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402. (1757) Réflexions sur le goût

Il ne s’apercevra pas qu’en rompant la mesure, et en renversant les mots, il a détruit l’harmonie qui résultait de leur arrangement et de leur liaison. […] Quelque harmonieuse que soit sa prose, l’harmonie poétique était sans charmes pour lui, soit qu’en effet la sensibilité de son oreille fut bornée à l’harmonie de la prose, soit qu’un talent naturel lui fit produire de la prose harmonieuse sans qu’il s’en aperçût, comme son imagination le servait sans qu’il s’en doutât, ou comme un instrument rend des accords sans le savoir.

403. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XIV. L’auteur de Robert Emmet »

Et en effet, cet éternel ruminement sur Lord Byron d’une mémoire qui a deux estomacs et, qui remâche tout ce qu’elle a avalé, finit par être terriblement impatientant… On s’attend toujours, en ces Premières et Dernières Années de lord Byron, à une notion inconnue qui va paraître, à un aperçu, si petit qu’il soit, qui va jaillir et rien ne vient ! […] Je me trompais donc et je m’en aperçois à temps, lorsque je disais plus haut qu’il n’y avait pas, en ces deux volumes publiés sur Byron, une seule idée nouvelle.

404. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Louis XIV. Quinze ans de règne »

S’apercevrait-on même qu’on les a ? […] Moret n’a point ce que j’oserais nommer la faculté suraiguë de l’Aperçu, le plus beau don que Dieu puisse faire à ceux qui doivent écrire l’histoire.

405. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Les Femmes de la Révolution » pp. 73-87

Elle avait bien des défauts et nous les reconnaissons… Pédante si l’on veut, quelquefois sans grâce et précieuse, esprit faux en philosophie, bas-bleu à ravir l’Angleterre de l’éclat enragé de son indigo, madame de Staël, par la distinction de sa pensée, par la subtilité de son observation sociale, par son style brillant d’aperçus, par ses goûts, ses préoccupations, ses passions même, tendait vers la plus haute aristocratie, vers la civilisation la plus raffinée. […] On pourrait peut-être l’éclairer encore par l’aperçu, par l’originalité du jugement ; mais, pour cela, il faudrait une impartialité et une profondeur que depuis longtemps Michelet ne possède plus.

406. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XX. M. de Montalembert »

Légendes, peintures, réfutations, miracles racontés de manière à couper l’insolent sifflet des rieurs, aperçus, domination petite ou grande de l’histoire de quelque côté que ce soit, rien n’appartient en propre et en premier à M. de Montalembert, si ce n’est ce qui appartient toujours à tout homme dans tout livre, — le style qu’il y met. […] Sans le geste de la phrase, qui d’ailleurs ne varie pas et qui remue toutes ces idées assez communes, débitées partout sur la chute de l’empire romain, sur les Barbares, sur les premières grandeurs morales du christianisme, vous n’avez plus là, sous le nom de M. de Montalembert, que le style et les aperçus du Correspondant, c’est-à-dire de la Revue des Deux-Mondes, en soutane.

407. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Malot et M. Erckmann-Chatrian » pp. 253-266

Ainsi, par exemple, quand Maurice Berthaud s’embusque dans l’escalier des Italiens pour en voir descendre sa maîtresse, nous apercevons, derrière la description de M.  […] La préoccupation de ce malheureux livre, où il y a de l’étude et parfois du style, mais rien de sincère, de franc et de naïvement emporté, la préoccupation se trouve partout, c’est la manie de faire de l’école hollandaise, de cette école hollandaise transportée dans la littérature, et qui les perdra tous, ces romanciers sans idée, qui veulent tout écrire et ne rien oublier, parce qu’il est plus aisé de peindre les bretelles tombant sur les hanches des hommes qui jouaient au bouchon (v. p. 68), que d’avoir un aperçu quelconque ou de trouver une nuance nouvelle dans un sentiment.

408. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CXIIIe entretien. La Science ou Le Cosmos, par M. de Humboldt (2e partie). Littérature de l’Allemagne. » pp. 289-364

Elle est modeste et grave comme l’ombre qui jaillit d’un portique avant de pénétrer dans le temple : « J’offre à mes compatriotes, au déclin de ma vie, un ouvrage dont les premiers aperçus ont occupé mon esprit depuis un demi-siècle. […] Un essai de réunir ce qui, à une époque donnée, a été découvert dans les espaces célestes, à la surface du globe, et à la faible distance où il nous est permis de lire dans ses profondeurs, pourrait, si je ne me trompe, quels que soient les progrès futurs de la science, offrir encore quelque intérêt, s’il parvenait à retracer avec vivacité une partie au moins de ce que l’esprit de l’homme aperçoit de général, de constant, d’éternel, parmi les apparentes fluctuations des phénomènes de l’univers. » Potsdam, au mois de novembre 1844. […] Si l’on embrasse dans leur généralité les nations africaines de couleur foncée, sur lesquelles l’ouvrage capital de Prichard a répandu tant de lumières, et si on les compare avec les tribus de l’archipel méridional de l’Inde et des îles de l’Australie occidentale, avec les Papous et les Alfourous (Harafores, Endamènes), on aperçoit clairement que la teinte noire de la peau, les cheveux crépus, et les traits de la physionomie nègre sont loin d’être toujours associés. […] Cette limite, il la marque et ne la franchit point. » XV Après ce savant aperçu sur l’astronomie de l’univers, j’ouvre le deuxième volume du Cosmos de M. de Humboldt, et je le trouve redescendu sans transition de ces mondes incommensurables à une espèce de littérature cosmique qui ne s’enchaîne en rien à ce tableau de l’univers. […] « De semblables aperçus sur le monde sont souvent exposés dans les psaumes, mais nulle part d’une manière plus complète que dans le trente-septième chapitre du livre de Job, assurément fort ancien, bien qu’il ne remonte pas au-delà de Moïse.

409. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre III. Les grands artistes classiques — Chapitre VI. Bossuet et Bourdaloue »

Notre forme de gouvernement n’en permettait pas le développement, comme l’a fait justement remarquer Fénelon ; aussi nulle tradition ne put s’établir ; et les rares discours que l’on a recueillis, dans les temps où la faiblesse du pouvoir royal, sous les deux régences, permit la libre et publique discussion des affaires publiques, sont des accidents sans conséquence, des œuvres isolées et sans lien, où l’on n’aperçoit pas un art de la parole. […] Il a affaire à des malades qui souvent ne voient pas leur mal : il faut leur en donner le sentiment cuisant et non la connaissance théorique, et il faut leur faire apercevoir, désirer, tenter le remède. […] Même dans l’admirable Panégyrique de saint Bernard, ce n’est pas l’individu que fut Bernard, psychologiquement et historiquement, c’est le type idéal de l’enthousiasme ascétique, c’est, si l’on veut, l’image, lyrique encore plus que dramatique, du moine que Bossuet nous fait apercevoir. […] Il faisait face bravement, et partout où il apercevait quelque trace de ces germes, il essayait de les étouffer. […] De plus, dans les sermons de Bossuet, les contemporains estimèrent surtout la logique et la science ; et ils ne s’aperçurent pas, lorsqu’il se tut, qu’il leur manquât quelque chose, parce qu’au même instant Bourdaloue vint tenir sa place, et réaliser d’autant mieux leur idéal qu’il ne le dépassait pas438.

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