/ 2458
423. (1889) Essai sur les données immédiates de la conscience « Chapitre II. De la multiplicité des états de conscience. L’idée de durée »

Il est vrai que ce mode de représentation paraît tout indiqué lorsqu’il s’agit de sensations dont la cause est évidemment située dans l’espace. Ainsi, quand j’entends un bruit de pas dans la rue, je vois confusément la personne qui marche ; chacun des sons successifs se localise alors en un point de l’espace où le marcheur pourrait poser le pied ; je compte mes sensations dans l’espace même où leurs causes tangibles s’alignent. […] Si nous affirmons que c’est toujours la même sensation, c’est que nous songeons, non à la sensation même, mais à sa cause objective, située dans l’espace. […] De même que la durée fuyante de notre moi se fixe par sa projection dans l’espace homogène, ainsi nos impressions sans cesse changeantes, s’enroulant autour de l’objet extérieur qui en est cause, en adoptent les contours précis et l’immobilité. […] Ce qu’il faut dire, c’est que toute sensation se modifie en se répétant, et que si elle ne me paraît pas changer du jour au lendemain, c’est parce que je l’aperçois maintenant à travers l’objet qui en est cause, à travers le mot qui la traduit.

424. (1896) Matière et mémoire. Essai sur la relation du corps à l’esprit « Chapitre IV. De la délimitation, et de la fixation des images. Perception et matière. Âme et corps. »

Dira-t-on alors que le mouvement réel se distingue du mouvement relatif en ce qu’il a une cause réelle, en ce qu’il émane d’une force ? […] Il faudra donc se rejeter sur le sens métaphysique du mot, et étayer le mouvement aperçu dans l’espace sur des causes profondes, analogues à celles que notre conscience croit saisir dans le sentiment de l’effort. Mais le sentiment de l’effort est-il bien celui d’une cause profonde ? […] C’est donc en vain que nous voudrions fonder la réalité du mouvement sur une cause qui s’en distingue : l’analyse nous ramène toujours au mouvement lui-même. […] Il y a donc, dans les deux séries visuelle et tactile ou dans leurs causes, quelque chose qui les fait correspondre l’une à l’autre et qui assure la constance de leur parallélisme.

425. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Charron — I » pp. 236-253

Il traite brièvement des deux premiers points et réserve tous ses développements pour la troisième vérité qu’il dédie expressément à Henri IV ; et dans cette dédicace il exprime particulièrement sa joie comme Parisien « pour cette tant douce et gracieuse, et en toutes façons tant miraculeuse réduction de cette grande ville du monde à l’obéissance de son vrai et naturel roi, à son devoir et à son repos. » C’était l’heure de la Satyre Ménippée, cette œuvre parisienne aussi et si décisive pour le triomphe de la bonne cause. Charron à sa manière, et sous sa forme grave, servait la même cause, celle de la restauration royale et de l’autorité rétablie. […] C’est ainsi que dans la démonstration de la première vérité, qui est l’existence de Dieu, avec les attributs principaux qui en achèvent l’idée, Charron, au lieu de s’appuyer sur le sens commun, sur le sentiment général humain si d’accord avec cette croyance, insiste bien plutôt d’abord sur les difficultés et les impossibilités de concevoir dans sa grandeur propre cette idée infinie ; il dit avant Pascal, et en termes encore plus formels, qu’il y a une sorte de négation absolue non seulement du Dieu-Providence, mais de la cause première, qui ne se peut loger « que dans une âme extrêmement forte et hardie » ; il est vrai qu’il ajoute aussitôt : en une âme « forcenée et maniaque ». […] Dans tous leurs sermons, on les entendait parler contre les huguenots, et reprendre ceux qui les maintenaient et supportaient : Que c’étaient faux catholiques, et qu’il ne fallait obéir à un roi hérétique et qui était chef des huguenots, qui serait cause de la perdition de la religion catholique, apostolique et romaine au royaume de France, et que les huguenots abattraient toutes les églises.

426. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Henri IV écrivain. par M. Eugène Jung, ancien élève de l’École normale, docteur es lettres. — I » pp. 351-368

Villehardouin ne nous a transmis qu’une faible idée des discours qu’il prononçait devant les Vénitiens ou dans l’armée des croisés pour servir la cause commune et apaiser les différents. […] D’Aubigné nous a raconté les causes, à son égard, de l’inimitié de la comtesse. […] Henri, dès lors, a senti la responsabilité, comme nous dirions, qui pèse tout entière sur lui ; il a conscience qu’il est chargé d’une grande cause, d’une cause plus grande que celle même du parti protestant.

427. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Œuvres de Frédéric-le-Grand Correspondance avec le prince Henri — I » pp. 356-374

Cela tient, je l’ai déjà remarqué, à bien des causes : — à ce que la philosophie du xviiie  siècle, qui y est répandue et qui y donne le ton, n’est plus à la mode ; — à ce que la langue, cette langue française que Frédéric aimait et écrivait exclusivement, n’est pas sous sa plume des plus correctes et des plus pures, tellement que son faible même pour nous lui devient un titre de défaveur. […] Quant au détail militaire, sur lequel il n’entendait pas raillerie, Frédéric commence par appliquer avec son frère Henri, encore à ses débuts, la même règle sévère, inflexible, dont on a vu qu’il usait avec le prince Guillaume : Monsieur, lui écrit-il un jour (juillet 1749), j’ai trouvé à propos de mettre de la règle dans votre régiment, à cause qu’il se perdait. […] La fin de la campagne de 1759 fut un des crève-cœur du prince Henri et devint l’un de ses griefs les plus amers, l’une de ses causes les plus durables de rancune contre son frère. […] Enfin, mon cher frère, relisez, s’il vous plaît, les Maximes de La Rochefoucauld ; il plaidera ma cause plus éloquemment que je ne le pourrais faire.

428. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre troisième. L’esprit et la doctrine. — Chapitre I. Composition de l’esprit révolutionnaire, premier élément, l’acquis scientifique. »

. — En géologie, les suites et la vérification de la théorie de Newton, la figure exacte de la terre, l’aplatissement des pôles, le renflement de l’équateur328, la cause et la loi des marées, la fluidité primitive de la planète, la persistance de la chaleur centrale ; puis, avec Buffon, Desmarets, Hutton, Werner, l’origine aqueuse ou ignée des roches, la stratification des terrains, la structure fossile des couches, le séjour prolongé et répété de la mer sur les continents, le lent dépôt des débris animaux et végétaux, la prodigieuse antiquité de la vie, les dénudations, les cassures, les transformations graduelles du relief terrestre329, et à la fin le tableau grandiose où Buffon trace en traits approximatifs l’histoire entière de notre globe, depuis le moment où il n’était qu’une masse de lave ardente jusqu’à l’époque où notre espèce, après tant d’autres espèces détruites ou survivantes, a pu l’habiter  Sur cette science de la matière brute, on voit en même temps s’élever la science de la matière organisée. […] Tels sont enfin le caractère national et la religion. — Toutes ces causes ajoutées l’une à l’autre ou limitées l’une par l’autre contribuent ensemble à un effet total, qui est la société. […] , I, 31 : « Ceux qui croient répondre par les causes finales ne font pas attention qu’ils prennent l’effet pour la cause.

429. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Le Palais Mazarin, par M. le comte de Laborde, de l’Institut. » pp. 247-265

Ce n’est pas ce côté pratique de la question qui m’occupera ici, d’autant qu’il me semble que c’est cause gagnée pour le moment. […] Il paraît avoir goûté du premier jour ce génie habile, facile et laborieux, ouvert et insinuant, d’une autre nature que le sien, et d’un ordre à quelques égards inférieur, mais qui par cela même ne lui était pas désagréable, et en qui, même à cause des différences, il n’était pas fâché de se désigner un successeur. […] Il s’enthousiasme pour telle ou telle cause, tel ou tel personnage ; et, tantôt insultant le parti opposé, tantôt se raillant du sien, il exerce à la fois sa vengeance et sa malice. […] C’est à ces conditions, selon moi, c’est moyennant ces précautions légères, qu’aura gain de cause, auprès même des plus exigeants, ce travail agréable et déjà si goûté, dont je n’ai pu signaler qu’un point essentiel, et qu’anime dans toutes ses parties un heureux sentiment des arts.

430. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Mémoires et correspondance de Mallet du Pan, recueillis et mis en ordre par M. A. Sayous. (2 vol. in-8º, Amyot et Cherbuliez, 1851.) — II. » pp. 494-514

C’est bien là le caractère en effet des Thermidoriens purs ; et, montrant les causes qui rendent impossible sur ce terrain bouleversé et ensanglanté la formation de toute grande popularité nouvelle : Tous ont appris à se défier, ajoute-t-il, de cette périlleuse élévation ; fussent-ils tentés d’y aspirer, ils n’y parviendraient pas, car les racines de toute autorité individuelle sont desséchées : ni l’Assemblée, avertie par l’exemple de Robespierre, ni le peuple, dégoûté de ses démagogues, ne le souffriraient. […] Si quelque chose doit affliger, c’est l’accès qu’on leur donne, et le tort qu’ils font à la cause de ceux qui les accueillent avec tant de légèreté ; il n’est pas un révolutionnaire qui ne doive rester tel, en apprenant de quelle indigne manière sont traités ceux qui ont défendu avec le plus de constance et de courage les intérêts de la maison de Bourbon. […] C’est là une des causes principales des succès qu’ont obtenus les nouveautés gallicanes. […] C’est le reproche qui lui fut fait dans le temps même pour cet écrit de 1796 : Il est naturel aux infortunés, disait-on, de croire que celui qui développe si bien les causes de leur misère connaît aussi les moyens de les soulager : au contraire, son livre éloigne l’espérance, il n’assigne aucun terme à la Révolution, et on se trouve plus malheureux après l’avoir lu qu’auparavant.

/ 2458