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819. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Appendice. »

Mais Aristotc, antérieur à mon époque de plus de quatre-vingts ans, n’est ici d’aucun poids. […] Je n’ai pas été obligé de remonter jusqu’à Samson ; car j’ai repoussé autant que possible tout détail appartenant à des époques légendaires. […] Malgré la condition imposée par Gélon (480), dans la guerre contre Aga-thocles (309) on brûla, selon Diodore, 200 enfants, et quant aux époques postérieures, je m’en rapporte à Silius Italicus, à Eusèbe, et surtout à saint Augustin, lequel affirme que la chose se passait encore quelquefois de son temps. […] « En un mot, les vrais poëtes de cette époque et de ces origines romantiques françaises sentaient et chantaient d’après eux-mêmes, bien plus qu’ils ne songeaient à imiter ou à étudier.

820. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Madame Desbordes-Valmore. »

Je vois tout cela, et j’en deviens pauvre… » En 1834, ç’avait été bien pis, à l’époque de la grande insurrection ouvrière et républicaine dont elle avait été témoin, et dont elle s’était sentie comme victime. […] Ce qui avait un tout autre caractère et bien autrement poignant, ce sont les stances suivantes, écrites sous l’impression même de l’atroce spectacle qu’elle avait sous les yeux, et qu’offre dans tous les temps, — à l’époque de la Ligue, comme à la nôtre, — le cynisme des guerres civiles. […] C’est un rude métier que le sien ; mais, mon bon Félix, nous n’avons pas de dot pour nos anges ; et la grâce, l’esprit, la sagesse, qu’est-ce que cela pour l’époque où nous sommes ?  […] « Je t’en écrirai les détails quand je respirerai du tumulte de tant de soins, et des terribles embarras d’argent où je tourne épouvantée. — L’avenir de notre chère Ondine est assuré et tout à fait convenable ; mais juge de cette époque pour sa pauvre famille si fière, si pauvre ! 

821. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « DES MÉMOIRES DE MIRABEAU ET DE L’ÉTUDE DE M. VICTOR HUGO a ce sujet. » pp. 273-306

Les quatre ou cinq grands chefs qui servirent à cette époque l’esprit humain dans son immortelle entreprise, Montesquieu, Voltaire, Rousseau, Buffon, Diderot et autres, n’abusèrent pas trop à leur profit de la popularité qu’ils acquirent et des acclamations confuses par lesquelles on les salua libérateurs. […] Cette disposition a pénétré dans les jugements de l’histoire, elle prévaut dans l’art ; mais je ne saurais y voir qu’un retentissement de l’époque impériale, une imitation involontaire, développée sur la fin des loisirs de la Restauration et se poussant parmi beaucoup de pressentiments plus vrais de l’art de l’avenir. […] Sieyès devient un songe-creux que Mirabeau pénètre en un clin d’œil, Sieyès qui, avant sa corruption, méritait d’être proclamé l’un des hommes les plus éclairés, les plus hardis et les plus sainement métaphysiques de l’époque, Sieyès qui du moins, devant la postérité, conservera l’honneur d’avoir le premier répondu à la question : « Qu’est-ce que le tiers état ?  […] Il eut sa période d’arrêt et de retour après sa période d’invasion ; il ne crut pas en politique à l’efficacité absolue de la logique, de la théorie, ni des constitutions faites de toutes pièces ; il conçut, plus qu’aucune tête à cette époque, l’élément historique et vital des sociétés.

822. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « La Bruyère »

La première, à laquelle Louis XIV ne fit que donner son nom et que prêter plus ou moins sa faveur, lui vint toute formée de l’époque précédente ; j’y range les poëtes et les écrivains nés de 1620 à 1626, ou même avant 1620, La Rochefoucauld, Pascal, Molière, La Fontaine, madame de Sévigné. […] Reçu à l’Académie le 15 juin 1693, époque où il y avait déjà eu en France sept éditions des Caractères, La Bruyère mourut subitement d’apoplexie en 1696 et disparut ainsi en pleine gloire, avant que les biographes et commentateurs eussent avisé encore à l’approcher, à le saisir dans sa condition modeste et à noter ses réponses145. […] Les Lettres Persanes, si bien annoncées et préparées par La Bruyère, ne tarderont pas à marquer la seconde époque. […] — En politique, il a de simples traits qui percent les époques et nous arrivent comme des flèches : « Ne penser qu’à soi et au présent, source d’erreur en politique. » Il est principalement un point sur lequel les écrivains de notre temps ne sauraient trop méditer La Bruyère, et sinon l’imiter, du moins l’honorer et l’envier.

823. (1862) Cours familier de littérature. XIV « LXXIXe entretien. Œuvres diverses de M. de Marcellus (2e partie) » pp. 5-63

Il en fut de même à l’époque de sa réception à l’Académie française ; j’ai lu ce discours dans lequel il loue en termes magnifiques, en commençant, le nouveau César et la nouvelle impératrice, femme, fille des Césars ; il se refusa seulement à louer le régicide ou à l’amnistier dans la personne de Chénier qu’il avait à remplacer, et à raturer quelques phrases à double sens sur Tacite. […] Je ne parle pas ici par ressentiment d’auteur, car je suis le seul poète du temps et le seul homme politique de son époque qui soit, comme poète, placé par lui dans la compagnie immortelle d’Homère, de Virgile, de Racine, et, comme homme de tribune et de hautes affaires, au rang des hommes de bon sens. […] C’était l’époque héroïque de l’indépendance hellénique. […] Or cette chanson n’est qu’un des soupirs recueillis au milieu de ces coutumes qui proclamaient au loin l’antique réputation d’innocence attribuée, à toutes les époques, aux belles habitantes de l’île devenue si misérable. » Il faudrait lire encore la complainte des blanchisseuses qui lavent le châle et la veste de l’étranger, pour qu’à son retour dans sa patrie, la mère et les sœurs n’accusent pas les filles de l’île de dureté et de parcimonie envers le pauvre matelot !

824. (1869) Cours familier de littérature. XXVIII « CLXVe entretien. Chateaubriand, (suite) »

Le Tasse, plus tard, mêlait avec génie les vérités du catholicisme, religion nouvelle du monde, aux fables divines ou infernales de son époque. […] L’époque était passée. […] Un véritable grand homme qui eût paru alors, le glaive dans une main, la modération dans l’autre, pouvait lui apporter la raison, la force et la paix ; c’était une de ces époques où la dictature des soldats et la dictature des législateurs peuvent s’unir pour reconstituer un grand peuple ; mais, il faut le reconnaître, la France, qui est le pays des armes, du génie et de la gloire, n’est pas le pays de la raison. […] Il n’était pas né pour être un tribun de la multitude, mais pour être le roi des lettrés d’une époque.

825. (1911) Enquête sur la question du latin (Les Marges)

Dès le temps où nous usions nos culottes sur les bancs des plus fameux lycées de l’Alma Mater, — à cette époque, l’Université s’enorgueillissait encore de son vieux nom latin, — la décadence commençait. […] Enfin, il eût peut-être été utile, à notre époque où l’influence de la morale religieuse disparaît, de laisser à l’enfant cette éducation qui façonna les plus honnêtes gens de notre histoire. […] Mais nous vivons à une telle époque d’utilitarisme, de commercialisme, de matérialisme et de mufflisme que fatalement un tel culte devait sembler dangereux ou superflu. […] L’œuvre d’art est, si l’on peut dire, à deux détentes, dont la seconde importe beaucoup plus qu’on ne le croit aujourd’hui ; les époques dites classiques (leur physionomie varie à l’infini) sont celles où ce point d’équilibre est atteint.

826. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre deuxième »

Geoffroy d’Estissac réunissait dans son château de Légugé des personnes instruites et des seigneurs amis des lettres, et, selon l’usage de l’époque, y présidait à des entretiens sur toutes sortes d’études. […] Rien n’y ressemble plus que cette mesure avec laquelle il sut railler tout ce qui pouvait être raillé impunément, ne point toucher à ce qui n’avait que le tort de lui être indifférent, garder la réserve sur les choses importantes, jusque dans l’entraînement en apparence irrésistible de son humeur ; outre l’habit ecclésiastique dont il couvrait tout, même certains passages qui sentent fort le matérialisme, moins dangereux d’ailleurs, à cette époque, que l’hérésie. […] Il ne tut rien de ce qui pouvait être utile à dire à cette époque et rester vrai après la querelle ; il laissa aux hommes passionnés ces affirmations hardies qui allaient être soutenues et repoussées par le fer et le feu. […] L’ancien et le nouveau, qui, à cette époque, n’est que l’antiquité païenne y sont juxtaposés grossièrement.

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