Tout prouve qu’ils ont duré jusqu’à l’extinction du paganisme ; & l’époque de sa fin n’est que de l’année 451. […] La première est pour venger les pères de l’église & les anciens chrétiens des raisonnemens qu’on leur fait tenir, & pour exposer les motifs qu’ils ont eu de croire que les oracles des payens étoient rendus par les démons ; la seconde, pour détruire les preuves directes par lesquelles on établissoit que les oracles étoient l’unique ouvrage de quelques prêtres imposteurs ou dupes ; la troisième, pour faire voir que la naissance de Jésus-Christ est l’époque de la cessation des oracles, & qu’ils n’ont cessé que par le pouvoir de la croix & par l’invocation de son nom. […] Enfin, la naissance de Jésus-Christ n’est pas la première époque de la cessation des oracles.
Trente ans, pour lui, c’était une époque déterminée pour une époque indéterminée. […] … Dans ce livre, où il n’est pas question une seule fois du moindre traité conclu ou à conclure, et où les deux diplomates qui s’y trouvent ne sont que des capitonneurs de situation, mis entre deux gouvernements pour les empêcher de se heurter, il n’y a guères, au fond, que deux correspondants, au fait, comme tout le monde, des choses de leur époque, et qui tâtonnent dans les événements pour y trouver des solutions dont ils n’ont jamais la certitude.
Et, à cette époque, les sots, qui à toute autre n’étaient que des sots, se sont épaissis et sont devenus grossiers. […] Il a tout fait pour être absolument insupportable à une époque où la distinction est honnie comme une aristocratie outrageante ; où, par exemple, le grand Lamartine est oublié pour les Lilliputiens du Parnasse, et où ce Flaubert, qui vient de mourir en emportant dans sa tombe la tête d’une littérature qui ne laisse plus derrière lui que ses parties honteuses, mugissait de son vivant, comme un bœuf qu’il était : « ce gueuloir de Chateaubriand ! […] si Paul de Saint-Victor, la plus éclatante phrase de la fin de ce siècle, — qui devait être aussi pour Flaubert « un gueuloir » comme Chateaubriand, — n’est pas insupportable aune époque si ravalée et si commune ; si, de hasard, son livre des Deux Masques réussit, cela n’est pas venu assurément de la beauté sentie de ce livre, mais peut-être uniquement de ce que l’auteur était, avant ce livre, en possession d’une réputation si bien faite, dans un autre temps, que tout ce qu’il fait de beau pour l’augmenter dans celui-ci n’est pas capable de la ruiner !
Lenient — lequel n’est pas un livre d’aperçu, qui n’a été conçu ni écrit comme les Considérations de Montesquieu sur la grandeur et la décadence des Romains, et qui embrasse toute la période du Moyen Âge, — est de n’avoir que quatre cents et quelques pages pour nous donner le train des faits intellectuels de cette époque, qui est immense. […] L’homme s’est moqué, à toute époque, de ses pouvoirs, de ses néants, de ses sentiments, de lui-même. […] Et il va tout à l’heure nous le professer dans sa manifestation la plus profonde, la plus compliquée, la plus fébrile : le rire aux mille faces de cette époque merveilleusement confuse et puissante, ce rire du Moyen Âge, diabolique comme la science ou ingénu comme l’innocence… Lequel des deux, puisque le procès n’est pas vidé ?
l’auteur de l’Être social n’est pas un rhéteur, une âme vide de rhéteur ; c’est, au contraire, une âme pleine d’illusions généreuses, quand il faudrait être, pour peu qu’on ait à juger l’anarchie des opinions et des sentiments moraux de cette babélique époque, un moraliste sans pitié. […] C’est un homme qui mériterait d’être resté ce qu’il était dans l’origine, une santé spirituelle, un beau tempérament bien venu, mais qui, au contact de son siècle, a contracté les maladies intellectuelles d’une époque hégélienne hier, — nihiliste aujourd’hui, — et qui, si elle n’est tout à fait morte, deviendra on ne sait quoi demain ! […] Esprit très élevé et très cultivé, heureux et fier dans sa pensée d’être un enfant du xixe siècle, — de ce xixe siècle qui a encore le temps, avec les vingt années qui lui restent à durer, de faire baisser la tête à ses fils et de diminuer l’orgueil et le bonheur d’en être un, — il a été la victime de la culture de son époque et de la culture de son esprit.
Le fantaisiste Gérard de Nerval, ce poète du temps de la poésie échevelée, ce romantique de la meilleure époque, est, avant tout, dans ce livre : le meilleur de ses livres, un esprit calme, impartial, exact, voyant les faits et les exprimant dans un style élégant, précis, d’un coloris tempéré et certainement plus classique que romantique, mais d’un classique teinté d’une couleur sobrement éclatante que Fontanes aurait admirée ! […] Écho de l’époque, ce n’était pas en lui la personnalité qui chantait. […] Nous savons combien, dans cette époque ramollie, il est facile et accoutumé d’introduire l’attendrissement dans toutes les questions… Nous savons la force des pleurards.
Quel artiste, en effet, ayant le respect de son art et de lui-même, quand il s’agit de l’ensemble de ses travaux, ne pratique pas sur ce qu’il écrivit, à des époques distantes et dans des inspirations différentes, la retouche suprême qui affermit et qui achève, et après laquelle il n’y a plus pour l’homme que le désespoir de l’idéal ? […] Les premiers poèmes de M. de Vigny sont de cette époque. […] Quand à cette époque le grand mouvement romantique se produisit, M. de Vigny fut au premier rang du bataillon sacré, mais il ressembla à ces généraux de l’ancien régime qui servaient comme simples soldats dans l’armée de Condé avec leurs épaulettes de généraux.
Que si la tristesse est aussi pour lui, elle est encore plus pour l’époque qui ne l’entend plus ou qui l’entend avec indifférence. […] On sortait, si on se le rappelle, de l’époque où les Méditations de M. de Lamartine et ses Harmonies, d’une valeur poétique bien autrement supérieure, étalaient à la sensibilité publique un christianisme faux et souffrant, mais n’en tenaient pas moins leurs beautés, quand il y en avait, de cette inspiration chrétienne, toute faussée et souffrante qu’elle pût être. […] Pécontal possède plus que personne, mais auxquelles l’esprit de notre époque préfère le rythme, tourmenté, poli, aiguisé, affiné, savant enfin et si souvent vide ; le rythme, dernière expression de la beauté poétique, et que l’Imagination dégoûtée finira par rejeter, pour sa peine d’avoir rejeté l’âme, — comme le roi de Thulé jeta à la mer sa coupe épuisée, quand ses yeux mourants n’eurent plus de larmes pour la remplir !