Dans Eugène de Rothelin, l’auteur n’en est plus à cette donnée à demi personnelle et la plus voisine de son cœur ; ce n’est plus une toute matinale et adolescente peinture où s’échappent d’abord et se fixent vivement sur la toile bien des traits dont on est plein. […] C’est le cri du cœur de bien des mères sous l’Empire, que Mme de Souza, par un retour sur elle-même et sur son fils, n’a pu s’empêcher d’exhaler. […] il n’est pas un des mouvements de leur cœur qui ne fasse battre le vôtre. […] inquiétude qui s’attache au cœur et le déchire ! […] Moraliste des replis du cœur, elle croit peu au grand progrès d’aujourd’hui ; elle serait sévère sur beaucoup de nos jeunes travers bruyants, si son indulgence aimable pouvait être sévère.
Il émane de leurs écrits comme un parfum qui prévient et s’insinue ; la physionomie de l’homme parle d’abord pour l’auteur ; il semble que le regard et le sourire s’en mêlent, et, en les approchant, le cœur se met de la partie sans demander un compte bien exact à la raison. […] Votre cœur, qui se fait sentir au mien, le soulage. […] Un cœur délicat comme le sien en était-il donc à avoir rien à apprendre encore, en fait de dégoûts et d’amertumes ? […] Il n’y a qu’un très petit nombre de vrais amis sur qui je compte, non par intérêt, mais par pure estime ; non pour vouloir tirer aucun parti d’eux, mais pour leur faire justice en ne me défiant point de leur cœur. […] C’est de l’antique ressaisi naturellement et sans effort par un génie moderne, par un cœur chrétien, qui, nourri de la parole homérique, s’en ressouvient en liberté et y puise comme à la source ; mais il la refait et la transforme insensiblement, à mesure qu’il s’en ressouvient.
On ne peut méconnaître, dès le premier chapitre, que l’auteur n’ait voulu faire sortir de sa confession une moralité utile et sévère : il a voulu, ce semble, montrer la plaie hideuse, profonde, longtemps incurable, que laissent au fond du cœur, et sous l’apparence de guérison, la débauche et la connaissance affreuse qu’elle donne de toute chose, et les instincts insatiables et dépravés qu’elle inocule. […] oui, je le dirai hardiment : là où le cœur est bon, la douleur est saine. » Un jour, s’il vient à parler trop gravement à Mme Pierson de son expérience prématurée, elle l’interrompt, et, comme ils étaient au sommet d’une petite colline qui descend dans la vallée, cette femme aimable l’entraîne ; ils se mettent à courir jusqu’au bas de la pente, sans se quitter le bras : « Voyez, dit-elle alors, j’étais fatiguée tout à l’heure, maintenant je ne le suis plus. […] Il y a eu là une substitution subtile, qui rentre dans le défaut de continuité dont j’ai parlé ; le cœur ému du lecteur ne s’y prête pas. […] La manière dont Octave effeuille dans l’âme de Brigitte et dans la sienne cette fleur tout à l’heure si belle, son art cruel d’en offenser chaque tendre racine est à merveille exprimé ; mais si la façon particulière appartient à Octave, cette défaite successive de l’amour, après le triomphe enivrant, n’est-elle pas à peu près l’histoire de tous les cœurs ? […] et n’y a-t-il pas, au contraire, des exemples de jeunes cœurs, qui, après une première corruption non invétérée, se sont sauvés et rachetés par l’amour ?
A quelle école, se demande Casanova, cette jeune fille spirituelle, si ingénue en apparence, si trompeuse et insaisissable, à quelle école avait-elle appris à connaître le cœur humain ? […] tu es aussi le premier amour de mon cœur, et tu seras certainement le dernier. […] je n’en serai pas jalouse ; mais je souffrirai de ne pas lui connaître un cœur tel que le mien. » Et comme ils s’oubliaient dans ces paroles et dans leurs mutuels témoignages, Lucrezia répondit à son ami, qui craignait quelque surprise : « Oh ! […] De toutes les beautés dont Casanova nous entretient dans ces premiers volumes, celle qui est reine évidemment, celle qui lui a laissé la plus profonde empreinte, et pour laquelle il démentirait le plus volontiers sa définition un peu outrageuse de l’amour que, ce n’est qu’une curiosité plus ou moins vive, jointe au penchant que la nature a mis en nous de veiller à la conservation de l’espèce ; cette femme mystérieuse, appelée Henriette, qu’il rencontre la première fois en habit d’officier, et qui se trouve être une noble personne française, ne diffère pas notablement, par le caractère, de dona Lucrezia, ni de tous ces cœurs d’amantes voluptueux, passionnés, non jaloux et capables de séparation. […] Au moment de partir, comme elle avait touché mille louis de son banquier, elle lui mit dans la poche cinq rouleaux de cent louis, faible consolation, a-t-il soin de nous dire, pour mon cœur accablé d’une si cruelle séparation .
Quand vous découvrez une pensée nouvelle, il y a dans la nature une image qui sert à la peindre, et dans le cœur un sentiment qui correspond à cette pensée par des rapports que la réflexion fait découvrir. […] Les expressions abstraites qui ne rappellent en rien les mouvements du cœur de l’homme, et dessèchent son imagination, ne conviennent pas davantage à cette nature universelle dont un beau style doit représenter le sublime ensemble. […] Les principes littéraires qui peuvent s’appliquer à l’art d’écrire, ont été presque tous développés ; mais la connaissance et l’étude du cœur humain doivent ajouter chaque jour au tact sûr et rapide des moyens qui font effet sur les esprits. […] Ce retour vers la Providence ne nous indique-t-il pas qu’aucun ridicule n’est jeté dans ce pays éclairé, ni sur les idées religieuses, ni sur les regrets exprimés avec l’attendrissement du cœur. […] J’oserai dire que mon père est le premier, et jusqu’à présent le plus parfait modèle de l’art d’écrire, pour les hommes publics, de ce talent d’en appeler à l’opinion, de s’aider de son secours pour soutenir le gouvernement, de ranimer dans le cœur des hommes les principes de la morale, puissance dont les magistrats doivent se regarder comme les représentai, puissance qui leur donne seule le droit de demander à la nation des sacrifices.
La vie sensuelle et la vie intellectuelle ont besoin d’être illuminées, réchauffées par la participation du cœur. […] Elle a senti d’abord le besoin d’être aimée ; puis elle a aimé, d’un amour absurde, ridicule, tourmenté ; toutes les sécheresses de son cœur se sont fondues : jamais elle n’a plus vécu, et plus délicieusement, que depuis qu’elle est hors de la raison, hors de toutes les convenances, depuis qu’elle a ouvert en elle d’intimes sources de tendresse et de douleur. […] et je fais serment de ne pas lui donner de dégoût, et de la recevoir au contraire comme une libératrice 608. » Ne voyons-nous pas se former dans les cœurs et déborder sur les lèvres les sentiments romantiques, le lyrisme éperdu de l’amour ou du désespoir ? […] Il voit tous les ravages du temps dans les œuvres et dans les cœurs des hommes. […] Ophélie est une princesse de tragédie, fille de Claudius, afin que l’amour et la nature déchirent le cœur du sensible Hamlet.
Eugène Crépet et contenant : des fragments des Préfaces des Fleurs du mal ; les scénarios de deux drames ; Le Marquis du 1er Houzards, La Fin de Don Juan, Notes sur la Belgique et Mon cœur mis à nu (1887). — Œuvres complètes (édition définitive) : Les Fleurs du mal ; Curiosités esthétiques ; L’Art romantique ; Petits poèmes en prose (1890). […] Mais qu’il ait desséché sa verve poétique (ce que nous ne pensons pas) parce qu’il a exprimé et tordu le cœur de l’homme lorsqu’il n’est plus qu’une éponge pourrie, ou qu’il l’ait, au contraire, sur-vidée d’une première écume, il est tenu de se taire maintenant, car il a dit les mots suprêmes sur le mal de la vie, ou de parler un autre langage. […] Léon Dierx Dans le jardin fermé dès l’innocent outrage L’arbre ancestral étend ses bras insidieux, Et le poète au cœur profond, peuplé de dieux, En esprit rôde auprès du ténébreux ombrage. […] Dors, oublieux : l’Éternité n’est pas assez Pour reposer ton cœur et ton âme lassés De ce chemin de croix que tu semas de ronces. […] Irai-je sous les plantes Porter avec ton ombre des fleurs merveilleuses Pour le souvenir et le grand cœur de la servante ?
Tels, dans ce récent roman, Les Cœurs utiles, la bacchanale du Cirque, le compte rendu de la chute de Maïa. […] Et voici, de Paul Adam toujours, les Cœurs nouveaux où s’allient à merveille la bravoure critique et la maëstria du peintre. […] Les Cœurs nouveaux seraient un excellent prétexte à cette nécessaire étude critique de l’écrivain qui est, avec M. […] Ainsi, dans les Cœurs nouveaux, où un critique subjectif aurait le choix entre des thèmes si divers, un esprit susceptible de s’impersonnaliser, ou plutôt de se personnaliser en autrui, discernerait avec netteté : 1º Une peinture réaliste de famille aisée et moderne, avec château et mail-coach, peinture en mouvement juste et de ton nouveau ; 2º Une fiction idéaliste traduisant la position d’un esprit indépendant et d’un cœur de bonne volonté parmi la chose sociale en douleur. […] Le petit livre des Cœurs nouveaux est un excellent manuel de découragement.