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405. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Benjamin Constant »

Si quelqu’un eût pu s’opposer à la publication de ces Lettres, — qui ne sont pas une Correspondance puisque les réponses n’y sont pas, — c’eût été tout au plus quelque parent de Benjamin Constant, pour peu qu’il eût tenu au genre de renommée qu’a laissée derrière lui l’auteur d’Adolphe… L’idée, en effet, qu’on a de Benjamin Constant, comparé pour l’esprit par ses contemporains à rien moins que Voltaire, se trouve légèrement entamée par ces lettres, qui nous le montrent tout à coup sous l’aspect étonnant d’un sentimental aussi niais que le premier amoureux venu ! […] Elle lui dit qu’il n’était plus Benjamin Constant, qu’il se dissolvait, qu’il tombait par morceaux, qu’il était changé à faire peur, qu’il perdait son talent, qu’il n’avait plus d’esprit, qu’il devenait bête et idiot, lui, le Voltaire du temps !

406. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XII. MM. Doublet et Taine »

par se croire Voltaire. […] S’il y avait quelque chose qui ressemblât à du respect dans sa pensée, ce serait pour Condillac et pour Voltaire.

407. (1831) Discours aux artistes. De la poésie de notre époque pp. 60-88

Nous dire cela ne peut être réservé qu’à des poètes sortis directement des trois grands peuples qui se pressent l’un contre l’autre au centre de l’Humanité, la France, l’Allemagne et l’Angleterre ; qu’à des poètes qui auront porté avec douleur les graves pensées de notre âge ; qu’à des poètes qui auront senti l’impulsion des philosophes du Dix-Huitième Siècle, ces prédécesseurs des poètes actuels ; qu’à des poètes, enfin, qui nous montreront leur ligne de parenté avec Rousseau, Diderot et Voltaire, la Révolution Française et Napoléon, soit qu’ils se soient mis en lutte ouverte ou qu’ils vivent en harmonie avec tous ou quelques-uns de ces grands colosses qui avaient dernièrement en eux la vie du monde, et qui, glacés dans leur tombeau, tiennent encore en main le sceptre de l’avenir. […] Goethe cependant l’avait précédé de bien des années ; mais Goethe, dans une vie plus calme, se fit une religion de l’art, et l’auteur de Werther et de Faust, devenu un demi-dieu pour l’Allemagne, honoré des faveurs des princes, visité par les philosophes, encensé par les poètes, par les musiciens, par les peintres, par tout le monde, disparut pour laisser voir un grand artiste qui paraissait heureux, et qui, dans toute la plénitude de sa vie, au lieu de reproduire la pensée de son siècle, s’amusait à chercher curieusement l’inspiration des âges écoulés ; tandis que Byron, aux prises avec les ardentes passions de son cœur et les doutes effrayants de son esprit, en butte à la morale pédante de l’aristocratie et du protestantisme de son pays, blessé dans ses affections les plus intimes, exilé de son île, parce que son île antilibérale, antiphilosophique, antipoétique, ne pouvait ni l’estimer comme homme, ni le comprendre comme poète, menant sa vie errante de pays en pays, cherchant le souvenir des ruines, voulant vivre de lumière, de lumière éclatante, et se rejetant dans la nature comme autrefois Rousseau, fut franchement philosophe toute sa vie, ennemi des prêtres, censeur des aristocrates, admirateur de Voltaire et de Napoléon ; toujours actif, toujours en tête de son siècle, mais toujours malheureux, agité comme d’une tempête perpétuelle, en sorte qu’en lui l’homme et le poète se confondent, que sa vie intime répond à ses ouvrages ; ce qui fait de lui le type de la poésie de notre âge. […] Enfin on se fait une religion vaporeuse, qui ne ressemble pas plus au Christianisme, quand il vivait, que les muses et les nymphes de la poésie mythologique de Boileau et de Voltaire ne ressemblaient au Paganisme. […] Voltaire n’est pas poète quand, pour peindre l’amour, il emploie tous les termes abstraits ou toutes les métaphores usées du dictionnaire ; mais l’auteur du Cantique des Cantiques, dont Voltaire se moquait, est poète quand il compare les dents de sa maîtresse à de petits moutons blancs qui sortent en rang du lavoir.

408. (1890) L’avenir de la science « X » pp. 225-238

Hoffmann, qui en ont élaboré le texte, auront plus avancé l’œuvre que Voltaire flanqué de tout le XVIIIe siècle. […] Voltaire avait raison, à son point de vue, de se moquer d’Ézéchiel 104 comme Perrault et quelques critiques d’Alexandrie avaient raison de déclarer Homère ridicule, et quand Mme Dacier et Boileau veulent défendre Homère, sans sortir de cette étrange manière d’envisager l’antiquité, ils ont tort. […] Parmi les œuvres de Voltaire, celles-là sont bien oubliées où il a copié les formes du passé. […] Voltaire ne faisait d’ailleurs que suivre les traces des apologistes. Ceux-ci prenaient la Bible comme une œuvre absolue, en dehors du temps et de l’espace ; Voltaire la critique comme il eût fait d’un livre du XVIIIe siècle, et, de ce point de vue, il y trouve bien entendu des absurdités.

409. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — N. — article » pp. 419-420

On ne peut cependant se dissimuler qu’il n’ait rendu des services essentiels à la Religion & aux mœurs, en décréditant Voltaire, leur plus dangereux ennemi ; car de tous les Ouvrages publiés contre ce célebre Ecrivain, aucun n’a autant contribué, que le tableau de ses erreurs, à lui faire perdre l’espece d’autorité que ses talens lui avoient acquise sur l’opinion publique.

410. (1782) Essai sur les règnes de Claude et de Néron et sur la vie et les écrits de Sénèque pour servir d’introduction à la lecture de ce philosophe (1778-1782) « Essai, sur les règnes, de Claude et de Néron. Livre second » pp. 200-409

Voltaire, diront-ils, en a fait l’éloge. Il s’agit bien de ce que Voltaire en aura dit dans une ode anacréontique ! […] « Qu’il y a de grands rapports entre Sénèque et Voltaire. » Tant mieux pour l’un et pour l’autre ; et je ne crois pas qu’on fit un mauvais compliment au plus fameux de nos aristarques, si on lui disait qu’il y a de grands rapports entre Voltaire, Sénèque et lui. […] 19° « Qu’il a défendu Voltaire, Sénèque, Raynal, comme un énergumène. […] 21° Et puis voilà le même grand homme, Voltaire, traité d’Idole à la mode par les mêmes critiques.

411. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — R. — article » pp. 63-64

Il est aussi peu sensé au Lexicographe de dire, en se contrariant, que ce même Ouvrage seroit plus digne des Gens de goût, si quelque homme instruit vouloit le corriger sur l'Histoire du Siecle de Louis XIV de M. de Voltaire.

412. (1928) Quelques témoignages : hommes et idées. Tome I

Il n’en alla plus ainsi dès qu’il voulut étendre sa galerie et portraiturer un Voltaire, par exemple, un Molière, un Racine. […] Ceux de Mme de Lafayette, de l’abbé Prévost, de Voltaire, de Balzac, que je citais tout à l’heure, sont du nombre. […] Au nom de quoi la patrie, si les armées sont ce que Voltaire nous montre ? […] « Cultive ton jardin », conclut Voltaire. […] Voltaire a reculé devant cette conséquence de ses misérables prémisses.

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