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838. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « M. DAUNOU (Cours d’Études historiques.) » pp. 273-362

Ce jour-là, par un beau soleil d’automne, le Directoire en grand costume, La Revellière-Lépeaux en tête, sortit à pied de l’École militaire, précédé de tous les ministres, grands fonctionnaires, et des principaux corps de l’État ; chaque membre du cortége tenait à la main une branche de laurier ou de chêne. […] Quand Bonaparte, de retour d’Égypte, et qui, dans les premiers jours de son coup d’État, ne préjugeait naturellement les acteurs d’alors que sur leur renommée acquise, eut l’idée un moment de le faire consul, Rœderer, à qui il en avait parlé, put dire ensuite : « Je l’ai bien guéri de cette « idée-là, je l’ai fait causer une demi-heure avec lui111. » Les tristesses et les amertumes civiques de Daunou commencèrent après le 18 brumaire ; il s’agissait de refaire au plus vite une Constitution, celle dite de l’an VIII ; sa réputation classique en ce genre le fit choisir pour rédacteur. […] Bonaparte, après plusieurs refus de Daunou, voulut tenter un dernier effort ; il s’agissait de le décider à être ou directeur de l’instruction publique, ou conseiller d’État, ou les deux choses à la fois. […] La destinée d’un nouveau fondateur de l’empire d’Occident est de réparer les erreurs de Charlemagne, de le surpasser en sagesse, et par conséquent en puissance ; de gouverner, de raffermir les États que Charles n’a su que conquérir et dominer ; d’éterniser enfin la gloire d’un auguste règne, en garantissant, par des institutions énergiques, la prospérité des règnes futurs. » Dira-t-on que ces mots, ont besoin, puisse devoir, ne sont pas positifs ; que la destinée assignée ici au héros est une sorte de futur conditionnel ; qu’il est question, chemin faisant, de sagesse, de gouverner, de garantir, et même, en finissant, d’institutions énergiques, comme pour faire contrepoids à la spoliation qu’on appuie ?

839. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — Chapitre I. La Restauration. »

Les alarmes de la conscience s’étaient changées en lois d’État. […] Un de leurs hommes d’État disait que chez nous la populace lâchée se laisserait conduire par les mots d’humanité et d’honneur, mais que chez eux, pour l’apaiser, il faudrait lui jeter de la viande crue. […] Ses sujets, s’il l’ordonne, doivent renoncer au Christ, au moins de bouche ; le pacte primitif lui a livré sans réserve l’entière possession de tous les actes extérieurs ; au moins, de cette façon, les sectaires n’auront pas, pour troubler l’État, le prétexte de leur conscience. […] C’est le débordement de l’orgie qui triomphe, se décerne elle-même la couronne et s’étale en maximes. « Notre vertu, dit l’une d’elles, est comme la conscience de l’homme d’État, la parole du quaker, le serment du joueur, l’honneur du grand seigneur : rien qu’une grimace pour duper ceux qui se fient à nous. » À la dernière scène, les soupçons éveillés se calment sur une nouvelle déclaration de Horner. […] Ils n’ont plus le plaisir d’y régner comme dans un État.

840. (1902) Le critique mort jeune

Or, dans un récent volume où il a réuni un certain nombre d’essais, je trouve au sommaire des mentions telles que l’Idée de l’Etat ou Organisme et Société : et ce sont les titres de livres dont les auteurs, M.  […] Si abréger n’est pas trahir, on peut la résumer en ces quelques mots : l’Etat doit borner son activité à assurer l’ordre à l’intérieur, la sécurité à l’extérieur. Voilà la « sphère », comme dit Benjamin Constant, dans laquelle l’Etat ne saurait avoir trop de pouvoir. […] De là part une théorie très hardie sur le pouvoir judiciaire qui ne peut être indépendant qu’en se recrutant lui-même (voir Bonald) et aussi une opinion décidée pour la séparation des Églises et de l’État. […] Joseph Monneron, fils de paysans de l’Ardèche, distingué à l’école pour son intelligence, instruit aux frais de l’État et poussé jusqu’à l’Ecole Normale, est, au moment où s’ouvre le livre, titulaire d’une chaire de rhétorique dans un des premiers lycées de Paris.

841. (1894) Études littéraires : seizième siècle

Mais des portraits d’hommes d’État, de négociateurs, de princes, et lentement tracés, à plusieurs reprises, avec des retouches, il en a, et d’admirables. […] Il était caustique, ce qui est dangereux chez un homme d’État, et au moins inutile, puisque cela ne rapporte rien. […] L’éducation du prince est la chose la plus considérable dans un État bien réglé. […] C’est la pensée dirigeante de l’homme d’État que nous livre ici Commynes beaucoup plus que la suprême loi historique, comme aussi bien c’est toujours, l’homme d’État, dans les Mémoires de Commynes, qui écrit l’histoire. […] Partis à contenir, alliés gênants à ménager, c’était beaucoup pour Farel, citoyen courageux, grand orateur populaire, à me ardente, mais nullement homme d’État.

842. (1894) Écrivains d’aujourd’hui

Il n’a pas davantage eu part aux puérilités que conseillait à Flaubert sa superstition du style ni cru qu’un hiatus fût une affaire d’État. […] Son article le plus sévère sur Victor Hugo est du temps où le culte du poète adopté par la démocratie était en train de passer religion d’État. […] C’est donc, en fait, une reprise sur les attributions de l’État tout-puissant… Aussi a-t-il fait beau voir l’héroïque résistance opposée au projet par l’esprit jacobin. […] Mais on sait de reste que les efforts doivent être lents et pénibles, qui ira à nous affranchir de la tyrannie de l’État. […] En France, l’État, hier encore, était hostile, et le peuple est irréligieux.

843. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « L’abbé Fléchier » pp. 383-416

En lisant, dans les Mémoires de Saint-Simon, le portrait du même M. de Caumartin, conseiller d’État et intendant des finances, mort en 1720, on y découvre des caractères de bonne éducation qui décèlent la main excellente de son précepteur. […] Son père, aussi conseiller d’État, avait été l’ami le plus confident et le conseil du cardinal de Retz.

844. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE RÉMUSAT » pp. 458-491

Lorsque, après un an environ, le nouveau gouvernement s’étant tout à fait affermi, Mme de Vergennes eut recours à elle et lui exprima le désir d’une position pour son gendre, de quelque place, par exemple, au Conseil d’État, elle la retrouva toute grâce, toute bienveillance. […] J’en fis la remarque au duc quand, vers le soir, tout son monde l’eut quitté : « Je pense, m’a-t-il répondu, que c’est un signe de médiocrité autant que de dédain, chez un homme d’État, que de ne pas permettre qu’aucune question sérieuse soit traitée devant lui.

845. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CXIIe entretien. La Science ou Le Cosmos, par M. de Humboldt (1re partie). Littérature scientifique » pp. 221-288

Campe était devenu l’ami de la maison ; c’était un homme d’élite, très capable et très digne d’élever un savant et un homme d’État, tels que furent Guillaume et Alexandre de Humboldt, deux frères éclos du même nid, pour une double célébrité. […] Sa physionomie disait l’homme d’État, dont la patrie déchirée et opprimée criait tout bas dans son âme.

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