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1494. (1884) Articles. Revue des deux mondes

Ceux qui s’en vont lèguent en mourant, sous forme d’exemples, d’enseignement, de chefs-d’œuvre ou de bonnes œuvres, quelque chose de l’intelligence ou de la moralité qu’ils contenaient en eux, et ceux qui viennent, recueillant cet héritage, y peuvent ajouter toujours plus de connaissances, plus de justice et de charité. […] « Mais, ajoute le philosophe, il y a aussi quelques hommes qui, après la puberté, donnent un peu de lait si l’on presse leurs mamelles et qui même en donnent en quantité quand un enfant les tette. » Ce simple rapprochement rend déjà le prodige moins merveilleux. […] De même dans l’étude des animaux, quels qu’ils soient, il n’y a jamais non plus à détourner nos regards dédaigneux, parce que, dans tous sans exception, il y a quelque chose de la puissance de la nature et de sa beauté. » III Il semblera peut-être que ces vues philosophiques et religieuses, pour grandes qu’elles soient, loin d’ajouter à la valeur scientifique de l’œuvre, ne peuvent que la compromettre aux yeux des hommes du métier. […] En tout cas, c’est sans doute à sa théorie de l’âme qu’Aristote a dû d’ajouter à tant d’autres gloires celle d’avoir fondé la psychologie comparée.

1495. (1926) L’esprit contre la raison

Plus rien, rien, rien, rien, rien. » Et il ajoutait : « De cette façon, nous espérons que la nouveauté s’imposera moins égoïste, moins mercantile, moins obtuse, moins immensément grotesque. »ad Comment, à de telles révoltes, un homme honnête pourrait-il préférer les petites combinaisons avantageuses ? […] Et Breton d’ajouter : « Le rationalisme absolu qui reste de mode ne permet de considérer que les faits relevant étroitement de notre expérience. […] Inutile d’ajouter que l’expérience même s’est vu assigner des limites. […] « et moral » ajoutait Breton.

1496. (1896) Matière et mémoire. Essai sur la relation du corps à l’esprit « Chapitre IV. De la délimitation, et de la fixation des images. Perception et matière. Âme et corps. »

Alors nous avons cru voir l’action sortir de ses antécédents par une évolution sui generis, de telle sorte qu’on retrouve dans cette action les antécédents qui l’expliquent, et qu’elle y ajoute pourtant quelque chose d’absolument nouveau, étant en progrès sur eux comme le fruit sur la fleur. […] C’est par là surtout qu’ils tendent à rejoindre l’analyse purement psychologique que nous avions d’abord donnée du mouvement, et qui nous le présentait, non comme un simple changement de rapport entre des objets auxquels il s’ajouterait comme un accident, mais comme une réalité véritable et en quelque sorte indépendante. […] La matière se résout ainsi en ébranlements sans nombre, tous liés dans une continuité ininterrompue, tous solidaires entre eux, et qui courent en tous sens comme autant de frissons. — Reliez les uns aux autres, en un mot, les objets discontinus de votre expérience journalière ; résolvez ensuite la continuité immobile de leurs qualités en ébranlements sur place ; attachez-vous à ces mouvements en vous dégageant de l’espace divisible qui les sous-tend pour n’en plus considérer que la mobilité, cet acte indivisé que votre conscience saisit dans les mouvements que vous exécutez vous-même : vous obtiendrez de la matière une vision fatigante peut-être pour votre imagination, mais pure, et débarrassée de ce que les exigences de la vie vous y font ajouter dans la perception extérieure. — Rétablissez maintenant ma conscience, et, avec elle, les exigences de la vie : de très loin en très loin, et en franchissant chaque fois d’énormes périodes de l’histoire intérieure des choses, des vues quasi instantanées vont être prises, vues cette fois pittoresques, dont les couleurs plus tranchées condensent une infinité de répétitions et de changements élémentaires. […] Mais cette perception qui coïncide avec son objet, ajoutions-nous, existe en droit plutôt qu’en fait : elle aurait lieu dans l’instantané.

1497. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Mézeray. — I. » pp. 195-212

Je n’ai pas la prétention ici d’ajouter à leurs raisons, ni même d’adhérer à une préférence si déclarée : pour en avoir le droit, il faudrait avoir fait les mêmes comparaisons et avoir exploré lentement les mêmes chemins. […] Cette offrande n’est pas commune ; aussi, pour la dédier d’une façon extraordinaire, j’ai fait une inscription à l’antique… Et après s’être étendu sur les louanges de Louis XIII, il ajoutait : Certes, monseigneur, toute sa vie n’est qu’une suite continuelle de miracles.

1498. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Le prince de Ligne. — II. (Fin.) » pp. 254-272

Un jour que la galère impériale passait tout près du rocher où la tradition place le sacrifice d’Iphigénie et comme on discutait ce point de mythologie historique, Catherine, se promenant sur le pont avec majesté, grâce et lenteur, étendit la main et dit : « Je vous donne, prince de Ligne, le territoire contesté. » On ajoute que le prince, se voyant assez près de terre, se jeta à l’eau comme il était, en uniforme, et alla prendre à l’instant possession du rocher, y gravant d’un côté, du côté apparent, le nom divin de Catherine, et de l’autre côté (assure-t-il), le nom tout humain de la dame de ses pensées, de la dame d’alors, car il en changeait souvent. […] De Mme Geoffrin, il disait en approuvant le portrait qu’en a tracé La Harpe : Le portrait de Mme Geoffrin est de la plus grande vérité ; il devait y ajouter le plus grand talent pour les définitions.

1499. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Le marquis de Lassay, ou Un figurant du Grand Siècle. — I. » pp. 162-179

. — Ce sentiment, ajoutait-il, est né avec moi ; je l’ai eu dès mon enfance, et à peine en étais-je sorti, que je secouai le joug de la domination paternelle aux dépens de tout ce qui m’en pouvait arriver ; et, pendant plusieurs années, je me réveillais la nuit avec un mouvement de joie que me donnait la pensée de ne plus dépendre de personne. […] Lassay pourtant voulait encore le paraître, et il ajoutait comme dernière raison à toutes les autres sa douleur et l’idée de celle qu’il avait perdue et qui lui était, disait-il, aussi présente que le premier jour.

1500. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « M. Daru. Histoire de la république de Venise. — III. (Suite et fin.) » pp. 454-472

Enfin, ce qui est inappréciable selon moi, c’est que votre sujet est complet et fini comme s’il s’agissait de l’empire des Assyriens ; qu’il n’y a rien à ajouter à votre ouvrage, et que vous avez pu le terminer par la mort de la république comme on termine une tragédie par l’assassinat ou par l’empoisonnement du héros. […] Et il cite à quelques pages de la lettre du général Bonaparte à Villetard, dans laquelle il est dit des bavards et des fous, à qui il n’en coûte rien de rêver la république universelle : « Je voudrais que ces messieurs vinssent faire une campagne d’hiver. » Traversant avec Bonpland les forêts de l’Amérique centrale et rencontrant dans une mission écartée un curé théologien qui se mit à les entretenir avec enthousiasme du libre arbitre, de la prédestination, et de ces questions abstruses chères à certains philosophes, Alexandre de Humboldt, en sa relation, ajoute : « Lorsqu’on a traversé les forêts dans la saison des pluies, on se sent peu de goût pour ce genre de spéculations. » Faire une campagne d’hiver, ou traverser les forêts vierges dans la saison des pluies, double recette pour se guérir ou de la fausse politique ou de la vaine métaphysique ; c’est la même pensée de bon sens rendue sous une image différente, et je me suis plu souvent à rapprocher les deux mots.

1501. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Madame Dacier. — II. (Fin.) » pp. 495-513

Méconnaissant dans Homère, ou plutôt n’estimant point cette langue si abondante et si riche, qui est comme voisine de l’invention et encore toute vivante de la sensation même, il préférait nettement la nôtre : « J’oserai le dire à l’avantage de notre langue, je la regarde comme un tamis merveilleux qui laisse passer tout ce que les anciens ont de bon, et qui arrête tout ce qu’ils ont de mauvais. » Enfin, s’emparant d’un mot de Caton l’Ancien pour le compléter et le perfectionner à notre usage, il concluait en ces termes : Caton le Censeur connaissait parfaitement l’esprit général des Grecs, et combien ils donnaient au son des mots, lorsqu’il disait que la parole sortait aux Grecs des lèvres, et aux Romains du cœur ; à quoi j’ajouterais, pour achever le parallèle, qu’aux vrais modernes elle sort du fond de l’esprit et de la raison. […] On ajoute « qu’elle était d’une assiduité opiniâtre au travail et ne sortait pas six fois l’an de chez elle, ou du moins de son quartier : mais, après avoir passé toute la matinée à l’étude, elle recevait le soir des visites de tout ce qu’il y avait de gens de lettres en France ».

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