Il appela ce volume de prédilection : Paroles d’un Croyant, et, ayant ainsi achevé sa pensée devant Dieu, il se sentit un peu calmé ; son grand travail de philosophie le retrouva plus dispos et plus persévérant. […] « Quelque chose que nous ne savons pas se remue dans le monde : il y a là un travail de Dieu. […] « Et au lieu du faible crépuscule que nous appelons jour, une lumière vive et pure rayonnera d’en haut, comme un reflet de la face de Dieu. […] » ils répondaient : « Nous n’aimons point, nous obéissons. » « Et quand on leur montrait les autels du Dieu qui a créé l’homme et du Christ qui l’a sauvé, ils s’écriaient : « Ce sont là les dieux de la patrie ; nos dieux à nous sont les dieux de ses maîtres, la Fidélité et l’Honneur. » « Je vous le dis en vérité, depuis la séduction de la première femme par le serpent, il n’y a point eu de séduction plus effrayante que celle-là. […] Elles passent comme à travers un rêve affreux, et au réveil elles bénissent Dieu qui les a délivrées de ce tourment. » Et suit alors l’hymne de départ du jeune soldat de l’avenir, du soldat qui s’en ira combattre une dernière fois pour la justice, pour la cause du genre humain, pour l’affranchissement de ses frères : « Que tes armes soient bénies, jeune soldat !
comme pour se rassurer dans les ténèbres et se fortifier contre lui-même ; vainement il montre de loin à son amie, dans le ciel sombre, la double étoile de l’Âme immortelle et de l’Éternité de Dieu ; vainement il fait agenouiller sa petite fille aînée devant le Père des hommes, et lui joint ses petites mains pour prier, et lui pose sur sa lèvre d’enfant le psaume enflammé du prophète : ni la Prière pour Tous si sublime, ni l’Aumône si chrétienne, ne peuvent couvrir l’amère réalité ; le poëte ne croit plus. Dieu éternel, l’humanité égarée et souffrante, rien entre deux ! […] Et pourtant il s’était écrié autrefois, dans les Actions de Grâces rendues au Dieu qui avait frappé d’abord, puis réjoui sa jeunesse : J’ai vu sans murmurer la fuite de ma joie ; Seigneur, à l’abandon vous m’aviez condamné. […] Louez Dieu ! […] Cette tristesse du ciel et de l’horizon, cette piété du poëte réduite à la famille, est un attrait, une convenance, une vérité de plus, en nos jours de ruine, au milieu d’une société dissoute, qui se trouve provisoirement retombée à l’état élémentaire de famille, à défaut de patrie et de Dieu.
Dans Mme André Léo, il n’y a que du xixe siècle — du xixe siècle positiviste, impie, moraliste sans Dieu rémunérateur, qui veut que la vertu des femmes soit d’être des hommes… Sa prétention d’épurer l’amour et d’établir les unions libres, si chère aux bas-bleus, ne lui appartient pas ; c’est celle de son temps. […] Pour en arriver là, elle ramasse, d’une main sans fierté, les plus sottes idées de ce sot temps sur le Péché originel et sur la Grâce, qui sont tout le christianisme, et elle les lui lance à la tête, ces sottes idées qu’elle sait peut-être sottes… « Quand je vis, dit-elle quelque part avec la nonchalante fatuité d´une raisonneuse dépaysée, qu’il (Dieu, — notre Dieu, à nous !) ne valait pas mieux que les hommes, j’y renonçai. » Dieu fut bien attrapé et elle le remplaça par l’Idéal, cette billevesée allemande, dont elle a dit ailleurs : « Le créateur de l’idéal, c’est l’amour. » Si elle s’entend, c’est une athée. […] On le comprend ; il y a trop de ridicule égayant l’ennui et par trop d’ennui attristant le ridicule, dans ces romans anti-bourgeois, et d’un style bourgeois pourtant, où Dieu c’est l’idéal, et l’idéal un champ de pommes de terre, et la Providence l’affinité !
Dieu l’eût sans doute sauvée pour la justification de ses promesses ; mais la gloire des grands hommes est de se servir de leur liberté et de leur intelligence de manière à économiser l’action directe de Dieu sur la terre et à lui ménager l’effet des grands coups de sa providence. […] l’histoire d’un seul Pape, dans l’histoire de l’Église, a de tels rayonnements en avant et en arrière que ce n’est plus l’histoire d’un siècle ni d’un Pape, mais l’histoire de l’Église universelle et éternelle, concentrée dans la minute d’un siècle ou d’une vie d’homme, comme tout un horizon répercuté et concentré dans une facette de diamant… En intérêt, l’Histoire de la Papauté pendant le xve siècle, par l’abbé Christophe, vaut, avec d’autres événements et des personnalités différentes, son Histoire de la Papauté pendant le xive siècle, et elle a le même mérite d’unité dans la variété qui est le caractère particulier de toutes les histoires détachées de l’histoire générale de l’Église, qui a bien raison de s’appeler catholique, c’est-à-dire universelle ; car si Dieu l’ôtait de ce monde, il s’y ferait un de ces trous, comme dit Shakespeare en parlant des monarchies qui croulent, que rien — quoi qu’on y jette — ne peut plus combler ! […] Le clergé, lui, en subit l’influence à une grande profondeur, et Dieu sait s’il en retrouva la trace quand Luther reprit la tradition de la révolte où Jean Huss l’avait laissée ! […] Ce parlementarisme religieux qui nous a conduits, Dieu sait par quelles abominables voies !
» car le cosmos ou le monde étant l’œuvre de Dieu, il doit être divin. « Que m’importe cet être que vous appelez Dieu ? […] Mon âme n’a de sympathie que pour les âmes, et d’adoration que pour l’âme des âmes, l’auteur voilé dans son ouvrage, Dieu. […] Quelles lettres pour graver le nom de Dieu ! […] Là passent les vaisseaux et se meuvent les monstres que tu as créés, ô Dieu, pour qu’ils s’y jouassent librement”.
Mais ces temples me plaisaient ; je n’avais pas étudié ton art divin ; j’y trouvais Dieu. […] Ô abîme, tu es le Dieu unique. […] C’était la meilleure créature de Dieu ; mais on ne put jamais l’astreindre à travailler. […] Dieu était pour lui l’ordre de la nature, la raison intime des choses. […] Loin de méconnaître Dieu, il avait honte pour ceux qui s’imaginent le toucher.
Car il y a deux Veuillot : celui qui est debout, grave, triste, imposant d’attitude, d’un beau front, parlant d’or sur les grands sujets, prêchant aux autres le respect qu’il a lui-même si peu, prompt à en remontrer aux gouvernements sur le principe de l’autorité, et, quand il se fâche, le faisant au nom d’une autorité supérieure, et, pour ainsi dire, exerçant les justices de Dieu. — Je ne nie point la part de sentiments sérieux, qui sont d’accord en lui avec cet air-là. […] Il a trop lu Béranger, Il croit à ce qu’il appelle le Dieu des bonnes gens, c’est-à-dire à un Dieu plutôt indulgent que cruel et vengeur. […] Dieu clément, est-ce moi ? […] Le temps, ce ravisseur de toute joie humaine, Nous prend jusqu’à nos pleurs, tant Dieu veut nous sevrer ! […] Le temps n’a pas marché ; c’est hier, c’est tout à l’heure : J’étais là, près du lit de mon père expirant, J’allais d’un ami mort vers un ami mourant… ; Et vous, trésors de Dieu, trésors qu’au moins je pleure, Biens que j’eus un instant et dont j’ai su le prix, Doux enfant, chaste épouse, ô gerbe moissonnée !
Dieu ne se propose que le grand dessin général. […] Je servais alors le Dieu de mon enfance, et un regard élevé vers la croix de pierre, sur les marches de laquelle nous étions assis, et sur le tabernacle, qu’on voyait à travers les vitraux de l’église, m’expliquait tout cela. […] Et, quand l’humanité ne sera plus, Dieu sera, et l’humanité aura contribué à le faire, et dans son vaste sein se retrouvera toute vie, et alors il sera vrai à la lettre que pas un verre d’eau, pas une parole qui auront servi l’œuvre divine du progrès ne seront perdues. […] Mais nous aurons travaillé à avancer la manière d’envisager les choses, nous aurons conduit l’avenir à n’avoir pas besoin de nous lire, nous aurons avancé le jour où la connaissance égalera le monde et où, le sujet et l’objet étant identifiés, le Dieu sera complet. […] Quel livre, grand Dieu !