/ 1912
251. (1889) Essai sur les données immédiates de la conscience « Chapitre I. De l’intensité des états psychologiques »

Il faut donc croire que nous traduisons l’intensif en extensif, et que la comparaison de deux intensités se fait ou tout au moins s’exprime par l’intuition confuse d’un rapport entre deux étendues. […] Cette dernière hypothèse est au moins aussi vraisemblable que l’autre, mais elle ne résout pas davantage le problème. […] C’est même à l’intensité de la sensation que nous jugeons de la plus ou moins grande quantité de travail accompli : l’intensité demeure donc bien en apparence au moins, une propriété de la sensation. […] S’il est un phénomène qui paraisse se présenter immédiatement à la conscience sous forme de quantité ou tout au moins de grandeur, c’est sans contredit l’effort musculaire. […] Nous avons été habitués par notre expérience passée, et aussi par les théories physiques, à considérer le noir comme une absence ou tout au moins comme un minimum de sensation lumineuse, et les nuances successives du gris comme des intensités décroissantes de la lumière blanche.

252. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 février 1886. »

En dehors de cela, le tout demande un dévouement extraordinaire : si l’on ne fait pas au moins deux fois plus de répétitions scéniques avec orchestre que pour les autres opéras, on n’arrivera qu’à un « à peu près ». […] Je crois bien que les noms des compositeurs de cette école, fort connus chez nous, ne sont plus étrangers au public français ; je pense même que dans les théâtres ou les concerts parisiens vous entendrez bientôt, au moins en partie, les œuvres principales de MM.  […] Malheureusement cet idéal suppose une éducation littéraire au moins pareille à l’éducation musicale. […] Et ils terminent leur préface : « peut-être dirons-nous peu de choses qui n’aient été dites avant nous : nous tâcherons au moins de nous recommander par ces deux mérites : la clarté, que n’ont pas eue tous les apologistes, et la bonne foi, que n’ont pas eue tous les détracteurs. » A qui s’adresse le livre de MM. 

253. (1824) Ébauches d’une poétique dramatique « Division dramatique. » pp. 64-109

Chez les Anglais, ce n’est point un personnage de la pièce, c’est l’auteur même qui est censé adresser la parole aux spectateurs : au contraire, celui que les anciens nommaient prologue, était censé parler à des personnes présentes à l’action même, et avait, au moins pour le prologue, un caractère dramatique. […] Les anciens connaissaient peu cet art : au moins les Latins s’embarrassaient-ils peu de tenir ainsi l’esprit des spectateurs dans l’attente. […] L’avant-scène y entre avec beaucoup de netteté et de précision ; mais ne manque-t-elle pas l’objet de toute exposition, qui est d’exciter un vif intérêt, au moins de curiosité ? […] C’est que les poètes ne doivent se permettre de monologues que le moins qu’il est possible ; et, quand ils ne peuvent s’en dispenser, d’y éviter au moins la longueur ; car ils pourraient quelquefois être si courts qu’ils ne blesseraient pas la nature ; il nous arrive dans la passion de laisser échapper quelques paroles que nous n’adressons qu’à nous-mêmes.

254. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — T. — article » pp. 366-368

Les réflexions y sont lumineuses & fortement exprimées ; ce qui prouve que, pour écrire au moins passablement, il faut suivre son propre caractere, quand on n’a pas assez de nerf & de souplesse pour se plier à celui des grands Modeles.

255. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « La marquise de Créqui — I » pp. 432-453

Certes, si on lisait avec un peu d’attention et de critique, si l’on se donnait la peine de comparer et de raisonner à propos de lectures auxquelles on ne demande qu’une heure de distraction et de délassement, on arriverait à une conviction personnelle très motivée, et qui dispenserait (au moins pour soi, simple lecteur) de beaucoup d’autres recherches. […] C’est là une douairière qui a au moins entendu parler du comte Joseph de Maistre, qui s’est fait lire quelques-unes de ses Soirées, et qui a connu Mme de Krüdner. […] Elle compatit aux pauvres gens et aux affligés que frappe cette banqueroute ; elle en donne les détails et les chiffres précis à Senac de Meilhan, son correspondant très cher ; et, voyant la superbe famille de Rohan si humiliée et par cette catastrophe et par d’autres accidents qui bientôt suivirent, elle en revient aux réflexions morales ; elle se félicite au moins de ne tenir à rien, et de ne point prêter à ces revers subits du faste et à ces chutes de l’ambition ; elle se rejette dans la médiocrité, comme disait La Bruyère : Ô obscurité, s’écrie-t-elle avec un sentiment moral qui ferait honneur à toutes les conditions, tu es la sauvegarde du repos, et par conséquent du bonheur ; car qui peut dire ce qu’on serait en voulant des places, des biens, des titres, des rangs au-dessus des autres, où on arrive par l’intrigue, où on se maintient par la bassesse, et dont on sort avec confusion souvent, et toujours avec douleur ?

256. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME ROLAND — II. » pp. 195-213

Cela coupa court à la Correspondance, au moins sur le même pied que devant. […] L’unité de cette Correspondance, que quelques suppressions eussent mieux fait ressortir, est dans l’amitié de deux jeunes filles, dans cette amitié d’abord passionnée, au moins chez Mlle Phlipon, et qui, partie du couvent avec ses petits orages, ses incidents journaliers, ses hausses et ses baisses, s’en vint, après quelques années, expirer au mariage : et quand je dis expirer, je ne veux parler que de la forme vive et passionnée, car le fond subsista toujours. […] C’est que La Blancherie, ce jeune sage, cet ami de Greuze, avec ses vers, ses projets, ses conseils de morale aux pères et mères de famille, représentait précisément dans sa fleur le lieu commun du romanesque philosophique et sentimental de ce temps-là ; or le romanesque, près d’un cœur de jeune fille, fût-elle destinée à devenir Mme Roland, a une première fois au moins, et sous une certaine forme, bien des chances de réussir.

257. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) «  Mémoires et correspondance de Mme d’Épinay .  » pp. 187-207

Toute part faite à la galanterie et à la poésie, cet aigle dans une cage de gaze nous prouve au moins que Mme d’Épinay avait de bien beaux yeux et une âme bien vive dans son enveloppe transparente. […] » — « Mais je ne dis pas cela non plus, reprit Mlle d’Ette ; je prétends bien pour lui qu’il sera votre amant. » Mon premier mouvement fut d’être scandalisée, le second fut d’être bien aise qu’une fille de bonne réputation, telle que Mlle d’Ette, pût supposer qu’on pouvait avoir un amant sans crime ; non que je me sentisse aucune disposition à suivre ses conseils, au contraire, mais je pouvais au moins ne plus paraître devant elle si affligée de l’indifférence de mon mari. […] On vous a dupée ; la d’Ette est une coquine, je vous l’ai toujours dit. » Plus âgé de vingt ans au moins que Mme d’Épinay, Duclos, caustique, mordant, poussant la franchise jusqu’à la brutalité, et se servant de sa brutalité avec finesse, s’accommoderait très volontiers de cette jeune femme enjouée, spirituelle et vive ; il passerait volontiers chez elle toutes ses soirées, et croirait lui faire honneur de la dominer et de la former.

258. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Le Brun-Pindare. » pp. 145-167

Ce qui reste presque plaisant, et ce qui ne laisse pas de donner une petite leçon littéraire, c’est que les vers, les petites élégies galantes, s’entremêlaient fort bien aux injures, au moins dans les commencements : Dans les premiers temps, ses torts semblaient être involontaires. […] Mais il n’eut pas le suprême bon goût de donner une au moins des dix épigrammes. […] Il croyait donc au triomphe de l’esprit et à une immortalité, au moins poétique et terrestre.

/ 1912