/ 1968
39. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « La Réforme sociale en France déduite de l’observation comparée des peuples européens, par M. Le Play, Conseiller d’État. »

En voulant déterminer les conditions principales d’une industrie, il en vint à reconnaître que le procédé technique n’était plus que la chose secondaire et que la condition essentielle tenait le plus souvent à un ressort moral, à un sentiment de fixité, de stabilité, d’affection et d’attachement au sol ainsi qu’à l’œuvre collective et à la communauté dont on fait partie. […] Tout, évidemment, n’y était pas mauvais ; les populations inférieures, imprévoyantes par leur nature et leur condition, trouvaient appui et tutelle dans le supérieur, et demeuraient en rapport avec lui à tous les instants et par tous les liens. […] Le Play se tourna dès lors à étudier l’ouvrier sous tous les aspects et dans toutes les conditions de son existence ; il fit ces monographies exactes et complètes qui ne laissent rien à désirer et qui sont d’excellentes esquisses à la plume ; il photographia, selon son expression, des types d’ouvriers et de familles. […] Un seul point inquiétait encore l’observateur : c’était de savoir si la condition des femmes chez ces peuples est aussi inférieure qu’on le dit, et si elles y sont entièrement soumises et subordonnées à l’homme. […] Les Ouvriers européens, Études sur les travaux, la vie domestique et la condition morale des populations ouvrières de l’Europe, précédées d'un exposé de la méthode d’observation , par VI.

40. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Chapitre VI : Règles relatives à l’administration de la preuve »

Si un effet peut dériver de causes différentes, pour savoir ce qui le détermine dans un ensemble de circonstances données, il faudrait que l’expérience se fît dans des conditions d’isolement pratiquement irréalisables, surtout en sociologie. […] D’abord, on peut confronter l’histoire de l’un par celle des autres et voir si, chez chacun d’eux pris à part, le même phénomène évolue dans le temps en fonction des mêmes conditions. […] On aura ainsi une nouvelle série de variations qu’on rapprochera de celles que présente, au même moment et dans chacun de ces pays, la condition présumée. […] C’est, d’ailleurs, la condition de tout progrès. […] Par conséquent, on ne peut expliquer un fait social de quelque complexité qu’à condition d’en suivre le développement intégral à travers toutes les espèces sociales.

41. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre X : De la succession géologique des êtres organisés »

Le résultat final dépend d’abord de la nature des variations et des avantages qu’elles peuvent offrir aux individus chez lesquels elles se produisent sous leurs conditions de vie particulières, ensuite de la plus ou moins grande faculté de croisement, de la raison progressive de multiplication, du changement lent des conditions physiques de la contrée, et surtout des nombres proportionnels et de la nature des autres habitants de cette même contrée avec lesquels l’espèce variable entre en concurrence. […] — Il nous est aisé de comprendre pourquoi une espèce, une fois éteinte, ne saurait reparaître, même dans le cas où les mêmes conditions de vie, organiques ou inorganiques, viendraient à se reproduire de nouveau. […] Cela n’empêche pas qu’elle peut laisser, et laisse en réalité subsister un nombre considérable d’êtres d’une structure simple et peu développée, mais parfaitement adaptés néanmoins à de simples conditions de vie. […] Après avoir comparé le climat actuel de l’Australie et celui des différentes contrées de l’Amérique du Sud sous les mêmes latitudes, il faudrait être bien hardi pour oser, d’une part, rendre compte des dissemblances des habitants de ces deux continents par des dissemblances dans les conditions physiques, et, d’autre part, expliquer par les ressemblances de ces conditions l’uniformité des mûmes types dans chacune de ces régions pendant les dernières périodes tertiaires. […] Il est possible que ce soit un progrès pour l’espèce, ou, pour parler plus exactement, une condition de succès, un avantage dans la concurrence vitale, mais c’est bien certainement une décadence pour les individus.

42. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre deuxième. La connaissance des corps — Chapitre II. La perception extérieure et l’éducation des sens » pp. 123-196

. — Nous situons notre sensation à l’endroit où nous avons coutume de rencontrer sa condition ou cause ordinaire. […] Non seulement elles ont une commune condition organique, la modification de l’œil ouvert, mais encore elles ont chacune une condition extérieure spéciale, la présence en tel point du dehors d’un corps éclairé, condition à laquelle correspond chez elles tel caractère précis et notable, selon que le corps est ici où là. Après avoir constaté, par les tâtonnements de notre main ou la fermeture de nos paupières, leur commune condition organique, nous constatons, par d’autres tâtonnements et par la marche, leurs différentes conditions extérieures. […] La loi qui a fini par susciter en nous l’illusion amène d’ordinaire hors de nous la condition. […] À ce fantôme intérieur et passager qui apparaît comme chose permanente et indépendante correspondent ordinairement, trait pour trait, une Possibilité et une Nécessité permanentes et indépendantes, la possibilité de telles sensations sous telles conditions, la nécessité des mêmes sensations sous les mêmes conditions plus une condition complémentaire.

43. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre I : Variations des espèces à l’état domestique »

Car si l’influence des conditions de vie était immédiate et directe, l’un des petits ou descendants ayant varié, tous auraient varié de la même manière. […] Quand tous ou presque tous les sujets exposés à certaines conditions déterminées sont affectés de la même manière, il semble d’abord que le changement soit directement dû à l’influence de ces mêmes conditions ; mais on peut objecter qu’en bien des cas des circonstances extérieures tout à fait opposées ont produit des changements identiques. […] Si ces conditions lui manquent, il échouera infailliblement. […] Sans ces conditions, rien ne peut se faire. […] Je crois que les conditions de vie, par leur action sur le système reproducteur, sont des causes de variabilité de la plus haute importance.

44. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Satire contre le luxe, à la manière de Perse » pp. 122-126

Mon ami, aimons notre patrie ; aimons nos contemporains ; soumettons-nous à un ordre de choses qui pourrait par hasard être meilleur ou plus mauvais ; jouissons des avantages de notre condition. […] Au moment où une poignée de concussionnaires publics regorgèrent de richesses, habitèrent des palais, firent parade de leur honteuse opulence, toutes les conditions furent confondues ; il s’éleva une émulation funeste, une lutte insensée et cruelle entre tous les ordres de la société. […] Et il en fut ainsi de toutes les autres conditions. On rampa, on s’avilit, on se prostitua dans toutes les conditions. […] La condition la plus heureuse d’un homme, d’un état, a son terme.

45. (1895) De l’idée de loi naturelle dans la science et la philosophie contemporaines pp. 5-143

On peut aussi bien la concevoir comme suite que comme condition du mouvement. […] Or un tel raisonnement n’atteint jamais que le possible, la condition suffisante ou paraissant telle, étant donnés les faits dont on dispose, mais jamais la condition nécessaire. […] Tel est encore son principe des conditions d’existence, en vertu duquel chaque animal possède exactement ce qu’il lui faut pour assurer son existence dans les conditions où il est placé. […] S’il s’agit de l’essence de l’âme, cette condition est irréalisable. […] Qu’est-ce, dans ces conditions, que la doctrine du déterminisme ?

46. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Introduction. Le problème des idées-forces comme fondamental en psychologie. »

Dès lors, non seulement les conditions mentales n’ont aucune efficacité comme facteurs dans les événements du monde physique, mais on aboutit à nier l’influence des conditions mentales sur les événements mentaux. L’espoir déçu n’est plus la réelle condition du chagrin ; le passage à une conclusion n’est plus déterminé par la conception des prémisses. […] En même temps, comme il n’y a point d’état mental sans un état cérébral, comme ces deux états sont deux extraits d’une réalité unique et totale, qui comprend à la fois tous les rapports mécaniques et tous les faits de sensibilité ou de conscience, les conditions de changement interne se trouveront être aussi des conditions de changement externe. […] La distinction des phénomènes internes et des phénomènes externes n’est donc qu’une classification des conditions d’un seul et même phénomène en : 1° conditions représentables dans l’espace par le moyen de la vue et du tact, et 2° conditions non représentables dans l’espace. […] C’est après coup que nous cherchons dans le trouble organique les conditions antécédentes et objectives de notre douleur ; mais penser ces conditions ou même les percevoir, soit nettement, soit confusément, comme objets, ce n’est pas souffrir.

/ 1968