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800. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Monsieur de Bonald, (Article Bonald, dans Les Prophètes du passé, par M. Barbey d’Aurevilly, 1851.) » pp. 427-449

gênez son cœur, contrariez ses sens. […] Il n’a pas, en parlant de Jésus-Christ, cette naïveté et cette tendresse que Pascal avait eue et avait notée comme les signes distinctifs de l’esprit chrétien : il n’a pas les raisons du cœur, celles que le raisonnement ne sait pas. […] On sent dans ces dernières pensées l’homme de la famille, l’époux au cœur antique, l’homme simple et qui retrouvait dans le cercle domestique la bonhomie et l’aménité. […] « Les grandes pensées viennent du cœur », a dit Vauvenargues. […] Votre secret sera dans le cœur d’un honnête homme, et il n’en sortira que lorsque le temps sera venu.

801. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Notice historique sur M. Raynouard, par M. Walckenaer. » pp. 1-22

Mais il était de son pays autrement encore que par l’accent ; il en était par le cœur, par le patriotisme, par les idées. […] Jacob servit sept ans, suivis de sept autres années, afin d’obtenir Rachel, la femme selon son cœur. […] Un esprit sérieux et solide comme le sien, aidé d’un cœur chaud et ardent, ne pouvait rester indifférent au mouvement de 89 : il en embrassa les espérances, n’en répudia que les excès, et en conserva toujours les principes essentiels qu’il se plaisait depuis à confondre, dans son érudition un peu particulière, avec l’héritage des vieilles libertés municipales léguées par les Romains. […] Toutes les faiblesses, toutes les contradictions sont malheureusement dans le cœur des hommes et peuvent offrir des couleurs éminemment tragiques… Puis il critique le jeune Marigni, amoureux sans qu’on connaisse l’objet de son amour et qu’on puisse s’y intéresser, voulant toujours mourir, et un hors-d’œuvre tout à fait inutile à l’action. […] C’en est assez pour prouver que Raynouard, honnête homme et patriote par le cœur, doué de caractère d’ailleurs quand la circonstance l’exigeait, n’était nullement un républicain à la Caton.

802. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Le maréchal Marmont, duc de Raguse. — I. » pp. 1-22

Sa figure commençait à se dessiner pour moi, et je voyais dans le maréchal Marmont un militaire des plus instruits, des plus éclairés, animé du génie de son art, en possédant la philosophie, à la fois plein de flamme et de cœur, et finalement malheureux. […] Voilà le vrai maréchal Marmont dans toute cette jeunesse et cet éclat d’émotion, qui n’abandonna son cœur qu’avec la vie. […] Un violent amour qui le saisit durant ce séjour à Châlons, et qui avait pour objet une jeune dame de la ville, vint mêler ses orages à tous ceux qui fermentaient déjà dans son cœur. […] Il avait fait une grande étude du cœur humain : cette science est d’ailleurs pour ainsi dire l’apanage des peuples demi-barbares, où les familles sont dans un état constant de guerre entre elles, et, à ces titres, tous les Corses la possèdent. […] Il portait dans le combat cette tête haute qu’on lui connaît, la poitrine et le cœur en dehors.

803. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « M. Necker. — II. (Fin.) » pp. 350-370

Ce qu’on peut répondre à Rivarol, c’est que lui-même, quelques années après, éclairé par l’esprit encore plus que par le cœur, il prenait soin de se réfuter en rendant hommage à son tour aux doctrines religieuses et conservatrices. […] Necker, en rentrant dans la politique, conserve toute son honnêteté et sa pudeur première, mais il retrouve sa susceptibilité, sa « fière raison », son « cœur orgueilleux » (c’est lui qui les nomme ainsi), ce dédain qu’il oublie aisément dans une méditation solitaire et tranquille, mais qui se réveille en présence des hommes. […] Dans l’agitation lyrique de son cœur, M.  […] L’État se fût-il abîmé après eux, et en partie par eux, croyez-le bien, ils n’ont jamais fait aucune faute ; ils n’ont pas un reproche à se faire, et, la main sur le cœur et la tête haute devant Dieu, ils le jureraient. […] Il y a dans ces accents et dans ces effusions quelque chose de Louis XVI et de Ducis, de l’homme excellent, mais qui se noie trop dans les propres affections de son cœur pour pouvoir affronter dès demain la tempête et dominer les flots.

804. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Saint-Simon »

… Seulement, soyez étonnés, soyez terrassés d’étonnement, ô vous qui savez ces Mémoires, que tout ce qui lit sait par cœur ! […] « La mienne — ajoute-t-il, Lettre XXV, — (son amitié) vous est consacrée à la mort et à la vie, et mon cœur brûle de l’occasion de vous en convaincre !  […] Pas plus coupable en cela que tous les ambitieux de la terre : — César, Napoléon, Richelieu, qui ont, tous, leur sac d’hypocrisies et de bassesses, et furent à de certains jours assassins de la fierté dans leur propre cœur, c’est-à-dire de ce qu’il y a de plus beau dans le cœur des hommes, — pas plus coupable, mais pas plus grand ! […] En coulant sur leur front, elle n’y mettait que le signe de la royauté, mais elle n’insinuait pas la vertu de la chasteté dans les cœurs. C’étaient des cœurs plus ou moins barbares.

805. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre v »

A-t-il cette tranquillité toujours dans son cœur ? […] J’étais mal à l’aise dans son déterminisme, et puis elle me paraissait vraiment trop sèche et manquer de cœur. […] Leurs domaines imaginaires furent submergés par un flot d’émotion qui leur monta du cœur ; ils se livrèrent, dans le vaste océan, à la commune passion, Où sont les cénacles de la Revue Indépendante, de la Revue Blanche ? […] Enfin, la « revanche » dont ils ont tant parlé, dont leur cœur débordait ! […] Dis-leur à tous, aux frères et sœurs, que jamais peut-être nos cœurs n’ont tant vibré à l’unisson et n’ont communié d’une façon aussi intense.

806. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre XI : M. Jouffroy moraliste »

Le cœur se trouble en l’écoutant, plus que tout autre le cœur imbu de la pensée du salut et des souvenirs du christianisme. […] Il parcourut l’univers, la science et la vie, montrant que tout spectacle, tout événement et toute pensée y ramènent l’homme, qu’elle est l’œuvre, non d’une curiosité tranquille, mais d’un besoin impérieux et âpre, qu’elle n’est point un divertissement de l’esprit, mais la vraie et la première nourriture du cœur. […] Ici la nature même des choses est convaincue de méchanceté ; le cœur de l’homme et toutes les félicités de la vie mis en présence, le cœur de l’homme n’est point satisfait. » De là un découragement profond, un désenchantement incurable, et cette question mélancolique : « Pourquoi suis-je ici ?  […] Et quelle bizarre preuve de l’immortalité que les révoltes de notre cœur ! […] Jouffroy, que quatre-vingt-dix-neuf hommes sur cent se résignent, et qu’au fond, si belles qu’on fasse les vies futures, notre cœur serait insatiable, puisque c’est la perfection qu’il réclame, et qu’à moins d’être Dieu il ne serait pas satisfait !

807. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Louis XIV et le duc de Bourgogne, par M. Michelet »

Il est sensible à nos chansons ; il aime la poésie : elle adoucira son cœur, et le rendra aussi aimable qu’il est fier. » Alors Philomèle continua seule : «  Que ce jeune héros croisse en vertu, comme une fleur que le printemps fait éclore ! […] que la sagesse de Minerve règne dans son cœur !  […] qu’il porte dans son cœur l’audace d’Achille, sans en avoir la férocité ! […] » Puis les deux Oiseaux inspirés reprirent ensemble : « Il aime nos douces chansons ; elles entrent dans son cœur, comme la rosée tombe sur nos gazons brûlés par le soleil. […] que la sagesse se répande de son cœur sur tous les mortels !

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