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219. (1774) Correspondance générale

Pourquoi les appellerions-nous insensés, puisqu’ils sont heureux, et que leur bonheur est si conforme au bonheur des autres ? […] Je vous demande son bonheur avec mille fois plus d’instance que je n’oserais vous demander le mien. […] vos enfants aussi complètent-ils votre bonheur ? […] Eh bien, direz-vous, avec tout cela que manque-t-il donc à votre bonheur ? […] On ne saurait avoir tous les bonheurs en même temps.

220. (1765) Articles de l’Encyclopédie pp. 5482-9849

Le bonheur vient du dehors, c’est originairement une bonne heure. […] On peut avoir un bonheur sans être heureux. […] Il y a encore de la différence entre un bonheur & le bonheur, différence que le mot félicité n’admet point. Un bonheur est un évenement heureux. […] Le plaisir est plus rapide que le bonheur, & le bonheur plus passager que la félicité.

221. (1860) Cours familier de littérature. IX « Le entretien. Les salons littéraires. Souvenirs de madame Récamier (2e partie) » pp. 81-159

Homme excellent, aimable, aimant, dont le nom ne laisse pas une seule amertume sur les lèvres quand on en parle, j’ai eu le bonheur d’être en correspondance diplomatique avec lui pendant un an dans des circonstances très difficiles, et je n’ai eu qu’à m’éclairer de ses lumières et à me féliciter de sa confiance. […] Je frémis de tout ce que vous êtes menacée de perdre en vrai bonheur, et moi en amitié. […] Elle revit en pensée ce compagnon des premières années de sa vie, dont l’indulgence, si elle ne lui avait pas donné le bonheur, avait toujours respecté ses sentiments et sa liberté ; elle le revit vieux, dépouillé de la grande fortune dont il avait pris plaisir à la faire jouir, et l’idée de l’abandon d’un homme malheureux lui parut impossible. […] « Il lui écrit le 24 avril 1808 : « J’espère que ma lettre nº 31 vous est déjà parvenue ; je n’ai pu que vous exprimer bien faiblement le bonheur que votre dernière lettre m’a fait éprouver, mais elle vous donnera une idée de la sensation que j’ai ressentie en la lisant et en recevant votre portrait. Pendant des heures entières je regarde ce portrait enchanteur, et je rêve un bonheur qui doit surpasser tout ce que l’imagination peut offrir de plus délicieux.

222. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre III. Les grands artistes classiques — Chapitre III. Molière »

Là est la faute d’Arnolphe, qui par une vue tout égoïste condamne Agnès à l’ignorance, à la bêtise, à la privation de tous les plaisirs naturels : mais la nature d’Agnès se révolte, et la petite niaise court énergiquement, directement, à son bonheur, selon son instinct ; et Molière bat des mains. Il est naturel que ceux qui ont eu part au bonheur laissent s’approcher les autres de la table : c’est la loi que les enfants aient leur tour après les parents. […] Elle l’est énergiquement ; elle n’est pas sublime, ni dure, ni chrétienne, ni stoïque ; elle propose un idéal très accessible et très séduisant de bonheur individuel et de douleur sociale. […] De là vient que, parmi tous les sujets qui se sont ‘ offerts à son génie, il a choisi toujours de préférence ceux qui louchaient aux conditions du bonheur domestique et de la vie de famille. […] Une forme de comédie trouve alors grande faveur : c’est la comédie en un acte, légèrement intriguée, suite de scènes plaisantes reliées et dénouées au petit bonheur, forme littéraire en somme de la farce, dont elle garde le libre mouvement et l’absence de prétention.

223. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre II. L’époque romantique — Chapitre III. La poésie romantique »

Jusqu’à cette grande crise, c’est un enfant, et un enfant gâté, sensible, égoïste, prêt à aimer, et surtout avide d’être aimé, léger et fougueux, joyeux de vivre et insatiable de plaisir, vite déçu, jamais lassé, et recommençant toujours sa course au bonheur, sans se douter qu’il s’est trompé non pas d’objet, mais de méthode : entre vingt et vingt-cinq ans, il est tout pétillant, tout bouillant de vie et d’espérance. […] L’homme appartient à la douleur : toute poursuite du bonheur se termine en douleur ; et le remède à la douleur, c’est l’anéantissement, celui tout au moins de notre être passé par l’oubli. Mieux vaut le souvenir, qui seul est à nous et dure avec nous : le bonheur fuit, et le souvenir du bonheur reste ; le malheur passe, et le souvenir du malheur persiste, intimement doux, et plus doux que le souvenir même du bonheur. […] L’amour trompe, mais il n’y a de bonheur que dans l’amour : il faut le chercher toujours, sans espérer de le conserver ; il faut le chercher non pour l’avoir, mais pour l’avoir eu : car l’avoir est une misère, mais de l’avoir eu, là est le délice. […] Il était venu à la poésie par un atelier de peintre : et il ne fut jamais qu’un peintre fourvoyé — par bonheur — dans la littérature.

224. (1856) Cours familier de littérature. I « Ve entretien. [Le poème et drame de Sacountala] » pp. 321-398

Modère ta douleur, c’est à moi de m’offrir au meurtrier, c’est le sublime devoir de l’épouse ; elle doit jusqu’à sa vie au bonheur de l’époux. […] Ce ne sont plus les rugissements du lion, les cris du tigre qui viennent effrayer les voyageurs ; mais le bramement lointain du cerf, le chant des oiseaux, le bourdonnement de l’abeille, retentissant doucement à son oreille, portent dans les esprits un sentiment inexprimable de calme et de bonheur. […] Le héros lui confesse alors qu’il a employé ce stratagème pour convaincre son peuple de la beauté, de la vertu, des droits de Sacountala à sa main, et pour se faire commander par les dieux et par les hommes son bonheur. […] « Ô bonheur !  […] « Ô bonheur !

225. (1856) Cours familier de littérature. I « VIe entretien. Suite du poème et du drame de Sacountala » pp. 401-474

Puisse Indra, satisfait de tes nombreux sacrifices, entretenir par des pluies abondantes la fertilité dans tes vastes États ; et, dans cette lutte généreuse, puissiez-vous constamment l’un et l’autre assurer à jamais le bonheur des deux mondes ! […] Puisque votre bonté inépuisable me permet encore de former un vœu : Que les rois de la terre ne désirent donc de régner que pour faire le bonheur de leurs peuples ! […] Cette couleur appartient au demi-dieu Rama, divinité qui préside au bonheur, depuis que, dans les fables de la mythologie indienne, Rama a retrouvé son épouse adorée, la belle Sita, dont nous verrons bientôt la touchante histoire. […] qu’il est heureux celui qui, dans la peine comme dans le bonheur, peut compter sur une tendresse éprouvée, dont le cœur repose avec confiance sur le cœur d’un autre dans toutes les fortunes, et qui, au déclin même de son âge, comme à la fleur de sa vie, jouit des douceurs d’une consolante union !  […] Le directeur du spectacle s’avance sur la scène sous le costume du saint anachorète à qui le héros doit le bonheur d’avoir retrouvé ses fils et son épouse : « Rama », dit-il au héros, « pouvons-nous encore quelque chose pour votre bonheur ? 

226. (1887) George Sand

La première journée où l’enfant doute est la dernière de son bonheur naïf. […] Quelques années se passèrent dans une sorte de tranquillité prosaïque et de bonheur négatif. […] Bonheur inattendu ! […] Imaginez, pour consacrer son bonheur, le projet que forme l’aimable Fernande. […] On peut sourire de ce facile bonheur qu’elle s’est donné à elle-même.

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