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319. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Marie-Antoinette » pp. 171-184

Il ne fallait pas qu’elle pût recommencer, entre l’oratoire et la tombe, les martyres cachés de Marie Leczinska et de l’Espagnole Marie-Thérèse, et c’est pour cela qu’on l’avait faite belle, et charmante, et pieuse, et bonne, et surtout Française, c’est-à-dire légère comme on l’était alors ; car il fallait être légère dans cette malheureuse nation, éperdue d’élégance, pour faire accepter toutes les vertus ! […] Il fallait les battre avec leurs propres armes, ces coquines charmantes et amusantes, qui avaient ôté cette ceinture, par trop serrée, de l’étiquette, à ces sultans lassés qu’elle blessait… Il fallait que la vertu, chez soi, fût aussi aimable que le vice, sans cesser d’être la vertu ; et ce jeu difficile et dangereux, que seule une femme pure et trempée dans le Styx de sa propre innocence pouvait se résoudre à jouer, elle le joua hardiment, presque héroïquement, et elle perdit… Dieu ne voulut pas que la fille de Marie-Thérèse épargnât à la France et à la maison de Bourbon le châtiment qu’elle méritait pour avoir subi des Pompadour.

320. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XII. Marie-Antoinette, par MM. Jules et Edmond de Goncourt » pp. 283-295

Il ne fallait pas qu’elle pût recommencer, entre l’oratoire et la tombe, les martyrs cachés de Marie Leczinska et de l’Espagnole Marie-Thérèse, et c’est pour cela qu’on l’avait faite belle, et charmante, et pieuse, et bonne, et surtout Française, c’est-à-dire légère comme on l’était alors, car il fallait être légère dans cette malheureuse nation, éperdue d’élégance, pour faire accepter toutes les vertus ! […] Il fallait les battre avec leurs propres armes, ces coquines charmantes et amusantes, qui avaient ôté cette ceinture, par trop serrée de l’étiquette, à ces sultans lassés qu’elle blessait… Il fallait que la vertu, chez soi, fût aussi aimable que le vice, sans cesser d’être la vertu ; et ce jeu difficile et dangereux, que seule une femme pure et trempée dans le Styx de sa propre innocence pouvait se résoudre à jouer, elle le joua hardiment, presque héroïquement, et elle perdit… Dieu ne voulut pas que la fille de Marie-Thérèse épargnât à la France et à la maison de Bourbon le châtiment qu’elle méritait pour avoir subi des Pompadour.

321. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Camille Desmoulins » pp. 31-44

Nettement discerné à la lumière de ses œuvres, pris à part de l’entourage immense de tous les faits du temps groupés autour de lui, on verra mieux ce que fut ce mauvais garçon de nos jours funestes, qui ne fut pas un mauvais homme et qui fit des choses mauvaises, et ce que fut aussi cet esprit charmant, destiné peut-être, en travaillant, à laisser des livres immortels, mais qui ne fut qu’un journaliste, lequel, nonobstant l’exhumation faite de ce qu’on croit ses meilleures œuvres, comme tout journaliste qui n’est que cela, se trouve condamné à périr ! […] Fruit vert, gracieusement noué, qui ne devait jamais mûrir, il resta, sans l’amour et sans l’enthousiasme des premières années, l’éternel gamin rageur, moqueur et pleureur, qui constitue cette espèce charmante d’animaux adorés à Paris.

322. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Sismondi, Bonstetten, Mme de Staël et Mme de Souza »

Selon Saint-René Taillandier, qui est le Christophe Colomb de ces lettres, le Monsieur Josse de ces bijoux qu’il a montés dans le similor de son Introduction, ces lettres révèlent en Sismondi des tendresses, des délicatesses et des nuances dont personne jusqu’à présent ne s’était douté, et nous font entrevoir un Sismondi charmant, pris sous l’autre, et que Saint-René Taillandier s’est mis en train de dégager, comme le phaéton de la voiture à foin embourbée dégage sa voiture : Prends ton pic et romps-moi ce caillou qui te nuit ! […] Qui mieux qu’elles pouvaient en écrire de charmantes ?

323. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Émile Augier, Louis Bouilhet, Reboul »

Les premiers vers du recueil que nous avons sous les yeux sont adressés à Ponsard, et cela devait être, la sympathie n’étant jamais que l’amour du soi que l’on reconnaît chez les autres : Jeune homme fortuné de qui la muse antique N’a pas de corps secret ni de voile pudique, Dis-moi près de quel bois, au bord de quel ruisseau, Tu la surpris, baignant ses pieds polis dans l’eau, Et lorsqu’elle fuyait, confuse d’être nue, Par quels discours charmants elle fut retenue ! […] Il a dit lui-même, dans un passage charmant et souvent cité, mais en se moquant du lecteur qui le lui pardonne, que « son verre n’était pas grand, mais qu’il buvait dans son verre  ».

324. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Mistral. Mirèio »

Je l’aurais volontiers rêvé un chanteur solitaire comme ces Rapsodes anonymes de l’autre côté, dont Fauriel nous a traduit les chansons charmantes qui ont tant de rapport d’accent avec ce chant presque grec de Mirèio. […] Il y a un chant dans le poème qui est intitulé Le Dépouillement des Cocons, où les compagnes de Mirèio, réunies en un Décaméron laborieux et charmant, commèrent ensemble et rêvent tout haut, dans un dialogue étincelant d’images, et cette peinture dramatique de chacune d’elles montre, par le magnifique dialogue qu’elles tiennent, comme le poète entend la nuance qui diversifie ces fronts de vierge dans l’unité de la beauté et de la pudeur.

325. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. de Banville. Les Odes funambulesques. »

Distingué, charmant, d’un goût typographique à la fois audacieux et sûr, ce petit volume justifie l’écusson placé en télé du frontispice avec son fabuleux dauphin et son aristocratique devise : Non hic piscis omnium. […] Mais sous ce morceau de paillon que l’auteur des Odes funambulesques attache à l’épaule de sa Muse, il y a bien plus important qu’un poète, fût-il charmant dans le passé et eût-il pu devenir grand dans l’avenir : il y a la poésie, — la poésie telle qu’elle est acceptée, saluée et malheureusement comprise par beaucoup d’esprits de ce temps.

326. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Pécontal. Volberg, poème. — Légendes et Ballades. »

Dans Le Drack, où il nous fait passer par toutes les nuances de la peur surnaturelle, il entremêle au pathétique de son sujet des vers charmants : Ce sont les fleurs les plus étranges Et des fruits d’un goût sans pareil, Des orangers remplis d’oranges, Dans des champs tout pleins de soleil ! […] En résumé c’est un poète ému, sincère, d’une nuance charmante et — puisque la poésie est l’intensité — intense à la manière des poètes de nuance, dont l’intensité, en ordre inverse des poètes de relief et d’énergie, est la transparence et la morbidesse.

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