crevant comme la grenouille de la fable pour le devenir, a-t-il cru que ce dernier coup de tête, de se faire savant, lui serait une ressource ? […] Je veux vous régaler de cet ineffable galimatias : « Tout le monde — dit Quinet — s’est trompé ici-bas, excepté moi… Les Reptiles ont cru au règne divin des Reptiles, les Mammifères à celui des Mammifères. […] IV Parmi les nombreux romanciers modernes qui forment chaque jour un genre plus formidable, les plus romanciers, c’est-à-dire les plus incroyables, ce sont ces romanciers qui se croient bonnement les historiens de la nature.

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