Il déclarait sans hésiter 560 qu’il était plus qu’un prophète, que la Loi et les prophètes anciens n’avaient eu de force que jusqu’à lui 561, qu’il les avait abrogés, mais que le royaume du ciel l’abrogerait à son tour. […] Ce messager n’était autre que le prophète Élie, lequel, selon une croyance fort répandue, allait bientôt descendre du ciel, où il avait été enlevé, pour disposer les hommes par la pénitence au grand avènement et réconcilier Dieu avec son peuple 563.
* Tandis que je songeais, l’œil fixé sur ce mur Semé d’âmes, couvert d’un mouvement obscur Et des gestes hagards d’un peuple de fantômes, Une rumeur se fit sous les ténébreux dômes, J’entendis deux fracas profonds, venant du ciel En sens contraire au fond du silence éternel ; Le firmament que nul ne peut ouvrir ni clore Eut l’air de s’écarter. […] C’est la tradition tombée à la secousse Des révolutions que Dieu déchaîne et pousse ; Ce qui demeure après que la terre a tremblé ; Décombre où l’avenir, vague aurore, est mêlé ; C’est la construction des hommes, la masure Des siècles, qu’emplit l’ombre et que l’idée azure, L’affreux charnier-palais en ruine, habité Par la mort et bâti par la fatalité, Où se posent pourtant parfois, quand elles l’osent, De la façon dont l’aile et le rayon se posent, La liberté, lumière, et l’espérance, oiseau ; C’est l’incommensurable et tragique monceau, Où glissent, dans la brèche horrible, les vipères Et les dragons, avant de rentrer aux repaires, Et la nuée avant de remonter au ciel ; Ce livre, c’est le reste effrayant de Babel ; C’est la lugubre Tour des Choses, l’édifice Du bien, du mal, des pleurs, du deuil, du sacrifice, Fier jadis, dominant les lointains horizons, Aujourd’hui n’ayant plus que de hideux tronçons, Épars, couchés, perdus dans l’obscure vallée ; C’est l’épopée humaine, âpre, immense, — écroulée.
Le saint ne se confesse point à la terre, il se confesse au ciel ; il ne cache rien à celui qui voit tout. […] Quand l’âme est dans le ciel, le corps ne sent point la pesanteur des chaînes : elle emporte avec soi tout l’homme !
J’aperçois dans les vignes quelques chapeaux qui se lèvent au bruit du sabot de mon cheval sur les pierres et quelques gestes affectueux et tristes qui me disent : « Nous reconnaissons de loin, nous aimons toujours notre ancien maître ; pourquoi la rigueur du ciel nous en a-t-elle séparés ? […] Ce paysage était formé, d’abord, par les trois mamelons de Fuissé, Solutré et Vergisson qui s’élèvent comme des coins dans le ciel. […] La conversation ne finissait pas et le soleil baissait déjà dans le ciel quand nous nous levâmes de table pour demander la route de Saint-Point. […] Il y en avait une qui se dressait comme une aiguille dans l’azur du ciel et qui était couverte d’hirondelles. […] Nous allâmes d’abord en suivant un chemin étroit entre une vaste étendue de vignes qu’on vendangeait et une grande prairie où paissaient votre ancien cheval et vos vaches, et un bois que vous visitez, dit-on, tous les jours, il est creusé en vallon qu’ombragent de grands chênes ; au sommet du vallon une belle pièce d’eau réfléchit dans une onde qui, limitée, fait paraître noirs à force d’être limpide le ciel et les feuilles.
En ce temps-là, je vivais seul, le cœur débordant de sentiments comprimés, de poésie trompée, tantôt à Paris noyé dans cette foule où l’on ne coudoyait que des courtisans ou des soldats ; tantôt à Rome, où l’on n’entendait d’autre bruit que celui des pierres qui tombaient une à une dans le désert de ses rues abandonnées ; tantôt à Naples, où le ciel tiède, la mer bleue, la terre embaumée m’enivraient sans m’assoupir, et où une voix intérieure me disait toujours qu’il y avait quelque chose de plus vivant, de plus noble, de plus délicieux pour l’âme que cette vie engourdie des sens et que cette voluptueuse mollesse de sa musique et de ses amours. […] Les sept colonnes gigantesques du grand temple, portant encore majestueusement leur riche et colossal entablement, dominaient toute cette scène et se perdaient dans le ciel bleu du désert, comme un autel aérien pour les sacrifices des géants. […] Le foyer s’éteignait, mais la lune se levait pleine et éclatante dans le ciel limpide, et passant à travers les crénelures d’un grand mur de pierres blanches et les dentelures d’une fenêtre en arabesques, qui bornaient la cour du côté du désert, elle éclairait l’enceinte d’une clarté qui rejaillissait sur toutes les pierres. […] Au-dessus des deux monticules qui l’étranglaient ainsi, on apercevait à l’horizon comme un lac d’un bleu plus sombre que le ciel, c’était un morceau de la mer de Syrie, encadré par un golfe fantastique d’autres montagnes du Liban. Ce golfe était à vingt lieues de nous, mais la transparence de l’air nous le montrait comme à nos pieds et nous distinguions même deux navires à la voile qui, suspendus entre le bleu du ciel et celui de la mer, et diminués par la distance, ressemblaient à deux cygnes planant dans notre horizon.
Il en est cependant pour qui tout se repose, qui regardent le ciel… ne l’aperçoivent pas. […] Laisse ordonner le ciel à tes yeux, sans comprendre, et crée de ton silence la musique des nuits. […] La bouche ouverte au ciel où grelottent les arbres, que le ciel coule en moi ! […] t’es sur la mer, une grande figure, qui grimpe au ciel, qui couvre tout. […] On l’a enseveli sous un ciel solitaire, et à cette place se dresse désespérément un iris blême.
Je laisserai donc ce poème tout à fait en dehors de mon appréciation présente, et il ne sera question ici que du Parny élégiaque, de celui dont Chateaubriand disait : « Je n’ai point connu d’écrivain qui fût plus semblable à ses ouvrages : poète et créole, il ne lui fallait que le ciel de l’Inde, une fontaine, un palmier et une femme. » Né à l’île Bourbon, le 6 février 1753, envoyé à neuf ans en France, et placé au collège de Rennes, où il fit ses études, Évariste-Désiré de Forges (et non pas Desforges) de Parny entra à dix-huit ans dans un régiment, vint à Versailles, à Paris, s’y lia avec son compatriote Bertin, militaire et poète comme lui, Ils étaient là, de 1770 à 1773, une petite coterie d’aimables jeunes gens, dont le plus âgé n’avait pas vingt-cinq ans, qui soupaient, aimaient, faisaient des vers, et ne prenaient la vie à son début que comme une légère et riante orgie. […] On lisait à l’Académie ces quatre vers qui peignent si bien un profond besoin d’apaisement : Calme des sens, paisible Indifférence, Léger sommeil d’un cœur tranquillisé, Descends du ciel ; éprouve ta puissance Sur un amant trop longtemps abusé ! […] Ainsi, quand je partis, tout trembla dans cette âme ; Le rayon s’éteignit ; et sa mourante flamme Remonta dans le ciel pour n’en plus revenir… Ce sentiment qui se trahit dans le détail et qui respire dans tout l’ensemble, c’est une singulière complaisance du poète à décrire le mal qu’il a causé, et cette complaisance, à mesure qu’on avance dans la lecture, l’emporte visiblement sur la douleur, sur le regret, au point de choquer même la convenance.
Par nous le mal essentiel Croît au sentier de l’œuvre pie Qui vous conduit tout droit au ciel. […] Un homme, longeant un bois, la nuit, éprouve le vague effroi de tout ce qui grouille, bruit, glisse ou chuchote dans les derni-ténèbres : La nuit tend sur le ciel brouillé Ses ailes d’argent ponctuées ; La lune, comme un soc rouillé, Laboure le champ des nuées. […] » Or, en tirant ces ailerons « vers le ciel », on peut les allonger. « Essayons !