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956. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. Herbert Spencer — Chapitre II : La psychologie »

L’être vivant saisit d’abord les séquences mécaniques les plus simples et les plus courtes ; puis il en vient, par des conquêtes successives, à s’ajuster à des périodes de plus en plus longues ; il prend possession de l’avenir ; il prévoit les événements futurs, comme le chien qui cache un os pour le moment où il aura faim de nouveau. […] On peut à peine les définir des êtres qui regardent le passé et l’avenir » ; ils montrent par leur totale imprévoyance et leur incapacité apparente à voir les conséquences futures, que leurs actions ne répondent qu’aux « phénomènes les plus saillants et les plus fréquents des saisons. […] VII Si l’on veut bien se rappeler maintenant que nous n’avons exposé qu’une très faible partie de l’œuvre de notre philosophe, et si l’on a été frappé, comme on a dû l’être, de la vigueur de sa pensée et de l’originalité de sa méthode, on ne s’étonnera pas d’entendre un contemporain153 se demander « s’il a jamais paru en Angleterre un penseur plus éminent, quoique l’avenir seul puisse déterminer sa place dans l’histoire… » Seul des penseurs anglais, dit M. 

957. (1857) Cours familier de littérature. IV « XXIe Entretien. Le 16 juillet 1857, ou œuvres et caractère de Béranger » pp. 161-252

Ils étaient pleins d’espoir dans un meilleur avenir pour la révolution régulière, mais ils ne confondaient pas une conquête héroïque avec une philosophie. […] Je suis donc très libre aujourd’hui de parler de son talent poétique dans la mesure juste de mon estime et de mon admiration, sans ajouter et sans retrancher un gramme au poids vrai de ses œuvres dans la balance de l’avenir. […] … » À ces élégies grecques, à ces vers sur le rétablissement du culte des aïeux, à ces méditations bibliques sur l’écroulement des Bourbons égorgés ou proscrits, à ces évocations au nouvel empire fondé, selon le poète, par un homme suscité de Dieu, ne croit-on pas entendre un néophyte de Fontanes, de Chateaubriand, dans ce jeune homme qui sera un jour l’ennemi du trône, la terreur du temple, le moqueur des Bourbons, l’Homère populaire de la Grande-Armée, le républicain, non du présent, mais de l’avenir ?

958. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Shakespeare »

François Hugo a la fantaisie d’appeler cette langue la langue révolutionnaire, mais les révolutions qui nous ramènent au passé, sachant où elles vont, ne doivent pas porter le même nom que celles-là qui nous poussent vers l’avenir avec des mains d’aveugles. La langue de cet avenir vers lequel nous dérivons, je l’ignore et ne m’en soucie, mais je sais très bien que le mouvement d’idées et de critique de 1830 nous fit retrouver la langue perdue du xvie  siècle, la seule dans laquelle on pût bien traduire le plus grand poète que le xvie  siècle ait produit ! […] Les hommes qui attaquent journellement la famille, qui prétendent qu’il arrivera un moment dans les civilisations de l’avenir où elle sera définitivement supprimée, savent-ils bien qu’ils suppriment du coup, dans l’ordre seul de la pensée, toute une masse de choses sublimes, depuis Priam pleurant aux pieds d’Achille jusqu’au Roi Lear, et depuis le Roi Lear jusqu’au Père Goriot, qui n’est qu’un Roi Lear plus étonnant que l’autre, et qui fait (je le montrerai tout à l’heure) de notre Balzac l’égal de Shakespeare !

959. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « M. Charles Magnin ou un érudit écrivain. »

Les uns, de l’école d’Augustin Thierry, apportaient des vues historiques, originales, paradoxales même, neuves, — plus neuves peut-être que justes dans leurs premiers résultats, — mais stimulantes, pénétrantes d’aperçus et de recherches, et vivifiantes par l’esprit et pour l’avenir. […] Abel Rémusat aurait plus tard soit à se prononcer au sein du Conservatoire sur l’avenir de M. 

960. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « George Farcy »

Je ne voyais qu’un présent dont il fallait jouir, et jouir seul, parce que je n’avais ni richesses, ni bonheur à faire partager à personne, parce que l’avenir ne m’offrait que des jouissances déjà usées avec des moyens plus restreints ; et ne pas croître dans la vie, c’est déchoir. — Et cependant, du moins, tout ce que je voyais alors agissait sur moi pour me ranimer ; tout me faisait fête dans la nature ; c’était vraiment un concert de la terre, des cieux, de la mer, des forêts et des hommes ; c’était une harmonie ineffable, qui me pénétrait, que je méditais et que je respirais à loisir ; et quand je croyais y avoir dignement mêlé ma voix à mon tour, par un travail et par un succès égal à mes forces et au ton du chœur qui m’environnait, j’étais heureux ; — oui, j’étais heureux, quoique seul ; heureux par la nature et avec Dieu. […] Il aurait foi moins que jamais aux hommes ; et, sans désespérer des progrès d’avenir, il serait triste et dégoûté dans le présent.

961. (1860) Cours familier de littérature. IX « LIVe entretien. Littérature politique. Machiavel (3e partie) » pp. 415-477

Là est sa nature, là est son droit, là est sa forme, là seulement sera son durable avenir. Une confédération libre de tous les États italiens annexés librement à l’Italie seule, et non annexés étourdiment à une monarchie subalpine, voilà l’Italie antique, voilà l’Italie du moyen âge, voilà l’Italie de l’avenir.

962. (1860) Cours familier de littérature. X « LVIIe entretien. Trois heureuses journées littéraires » pp. 161-221

La peste décimait Florence ; les vivants ne suffisaient plus à ensevelir les morts ; les cantiques funèbres qui accompagnent les cortéges aux campo santo se taisaient, faute de voix pour gémir ; les tombereaux précédés d’une clochette pour annoncer leur passage aux survivants s’arrêtaient le matin de porte en porte, pour emporter comme des balayeuses, sans honneurs, tout ce que ce souffle de la mort avait fait tomber de tous les étages pendant la nuit ; on ne se fiait pas même pour une heure à l’amitié ou à l’amour ; on n’était pas sûr de retrouver en rentrant ceux qu’on laissait, encore jeunes et sains, à la maison en gage à la contagion invisible ; le moindre adieu était un éternel adieu, le lendemain n’existait plus, l’avenir était mort avec tant de morts. […] L’avenir les attend et va régler nos comptes.

963. (1860) Cours familier de littérature. X « LVIIIe entretien » pp. 223-287

Je raconterai, dans mes prochains Entretiens sur la littérature diplomatique, comment ce même homme d’État, quinze ans plus tard, me prédit une autre fortune plus difficile à discerner dans mon avenir d’orateur, fortune alors très lointaine et très voilée pour tout le monde, excepté pour lui et pour moi. […] qui pullulent maintenant à la suite de telles ou telles factions, et surtout de celle qu’on appela la faction de l’avenir.

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