Comme toute femme qui a fait des observations sur son propre cœur, elle a écrit un roman, intitulé Nelida (on aimerait mieux qu’elle l’eût gardé dans son âme) ; puis des lettres politiques si pleines des erreurs du temps où elle les publia, qu’elle n’a pas osé les rééditer, tant les événements qui se sont produits depuis 1849 l’auraient confondue ! […] croyez-moi, ne méconnaissez pas ainsi le pur idéal que Dieu a mis dans votre âme ! […] Belle autrefois, mais d’une beauté métaphysique, pour ainsi dire, et méprisée des sensuels et des connaisseurs en volupté ; d’un visage correct de médaille que ne réchauffaient même pas ses cheveux blonds devenus très vite blancs, entre la vieillesse et la pensée, elle a dû être mauvaise à aimer pour les âmes ardentes Comme elle a dû les impatienter !
Ni par l’âme, ni par l’intelligence, il n’est agité une minute. […] tu peux donner une âme commune à plusieurs millions d’hommes ? […] Je parle de son esprit même, de cet esprit que des lettrés superficiels, convertis à sa tendresse de cœur par les délicieuses choses qu’il a écrites, mais rétifs et résistants à la douceur de son génie, non moins réelle que la tendresse de son âme, continuent d’appeler un esprit absolu et dur parce qu’il ne croit pas que la vérité se plie et se chiffonne comme une de nos loques matérielles ; parce que, ne pouvant y rien changer et historien de la Providence, il proclame le dogme de l’Expiation, — dont il n’est pas l’auteur plus que de cette mort par laquelle l’homme expie ses fautes !
Il y a des hommes et des femmes, en grand nombre, qui trouvent que le bonheur n’a pas de patrie nécessaire, que la joie et le souci d’une fortune à faire ou à augmenter, d’une famille à élever, d’une âme à ennoblir, d’une place à tenir dans l’amitié de quelques-uns et dans l’estime de tous, suffisent amplement à remplir les heures et à les rendre brèves. […] Ils croiraient moins à la couleur locale, ils croiraient plus à la dramatique humanité, à l’égalité des âmes et des douleurs, qui fait que le reste est secondaire, le temps, le lieu et toute l’enveloppe de ces âmes.
Ce roi brave, mais d’une valeur moins éclatante que son père protecteur des lettres, mais sans cette espèce de passion qui tient de l’enthousiasme, et le fait naître chez les autres ; avide de gloire, mais incapable de cette hauteur de génie qui s’ouvre de nouvelles routes pour y parvenir ; gouverné par des favoris qui dirigeaient à leur gré sa faiblesse ou sa force, et poussé en même temps par l’esprit de sa nation et de son siècle, qu’il trouva créé et auquel il n’ajouta rien, n’eut ni dans l’esprit, ni dans l’âme, cette espèce de ressort qui fait la grandeur. […] Sa gaieté au milieu des combats, ses bons mots dans la pauvreté et le malheur, toutes ces saillies d’une âme vive et d’un caractère généreux, cette foule de traits que l’on cite, et qui sont à la fois d’un homme d’esprit et d’un héros, semblaient peindre en même temps l’imagination française, et le genre d’esprit avec le caractère national. […] En effet, qu’on suppose un orateur doué par la nature de cette magie puissante de la parole, qui a tant d’empire sur les âmes et les remue à son gré ; qu’il paraisse aux yeux de la nation assemblée pour rendre les derniers devoirs à Henri IV ; qu’il ait sous ses yeux le corps de ce malheureux prince ; que peut-être, le poignard, instrument du parricide, soit sur le cercueil et exposé à tous les regards ; que l’orateur alors élève sa voix, pour rappeler aux Français tous les malheurs que depuis cent ans leur ont causés leurs divisions et tous les crimes du fanatisme et de la politique mêlés ensemble ; qu’en commençant par la proscription des Vaudois et les arrêts qui firent consumer dans les flammes vingt-deux villages, et égorger ou brûler des milliers d’hommes, de femmes et d’enfants, il leur rappelle ensuite la conspiration d’Amboise, les batailles de Dreux, de Saint-Denis, de Jarnac, de Montcontour, de Coutras ; la nuit de la Saint-Barthélemi, l’assassinat du prince de Condé, l’assassinat de François de Guise, l’assassinat de Henri de Guise et de son frère, l’assassinat de Henri III ; plus de mille combats ou sièges, où toujours le sang français avait coulé par la main des Français ; le fanatisme et la vengeance faisant périr sur les échafauds ou dans les flammes, ceux qui avaient eu le malheur d’échapper à la guerre ; les meurtres, les empoisonnements, les incendies, les massacres de sang-froid, regardés comme des actions permises ou vertueuses ; les enfants qui n’avaient pas encore vu le jour, arrachés des entrailles palpitantes des mères, pour être écrasés ; qu’il termine enfin cet horrible tableau par l’assassinat de Henri IV, dont le corps sanglant est dans ce moment sous leurs yeux ; qu’alors attestant la religion et l’humanité, il conjure les Français de se réunir, de se regarder comme des concitoyens et des frères ; qu’à la vue de tant de malheurs et de crimes, à la vue de tant de sang versé, il les invite à renoncer à cet esprit de rage, à cette horrible démence qui, pendant un siècle, les a dénaturés, et a fait du peuple le plus doux un peuple de tigres ; que lui-même prononçant un serment à haute voix, il appelle tous les Français pour jurer avec lui sur le corps de Henri IV, sur ses blessures et le reste de son sang, que désormais ils seront unis et oublieront les affreuses querelles qui les divisent ; qu’ensuite, s’adressant à Henri IV même, il fasse, pour ainsi dire, amende honorable à son ombre, au nom de toute la France et de son siècle, et même au nom des siècles suivants, pour cet assassinat, prix si différent de celui que méritaient ses vertus ; qu’il lui annonce les hommages de tous les Français qui naîtront un jour ; qu’en finissant il se prosterne sur sa tombe et la baigne de ses larmes : quelle impression croit-on qu’un pareil discours aurait pu faire sur des milliers d’hommes assemblés, et dans un moment où le spectacle seul du corps de ce prince, sans être aidé de l’éloquence de l’orateur, suffisait pour émouvoir et attendrir ?
Les Rythmes pittoresques tirent, en effet, toute leur intensité de l’âme de Mme Krysinska.
La chair et l’âme se font entendre à la fois dans son livre très personnel et où le poète s’est mis lui-même tout entier sans arrière-pensée, avec la sincérité de sa jeunesse.
Sainte-Beuve Jean Polonius n’est pas un précurseur de Lamartine ; il l’a suivi et peut servir très distinctement à représenter la quantité d’esprits distingués, d’âmes nobles et sensibles qui le rappellent avec pureté dans leurs accents… La langue poétique intermédiaire dans laquelle Jean Polonius se produisit, a cela d’avantageux qu’elle est noble, saine, pure, dégagée des pompons de la vieille mythologie, et encore exempte de l’attirail d’images qui a succédé ; ses inconvénients, quand le génie de l’inventeur ne la relève pas fréquemment, sont une certaine monotonie et langueur, une lumière peu variée, quelque chose d’assez pareil à ces blancs soleils du Nord, sitôt que l’été rapide a succédé.
À l’époque de la Révolution française, on croyait que les institutions de petites villes indépendantes, telles que Sparte et Rome, pouvaient s’appliquer à nos grandes nations de trente à quarante millions d’âmes.
Il se demanda, il chercha à deviner quelle pouvait être l’âme en peine qui n’avait pas voulu quitter ce monde sans laisser ce stigmate de crime ou de malheur au front de la vieille église.
Enseignez-moi qui m’a dérobé mon âme, ma vie, mon cœur et toute mon espérance ? […] Bois-Robert déclama avec âme, si bien que l’acteur lui-même s’avoua vaincu. […] C’était un poëte ayant, à défaut de génie, de l’esprit et de l’âme. […] Corneille, dont l’âme était pleine d’élévation et de noblesse, sut taire ce procédé. […] Ses tragédies décèlent une âme ferme, élevée, apte à comprendre et à exprimer noblement les grandes passions.
Le pathétique ne peut être le corps d’un développement ; c’en est, si l’on veut, l’âme et la vie.
Écoutez, par exemple, ce sonnet (d’Arvers), et dites-moi s’il n’est pas dommage que ces choses-là se perdent et disparaissent comme des articles de journaux : Ma vie a son secret, mon âme a son mystère : Un amour éternel en un moment conçu ; Le mal est sans espoir, aussi j’ai dû le taire, Et celle qui l’a fait n’en a jamais rien su.
— Le Roman d’une âme (1895). — Aristophane et Molière (1896). — Le Double Joug (1896). — Sur la pente (1896). — Les Trois Filles de Pieter Waldorp (1897).
Dans l’une, le poète a concentré sa rêverie : là, dans quelques échappées de philosophie mélancolique et résignée, apparaît peut-être mieux qu’ailleurs « la couleur de son âme ».
Oui, votre vers est net, harmonieux, sonore, flexible ; oui, vous savez en guirlandes parfaites entrelacer les mots, et cela, je l’admire, puisque vous n’avez pas vingt ans, mais avant tout j’aime votre âme si tendre, si délicate, pareille à Une maison blanche où sèche du tilleul.
Ces colonnes, de styles variés, soutiennent les différentes parties de l’édifice ; elles s’ornent d’images, de souvenirs, d’ex-voto, qui racontent l’histoire d’une âme et son voyage du Rêve à la Vie ; car les premiers vers du recueil sont destinés au Piédestal d’une statue du Rêve, les derniers au Piédestal d’une statue de la Vie, et les vers intermédiaires iront décorer les autres colonnes du sanctuaire.
Nous ne connaissons point d’ouvrages qui reposent plus doucement l’âme.
Exposer son sujet, c’est-à-dire indiquer le temps, le lieu, toutes les circonstances particulières, présenter les personnages, marquer les caractères, annoncer l’action qui va mettre aux prises ces personnages et ces caractères, en rappelant tous les événements antérieurs qu’il est nécessaire de connaître pour comprendre ce qui va se passer ensuite ; développer le sujet, c’est-à-dire montrer le jeu des caractères, l’évolution des idées et des sentiments, la série des faits qui résultent des états d’âme et qui les modifient aussi, faire agir en un mot et souffrir les personnages, dénouer enfin le sujet, c’est-à-dire pousser l’action et les caractères vers un but où l’une s’achève et les autres se complètent, de telle sorte que le lecteur n’ait plus rien à désirer et que toutes les promesses du début soient remplies, voilà la formule classique de l’œuvre dramatique, qui s’adapte merveilleusement aux conditions des brèves narrations. […] L’écrivain doit les dire : il faut qu’il leur fasse dire leur secret, ouvrir le fond de leur âme sans en avoir l’air.
Cette dernière curiosité est bien parente de celle qui pousse le paisible badaud, en l’âme de qui sommeille une sanguinaire canaille, dans les baraques des dompteurs, qui sont après tout mangeables. […] Demain j’y retournerai. » La phrase a trop servi, et maintenant la jeune femme répond à son seigneur inquiet de ses yeux fatigués : « Je n’ai pas cessé de courir de Faguet à la Sorbonne, à du Bled chez la duchesse, et à Vanor chez Bodinier, sans trouver la nuance d’âme que je cherchais ; je recommencerai demain. » Je remercie les auditrices, loyales celles-là ou momentanément inoccupées, qui aujourd’hui sont venues en personne entendre moquer leur prétendu passe-temps favori.
Je suis autant que vous un « amateur d’âmes » et vos métaphores coutumières m’intéressent parce qu’elles m’apportent, intolérable mais si révélatrice, l’odeur de votre pourriture intérieure. […] On peut aussi créer soi-même l’unité : en choisissant Paris comme centre et en traduisant le récit direct des efforts de la Province par l’émotion qu’ils apportent aux assiégés ; ou en s’attachant à la pensée de Gambetta et en regardant les événements se refléter vibrants dans cette âme.
Vous faites plus que d’exiger des beautés nouvelles, vous n’en voulez que d’une certaine espèce : nierez-vous, par exemple, que vous êtes l’ennemie des images, qui sont pourtant l’âme de la poésie ? […] D’abord, car j’aime la justesse, expliquons-nous un peu sur cette proposition, que les images sont l’âme de la poésie.
Une fois le poëte ou l’âme poétique mis hors de question en Mme de Girardin, nous sommes plus libre pour juger ce qu’elle a introduit d’artificiel et de volontaire dans son être ému ou inspiré. […] Mme de Staël, ce Diderot-femme et qui, parce qu’elle était femme, valait mieux que Diderot, a, offert le même spectacle que Diderot, dont Mme Necker disait, sans regarder sa fille : « Il n’eût pas été si naturel, s’il n’avait pas été si exagéré. » Mlle Delphine Gay, qui a presque failli être Corinne Gay, mais que l’esprit, l’esprit grandi et trempé, comme un acier, dans la vie, a sauvé du vertige, au bord du ridicule, Mlle Delphine Gay, cette de Staël, blonde et belle, et qui faisait des vers, trois supériorités qui eussent passionné, jusqu’à la petitesse de la jalousie, la grande âme de Mme de Staël, mais qui n’en restera pas moins inférieure à Mme de Staël, malgré ces trois supériorités, Mlle Gay, née à Aix-la-Chapelle, fut baptisée, dit-on, sur le tombeau de Charlemagne et élevée à l’ombre de ce cap Misène, peint par Gérard, qui, alors, projetait sa cime lumineuse sur toutes les imaginations.
Il n’a pas ce genre d’imagination, difficile à dompter, qui maîtrise et entraîne un homme vers les spectacles pressentis par l’âme qui les aime et qui doit en recevoir l’impression à pleins bords et avec d’inexprimables frémissements. […] Mais on ne sent pas quand on le lit ce que nous recherchons, même en histoire : le voisinage d’une âme qui chauffe la nôtre, ou bien cette âpre froideur de l’intelligence qui finit, comme la neige, par brûler autant que le feu, et que possèdent seuls les grands historiens, les grands observateurs de la nature humaine dont la pensée est toutes les passions.
Excepté leur étude sur Marie-Antoinette, dans laquelle ils se haussent par le sujet et par l’émotion jusqu’à la grande histoire, MM. de Goncourt ne firent que celle des frivolités de ce siècle frivole, — qui rendit frivole jusqu’à l’âme de Marie-Antoinette, retrouvée tout à coup si sérieuse et si héroïque devant l’échafaud ! […] III Franchement, c’était prestigieux d’exécution et curieux d’érudition, de mots recueillis, de citations et d’anecdotes, et il y avait là une vie d’impression, d’imagination et d’âme, très intense, que ne connurent pas, depuis, les romans de MM. de Goncourt.
Jusqu’ici, tous ceux qui ont parlé (en France, du moins,) de l’Amérique, l’ont fait avec les sentiments qu’inspirent aux âmes vulgaires deux choses qui mettent à terre beaucoup de genoux : — la force matérielle et la réussite… Ils ont adoré le Taureau d’or. […] … Il est, je le sais, beaucoup d’hommes politiques de ce faible temps, dont l’âme domptée par la matière et tremblant devant elle prend l’énormité pour la grandeur et l’obésité territoriale pour la force.
Il avait cependant une certaine force d’âme, comme il avait aussi une certaine force de style, mais tout cela dans d’assez communes proportions. […] Ils l’avaient si bien deviné, que, dans sa réponse à leurs attaques, on sent· la joie d’un reproche qui, pour lui, n’était pas une injure, et qui avait caressé, dans le secret de son âme, sa despotique vanité.
Ils ne sont pas nombreux, heureusement, mais ces sept morceaux, d’assez courte haleine, et que l’on croirait composés pour des revues à deux sous, s’il y en avait en Allemagne, ont tous les défauts et toutes les débilités de ce talent qui n’a pas de corps et peu d’âme, et dont les œuvres, sans statique et sans équilibre, forment un Alhambra, ou, pour mieux parler, une Babel de vapeur, que le premier coup de vent un peu franc va dissiper. […] Le fantastique, qui n’est pas uniquement la sphère de la fantaisie et qu’on n’a jamais nettement défini, Hoffmann l’aborda sous la pression de Goethe, mais il l’aborda comme un être faible dont la tête tournait dans l’émotion, et qui n’avait ni la foi profonde au monde surnaturel que n’aurait pas manqué d’avoir un véritable homme de génie, ni la combinaison froide et comédienne qui produit la terreur, quitte à la déshonorer dans notre âme en montrant par quels moyens on peut la produire.
Ce Richard cœur de lion et articulation de lion, qui n’a pas, lui, les immensités d’une Croisade, comme les lions ont pour leurs bonds terribles les immensités du désert ; ce Plantagenêt civilisé, idéal de cette société mélangée de Saxon et de Normand qu’on appelle la société anglaise, mais bien plus Anglais de race et de physique que les héros de Lord Byron, dont le défaut peut-être est de n’avoir pas assez de physionomie historique ; Guy Livingstone a cependant, comme les héros de Byron, ce charme de la goutte de lumière dans l’ombre et d’une seule vertu parmi plusieurs vices qui a toujours ensorcelé l’âme des hommes et qui l’a transportée d’enthousiasme, bien plus, hélas ! que l’étendue de la lumière complète et que la pureté de toutes les vertus… Guy Livingstone, le dandy orgueilleux, l’âme invulnérable, le buveur qui eût vidé, sans seulement sourciller, la coupe d’Hercule, n’a été dressé sur sa base d’acier par son inventeur que pour mourir de désespoir sous le simple refus de pardon d’une femme aimée et offensée !
Pour mon compte, je suis intimement persuadé que s’il fut toujours si humilié et si enragé d’être boiteux, ce fut bien moins parce que c’était là une infirmité et une laideur, que parce que c’était une destinée, ― parce que c’était une de ces choses contre laquelle sa volonté, et ses furies, et toutes ses énergies ramassées dans son âme et s’efforçant, ne pouvaient absolument rien. […] avait vraiment trois ou quatre âmes (pour l’aimer, disait-il, le farceur !)
Il était d’une race d’âmes plus élevées et moins impatientes. […] S’il a parfois, comme les rivages qui ont des anses et les forêts qui ont des clairières, de petits coins de descriptions bornées qui ravissent les contemplateurs au microscope comme Sainte-Beuve, il n’en est pas moins vrai qu’il est particulièrement le poète du mystérieux et de l’immense ; quand, au contraire, André Chénier, le graveur sur onyx avec un poinçon d’or, le faiseur de camées en deux vers et qui en incruste ses plus longues pièces, cet artiste puissamment fin, qui fait tenir tout un combat de Lapithes et de Centaures ou tout un univers émergeant des ondes sur une facette de saphir, est le poète de la ligne ramassée et du contour, cette borne de l’âme à laquelle, pour l’en consoler, Dieu, et l’Art qui répète Dieu, ont donné cette forme divine du contour !
Elle était belle à faire mourir de jalousie Mme de Staël, si elle n’avait pas été morte, et si cette âme grande de Mme de Staël n’avait pas admiré sincèrement Mme Récamier ! […] Si la vie de salon et de maîtresse de maison littéraire n’avait pas enivré son âme et faussé sa vocation en l’étendant, elle aurait pu être UNE poète, cette chose si rare que, pour la dire au féminin, il faut faire une faute de français !
Malot, — et son roman doit être, à son titre, quelque chose comme une trilogie, quoiqu’il ait oublié de nous en avertir, ce qui n’est pas un oubli de préface, mais un oubli de composition : — il s’agit donc d’amour ; mais est-ce un côté inexploré de ce sentiment, qui est l’infini dans nos âmes, que M. […] … — ces combats d’âme faible et violente entre deux amours, revenant du second au premier, hélas !
L’intérêt humain du roman a expiré, perdu dans la curiosité pathologique d’un descripteur de phénomènes inouïs, qui, s’ils contractaient un jour l’éternelle clarté de la certitude, en nous donnant (comme c’est la prétention des esprits qui les interprètent), l’abolition de toute distance, la transparence des corps et la vue immédiate des âmes, changeraient toutes les conditions des œuvres humaines, d’un seul coup, et chasseraient jusque du souvenir les littératures. […] Celui de tous qui a le plus réussi dans cette découverte moderne, la physiologie appliquée aux choses de l’âme, que, très-grand spiritualiste, il a aussi et à degré égal !
Bataille, n’est pas simplement une passion dans laquelle le physique déborde l’âme et l’entraîne, à la fin. […] c’est de l’âme encore !
Ce Richard cœur de lion et articulation de lion, qui n’a pas, lui, les immensités d’une Croisade, comme les lions ont pour leurs bonds terribles les immensités du désert ; ce Plantagenêt civilisé, idéal de cette société mélangée de Saxon et de Normand, qu’on appelle la société anglaise, mais bien plus Anglais de race et de physique que les héros de lord Byron, dont le défaut peut-être est de n’avoir pas assez de physionomie historique, Guy Livingstone a cependant, comme les héros de Byron, ce charme de la goutte de lumière dans l’ombre et d’une seule vertu parmi plusieurs vices qui a toujours ensorcelé l’âme des hommes et qui l’a transportée d’enthousiasme, bien plus, hélas ! […] Guy Livingstone, le dandy orgueilleux, l’âme invulnérable, le buveur qui eût vidé, sans seulement sourciller, la coupe d’Hercule, n’a été dressé sur sa base d’acier par son inventeur que pour mourir de désespoir sous le simple refus de pardon d’une femme aimée et offensée !
Et l’âme du vieux quartier s’éveillait dans ma « chambrette » de très ancien étudiant (j’eus une inscription en droit vers 1865). […] Il est question aujourd’hui, pour son âme immortelle, de prières solennelles dans un temple catholique. […] Sans que Puck ait eu grand besoin de congédier, ainsi par trop, l’âme et la chair en ce premier conflit. […] « Dieu du vrai, qui brilles clair en plein jour, lumière de l’âme qui as erré dans la nuit, Phébus, oh ! […] Est-ce bien l’âme de l’homme ou la libre fantaisie du poète qui est en jeu, qu’importe !
» Il mourut ainsi, avec toute sa tranquillité d’âme ; sans trop regretter une existence où une heure de lecture avait toujours dissipé ses plus grands ennuis. […] Si, dans cette circonstance, on va lui proposer une action hardie, je crois qu’on l’y trouvera très-peu disposé ; sa faiblesse présente mettra un découragement dans son âme ; il craindra tout, parce qu’il sentira qu’il ne peut rien. […] L’Auteur de la nature a établi que cette douleur serait plus forte à mesure que le dérangement serait plus grand : or, il est évident que les grands corps et les fibres grossières des peuples du Nord sont moins capables de dérangement que les fibres délicates des peuples des pays chauds ; l’âme y est donc moins sensible à la douleur. […] « Avec cette délicatesse d’organes que l’on a dans les pays chauds, l’âme est souverainement émue par tout ce qui a du rapport à l’union des deux sexes ; tout conduit à cet objet. […] Pour lors, l’abattement passera à l’esprit même ; aucune curiosité, aucune noble entreprise, aucun sentiment généreux ; les inclinations y seront toutes passives ; la paresse y fera le bonheur ; la plupart des châtiments y seront moins difficiles à soutenir que l’action de l’âme, et la servitude moins insupportable que la force d’esprit, qui est nécessaire pour se conduire soi-même.
Avec les mêmes types et les mêmes sujets, Balzac ferait frissonner ; Molière fait rire : il s’est imposé la loi de trouver le point d’où ces tristes dessous de l’âme et de la vie sont risibles. […] Mais les réalités que Molière voulait montrer, ce n’était pas les particularités du costume, du geste ou de la démarche, le petit train des occupations journalières : c’étaient les dessous de l’âme, les motifs, les ressorts, les essences ; et il ne prenait des dehors que ce qui correspondait à ces dessous. L’exactitude dont il se piquait n’avait pas rapport à l’extérieur de la vie, mais à l’intérieur des âmes. […] Cela se sent, plutôt qu’on ne le démontre : on voit pourtant bien qu’à une âme naïve, la plus fausse des coquettes devait, dès la première rencontre, présenter son idéal plus complet et apparent qu’une simple honnête femme : le vrai a ses limites que le faux franchit aisément. […] Voilà Tartufe, le maître hypocrite : son hypocrisie corrompt Orgon, corrompt en lui l’amour de sa femme, de ses enfants, les sentiments élémentaires de bonté, de justice, d’honneur, le fait égoïste sottement, durement, honteusement ; même les âmes honnêtes et pures sont viciées à ce contact, et la douce Elmire en vient à jouer un jeu après lequel son mari doit demeurer à jamais avili à ses yeux.
Apparemment, il a vu cet amour, la plus naturaliste des peintures artistiques ; il a apprécié le merveilleux réalisme du poème, et combien, sous les mythes symboliques est la vie humaine, exactement ; il a entendu cette partition orchestrale, qui, avec une étourdissante richesse d’harmonie, mieux que tous les mots et tous les chants, montre les deux âmes si diverses, mêmement envahies de la passion. […] Il y a trois musiques, dit Wagner : « Il y a la musique italienne, délicieuse et perverse, qui provoque et qui déprave, princesse peut-être, courtisane certainement ; belle comme les Vénus du Titien, et impudique comme les Arétines de Pierre d’Arezzo ; ne se souciant de rien, sinon de plaire et d’énerver ; triomphant des âmes fortes par sa faiblesse même ; jolie certes, et troublante comme un enchantement lascif, mais banalisant sa beauté dans des concessions de carrefour. […] III Richard Wagner a exprimé dans ses mélodrames les plus hauts et les plus poignants sentiments de l’âme humaine. […] Tannhaeuser, le chevalier chassé de la Wartburg, maudit par le pape, recueilli par l’enfer, et sauvé par la prière, c’est l’âme de l’homme, souillée de basses débauches, sans espoir de pardon ici-bas, et délivré enfin par le divin repentir. […] Hans Sachs, l’artisan rythmeur, serait une manière de Sébastien Bach plus naïf, nourri dans l’école, rompu aux disciplines classiques, mais bien supérieur à ses émules par l’envergure de l’âme et la fierté des visées.
Les âmes sensibles étaient conquises et pour prolonger leur enivrement on mettait Atala en musique et en romances, et on reproduisait par la gravure et la peinture ses scènes principales. […] La versification mécanique du xviiie siècle pétrifiait la poésie et la rendait impuissante à exprimer les nouveaux sentiments de l’âme sociale. […] Mais la nature qu’on avait sous la main, qu’on voyait tous les jours, n’était pas la vraie, la belle nature qui transportait les âmes ; il fallait pour cela une nature nouvelle, inconnue. […] Jugeant l’humanité à l’aune capitaliste, ils s’écrient triomphalement : « L’homme est et restera toujours égoïste ; si vous lui retirez comme unique mobile de ses actions l’intérêt privé, vous détruisez la société, vous arrêtez le progrès et nous retournons à la barbarie. » L’âme humaine, ainsi que les autres phénomènes de la nature est, au contraire, en un perpétuel état de transformation, acquérant, développant, et perdant des vices et des vertus, des sentiments et des passions. […] Tant que la Bourgeoisie eut à redouter un retour agressif de l’aristocratie, les romantiques, emboîtant le pas aux historiens libéraux, ont fouillé le Moyen-Âge pour rapporter de sombres repoussoirs aux délices du temps présent ; mais dès que le Prolétariat, constitué en classe, devint l’ennemi, ils délaissèrent les romans historiques et les horreurs de l’époque féodale pour s’occuper des événements du jour : Zola, le lendemain des épouvantables massacres de la Semaine sanglante, afin d’épargner à la conscience bourgeoise le moindre remords, dépeignit, dans l’Assommoir, la classe ouvrière sous les traits les plus repoussants tandis que les George Ohnet décrivaient avec une servile complaisance l’âme généreuse et noble des maîtres de forges. — Les rapins de 1830 poursuivaient le bourgeois de leurs impitoyables railleries ; mais ayant compris, avec l’âge, que l’argent est un porte-respect, ils se sont domestiqués et ne travaillent que pour mériter l’approbation du bourgeois, qui achète leurs tableaux20.
Leur âme ressemble à ces chambres obscures où dort un foyer de lumière électrique.
La religion de Jésus-Christ n’a point ainsi sevré nos âmes.
C’est le pur matérialisme politique, l’antipode de la part d’idéalisme qui est l’âme des théories légitimistes et républicaines. […] Un pays n’est pas la simple addition des individus qui le composent ; c’est une âme, une conscience, une personne, une résultante vivante. […] L’âme d’une nation ne se conserve pas sans un collège officiellement charge de la garder. […] Je voudrais que toute grande ville de plus de cent mille âmes eût un élu dans la chambre haute ; Paris en aurait quatre ou cinq. […] Si un mouvement gallican de reforme dans le genre de celui que rêve avec tant de candeur, de sincérité, de chaleur d’âme le P.
Mais là Aurier pécha moins par omission que par jeunesse, et s’il montra un talent moins sûr que son intelligence, c’est que toutes les facultés de l’âme n’atteignent pas à la même heure leur complet développement ; chez lui, l’intelligence avait fleuri la première et attiré à soi la meilleure partie de la sève.
Théodore de Banville Ô jeune homme dont les premiers chants furent pénétrés d’une tendresse si émue, victime que l’Étude avait choisie pour montrer comme elle est une maîtresse jalouse, ô poète, cœur brisé, ô prunelle avide et curieuse, ô subtil esprit en éveil, ô mon frère endormi, chère âme !
Épictète, et elle ne s’est pas enfermée en une doctrine immuable, mais au cours des saisons et des heures — les saisons et les heures de toute une jeunesse — elle a chanté son émotion immédiate, tout en demeurant maîtresse absolue de sa volonté en présence du monde ; elle sait qu’une âme humaine, dans la fiction qu’elle se crée des êtres et des formes, est la principale collaboratrice, et que le véritable mystère est en elle, non dans les choses… Si elle se laisse attrister par les présages de mort épars dans les bois et dans le ciel d’automne, c’est qu’elle y aura consenti, et elle ne sera point l’esclave même du Beau, ayant écrit ce vers doré : Tâche d’aimer le Beau sans être son amant.
voici des vers qui sont d’un poète, d’un poète authentique, de quelqu’un dont l’âme est pieuse, douce, émue, voltigeante et chantante, prompte à la joie et prompte aux larmes, de quelqu’un qui ne ressemble pas aux autres hommes, qui n’est pas raisonnable, pratique, morose, ambitieux, qui va son chemin, loin des sentiers battus, vers des sommets bleus, aperçus en rêve dans une auréole de brumes dorées.
ne semblait-il pas qu’elle l’avait inventé, qu’elle en était la souveraine maîtresse et que, par pure bonté d’âme, elle en dispensait à ses amis la part qu’elle voulait bien leur laisser, sans toutefois appauvrir son rare et fabuleux trésor ?
Gide est devenu, après maintes œuvres spirituelles, l’un des plus lumineux lévites de l’église, avec autour du front et dans les yeux toutes visibles les flammes de l’intelligence et de la grâce, les temps sont proches où d’audacieux révélateurs inventeront son génie… Il mérite la gloire, si aucun la mérita (la gloire est toujours injuste), puisqu’à l’originalité du talent le maître des esprits a voulu qu’en cet être singulier se joignit l’originalité de l’âme.
Les recueils qui suivirent et qui s’intitulent : La Clef des champs, l’Âme en fête et la Chute des rêves, continuent, accentuent, portent à leur sommet de perfection les grandes qualités si brillamment inaugurées dans les Espérances.
Puis il s’est abandonné à réfléchir sa propre douleur dans le miroir amer d’une autre âme blessée comme la sienne.
— Le plus tôt sera le meilleur, lui répondis-je, persuadé que mon âme sera sauvée en faveur de mon innocence. […] Ô mon âme ! […] L’Âme. […] Je considérais avec étonnement quelle est la force de la puissance divine dans les âmes simples et croyantes avec ferveur, auxquelles Dieu accorde de faire tout ce qu’elles s’imaginent ; et j’espérais la même grâce de Dieu, à cause de mon innocence. […] Voyant bien, à ces paroles, qu’ils venaient pour accroître mes maux, mais préparé à tout souffrir, je lui répondis : J’ai tourné vers ce Dieu, roi des cieux, toutes les pensées de mon âme, de sorte qu’il ne reste rien pour vous.
Sensible au sort de ces âmes neuves, et par conséquent si propres à recevoir les impressions du beau, du grand et du vrai, il n’aurait que trop d’occasion de répéter à leurs maîtres cette maxime jusqu’à présent appliquée aux mœurs seules, que l’enfance ne saurait être trop respectée. […] Si elle ne va pas jusqu’à la familiarité et à cette égalité parfaite hors de laquelle tout commerce est sans douceur et sans âme, la distance humilie, parce qu’on a de fréquentes occasions de la sentir ; et si la familiarité s’y joint, c’est pis encore, c’est la fable du lion avec lequel il est dangereux de jouer. […] Il ne faut pas s’étonner que les petits talents, plus à la portée de l’esprit et de l’âme du commun des hommes, soient ce qu’ils aiment par préférence. […] Aussi est-ce pour une âme bien née le plus grand obstacle à l’opulence, que de jouir de l’étroit nécessaire. […] Ils communiquent à l’âme un avilissement qui dégrade insensiblement les idées, et dont les écrits se ressentent à la longue : car le style prend la teinture du caractère.
Le poëte se proposait de clore le morceau des sens par le développement de cette idée : « Si quelques individus, quelques générations, quelques peuples, donnent dans un vice ou dans une erreur, cela n’empêche que l’âme et le jugement du genre humain tout entier ne soient portés à la vertu et à la vérité, comme le bois d’un arc, quoique courbé et plié un moment, n’en a pas moins un désir invincible d’être droit et ne s’en redresse pas moins dès qu’il le peut. […] Leur voix est pure et tendre, et leur âme innocente, Leurs yeux doux et sereins, leur bouche caressante. […] Chaque fois qu’en ces lieux un air frais du matin Vient caresser ta bouche et voler sur ton sein, Pleure, pleure, c’est moi ; pleure, fille adorée ; C’est mon âme qui fuit sa demeure sacrée, Et sur ta bouche encore aime à se reposer. […] Les secrets pensers de mon âme Sortent en paroles de flamme, A ton nom doucement émus : Ainsi la nacre industrieuse Jette sa perle précieuse, Honneur des sultanes d’Ormuz.
Pourvu que ce gouvernement du suffrage universel émane de tous les citoyens capables, et ne laisse à aucune classe l’oppression des castes sur les âmes, pourvu que ce gouvernement soit l’expression de la justice, qu’importe sa forme, si cette forme est opportune et si elle répond aux besoins de conservation ou de progrès dans la nation ? […] Les privilèges se nivellent d’eux-mêmes, la tolérance des cultes fait justice à toutes les consciences, les grands se sacrifient, le peuple s’exalte, les vérités encore en théorie pleuvent de chaque bouche au milieu d’une ivresse qui semble unanime ; on dirait l’explosion d’une révélation civile, éclatant de son propre éclat dans toutes les âmes et pulvérisant d’évidence tous les obstacles à la réformation des institutions du moyen âge. […] La seconde de ces tendances, c’est la liberté religieuse, longtemps effacée des constitutions civiles de l’Europe, et devant, selon moi, reprendre sa place naturelle, c’est-à-dire la première place, dans les indépendances de l’âme et par l’indépendance des cultes desservis par eux-mêmes, avec indemnité préalable des établissements et des individus consacrés antérieurement au culte de l’État. C’est la plus difficile des libertés à établir consciencieusement, mais c’est la plus sainte et la plus favorable à l’action religieuse sur les sociétés dont l’âme est toujours une foi libre.
Seulement, comment s’expliquer qu’un esprit accoutumé aux mâles recherches, sur lesquelles s’élève l’histoire, en écrivant sur l’adultère, ne nous ait donné qu’une étude à vif sur une âme de petit calibre d’ailleurs, et n’ait pas vu plus haut que le niveau du cœur déchiré de son misérable héros ? […] Après avoir, comme Childe-Harold et comme René, promené ça et là sa noire misanthropie, Daniel (c’est Daniel sans autre nom, Daniel, toujours comme René et comme Childe-Harold) rencontre au bord des mers une jeune fille qu’il décrit pendant tout le roman et qu’il ne nous montre pas une seule fois avec ce trait qui grave une image dans notre âme ; et, cette jeune fille, il se met à l’aimer dès la première vue avec la passion de l’épigraphe du livre, une de ces passions qui font deux êtres l’un à l’autre de par la nature et de droit divin, plus légitimes par conséquent que les lois et les conventions ! […] La passion de Daniel est sans intérêt et sans grandeur, car elle ne combat contre rien dans l’âme de celui qui l’éprouve, et qui est un philosophe à la manière de Champfort, lequel affirme que l’amour légitime tue par sa violence. […] Feydeau, et de cette possession de son âme par la matière et ses spectacles ; au milieu des personnages de son roman, qui agissent dans la logique de leurs passions, mais aussi dans la logique de leur bassesse, il y a deux ou trois détails à noter, et que je noterai précisément parce que je repousse nettement et formellement tout le reste.
Il a tort (page 753) de ne pas reconnaître dans Lucrèce de l’âme ; c’est ce qui a pris le spectateur.
Le public n’a point de confiance, tout est tourné en fronde et en plaintes… Un Colbert à l’intérieur, un Louvois à la guerre, ou du moins l’âme d’un Louis XIV sur le trône ! […] J’ai l’esprit trop juste, madame, et j’ai l’âme trop sensible pour résister à l’idée de notre situation présente et à venir, il est vrai que l’état de mes nerfs ajoute beaucoup à ma sensibilité naturelle. […] Ce sont ces manquements qui me déchirent l’âme.
Pour peindre cette diction homérique dont elle est pénétrée et qui fait l’âme du poème, elle a des paroles qui sont d’un écrivain et des images qui portent sa pensée : « La louange, dit-elle, que ce poète donne à Vulcain, de faire des trépieds qui étaient comme vivants et qui allaient aux assemblées des dieux, il la mérite lui-même : il est véritablement cet ouvrier merveilleux qui anime les choses les plus insensibles ; tout vit dans ses vers. » Comment donc oser le traduire ? […] Il ne m’a point fait autant de plaisir ; mais dans la sagesse du plan, l’économie des détails, le rapport des épisodes, l’adresse des narrations, on reconnaît toujours Homère, et Homère plein de vigueur, d’âme et de sens. […] comme déjà son âme sagace se prononçait d’elle-même à la lecture d’Homère !
Au sujet de ces agitations, de ces énergies de cœur et d’esprit qu’elle lui marquait, il lui disait encore : « Votre âme se porte trop bien, elle vous use ; vous n’aurez jamais un corps sain. » — À la paix, après quelques années passées à observer les riches héritières, le marquis de Créqui se maria avec Mlle du Muy ; cette union, tout en vue de la fortune, fut sans bonheur, et les zizanies, les chicanes qu’elle engendra rejaillirent jusqu’à Mme de Créqui, et lui causèrent bien des ennuis et même des pertes d’argent considérables ; mais ce qui l’atteignait plus que tout, c’était l’indifférence et l’ingratitude de cœur de son fils, qui ne parut jamais s’apercevoir des sacrifices et de l’affection de sa mère. […] L’amour n’a jamais seulement effleuré son âme ; l’amitié suffit à sa sensibilité… La vie de cœur de Mme de Créqui, aux années actives, se résume en ces deux mots : Elle a aimé son digne oncle, et elle a souffert par son fils. […] Je ne vous crois pas l’âme assez tendre pour être dévote avec extase, et vous devez vous ennuyer durant l’oraison.
qui peut répondre de son courage moral et du degré de trempe de son âme, s’il n’a pris part à une retraite de Russie, ou à une campagne de l’Inde, comme celle des Anglais et de l’intrépide Havelock en 1857 ? […] Vatel, avocat à Versailles, vient de rechercher et de réunir, sur cette fille à l’âme romaine, tout ce qui peut se désirer de pièces et documents originaux, dossiers du procès, fac-similé, portrait56. […] On s’alarmait vite à Thionville des mouvements du dehors ; on était en vue de Coblentz : ces places des frontières, où l’on vit et où l’on dort sur le qui-vive, ont volontiers l’esprit de leur position et le privilège d’enfanter des âmes guerrières.
La nuit qui tombait n’augmenta ni la solitude, ni l’abandon, ni l’inexprimable désolation de ce lieu. » Je note en passant ce « ciel balayé, brouillé, soucieux », cette transposition et comme ce reflet de l’âme au ciel et aux objets environnants. […] Le paysagiste pur reparaît dans mainte page, — dans la halte si bien décrite autour du pistachier, cet arbre à tête ronde et aux larges rameaux en parasol, qui abrite un moment à midi la caravane rassemblée : « L’arbre reçoit sur sa tête ronde les rayons blancs de midi ; par-dessous, tout paraît noir ; des éclairs de bleu traversent en tous sens le réseau des branches ; la plaine ardente flamboie autour du groupe obscur ; et l’on voit le désert grisâtre se dégrader sous le ventre roux des dromadaires. » Quand il nous décrit, au contraire, la végétation monotone de l’alfa, espèce de petit jonc, plante utile qui sert de nourriture aux chevaux, mais la plus ennuyeuse aux yeux qui se puisse voir, et qui, régnant sur des étendues infinies, ressemble à « une immense moisson qui ne veut pas mûrir, et qui se flétrit sans se dorer », on retrouve l’homme dont le sentiment souffre et dont l’âme s’ennuie. […] Il communique à l’âme un équilibre que tu ne connais pas, toi qui as toujours vécu dans le tumulte ; loin de l’accabler, il la dispose aux pensées légères ; on croit qu’il représente l’absence du bruit, comme l’obscurité résulte de l’absence de la lumière : c’est une erreur.
Le bonhomme a toujours manqué d’une élévation d’âme, même commune ; pour peu qu’il en eût eu, il aurait été le plus malheureux des hommes. » Collé donc, à la différence de Panard, avait de l’élévation d’âme : il voyait les grands, les gens riches, les amusait, leur plaisait, mais ne se donnait pas ; il restait lui ; il se défendait de leur trop de familiarité par le respect ; il gardait de sa dignité hors de sa gaîté ; il savait que, si bon prince qu’on fût avec lui, on ne l’était pas autant à Villers-Cotterets qu’à Bagnolet ; assez chatouilleux de sa nature, il allait au-devant des dégoûts par sa discrétion, et se tenait sur une sorte de réserve, même quand il avait l’air de s’abandonner : quand il sortait ces jours-là de sa maison bourgeoise, il disait qu’il allait s’enducailler, comme d’autres auraient dit s’encanailler ; puis, son rôle joué, sa partie faite, il revenait ayant observé, noté les ridicules, et connaissant mieux son monde, plus maître et plus content à son coin du feu que le meunier Michau en son logis. […] Il s’appuie d’une opinion de Marivaux qui, ayant connu Rousseau plus jeune et quinze ans avant sa célébrité, lui avait assuré « qu’il l’avait vu l’homme du monde le plus simple, le plus uni et le moins enthousiaste », comme si cet enthousiasme couvant dans l’âme de Rousseau n’avait pas pu se dérober et se cacher à tous jusqu’au jour où il éclata.
. — Grandeur d’âme. — Campagne d’Alsace. […] Catinat, dès ce moment se relève ; en voyant arriver son successeur, il va regagner dans un autre ordre, par sa grandeur d’âme, au-delà de ce qu’il a perdu en renommée militaire ; il accepte l’infériorité, il se soumet sans réserve au désagrément amer, et n’a qu’un désir, contribuer encore au succès des affaires, à leur rétablissement, et payer de ses conseils si on l’écoute, ou, en tout cas, de sa personne. […] Il y rappela par sa simplicité, par sa frugalité par le mépris du monde, par la paix de son âme et l’uniformité de sa conduite, le souvenir de ces grands hommes qui, après les triomphes les mieux mérités, retournaient tranquillement à leur charrue, toujours amoureux de leur patrie, et peu sensibles à l’ingratitude de Rome qu’ils avaient si bien servie.
Depuis ce temps, il n’est pas de soins ni de mouvements qu’il ne se soit donnés pour retrouver les moindres débris du portefeuille de Gresset, pour en déchiffrer les plus informes brouillons, pour en restituer les plus exigus fragments, pour conférer les diverses éditions et présenter les variantes comme on fait pour les grands classiques ; les académies du lieu, les sociétés littéraires des cantons circonvoisins, ont retenti maintes fois du prélude de ces estimables travaux, poursuivis avec un zèle pour ainsi dire acharné ; et aujourd’hui, maître de son sujet, en ayant épuisé toutes les veines, le laborieux biographe ramasse ses résultats en deux volumes, qui contiennent tout sur Gresset, et même un peu plus que tout, puisqu’on y rencontre certaines petites injures contre les ex-romantiques, contre cette abominable postérité de Jodelle et de Du Bartas, et aussi contre le virus des âmes gangrenées de George Sand et consorts. […] De telles nuits marquent des âmes beaucoup trop éveillées, et assurément, si je me mêlais de me scandaliser, ma délicatesse serait bien déconcertée par un pareil dérangement, surtout après la grande et pompeuse retraite. […] Je ne prétends pas dire que Gresset n’ait pas eu là d’heureuses années embellies de succès légitimes ; des idées riantes, un certain jeu de vivacité naturelle et de mollesse voluptueuse, quelques éclairs de tendresse, des accents sortis d’un cœur droit, d’une âme honnête et bonne, animaient ces productions de sa veine dans leur fraîcheur : presque tout cela, encore un coup, a disparu.
L’histoire d’un cœur est celle de beaucoup ; une âme d’élite hors de ses voies, si elle est bien étudiée et connue, donne la clef de bien des âmes. […] La raison en est réduite à ce rôle de Gaston en bien des âmes.
Il lui faut une âme assez large pour goûter un sermon de Bossuet et un roman de Voltaire, une fable de La Fontaine et une méditation de Lamartine. […] § 7. ― Nous n’avons rien dit encore de la forme, sinon qu’elle a une extrême importance, étant l’intermédiaire indispensable entre l’âme de l’auteur et celle des lecteurs ou auditeurs. […] Mais Guyau a raison en partie, et c’est pourquoi il ne faut jamais oublier ce mot d’Augustin Thierry : ― « La sympathie est l’âme de l’histoire. » ― Oui, l’historien de la littérature comme le critique devrait avoir un cœur assez sensible pour vibrer sous le choc de toutes les variétés du beau.
Elle annonce plus de contentement que de gaieté, plus de bonté que de douceur, plus de vivacité que de malice, plus d’âme que d’esprit. […] Elle voudrait faire du misanthrope vieilli et infirme un Saint-Preux véritable, un Saint-Preux idéal, tout âme et tout esprit, toute flamme. […] « La frivole distinction des sexes doit-elle être admise dans un commerce dont l’âme fait tous les frais ?
Il a remarqué que, dans son pays de Langres, les vicissitudes de l’atmosphère sont telles, qu’on passe en vingt-quatre heures du froid au chaud ; du calme à l’orage, du serein au pluvieux, et qu’il est difficile que cette mobilité du climat n’aille pas jusqu’aux âmes : Elles s’accoutument ainsi, dès la plus tendre enfance, dit-il, à tourner à tout vent. […] Mais nulle part elle n’avait été vive, féconde, pénétrante, et, si je puis dire, elle n’avait pas trouvé son âme. […] C’est le moment de chaleur de l’artiste, la verve pure, sans aucun mélange de l’apprêt que la réflexion met à tout ; c’est l’âme du peintre qui se répand librement sur la toile.
D’une âme ardente et dont le feu se dirigeait sur des sujets graves, à peine hors des bancs, il prit part aux discussions et aux dissensions qui agitaient alors cette petite république, et il eut ses premiers écarts, même ses excès ; car il est écrit pour chacun qu’il faut que jeunesse se passe. […] Vingt fois, en sortant, pour aller les décrire, de ces séances qui se prolongeaient si avant dans la nuit, et perdant dans les ténèbres et dans le silence des rues de Versailles ou de Paris les agitations que j’avais partagées, je me suis avoué que si quelque chose pouvait arrêter et faire rétrograder la Révolution, c’était un tableau de ces séances retracé sans précaution et sans ménagement, par une âme et par une plume connues pour être libres. […] Romilly sur la résignation et sur l’immortalité de l’âme, de le voir prendre généreusement, et par un sentiment de pure équité, la défense du clergé catholique en parlant des séances où, à l’occasion du serment civique, cet ordre opprimé eut à subir de véritables avanies : La postérité comprendra facilement, dit-il, l’expropriation du clergé, la réduction de ses revenus, l’abolition de ses privilèges, les changements opérés dans sa discipline ; les esprits se partageront, dans cinquante ans comme aujourd’hui, sur la nécessité de cette réforme ; mais ce qu’on n’envisagera qu’avec un tremblement d’indignation, c’est l’impitoyable acharnement qui persécute les membres de cet ordre infortuné.
Doué de bon sens et d’une certaine philosophie naturelle, il n’avait point de ces passions personnelles d’envie ou d’ambition qui transportent les âmes hors d’elles-mêmes et leur mettent l’aiguillon au-dedans. […] Dans cette pièce, en effet, les deux amants d’abord ne mouraient pas : Blanche, malgré sa désobéissance à son père, Montcassin, malgré son infraction à la loi de l’État, trouvaient grâce devant des inquisiteurs généreux ; il y avait assaut et rivalité de grandeur d’âme, et la pièce finissait bien. […] » — Et ici, une suspension avec sourire, une pause malicieuse laissa place à de longs applaudissements : « Mais on dira, reprit le panégyriste d’un ton sérieux et convaincu, on dira toujours : L’honnête homme, dont l’âme est généreuse et droite, lors même que son esprit se blesse et s’irrite !
Saint-Simon, avec tout son génie qui ne le dispensait pas d’avoir de l’âme, s’en tirera maintenant comme il le pourra ! […] La bâtardise, qui est le sujet de ce terrible Mémoire, prenait à la gorge tout ce qu’il y avait de principes, de moralité, de sentiments et d’idées dans l’âme et dans l’esprit de Saint-Simon, et voilà ce qui a fait pousser à cet homme de monarchie la longue et douloureuse clameur qu’il pousse le long de cet admirable Mémoire, aussi puissamment, aussi désespérément que l’agonie du cor de Roland, à Roncevaux ! […] Mais à l’heure qu’il est, où l’atavisme est une idée admise par les savants et où la jeune physiologie moderne conclut, en matière d’hérédité, comme la vieille théologie, on reconnaîtra bien peut-être qu’il y a dans l’âme comme dans le corps des races d’épouvantables transmissions, et c’est la preuve expérimentale de cette vérité que Saint-Simon a faite avec une largeur de génie qui a dépassé de ses ailes l’étroite envergure d’un Mémoire… Il a recherché toutes les bâtardises des races royales qui ont régné dans notre histoire, et, à toutes les hauteurs, il a trouvé ce résultat formidable : c’est que partout où il y a eu bâtardise, il y a eu pour l’État trouble, péril et trahison… Saint-Simon n’est pas, lui, un nigaud à métaphysique.
Essayons, puisque le comique est un élément damnable et d’origine diabolique, de mettre en face une âme absolument primitive et sortant, pour ainsi dire, des mains de la nature. […] Et pourtant, voyez-vous ce reploiement d’ailes subit, ce frémissement d’une âme qui se voile et veut se retirer ? […] Comparant, ainsi que nous en avons le droit, l’humanité à l’homme, nous voyons que les nations primitives, ainsi que Virginie, ne conçoivent pas la caricature et n’ont pas de comédies (les livres sacrés, à quelques nations qu’ils appartiennent, ne rient jamais), et que, s’avançant peu à peu vers les pics nébuleux de l’intelligence, ou se penchant sur les fournaises ténébreuses de la métaphysique, les nations se mettent à rire diaboliquement du rire de Melmoth ; et, enfin, que si dans ces mêmes nations ultra-civilisées, une intelligence, poussée par une ambition supérieure, veut franchir les limites de l’orgueil mondain et s’élancer hardiment vers la poésie pure, dans cette poésie, limpide et profonde comme la nature, le rire fera défaut comme dans l’âme du Sage.
Les désirs de l’âme humaine sont naturellement universels. […] On peut encore dire dans la même pensée, que le nationalisme qui a pour âme la patrie, et l’inter-nationalisme, qui a pour âme l’humanité, doivent s’identifier, non seulement dans l’esprit de l’individu, mais encore dans la réalité de leur propre vie.
Nisard flatte peut-être l’esprit français dans la définition générale qu’il en donne, il ne flatte nullement les auteurs français en particulier ; et, tout au contraire, en les comparant, en les confrontant sans relâche un à un avec ce premier idéal qu’il s’est proposé et qu’il a dressé comme une figure grandiose au vestibule de son livre, il leur fait subir la plus périlleuse des épreuves, le plus sévère des examens : plus d’un, et des plus célèbres, y laisse une part de lui-même, la partie caduque, éphémère et mensongère ; et, comme après un jugement de Minos ou de Rhadamanthe, c’est l’âme immortelle, c’est l’esprit dans ce qu’il a eu de bon, de pur, dans ce qu’il a de durable, de moral, de salutaire, de conforme et de commun avec le génie français (une des plus belles représentations de l’esprit humain), c’est cela seul qui survit, qui se dégage et qui triomphe. […] Les erreurs de cet esprit si juste sont des jugements intéressés, où il a pris sa commodité pour règle… Et comparant cette correspondance de Voltaire avec les lettres de Cicéron, cet autre esprit universel et le grand épistolaire de l’Antiquité, il dira : L’amour de la gloire est l’âme de ces deux recueils, et ce que Voltaire fait dire au Cicéron de sa Rome sauvée : Romains, j’aime la gloire et ne veux pas m’en taire, est aussi vrai du poète que de son héros.
Depuis ce jour, l’estimable traducteur de Lucrèce appartient à une coterie littéraire et philosophique ; il a un rôle, on l’a averti dans l’oreille de prendre garde à son déisme de Lucrèce, et que cela pouvait nuire ; il a raccommodé sa préface ; il est le candidat de l’école sensualiste ; et ce n’est plus qu’à ses heures perdues et dans ses visites confidentielles qu’il peut encore s’épancher avec attendrissement sur l’Être suprême, la Providence, l’âme universelle et les harmonies touchantes du Poème de la nature. […] , à leur âme flétrie Enseignait la sagesse à défaut de patrie.
Molé ne trouverait à y opposer, a-t-il dit, que le « for intérieur du promeneur pensif et solitaire, auquel notre vie, notre civilisation active et compliquée fait chercher, avant tout, le calme, le silence et la fraîcheur. » Analysant avec détail le beau travail sur Lesueur et sur les révolutions de l’art, insistant sur l’accord mémorable avec lequel ces trois jeunes gens, Poussin, Champagne et Lesueur, se dégagèrent du factice des écoles et vinrent retremper l’art dans le sentiment intérieur et dans la nature, le directeur de l’Académie a fait entendre de nobles et bien justes paroles : « Constatons-le, a-t-il dit, ces trois hommes étaient de mœurs pures, d’une âme élevée ; tout en eux était d’accord. […] On ne puise qu’en soi-même, quoi qu’on fasse, et l’on ne met que son âme ou sa vie sur sa toile ou dans ses écrits. » Cette dernière vérité a une portée plus grande et une application plus rigoureuse qu’on n’est tenté de se le figurer, lorsqu’on est artiste de métier et qu’on croit avant tout à la puissance propre du talent et à une certaine verve de la nature.
Aussitôt Pompée mort et son âme envolée aux cieux, Caton passe au premier plan. […] c’est le fait d’une âme honnête ; mais la devise de Caton, c’est Gloire aux vaincus !
Les esprits violents se servent des hommes éclairés quand ils veulent triompher du pouvoir établi ; mais lorsqu’il s’agit de se maintenir eux-mêmes, ils s’essaient à témoigner un mépris grossier pour la raison ; ils répandent sourdement que les facultés de l’esprit, que les idées philosophiques ne peuvent appartenir qu’aux âmes efféminées, et le code féodal reparaît sous des noms nouveaux. […] Il ne faut pas ôter aux grandes âmes leur dévotion à la gloire ; il ne faut pas ôter aux peuples le sentiment de l’admiration.
L’important, c’est qu’il vécut à Paris : la grande ville lui donna son esprit et son âme. […] Ce mécontent du règne de saint Louis, ce « mangeur » de moines, qui n’a laissé à inventer aux pamphlétaires de l’avenir ni une supposition outrageante ni une plaisanterie grivoise, était un homme dévot, craignant Dieu, qui humblement s’accuse, en sa vie pécheresse, d’avoir « fait au corps sa volonté », qui, tout contrit, recommande à Notre-Dame « sa lasse d’âme chrétienne », qui trouvé d’étrangement tendres, ardentes, pénétrantes paroles pour dire les louanges de la mère de Dieu : Tu hais orgueil et félonie Sur toute chose.
Mais ce qui étonne peu d’un bel esprit, attriste dans un prédicateur ; et je ne fais peut-être pas si mal de m’émouvoir d’un travers d’esprit qui s’était glissé jusque dans la chaire, et qui en faisait descendre, par moments, au lieu de ce grand langage qui élève l’âme en perfectionnant le goût, d’ingénieuses obscurités qui gâtaient le goût et laissaient l’âme froide.
Le sens du mystère s’éveillait dans les âmes. […] Mais soudain le rire cesse : le Pierrot famélique s’est transfiguré ; le pitre fait place au poète et c’est une voix émouvante et passionnée qui rythme de vivants sanglots : Pour devenir un jour celui que tu recèles, Et qui pourrait périr avant d’avoir été, Sous le poids d’une trop chamelle humanité, Ô mon âme !
Elle ne prétendait pas faire oublier madame de Montespan par les saillies, par les moqueries, par les imitations chargées ; mais elle faisait sentir au roi un intérêt de cœur, elle lui faisait pressentir des jouissances inconnues, elle excitait dans son âme la puissance des sympathies ; la glorieuse, l’amante de la considération s’entendait bien avec l’amant de la gloire sur la valeur de cette jouissance, sur les moyens de se l’assurer. Cette sympathie, en s’exaltant dans leur âme, aidait le roi à concevoir le véritable amour où les puissances morales surpassent les jouissances physiques, et à substituer en lui des idées de bonheur aux idées de plaisir.
Tel Olympien sublime, chanté par Pindare, sculpté par Phidias, eut à son origine l’âme et le ventre du Moloch punique. […] Mais, dès qu’elle eut pleine conscience d’elle-même, la noble race abjura ces meurtres sacrés, son âme généreuse en conçut l’horreur.
Rare esprit, âme plus rare encore ; âme tendre et forte qui n’a peur de rien, pas même du ridicule ; dévouement sincère, amour passionné, bonne foi complète, Alceste, en un mot.
Que de grâces et de naturel dans la peinture qu’il fait de cette faiblesse, si naturelle aux hommes, d’ouvrir leur âme à la moindre lueur d’espérance ! […] Tout le monde a retenu ces deux vers qui expriment si bien le vœu d’une âme douce et insouciante ; mais ce sentiment est encore mieux exprimé dans le charmant morceau de la fin de cet Apologue : Heureux qui vit chez soi, etc.
Ce n’est pas des éléments de notre corps, mais des vertus de notre âme, que le souverain Juge nous demandera compte un jour. […] « Notre connaissance, dit-il, étant resserrée dans des bornes si étroites, comme je l’ai montré, pour mieux voir l’état présent de notre esprit, il ne sera peut-être pas inutile… de prendre connaissance de notre ignorance, qui… peut servir beaucoup à terminer les disputes… si, après avoir découvert jusqu’où nous avons des idées claires… nous ne nous engageons pas dans cet abîme de ténèbres (où nos yeux nous sont entièrement inutiles, et où nos facultés ne sauraient nous faire apercevoir quoi que ce soit), entêtés de cette folle pensée que rien n’est au-dessus de notre compréhension 153. » Enfin, on sait que Newton, dégoûté de l’étude des mathématiques, fut plusieurs années sans vouloir en entendre parler ; et de nos jours même, Gibbon, qui fut si longtemps l’apôtre des idées nouvelles, a écrit : « Les sciences exactes nous ont accoutumés à dédaigner l’évidence morale, si féconde en belles sensations, et qui est faite pour déterminer les opinions et les actions de notre vie. » En effet, plusieurs personnes ont pensé que la science entre les mains de l’homme dessèche le cœur, désenchante la nature, mène les esprits faibles à l’athéisme, et de l’athéisme au crime ; que les beaux-arts, au contraire, rendent nos jours merveilleux, attendrissent nos âmes, nous font pleins de foi envers la Divinité, et conduisent par la religion à la pratique des vertus.
Cette veine ouverte d’un peuple vaincu, par laquelle s’écoulait un sang si vermeil encore de jeunesse, ces mœurs patriarcales et hospitalières, cette fierté grandiose qui fait dire perpétuellement à l’Arabe : « Élargis ton âme », précisément le contraire du mot chinois et civilisé : « Rapetisse ton cœur », que l’abbé Huc nous apprend, les dernières tentes, qui vont se lever et se ployer au soleil couchant de la poésie devant la civilisation, cette mer de pierres qui s’avance, tout ce vaste ensemble nous frappa de deux sensations et d’une double mélancolie, — la sensation de ce qui est éternellement beau, et de ce qui va s’évanouir. […] elle a été une école de force morale, une discipline de l’âme militaire de la France.
Homme de formalisme politique qui a tout vu dans certaines formes extérieures, comme si l’âme de la politique était là, la ressemblance l’a fait croire à l’identité. […] On doit renoncer de le faire « comprendre aux âmes médiocres qui ne l’ont jamais « ressenti. » Est-ce M.
Les choses en étaient arrivées, entre les Stuarts et l’Angleterre, à cette redoutable extrémité qu’il n’y avait plus entre eux que le choc des deux plus inflexibles et saintes choses qu’il y ait dans le cœur des hommes, — le choc de deux consciences qui, ni l’une ni l’autre, ne pouvaient céder… Lorsque les questions sont posées à cette profondeur d’âme, on n’attend pas longtemps le résultat. […] On a bâclé contre lui un jugement superficiel et grossier qu’on tire bien plus des impossibilités de sa position que de la connaissance approfondie de son intelligence et de son âme.
, une Messie, tuée comme l’autre Messie, par des prêtres et des Pharisiens, est — après tout — une druidesse, une fille libre des Gaules, opposant le génie gaulois au clergé romain, et — voyez ceci, bonnes âmes ! […] « et, c’est ainsi, dit l’historien dont la tête fait l’effet d’une table tournante, que la grande âme de la Gaule éclate partout, partout — dans le sanctuaire du chêne, — dans le libre arbitre de Lérins et du Paraclet, dans la souveraine indépendance de l’inspiration de Jeanne d’Arc et… dans le moi de Descartes ».
Dans ce misérable passé qu’abhorre naturellement l’ancien rédacteur de La Presse, les lettres ont tenu trop de place, et elles en tiendront trop peu dans l’avenir qu’il rêve pour qu’en conscience et de bonne foi il estime beaucoup cette vieille amusette des sociétés qui eurent de l’âme et de nobles loisirs. L’âme, pour des penseurs de la force de Μ. de Girardin, ne vaut pas une mécanique, et le loisir est un désordre pour ces politiques des travaux forcés.
Dieu, l’âme, son essence et ses destinées, les hiérarchies spirituelles, etc., sont restées des questions pour M. […] Ce n’est plus le lieu de l’expiation et de l’épreuve, le champ de mort d’où une chrysalide de cent cinquante milliards d’âmes doit un jour se déployer et s’envoler dans les cieux !
L’abbé Gratry, en sa qualité de métaphysicien, a mis la main sur la grande blessure de la métaphysique moderne, qui perd son sang, son âme et sa vie, dans des abstractions qu’on prend pour elle. […] Une chose qui nous paraît, du reste, encore plus considérable et plus nouvelle que la méthode inductive elle-même, que ce passage du fini à l’infini dont l’abbé Gratry décrit le mouvement dans l’intelligence avec une si rare précision, c’est la disposition morale de la volonté exigée pour que le mouvement de l’esprit s’opère aisément et s’accomplisse : « Le mouvement intellectuel vers l’infini, c’est-à-dire vers Dieu, est toujours vrai, — a dit l’auteur de la Connaissance de Dieu ; — il est toujours possible, dès que l’homme est doué de raison ; mais il ne s’exécute pas dans l’âme sans un mouvement de cœur correspondant. » Et c’est ainsi que l’abîme entre l’homme moral et l’homme intellectuel est comblé, cet abîme que n’avait pas franchi l’audacieuse pensée de Kant !
Fils de l’Université qui n’a pas oublié Stanislas, c’est un normalien et un cousiniste, et, s’il est chrétien, comme je le crois, et comme quelques-uns de ses premiers écrits14 autorisent à le croire, c’est un chrétien qui derrière sa foi a sa métaphysique, comme derrière un salon dans lequel on vit peu, on a un cabinet de travail dans lequel on se tient toujours… À un homme de cette préoccupation philosophique, de cette culture, de ce goût affiné et sûr, Dieu sait l’effet que je dois produire avec mon sens littéraire ardent et violent plutôt que réglé, et mon catholicisme brutal, qui a tout avalé des philosophies qui me grignotaient l’esprit avant que Brucker m’eût ramené à cette religion de mon intelligence et de mon âme ! […] En d’autres termes plus sérieux, nous nous disions, et nous avons toujours pensé, que l’existence de Dieu, créateur du monde, sa providence dans l’histoire, et l’immortalité de l’âme, ces trois vérités de bon sens et d’instinct, n’étaient pas — du moins telles que l’école du spiritualisme moderne a l’habitude de les poser — absolument tout ce qu’il fallait pour apaiser les esprits noblement affamés de certitude, et, ce qui importe bien davantage, pour s’emparer impérieusement de la direction morale de la vie.
Élevée au couvent, dans la communauté de Bérulle, elle y a laissé une amie d’enfance qui vient de prononcer ses vœux et qui incessamment lui rappelle dans ses lettres cette vie de cloître au sein de laquelle elle, Éliane, a passé les premières années de la sienne, et dont, âme pieuse et profonde, elle a emporté le regret. […] On sent que pour résister à cette poignante et cruelle ironie de l’ange qui regarde la terre et lève les épaules sous ses ailes, — dernier mouvement de la femme que la religieuse n’ait pas réprimé, — il faut que Christian ait jeté dans l’âme troublée d’Éliane de bien brûlantes impressions.
Des âmes très délicates sont froissées par les Maximes et y trouvent, comme dit M. […] Et je m’étonne que si peu de lecteurs y puisent cette paix de l’esprit et de l’âme. […] C’est je ne sais quelle faculté de notre âme qui aurait pour devise le « Souviens-toi de te défier » de Mérimée. […] René Bazin a fait en écrivant De toute son âme, ce qui, du reste, est un titre pour dérouter, et que je ne comprends pas beaucoup. — De toute son âme est un roman à la Dickens, très analogue aux Temps difficiles. […] Son seul malheur est d’aimer un peu plus haut que lui, une ouvrière trop élégante d’âme, d’esprit et de tournure.
De madame Mélingue, cette énergique et superbe actrice qui a donné son âme à ma pièce ?
Ce qui reste fondamental et essentiel chez Béranger à travers toutes ses petites combinaisons que nous, nous n’avons fait qu’entrevoir autrefois, c’est la haute probité, la hauteur de l’âme, le caractère plébéien indélébile ; voilà ce qui rachèterait au besoin bien des petitesses et des raffinements.
Hippolyte Babou Il est impossible de ne pas estimer et de ne pas aimer Chênedollé : c’est un esprit élevé, une imagination enthousiaste et sympathique, une conscience pure, une âme céleste.
Dans l’âme du poète, tout est vrai, ce qu’il sent et ce qu’il imagine.
Il a beau être gourmand et ivrogne, c’est une âme !
André Gide En Ghéon, aucune tristesse : c’est une âme de cristal et d’or, pleine de sonorités merveilleuses.
Henri de Régnier ; et si les allées rectilignes en leur sévère majesté en imposent d’abord par leur charme un peu triste, la lumière des aubes et des crépuscules s’y joue à souhait et dans le même décor fait alterner de changeantes images qui sont toute la vie et l’âme du poète, projetée hors de lui et lui apparaissant par un mirage dont il n’est pas dupe sous les formes multiples de son rêve.
Mais comme une âme, élue pour la mélancolie comme celle du poète, est dolemment bercée par ces « mélodies oublieuses », en lesquelles fidèlement se répercutent ses chants, ses soupirs et ses sanglots !
L’éveil peureux d’un cœur vierge aux premiers émois de l’amour, à l’amour de l’amour, le culte enfantin et noble de « la petite Elle », la floraison puérile du printemps autour de l’éclosion printanière d’une âme, tels sont les principaux motifs sur lesquels M.
Regrets et espérance, c’est tout le cœur de l’adolescent, et c’est tout ce livre, où s’avoue avec une ingénuité qui fait penser à Verlaine, en hésitant, mais avec de beaux éclats soudains, une âme à la fois simple et romanesque, mélancolique et ardente.
Émile Faguet Joseph d’Arimathée n’est pas précisément un drame, c’est une étude psychologique très attentive et très fine sur l’état d’esprit des premiers adeptes d’une religion et sur la manière dont un sentiment religieux se forme et se développe peu à peu dans les âmes… J’ai déjà dit qu’il n’est point du tout dramatique, et qu’il ne pourra jamais, au théâtre, soutenir et retenir l’intérêt d’un public un peu nombreux ; mais, comme étude psychologique, Joseph d’Arimathée est excellent… Il s’y trouve de grandes, de profondes beautés.
Car rien ne nous touche d’absolument étranger, rien ne possède pour nous d’éloquence s’il ne trouve en nous-même son écho véridique ; et, ainsi que pour la physique supérieure tous les phénomènes ne sont peut-être que des modalités de l’unique Énergie, l’objectif serait un mode ignoré de notre âme, tout le possible encore obscur qu’elle contient et où elle se découvre par sa trace, comme le rythme dans l’harmonie, comme le temps à travers sa mesure d’espace.
maudit tueur d’âmes, bête féroce, bête féroce ! […] Tu es un tueur d’âmes, une bête féroce… Mais attends… tu ne régneras plus longtemps… On te serrera le gosier un peu fort, va ! […] La brave dame se recula d’un air mécontent. — Tu te hâtes trop, mon petit père, — lui dit-elle d’une langue déjà épaissie, — tu auras encore le temps. — Puis elle baisa dévotement le crucifix, fourra la main sous son oreiller, et rendit l’âme […] Chauffe toujours ou qu’Hérode perde ton âme ! […] On n’y sent aucun art ; l’art est dans son œil qui lui fait tout discerner et dans son âme qui lui fait tout sentir.
* * * — Un homme qui a dans le visage quelques traits de don Quichotte, a quelque chose de sa noblesse d’âme. […] Dans la rue, vous vous sentez coudoyer l’âme par le passant ; de là-haut, votre pensée lui marche sur la tête comme sur quelque chose d’anonyme, d’impersonnel, d’inconnu, d’étranger qui est en bas, là-dessous. […] — J’ai entendu dire à un médecin : L’âme est une non-valeur. […] Je n’ai jamais rencontré, dans l’enfance, une semblable fleur de fumier, une pareille coulée d’immondices, une telle flétrissure de l’âme, quelque chose produisant en vous une répulsion qui va presque jusqu’à la peur. On aurait dit toutes les corruptions et toutes les canailleries de Paris, filtrées dans ce petit monstre de l’âge de la première communion ; oui, dans cet enfant, où tout le mal, tout le vice d’une capitale de deux millions d’âmes, s’apercevait, comme en une effrayante miniature.
En vain Bérulle et Saint-Cyran, plus durs, avaient-ils tâché de reconquérir par l’attrait de la sévérité chrétienne les âmes qui glissaient hors de la main des « doux ». […] Pas plus, en effet, que le bon sens, on ne saurait faire honneur à Descartes d’avoir inventé l’analyse psychologique ou morale ; et, pour raisonner éloquemment ou finement sur elles-mêmes, les âmes passionnées ne Font pas attendu. […] et, comme autrefois, on craint que, dans les âmes faibles, en jetant des semences de découragement, ou de terreur de la justice divine, ils ne fassent désespérer de la vertu, du salut, et de la religion. […] — scandalisé les âmes pieuses, et moins indigné qu’encouragé dans leur libertinage tous ceux qui semblaient attendre que la religion se divisât une fois de plus contre elle-même. […] et jusque dans l’âme d’un Théophile ou d’un Des Barreaux, qui sait, qui pourra jamais dire ce qu’il se mêle encore de foi latente aux fanfaronnades extérieures de l’impiété ?
Voici la suite : « Enfant par la foi, vieillard par l’expérience, homme par le cerveau, femme par le cœur, géant par l’espérance, mère par la douleur et poëte par les rêves ; à toi qui es encore la Beauté, cet ouvrage où ton amour et ta fantaisie, ta foi, ton expérience, ta douleur, ton espoir et tes rêves sont comme les chaînes qui soutiennent une trame moins brillante que la poésie de la pensée, que le poëme gardé dans ton âme, semblable à l’hymne d’un langage perdu dont les caractères irritent la curiosité des savants. »
Ferdinand Brunetière Le professeur obscur de Genève, le poète inconnu de Jour à jour et des Étrangères, est célèbre ; et il le restera, comme il l’est devenu d’abord à cause de la sincérité inexorable de sa confession, et aussi parce qu’il est un exemplaire accompli d’une certaine variété d’âmes modernes… Comme M.
En vérité, faut-il avoir l’âme humble d’une pauvre fille, vendeuse de bonheur, pour ne pas affirmer une prudente admiration devant des strophes aussi parfaitement, heureuses que celles-ci, prises dans la tragédie d’Édouard Dujardin : Quelquefois, au hameau, Je descends où sont les réjouissances elle repos ; Je me rencontre à mes frères, à mes sœurs, Et puis chacun nous repartons vers les hauteurs.
Fabié fût venu au monde cent ans plus tôt : il eût été bûcheron comme ses aïeux, ou laboureur, ou berger, et son âme de poète fût demeurée ensevelie sous son rude sayon de villageois.
Il a traversé la vie sans bruit, dans un effacement volontaire, ne parlant jamais de lui-même, publiant à la dérobée, çà et là, des proses élégantes et des vers où il laissait percer toute l’amertume de son âme inquiète, découragée.
Je regrette qu’à cette éducation qui préparait des corps robustes, des âmes fortes, courageuses et libres, il en ait succédé une efféminée, pédantesque et roide.
Toutes les sortes de goût, un cœur sensible à tous les charmes, une âme susceptible d’une infinité d’enthousiasmes différents, une variété de style qui répondît à la variété des pinceaux ; pouvoir être grand ou voluptueux avec Deshays, simple et vrai avec Chardin, délicat avec Vien, pathétique avec Greuze, produire toutes les illusions possibles avec Vernet.
Ils doivent leur tranquillité d’esprit moins peut-être à une invincible fermeté d’âme qu’à une certaine insouciance, qui est le fond de leur caractère. […] Agnès est, pour ainsi dire, une âme toute nue. […] À votre foi mon âme est toute abandonnée ! […] Son âme s’éveille à l’amour. […] Les fait-il rire, du moins, de ce rire franc, sain, sans réticence, qui épanouit les sens et rafraîchit l’âme ?
André Chénier s’en scandalise et prouve ainsi son âme républicaine. […] La haine des intuitionnistes qui ne songent qu’aux âmes conduit M. […] Maurice Rostand n’aime que les maladies de l’âme, on conçoit qu’il goûte peu ces deux grands hommes. […] Cet épicurien de Stendhal avait le sentiment de la grandeur et l’âme chevaleresque. […] Je n’ai pas l’âme jacobine.
Elles sont franches, viriles, et respirent cette éternelle jeunesse qui est le privilège des âmes honnêtes. […] On sent au fond de cette législation un matérialisme désolant qui offense tous les meilleurs sentiments de l’âme humaine. […] Le calme était descendu dans son âme, et, pourquoi le cacher ? il avait vieilli, non pas seulement de visage et de corps, mais son âme elle-même avait vieilli. […] Pertes d’hommes et d’âmes chemin faisant !
Qui, du fond de son puits tirant la Vérité, A su donner une âme au public hébété ? […] Je vous exhorte à méditer ce projet qui doit plaire au moins à votre âme. […] Il l’est en ce qu’il met et entretient dans les âmes Vidée d’une autorité capricieuse, et qu’il la rend sainte et vénérable. […] Le premier est faux, je ne sais pourquoi, et dans le chapitre XIII, Voltaire ne parle que de ceci que les Juifs ne croyaient pas à l’immortalité de l’âme. […] Il voit dans la religion une sorte de collège conservateur des droits de l’homme, de la liberté de l’âme, de la liberté individuelle, et il lui sait gré d’être cela.
« Plantons solidement nos pieds en plein sol, pour que notre âme se couvre d’étoiles. » Voilà par quelle pensée profonde s’achève ce beau livre. […] par aug. vacquerie « Plantons solidement nos pieds en plein sol, pour que notre âme se couvre d’étoiles. » Voilà par quelle pensée profonde s’achève ce beau livre. […] Leconte de Lisle ignore que l’érudition a besoin d’aises, et son âme froide imagine trouver l’émotion dans de vieux livres grecs en écoutant l’histoire des dieux. […] Le critique de bonne compagnie aime mieux René et Adolphe parce que le premier résume un siècle, le second un état de l’âme et une situation de la vie. […] Le vrai sentiment pontmartiniste là-dessus c’est qu’Adolphe et René sont des gens comme il faut, que leur âme est supérieure à celle des bourgeois, et que par suite l’histoire de leur âme est plus belle.
Un cerveau de mathématicien et une âme de prophète.
Thomas Braun Il nous en rappelle l’histoire la légende et la mythologie, et ravive en nos âmes l’idée — est-elle juste ou fausse, je l’ignore ?
Et l’idiome de Le Goffic est d’une perfection égale à celui que parle Vicaire : rien de hâtif, rien de laissé au hasard, de banalement « inspiré », n’y traîne, bien que tout y soit le retentissement élargi d’une voix de l’âme.
Diogène allait reposer son cynisme au pays de ses rêves ; il mangeait le pain de la fermière ; il se penchait sur le miroir enchanté de la Voulzie, et cueillait sur la rive ce myosotis qui est son âme et qui sera son souvenir.
Ce qui est peut-être exprimé parfois dans ce recueil, ce qui a été la principale préoccupation de l’auteur en jetant çà et là les vers qu’on va lire, c’est cet étrange état crépusculaire de l’âme et de la société dans le siècle où nous vivons ; c’est cette brume au-dehors, cette incertitude au-dedans ; c’est ce je ne sais quoi d’à demi éclairé qui nous environne.
Préface Maurice Delafosse, Administrateur en Chef des Colonies Pour bien connaître une race humaine, pour apprécier sa mentalité, pour dégager ses procédés de raisonnement, pour comprendre sa vie intellectuelle et morale, il n’est rien de tel que d’étudier son folklore, c’est-à-dire la littérature naïve et sans apprêts issue de l’âme populaire et nous la livrant dans sa nudité primitive.
— Religions et croyance à une Providence, mariages et modération des passions, sépultures et croyance à l’immortalité de l’âme.
En effet c’est une propriété innée de l’âme humaine d’aimer l’uniformité ; lorsqu’elle est encore incapable de trouver par l’abstraction des expressions générales, elle y supplée par l’imagination ; elle choisit certaines images, certains modèles, auxquels elle rapporte toutes les espèces particulières qui appartiennent à chaque genre ; ce sont pour emprunter le langage de l’école, des universaux poétiques.
La science militaire est composée de deux choses, de moralité et de géométrie : par l’une on apprend l’art de plier l’homme à une exacte discipline, d’exalter son âme et de lui inspirer un noble orgueil de son état ; par l’autre on combine les moyens les plus prompts d’opérer avec précision différents mouvements. […] Dans les derniers conseils qu’il donne à son fils, à ce fils dont il s’est si peu occupé, et envers qui il ne revendique aucun des droits de l’autorité paternelle, mais seulement le privilège de l’« affection » et de la « prédilection » (ce sont les termes mesurés qu’il choisit), il insiste sur certaines recommandations précises et pratiques ; il lui dit en lui faisant passer un reste de fortune : Il faut avant tout se garantir de la misère ; tout autre malheur doit peu affecter un homme jeune et bien portant ; mais le besoin, la dépendance et le mépris des autres empoisonnent la vie, flétrissent l’âme, abâtardissent le génie. […] Il y avait, dans la première édition des Considérations sur les mœurs, quelques passages assez peu honnêtes qu’elle n’avait pas bien compris : « Ce que j’entends le moins dans ce recueil, disait-elle en lui en renvoyant le manuscrit, c’est ce qui touche mon sexe ; mais pour le reste, je l’ai souvent pensé. » Mme de Créqui, malgré sa longue expérience du monde et son esprit mordant, avait l’âme neuve et par certains endroits assez naïve.
Campaux, que celle de se transporter en pensée à sa dernière heure, et là, de son lit de mort, d’exhaler son âme en confessions, en adieux et en legs à tous ceux qu’il a aimés et connus. […] Le fond du Grand Testament, ce sont les plaintes, les regrets, les remords et les confessions qui remplissent le préambule et la plus grande partie du codicille, et par où le poète répand comme par autant de blessures tout le sang de son cœur ; ce sont, avec les leçons saisissantes que le poète y donne, çà et là, au commencement et à la fin, les véritables legs de Villon à la postérité ; c’est là le vrai testament de son âme et de son génie, celui qu’elle a accepté religieusement et qu’elle n’oubliera pas, tant qu’il y aura une langue française. […] cet écolier que je me figure, qui a respiré la bonne âme de Villon et non la mauvaise, et pour qui le poète, même complètement connu plus tard, était demeuré une passion, il revit de nos jours, il est devenu maître et de la meilleure école, et c’est lui qui a été, cette fois, le commentateur, l’apologiste (là où c’était possible), l’interprète indulgent et intelligent de Villon par-devant la Faculté, et aussi devant le public.
Royer-Collard eut de hautes et belles paroles, et surtout appropriées aux temps : elles tombaient de tout leur poids dans cette Chambre royaliste qu’il adjurait de ne pas vouloir être plus sage que le roi, ou moins clémente que lui ; de ne point rentrer et se traîner dans les voies révolutionnaires, en voulant combattre l’esprit de la Révolution ; de ne pas infirmer la justice, en mettant à une trop rude épreuve la conscience du juge ; de ne pas intercepter le pardon et de ne pas lui faire rebrousser chemin, après qu’il était descendu du trône ; de ne pas ériger après coup contre des condamnés un surcroît de peines rétroactives ; de ne pas introduire sous le titre d’indemnités, et dans une loi d’amnistie, l’odieuse mesure des confiscations expressément abolies par la Charte : « Les confiscations, nous ne l’avons pas oublié, disait-il avec l’autorité d’un témoin aussi pur que les plus purs, sont l’âme et le nerf des révolutions ; après avoir confisqué parce qu’on avait condamné, on condamne pour confisquer ; la férocité se rassasie ; la cupidité, jamais. […] Juge, il était l’âme des procès, des commissions ; ses talents d’éminent magistrat se déclarèrent ; dans les difficultés, il prenait sur lui la responsabilité du premier avis, qu’il donnait toujours excellent. […] Royer-Collard fut l’âme ; je me permets plus de familiarité ; mais l’ouvrage de M. de Barante, sauf ce léger défaut de ne pas graver assez, est sage, judicieux, fin, net, excellent, comme tout ce qui sort de cette plume habile.
Il est serviable, généreux : il n’a pas la sympathie compréhensive, il ne s’unit pas par l’amour à ses semblables, à la création ; il ne mêle pas son âme dans les choses. […] Boileau ne pouvait ni saisir l’âme de la nature, ni y répandre la sienne. Quant à la peindre en réaliste, pour étaler à nos yeux la richesse des couleurs et la singularité des formes sans en faire les manifestations d’une âme, il lui eût fallu des moyens d’expression que la versification et la langue d’alors ne mettaient pas à sa disposition.
Même s’il est une classe qui soit plus durement raillée, et méprisée du plus profond de l’âme, ce sont les vilains : une marque encore du caractère bourgeois de l’œuvre. Évidemment la satire est l’âme du roman de Renart : très anciennement, puisque la plus ancienne branche, le Pèlerinage de Renart, est sans valeur et sans signification même à tout autre égard, très anciennement l’histoire des animaux n’a apparu aux narrateurs et aux auditeurs que comme un moyen de dauber le prochain, le baron, le curé, le vilain, la femme : mais c’est un caractère vraiment remarquable que la bonne humeur de cette inextinguible malice. […] Aussi n’y a t-il rien de creusé, qui mette à nu les sentiments intimes et le mécanisme secret des âmes : ou, si l’on veut, on n’y rencontre pas de types généraux, ni d’analyses exactes.
Dans la préface de la première édition (1688)99, il apprécie ainsi les deux ouvrages de ses devanciers : « L’un (les Pensées), par l’engagement de son auteur, fait servir la métaphysique à la religion, fait connaître l’âme, ses passions, ses vices, traite les grands et les sérieux motifs pour conduire à la vertu et veut rendre l’homme chrétien. […] C’est la même vérité qui s’est servie successivement des violents combats de l’âme de Pascal, de la mélancolie de La Rochefoucauld, et de la tranquille ironie de La Bruyère. […] Aussi n’ont-ils point eu d’imitateurs ; car, s’il suffit, pour imiter les littérateurs, de leur emprunter leurs procédés, pour imiter les écrivains il faut avoir leur âme, il faut les égaler.
La même raison psychologique explique peut-être encore ce fait que les divergences d’opinion en matière économique n’émeuvent pas autant les âmes et ne divisent pas aussi profondément les hommes que les querelles religieuses ou morales. […] Selon lui, les qualités morales de magnificence, de générosité, d’initiative, de maîtrise de soi, de fierté sociale, de noblesse d’âme ne peuvent s’allier qu’à une très grande richesse. […] « On voit maintenant se former, remarque ce philosophe, la culture d’une société dont le commerce est l’âme… Celui qui s’adonne au commerce s’entend à tout taxer d’après le besoin du consommateur et non d’après son besoin personnel ; chez lui, la question des questions, c’est de savoir “combien de personnes consomment cela”.
Ce mot suppose au contraire des pensées raffinées d’extrême civilisation, une haute culture littéraire, une âme capable d’intensives voluptés. […] Comme s’il avait voulu se targuer d’un joug secoué, son nom, sur la couverture jaune, s’étalait en plus gros caractères, mais la France littéraire rendit l’âme après trois ou quatre numéros ! […] Nous hésitions, l’âme en peine, ne sachant quelle figure investir du rayonnement de l’Absolu, lorsque l’un de nous découvrit à propos le néphélibate Mitrophane Crapoussin « dont le chant de cygne perspicace, affamé du non-être, sur l’étang des Luxures, lamentait le lotus aboli ».
Elle n’avait qu’un défaut, c’était de faire trop bien, de trop aller au cœur par certains accents : « On continue à représenter Esther, écrivait Mme de Sévigné à sa fille (11 février 1689) : Mme de Caylus, qui en était la Champmeslé, ne joue plus ; elle faisait trop bien, elle était trop touchante : on ne veut que la simplicité toute pure de ces petites âmes innocentes. » Mme de Caylus passe pour avoir été la dernière personne, la dernière actrice qui ait conservé la déclamation pure de Racine, le degré de cadence et de chant qui convenait à ce vers mélodieux, tout fait exprès pour l’organe d’une Caylus ou d’une La Vallière. […] Rémond, menait plus loin qu’Hélène ; elle répandait une joie si douce et si vive, un goût de volupté si noble et si élégant dans l’âme de ses convives, que tous les âges et tous les caractères paraissaient aimables et heureux. […] Mme de Maintenon, si agréable par l’esprit, avait un fonds sérieux, triste et même austère ; elle avait amassé des trésors d’ennui à amuser les autres, elle s’était desséché l’âme à plaire à de plus grands qu’elle dès sa jeunesse.
Mais il n’a pas d’effort à faire pour s’y conformer ; sauf l’élévation qui, à un ou deux endroits, lui sort du cœur, et la verve qui, en trois ou quatre passages, est excellente, il est dans Le Vieux Cordelier ce qu’il était dans ses précédents écrits, incohérent, indécent, accouplant à satiété les images et les noms les plus disparates, accolant Moïse à Ronsin, profanant à plaisir des noms révérés, disant le sans-culotte Jésus en même temps qu’il a l’air de s’élever contre l’indigne mascarade de l’évêque apostat Gobel ; en un mot, il parle dans Le Vieux Cordelier l’argot du temps ; il a le style débraillé, sans dignité, sans ce respect de soi-même et des autres qui est le propre des époques régulières et la loi des âmes saines, même dans les extrémités morales où elles peuvent être jetées. […] comme, après la lecture de ces pages bigarrées, toutes tachées encore de boue et de sang, et convulsives, image vivante (jusque dans les meilleurs endroits) du dérèglement des mœurs et des âmes, comme on sent le besoin de revenir à quelque lecture judicieuse où le bon sens domine, et où le bon langage ne soit que l’expression d’un fonds honnête, délicat, et d’une habitude vertueuse ! On se prend à s’écrier en se rejetant en arrière : Ô le style des honnêtes gens, de ceux qui ont tout respecté de ce qui est respectable, qui ont placé dans les sentiments mêmes de l’âme le principe et la mesure du goût !
Son père, Gaston, duc d’Orléans, doué de mille qualités de l’esprit, et de pas une de celles qui tiennent au cœur et au caractère, était l’âme de toutes les intrigues politiques dirigées contre Richelieu, et compromettait sans cesse des serviteurs et des amis, qu’ensuite il abandonnait. […] Elle se plaisait à découvrir en lui toutes sortes de distinctions, une élévation d’âme au-dessus du commun, et un million de singularités qui la charmaient. […] Elle se faisait apporter et elle relisait les œuvres de Corneille pour y voir des images de sa destinée et y prendre des leçons ; elle comptait sur la secrète sympathie des âmes : Quand les ordres du ciel nous ont faits l’un pour l’autre, Lise, c’est un accord bientôt fait que le nôtre… On s’estime, on se cherche, on s’aime en un moment ; Tout ce qu’on s’entredit persuade aisément.
que Mirabeau le sentait lorsque, impatient de ces éternelles remises de l’« homme aux indécisions » (c’est ainsi qu’il appelle La Fayette), et de cette pudibonderie si hors de propos, irrité de voir en tout et partout les honnêtes gens de ce bord en réserve et en garde contre lui, il s’écrie : « Je leur montrerai ce qui est très vrai, qu’ils n’ont ni dans la tête, ni dans l’âme, aucun élément de sociabilité politique. » Et relevant la tête en homme qui, avec ses taches, avait son principe d’honneur aussi et le sentiment de sa dignité, il écrivait un jour (1er décembre 1789) à La Fayette, sans craindre d’aborder le point délicat et qui recelait la plaie : J’ai beaucoup de dettes, qui en masse ne font pas une somme énorme ; j’ai beaucoup de dettes, et c’est la meilleure réponse que les événements puissent faire aux confabulations des calomniateurs. […] Cependant, si nous nous reportons à la date des derniers mois de 89, nous trouvons Mirabeau bouillonnant d’impatience, de « cette impatience du talent, de la force et du courage », souffrant de son inaction et de son inutilité réelle au milieu de ses travaux sans nombre et de ses succès retentissants, jugeant admirablement cette cour et cette race royale qu’il voudrait servir et réconcilier avec la cause de la Révolution : Il n’y a qu’une chose de claire, écrivait-il (29 décembre 1789), c’est qu’ils voudraient bien trouver, pour s’en servir, des êtres amphibies qui, avec le talent d’un homme, eussent l’âme d’un laquais. […] Il n’y a de ressource à cet ordre de choses que l’imbécillité de son caractère, la timidité de son âme et les courtes dimensions de sa tête7.
On dit qu’un homme a l’esprit de critique, lorsqu’il a reçu du ciel non seulement la faculté de distinguer les beautés et les défauts des productions qu’il juge, mais une âme qui se passionne pour les unes et s’irrite des autres, une âme que le beau ravit, que le sublime transporte, et qui, furieuse contre la médiocrité, la flétrit de ses dédains et l’accable de son ennui. […] Chénier, malgré ses torts, eut toujours un fonds de noblesse d’âme et de générosité.
Il est bien juste que je tire quelque avantage d’une gloire que vous acquérez à un prix si cher pour mon âme et pour toute ma tranquillité. […] La comtesse de Bonneval a sa physionomie à part dans la série des femmes françaises qui ont laissé, sans y songer, l’image de leur âme en quelques pages. […] Cette explication d’une âme virginale et passionnée est fort ingénieuse et d’une grande délicatesse.
Arsène , du plus haut de son esprit, contemple les hommes, et dans l’éloignement d’où il les voit, il est comme effrayé de leur petitesse : loüé, exalté, et porté jusqu’aux cieux par de certaines gens qui se sont promis de s’admirer réciproquement, il croit avec quelque mérite qu’il a, posséder tout celui qu’on peut avoir, et qu’il n’aura jamais : occupé et rempli de ses sublimes idées, il se donne à peine le loisir de prononcer quelques oracles : élevé par son caractère au-dessus des jugements humains, il abandonne aux âmes communes le mérite d’une vie suivie et uniforme, et il n’est responsable de ses inconstances qu’à ce cercle d’amis qui les idolâtrent ; eux seuls savent juger, savent penser, savent écrire, doivent écrire ; il n’y a point d’autre ouvrage d’esprit si bien reçu dans le monde, et si universellement goûté des honnêtes gens, je ne dis pas qu’il veuille approuver, mais qu’il daigne lire : incapable d’être corrigé par cette peinture qu’il ne lira point. […] l’âme ne va-t-elle pas jusqu’au vrai dans l’un et l’autre genre avant que de s’émouvoir ? […] Il semble que la logique est l’art de convaincre de quelque vérité ; et l’éloquence un don de l’âme, lequel nous rend maîtres du cœur et de l’esprit des autres ; qui fait que nous leur inspirons ou que nous leur persuadons tout ce qui nous plaît.
Après les besoins du corps qui ont rassemblé les hommes pour lutter contre la nature, leur mère commune et leur infatigable ennemie, rien ne les rapproche davantage et ne les serre plus étroitement que les besoins de l’âme. […] De ce désir naissent des idées d’honneur et de gloire, et ces deux sentiments qui élèvent l’âme et qui l’agrandissent, répandent en même temps une teinte de délicatesse sur les mœurs, les procédés et les discours. […] Il faudrait se moquer de la simplicité de ces bonnes gens qui ont prétendu former d’honnêtes et habiles citoyens, des hommes utiles, de grands hommes, en se promenant, en causant, en plaisantant ; accoutumer la jeunesse à la pratique éclairée des vertus et l’initier aux sciences par manière de passe-temps ; oui, certes, il faudrait s’en moquer si l’on ne respectait la bonté de leur âme et leur tendre compassion poulies années innocentes de notre vie.
Entre tant de physionomies caractéristiques de la colère, de la fureur, de la tendresse, de l’innocence, de la frayeur, de la fermeté, de la grandeur, de la décence, des vices, des vertus, des passions, en un mot, de toutes les affections de l’âme, y en aurait-il quelques-unes qui les désigneraient d’une manière plus évidente et plus forte ? […] L’homme le plus sujet aux accès de l’inspiration pourrait lui-même ne rien concevoir à ce que j’écris du travail de son esprit et de l’effort de son âme, s’il était de sens froid, j’entends ; car si son démon venait à le saisir subitement, peut-être trouverait-il les mêmes pensées que moi, peut-être les mêmes expressions, il dirait, pour ainsi dire, ce qu’il n’a jamais su ; et c’est de ce moment seulement qu’il commencerait à m’entendre. […] Monsieur Le Prince, vous êtes sans idées, sans finesse et sans âme ; vous pouvez, M.
L’âme ne se concentre plus, elle n’a plus le temps. […] Et le fond, l’âme de l’œuvre stendhalienne, c’est le goût de l’énergie et par conséquent, encore une fois, comme chez Balzac, comme dans toute notre littérature romanesque, le culte de l’héroïsme. […] Je viens de recevoir Un amateur d’âmes. […] Les gestes extérieurs, quotidiens des hommes ne sont rien : derrière, se cache leur vie véritable, inconnue et profonde — leur âme, en somme ; et c’est La Vie secrète. […] Il voudrait que le monde futur vive dans la discipline sportive, régissant l’âme et le corps, dans « une douceur casquée ».
Il est bien illogique de vouloir l’immortalité des œuvres lorsqu’on affirme et lorsqu’on désire la mortalité des âmes. […] Il faut comprendre tous les états d’âme et connaître la diversité des désirs. […] Tel est, en abrégé, ce petit roman d’amour pur, exemple du platonisme pieux qui séduisit tant d’âmes élégantes en des siècles où les mœurs étaient grossières. […] Elle guérit même la vague inquiétude spirituelle des âmes simples ; et cela est très beau. […] Ces deux illustres Juifs ont la même âme.
On fait table rase de tout ce qu’on avait dans l’âme, et on la présente blanche et nette de toute empreinte, à la main mystérieuse de la nature qui y gravera son caractère.
Paul Meurice est une de ces âmes transparentes au fond desquelles on voit le devoir… [Depuis l’Exil (1874).]
Charles Frémine Toi qui soupes d’un rêve et d’une fleur déjeunes, Toujours l’âme à la joie et la lèvre au cruchon, Nul barde, dans la gloire et le respect des jeunes, Ne s’élance plus haut que toi, Raoul Ponchon.
Un fort, parce que, pouvant acquérir de bonne heure, en publiant plusieurs milliers de très beaux vers qu’il cache, la réputation d’un bon poète, il a eu le courage de les rejeter de son œuvre et d’attendre qu’il se fût dégagé des influences directes… Âme extraordinairement vibrante, exquise voyageuse qui s’envole, frêle et rapide, vers les solitudes de l’éther, et, parvenue aux confins dont elle a l’éternelle nostalgie, défaillante à mourir devant l’atmosphère si rare, se grise et se pâme à ouïr des chants et des musiques que nul n’entendit.
De là toute institution qui sert à purifier l’âme, à en écarter le trouble et les dissonances, à y faire naître la vertu, est, par cette qualité même, propice à la plus belle musique, ou à l’imitation la plus parfaite du beau.
Rathery a fort bien montré que, si à certaines époques de notre histoire les influences italiennes ont versé leur âme dans notre génie national, avant ces époques, assez modernes du reste, l’Italie, elle, était sous le coup de l’influence française et que la littérature des troubadours se réverbérait dans toutes ses inspirations.
Alors du moins on croyait à la grandeur ; des types élevés, bien qu’un peu stériles, dominaient sincèrement les âmes. […] La chute de l’Empire remplit l’âme de M. […] La Marie Stuart de Brantôme, celle qui mourut sur l’échafaud et qui fit ses adieux à la France, était restée dans toutes les imaginations, victime intéressante, victime embellie : Coupable seulement des erreurs d’une femme, Vos fautes dans le ciel ne suivront pas votre âme ! […] Cette mélancolique communication de l’âme avec les objets extérieurs, et particulièrement avec les nuages, est un trait plutôt moderne et du Nord.
Entre Mme de Châtillon, M. le Prince et M. de Nemours, La Rochefoucauld, qui était l’âme de cette intrigue, s’applaudissait cruellement. […] chaque âme atteint, en avançant, à tout le gâté dont elle est capable. […] Certaines âmes, après s’être saturées en leur temps du mal qu’elles goûtaient, redeviennent inoffensives en vieillissant et presque bonnes. […] c’est leur jeunesse d’âme prolongée, c’est leur belle humeur heureuse et leur vive source de joie naturelle qu’ils continuent d’aimer autour d’eux.
Seigneur, voici parmi les arbres Le vieux château que vous voulûtes Revoir à cette heure de fièvre et de larmes Où vos glorieuses blessures saignaient sur vos armes, Alors qu’en votre âme de littérature. […] La mer où s’en vont tes regards en nacelles Te dit, elle aussi : « ton heur te coudoie », Que, te retournant, tu t’épeures et chancelles À me voir, là, tout près, sous les lilas frêles, — La mer, ou les fleurs, ou les hirondelles, Ou ton âme à toi, subtile en sa joie ? Déjà, à certaines places, il est vrai, le rythme se montrait seul maître de lui-même, avec l’accompagnement d’une mesure, non plus traditionnelle, mais logique ; encore peu divers, il était franc, ingénu et de primesaut : « Vous, si claire et si blonde et si femme, Vous tout le rêve des nuits printanières, Vous gracieuse comme une flamme Et svelte et frêle de corps et d’âme, Gaie et légère comme les bannières ; Et ton rire envolé comme une gamme En écho, par les clairières — ». […] Si le rythme se développe dans les harmonies, l’âme devient et se révèle par ses images ; elle l’enseigne au songeur et lui aide à retrouver le But dont son génie ressent l’attirance divine.
M. de Lamartine a jeté dans ses admirables chants élégiaques toute cette haute métaphysique sans laquelle il n’y a plus de poésie forte ; et ce que l’âme a de plus tendre et de plus douloureux s’y trouve incessamment mêlé avec ce que la pensée a de plus libre et de plus élevé. […] C’est que, prise dans son ensemble, la France est toujours la reine des nations ; c’est que, nulle part, les succès ne font autant de bruit ; c’est qu’une jeunesse ardente et instruite fermente suries bancs de ses universités ; c’est enfin qu’au milieu même de ce monde si prosaïque et si superficiel, se trouvent peut-être cinq cents personnes, femmes et hommes, dont l’âme est aussi poétique et aussi rêveuse que dans les montagnes de l’Écosse ou sur les bords de l’Arno, et qui ne possèdent pas moins cette promptitude de conception, ce jugement sain, cette délicatesse de tact que rien n’égale et ne remplace chez les autres peuples. […] Si les œuvres d’André Chénier, de ce poète immense, sitôt moissonné par la faux implacable qui n’épargnait aucune royauté, eussent été publiées à la fin du dernier siècle, quelque incomplètes, quelque imparfaites qu’elles soient, à cause de cette mort précoce, nul doute que l’âme des hommes supérieurs ne se fut prise alors à cette poésie virile et naturelle, et la réconciliation qui s’accomplit lentement eût été avancée de trente ans. […] On vit l’imitation des anciens devenue originale et créatrice, réfléchir, en l’embellissant encore, la civilisation la plus splendide de notre monarchie, et de cette fusion harmonieuse entre la peinture de l’antiquité et celle de l’âge présent, sortir un idéal ravissant et pur, objet de délices et d’enchantements pour toutes les âmes délicates et cultivées.
Mais si je ne craignais de blesser quelques bonnes âmes restées peut-être encore jansénistes au pied de la lettre, je dirais tout simplement qu’après avoir bien considéré les incidents et les personnages de ce drame intérieur, je suis persuadé que la mère Agnès, livrée à elle-même et à sa propre nature, eût été plus soumise qu’elle ne l’a été, qu’elle était portée, comme elle l’a écrit un jour, à l’indifférence sur ces questions de controverse, mot très sage chez une religieuse et dont elle eut tort ensuite de se repentir ; je dirais que la manière indulgente dont elle continua de traiter une de ses nièces qui avait signé ce qu’exigeait l’archevêque et ce que conseillait Bossuet, que la parole tolérante qui lui échappa alors : « À Dieu ne plaise que je domine sur la foi d’autrui ! […] Cette jeune âme ardente de Jacqueline Pascal souffre des retards que sa famille impose à sa vocation.
Cette fin replonge et retrempe l’âme dans les plus fraîches émotions de la jeunesse ; vous avez senti par une tiède brise de mai la première bouffée de lilas. […] La manière dont Octave effeuille dans l’âme de Brigitte et dans la sienne cette fleur tout à l’heure si belle, son art cruel d’en offenser chaque tendre racine est à merveille exprimé ; mais si la façon particulière appartient à Octave, cette défaite successive de l’amour, après le triomphe enivrant, n’est-elle pas à peu près l’histoire de tous les cœurs ?
Tout occupé des études présentes et de saisir au passage ce qu’une curiosité insatiable apportait de tous bords, on a perdu de vue, dans ce tumulte de l’avant-scène, les lignes essentielles et pures du cadre, les proportions discrètes et décentes où l’œil et l’âme ont besoin de se reposer. […] Mais qu’entre ces seconds chanteurs et les premiers il y ait eu de toute nécessité un génie supérieur, un auteur principal, une seule tête, une seule âme ordonnatrice faisant le nœud des uns aux autres, c’est ce que l’œuvre résultante semblerait déclarer suffisamment ; et la tradition n’a pas cessé un instant de le confirmer.
Un sentiment d’honneur, et même une sorte de tendresse d’âme, sont compatibles, il faut le dire, avec cette facilité bizarre, comme cela se voit chez l’abbé Prévost dans sa jeunesse, chez l’abbé de Choisy, chez Gil Blas. […] S., avec la belle Henriette, avec ces divinités sans nombre qu’il a aimées et qu’il déclare toutes suaves, c’est la facilité, l’insouciance mêlée de tendresse, le plaisir dominant, le bonheur, l’amour à l’antique, nu, comme les Grecs ioniens, comme Horace l’entendaient, comme Courier de nos jours et Béranger, un amour vif, tendre, jouissant, successif et oublieux, l’âme n’y étant que pour orner les sens, les délasser et leur sourire, non pour les torturer de ses jalousies ou de ses remords.
Mais si l’on considère de l’humanité son âme, son intelligence, sa moralité, sa destinée évidemment supérieure à cette vie et à cette mort entre lesquelles elle s’agite, sa connaissance de Dieu, l’hommage qu’elle rend à ce maître suprême de ses destinées individuelles ou collectives, la transition entre le fini et l’infini dont elle paraît être le nœud par sa double nature de corps et de pensée, sa conscience, faculté involontaire, révélation, non de la vérité, mais de la justice, son instinct évidemment religieux, son inquiétude sacrée qui lui fait chercher son Dieu, avant tout créature sacerdotale, chargée spécialement par l’Auteur des êtres de lui rapporter en holocauste les prémices de ce globe, la dîme de l’intelligence, la gerbe de l’autel, l’encens des choses créées, la foi, l’amour, l’hymne des créations muettes, la parole qui révèle, le cri qui implore, l’obéissance qui anéantit le néant devant l’Être unique, le chant intérieur qui célèbre l’enthousiasme, qui soulève comme une aile divine l’humanité alourdie par le poids de la matière, et qui la précipite dans le foyer de sa spiritualité pour y déposer son principe de mort et pour y revêtir d’échelons en échelons sa vraie vie, son immortalité dans son union à son principe immortel ! […] Voilà la géographie de l’âme, qui donne seule de l’importance à cette géographie terrestre, et qui fait suivre d’un œil curieux les routes, les stations, les progrès, les bornes, les catastrophes des empires, conduisant par des voies visibles l’humanité au but invisible, mais ascendant, non de sa grandeur ici-bas, mais de sa grandeur ailleurs, c’est-à-dire de sa moralité !
N’avait-il pas « l’âme bien enfoncée dans la matière », et n’était-il pas enfin « du dernier bourgeois » ? […] Les personnalités qu’il fait ont scandalisé plus d’une bonne âme, comme Dalembert ou Voltaire : car ceux-ci, comme on sait, ont pratiqué largement le pardon des injures, et tendu toujours l’autre joue, selon la maxime de l’Évangile.
Cinthio loue la beauté de l’âme et vante tous les dons exquis qui l’ont fait brûler pour elle. […] Niccolo Barbieri dit simplement à ce sujet : « Ces fictions ne peuvent corrompre l’âme des comédiennes, puisque c’est l’usage de l’art. » À une époque plus rapprochée de nous, le marquis d’Argens, remarquant aussi le contraste existant entre la liberté presque illimitée de la scène italienne et les mœurs souvent correctes des actrices de cette nation, l’expliquait par la considération même dont les comédiennes jouissent en Italie.
Quand on est parvenu à former plusieurs chaînes du même genre, on possède, si je puis risquer cette image, le squelette d’une âme. […] En considérant la vie de Jean-Jacques, par exemple, quand nous le voyons balbutier et rougir de timidité, souffrir atrocement pendant son séjour aux Charmettes d’une maladie à demi imaginaire, embrasser la terre au moment où, chassé de France, il franchit la frontière suisse, fondre en larmes à tout propos, nous avons une preuve de plus qu’une de ses facultés dominantes et probablement sa faculté maîtresse était bien, comme ses ouvrages nous l’avaient déjà révélé, une sensibilité excessive, et nous redisons sans hésiter le mot que lui adressait le marquis de Mirabeau : « Vous avez l’âme écorchée. » — Tantôt, au contraire, nous découvrons une contradiction entre ce qu’un homme a fait et ce qu’il a dit ou écrit.
Que son chant élève les âmes ou émeuve les cœurs, contribue à la paix ou gagne des batailles, c’est par-delà sa volonté. […] Mais le temps vient où vieillit le poète ; il a perdu la fraîcheur d’âme indispensable au créateur.
La naïveté de son caractère, la simplicité de son âme, son goût pour la retraite le mettent vite à la place de ceux qui forment des vœux pour le séjour de la campagne, pour la médiocrité, pour la solitude. […] C’est toujours ce même duc de la Rochefoucault, auteur des Maximes, ce livre si cher aux esprits secs et aux âmes froides.
La vie sédentaire de l’homme d’étude ; la méditation, exercice le plus contraire à la nature, sont en même temps des sources de maladies particulières ; la stagnation des humeurs en amène l’altération, et le corps se corrompt tandis que l’âme s’épure ; cela est triste. […] la science approfondie de la matière qu’il doit enseigner, une âme honnête et sensible.
Apprenez à secouer le joug des transitions, puisqu’il s’agit des mouvements impétueux de l’âme, et non point d’un discours mesuré de la raison. […] Que serait-ce donc si j’embrassais tous les ouvrages de Bossuet ; si je descendais avec lui dans l’arène de cette haute polémique où il consuma une partie de ses forces ; si j’interrogeais avec lui les oracles des anciens jours, afin de m’initier moi-même et d’initier mon lecteur aux secrets de cette Politique sacrée que l’on croirait appartenir à un autre âge, tant pour les princes que pour les peuples ; si je m’élevais sur ses ailes à la contemplation des mystères du christianisme ; si je creusais avec son analyse lumineuse et pénétrante les profondeurs d’un mysticisme exalté où s’égarèrent quelques âmes tendres ?
Huc, dont on sent la charité indulgente à travers l’ironie, comme à travers celle de Tacite on sent l’amertume du mépris, nous peint cet abaissement de l’âme sous toutes les faces de l’abjection et dans son luxe d’infamies. […] Et c’est peut-être là, du reste, l’apparente durée de ce peuple étrange, qui est mort de la mort de l’âme, de la mort sociale, et qui semble vivre toujours parce qu’il n’a pas été dévoré par la conquête ou par la faim.
Et la seconde fut l’idée du Moyen Âge tout entier, de l’époque chrétienne par excellence, la délivrance du Saint-Sépulcre, cette idée qui n’habitait plus alors qu’au fond de quelques grandes âmes isolées. […] Il nous ouvre l’âme à secret de ce vulgaire envieux de Colomb qui osait bien le mépriser comme les gens médiocres méprisent le Génie, — au nom des intérêts positifs.
Mais Léon Gozlan a cet avantage sur Gautier qu’il possède ce qui doit entrer, à très larges doses, dans la composition des plus grands artistes littéraires, — c’est-à-dire beaucoup d’âme et encore plus d’esprit. […] « L’âme se mêle à tout », disait madame de Staël, mais c’est de l’esprit qu’on peut dire qu’il se mêlait à tout chez Gozlan.
Tous y sont des astres qui savent leur métier, âmes d’élite et de bonne compagnie ! […] Elle n’est pas faite pour rien discerner ; je ne lui reconnais pas d’âme, et ce n’est pas sa faute quand on ne la contient pas.
C’est, en résumé, le combat du beau contre le laid, le triomphe de l’âme, de l’esprit sur le corps et ses appétits. […] Et comme on sentait bien que la chanteuse y mettait toute son âme ! […] Elle les baisa plusieurs fois, et n’eût pas éprouvé un immense étonnement si Virginie les eût rouverts ; pour de, pareilles âmes le surnaturel est tout simple. […] Il fallait donc que la comtesse décidât entre ces deux enfants de son âme : qu’elle fît à l’un une situation qui peut-être revenait à l’autre. […] Son corps tremblait à la bataille, son regard se troublait, mais son âme dominait le corps ; il marchait dans la fournaise et allait aux blessés le front calme.
Leurs catachrèses expriment leurs états d’âme, et leurs manières d’être se trahissent dans leurs métonymies. […] De même, que resterait-il à l’âme si on lui ôtait le mouvement, et à Dieu si on lui ôtait la Providence ? […] Pour vingt manières qu’il y avait de démontrer l’immortalité de l’âme ou le droit divin des rois, on n’en souffrait pas une de les nier. […] On n’est honnête homme et bien éclairé qu’autant qu’on a pu guérir les maladies naturelles de l’âme et leurs suites. […] Elle est également le principe ou, pour mieux dire, l’âme diffuse des religions, des cosmogonies, des métaphysiques de l’Inde.
Le génie d’un Ronsard consiste à libérer, à exprimer ce rythme intérieur, et son harmonieuse cadence palpite comme l’âme universelle des choses. […] La propriété terrienne est le corps de la famille, comme le sacrement du mariage en est l’âme. […] Il s’attache aux tempéraments violents, aux cœurs indomptables, aux âmes de tempête, aux esprits d’orgueil. […] L’air était pur comme une âme d’enfant. […] Ça y était : le scalpel avait rencontré l’âme.
Il ne paraît pas se douter des orages qui assiégent les âmes à de certaines hauteurs.
Un sentiment d’honneur, et même une sorte de tendresse d’âme, sont compatibles, il faut le dire, avec cette facilité bizarre, comme cela se voit chez l’abbé Prévost dans sa jeunesse, chez l’abbé de Choisy, chez Gil Blas.
Il y appréciait tout naturellement d’abord son auteur, le plus grand peintre d’histoire, et cet examen le conduisait à marquer la différence de la société moderne à l’ancienne, l’amoindrissement qu’il n’hésitait pas à y voir dans les caractères et dans les âmes.
Hérold, âme droite et sereine, amant des formes eurythmiques, et de qui la phrase souple et légère ondoie d’une harmonie personnelle, adéquate à son rêve, et telle que son style, suivant le juste critérium de Paul Adam, peut être dit excellent.
Le polythéisme, ne s’opposant point aux passions, ne pouvait amener ces combats intérieurs de l’âme, si communs sous la loi évangélique, et d’où naissent les situations les plus touchantes.
Tenez, mon ami, je suis tout prêt à croire que ce maudit lien conjugal que vous prêchez, comme un certain fou de Genève prêche le suicide, sans vous y empiéger, abaisse l’âme et l’esprit.
Éloa, cette créature d’amour et de pitié, cette âme née d’une larme, se sent le besoin d’aimer un affligé, de consoler un inconsolable et, parmi tous les anges, son instinct est de choisir celui précisément qui a failli, celui qu’on n’ose nommer dans le ciel, Lucifer lui-même. […] d’y voir plus que mon âme. […] Tant de talent, de grâces, joints à une bonne dose de coquetterie, ont enchanté cette âme si pure, et la poésie est venue déifier tout cela. […] J’ai l’âme si pesante, Que mon corps gigantesque et ma tête puissante, Qui soutiennent le poids des colonnes d’airain, Ne la peuvent porter avec tout son chagrin. […] J’ai si souvent entendu faire l’éloge de votre âme, que je vous ai trouvé aussi célèbre par vos sentiments que par vos talents.
C’est Ménalcas qui parle : « Vallons et vous, fleuves, descendance divine, si jamais le flûteur Ménalcas vous a chanté quelque air agréé, faites-lui paître de toute votre âme ses petites brebis ; et si Daphnis survient amenant ses tendres génisses, qu’il ne soit pas plus mal traité. » Daphnis aussitôt répond sur les mêmes idées, sur le même rhythme, il renchérit gaiement ; mais ses vers enchanteurs, s’ils l’emportent sur ceux de l’autre, le doivent surtout à l’harmonie, et cette supériorité fugitive ne se saurait rendre : « Fontaines et plantes, doux jet de la terre, si Daphnis vous joue de ses airs à l’égal des jeunes rossignols, engraissez-lui ce cher troupeau ; et si Ménalcas amène par ici le sien, ne lui ménagez pas votre abondance. » C’est ainsi entre ces aimables enfants, tant que dure le combat, un échange et un entrelacement de toute sorte de bon vouloir et de bonne grâce. […] » On devine peut-être de quelle façon vive cette gaie parole doit se comporter dans l’original : qu’on y joigne les nombreux et presque continuels dactyles qui sont l’âme du vers bucolique (comme l’un de nos meilleurs hellénistes, M. […] « Sitôt que je le vis, aussitôt je devins folle, aussitôt mon âme prit feu, misérable ! […] — Je rends l’âme ! […] Il énumère les puissants d’autrefois, qui ne doivent de survivre qu’au souffle harmonieux qui les a touchés : car autrement, une fois morts, et dès qu’ils ont versé leur âme si chère dans le large radeau de l’Achéron, en quoi le plus superbe différerait-il du plus gueux, de celui dont la main calleuse se sent encore du hoyau ?
Mon plaisir le plus vif, c’était la musique des bouffes au théâtre nouveau ; mais toujours cette mélodie, si délicate qu’elle fût, me laissait dans l’âme un long et triste murmure de mélancolie ; et alors s’éveillaient en moi, par milliers, les idées les plus sombres et les plus funestes. […] « La cour était à Compiègne, où elle devait rester tout le mois de septembre, et l’ambassadeur de Sardaigne, pour qui j’avais des lettres, n’étant point alors à Paris, je n’y connaissais âme qui vive, si ce n’est quelques étrangers que j’avais déjà rencontrés et pratiqués dans différentes villes de l’Italie. […] Mais j’avais maintenant huit ans de plus, j’avais vu, bien ou mal, presque toute l’Europe, et l’amour de la gloire, qui était entré dans mon âme, cette passion pour l’étude, cette nécessité d’être ou de me faire libre pour devenir un intrépide et véridique auteur, étaient autant d’aiguillons qui me faisaient passer outre, autant de raisons qui me criaient dans le fond de mon cœur que sous la tyrannie c’est déjà bien assez, si ce n’est trop, de vivre seul, et que jamais, pour peu que l’on y songe, il ne faut y être ni mari ni père. […] Alfieri raconte ainsi cette aventure : « Après avoir ainsi soulagé mon âme ulcérée de sa haine contre la tyrannie, haine conçue en naissant et chaque jour plus vive, je sentis aussitôt se réveiller mon ardeur pour les œuvres théâtrales ; mais auparavant, ayant lu mon petit livre à mon ami et à un très petit nombre d’autres personnes, je le cachetai pour le mettre à part, et n’y pensai plus pendant nombre d’années. […] Le ministre de Louis XV s’était-il demandé si Charles-Édouard, avec ses habitudes invétérées d’ivrognerie, n’était pas, à cinquante et un ans, le plus misérable des vieillards, et si une âme pouvant encore aimer habitait les ruines de son corps ?
À les considérer, les plus hardis des beaux esprits se sentent croître des oreilles d’âne, des yeux de cheval et des âmes de pompiers. […] En est-il aucun près de ces âmes superficielles plus contentes encore, dirait-on, de leurs petits chagrins que de leurs petites joies ? […] Cette Université enrubannée et les universités populaires, qui n’y ressemblent guère, mais étaient aussi des sortes de parodies, tout cela montre que le vieux nom d’Université n’est plus guère pris au sérieux et c’est assez juste, car on a fini par s’apercevoir que la scission est à peu près absolue entre l’âme française et l’âme universitaire. […] L’âme empoisonnée par Port-Royal, le corps empoisonné par Guénault, on s’étonne qu’il lui soit resté quelques lueurs de génie. […] C’est plutôt une monographie pittoresque, quoique, si j’allais là-bas, je l’emporterais sans doute avec moi plus volontiers que tels ou tels guides proprement dits, car avec lui, j’emporterais l’âme même de la Savoie.
Saisset a beau dire des injures (car il en a dit) aux sceptiques, aux matérialistes ; il a beau dire que ces systèmes n’ont de prise aujourd’hui que sur les âmes basses et les esprits obtus (page 472), il échappe très-difficilement lui-même et les siens à ce scepticisme qui ne diffère pas notablement du matérialisme quant au résultat moral ; de plus il viole les droits de la philosophie qu’il prétend défendre en s’exprimant de la sorte sur des doctrines peu hautes et peu consolantes à coup sûr, mais envers qui les philosophes proprement dits n’ont pas à se montrer si injurieux.
Les deux enfants de madame Lauter, après la disparition de son mari, grandissent et deviennent, Léon un artiste charmant, Geneviève une personne adorable et sensible : Albert et Rose, leur cousin et cousine germaine, avec qui ils ont grandi, ont aussi une vive fleur d’âme et de jeunesse.
J’y trouve une vive intelligence de l’histoire, une sympathie abondante, une forme digne d’André Chénier ; et je doute qu’on ait jamais mieux exprimé la sécurité enfantine des âmes éprises de vie terrestre et qui se sentent à l’aise dans la nature divinisée, ni, d’autre part, l’inquiétude mystique d’où est née la religion nouvelle.
Remy de Gourmont a enclos dans ce livre (Proses moroses) la science cruelle de l’âme et de la chair des Delaclos et des Sade (puisque, par infortune, ce mauvais écrivain est resté le meilleur représentant de son tour d’esprit] ; mais la perversité des Proses moroses est plus nuancée et plus variée.
Une nation, c’est pour nous une âme, un esprit, une famille spirituelle, résultant, dans le passé, de souvenirs, de sacrifices, de gloires, souvent de deuils et de regrets communs ; dans le présent, du désir de continuer à vivre ensemble.
L’âme et la liberté morale sont d’un autre ordre, et quand même il s’en approcherait sans cesse par une sorte d’asymptote indéfinie, il ne les atteindra jamais.
Les plus féconds des grands écrivains de cette littérature en sont aussi les plus littérateurs et rimeurs dans l’âme, Ovide et Cicéron. […] Il avoit les yeux collés sur trois ou quatre personnes de qualité qui marchandoient des dentelles ; il paroissoit attentif à leurs discours, et il sembloit, par le mouvement de ses yeux, qu’il regardoit jusqu’au fond de leurs âmes pour y voir ce qu’elles ne disoient pas. […] qu’il est bien peu vrai que ce qu’on doit aimer, Aussitôt qu’on le voit, prend droit de nous charmer, Et qu’un premier coup d’œil allume en nous les flammes Où le Ciel en naissant a destiné nos âmes ! […] C’est pour cela que les grands génies dramatiques doivent unir tous les éléments de l’âme humaine à un plus haut degré, mais dans les mêmes proportions que le commun des hommes ; qu’ils doivent posséder un équilibre moyen entre des doses plus fortes d’imagination, de sensibilité, de raison. […] Qu’une telle nature de poëte lyrique veuille créer des personnages vivants, un monde d’ambitieux, d’amants, de pères, etc. ; il arrivera que n’ayant pas en soi la mesure juste, la moyenne, en quelque sorte, de l’âme humaine, le poëte se méprendra sur toutes les proportions des caractères, et ne parviendra pas à les poser dans un rapport naturel de terreur et de pitié avec les impressions de tous.
Lorsque les pères conscrits de la littérature se furent un peu remis du rire inextinguible qu’avaient fait naître en ces grandes âmes les injures lancées à des rivaux absents, ils reprirent avec gravité le cours de leurs opérations officielles. […] C’est qu’ils oseront se servir de ce mot propre, unique, nécessaire, indispensable, pour faire voir telle émotion de l’âme, ou pour raconter tel incident de l’intrigue. […] À ce mot beaucoup de gens sincères avec eux-mêmes, et qui croyaient leur âme fermée à la poésie, respirent ; pour la trop aimer, ils croyaient ne pas l’aimer. C’est ainsi qu’un jeune homme à qui le ciel a donné quelque délicatesse d’âme, si le hasard le fait sous-lieutenant et le jette à sa garnison, dans la société de certaines femmes, croit de bonne foi, en voyant les succès de ses camarades et le genre de leurs plaisirs, être insensible à l’amour. […] Non, dès qu’il s’agit de cette tragédie qui tire ses effets de la peinture exacte des mouvements de l’âme et des incidents de la vie des modernes.
Sa mère l’entendit et l’arrêta : « Ne parlez jamais ainsi, lui dit-elle ; vous comprendrez un jour que c’est un des plus grands malheurs pour la religion. » Cette parole et le ton dont elle fut prononcée lui restèrent toujours présents ; il était de ces jeunes âmes où tout se grave. […] Il ne s’inquiétait pas de cacher son âme, mais de l’avoir nette : « Je n’ai que mon mouchoir dans ma poche, disait-il ; si on vient à me le toucher, peu m’importe ! […] Les politiques, (je ne les en blâme pas) et tous les intéressés qui font semblant de croire ont beau voiler l’abîme rouvert, l’anxiété douloureuse de bien des âmes le trahit. […] Un de ses plus vrais griefs contre Bacon, c’est qu’il le voit comme une plume de paon de la philosophie, un bel-esprit amoureux de l’expression et content quand il a dit : les Géorgiques de l’âme. […] D’ailleurs, messieurs, la vertu est une force constante, un état habituel de l’âme, tout à fait indépendant des circonstances.
Il aimait Viéra comme sa fille, et comment ne pas l’aimer, cette bonne âme candide ? […] » ne résonnaient plus ainsi qu’autrefois, comme l’accent d’une âme paisible qui s’est détachée des soucis terrestres. […] Une joie indéfinissable, un enthousiasme juvénile s’empara de son âme. […] L’homme qui a trouvé ces pages dans son âme a plus de sensibilité que J. […] » En parlant ainsi, elle s’affaissa sur son oreiller, comme si elle avait rendu l’âme.
Jeune homme, qui vous destinez aux lettres et qui en attendez douceur et honneur, écoutez de la bouche de quelqu’un qui les connaît bien et qui les a pratiquées et aimées depuis près de cinquante ans, — écoutez et retenez en votre cœur ces conseils et cette moralité : Soyez appliqué dès votre tendre enfance aux livres et aux études ; passez votre tendre jeunesse dans l’etude encore et dans la mélancolie de rêves à demi-étouffés ; adonnez-vous dans la solitude à exprimer naïvement et hardiment ce que vous ressentez, et ambitionnez, au prix de votre douleur, de doter, s’il se peut, la poésie de votre pays de quelque veine intime, encore inexplorée ; — recherchez les plus nobles amitiés, et portez-y la bienveillance et la sincérité d’une âme ouverte et désireuse avant tout d’admirer ; versez dans la critique, émule et sœur de votre poésie, vos effusions, votre sympathie et le plus pur de votre substance ; louez, servez de votre parole, déjà écoutée, les talents nouveaux, d’abord si combattus, et ne commencez à vous retirer d’eux que du jour où eux-mêmes se retirent de la droite voie et manquent à leurs promesses ; restez alors modéré et réservé envers eux ; mettez une distance convenable, respectueuse, des années entières de réflexion et d’intervalle entre vos jeunes espérances et vos derniers regrets ; — variez sans cesse vos études, cultivez en tous sens votre intelligence, ne la cantonnez ni dans un parti, ni dans une école, ni dans une seule idée ; ouvrez-lui des jours sur tous les horizons ; portez-vous avec une sorte d’inquiétude amicale et généreuse vers tout ce qui est moins connu, vers tout ce qui mérite de l’être, et consacrez-y une curiosité exacte et en même temps émue ; — ayez de la conscience et du sérieux en tout ; évitez la vanterie et jusqu’à l’ombre du charlatanisme ; — devant les grands amours-propres tyranniques et dévorants qui croient que tout leur est dû, gardez constamment la seconde ligne : maintenez votre indépendance et votre humble dignité ; prêtez-vous pour un temps, s’il le faut, mais ne vous aliénez pas ; — n’approchez des personnages le plus en renom et le plus en crédit de votre temps, de ceux qui ont en main le pouvoir, qu’avec une modestie décente et digne ; acceptez peu, ne demandez rien ; tenez-vous à votre place, content d’observer ; mais payez quelquefois par les bonnes grâces de l’esprit ce que la fortune injuste vous a refusé de rendre sous une autre forme plus commode et moins délicate ; — voyez la société et ce qu’on appelle le monde pour en faire profiter les lettres ; cultivez les lettres en vue du monde, et en tâchant de leur donner le tour et l’agrément sans lequel elles ne vivent pas ; cédez parfois, si le cœur vous en dit, si une douce violence vous y oblige, à une complaisance aimable et de bon goût, jamais à l’intérêt ni au grossier trafic des amours-propres ; restez judicieux et clairvoyant jusque dans vos faiblesses, et si vous ne dites pas tout le vrai, n’écrivez jamais le faux ; — que la fatigue n’aille à aucun moment vous saisir ; ne vous croyez jamais arrivé ; à l’âge où d’autres se reposent, redoublez de courage et d’ardeur ; recommencez comme un débutant, courez une seconde et une troisième carrière, renouvelez-vous ; donnez au public, jour par jour, le résultat clair et manifeste de vos lectures, de vos comparaisons amassées, de vos jugements plus mûris et plus vrais ; faites que la vérité elle-même profite de la perte de vos illusions ; ne craignez pas de vous prodiguer ainsi et de livrer la mesure de votre force aux confrères du même métier qui savent le poids continu d’une œuvre fréquente, en apparence si légère… Et tout cela pour qu’approchant du terme, du but final où l’estime publique est la seule couronne, les jours où l’on parlera de vous avec le moins de passion et de haine, et où l’on se croira très clément et indulgent, dans une feuille tirée à des milliers d’exemplaires et qui s’adresse à tout un peuple de lecteurs qui ne vous ont pas lu, qui ne vous liront jamais, qui ne vous connaissent que de nom, vous serviez à défrayer les gaietés et, pour dire le mot, les gamineries d’un loustic libéral appelé Taxile Delord.
C’est l’œuvre d’un patient ciseleur de rimes, amoureux des mots scintillants, qui, avec un grand fond de tendresse, souvent se plaît à voir la nature et l’âme comme à travers un prisme, qui cherche à saisir le caprice de la couleur et du reflet.
Remy de Gourmont Voici une âme de Flandre et d’en haut.
Elle prête une âme aux choses, et sa verve jette un reflet de vie sur les pauvres objets, accessoires familiers de tous les ridicules humains, de nos faiblesses et de nos infirmités.
C’était un de ces hommes du coin du feu, un génie familier, un confident de toutes les âmes dont la perte ne paraît pas faire un si grand vide que les grandes renommées.
Tailhade a répondu par des poèmes où il donnait la stature de son âme et fixait à jamais son rêve en des vers sonores, précis et coruscants.
Il y fallait une influence suprême, un éclair divin, une rosée d’en haut, une fermentation brûlante chargée de toutes les ardeurs de l’âme, de toutes les énergies de la vie ; pour tout dire, l’intervention et l’action d’un dieu.
Pour revenir au roman dont on publie ici une nouvelle édition, tel qu’il est, avec son action saccadée et haletante, avec ses personnages tout d’une pièce, avec ses gaucheries sauvages, avec son allure hautaine et maladroite, avec ses candides accès de rêverie, avec ses couleurs de toute sorte juxtaposées sans précaution pour l’œil, avec son style cru, choquant et âpre, sans nuances et sans habiletés, avec les mille excès de tout genre qu’il commet presque à son insu chemin faisant, ce livre représente assez bien l’époque de la vie à laquelle il a été écrit, et l’état particulier de l’âme, de l’imagination et du cœur dans l’adolescence, quand on est amoureux de son premier amour, quand on convertit en obstacles grandioses et poétiques les empêchements bourgeois de la vie, quand on a la tête pleine de fantaisies héroïques qui vous grandissent à vos propres yeux, quand on est déjà un homme par deux ou trois côtés et encore un enfant par vingt autres, quand on a lu Ducray-Duminil à onze ans, Auguste Lafontaine à treize, Shakespeare à seize, échelle étrange et rapide qui vous a fait passer brusquement, dans vos affections littéraires, du niais au sentimental, et du sentimental au sublime.
Une de ses pensées est belle comme l’âme entière de l’homme, lorsque, digne de son immortalité, elle médite profondément.
Pergolèze a donc méconnu cette vérité, qui tient à la théorie des passions, lorsqu’il a voulu que pas un soupir de l’âme ne ressemblât au soupir qui l’avait précédé.
Tumulte aux yeux, repos à l’âme.
Quelles âmes jeunes et charmantes ! […] Avec quelle partie de son âme pourrait-il comprendre la poésie et la fantaisie ? […] Mais dans ce compromis maladroit l’âme poétique de l’ancienne comédie a disparu : il n’en reste que le vêtement et la dorure. […] La pensée et la délicatesse d’âme étaient rares, les talents et l’esprit disert étaient fréquents. […] Les autres naissent avec des âmes de courtisanes et de procureuses
malheureux que vous êtes, laissez agir, laissez parler votre âme ; elle se peindra sur tous vos traits, elle dirigera tous vos mouvements, elle modulera toutes vos expressions. […] Delmire écrit à la duchesse de Tyrol, le prince arrive à petits pas, et lit : ma chère âme ; en voilà assez pour réveiller sa jalousie. […] Acte II, scène viii, Valère reçoit une lettre d’Isabelle : j’approuve que son âme passe tout entière dans ses yeux, pour savoir promptement s’il est aimé ; mais, une fois sûr d’un tendre retour, ne devrait-il pas respirer ? […] lorsqu’on la doit toute à la lettre d’Isabelle, à cette lettre, l’âme de la pièce. […] Ils ignoraient que la précision, la facilité d’une prose naturelle, donnent quelquefois, et suivant le genre d’une pièce, autant d’âme, autant de vie, et plus de rapidité, à une action dramatique, que tous les prestiges de la versification.
» A Rome, dans cette solitude peuplée de monuments et de madones, entre le Colisée et le Vatican, chaque âme disposée à une dévotion la développe démesurément et sans que rien y fasse obstacle.
M. de Musset fera ainsi, nous voulons le croire ; les trésors d’observation et de larmes, qui se sont amassés dans cette âme jeune encore, en sortiront.
On avait peint la tendresse maternelle, la tendresse filiale, l’amitié avec sensibilité, Oreste et Pilade, Niobé, la piété romaine, toutes les autres affections du cœur, nous sont transmises avec les véritables sentiments qui les caractérisent : l’amour seul nous est représenté, tantôt sous les traits les plus grossiers, tantôt comme tellement inséparable ou de la volupté, ou de la frénésie, que c’est un tableau plutôt qu’un sentiment, une maladie plutôt qu’une passion de l’âme.
Pudeur craintive des instants de puberté, pudeur, toute rose devant les roses et les lèvres, défaillances, souffrances voluptueuses qui ne siègent point dans l’âme, mais dont tout l’organisme semble être envahi ; troubles puérils, sommeils lourds, rêves fleuris où chantent, silencieuses, les danses évanouies des temps jadis ; c’est de ces émois-là que Fernand Gregh a composé son livre.
Une Âme s’éveille, souffre et s’auréole de gloire.
On sent en elle le besoin de vêtir chaque jour une âme nouvelle, le désir d’écarter la Réalité navrante et de s’évader chaque soir Vers les horizons bleus dépassés le matin.
Dans le premier, il examine le cercle des sciences, classant chaque objet sous sa faculté ; facultés dont il reconnaît quatre : l’âme ou la sensation, la mémoire, l’imagination, l’entendement.
Alphonse avait dû éprouver en abandonnant ce petit asile où son âme était née avec son goût en lisant pour la première fois Fénelon. […] On y voyait de longues écuries, pleines autrefois de quatorze chevaux de trait, et maintenant vides ; il n’y avait qu’un vieux cheval de selle irlandais qui vous a servi de cheval de guerre et de triomphe dans les jours sinistres de la guerre civile ; vous lui avez donné les invalides dans un pré voisin, jusqu’à ce qu’il plaise à Dieu de rappeler son âme dans les pâturages ossianiques de la verte Érin, le paradis des braves quadrupèdes. […] Nous soupâmes en causant de tout le bien que ces secours aux malades faisaient dans la vallée, et nous priâmes pour l’âme de madame de Lamartine. […] Nous les avions reçues en étrangères, nous les quittâmes en amies. — Voilà, dis-je en les regardant marcher sur le grand chemin, de la célébrité en cœur et en âme ; quand nous serons bientôt peut-être expulsés de notre dernière maison, souvenons-nous, pour nous consoler, que la dernière visite que nous avons reçue était la visite de ces pauvres pèlerines de Renève et que nos bénédictions pleuvent sur elles !
Mon âme ! […] Mais le commerce ne s’est pas borné à fournir des sujets d’étude aux littérateurs : l’esprit de lucre, qui en est l’âme et qui a grandi si vigoureusement sous le régime de la ploutocratie bourgeoise, a de nos jours envahi la littérature elle-même. […] Où est-il l’historien de la littérature qui pourra passer sous silence le développement matériel du pays, s’il veut rendre compte, comme il le doit, de l’esprit qui anime alors tant de romans, qui, pour ainsi dire, en est l’âme ? […] En France, l’Église a eu longtemps en réserve des canonicats, des abbayes, des évêchés même, pour des écrivains qui ne semblent pas avoir eu toujours l’âme très ecclésiastique, témoin Rabelais et Régnier.
Il est le Médiateur et le Bienfaiteur, la vie du foyer, l’urne de l’holocauste, l’allégresse du corps, l’énergie de l’âme. […] Les chiennes de Bacchus le déchireront comme une proie ; elles sèmeront par les champs ses membres meurtris, et sa tête tranchée, où l’âme mélodieuse chante encore, ira rouler dans les eaux du fleuve. […] Son morne prédécesseur attendait patiemment les âmes qu’Hermès lui amenait, dirigées par sa verge d’or ; lui, il les chasse et il les rabat vers sa nécropole, il est le « grand veneur des morts », — Ο μέγας άγρευων. — Moins effrayant pourtant que le lugubre Pluton ; la mort donnée par lui semble presque aussi douce que celle de l’ivresse. Fidèle à sa nature qui est de briser tout joug et toute chaîne, il « délie » les âmes en les enlevant de la vie.
La personnalité, c’est-à-dire le fond de l’homme, — mieux que les dernières gouttes de son cœur et de sa cervelle : son âme ! […] fait, par l’âme et la vie, avec Rousseau, le plus magnifique des contrastes, et si on avait besoin d’un argument contre Proudhon lui-même, le grand égalitaire, pour lui prouver qu’un homme n’est jamais l’égal d’un autre homme, on pourrait se servir victorieusement de celui-là. La ressemblance de leurs destinées fait mieux ressortir la dissemblance de leurs âmes ! […] Il n’eût jamais été laquais de fonction, parce qu’il n’était pas laquais d’âme, et Rousseau, lui, le fut toujours !
Pour bien lire, il suffit de posséder la partie intellectuelle de l’art du comédien ; mais pour bien jouer, il faut être comédien de toute son âme et dans toute sa personne. […] Il n’aurait qu’à desserrer le double lien qui maintient ses idées en contact avec ses sentiments et son âme en contact avec la vie. […] Nous sentons en lui quelque chose qui vit de notre vie ; et si cette vie du langage était complète et parfaite, s’il n’y avait rien en elle de figé, si le langage enfin était un organisme tout à fait unifié, incapable de se scinder en organismes indépendants, il échapperait au comique, comme y échapperait d’ailleurs aussi une âme à la vie harmonieusement fondue, unie, semblable à une nappe d’eau bien tranquille. Mais il n’y a pas d’étang qui ne laisse flotter des feuilles mortes à sa surface, pas d’âme humaine sur laquelle ne se posent des habitudes qui la raidissent contre elle-même en la raidissant contre les autres, pas de langue enfin assez souple, assez vivante, assez présente tout entière à chacune de ses parties pour éliminer le tout fait et pour résister aussi aux opérations mécaniques d’inversion, de transposition, etc., qu’on voudrait exécuter sur elle comme sur une simple chose.
Il pleure de ses yeux, et très-fortement soupire : « Or çà, doña Chimène, la mienne femme très-accomplie, je vous aime autant que mon âme ; déjà, vous le voyez, qu’il faut, nous vivants, nous séparer. […] Loin de là, avec cette même main je vous déchirerais les entrailles, en faisant pénétrer le doigt en guise de poignard ou de dague. » « Le vieillard, pleurant de joie, dit : « Fils de mon âme, ta colère me calme, et ton indignation me plaît. […] si je prends ou fais tuer le Cid, mes Cortès se révolteront ; et, si je ne fais point justice, mon âme le payera. » Et là-dessus Chimène prend la balle au bond et dit : « Tiens, toi, tes Cortès, ô roi ; que personne ne les soulève ; et celui qui tua mon père, donne-le-moi pour égal : car celui qui m’a fait tant de mal me fera, je sais, quelque bien. » Chimène se conduit encore ici comme dans la Chronique ; elle insiste seulement beaucoup plus sur ses griefs et sur les raisons qu’elle a de demander justice.
Ici le Mémoire très bien fait que j’ai sous les yeux, et qui émane évidemment d’une plume distinguée autant que d’une belle âme, a cru devoir entrer dans des détails précis, circonstanciés, sur les rebuts et les dégoûts inhérents à la pratique de la charité : je me garderai de le suivre ; nous sommes pour cela trop délicats. […] Rencontrant autour d’elle des âmes généreuses qui lui fournissaient les occasions et les moyens, elle se prodiguait elle-même de sa personne avec dévouement. […] Nous avons tous admiré son portrait, où, sous le pinceau attendri d’un fils, transpirait l’âme maternelle.
Wagner, en donnant la quatrième édition du Virgile consacré, et en paraissant demander grâce pour s’être permis d’y indiquer quelques corrections et d’y ajouter partout où il avait pu des perfectionnements, terminait sa préface par cette sorte d’adjuration aux mânes vénérables : « Mais toi, Âme pieuse et ingénue de Heyne, si ta pensée s’abaisse encore sur ces choses, pardonne, je t’en supplie, s’il m’est échappé, chemin faisant, quelques mots non assez respectueux à ton égard ; pardonne, si ma médiocrité a avancé quelque chose qui ne soit pas assez digne d’un si grand nom et d’une si grande renommée dont tu as acquis la plus grande part par ton zèle à éclairer ces mêmes poèmes. […] Je me suis plu, dans mon ancienne Étude, à donner dans des exemples déterminés le secret du mode de composition et d’imitation propre à Virgile, mode savant et ingénieux s’il en fut, qui consiste d’ordinaire à combiner plusieurs éléments en un et à leur donner sous cette dernière forme une valeur, une âme toute nouvelle. […] Au chant XX de l’Iliade, chant terrible et sublime où Jupiter déchaîne les dieux, leur donne toute licence de se mêler aux guerriers et de les protéger selon leurs prédilections et leurs caprices, sauf à lui de rester assis en spectateur au sommet de l’Olympe, dans ce chant XX où bouillonne toute l’âme de l’Iliade, Achille à la colère duquel Neptune vient de soustraire Énée, Achille exaspéré exhale sa fureur en menaces ; il parle de tout massacrer, et de son côté Hector essaye de rassurer les Troyens, et d’une voix puissante il les exhorte à marcher contre Achille : « Achille, s’écrie-t-il, ne mettra pas à effet toutes ses paroles.
Jamais on n’entend le cri involontaire de la sensation vive, la confidence solitaire de l’âme trop pleine370 qui ne parle que pour se décharger et s’épancher. […] Érudition, critique, bon sens, exposition presque exacte des dogmes et des institutions, vues philosophiques sur l’enchaînement des faits et sur le cours général des choses, il n’y manque rien, si ce n’est des âmes. […] Avec la sensation Condillac anime une statue, puis, par une suite de purs raisonnements, poursuivant tour à tour dans l’odorat, dans le goût, dans l’ouïe, dans la vue, dans le toucher, les effets de la sensation qu’il suppose, il construit de toutes pièces une âme humaine.
« Ainsi l’éducation publique, dans des règles prescrites par le gouvernement, et sous des magistrats établis par le souverain, est une des maximes fondamentales du gouvernement populaire ou légitime. » — C’est par elle qu’on forme d’avance le citoyen. « C’est elle446 qui doit donner aux âmes la forme nationale. […] Le premier intérêt de l’État sera toujours de former les volontés par lesquelles il dure, de préparer les votes qui le maintiendront, de déraciner dans les âmes les passions qui lui seraient contraires, d’implanter dans les âmes des passions qui lui seront favorables, d’établir à demeure, dans ses citoyens futurs, les sentiments et les préjugés dont il aura besoin448.
Bossuet avait vu de quoi la religion rend capable le cœur où elle est maîtresse de la volonté ; il savait de quelles chutes elle relève les âmes ; il ne lui en coûta pas de reconnaître dans le sentiment religieux, là même où la religion était fausse, une des causes de la grandeur du pays. […] Pour connaître le détail d’exécution de la grandeur romaine, il faut lire Montesquieu ; pour en connaître l’âme, il faut lire Bossuet. […] Mais cette préférence ne me gâte ni le plaisir que j’ai à apprendre dans Montesquieu des choses si considérables avec si peu d’efforts, ni les nouveautés de cette étude du cœur humain transportée de l’homme aux sociétés, et de l’individu aux nations, ni les beautés de ces portraits des grands personnages historiques, tirés de la demi-obscurité où les avait laissés l’art ancien, et qui nous font lire dans ces âmes profondes avec l’œil de Montesquieu ; ni tout cet esprit des Lettres persanes, assaisonnant les vérités les plus élevées ; ni cette langue si neuve, qui a gardé la justesse et la propriété de l’ancienne, et qui la rajeunit sans y mettre de fard.
Elle se débraille l’âme et le corps, elle crache sur sa pudeur des mots salissants. […] Elle annonce son départ à maître Richard, avec une sorte d’impudence fébrile qui trahit une âme bouleversée. […] Des traits d’observation saisissante, pris sur le vif de l’âme féminine, se mêlent au grimoire de ses caractères ; son héroïne est de fière étrangeté et de grande allure.
Une mort, en y réfléchissant, qui a l’air d’une mort de l’Écriture, d’un châtiment divin contre la Bohème, contre cette vie en révolte avec l’hygiène du corps et de l’âme, et qui fait qu’à quarante-deux ans un homme s’en va de la vie, n’ayant plus assez de vitalité pour souffrir, et ne se plaignant que de l’odeur de viande pourrie qui est dans sa chambre — et qu’il ignore être la sienne. […] L’effort sans doute est immense, la patience infinie, et, malgré la critique que j’en fais, le talent rare ; mais dans ce livre, point de ces illuminations, point de ces révélations par analogie qui font retrouver un morceau de l’âme d’une nation qui n’est plus. […] * * * — Saint-Victor, à propos de l’article de Sainte-Beuve sur Mme Swetchine, nous dit : « C’était assez gênant d’aller chez elle, elle vous demandait des nouvelles de votre âme, comme on demande aux gens s’ils vont bien… et s’informait si vous étiez en état de grâce, absolument comme si elle se fût informée si vous étiez enrhumé !
Il ne voit que les âmes, et l’âme d’un pâtre pieux lui est mille fois plus chère que l’âme d’un roi corrompu.
N’est-il pas touchant de voir un homme qui a usé sa vie dans le spectacle et l’examen des débats, et, s’il l’avait voulu, des intrigues politiques, avoir conservé une telle fraîcheur, une telle innocence d’impressions, une telle fleur d’âme ; se complaire à de pareilles questions et avoir l’idée de se les poser, en même temps que le zèle et l’espoir d’y ramener les autres : « Croyez-moi, s’écrie-t-il à propos de Bossuet et dans sa religion pour ce grand homme, ne vous figurez jamais en avoir fini avec ces œuvres parfaites. […] Je sens qu’elles me flétrissent l’âme et me rabaissent le cœur… » Et il développe sa thèse avec une grande vigueur de conviction, un profond accent de conscience, dans un style animé et tempéré qui est déjà celui d’un jeune et doux vieillard (pardon du mot !
Scherer nous offre, dans cette suite d’études premières, le spectacle d’une âme, d’une intelligence en travail, en marche continuelle, en évolution permanente : c’est une variante moins orageuse et sous forme toute scientifique, une variante qui a son intérêt pourtant, de la lutte et de la recherche que nous offre l’homme de Pascal dans les Pensées, avec cette différence qu’au lieu d’acquérir de la foi, il va la perdant, ce semble, de plus en plus, mais en s’obstinant à ne jamais la perdre tout à fait. […] Ces trente pages sont à la fois une réfutation solide et un portrait. — Et cependant (car je suis l’homme des doutes et des repentirs), tout en reconnaissant, surtout quand je considère certains disciples, que cette conception théocratique, telle que l’a présentée de Maistre, est en effet comme une armure du Moyen Âge qu’on va prendre à volonté, dans un vestiaire ou dans un musée et qu’on revêt extérieurement sans que cela modifie en rien le fond, je me demande, quand je considère d’autres disciples, s’il n’y avait pas un côté mystique en lui, plus intérieur, et répondant aux sources secrètes de l’intelligence et de l’âme.
Il se produisit, à ce moment, un phénomène assez singulier : sur la fin et comme à l’arrière-saison d’un siècle si riche par l’ensemble et la réunion des plus belles facultés de l’esprit et de l’imagination, on vit paraître plusieurs hommes distingués, et quelques-uns même éminents par certaines parties de l’intelligence, mais notablement privés et dénués d’autres facultés qui se groupent d’ordinaire pour composer le faisceau de l’âme humaine : — Fontenelle en tête, le premier de tous, une intelligence du premier ordre, mais absolument dénué de sensibilité ; La Motte, l’abbé Terrasson, qui l’un et l’autre, avec l’esprit très perspicace sur bien des points, raisonnaient tout à côté comme s’ils étaient privés de la vue ou du goût, de l’un des sens qui avertissent. […] Il était content et le laissait voir : « J’ai du plaisir partout, disait-il, parce que j’ai l’âme saine. » Il a pourtant écrit, au sujet de la moquerie, un mot fait pour toucher, et où il ne tient qu’à nous de voir une allusion à ce portrait de Mopse : « Quel agrément dans la vie pour le bienfaisant de sentir la joie de ceux chez qui il entre !
Renan comme ce grand aigle de Dante (dans le Paradis), ce merveilleux oiseau qui est tout composé de lumières, d’âmes et d’yeux. […] Car que peut désirer de plus beau une grande âme, une haute intelligence, si par malheur la vie et la conscience individuelle ne persistent pas à tout jamais et s’évanouissent après cette vie mortelle ?
L’âme, l’inspiration de toute saine critique, réside dans le sentiment et l’amour de la vérité : entendre dire une chose fausse, entendre louer ou seulement lire un livre sophistique, une œuvre quelconque d’un art factice, cela fait mal et blesse l’esprit sain, comme une fausse note pour une oreille délicate ; cela va même jusqu’à irriter certaines natures chez qui la sensibilité pénètre à point dans la raison et vient comme aiguiser celle-ci en s’y tempérant. […] Vauvenargues a dit qu’il faut avoir de l’âme pour avoir du goût.
C’est dans ses ouvrages (et je l’ai fait ailleurs) qu’il convient de prendre une entière et véritable idée de son esprit et de son âme. Lui-même il a dit avec un mélange de satisfaction et d’humilité qui n’est pas sans grâce : « On se peint, dit-on, dans ses écrits ; cette réflexion serait peut-être trop flatteuse pour moi. » Il a raison ; et pourtant cette règle de juger de l’auteur par ses écrits n’est point injuste, surtout par rapport à lui et à ceux qui, comme lui, joignent une âme tendre et une imagination vive à un caractère faible ; car si notre vie bien souvent laisse trop voir ce que nous sommes devenus, nos écrits nous montrent tels du moins que nous aurions voulu être.
Villon aperçoit dans le monde l’universelle souveraineté de la mort : Mon père est mort, Dieu en ait l’âme ; Quand est du corps, il gît sous l’âme (cercueil).
Les analystes, pour ne pas laisser échapper ces analogies cachées, c’est-à-dire pour pouvoir être inventeurs, doivent, sans le secours des sens et de l’imagination, avoir le sentiment direct de ce qui fait l’unité d’un raisonnement, de ce qui en fait pour ainsi dire l’âme et la vie intime. […] Mais il suffit que la chose soit douteuse pour que je sois en droit de reconnaître et d’affirmer une divergence essentielle entre les deux sortes d’intuition ; elles n’ont pas le même objet et semblent mettre en jeu deux facultés différentes de notre âme ; on dirait de deux projecteurs braqués sur deux mondes étrangers l’un à l’autre.
Corneille a-t-il excitées en vous, de quelle manière votre âme a-t-elle réagi, délicieusement ou douloureusement, ou faiblement, à rencontrer la sienne ; qu’est devenue votre sensibilité dans le commerce ou au contact de M. […] Cultiver la personnalité, au lieu de l’étouffer sous celles d’autrui, au lieu de la forcer à abdiquer pour faire place à une personnalité d’emprunt : voilà, voilà ce qu’il y a à faire et rien autre. » Certes, j’en suis d’avis et de toute mon âme, Seulement, c’est tellement restreindre le champ des exercices scolaires qu’il se réduirait à presque rien.
Tous les grands hommes n’ont pas que des filles à la manière d’Épaminondas… Tous les grands ministres, même ceux qui furent cardinaux, ne sont pas des moines comme Ximénès et ne sombrent pas tout entiers sous leur cilice et dans la tombe, et il est intéressant de suivre, après eux, la destinée de ces familles au sein desquelles ils ont brillé, — dont ils étaient l’âme et la puissance ; il est intéressant d’apprendre comment se sont écartées et rompues ces racines, verticales et horizontales (comme dit un écrivain allemand), qui les attachaient à la terre ! […] Amédée Renée nous retrace admirablement le jeune roi, ivre de carrousels, et quand le carrousel cessait, presque aussi ennuyé que son père, et Marie de Mancini s’emparant par l’amour de son esprit et de son âme, apprenant l’italien à son Sargine couronné, lui faisant lire ses poètes, même contre son oncle, le poussant enfin à être roi !
Et cette raison que je dirai, cette raison plus profonde que le talent, plus involontaire que la conviction dans l’auteur de l’Histoire de la Liberté religieuse, c’est son âme même, son instinct de cœur le plus vrai, c’est ce que les hommes et lui-même n’ont pas mis en lui et ce qui, pour cette raison, y est davantage ! […] En s’élevant, la belle proportion, qui fait sa personnalité, n’a pas été troublée, et, comme toujours, ici encore, autant que dans ses précédents ouvrages, l’âme est aussi élevée que le talent et l’homme égal à l’écrivain.
D’autant que ce talent prouvé, habitué à ces choses courtes qui sont des chefs-d’œuvres et qui sont peut-être plus difficiles que des œuvres de longue haleine, sauve les défauts d’une composition encore malassurée par la grâce des détails, qui sauve toujours tout ; car nos livres ressemblent à nos âmes, et c’est la grâce surtout qui donne le Paradis De la grâce ! […] Elle rebrousse chemin et revient à l’autre rive… C’est une merveille que ces conversations qui font revirer de bord cette jeune âme, et cependant l’amant est digne de la séduction qu’il pratique ; car il est beau, spirituel, fort en femmes, expérimenté et épris, sincèrement amoureux, — toutes les puissances !
Ou bien c’est l’histoire de la belle Lou Tho, qui dédaigne l’amour de l’Empereur, ou encore l’aventure de la courtisane qui demande par curiosité au juge des Enfers de renvoyer son âme dans le sein d’une honnête femme.
. — Tiens, c’est vrai ; on commence à avoir sommeil ; allons-nous coucher » combien elle est supérieure par sa modernité, sa finesse, son appropriation au code et à l’âme des propriétaires du jour, surtout par cette invention qui, pas plus que les Déménageurs, n’est dans Guignol, cette divine Hortense, enceinte de neuf mois, autour de laquelle pivote l’action, et qui est ainsi saluée à son entrée : LE CŒUR DES DÉMÉNAGEURS Ciel, quel spectacle !
Qu’il sommeille donc le poète dont la mémoire nous défend des félonies envers l’art et envers les hommes, et que nul ne révèle l’intime trésor de cette âme fière et douce, douloureuse de se sentir recluse en soi-même par un trop noble amour des êtres vivants, des lueurs et des frissons qui troublent d’inquiétudes passagères la terre et le ciel, et des immuables étoiles qu’il avait entrevues !
Le nom de Chef des odeurs suaves qu’il lui a donné ne saurait être mieux placé qu’en tête d’un livre de poésies qui ne chantent que les fleurs, nous en fait encore respirer les parfums au-delà de leurs petites vies, et nous les fait suivre jusque dans le vol de leurs âmes légères.
Stéphane Mallarmé Merci pour la lecture de la Maison d’exil : j’y trouve des accords exquis d’âme et de forme, dans tant de sérénité.
Pour ses proses, dont Arène et Daudet ont traduit les plus curieuses, elles sont l’expression absolue et parfaite de l’âme de sa race.
Raymond de La Tailhède n’a encore publié que quelques poèmes, et cependant ils révèlent une âme si noble de poète et un art si parfait, qu’on ne peut hésiter à le placer au premier rang. — Le mouvement, l’enthousiasme, l’audace sûre des tours font, de ses vers, les plus magnifiques qui soient.
Victor du Bled n’a jamais chiffonné que l’histoire de France de Dauban, si, malgré son âme lamartinienne, il n’osa jamais s’essayer dans la fiction personnelle, cette lacune de son éducation n’y est-elle pas pour beaucoup qu’oncques il ne manqua de respecter aucun pucelage, y compris hélas le sien ?
Au milieu de ce renversement général, que chaque moment peut rendre plus rapide & plus funeste, il existe cependant des Esprits sages, des Ames honnêtes, des Citoyens zélés pour le véritable honneur de leur patrie : mais à quoi peuvent se réduire les efforts de leur zele ?
Ame de fiel & de fange !
Le grand homme en tout ordre est celui qui, en vertu de lui-même et par suite de son accord avec l’âme des générations contemporaines ou postérieures, sans limites de temps, parvient à gagner à sa personne ou aux manifestations sensibles qui l’expriment, un nombre, proportionnel à sa gloire, de partisans, de croyants, d’admirateurs, qui, reconnaissant en lui leur type exemplaire, amplifient pour ainsi dire et répandent son être en consentant à faire ses volontés, à éprouver ses émotions, à concevoir ses pensées, à ressentir ses croyances.
Or, il est aisé de prouver trois choses : 1º que la religion chrétienne, étant d’une nature spirituelle et mystique, fournit à la peinture un beau idéal, plus parfait et plus divin que celui qui naît d’un culte matériel ; 2º que, corrigeant la laideur des passions, ou les combattant avec force, elle donne des tons plus sublimes à la figure humaine, et fait mieux sentir l’âme dans les muscles, et les liens de la matière ; 3º enfin, qu’elle a fourni aux arts des sujets plus beaux, plus riches, plus dramatiques, plus touchants, que les sujets mythologiques.
On aura beau bâtir des temples grecs bien élégants, bien éclairés, pour rassembler le bon peuple de saint Louis, et lui faire adorer un Dieu métaphysique, il regrettera toujours ces Notre-Dame de Reims et de Paris, ces basiliques, toutes moussues, toutes remplies des générations des décédés et des âmes de ses pères ; il regrettera toujours la tombe de quelques messieurs de Montmorency, sur laquelle il souloit se mettre à genoux durant la messe, sans oublier les sacrées fontaines où il fut porté à sa naissance.
S’il ne fallait, pour être artiste, que sentir vivement les beautés de la nature et de l’art, porter dans son sein un cœur tendre, avoir reçu une âme mobile au souffle le plus léger, être né celui que la vue ou la lecture d’une belle chose enivre, transporte, rend souverainement heureux, je m’écrierais en vous embrassant, en jetant mes bras autour du cou de Loutherbourg ou de Greuze : Mes amis, son pittor anch’io.
Vous ne savez pas qu’un paysage est plat ou sublime ; qu’un paysage où l’intelligence de la lumière n’est pas supérieure est un très-mauvais tableau ; qu’un paysage faible de couleur, et par conséquent sans effet, est un très-mauvais tableau ; qu’un paysage qui ne dit rien à mon âme, qui n’est pas dans les détails de la plus grande force, d’une vérité surprenante, est un très-mauvais tableau ; qu’un paysage où les animaux et les autres figures sont maltraités, est un très-mauvais tableau, si le reste poussé au plus haut degré de perfection, ne rachète ces défauts ; qu’il faut y avoir égard pour la lumière, la couleur, les objets, les ciels, au moment du jour, au temps de la saison ; qu’il faut s’entendre à peindre des ciels, à charger ces ciels de nuages tantôt épais, tantôt légers ; à couvrir l’atmosphère de brouillards, à y perdre les objets, à teindre sa masse de la lumière du soleil ; à rendre tous les incidens de la nature, toutes les scènes champêtres, à susciter un orage, à inonder une campagne, à déraciner les arbres, à montrer la chaumière, le troupeau, et le berger entraînés par les eaux ; à imaginer les scènes de commisération analogues à ce ravage ; à montrer les pertes, les périls, les secours sous des formes intéressantes et pathétiques.
Nous ne disons pas du monde chrétien, car le chef-d’œuvre de Gœthe est peut-être son Divan, dont l’inspiration, comme on le sait, est orientale, et qui est un tour de force de cette impersonnalité des grands génies qui les fait s’incarner, par la pensée, dans l’âme la moins semblable à la leur.
L’égalité d’âme était complète. […] Victime de la veille, il rentre avec l’âme calme et déterminée à la justice, c’est-à-dire, après de telles horreurs, à la clémence. […] Or, voici en quels termes, dignes de mémoire, il s’exprimait le 18 nivôse an iii (7 janvier 1795), à l’occasion du rapport fait par Courtois au nom de la commission chargée d’examiner les papiers de Robespierre : « Un tempérament bilieux, écrivait Daunou, un esprit étroit, une âme jalouse, un caractère opiniâtre, avaient prédestiné Robespierre à de grands crimes. […] Une angoisse inexprimable s’était emparée de son âme ; l’application lui était devenue impossible, la lumière odieuse ; un simple coup de sonnette l’agitait et lui arrachait des larmes. […] Il vérifia aussi, par son exemple, ce mot du moraliste : « Il se refait vers le milieu de la vie une manière de bail avec nos diverses facultés ; bien peu le renouvellent. » Ce qui est vrai même dans le cours naturel d’une vie arriva ici par secousse : Daunou dut rompre, un certain jour, avec une partie de son être ; il se replia au dedans, et, sous son enveloppe sévère, il déroba de plus en plus une de ces âmes sensibles, délicates, à jamais contraintes et trop souvent consternées, qui ne recommencent plus l’expérience et n’en demeurent que plus fidèles aux empreintes reçues.
Je ne puis m’empêcher, chemin faisant, de relever encore en La Fayette tout ce qui se dénote dans le sens précédent, tout ce que trahit, en chaque occasion, son âme avide d’estime et honorablement chatouilleuse. […] Au lieu de viser, comme les simples et fidèles gentilshommes, à la bonne opinion de ses pairs, il visa à la bonne opinion de tout le monde, de ce qu’on appelait le peuple, c’est-à-dire de ses pairs aussi ; il y avait, certes, de la nouveauté et de la grandeur d’âme dans cette ambition, dût-il y entrer quelque méprise. […] Les besoins de mon âme sont les mêmes, mais ont pris un caractère plus sérieux, plus indépendant des coopérateurs et du public dont j’apprécie mieux les suffrages. […] « Pendant les trente-quatre années d’une union où sa tendresse, sa bonté, l’élévation, la délicatesse, la générosité de son âme, charmaient, embellissaient, honoraient ma vie, je me sentais si habitué à tout ce qu’elle était pour moi, que je ne le distinguais pas de ma propre existence. […] Chez celui-ci, en effet, l’humilité chrétienne, au-dessus de laquelle, comme beauté morale, il n’y a rien, a pourtant pris la forme d’une âme plus tendre et douce que vigoureuse, et, plus qu’il n’était nécessaire à l’angélique attitude de la victime, ce que j’appelle le généreux humain y a péri.
Elle ne souffrait que de son amour, et sentait son âme l’abandonner par ce souvenir, comme les blessés, en agonisant, sentent l’existence qui s’en va par leur plaie qui saigne. […] N’est-ce donc rien, même au point de vue plastique, qu’un front sous lequel on sent la pensée vivre, des yeux où éclate une âme ? […] Ce « tourment de l’infini » qui désole certaines âmes leur a donné aussi les jouissances les plus délicates, et peut-être auraient-elles hésité à l’échanger contre la science universelle. […] Qui brise la jeunesse en fleur, qui donne, en somme, Une âme à la machine et la retire à l’homme ! […] Aussi l’amour humain ne lui apparaît-il plus que comme un effet de l’éternelle solidarité qui unit tout dans l’univers et qui joint l’univers à notre âme.
Casimir a été proprement le poëte de la classe moyenne, il lui allait en tout ; elle ne laissa jamais rien échapper de ses mérites, car rien chez lui ne la dépasse, tandis que Béranger, le poëte du peuple ou des malins, et Lamartine, le poëte des âmes d’élite, échappent aux classes moyennes à chaque coup d’aile.
Plus d’une m’a remis la clef d’or de son âme ; Plus d’une m’a nommé son maître et son vainqueur ; J'aime, et parfois un ange avec un corps de femme Le soir descend du ciel pour dormir sur mon cœur.
Élevé en Suisse où il reçut une éducation libre, rêveuse et solitaire, que n’aurait pas désavouée Rousseau, devenu plus tard le disciple et l’ami de Bonnet, qui dès l’abord s’empara, comme il le dit, de toute son âme, et depuis transporté dans les différentes contrées du nord et sous le ciel de l’Italie, il dut garder dans le commerce des hommes les habitudes intellectuelles de sa vie première, et surtout un goût décidé pour l’étude de soi-même et des autres.
Scribe, a été de nos jours le promoteur et l’âme de la Société des auteurs et compositeurs dramatiques, s’entendant pour exercer leurs droits, pour faire valoir leurs intérêts.
Les vers, vierges de toute littérature, étaient allés droit à l’âme des simples, et, grâce à ces chants modestes, tous ces braves gens s’étaient sentis soudain liés à la vie de leurs compagnons, à l’avenir de leur régiment, aux destinées de leur pays.
Emmanuel Des Essarts Jamais l’épithète d’exquis, que de nos jours on prodigue avec abus, ne s’est plus justement appliquée qu’à ce recueil embaumé par l’âme odorante de l’antiquité.
La tendance à réduire les finales isme et asme à ime ou isse et âme ou asse est toujours active en français.
Pour en avoir approché, nous n’ignorons rien des défauts ordinaires aux cénacles dont chacun, tour à tour ou parallèlement, prétend refléter l’âme française et contenir son évolution définitive.
Mais le Tasse est presque toujours faux quand il fait parler le cœur ; et comme les traits de l’âme sont les véritables beautés, il demeure nécessairement au-dessous de Virgile.
Un vaisseau est prêt à périr : l’aumônier, par des paroles qui délient les âmes, remet à chacun la peine de ses fautes ; il adresse au ciel la prière qui, dans un tourbillon, envoie l’esprit du naufragé au Dieu des orages.
Le repos de l’âme est nécessaire à quiconque veut écrire sagement sur les hommes ; or, nos gens de lettres, vivant la plupart sans famille, ou hors de leur famille, portant dans le monde des passions inquiètes et des jours misérablement consacrés à des succès d’amour-propre, sont, par leurs habitudes, en contradiction directe avec le sérieux de l’histoire.
et vous verrez où il ira, ce voluptueux de la description, et si l’homme, l’âme de l’homme ne finira pas par s’emparer de son pinceau, et n’y coulera pas une vie supérieure.
Plusieurs gens font monter le nombre de ses habitants à onze cent mille âmes. […] ni qu’âme vivante y soit au guet. […] Qui sait s’il ne se vengera pas, et si les froideurs que nous avons eues pour lui n’allumeront pas en son âme un feu de colère contre nous, qui ne s’éteindra que par notre ruine et la désolation de nos familles ? […] Cependant l’amour de la justice prévalut dans son âme, et ce fut avec horreur qu’il entendit la proposition qu’avait faite le premier ministre de préférer le cadet à l’aîné, qui s’augmenta à mesure que les autres du conseil y prêtaient leur consentement. […] Olivier n’en compte que 50,000 ; mais des renseignements très-positifs m’autorisent à croire qu’aujourd’hui cette ville contient encore près de 200,000 âmes.
Avec une haute intelligence il a fait comprendre la fierté de Chatterton dans sa lutte perpétuelle, opposée à la candeur juvénile de son caractère ; la profondeur de ses douleurs et de ses travaux, en contraste avec la douceur paisible de ses penchants ; son accablement, chaque fois que le rocher qu’il roule retombe sur lui pour l’écraser ; sa dernière indignation et sa résolution subite de mourir, et par-dessus tous ces traits, exprimés avec un talent souple, fort et plein d’avenir, l’élévation de sa joie lorsque enfin il a délivré son âme et la sent libre de retourner dans sa véritable patrie. […] Le secret de nos oscillations perpétuelles entre la servitude nécessaire et la liberté impossible n’est que dans cette balance incessante entre la discipline de l’armée et l’âme révolutionnaire de la nation. […] On croirait que l’égoïsme a tout submergé ; ceux même qui cherchent à sauver les âmes et qui plongent avec courage se sentent prêts à être engloutis. […] Ce n’est pas tout d’avoir la physionomie d’un homme agréable, il faut encore avoir l’âme d’un héros ou la parole d’un orateur : sans cela, il faut être poli si l’on ne tient pas à être juste ! […] Que les âmes railleuses fassent une ironie de cette consolation du désespéré ; Dieu qui la donne les juge : il suffit.
Depuis lors, le recueil s’est accru d’autres pièces, composées dans une situation qui, pour l’âme, n’a pas changé. […] Il en éprouve même une satisfaction secrète dans la partie de son âme que la passion de gouverner n’a pas encore gâtée. […] Je pense, je sens par son âme, dont une parcelle forme la mienne ; je parle, j’écris dans son admirable langue. […] sur trente-huit millions d’âmes ; quoi ! […] Pour l’âme d’une Française et d’une mère, votre ciel n’a pas de félicités comparables à celle-là !
Les écrits de Philon ont l’inappréciable avantage de nous montrer les pensées qui fermentaient au temps de Jésus dans les âmes occupées des grandes questions religieuses. […] Il se peut qu’après les crises de l’an 68 (date de l’Apocalypse) et de l’an 70 (ruine de Jérusalem), le vieil apôtre, à l’âme ardente et mobile, désabusé de la croyance à une prochaine apparition du Fils de l’homme dans les nues, ait penché vers les idées qu’il trouvait autour de lui, et dont plusieurs s’amalgamaient assez bien avec certaines doctrines chrétiennes. […] Dans un tel effort pour faire revivre les hautes âmes du passé, une part de divination et de conjecture doit être permise. […] Les lois intimes de la vie, de la marche des produits organiques, de la dégradation des nuances, doivent être à chaque instant consultées ; car ce qu’il s’agit de retrouver ici, ce n’est pas la circonstance matérielle, impossible à contrôler, c’est l’âme même de l’histoire ; ce qu’il faut rechercher, ce n’est pas la petite certitude des minuties, c’est la justesse du sentiment général, la vérité de la couleur.
Le mot même d’émotion indique un mouvement de l’âme, motus animi, comme disaient les anciens, et l’émotion peut se définir un changement soudain apporté dans l’intensité, dans la vitesse et dans la direction des faits de conscience. […] Wundt en conclut que l’émotion élémentaire est la surprise, « qui se comporte, à l’égard des mouvements de l’âme plus complexes, à peu près comme le sentiment esthétique éveillé par une forme géométrique simple vis-à-vis de l’effet produit par une œuvre d’art. » Wundt aurait pu ajouter, dans le même sens, que la surprise est l’analogue intellectuel du choc mécanique avec ses effets d’élasticité bien connus. […] « L’aperception, dit-il, est la source psychologique des émotions ou mouvements de l’Âme. » (Psychologie physiologique, traduction française.) […] Il est curieux de comparer les descriptions vagues et oratoires du peintre aimé de Louis XIV, Lebrun, dans ses Expressions des passions de l’âme, avec les descriptions précises et scientifiques de Camper, de Bell, de Darwin, de Warner.
Il y a des âmes nées guerrières ; elles le sont par l’instinct qui les pousse aux périls, par les ressources de génie qu’elles y trouvent, et les talents, chaque fois imprévus, qu’elles y déploient, comme par l’ardeur croissante dont elles s’y enflamment ; elles le sont aussi, pendant et après l’action, par l’expression et par la parole. […] Lui qui n’a point lu les livres ni étudié, il a de belles et grandes paroles que lui envierait un Chateaubriand et tout écrivain d’éclat, et comme les trouvent parfois, sans tant de façons, ceux qui, avec une pensée vive et une âme forte, écrivent ou dictent en tenant l’épée.
L’âme, l’esprit de l’abbé Fleury semblent avoir été pris de tout point sur la mesure de Bossuet et tempérés selon des degrés pareils, avec la différence du sage au grand. […] Bossuet n’en est pas le président, mais il en est l’âme.
Ballanche, mais le poète, obéissant à sa naturedans cette imitation même, avait jeté là, spontanément, la fleur de son âme. […] On ne sait pourquoi il fait grâce en un endroit à Montaigne, lequel pourtant a dit en son joli langage : « Et moi, je suis de ceux qui tiennent que la poésie ne rit point ailleurs comme elle fait en un sujet folâtre et déréglé. » M. de Laprade prend même le soin de rassurer les chrétiens, les âmes religieuses, contre l’ironie de Montaigne.
Dans cette Rome encore paisible, telle que je la vis trop rapidement au passage, entre le Colisée et le Vatican, chaque âme, disposée à une dévotion, la développait à son aise, démesurément et sans que rien y fît obstacle. […] Âme robuste, entière, non usée de père en fils par l’élégance et la politesse des salons, intelligence brusque et absolue, non assouplie par la critique, non rompue aux systèmes, d’une sensibilité profonde et d’un grand besoin de tendresse au milieu de certaines grossièretés de nature, il fut atteint et renversé en même temps, retourné tout d’une pièce ; le fier Sicambre s’agenouilla : il se fit du même coup chrétien, catholique, ultramontain.
« Ô vous, compagne de ma vie, dont l’amitié est mon plus cher trésor, qui avez embelli tous les bons moments de mon existence et partagé toutes mes peines ; vous, dont l’esprit éminent a entretenu l’activité de mon âme, et dont l’imagination riche et brillante a souvent fait éclore mes idées ; à qui je dois enfin la meilleure partie de mon être, recevez l’hommage de ces Souvenirs dont le récit fut entrepris par votre désir. […] Il avait des connaissances et de l’aptitude au travail ; mais il manquait quelquefois de ce calme d’une tète froide qui ne se laisse point accabler sous le poids des affaires, et son âme n’était pas de la trempe qu’il aurait fallu pour soutenir toujours les mouvements nobles et justes de son cœur contre les volontés absolues de son maître.
Beugnot se dessine à nous comme un observateur très fin, mais il ne se pose nullement en âme héroïque. […] Ceux qui ne l’aimaient pas, ceux qui prétendaient qu’il avait tourné trop tôt casaque au régime qu’il avait servi, et qu’il faisait trop aisément bon marché de cette sorte de pusillanimité plus en vue chez lui que chez d’autres, allaient jusqu’à dire que « c’était l’âme d’Arlequin dans le corps d’Alcide (ou d’Achille). » Je remarquerai simplement que M.
Il n’est pas moins vrai que le jeune abbé malgré lui, fier et délicat comme il était, dut ressentir avec amertume l’injustice des siens : quoique d’un rang si distingué, il entrait dans le monde sous l’impression d’un passe-droit cruel dont il eut à dévorer l’affront ; il se dit tout bas qu’il saurait se venger du sort et fixer hautement sa place, armé de cette force qu’il portait en lui-même, et qui déjà devenait à cette heure la première des puissances, — l’esprit si la théologie avait pu être en passant une bonne école de dialectique, il faut convenir encore que cette nécessité où il se vit aussitôt de remplir des fonctions sacrées, sans être plus croyant que l’abbé de Gondi ; que cette longue habitude imposée durant les belles années de la jeunesse d’exercer un ministère révéré et de célébrer les divins mystères avec l’âme la moins ecclésiastique qui fût jamais, était la plus propre à rompre cette âme à l’une ou l’autre de ces deux choses également funestes, l’hypocrisie ou le scandale.
Tout historien perspicace et philosophe travaille à celle d’un individu, d’un groupe, d’un siècle, d’un peuple ou d’une race ; les recherches des linguistes, des mythologues, des ethnographes n’ont pas d’autre but ; il s’agit toujours de décrire une âme humaine ou les traits communs à un groupe naturel d’âmes humaines ; et, ce que les historiens font sur le passé, les grands romanciers et dramatistes le font sur le présent. — J’ai contribué pendant quinze ans à ces psychologies particulières ; j’aborde aujourd’hui la psychologie générale.
Les âmes généreuses se retirent en elles-mêmes et s’émeuvent à y retrouver toute la beauté du ciel détruit. […] Ô mon âme, laisse dans la vallée étroite les ouvriers penchés qui nient le ciel.
Une déesse dit tout ce qu’elle a dans l’âme V. 52. […] Au reste, peut-être n’y regardait-il pas de si près ; peut-être croyait-il que, tant que l’âme éprouve des sentimens, elle peut les énoncer avec franchise.
[Du patriotisme littéraire] À la fin du siècle dernier un jeune poète, à l’imagination enthousiaste, à la sensibilité frémissante, à l’âme vraiment lyrique, reportait son souvenir et sa pensée sur les beautés naturelles de notre pays qu’il avait parcouru en tous sens, depuis Marseille jusqu’à Paris, depuis Narbonne jusqu’à Strasbourg. […] Après André Chénier — et je suis surpris que ce sujet n’ait tenté aucun des grands poètes contemporains — il restait à glorifier la même patrie, mais sous un tout autre aspect, dans l’éclat de ses actes héroïques, dans le rayonnement de ses idées, dans l’illumination de ses chefs-d’œuvre ; il restait à chanter l’hymne filial, non plus seulement à ce corps toujours renouvelé de la France, mais à son âme transmise d’âge en âge et non moins opulente et non moins féconde, l’hymne à la France pensante et créatrice, nourricière des intelligences et fertile pour le genre humain.
« L’âme française, un peu légère, mobile et refroidie par le convenu, l’artificiel, semble gagner un degré de chaleur » [Cf. […] Mais si la sensibilité n’y occupe pas toute la place, elle en fait l’âme ; et s’il est une qualité que l’on ne puisse disputer aux Araminte et aux Silvia de ce galant homme, c’est d’être en vérité ce qu’on appelle « touchantes ». […] Il faut rapprocher ce passage d’un endroit des Confessions : « Audacieux, fier, intrépide, écrit Rousseau, je portais partout une assurance d’autant plus ferme qu’elle était simple et résidait dans mon âme plus que dans mon maintien. […] Rousseau ; — et son œuvre inachevée est la confession d’une âme. […] Combien d’ailleurs la qualité de son âme est supérieure à la qualité d’âme de Rousseau ; — si son talent demeure inférieur. — Éloquence de Vauvenargues. — Accent mélancolique de quelques-unes de ses pensées. — Finesse de son goût littéraire.
Mais quand il ajoute aussitôt « que la religion qui fait les grandes âmes ne paraît faite que pour elles71 », je prends un commencement d’inquiétude et je sens qu’il se jette hors de la mesure. […] Ailleurs encore, quand il s’adresse aux grands pour leur dire : « Un seul de vos crimes, entraîne plus de malheurs qu’une vie entière d’iniquités dans une âme obscure et vulgaire72 » ; si je lui donne raison, en fait, et quoique déjà j’entende mal ce que c’est aux yeux d’un chrétien qu’une « âme obscure et vulgaire », je me révolte dès qu’il ajoute : « Et ce crime a, devant Dieu, des suites plus étendues et plus terribles ». […] pourquoi mon âme ne vous serait-elle donc pas soumise ? […] Malheureusement, les grands talents et les grands succès ne font pas le même effet sur toutes les âmes. […] Le docteur, mon ami, m’a dit que j’avais eu le malheur de vous offenser et que vous aviez pris en mauvaise part l’effusion d’une âme peinée134.
Je me rappelle dans quelle situation douloureuse d’esprit et d’âme j’ai fait Joseph Delorme, et je suis encore étonné, quand il m’arrive (ce qui m’arrive rarement) de rouvrir ce petit volume, de ce que j’ai osé y dire, y exprimer.
Jugez quel bouleversement, je dirai même quelle indignation un tel langage devait soulever dans mon âme, moi qui ne songeais, ainsi que tous mes camarades, qu’à la patrie et à vingt-cinq ans de gloire effacés par un jour de revers !
Il est resté pour moi un grand écrivain, un grand et surtout un vigoureux esprit dominé par une imagination forte, et plus que tout encore une âme de douleur, d’angoisse et de tourment.
La douleur est ma muse, elle a tous mes secrets ; Aussi, je l’avouerai, n’est-ce pas sans regrets, Sans cette pudeur fière, aux malheureux connue, Que je livre aux regards mon âme toute nue.
Ils aspirent aux jouissances de l’art, si puissantes à concilier et à purifier les âmes, que de longs ressentiments ont aigries ; et s’ils paraissent commencer en cette voie une sorte de révolution, celle-là du moins se passera tout entière dans la région des idées, dans le domaine de la poésie, et c’est d’ailleurs presque seulement de l’époque de la Restauration qu’elle date, et par des hommes de la Restauration qu’elle est tentée.
Une année d’Exposition, c’est l’hégire sainte pour tout ce qui porte une âme de maquignon, de négrier ou de forban cosmopolite.
Louis Veuillot Il a, pour servir ses passions, dégradé la langue comme l’âme du peuple… Il a parodié les paroles de la prière pour outrager les sentiments chrétiens ; il a tourné en ridicule la foi, les sacrements, la pudeur et la mort… [Mélanges, tome III, 2e série.]
S’ils font vibrer en nous plusieurs des fibres les plus essentielles de l’âme, c’est parce que, pénétrant loin sous les sentiments émoussés dont nous revêtons d’habitude les plus humains de nos désirs, ils chantent l’hymne de la Nature raillant l’inconnaissable.
La Fontaine et Racine avaient besoin, l’un de l’imagination des femmes de la cour pour faire passer ses contes, l’autre de leur âme pour faire sentir plus vivement le pathétique dont la sienne renfermait le secret ; tous avaient besoin du roi pour obtenir la vogue, objet ordinaire de l’ambition des talents, et souvent leur unique récompense.
Il a dit quelque part : « Chaque âme individuelle est une formule énergique qui contient l’Univers. » Il est peut-être à la veille de savoir que nous ne devons songer qu’à notre propre harmonie intérieure et que le reste nous sera donné par surcroît.
Mercure voyant que Jupiter avait oui ses prières, le supplia de permettre que toutes ces âmes célestes de chevaliers, avec leurs dames, descendissent en terre pour danser à ces noces royales.
L’accent d’une âme passionnée est aigu, sifflant, précipité ; l’A est trop long pour elle : il faut une bouche pastorale, qui puisse prendre le temps de le prononcer avec lenteur.
Lisez, par exemple, cette peinture du pécheur mourant : « Enfin, au milieu de ses tristes efforts, ses yeux se fixent, ses traits changent, son visage se défigure, sa bouche livide s’entrouvre d’elle-même, tout son esprit frémit ; et, par ce dernier effort, son âme s’arrache avec regret de ce corps de boue, et se trouve seule au pied du tribunal redoutable193. » À ce tableau de l’homme impie dans la mort, joignez celui des choses du monde dans le néant.
J’ai vu peindre La Tour, il est tranquille et froid ; il ne se tourmente point ; il ne souffre point, il ne halète point, il ne fait aucune de ces contorsions du modeleur enthousiaste, sur le visage duquel on voit se succéder les images qu’il se propose de rendre, et qui semblent passer de son âme sur son front et de son front sur la terre ou sur sa toile.
. — Nous, pour sanctifier nos âmes, nous resterons enfermés dans l’appartement de la sultane Validé ; là, nous terminerons, loin des plumes profanes, le vaudeville sacré du Crocodile : De sa première représentation datera une nouvelle hégire.
Il brillerait au premier rang si nous avions encore une littérature de cape et d’épée, cette littérature morte maintenant et qui fut longtemps l’âme de la « France-soldat », chevaleresque, amoureuse, religieuse, convaincue comme elle !
On ne peut douter que ces éloges, avant qu’ils fussent prodigués et corrompus, ne fissent une forte impression sur les âmes.
Elle se rattache par des fils invisibles à toutes les fibres de l’âme antique. […] Mais, pour l’artiste qui crée une image en la tirant du fond de son âme, le temps n’est plus un accessoire. […] Les anciens n’avaient élevé de pareilles barrières ni entre la qualité et la quantité, ni entre l’âme et le corps. […] Ni le corps ne se définissait alors par l’étendue géométrique, ni l’âme par la conscience. […] Ainsi pour la qualité et la quantité, pour l’âme et le corps.
Napoléon n’estimait pas les hommes à titre de ses semblables ; il était aussi peu que possible de cette chair et de cette âme communes aux créatures de Dieu : c’était un homme de bronze, comme l’a dit Wieland, qui le sentit tel aussitôt dans un demi-quart d’heure de conversation à Weimar ; égoïste, sans pitié, sans fatigue, sans haine, un demi-dieu si l’on veut, c’est-à-dire plus et moins qu’un homme ; car, depuis le Christianisme, il n’y a rien de plus vraiment grand et beau sur la terre que d’être un homme, un homme dans tout le développement et la proportion des qualités de l’espèce. […] Cette pureté, cette douceur d’âme, cette élévation merveilleuse, où le christianisme porta son héros, qui nous la rendra ? […] C’est que d’Holbach avait une exécrable réputation d’athéisme, tandis que Condillac, abbé, n’ayant jamais écrit contre l’âme ni contre Dieu, était un maître ostensible plus avouable, en même temps que doué de mérites suffisants.
Il s’occupa peu de politique, et la laissa à Montesquieu, à Jean-Jacques et à Raynal ; mais en philosophie il fut en quelque sorte l’âme et l’organe du siècle, le théoricien dirigeant par excellence. […] Mon âme ne s’est point endurcie, ma tête ne s’est point relevée ; mon dos est bon et rond comme ci-devant. […] Les moindres récits courent alors sous sa plume, rapides, entraînants, simples, loin d’aucun système, empreints, sans affectation, des circonstances les plus familières, et comme venant d’un homme qui a de bonne heure vécu de la vie de tous les jours, et qui a senti l’âme et la poésie dessous.
Il écrivait à Marcile Ficino, son ami et son correspondant intime : « Quand mon âme est lasse du fracas des affaires publiques, et que mes oreilles sont assourdies par les cris tumultueux des citoyens, comment supporterais-je une pareille gêne si je ne trouvais un délassement dans l’étude ! […] Dans une situation si déplorable, on ne s’étonnera pas, sans doute, que j’aie tâché de détourner ma pensée sur des objets plus agréables, et que j’aie cherché à me distraire un moment de tant d’inquiétudes, en célébrant les charmes de ma maîtresse. » C’était le superflu de sa grande âme, le luxe de son génie. […] C’est une attention que vous devez avoir pour notre saint-père, que de ne pas le fatiguer de prières indiscrètes, de ne l’aborder jamais qu’avec des choses qui lui fassent plaisir ; ou, si vous vous y croyez obligé, une requête humble et modeste lui plaira davantage et sera plus agréable à son humeur et à son caractère. » Voilà l’âme d’un père chrétien et politique unissant le ciel à la terre pour protéger son fils.
S’il veut peindre une âme dépravée, il ose en exposer à nos yeux jusqu’à l’ignoble enveloppe ; et, sauf quelques adoucissements, son Richard III vient de se produire, difforme et terrible, infâme et non ridicule, sur notre théâtre même. […] Chimène intéresse par l’inutilité de ses efforts sublimes pour haïr l’assassin de son père ; mais Ophélie, livrée tout entière à sa passion par sa démence ; Ophélie, qui adore de toute son âme Hamlet teint du sang de Claudius, ne nous ravit pas seulement, elle nous plonge dans ses propres douleurs et dans son délire même. […] C’est là qu’est mon pays, là l’Écosse commence ; Ces nuages errants qui traversent le ciel, Peut-être hier ont vu mon palais paternel13 : voilà, quels que soient le sujet, les formes et les autres détails de l’ouvrage, voilà du classique ; car ce sont là des élans de l’âme encore plus que des images brillantes.
Jamais nous n’avons assisté à une représentation aussi lamentablement désolante… Que la censure, puisque cette institution existe, ait toléré la mise en scène d’un spectacle si bien fait pour énerver les âmes, pour leur donner l’admiration de ce crime qu’on a raison d’appeler le plus grand de tous, puisqu’il est le seul dont on ne puisse se repentir, — que la censure, disons-nous, se soit associée, en la laissant jouer, à cette sanctification du suicide, qu’elle ait donné son visa officiel à cette sorte d’hymne de la mort volontaire, et qu’elle ait permis qu’on la représentât comme une œuvre suprême d’honneur et même de religion, c’est là un acte sans excuse et contre lequel nous demandons une répression éclatante. […] Poète en ses drames que gonfle un souffle énorme (l’épopée ; poète en ses études de critique, où il dit l’âme et le prodigieux génie de Wagner ; poète en ses fantaisies légères d’au jour le jour, harmonieuses et composées ainsi que des sonnets, en ses contes galants où, sous les fleurs de perversité et les voluptés féeriques et précieuses des boudoirs, percent parfois le piquant d’une ironie et l’amer d’un désenchantement ; poète en ses romans, surtout avec Zohar, aux baisers maudits ; même avec la Première maîtresse, et qui ne craint pas de descendre jusque dans le sombre enfer contemporain de nos avilissements d’amour, tout arrive à son cerveau en sensations, en visions de poète ; tout, sous sa plume ; se transforme en images de poète, exorbitées et glorieuses, la nature, l’homme, aussi bien que la légende et que le rêve. […] Paul Ginisty Votre enthousiasme est communicatif, vous faites jaillir la flamme partout… Vous avez vu avec quel entrain, quel zèle, je dirai aussi quelle joie, les artistes de l’Odéon se sont voués à l’œuvre qui était entreprise, en donnant plus que leur talent, leur âme, retrouvant cette ivresse sainte de la poésie que vous savez si noblement inspirer, car vous croyez avec raison qu’il y a un prestige magique dans la beauté du vers.
; vain exercice, dit naïvement Desportes, auquel il a joué toute son âme. […] Ronsard ayant à choisir entre le grec et le latin pour en tirer ses doctes obscurités, avait préféré au mot âme le mot entéléchie comme plus savant, et parce qu’aucune analogie ni ressemblance quelconque avec notre langue ne l’exposait à être compris de la foule. […] C’est là cette grande discipline du xviie siècle, plus jalouse de perfectionner dans chacun la raison générale que d’y encourager l’humeur et le caprice individuel ; toujours en défiance de la liberté, forçant le poëte à choisir entre ses pensées, mais, par là, lui assurant l’empire sur les âmes.
Les deux pinceaux ont quelquefois rivalisé dans les portraits des grandes âmes. […] Aussi que de soins pour faire voir son esprit et pour cacher son âme ! […] A la différence de Tacite qui s’émeut, par réflexion et par art, de choses dont il n’a pas été témoin, c’est l’âme même de Saint-Simon, toute troublée de ce qu’il vient de voir ou d’apprendre, qui se répand sur le papier.
Il m’avait troublé jusqu’à l’âme ; il introduisait en moi des sentiments complexes, en foule, que je ne saurais plus analyser, mais qui me faisaient vivre dans un état de maladif énervement dont je me rappelle très bien la fiévreuse ivresse. […] Une véritable œuvre d’art dépend jusqu’à un certain point de son milieu : les Grecs le savaient bien, et Wagner l’a compris, en choisissant pour son théâtre ce coin retiré des montagnes bavaroises qui fait penser à un fond de tableau de Dürer : la promenade sous les vieux arbres du parc évoque déjà le moyen-âge, et l’on sent passer je ne sais quels souffles mystiques dans le paysage que domine la plate-forme de l’édifice : une étendue bosselée dont le vert est piqué des taches plus foncées des bois de sapins… En sorte que l’âme est toute prête aux accords religieux qui accompagnent la marche des chevaliers du Graal, et toute prête aussi à pénétrer le sens profond que lui offre la légende du « Pur-Simple, sachant par compassion… » J’ai entendu l’œuvre de Wagner un peu partout : à Cologne, la vieille ville amie, à Munich, à Berlin, à Bayreuth, et dans ce froid théâtre de Covent Garden qui devrait être à jamais réservé aux exhibitions mondaines. […] Dans la salle vaguement aperçue, tout à coup l’obscurité tombe, et un grand silence ; alors, en la nuit des yeux et des oreilles et de l’esprit, en la nuit vibrante des quinze cents âmes stupéfiées, un son naît, une résonnance voilée, une sonorité atténuée, emmêlée, dispersée, un mystique résonnement, — inlocalisable, — une intimement chaude mélodie, qui monte, qui s’enfle, et qui dans l’air invisible flotte, portant la pré-sensation des futurs tressaillements du Drame. — Ainsi le Drame se lève : — un rideau s’entrouvre, et, dans le fond, — saillant d’un cadre lointain, noir, obscur, vague, et indistinct, — un paysage apparaît, que nous attendions, et les hommes y sont, dont la vie, en nous inconsciemment vécue déjà, se va en nous revivre évidemment ; — tandis que, parmi l’angoisse des vivantes passions, des désespoirs, des joies, et des extases qui se poussent et s’appellent, parmi l’inéluctable empoignement des très réelles émotions, peu à peu nous descend, insensiblement et nécessairement, l’Explication, l’Idée, la Loi, le prodigieux troublement de l’Unité dernière, comprise.
Il les compare à des pièces de musique qui manquent de l’unité de mélodie : « Les gens de lettres ressemblent trop à la musique sans unité. » Pour lui, dans toute cette première partie de sa vie, et quand on le surprend comme je l’ai pu faire, grâce à cette masse de témoignages de sa main, dans l’intimité de sa méditation et de son intelligence, on le reconnaît et on le salue tout d’abord (indépendamment de ses erreurs) un grand harmoniste social, un esprit qui a sincèrement le désir d’améliorer l’humanité et d’en perfectionner le régime ; qui a en lui, sinon l’amour qui tient à l’âme et aux entrailles, du moins le haut et sévère enthousiasme qui brille au front de l’artiste philosophe pour la grande architecture politique et morale. […] Rien de tout cela n’adoucissait ni ne guérissait cette âme, dont je surprends encore à cette date le cri douloureux, échappé du sein même de la puissance : Ils me recherchent !!! […] Il vous fait ressouvenir de ce mot, qui est de lui, mais qu’au milieu de toutes ses lumières il n’a pas assez réalisé par son exemple : « Il est des sciences qui tiennent à l’âme autant qu’à l’esprit. » Pourtant sa mémoire devra gagner considérablement à la publication de ses œuvres secrètes et de ses papiers : Sieyès y apparaîtra non seulement à titre de haute puissance intellectuelle, mais à titre d’homme qui a sincèrement voulu pendant longtemps l’amélioration des hommes38.
» Voyez enfin la scène du billet par lequel elle se donne à lui, corps et âme, et qui le foudroie de plus belle, qui le fait tomber sous ce pied qui le roule dans la fange et qui l’y maintient jusqu’au moment (car il faut bien que les romans finissent) où une autre femme, la sienne, et son enfant, l’arrachent à cette domination honteuse, si longtemps subie, pour le faire mourir de désespoir ! […] Et, véritablement, si effacés, si énervés que nous soyons dans les dernières passions qui nous restent, ce n’est pas encore un fait ordinaire — une habitude dans nos mœurs — que cette commisération conjugale qui fait reprendre à un mari sa femme l’âme pleine d’un homme qui n’est pas le premier, mais le second, qu’elle ait mis dans son cœur. […] » et qui se tourne en hennissant vers Paris, l’abreuvoir de toutes les soifs de son âme, — ce vis-à-vis se serait enflammé des passions des deux personnages, nature et plus grands que nature, — car il faut faire, dans les romans, plus grand que nature, contrairement aux basses théories de la littérature d’à présent !
Chacun, s’observant à l’approche d’un si profond observateur, avait lieu de trembler que ses manies ne se décelassent à la subtilité de son esprit, et sentait qu’un œil si prompt à sonder l’intérieur des âmes en surprenait les plus secrets mystères. […] » Cette réponse touchante n’a pu sortir que d’un cœur doué de toutes les délicatesses de l’amour, et fait éclater la justesse infinie de sa raison : il suffit de la connaître pour aimer ce sage autant qu’on l’admire, elle révèle son âme socratique toute entière. […] Cette condition indispensable est le ridicule, dont la comédie n’a pas moins besoin pour exister, que la tragédie n’a besoin de la terreur et de la pitié qui en sont l’âme, et que les corps organisés n’ont besoin de la vie pour respirer et se mouvoir. […] « Dès qu’on sait que l’on peut remplir tous ses désirs, « Qu’on en a les moyens, notre âme est satisfaire. […] « Enfin ce que le monde a de plus précieux, « Mon coffre le renferme, et je l’ai sous les yeux, « Sous ma main ; et, par là, l’avarice qu’on blâme « Est le plaisir des sens et le charme de l’âme.
Voici le texte arrangé de l’édition de 1825 : Cependant mon père était recherché par ce qu’il y avait de meilleure compagnie dans la province ; il était de toutes les fêtes, convive aimable et plein d’enjouement ; avec cela un esprit nerveux, une âme forte, le cœur aussi courageux que l’esprit ; de la finesse dans les aperçus, de la justesse dans le discernement ; peut-être ne se reconnaissait-il pas lui-même, il ignorait la porté de son génie.
Je crois qu’il serait injuste d’imputer le scepticisme réel aux principaux éclectiques de l’école : ils ont sur deux ou trois points des convictions, des principes ; ils ont foi intellectuellement à la liberté humaine et au spiritualisme de l’âme ; mais, à part ces quelques points, le reste est court et le symbole intérieur pourrait sembler bien flottant.
La séance publique avait lieu le soir dans une salle improvisée sous la halle : Six mille âmes et plus qui saluent la croix Étayée de six évêques, Deux cents chanoines alignés, Musique de messieurs, musique de soldats, Et le prêtre au milieu.
si parfois une femme, Pensive, en les lisant, à la fuite du jour, Sent son œil qui se mouille et son cœur qui s’enflamme A tes récits d’amour ; Si, parmi les amis qu’a chéris ton enfance, Un seul peut-être, un seul qui t’aurait oublié, Y trouve avec bonheur quelque ressouvenance D’une ancienne amitié ; Ou, si d’enfants chéris une troupe rieuse Qu’amusent tes récits, que charment tes accents, En t’écoutant, devient meilleure et plus joyeuse, Et t’aime pour tes chants : Ce rêve est assez beau pour enivrer ton âme !
Les belles formes en tout genre plaisaient à leurs yeux ; mais leur âme n’était point avertie par une scrupuleuse délicatesse des égards qu’on doit observer.
C’est ce qui fait aussi que la plus belle poésie puisse se contenter du langage de tout le monde et de tous les jours, et qu’« une douzaine de mots ordinaires, assemblés d’une façon ordinaire9 », puissent ravir l’âme et la pénétrer jusqu’au fond.
C’était aussi le temps où, ces jouets de l’âme, Tes romans s’effeuillaient sur des genoux de femme, Et laissaient à leurs sens, ivres du titre seul, L’indélébile odeur de la fleur du Tilleul !
Edmond Biré Victor de Laprade a créé une forme nouvelle de poésie lyrique, c’est la Symphonie, où tous les rythmes, tous les mètres, toutes les voix, la voix de l’homme et celles de la nature, concourent à un même but : véritable poème lyrique qui ne saurait, sans doute, entrer en comparaison avec les grandes compositions de l’art musical, ni pour l’harmonie savante, ni pour le charme et l’éclat de la mélodie, mais qui a cette supériorité sur elles de traduire avec une admirable clarté les pensées et les sentiments de l’âme.
— Un esclave de la chimie, un homme de lettres aux ordres d’essences et de sucs colorants, qui a, pour toucher les oreilles de l’âme, du bitume et du blanc d’argent, de l’outremer et du vermillon.
Joignez-y l’indigence et ces infortunes de l’âme dont la religion est le seul remède, et vous aurez tout le sujet du poème.
ce vin grec me réjouit l’âme.
Le roman actuel, si mal nommé Mémoires de Hollande 24, parce que l’action s’y passe en 1630, n’a rien de cette fleur d’âme qui est tout madame de la Fayette.
La constance d’âme que donne et assure l’étude de la sagesse philosophique pouvait-elle lui permettre de supposer tant de légèreté, tant de mobilité dans les dieux et les héros ; de montrer les uns, sur le moindre motif, passant du plus grand trouble à un calme subit ; les autres, dans l’accès de la plus violente colère, se rappelant un souvenir touchant, et fondant en larmes84 ; d’autres au contraire, navrés de douleur, oubliant tout-à-coup leurs maux, et s’abandonnant à la joie, à la première distraction agréable, comme le sage Ulysse au banquet d’Alcinoüs ; d’autres enfin, d’abord calmes et tranquilles, s’irritant d’une parole dite sans intention de leur déplaire, et s’emportant au point de menacer de la mort celui qui l’a prononcée.
Cette excursion fut féconde pour sa jeune âme ; mille tableaux s’y gravèrent, mille couleurs la remplirent. […] Weiss, cet ami d’enfance, bibliographe comme Nodier, et, qui plus est, homme d’imagination comme lui, l’un des derniers de cette franche et docte race provinciale à la façon du xvie siècle, héritier direct des Grosley et des Boisot, l’excellent Weiss est resté dans sa ville natale comme un exemplaire déposé de la vie première et de l’âme de son ami, un exemplaire sans les arabesques et les dorures, mais avec les corrections à la main, avec les marges entières précieuses, et ce qu’on appelle en bibliographie les témoins. […] Il était impossible de toucher un tel portrait à la Sterne avec une plus gracieuse et, pour ainsi dire, affectueuse ironie : « Ce qui faisait sourire l’esprit, conclut-il, dans les innocentes manies du chevalier, faisait en même temps pleurer l’âme. […] La parole est la voix de l’âme, Elle vit par le sentiment ; Elle est comme une pure flamme Que la nuit du néant réclame185 Quand elle manque d’aliment.
D’ailleurs la familiarité engendre la sympathie ; on ne peut guère rester froid devant l’angoisse d’un pauvre homme, à qui, depuis vingt ans, l’on dit bonjour en passant, dont on sait la vie, qui n’est pas pour l’imagination une unité abstraite, un chiffre de statistique, mais une âme en peine et un corps souffrant. — D’autant plus que, depuis les écrits de Rousseau et des économistes, un souffle d’humanité chaque jour plus fort, plus pénétrant, plus universel, est venu attendrir les cœurs. […] Dans toute cette contrée, auberges exécrables ; impossible d’y louer une voiture, tandis qu’en Angleterre, même dans une ville écartée de deux mille à quinze cents âmes, on trouve des hôtels confortables et tous les moyens de transport ; c’est la preuve qu’en France « la circulation est nulle ». […] « La pitié la plus active remplissait les âmes : ce que craignaient le plus les hommes opulents, c’était de passer pour insensibles. » (Lacretelle, Histoire de France au XVIII e siècle, V, 2.) […] , liv. 2, chap. 2, 182. — Lettre du bailli de Mirabeau du 25 août 1770. « Cet ordre féodal n’était que fort, et ils l’ont appelé barbare, parce que la France, qui avait les vices de la force, n’a plus que ceux de la faiblesse et que le troupeau, qui était autrefois dévoré par les loups, l’est aujourd’hui par les poux… Trois ou quatre coups de pied ou de bâton ne nuisent pas tant à la famille d’un pauvre homme, ni à lui-même, que six rôles d’écritures qui le dévorent. » — « La noblesse, disait déjà Saint-Simon, est devenue un autre peuple qui n’a d’autre choix que de croupir dans une mortelle et ruineuse oisiveté qui la rend à charge et méprisée, ou d’aller se faire tuer à la guerre à travers les insultes des commis, des secrétaires d’État et des secrétaires des intendants. » Voilà les réclamations des âmes féodales Tous les détails qui suivent sont tirés de Saint-Simon, Dangeau, Luynes, Argenson et autres historiens de la cour.
Les âmes n’ont pas été vainement agitées par de pareilles secousses. Tant d’existences bouleversées ; tant de vieilles institutions jetées à bas ; tant d’exemples éclatants des vicissitudes de la fortune ; un lieutenant d’artillerie devenu empereur, presque maître du monde, et, après cette prestigieuse épopée, allant s’éteindre misérablement dans une île perdue de l’Océan ; des rois décapités, détrônés, chassés, remplacés par des fils d’aubergistes et des officiers d’aventure ; l’Europe entière partagée, remaniée, des populations entières passant d’un maître à l’autre comme un bétail ; voilà certes un amas de choses tragiques qui trouble, étonne, force à réfléchir, à s’interroger, à scruter les mystérieux replis de l’âme et de la société humaines, à chercher les ressorts secrets, les causes obscures des événements. […] Mais aussi et surtout, si l’on pénètre jusqu’à l’âme des œuvres en qui le souffle populaire se fait sentir, quel élargissement ! […] En ces cas-là, elle peut créer des poètes et des orateurs comme des héros ; elle peut, dans un accès de fièvre et d’enthousiasme, faire jaillir du cœur d’un poète de rencontre un de ces chants vibrants où frémit l’âme d’un peuple prêt aux derniers sacrifices ; elle peut inspirer à un capitaine quelqu’une de ces harangues ou proclamations qui semblent sonner la charge.
Pour se mettre tout entier à une telle œuvre en dérobant son nom, en ne citant que ceux des personnes à qui l’on a obligation de quelque secours et communication bienveillante ; pour se résoudre à aborder sur son chemin tous les auteurs quelconques qui ont écrit, les ennuyeux, les épineux, les scolastiques, les sages, les menteurs, les frivoles, et ceux qui édifient et ceux qui scandalisent ; pour s’engager à rendre de tous un compte honnête, scrupuleux et impartial, en vue de l’exactitude et même de la charité, il fallait avoir un zèle et une candeur primitive qui n’est pas étrangère à l’âme des vrais et purs studieux, mais que la religion ici consacrait et arrosait pour ainsi dire d’une douceur et, je ne crois pas profaner ce mot, d’une bénédiction secrète. […] Elle dit tout cela avec feu, avec pathétique, et de manière à persuader les bonnes âmes.
Jugé digne de succéder à Buffon pour son fauteuil à l’Académie française, choisi pour son médecin par la reine Marie-Antoinette, Vicq d’Azyr embrasse dans sa courte et brillante carrière tout l’espace qui fut accordé à ce règne de Louis XVI depuis Turgot jusqu’au 21 janvier : après en avoir partagé et secondé dans sa mesure toutes les réformes et les espérances, il survit peu à cette ruine, à celle des académies dont il était membre, et de la société savante dont il était l’âme ; il périt comme une victime morale, sous une impression visible de deuil et de terreur. […] L’un instruit l’enfance, il forme la jeunesse ; l’autre parle à l’homme, dont il élève l’âme et dont il fortifie la raison.
Quant à Bussy, il se croit poète quand il a fait un méchant couplet de sarabande : De tout côté On vous désire ; Mais quand vos yeux ôtent la liberté, On veut aussi que votre âme soupire, etc. […] Bussy, au contraire, était un ambitieux et un courtisan qui avait imprudemment barré sa fortune, et qui le sentait et qui en souffrait ; c’était une âme inquiète et vaine, qui ne trouvait pas en elle les ressources pour se consoler.
On voudrait que, dans tout résultat d’étude littéraire, l’idée morale dominât ou, du moins, entrât pour quelque chose, que l’intérêt humain y eût sa part, et que l’âme de celui qui cherche s’adressât de temps en temps par quelque reflet à l’âme de celui qui ne demande pas mieux que de le suivre.
Son histoire, il est vrai, ne nous exprime pas seulement son talent, elle nous déclare son âme. […] Sa grande préoccupation fut toujours de trouver, d’atteindre le point d’appui intérieur, et là où d’autres ne voyaient qu’un fait, une modification ou tout au plus un centre de gravité instable et mobile, de sentir, lui, un centre fixe, un point essentiel, indivisible, indestructible, animé, une cause vive, une monade, une âme.
Aimer d’un haut amour platonique comme Dante et Michel-Ange n’appartient qu’à une âme forte ; aimer comme Pétrarque sa Laure est d’une âme encore adorable et charmante.
Le noble vieillard était flatté de se voir si compris et si adoré par une femme d’esprit et de vertu, qui avait encore des restes de beauté, et dont le mari, ne l’oublions point (car Buffon était sensible à ces choses), tenait une si grande place dans l’État : « Mon âme, lui écrivait-il galamment, prend des forces par la lecture de vos lettres sublimes, charmantes, et toutes les fois que je me rappelle votre image, mon adorable amie, le noir sombre se change en un bel incarnat. » Il a le cœur en presse, dit-il, la veille du jour où il doit l’aller voir ; mais s’il l’attend chez lui, elle, en visite, à Montbard, que sera-ce ? […] Fixez de grâce mon âme incertaine qui vole au-devant de votre volonté.
Ces vendeuses de pommes dont il parle de ce ton de mépris sur l’article de la conversion, n’ont-elles donc pas des âmes, et des âmes respectables aux yeux du chrétien, autant que d’autres ?
Puisque le désordre était surtout dans les esprits, pourquoi ne s’être pas proposé de l’y combattre, de le guérir à sa source, pour ainsi dire, au moment où il s’empare des âmes ardentes et vacantes de la jeunesse ? […] Même pour les plus honnêtes gens, la politique n’est pas une œuvre de saints ; elle a des nécessités, des obscurités que, bon gré, mal gré, on accepte en les subissant ; elle suscite des passions, elle amène des occasions de complaisance pour soi-même auxquelles nul, je crois, s’il sonde bien son âme après l’épreuve, n’est sûr d’avoir complètement échappé ; et quiconque n’est pas décidé à porter sans trouble le poids de ces complications et de ces imperfections inhérentes à la vie publique la plus droite fera bien de se renfermer dans la via privée et dans la spéculation pure. » Quoi qu’il en soit, on vit là un de ces beaux duels où l’appétit des ambitions et la passion du jeu firent taire la prudence.
Il se donna à l’enfant, le nourrit de son âme… « Éducation très hasardeuse, peu saine assurément, qui ne put qu’augmenter la fermentation d’une nature passionnée. […] Fénelon admire ce scrupule d’une âme si timorée, répond en s’écriant : « Oh !
N’était-ce pas là véritablement une révélation au sein de la morale humaine, et si l’on y joint ce qui ne saurait se séparer, l’ensemble d’une telle vie passée à bien faire et de cette prédication de trois années environ, couronnée par le supplice, n’est-il pas exact de dire que ç’a été un « nouvel idéal d’une âme parfaitement héroïque » qui, sous cette première forme à demi juive encore et galiléenne, a été proposé à tous les hommes à venir ? […] On a recueilli des passages de textes où est recommandée cette « charité envers le genre humain » ; et c’est pour de semblables pensées sans doute qu’Érasme penchait fort à croire l’âme de Cicéron sauvée et à la mettre avec les bienheureux dans le Ciel.
« Sublime miroir de pensées sincères, montre-moi en corps et en âme tel que je suis : — cheveux maintenant rares au front, et tout roux ; — longue taille, et la tête penchée vers la terre ; — un buste fin sur deux jambes minces ; — peau blanche, yeux d’azur, l’air noble ; — nez juste, belles lèvres et dents parfaites ; — plus pâle de visage qu’un roi sur le trône ; — tantôt dur, amer, tantôt pitoyable et doux ; — courroucé toujours, et méchant jamais ; — l’esprit et le cœur en lutte perpétuelle ; — le plus souvent triste, et par moments très gai ; — tantôt m’estimant Achille, et tantôt Thersite. — Homme, es-tu grand ou vil ? […] Certes, cet homme de haut talent et, jusqu’à un certain point, de génie, de noble aspect et « d’une figure avantageuse » (ainsi en parlent ceux qui l’ont vu et qui ne songeaient point à faire, comme aujourd’hui, des caricatures à tout propos) ; cet homme à l’âme ardente, élevée, d’un esprit libre, d’un caractère indépendant et fier, qui n’avait pu se plier à la vie de Turin, et qui n’hésita pas, en renonçant à son pays, à sacrifier les deux tiers de sa fortune pour se mieux dévouer à l’objet de son culte ; le poète qui, dans la Dédicace de Myrrha, s’étonnant d’avoir tant tardé à nommer publiquement celle qui l’inspire, lui disait : « Ma vie ne compte que depuis le jour qu’elle s’est enlacée à ta vie » ; un pareil homme méritait que la comtesse d’Albany, déçue et frappée dans sa destinée, crût elle-même s’honorer par un tel choix, et ne pas perdre, même aux yeux du monde, en échangeant royauté contre royauté.
Un peu plus loin, le futur moraliste s’annonce : « J’aime, dit-il, que la morale fasse la plus grande partie de la conversation » ; et il ajoute : « J’aime surtout la lecture qui peut façonner l’esprit et fortifier l’âme. » Et ailleurs : « J’aime à lire avec une personne d’esprit ; car, de cette sorte, on réfléchit à tout moment à ce que l’on lit. » Aimer la lecture pour le profit, attacher à tout ce qu’on lit une réflexion, cela n’est pas non plus d’un homme d’action ; ni ceci : « Je suis passionné dans la discussion. » Trait caractéristique des spéculatifs. […] Oui, ce qui fait vivre les Maximes de la vie des œuvres du génie, c’est la vérité, cette âme immortelle de tous les ouvrages du dix-septième siècle.
Avez-vous remarqué que l’azur du ciel parle mieux à l’âme dans les villes et que les fleurs y sont plus émouvantes ? […] Le dandysme veut une âme ferme à l’abri des à-coups de passion et ne s’accommode point de mouvements impétueux.
En recommençant après ces affreuses crises, il est plus limité, j’en conviens ; la verte lande où l’on peut errer en promenant ses pensées et en cherchant l’inspiration imprévue est plus étroite ; elle ne s’étend que peu à peu et à mesure que la tranquillité renaît dans les cités et dans les âmes. […] Ainsi le corps de ce prince choisi a été sain et sauf, pendant que l’âme s’est dégradée.
Son spiritualisme a plus d’âme… N’importe ! […] Je ne m’occupe pas de ces inconséquentes et risibles pusillanimités d’âmes éprises.
S’ils sont descendus dans l’âme d’une fille ou d’un criminel, ç’a été pour y chercher l’âme elle-même et l’humanité.
De larges teintes, une plénitude de ton qui pousse à l’impression de l’ensemble, des ondées de lumière et d’ombre, des nuances uniques dans l’épaisseur des feuillages et dans la profondeur des lointains, nuances devinées et pressenties, qu’un œil vulgaire ne discernerait pas dans la nature, qui ne se révèlent qu’à la prunelle humide de larmes, et qui nous plongent en de longues et ineffables rêveries durant lesquelles nous nous mêlons à l’âme du monde.
Alphonse de Lamartine Bien qu’André Chénier, dans son volume de vers, ne soit qu’un Grec du paganisme et, par conséquent, un délicieux pastiche, un pseudo-Anacréon d’une fausse antiquité, l’élégie de la Jeune Captive avait l’accent vrai, grandiose et pathétique de la poésie de l’âme.
L’empire prétendu des âmes s’est montré à diverses reprises comme une affreuse tyrannie, employant pour se maintenir la torture et le bûcher.
Par quel prodige les mêmes hommes, comme autant de maîtres Jacques, pourraient-ils avoir non seulement d’autres dehors, mais d’autres idées, d’autres sentiments, une autre âme, en passant d’un domaine à un autre domaine de l’activité humaine ?
Avec l’abolition totale de cette activité, voici abolie, avec l’objet qui se reflétait dans la conscience, l’activité elle-même de la conscience où plus rien n’apparaît, Nietzsche s’est élevé avec force dans son Zarathoustracontre ces purs contemplatifs, contre ces dévots « de l’immaculée connaissance » qui se posent devant la réalité objective ainsi que des miroirs aux cent faces et ne veulent être que des reflets, renonçant, pour mieux connaître, à se mêler aux acteurs du drame phénoménal et retranchant de leur âme toute passion et tout désir.
Il semble que l’âme de La Fontaine n’attend que les occasions de s’ouvrir à tout ce qui peut être intéressant.
S’il fut jamais un siècle propre à fournir des traducteurs d’Homère, c’était sans doute celui-là, où non seulement l’esprit et le goût, mais encore le cœur, étaient antiques, et où les mœurs de l’âge d’or ne s’altéraient point en passant par l’âme de leurs interprètes.
» Hector ne répond point ; mais du fond de son âme, Tirant un long soupir : « Fuis les Grecs et la flamme, Fils de Vénus, dit-il, le destin t’a vaincu ; Fuis, hâte-toi, Priam et Pergame ont vécu.
Quoiqu’il n’ait point, nous l’avons dit, cette puissance d’imagination qui n’aurait pas accepté la honte d’une théorie faite contre elle, quoique ce volume ait besoin d’être racheté par un livre meilleur, il y a cependant çà et là, et particulièrement dans les Souffrances du professeur Delteil, le morceau capital du recueil des Contes d’Été, quelques accents de sentiment qu’on voudrait plus longtemps entendre et qui disent que l’âme d’un talent se débat sous toutes ces banalités et ces insignifiances de détail.
Toutes les nations païennes se sont accordées à croire que les âmes allaient errantes autour des corps laissés sans sépulture, et demeuraient inquiètes sur la terre ; que par conséquent elles survivaient aux corps, et étaient immortelles.
La métaphysique détache l’âme des sens ; la faculté poétique l’y plonge pour ainsi dire et l’y ensevelit ; la métaphysique s’élève aux généralités, la faculté poétique descend aux particularités. — 12.
Nous sommes sérieux toutes les fois que les facultés de notre âme sont dirigées vers quelque but14. Quand ce but concentre tellement toutes nos forces intellectuelles et morales, qu’en dehors de lui nous n’avons ni sentiment, ni activité pour rien, alors le sérieux nous domine et nous possède exclusivement, et quand ce but est un objet infini, l’accomplissement d’un devoir sublime ou la satisfaction d’une passion profonde, alors l’état de notre âme est tragique. […] Si l’âme ne se fait belle, elle n’aperçoit point la beauté, a dit Plotin ; j’ajoute : Si l’âme ne se fait poétique, elle n’aperçoit point la poésie. […] Elle n’est plus dans l’âme du poète, elle est dans les caractères et dans les situations qu’il représente30.
Bien entendu que cette théorie du changement s’applique à l’esprit, mais non au cœur ; que le changement doit être désintéressé et non vénal ; que tout changement qui consiste à abandonner une cause vaincue parce qu’elle est vaincue est une lâcheté ; que tout changement qui consiste à s’allier à une cause victorieuse parce qu’elle est victorieuse est une abjection de caractère ; que changer par ambition, c’est une suspicion légitime de vice ; que changer par cupidité de fortune, est une vénalité du cœur qui déshonore la vérité même ; que changer d’amis quand la fortune les trahit, est une versatilité d’affection qui prouve la courtisanerie de l’âme. […] « J’emploierai donc, disais-je à ces amis, ma première jeunesse à la poésie, cette rosée de l’aurore au lever d’un sentiment dans l’âme matinale ; je ferai des vers, parce que les vers, langue indécise entre ciel et terre, moitié songe moitié réalité, moitié musique moitié pensée, sont l’idiome de l’espérance qui colore le matin de la vie, de l’amour qui enivre, du bonheur qui enchante, de la douleur qui pleure, de l’enthousiasme qui prie. « Quand j’aurai chanté en moi-même et pour quelques âmes musicales comme la mienne, qui évaporent ainsi le trop-plein de leur calice avant l’heure des grands soleils, je passerai ma plume rêveuse à d’autres plus jeunes et plus véritablement doués que moi ; je chercherai dans les événements passés ou contemporains un sujet d’histoire, le plus vaste, le plus philosophique, le plus dramatique, le plus tragique de tous les sujets que je pourrai trouver dans le temps, et j’écrirai en prose, plus solide et plus usuelle, cette histoire, dans le style qui se rapprochera le plus, selon mes forces, du style métallique, nerveux, profond, pittoresque, palpitant de sensibilité, plein de sens, éclatant d’images, palpable de relief, sobre mais chaud de couleurs, jamais déclamatoire et toujours pensé ; autant dire, si je le peux, dans le style de Tacite ; de Tacite, ce philosophe, ce poète, ce sculpteur, ce peintre, cet homme d’État des historiens, homme plus grand que l’homme, toujours au niveau de ce qu’il raconte, toujours supérieur à ce qu’il juge, porte-voix de la Providence qui n’affaiblit pas l’accent de la conscience dont il est l’organe, qui ne laisse aucune vertu au-dessus de son admiration, aucun forfait au-dessous de sa colère ; Tacite, le grand justicier du monde romain, qui supplée seul la vengeance des dieux, quand cette justice dort ! […] En poésie, je n’ai été qu’une main novice qui fait rendre par un attouchement léger quelques accords à un instrument à cordes dont le doigté n’est pas une vraie science, mais une inhabile improvisation de l’âme. […] Je me souviens des scènes, des accents, des physionomies, des gestes, qui jetaient presque tous les jours une lumière véritablement sinistre sur les fissures volcaniques de ces âmes de feu dissimulées sous des visages stoïques.
Mais chez Laprade le symbole moral perce à demi transparent et donne à cette poésie gracieuse un sens intime et toute une âme.
Guy Patin accourait, et d’un éclat soudain Faisait rire l’écho jusqu’au bout du jardin, Soit que, du vieux Sénat l’âme tout occupée, Il poignardât César en proclamant Pompée, Soit que de l’antimoine il contât quelque tour.
Vinet n’a pas eu le même bonheur que Topffer ; il a vu son cher pays en proie aux violents, la culture de quinze années détruite en un jour, ses meilleurs amis dispersés ; il a bu tout le calice d’amertume dont était capable sa nature tendre, et il est à croire que, tout en sentant qu’il en souffrait et qu’il en mourait, sa belle âme en tirait un nouveau sujet de rendre grâces et de bénir.
Si madame Roland et madame de Staël réussirent dans une telle carrière, elles durent leurs succès à une certaine virilité d’âme dont les avait douées la nature.
Décidément, doué d’une âme d’artiste, et pressé de la produire, tour à tour peintre, sculpteur, graveur, c’est-à-dire toujours poète, il semblait essayer tous les langages imparfaits de la poésie, comme s’il n’en trouvait aucun d’assez expressif et qui lui allât à son gré.
En revanche, les âmes jeunes ou naïves sont très facilement touchées par la rhétorique, et elles en font elles-mêmes très facilement usage.
cette œuvre si douloureusement réclamée et souhaitée, la voici, étrange, originale, nouvelle, puissamment créée, jaillie comme l’éclair, écrite en vers larges, ingénieux, curieux, étincelants des ors, des pierreries et des inépuisables richesses de la rime, et en même temps exprimant nos doutes, nos angoisses, notre inextinguible appétit de la lumière et de joie, et l’hymne à la Beauté, qui, vainement étouffée et comprimée, s’échappe irrésistiblement de nos âmes.
Lafargue (qui, lui, avait une âme lyrique) a laissé un très petit nombre de poèmes, d’une singulière brièveté et dont chacun forme un petit monde distinct.
Une réserve : Qu’est-ce qu’une biographie, si ce n’est l’histoire d’une âme ?
Le cerveau de Charles Demailly, le caractère de Renée Mauperin, l’instinct de Manette Salomon, l’âme de Germinie Lacerteux existent.
Car non seulement il a, en quelque sorte, charge d’âmes, mais aussi et surtout, en qualité de penseur, d’artiste, de citoyen, d’homme, il a son rôle à jouer dans la bataille des idées, dans le conflit des écoles, dans la lutte des différents genres de beauté.
Ces âmes ne reprendront point leurs corps au jour de la résurrection ; elles les traîneront dans l’affreuse forêt pour les suspendre aux branches des arbres, auxquelles elles sont attachées.
— Bien dit, ma femme, ajouta le bargello ; il y en a beaucoup eu dans cette geôle qui n’y seraient jamais entrés s’ils avaient trouvé une âme compatissante sur leur chemin, un soir de fête dans Lucques. […] De temps en temps je m’arrêtais, l’espace d’un soupir seulement, pour écouter si l’air roulait bien entre les hautes murailles qui faisaient de la cour comme un abîme de rochers, et pour entendre si aucun autre bruit que celui de l’écho des notes ne trahissait une respiration d’homme au fond du silence ; puis, n’entendant rien que le vent de la nuit sifflant dans le gouffre, je menais l’air, de reprise en reprise, jusqu’au bout ; quand j’en fus arrivée à cette espèce de refrain en soupirs entrecoupés, gais et tristes, par quoi l’air finissait en laissant l’âme indécise entre la vie et la mort du cœur, je ralentis encore le mouvement de l’air et je jetai ces trois ou quatre soupirs de la zampogne, bien séparés par un long intervalle sous mes doigts, comme une fille à son balcon jette, une à une, tantôt une fleur blanche détachée de son bouquet, tantôt une fleur sombre, et qui se penche pour les voir descendre dans la rue et pour voir laquelle tombera la première sur la tête de son amoureux. […] — Est-ce que tu n’aimerais pas mieux, mon pauvre garçon, continua-t-elle, entrer en service chez des braves gens que de courir ainsi les chemins, au risque d’y perdre ton âme à vendre du vent aux oisifs des carrefours ?
Effectivement et pratiquement parlée des Alpes aux Pyrénées, dans ses divers dialectes, par des millions d’hommes, support et expression d’une sensibilité, d’une âme particulière, elle n’a cessé, même aux époques où le sens de sa destinée s’est le plus obscurci, d’être véritablement écrite. […] Son âme, comprimée par les doigts de la vie, laisse jaillir des rêves comme des jets d’eau vers l’azur. […] Chaumié jouait alors beaucoup plus qu’à notre époque : car il y a beaucoup plus de chances de trouver un poète, sur cent mille âmes parlant français, que sur dix mille ou sur mille.
On est alors obligé de les concevoir comme subsistant dans l’esprit même, dans l’âme, sous une forme inconsciente ; mais comment une idée, dont toute l’existence à nous connue consiste précisément à être un état de conscience, peut-elle être conçue comme inconsciente ? […] De plus, l’« âme » est par définition un « être simple », et cet être prétendu simple devient par la mémoire une sorte de réceptacle et de magasin, comme celui que saint Augustin décrit éloquemment, ou l’on admet la présence « latente » des idées ; on introduit ainsi dans l’âme une multiplicité indéfinie d’images, on place en elle le pendant de toute la variété qui vient se peindre dans le cerveau : champs, maisons, villes, mers, ciel ; dès lors, à quoi bon surajouter à l’organisme vivant un être nouveau qui n’est que le double de cet organisme ?
Mais de quelle mélancolie Il frappe et saisit tous les cœurs, Lorsqu’attristant notre âme, et sombre, et recueillie, Au cercueil d’Henriette il invoque nos pleurs ! […] Du jeune Enghien à la grande âme Comme il suit tous les pas, de carnage fumants ! […] Ces murs, encor noircis d’un deuil religieux, Répétèrent souvent ses cantiques pieux ; Elle-même attachoit aux pilastres antiques D’un saint ou d’un martyr les modestes reliques, Dans cet étroit enclos cultivoit quelques fleurs, Image de son âme et de ses chastes mœurs.
On sent bien que La Fontaine ne tient pas à lier conversation, et à déshabiller l’âme des personnages qu’il rencontre, comme le faisait Stendhal. […] Du reste, ne m’en demandez rien de particulier, car, pour parler franchement, je l’entretins peu, et de choses indifférentes ; bien résolu, si nous eussions fait un plus long séjour à Châtellerault, de la tourner de tant de côtés que j’aurais découvert ce qu’elle a dans l’âme, et si elle est capable d’une passion secrète. […] Il a aimé les considérer, il s’est trompé souvent sur leur véritable complexion, mais il a aimé les observer, voir leur physionomie, leurs gestes, comprendre leur petite âme par leurs gestes et leur physionomie.
Quel joli portrait de lui on ferait, onctueux, brillant, transparent, avec son œil clair et félin, miroir de l’âme ! […] LI J’ai fait autrefois ce vers, et j’ai eu raison : Lamartine ignorant, qui ne sait que son âme ! […] Elle n’était pas belle, ni même agréable ; blonde, un peu sur le roux, parlant peu, ayant l’air d’être toujours dans les espaces ; mais elle avait de l’âme, du feu, de l’imagination. […] Juge, il est l’âme des procès, des commissions ; il prend sur lui la responsabilité du premier avis qu’il donne toujours excellent. […] CLXXXI Il y a une infection de goût qui n’est pas compatible avec la droiture et l’honnêteté de l’âme.
A cette glorification, l’Académie française n’avait pas voulu rester étrangère et m’avait fait l’honneur de me désigner pour la représenter et pour apporter l’hommage des Lettres françaises à celui qui avait su exprimer si magnifiquement, dans le langage de France, l’âme tumultueuse tour à tour et méditative des Flandres. […] Elle nous apprend et nous découvre toute l’âme du poète en ses violences passionnées, en ses chimères généreuses, en ses visions grandioses et brutales, en ses intimes sensibilités. […] Il était d’âme délicate et de caractère désintéressé. […] Une fois là, vous aurez une charmante surprise et si vous avez l’âme quelque peu jardinière, vous serez enchanté. […] Je le regardais se poser, palpiter, s’envoler avec mille gentillesses ailées et il me semblait voir en lui l’âme aérienne d’un candidat académique s’exerçant de fleur en fleur à l’« art des visites ».
« Son âme a quinze ans, aussi est-elle facile à connaître ; elle est caressante, elle a vingt mouvements à la fois, et cependant elle n’est point inquiète. […] Ducis, vers le munie temps, écrivait à Thomas au retour d’une course dans les montagnes du Dauphiné, et plein encore de l’impression magnifique qu’il en avait rapportée : « Le poème des Jardins, dont vous me parlez avec tant de goût, avec le goût de l’âme qui est le bon, ne m’a point donné de ces émotions-là. » Un peu avant la publication et au sortir d’une séance de l’Académie où Delille avait lu des morceaux, le même Ducis écrivait : « Parlons un peu du poème des Jardins ; on ne peut pas se tromper sur le charme de la lecture. […] Dans les Amours de Psyché, La Fontaine a aussi décrit les merveilles naissantes de Versailles : les vers, le plus souvent techniques, sont parfois éclairés d’un reflet d’âme inattendu, que je ne retrouve pas à travers le bel esprit de Delille : L’onde, malgré son poids, dans le plomb renfermée, Sort avec un fracas qui marque son dépit, Et plaît aux écoutants, plus il les étourdit. […] C’est chose convenue d’en faire une seconde Thérèse Le Vasseur… Je l’ai bien connue, et jusqu’à sa mort, moi qui vous parle ici, monsieur, et dans ma vie entière déjà longue, je n’ai jamais rencontré son égale, cœur et âme ; ses dernières années se sont éteintes dans les plus amères épreuves, sans qu’un seul jour elle ait démenti le noble nom confié à son honneur ; mais, je l’avoue, elle avait les inconvénients de ses qualités, une franchise indomptable surtout, qui lui a valu la plupart de ses ennemis : l’ingratitude a fait les autres. — Je n’ai nul intérêt, monsieur, dans cette protestation posthume ; mais vous me paraissez digne de la vérité, et je viens de la dire. — Au reste, si vous teniez aux détails réels de la vie intime de Delille, je vous offre le manuscrit laissé par sa veuve… » Ce manuscrit nous a été communiqué, en effet, par la confiance de la personne qui l’a entre les mains, et nous en avons tenu compte dans cette réimpression.
Mais il y a un roman imaginaire dont les lecteurs se lassent bientôt, parce qu’il ne laisse rien dans l’esprit que des situations forcées et des combinaisons fantaisistes ; il faut une triple oisiveté dans l’âme pour persévérer dans le goût de cette espèce de roman. […] » Mais je n’avais plus la force de répondre, et seulement à la fin, nous étant assis l’un à côté de l’autre, je pris la montre et je dis : « Cette peinture, tante Grédel, représente deux amoureux qui s’aiment plus qu’on ne peut dire : Joseph Bertha et Catherine Bauer ; Joseph offre un bouquet de roses à son amoureuse, qui étend la main pour le prendre. » Quand la tante Grédel eut bien vu la montre, elle dit : « Viens que je t’embrasse aussi, Joseph ; je vois bien qu’il t’a fallu beaucoup économiser et travailler pour cette montre-là et je pense que c’est très-beau… que tu es un bon ouvrier et que tu nous fais honneur. » Je l’embrassai dans la joie de mon âme, et depuis ce moment jusqu’à midi, je ne lâchai plus la main de Catherine ; nous étions heureux en nous regardant. […] Mon âme était là-bas avec eux ; elle attendait en quelque sorte devant la poste avec la tante Grédel, elle retournait au village abattue, elle voyait Catherine dans la désolation. […] C’est alors que je me rappelai ces pauvres femmes de Phalsbourg qui priaient dans l’église à la grande retraite de Russie, et que je compris ce qui se passait dans leur âme !
Quelques mois plus tard, le voici qui défend le surréalisme, une « entreprise qui a le mérite de ne point vouloir être exclusivement littéraire » (« Voici Marcel Arland », Les Nouvelles littéraires, 15 novembre 1924) ; ce que Marcel Arland analyse comme « le nouveau mal du siècle », un surréalisme entaché d’un vague à l’âme encore romantique, devient « Le Bien du siècle » sous la plume de Crevel dans La Révolution surréaliste n°6, 1er mars 1926. […] Il n’endort pas ses fauves pour jouer au dompteur mais, toutes cages ouvertes, clés jetées au vent, il part, voyageur qui ne pense pas à soi mais au voyageck, aux plages de rêves, forêts de mains, animaux d’âme, à toute l’indéniable surréalité. […] Se suicident ceux-là qui n’ont point la quasi universelle lâcheté de lutter contre certaine sensation d’âme si intense qu’il la faut bien prendre, jusqu’à nouvel ordre, pour une sensation de vérité. […]/ J’ai voulu ouvrir la porte et n’ai pas osé. […] Ainsi le dualisme chrétien et philosophique prétend sauver l’âme de la mort totale, quand, aux yeux de l’auteur, dévalorisant le corps, mais incapable de renoncer aux bénéfices terrestres, il étouffe l’esprit.
Aussitôt le mariage célébré en Normandie entre Blanche et le fils de Philippe Auguste, Louis emmène sa chère moitié à Paris : Les deux époux étaient à peu près pareils en âge, de treize à quatorze ans, tous deux d’un esprit enclin à la piété, éloigné du vice, pur, ouvert et sans fiel, et en tout tellement semblables l’un à l’autre, que de ce parfait rapport et de cette mutuelle correspondance naquit entre eux deux un amour saint, qui fut désormais l’âme de l’un et de l’autre. […] Parlant de je ne sais quelles superstitions publiques et à grand fracas, venues d’Italie ou d’Avignon, il dira tout courant : « Ces spectacles inconnus aux âmes françaises… » Parlant des amours de la dame de Sauve, un des premiers aides de camp du brillant escadron de Catherine de Médicis, il la montrera « n’employant pas moins ses attraits pour les intentions de la reine que pour sa propre satisfaction ; se jouant de tous ses mourants avec un empire si absolu qu’elle n’en perdait pas un, quoiqu’elle en acquît toujours de nouveaux ».
J’en puis être juge compétent, vous ayant peinte en toute perfection dans mon âme, — dans mon âme, dans mon cœur, dans mes yeux.
Quelques erreurs ne doivent pas nous empêcher de lui payer un juste tribut d’admiration, de respect et surtout de reconnaissance ; car les hommes lui devront longtemps les doux plaisirs que procurent à une âme jeune encore les premiers regards jetés sur la nature, et les consolations qu’éprouve une âme fatiguée des orages de la vie en reposant sa vue sur l’immensité des êtres paisiblement soumis à des lois éternelles et nécessaires.
L’unité du livre de d’Aubigné, l’esprit et l’âme de sa composition, si on la cherche, est là, dans cette impression générale qui se marque en avançant. […] Je vous somme, au nom de Dieu, de ne nous frauder plus, ou je serai témoin contre vous en son Jugement. » Religion égarée, fanatisme opiniâtre sans doute, et sourd aux raisons de prudence et d’humaine sagesse ; appel, sous le nom du Christ, à la vengeance du sang par le sang ; générosité pourtant et grandeur d’âme, comme il en est en tout sacrifice absolu de soi : c’est ce qui respire en cette scène nocturne, digne des plus grands peintres, et d’Aubigné, qui en a senti toute l’émotion, nous l’a conservée et, on peut dire, nous l’a faite de manière à n’être point surpassé.
C’est alors que l’immense nature adopte cette unité de couleurs et cette régulière disposition d’ombres qui simplifient les formes, les lient en grandes masses, et leur donnent cet ensemble, cette harmonie, cette gravité qui reposent à la fois l’œil et l’âme… — soit que le crépuscule l’atteigne bien plus haut, redescendant à peine de sa seconde visite au Mont-Perdu, et qu’assis à l’extrémité d’une rampe il contemple la nuit s’élevant des profondeurs et montant lentement vers les sommets encore rougis des derniers rayons du soleil : Partout le crépuscule, dit-il, a quelque chose de touchant et de grave : dans les hautes montagnes, il a quelque chose de solennel. […] Son herbier, c’était bien, en effet, les mémoires les plus vifs et les plus parlants au cœur pour celui qui avait dit aux belles heures de sa jeunesse : « l’odeur d’une violette rend à l’âme les jouissances de plusieurs printemps ».
. — Le roi a donné à Lostange la confiscation des biens de son frère, qui est en fuite pour la religion5. » Puis, tout à côté, chez Dangeau, et sans qu’il y insiste, on a aussi l’idée des pertes que fait le royaume, et des résistances qu’on trouve en plus d’une âme : « Jeudi, 24 janvier 1686, à Versailles. — On eut nouvelles que du Bordage avait été arrêté auprès de Trelon, entre Sambre et Meuse : il voulait sortir du royaume avec sa famille. […] s’écriait l’orateur sacré en terminant, c’est pour cela même que vous multiplierez les jours de cet auguste monarque, et que vous le conserverez, non seulement pour nous, mais pour vous-même ; car, avec une âme aussi grande, avec une religion aussi pure, une religion aussi éclairée, avec une autorité aussi absolue que la sienne, que ne fera-t-il pas pour vous, après ce que vous avez fait pour lui ; et par quels retours ne reconnaîtra-t-il pas les grâces immenses que vous avez versées et que vous versez encore tous les jours sur lui ?
Sa grandeur d’âme, son habileté, son infatigable vigilance, sa supériorité sur ceux qui l’entouraient et dont il se servait utilement, tout cela était senti d’une manière directe et présente, bien autrement efficace qu’aujourd’hui l’histoire, à l’aide de ses pièces et de ses études, ne peut arriver à le reproduire et à le démontrer. […] Jung a très bien saisi ce caractère du talent de Henri IV, si l’on peut ainsi parler, et ce mélange de saillie spirituelle, d’imagination rapide et de cœur. « Pour moi, écrit Henri à la reine Élisabeth (15 novembre 1597), je ne me lasserai jamais de combattre pour une si juste cause qu’est la nôtre ; je suis né et élevé dedans les travaux et périls de la guerre : là aussi se cueille la gloire, vraie pâture de toute âme vraiment royale, comme la rose dedans les épines.
Et cependant il a tant d’esprit que Mlle de Scudéry conclut en lui pardonnant : Callicrate mourut peu de temps après cette fourbe, extrêmement regretté de tous ceux qui l’avaient connu, et même de celles qu’il avait le plus cruellement trompées, tant il est vrai que les rares qualités de son esprit faisaient excuser je ne sais quelle maligne vanité dont son âme était remplie. […] D’ailleurs Voiture n’avait d’Horace ni la justesse morale, ni l’élévation, ni le noble souci de l’immortalité et ce qui fait qu’on a droit à chanter son Exegi monumentum, rien de solide, ni même cette libéralité d’âme qui achève le goût, et qui fait qu’Horace, par exemple, en toute occasion, a parlé si honorablement de son père : Voiture, on le sait, était embarrassé du sien30.
C’est là que nous la trouvons au moment où la Révolution éclate : elle en fut témoin, une des patientes et des victimes, victime non immolée toutefois, et qui survécut assez pour être une des belles indignées qui se vengèrent par un récit où elles mirent leur âme. […] Le fait est que Laclos, l’auteur des Liaisons dangereuses, du moment qu’il fut devenu l’âme du parti d’Orléans, n’eut qu’à appliquer son art et sa faculté d’intrigue à la politique pour en tirer, dans un autre ordre, des combinaisons non moins perverses et vénéneuses.
L’âme publique du poëte n’est pas éveillée encore ; il lui fallut quelque temps pour s’orienter. […] Désormais il ne se dédoublera plus, et il est tout entier, tout cœur, toute âme et tout art, — tout calcul même si l’on veut, — dans le petit genre dont il fit ce qu’on a vu.
Quand j’avais, pendant des années, travaillé de toutes les forces de mon âme, afin de plaire au monde par un nouvel ouvrage, il voulait encore que je lui fisse, de plus, de grands remerciements parce qu’il avait bien voulu le trouver supportable. — Quand on me louait, je ne devais pas accepter ces éloges avec un contentement calme, comme un tribut qui m’était dû, on attendait de moi quelque phrase bien modeste, par laquelle j’aurais détourné la louange en proclamant avec beaucoup d’humilité l’indignité profonde de ma personne et de mes œuvres. […] Je croyais à Dieu et à la Nature, au triomphe de ce qui est noble sur ce qui est bas ; mais ce n’était pas assez pour les âmes pieuses… Et en politique, que n’ai-je pas eu à endurer !
Il a remarqué à propos du peintre d’Orient, Marilhat, que l’âme a sa patrie comme le corps, et que souvent ces patries sont différentes. […] Plus d’une m’a remis la clef d’or de son âme ; Plus d’une m’a nommé son maître et son vainqueur ; J’aime, et parfois un ange avec un corps de femme, Le soir, descend du ciel pour dormir sur mon cœur.
Je suis loin de croire, à l’exemple de quelques éloquents philosophes ou orateurs, que dans une grande âme tout est grand ; il y a souvent bien du mélange : mais je dis en même temps qu’il y a dans toute organisation de génie une résultante totale qui se dégage et à laquelle il faut s’attacher. […] Pitt est mort, mais l’âme de M.
Les écrivains du dix-huitième siècle renversent ce procédé : c’est de l’homme qu’ils partent, de l’homme observable et de ses alentours à leurs yeux, les conclusions sur l’âme, sur son origine, sur sa destinée, ne doivent venir qu’ensuite, et dépendent tout entières, non de ce que la révélation, mais de ce que l’observation aura fourni. […] Nous avons à faire l’histoire naturelle de l’âme, et nous la ferons comme toutes les autres, en écartant les préjugés, en ne tenant compte que des faits, en prenant pour guide l’analogie, en commençant par les origines, en suivant pas à pas le développement qui, d’un enfant, d’un sauvage, d’un homme inculte et primitif, fait l’homme raisonnable et cultivé.
Rhétoriciens excellents — mais purs rhétoriciens, — ils font apparaître les anciens, et même Homère, Comme d’incomparables maîtres de rhétorique : en dix ans de commerce assidu avec les chefs-d’œuvre latins ou grecs, un jeune homme acquiert un trésor de pensées belles à citer dans leur forme parfaite, et l’art d’étendre lui-même des lieux communs ou de les condenser en sentences ; jamais il n’aura senti vivre dans un texte grec l’âme de la Grèce, ou de tel Grec ; il ne se doutera pas qu’on peut tirer d’une phrase d’orateur ou d’une période poétique des émotions aussi profondes et de même ordre que celles qu’excite un temple ou une statue. […] N’ayant pas plus l’oreille que l’âme du poète, ils ont évité l’hiatus et l’enjambement, coupé les alexandrins à l’hémistiche, apparié des rimes plates et sourdes, aligné des lignes de dix ou douze syllabes sévèrement comptées : ils ont réduit la poésie au vers, le vers aux procédés matériels, au mécanisme ; et ils se sont applaudis d’avoir pris tant de peine pour écrire à des conditions si rigoureuses comme ils auraient écrit librement en prose.
Un jour, douze ans après, la jeune princesse était devenue l’ornement et l’âme de la Cour, l’unique joie de cet intérieur du roi et de Mme de Maintenon, de ces vieillesses moroses. […] Chaque partie du visage, à la prendre isolément, pouvait paraître défectueuse ou même laide, et de toutes ces laideurs, de tous ces défauts et de ces irrégularités, ajustées, attachées par la main des Grâces, il résultait je ne sais quelle harmonie de la personne, un ensemble délicieux dont le mouvement et le tourbillon vous ravissaient le regard et l’âme.
Oui, sans doute, on le sent bien à la lecture, il a manqué quelque chose à cette éloquence ; cet œil ne lançait point d’étincelles ni d’éclairs ; cette voix n’avait point d’éclats sonores, ni de ce qui vibre à distance ; mais du moins un sentiment juste, équitable, pénétré, animait cette gravité douce et abondante ; une imagination tempérée y jetait plutôt de la lumière que de la couleur ; parfois la finesse et une certaine grâce d’ironie n’y manquaient pas ; l’humanité surtout, avec la justice, en était l’âme, et cet orateur au ton sage avait en lui toutes les piétés. […] C’étaient les deux comtes de Stolberg, nourris de la fleur grecque et de l’esprit chrétien, philosophes et littérateurs éminents ; Jacobi, philosophe aimable, d’un sentiment délicat et pur ; d’autres encore moins connus ici, enfin une société douce mais grave : « Nous avons rencontré, écrivait-il à Mallet du Pan en avril 1798, de l’instruction et des vertus. » Dans une autre lettre à ce même ami alors réfugié à Londres, il a peint lui-même l’état calme et reposé de son âme en ces années d’attente, de conversation nourrie et de réflexion communicative : Il n’y a rien de nouveau en France, lui écrivait-il (24 juin 1798.)
de la vie qui consiste uniquement dans le repos, et que cette tranquillité d’âme si heureuse se trouve dans une douce profession qui nous arrête, comme l’ancre fait un vaisseau retenu au milieu de la tempête. […] Mais une femme me fait remarquer qu’à ce dénouement du Joueur, lorsque Angélique a trouvé son portrait aux mains de la revendeuse, il y a quelque chose dans son âme qui domine à bon droit l’amour, c’est l’amour-propre.
L’extrême petitesse de chacun comparé au tout décourage et désarme la force morale : il semble même que la disproportion d’une âme forte et d’une situation faible a quelque chose d’inconvenant ; on craint de jouer au héros, et, chacun se diminuant ainsi par faiblesse et par scrupule, il en résulte une diminution générale, qui, en se perpétuant et en s’aggravant de génération en génération, pourrait avoir de tristes effets. […] Il la voyait plutôt amortissant les âmes que les exaltant, répandant la passion du bien-être plutôt que celle de la patrie.
Voici ce passage : « Je dirai mon sentiment sur la Trappe avec beaucoup de franchise, comme un homme qui n’a d’autre vue que celle que Dieu soit glorifié dans la plus sainte maison qui soit dans l’Église, et dans la vie du plus parfait directeur des âmes dans la vie monastique qu’on ait connu depuis saint Bernard.
Mais, d’un esprit moins profond, d’une âme moins forte que son frère, s’il appartient davantage à l’histoire politique du temps, il n’appartient que peu ou point à l’histoire morale et littéraire ; je reviens donc au premier.
Du sein de son loisir, il ne prend d’autre soin que de saisir au passage et d’écrire en vers ses pensées riantes ou tendres, à mesure qu’elles traversent son âme ; et la plupart de ses pièces sont des impromptus de volupté, qui, au milieu de ses jeux, lui échappent sans plus d’effort que les roses effeuillées de sa guirlande.
Ce sont comme des visages inconnus, indifférents, s’ils ne sont pas étranges, qui arrêtent l’œil un moment par l’étrangeté, mais ne parlent pas à l’âme.
C’est un meurtre, oui, mais dont on peut douter s’il tue de la vie, et quelle espèce de vie : car les médecins ne savent pas à quel moment le germe de ce qui sera un homme devient en effet une créature humaine, et les théologiens ne savent pas à quel moment il reçoit une âme.
Tu pars, âme chrétienne, on m’a dit résignée, Parce que tu savais que ton Dieu préparait Une fête enfin claire à ton cœur sans secret, Une amour toute flamme à ton amour ignée.
VI L’obligation du cautionnement fut levée ; on supprima le droit de timbre ; le parlement abrogea les impôts sur le papier ; l’ingéniosité des mécaniciens livra à bon marché les presses rotatives, sécheuses et plieuses : le métier fut à la portée de tous, la concurrence chaque jour s’accrut, et elle n’est l’âme que du commerce : le journal se fit boutique.
René Ghil : Légendes d’âmes et de sangs.
Âme vivante n’en avait connaissance ; on la voulut donner aussi mystérieusement qu’elle avait été fait briquée, Le tailleur de madame de Montespan lui apporta l’habit qu’elle lui avait ordonné ; il en avait fait le corps sur des mesures ridicules.
Il mêle quelquefois à l’homme, il heurte à l’âme humaine, afin de lui faire rendre son véritable son, ces êtres différents de l’homme que nous nommons bêtes, choses, nature morte, et qui remplissent on ne sait quelles fonctions fatales dans l’équilibre vertigineux de la création.
Il connut Sainte-Beuve, il en reçut non pas un conseil, mais un mot de lettré, moins qu’un mot, un léger toucher qui entr’ouvrit son âme et fit jaillir cette grâce inépuisable où tous nous nous sommes délectés.
Quand nous ne connaissons pas le nom d’un auteur, nous commençons par nous méfier ; et par nous affoler ; nous nous inquiétons ; nous courons aux renseignements ; nous nous trouvons ignorants ; nous sommes inquiets ; nous demandons à droite et à gauche ; nous perdons notre temps ; nous courons aux dictionnaires, aux manuels, ou à ces hommes qui sont eux-mêmes des dictionnaires et des manuels, ambulants ; et nous ne retrouvons la paix de l’âme qu’après que nous avons établi de l’auteur, dans le plus grand détail, une bonne biographie cataloguée analytique sommaire. […] Il n’en raisonne point, il n’arrive point à des jugements nets ; mais toutes ces émotions sourdes, semblables aux bruissements innombrables et imperceptibles de la campagne, s’assemblent pour faire ce ton habituel de l’âme que nous appelons le caractère. […] Il n’est pas vrai que la perfection de l’âme, comme il est dit dans le Phédon, soit d’être le plus possible détachée du corps. L’âme sans corps est une chimère, puisque rien ne nous a jamais révélé un pareil mode d’exister. […] « Votre objection, décisive contre l’existence des âmes séparées et des anges, n’est pas décisive contre l’hypothèse d’un ressort intime dans l’univers.
Flaubert, qui voulait que « l’émotion et la pitié sortent s’il y a lieu des choses mêmes » et faire du roman un « miroir de l’âme humaine », s’est laissé illogiquement et doucement gagner à une technique plus émue.
Notre âme se passionne à ce spectacle, etc… » C’est encore pire quand l’auteur s’avise d’avoir des « pensées ».
Édouard Fournier Tandis qu’il multipliait au grand jour, en s’en faisant gloire, les éditions de ses Messéniennes, si peu lisibles aujourd’hui, avec leur versification de l’Empire, où la phraséologie du rhéteur parle plus haut que le cœur du patriote, il cachait obscurément dans un recueil son admirable ballade l’Âme du Purgatoire ; dans le coin d’une note, sa romance de la Brigantine où Mme Pauline Duchambge la découvrit pour la mettre en musique ; et je ne sais où, son adorable pièce de Néra, que Scudo ramassait de même pour y appliquer une de ses plus pures mélodies.
Les dernières amours de Henri IV, à cinquante-six ans, sa malheureuse passion pour Charlotte de Montmorency, qu’il avait mariée au prince de Condé, les jalousies de Marie de Médicis, les intrigues de sa cour contre les maîtresses du roi, le souvenir d’une guerre qu’on avait vue prête à s’allumer contre la maison d’Autriche pour ravoir la princesse de Condé, que son mari avait conduite à Bruxelles, dans la vue de la soustraire aux poursuites du roi, tout cela avait inspiré à toutes les âmes délicates un profond dégoût pour cette scandaleuse dissolution, dont la cour et la capitale offraient le spectacle, et les avait disposées à favorablement accueillir la continuation de L’Astrée.
La pureté du goût est une qualité de l’esprit ; c’est un tact qui peut, bien que difficilement, s’acquérir par l’affinage de l’intelligence : au lieu que la pureté des mœurs est le résultat d’habitudes sages, dans lesquelles tous les intérêts de l’âme sont entrés et se sont mis d’accord avec les progrès de l’intelligence, C’est pourquoi l’accord du bon goût et des bonnes mœurs est plus ordinaire que l’existence du goût sans mœurs, ou des mœurs sans goût.
En effet, une âme honnête ne se moquerait pas des misérables, quand même elle serait assurée d’être toujours dans le bonheur.
Ne serait-ce point que les âmes tendres et tristes sont naturellement portées à se plaindre, à désirer, à douter, à exprimer avec une sorte de timidité, et que la plainte, le désir, le doute et la timidité, sont des privations de quelque chose ?
Nulle part les moyens ne s’offriront aussi nombreux… — et je ne parle pas du principal qui est l’homme vivant, l’acteur, dans l’âme et dans la chair de qui l’œuvre sera directement sculptée. […] Chez Hugo, le criminel est toujours le meilleur des hommes, l’honnête homme le plus mauvais ; le valet a l’âme d’un grand seigneur et la prostituée l’abnégation d’une sainte. […] De là devait sortir ce monstre qui se prétend shakespearien : une tragédie sans étoffe, assez bien agencée extérieurement, mais privée d’armature et vide d’âme, uniquement soutenue par le don des mots. […] L’une et l’autre oublient que la vérité au théâtre s’inscrit dans une convention à laquelle n’échappe, en fait, que l’âme du comédien possédé par son personnage. […] L’homme à sa place, Dieu à sa place, l’univers évoqué par les plus beaux accents et, sous la main de Dieu, les âmes qui s’affrontent.
« J’affirme, sur la foi de confidences unanimes, que parmi tous les écrivains qui travaillent pour la scène française, il n’en est pas un qui ne partage les sentiments que je viens d’exprimer sur l’administration de cet homme, dont le maintien opiniâtre au poste qu’il occupe est un défi insolent à l’indulgence silencieuse de la presse, à la patience des comédiens et à la longanimité du ministère, qu’il fait flatter et menacer tour à tour dans les deux Revues dont il est l’âme, avec l’attention habile de ne jamais en être l’esprit. […] Vous rappelez-vous, mon ami, avoir vu passer dans la demi-teinte projetée sur eux par les œuvres voisines, ces idéales et merveilleuses créations qui, comme les anges de Martinn, portent leur lumière en eux-mêmes : lampes d’albâtre que l’âme fait resplendissante à travers le corps. […] « George Sand, ce talent ni vigoureux, si franc, qui s’est révélé tout entier si vite, et si vite emparé des honneurs d’une position suprême et incontestée ; George Sand, cette parole retentissante et presque souveraine, cette âme enthousiaste et dévouée, mais inconstante, est un auxiliaire que les camps les plus hostiles se disputent, une force dont chacun voudrait faire croire qu’il dispose à son tour… Âme douée d’une sensibilité qu’on peut appeler terrible ; d’une puissance de désir, d’un besoin d’émotions et d’enthousiasme qu’on peut appeler plus terrible encore. […] « Disons donc que George Sand, âme immense et formée de tous les contrastes, est partout et nulle part, est tout et n’est rien, si ce n’est un grand poète. » Bravo, M.
Je ne sais ce que le ciel me destine ; mais jamais il n’a versé tant de joie dans mon âme. […] Je vous prie donc, monsieur et ancien ami, de rejeter entièrement sur ma mauvaise fortune le long délai que j’ai apporté à m’acquitter envers vous ; car j’ai éprouvé une suite d’événements si fâcheux, ou par les amis où j’avais mis ma confiance, ou par mes propres parents, que je puis dire que les fondements de mon âme en ont été ébranlés 87. […] Telles sont ces lettres que j’ai voulu laisser dans toute leur naïveté et avec tout leur caractère, pour montrer dans leur juste proportion les différentes parties, tant poétiques et morales que prosaïques et vulgaires, de l’âme et de l’habitude ordinaire de Bernardin.
Mais comme le divorce entre eux n’est pas nouveau, Et que peu de beaux corps, hôtes d’une belle âme, Assemblent l’un et l’autre point, Ne trouvez pas mauvais que je ne cherche point. […] Louis Roche fait une bien jolie remarque sur ce point ; il dit : « Le mot n’est pas vrai, mais il est très figuratif de l’âme de M. d’Herwart et de l’âme de La Fontaine ; et, en somme, il n’y a que les grands hommes qui font des mots sublimes longtemps après leur mort. » La vieillesse de La Fontaine… Je me hâte, non seulement parce que l’heure est avancée, mais parce que… Il alla donc chez M. d’Herwart, mais il alla aussi beaucoup chez les Vendôme, dans la société du Temple, qui était une société déplorable.
Ils ne sont ni l’expression d’une société vivante, ni même l’œuvre d’un homme vivant ; car Balzac semble avoir traversé le tombeau pour les écrire et pris une âme de ce passé qu’il a voulu peindre. […] Cependant Homère est un grand, c’est-à-dire un poète qui n’appartenait pas à cette ère du monde où la bonhomie pût être développée dans l’esprit ou dans l’âme humaine, car elle correspond à la vieillesse de l’humanité. […] Mais, précisément, ce qui le fait si splendide et si fée dans l’animation des choses matérielles, le rend parfois mesquin quand il s’agit des choses de l’âme.
Il lui reproche de manquer de vue, de conseil, et, dans de telles circonstances, de n’avoir songé qu’à sa situation privée, à ses charges et aux dédommagements qu’il pouvait exiger en se retirant : « Il est vrai, dit Richelieu, qu’on n’avait autre intention que de lui faire un pont d’or, que les grandes âmes souvent méprisent, lorsqu’en leur retraite ils peuvent eux-mêmes s’en faire un de gloire. » Richelieu eut aussi, mais par nécessité seulement, ses heures et ses années de souplesse où, bon gré mal gré, la gloire fut subordonnée à d’autres soins : quand il fut au complet et qu’il put donner toute sa mesure, reconnaissons qu’il eut autrement de généreux orgueil et de grandeur d’âme.
Daru, s’ils paraissent un jour, l’époque et celui qui en était l’âme, nonobstant les justes restrictions, n’en sortiront pas diminués. […] Vous me dites que vous avez du noir dans l’âme, parce que vous avez langui dans les horreurs d’une vocation forcée.
Les figures les plus hardies et les plus marquées, celles que les plus grands orateurs n’emploient qu’en tremblant, vous les répandez avec profusion, vous les faites passer dans des pays qui jusques ici leur étaient inconnus ; et ces ordonnances véritablement apostoliques, destinées au seul gouvernement des âmes, au lieu d’une simplicité négligée qu’elles avaient avant vous, sont devenues chez vous des chefs-d’œuvre de l’esprit humain. […] Son âme, qui est toute de feu et toute céleste, se ressent du lieu d’où elle sort.
En voilà assez pour animer bien fort contre leur chef des âmes basses et mercenaires, prétextant les règles, c’est-à-dire les formes, et vantant les droits de leurs charges. […] Parlant quelque part d’un homme d’un esprit étroit et faux qui mettait son orgueil à déplaire, et qui méprisait par principe la bonté et la douceur des gens véritablement grands : « Il n’admire du fer, dit-il, que la rouille. » Parlant du caractère des Français qu’il a si bien connus, qui sont portés à entreprendre et à se décourager, à passer de l’extrême désir et du trop d’entrainement au dégoût, il dit : « La lassitude du soir se ressent de l’ardeur du matin. » Enfin, voulant appeler et fixer l’attention sur les misères du peuple des campagnes dont on est touché quand on vit dans les provinces, et qu’on oublie trop à Paris et à Versailles, il a dit cette parole admirable et qui mériterait d’être écrite en lettres d’or : « Il nous faut des âmes fermes et des cœurs tendres pour persévérer dans une pitié dont l’objet est absent. » Si ce n’est pas un écrivain, ce n’est donc pas non plus le contraire que d’Argenson : sa parole, livrée à elle-même et allant au courant de la plume, a des hasards naturels et des richesses de sens qui valent la peine qu’on s’y arrête et qu’on les recueille.
M. de Choiseul le sent bien, et pour moi, il faut vous l’avouer, j’en ai la tête tournée… Ainsi la voyons-nous s’exalter héroïquement pour son seigneur et maître ; tous ses intérêts sont les siens ; elle les embrasse sans calcul, sans réserve ; elle s’exagère sa gloire ; elle la voit pure et sans tache : si on hésite, si on n’accorde pas tout, si on a l’air de transiger avec les puissances ennemies, elle se courrouce dans son âme généreuse, elle est comme un lion. — Elle est femme surtout et avant tout, redevenue honnêtement coquette, tendre, empressée, se montrant éprise, comme au premier jour, de l’homme qui jusque-là ne l’avait pas gâtée, et à qui plus que jamais elle se consacre : (Chanteloup, janvier 1771. […] Je suis bien éloignée de penser comme elle : il me semble que je ne suis mécontente d’aucune de mes connaissances, et je suis enchantée de mes amis. » Je finis sur ce mot affectueux, sorti d’une âme saine.
On y arrive d’ordinaire avec sa prévention, avec son symbole tout fait ; on se préoccupe, à l’exemple des commentateurs, de ce mot Psyché qui veut dire âme ; on cherche des sens profonds et mystérieux dans un conte de vieille qui n’a été fait et mis en ce lieu-là que pour divertir et empêcher une belle enfant de pleurer ; on y voit une allégorie, un mythe, quelque chose de pareil à ce que de graves et pieux commentateurs ont cherché dans les fables de l’Odyssée. […] Elle ne rappelle nullement, d’ailleurs, le sens et l’intention métaphysique qu’on lui prête : c’est un joli nom de femme que Psyché, comme qui dirait mon cœur, mon âme, mon amour.
Il s’en trouva une qui se chargea, à l’aide de ce que Bossuet appelle des moyens agréables, c’est-à-dire par son charme et ses artifices, « d’attaquer auprès de Louis XVIII les influences dangereuses, compromettantes pour le salut du trône, pour sa personne et pour le pays ; de détruire ces influences, et en même temps de les remplacer ; de faire accepter au roi les hommes qui auraient gagné la confiance de Monsieur ; enfin, de réconcilier les deux frères. » La personne choisie pour l’exécution de ce pieux dessein, et qui s’y prêta de toute son âme, y employait de longues séances chaque mercredi. […] La poésie aussi, la rêverie de l’âme et de l’imagination, y trouvait son compte.
C’est ne pas être moins éloigné, d’autre part, de ces âmes fades et molles qui, en présence du mal, ne savent ni s’indigner, ni haïr. […] Aimer et préférer ouvertement Corneille, comme le font certains esprits que je connais, c’est sans doute une belle chose et, en un sens, bien légitime ; c’est vouloir habiter et marquer son rang dans le monde des grandes âmes : et pourtant n’est-ce pas risquer, avec la grandeur et le sublime, d’aimer un peu la fausse gloire, d’aller jusqu’à ne pas détester l’enflure et l’emphase, un air d’héroïsme à tout propos ?
Ces paroles de Louis XIV, qui exprimaient une si noble et royale résolution pour un cas extrême, avaient déjà été dites à Villars presque dans les mêmes termes à un précédent départ, et le roi les redit aussi, parlant au maréchal d’Harcourt : c’était le fond de sa pensée et de son âme, tant que pesèrent sur lui et sur son royaume ces conjonctures désastreuses. […] Elles sont, comme vous savez, dans la main de Dieu, et de celle-ci dépend le salut ou la perte de l’État, et je serais un mauvais Français et un mauvais serviteur du roi si je ne faisais les réflexions convenables. » Nous lisons à nu dans les perplexités de l’âme de Villars. — Mais ce projet annoncé sur Denain s’évanouit presque aussitôt par suite d’un avis défavorable donné par le prince de Tingry, commandant à Valenciennes, qui devait y contribuer.
. — Plus d’une fois elle a passé devant les yeux de notre âme, cette barque qui porte un négrillon à la poupe et de beaux jeunes gens vêtus des sveltes costumes dont Yittore Carpaccio habille ses Magnifiques ; plus d’une fois aussi nous avons vu en songe se pencher du haut des terrasses blanches ces belles filles aux tresses d’or crespelées, aux robes de brocart d’argent, aux colliers et aux bracelets de perles, qui jettent un baiser avec une fleur au galant haussé sur la pointe du pied ! […] Jamais, — et ici mon observation s’étend à toute la critique de Théophile Gautier, — jamais un sentiment mauvais, soit de hauteur, soit de jalousie mesquine, n’est entré dans l’âme de ce critique sagace autant que bienveillant.
Le personnage au-dessus de moi n’en est pas en état, et moi, quelque chose qu’on dise et qui arrive, je ne suis jamais qu’en second ; et malgré la confiance du premier, il me le fait sentir souvent. » Nous dirons les belles qualités de Marie-Antoinette, son courage surtout, sa fermeté, sa générosité d’âme quand le moment sera venu ; mais ici on la surprend dans toute la misère et l’inexpérience de son apprentissage politique. […] Sa répugnance à sacrifier l’archevêque, qui avait fait ses tristes preuves depuis une année, pouvait témoigner de sa bonté ou même de sa « grandeur d’âme », comme le lui disait poliment M. de Mercy, mais non de sa justesse de vue.
L’immensité du désert dévore la vie des nobles. » Figurez-vous une population de 50,000 âmes, plus ou moins, éparse sur une étendue deux fois grande environ comme la France. […] — Ces hommes, les Touareg, tu les prends pour des lâches ; — cependant ils savent voyager et même guerroyer ; — ils savent partir de bon matin et marcher le soir ; — ils savent surprendre dans son lit tel homme couché ; — surtout le riche qui dort au milieu de ses troupeaux agenouillés ; — celui qui a orgueilleusement étendu sa large tente ; — celui qui a déployé en leur entier et ses tapis et ses doux lainages ; — celui dont le ventre est plein de blé cuit avec de la viande, — et arrosé de beurre fondu et de lait chaud sortant du pis des chamelles ; — ils le clouent de leur lance, pointue comme une épine, — et lui se met à crier, jusqu’à ce que son âme s’envole
Il est très vrai que depuis ce moment il n’a plus considéré le duc de Noailles que comme un abîme de perversité, une âme caverneuse et noire, un démon capable de tout ; pour avoir été trompé et abusé par lui comme il l’avait été, il le supposait plus malin, plus rusé et plus ténébreux que le serpent. […] L’ambition avait toujours été dans ce courtisan le double besoin d’une âme avide et d’un esprit inquiet.
Personne ne peut connaître et apprécier comme moi l’honnêteté de son âme, le charme et la vérité unique de son caractère. » Si l’on n’avait pour tout document que cette correspondance, on croirait sérieusement à une retraite prochaine de l’abbé. […] J’aurais pu le mander dès mardi à Votre Excellence, mais je n’ai pas voulu retarder le courrier, et mon âme était trop émue.
que mon âme tressaillait quand nous partions tous, au coup de midi, en entonnant : L’Agneau que tu m’as donné 46. […] La Fidélité agenaise, jolie romance sentimentale de Jasmin, jouit d’un succès populaire dans le pays, et prouve qu’avec une âme assez peu rêveuse et peu langoureuse, il a pourtant des éclairs de la sensibilité des troubadours.
Jugez-en par Racine, un des deux ou trois écrivains du siècle à l’âme desquels la Grèce a vraiment parlé : qui s’attendrait que Racine voulût retrancher du Banquet de Platon, comme inutile et scandaleux, tout le discours d’Alcibiade, ce portrait de Socrate, ce pur chef-d’œuvre où l’enthousiasme et la moquerie se mêlent avec une grâce subtile ? […] Boileau ne le fit pas, et n’alla point au-delà des idées littéraires proprement dites : il ne regarda point les réalités psychologiques qui se cachent derrière ces abstractions, une langue, un genre : il n’y vit point les expressions de ces consciences collectives qu’on appelle des peuples, et ne se rendit pas compte que chaque nation façonne sa langue à son image, et que l’apparition et la disparition, la perfection et la décadence de ces formes organiques qui sont les genres, représentent la succession des états d’âme, la diversité des aptitudes intellectuelles et des aspirations morales des divers groupes de l’humanité.
Un poète se peint dans ses écrits ; à la rigueur, un critique s’y peint aussi, mais le plus souvent c’est en traits affaiblis ou trop brisés ; son âme y est trop éparse. […] Mes phrases ne sont pas le résultat d’un calcul, d’une froide combinaison d’esprit ; elles suivent les mouvements de mon âme ; c’est le sentiment que j’éprouve qui me donne le ton : j’écris comme je suis affecté, et voilà pourquoi on me lit.
et moi aussi j’ai des idées… À quoi sert ce qu’on a dans l’âme, si l’on n’en tire aucun parti ? […] L’œuvre d’art ne doit exprimer que ce qui élève l’âme, la réjouit noblement, et rien de plus.
En me livrant à la fois au souvenir de l’impression reçue et au sentiment présent, je peindrai doublement l’état de mon âme, savoir au moment où l’événement m’est arrivé et au moment où je l’ai décrit ; mon style inégal et naturel, tantôt rapide et tantôt diffus, tantôt sage et tantôt fou, tantôt grave et tantôt gai, fera lui-même partie de mon histoire. […] La vue de la campagne, la succession des aspects agréables, le grand air, le grand appétit, la bonne santé que je gagne en marchant, la liberté du cabaret, l’éloignement de tout ce qui me fait sentir ma dépendance, de tout ce qui me rappelle à ma situation, tout cela dégage mon âme, me donne une plus grande audace de penser, me jette en quelque sorte dans l’immensité des êtres pour les combiner, les choisir, me les approprier à mon gré, sans gêne et sans crainte.
On conçoit le trouble où un tel éclat dut mettre l’âme irritable de La Harpe. […] On alla chez le créancier, qui vint recevoir ses deux cents pistoles ; mais la scène dura plus de deux heures, et une bonne âme qui passait dans la rue Saint-Honoré répandit le bruit que La Harpe avait battu sa femme, et qu’une escouade du guet, conduite par le commissaire du quartier, avait rétabli la paix dans le ménage.
Il est mis en prison à l’Abbaye ; quelques heures avant les massacres du 2 septembre, il en est tiré par la générosité de Manuel, qui vient lui dire : « Sortez à l’instant de ce lieu. » — Je lui jetai mes bras au corps, s’écrie dramatiquement Beaumarchais, sans pouvoir lui dire un seul mot : mes yeux seuls lui peignaient mon âme ; je crois qu’ils étaient énergiques s’ils lui peignaient tout ce que je pensais ! […] » Dans une de ses lettres finales, nous surprenons de lui un espoir ou du moins un désir sur l’immortalité de l’âme : Je n’aime pas, disait-il à un ami, que, dans vos réflexions philosophiques, vous regardiez la dissolution du corps comme l’avenir qui nous est exclusivement destiné ; ce corps-là n’est pas nous ; il doit périr sans doute, mais l’ouvrier d’un si bel assemblage aurait fait un ouvrage indigne de sa puissance s’il ne réservait rien à cette grande faculté à qui il a permis de s’élever jusqu’à sa connaissance !
Les lettres des admirateurs se mirent à lui pleuvoir de toutes parts dans sa solitude : Des âmes sensibles m’adressent des lettres pleines d’enthousiasme ; des femmes, des recettes pour mes maux ; des gens riches m’offrent des dîners ; des propriétaires, des maisons de campagne ; des auteurs, leurs ouvrages ; des gens du monde, leurs sollicitations, leurs protecteurs, et même de l’argent. […] « Dans cette halte de victoires qu’on appelait la paix, au bruit de ces crosses de fusils posées un moment à terre », il a montré le public d’élite accouru en foule à cette paisible fête littéraire, les bancs des académiciens envahis, l’auditoire en attente, et il s’est écrié : Quel contraste dans toutes les âmes, entre ces purs, ces gracieux souvenirs et ce ciel d’airain ?
Et c’est le même qui, à Rome, en se trouvant pour la première fois au milieu de ces augustes solitudes du Colisée et des Terme Antoniane, ne pourra s’empêcher « de ressentir dans l’âme quelque petit saisissement, à la vue de la vieille majesté de leurs antiques masses révérées et abandonnées » ; c’est le même qui aura sur les marbres antiques et sur leur magnificence grandiose une page pleine de majesté et presque d’amour : « On peut dire qu’en France nous ne savons presque ce que c’est que des marbres, et qu’on n’en a point vu si l’on n’est venu dans ce pays-ci… » (T. […] Dante, au contraire, lui est pénible et difficile ; il le trouve d’un sublime dur : « Il me paraît plein de gravité, d’énergie et d’images fortes, mais profondément tristes ; aussi je n’en lis guère, car il me rend l’âme toute sombre. » Le Moyen Âge répugne à de Brosses ; il lui refuse le nom d’antiquité ; il visite au retour, à la bibliothèque de Modène, le docte Muratori, avec ses quatre cheveux blancs et sa tête chauve, travaillant malgré le froid extrême, sans feu et nu-tête, dans cette galerie glaciale, au milieu d’un tas d’antiquités ou plutôt de vieilleries italiennes : « Car, en vérité, dit-il, je ne puis me résoudre à donner le nom d’antiquités à tout ce qui concerne ces vilains siècles d’ignorance… Sainte-Palaye, au contraire, s’extasiait de voir ensemble tant de paperasses du xe siècle. » — Tous ces jugements se tiennent, on le sent, et s’accordent soit en littérature, soit en peinture ou en musique ; et celui qui aime tant l’Arioste pourra se déclarer de la sorte en faveur de Pergolèse : Parmi tous ces musiciens, mon auteur d’affection est Pergolèse.
Que l’on pense de la même manière ou différemment, que l’un soit vif, l’autre mélancolique, tout cela ne fait rien à l’amitié ; mais l’honnête homme, c’est la première qualité qui unit les âmes et sans laquelle il n’y a point de société intime. […] Quelquefois il y a un retour vers les choses de guerre ; Frédéric, au fort de ses grandes manœuvres, ne peut retenir un cri de satisfaction militaire : Nous exerçons à présent de corps et d’âme (avril 1764), pour remettre nos affaires en bon train.
I Dans l’antiquité, Pythagore, Platon et Aristote avaient soutenu que les plaisirs de l’ouïe s’expliquent par des harmonies de sons, conséquemment par des rapports numériques dans la simplicité desquels l’âme se complaît, comme en des perfections confusément aperçues ; on a étendu cette explication esthétique à tous les plaisirs, à toutes les peines, et on a voulu les ramener à la perception de rapports harmoniques ou désharmoniques. […] Descartes et Leibniz donnaient à la théorie intellectualiste une signification meilleure en faisant du sentiment l’intuition confuse de notre bien propre, non d’une qualité inhérente aux objets : « Tota nostra voluptas, disait Descartes, posita est tantum in perfectionis alicujus nostræ conscientia. » Leibniz, admettant que l’essence de l’âme est de percevoir ou de représenter, faisait du plaisir et de la douleur un amas de perceptions ou représentations qui nous font obscurément connaître l’accroissement ou la diminution de notre vitalité42.
M. de Régnier a parfois reçu aussi sa visite secrète et il lui est arrivé, croyant faire des vers libres, de tracer le dessin vague de la strophe de Malherbe et de Lamartine, à condition que l’on ne compte pas certains e muets : A la fontaine où l’eau goutte à goutte pleurait | Avant l’aube et que vinssent les filles de la plaine, | A l’heure où pâlissent les étoiles, | à la fontaine, | Y laver leurs pièces de toiles | et encore : De la maison où l’âtre en cendre | croûle en décombres ; | Ferme la porte | et que la paix du soir apporte | Son ombre sur ton ombre Et les soirs | apaisés ou tragiques ou calmes | Se reflétaient avec mon âme, | en ton miroir | (Poèmes.) […] Il en est de notre e muet actuel comme de celui qu’on rencontre en certains mots de l’ancien français, virgene, angele, aposteles, aneme, vierge, ange, apôtre, âme, dont la valeur était purement étymologique et qui ne se prononçait jamais, tandis que l’e féminin qui ne se prononçait pas à la fin du vers ou à la césure se prononçait en position : 1 2 3 4 5 6 Sains Andrieu li Aposteles | li ot raison aprise (Chanson d’Antioche) 1 2 3 4 Filz, la toe aneme | seit el ciel absolude (Chanson de Saint Alexis) Toute cette partie de sa rythmique, que M.
L’art évolue, comme l’âme se modifie, incessamment, comme toutes les apparences, comme tous les phénomènes, et comme sans doute la substance. […] Le vers libre, à son sens, serait la technique désignée pour l’autobiographie du soi, la fixation d’états d’âmes, pour l’arabesque personnelle que le poète doit tracer autour de son caractère propre.
Mais c’est que la société, en même temps qu’elle est la législatrice à laquelle nous devons le respect, est la créatrice et la dépositaire de tous ces biens de la civilisation auxquels nous sommes attachés de toutes les forces de notre âme. […] Dans ce corps vit une âme : c’est l’ensemble des idéaux collectifs.
. — Les autres préfèrent voir l’homme et l’artiste tout à la fois, et si l’âme de l’instrument se réfléchit dans sa physionomie, leur émotion en est doublée. […] Les réalistes partagent l’âme humaine par le milieu — comme une pomme ; et jetant sournoisement sous la table le quartier, succulent, ils vous offrent le plus gentiment du monde le quartier pourri, et vous disent avec un sourire : « Voyez donc les amours de petits vers qui grouillent là-dedans !
Ce ne serait donc que sous les plus expresses réserves que j’accepterais les indications du Dr Barot, ainsi formulées dans sa brochure « L’Ame soudanaise » : « Il m’est arrivé personnellement d’interroger souvent les Noirs. […] On ne trouve pas chez le noir : Ces haines vigoureuses Que doit donner le vice aux âmes vertueuses.
Il a l’âme d’un poète. […] On sait ce que c’est que le poids de l’âme d’un poète, mais Saint-Simon est historien !
Si cette philosophie est celle de la nature humaine, n’entre point, ô mon âme, dans ses secrets7 » Après quoi, ayant énuméré les croyances du vulgaire, il somma les philosophes de les recevoir comme règles. […] Cessez de compromettre l’immortalité de l’âme ; et quand vous ouvrez votre trousse, songez que vous allez trancher dans les croyances morales du genre humain. » Nous remontons en cabriolet, et nous arrivons chez M.
Les premières parties de son livre sont entièrement philosophiques et métaphysiques : l’auteur s’occupe de Dieu, de la Création, de l’immortalité de l’âme, etc.
Cette étude faite évidemment sur nature, et dont chaque trait a dû être observé, produit dans l’âme du lecteur un profond malaise moral, au sortir duquel toute fraîcheur et toute vie est pour longtemps fanée ; on se sent comme vieilli avant l’âge.
Ici pourtant Lamennais par l’injure a dépassé le but, et lui-même, ce me semble, à force de manier et de verser le poison, il a flétri son âme ; il en accuse les secrètes noirceurs.
S’il eût vécu au milieu de ces circonstances, et s’il eût compris aussi bien qu’aujoud’hui quel devait être le parti libérateur pour la Révolution, il est présumable que son âme, ouverte inévitablement aux impressions de l’atmosphère de ces temps orageux, se serait mise au niveau de sa tête.
D’un naturel bienveillant, facile, agréablement enjoué ; d’un esprit avide de culture et de connaissances diverses ; s’accommodant aux mœurs dominantes et aux opinions accréditées ; d’une âme assez tempérée, autant qu’il semble ; habituellement heureux et favorisé par les conjonctures, il s’est développé sur une surface brillante et animée, atteignant sans effort à celles de ses créations qui doivent rester les plus immortelles, y assistant pour ainsi dire avec complaisance en même temps qu’elles lui échappaient, et ne gravant nulle part sur aucune d’elles ce je ne sais quoi de trop âcre et de trop intime qui trahit toujours les mystères de l’auteur.
Il fait son devoir dans les terribles journées des Quatre-Bras et de Waterloo ; blessé, il continue de lutter ; il se bat simplement, vaillamment, dans ce bois accidenté d’Hougoumont dont chaque arbre est pris et repris avec tant d’acharnement pendant tout le jour ; le soir, il rejoint l’héroïque et désespéré Capitaine dans le carré de la vieille garde, où l’âme guerrière de la France s’est comme réfugiée ; et il entend cette parole qui, en un tout autre moment, eût réjoui son cœur : « Mon frère, je vous ai connu trop tard. » On n’a pas à suivre le prince Jérôme dans les longues années de la proscription et de l’exil.
Voilà, me disais-je en parcourant le recueil local où l’on a réuni les touchants témoignages rendus à M. de Persigny dans ses visites à Saint-Étienne et à Montbrison, et qui sortent tout à fait du ton officiel, voilà une province qui vit, qui échappe au reproche qu’on a souvent adressé à notre centralisation administrative ; d’ailleurs si utile, de n’être qu’un mécanisme, un ensemble de rouages, et de laisser en dehors le cœur et l’âme des populations.
L’âme n’est jamais tout entière active, et il semble que la vie s’y ramasse toujours en un seul point.
Theuriet comme elle agit sur les âmes et les façonne.
… Et cependant l’ennui et l’inquiétude, et les passions désordonnées qui naissent de ce malaise de l’âme, envahissent les maisons royales.
Et c’est pourquoi, outre un naturel sentiment de compassion pour les pauvres, cette dame éprouva sans doute le besoin de racheter ce qu’il pouvait y avoir, non certes de souillé et d’injuste, mais, forcément, de gênant pour une âme haute, et de pas du tout vénérable et de pas du tout évangélique, dans l’origine, quelle qu’elle ait été, d’une opulence aussi démesurée.
La cascade sanglote et mon âme se grise… Et puis toute la Sérénade sur la rivière ; et puis la Chanson pour la Dame de la mer ; et puis, ce qui est peut-être une des plus belles d’entre les belles saxifrages de ces flores marines, la radieuse Anadyomène, où ce vers lumineux comme un lever d’avril sur les grèves : Mais la mer souriait comme une jeune fille.
Pour trouver l’une, comme pour trouver l’autre, il faut s’efforcer d’affranchir complètement son âme du préjugé et de la passion, il faut atteindre à l’absolue sincérité.
Dans les derniers temps de l’Empire, il y eut, chez les âmes élevées, chez les évêques éclairés, chez les lettrés, un vrai sentiment de « la paix romaine », opposée au chaos menaçant de la barbarie.
Il exalta et fortifia l’âme d’Athènes, il l’aguerrit aux épouvantes et aux chocs des masses.
Tandis que son imagination vous ravit, il fait luire une fausse raison qui détruit le merveilleux, rapetisse l’âme et borne la vue.
Un légitime orgueil, mon cher monsieur, doit vous emplir l’âme en songeant que c’est par vous, par votre initiative, qu’un pareil chef-d’œuvre est remis à la scène !
Ce n’est que dans les commencements des sociétés que l’enthousiasme a une puissance fondatrice, et qu’une âme inspirée entraîne le monde… » M.
Sans le voltairianisme et la libre pensée, peut-être même les plus badauds parmi les admirateurs à fond de train du Roi Voltaire ne s’abuseraient pas complètement sur le compte de ce caméléon moral, âme desséchée, jalouse de gloire, qui cracha sur la figure de quiconque le suivit ou le précéda, et qui se serait pris en exécration s’il se fût rencontré sur son propre chemin lui-même ; lâche pour tout braver, brave au milieu des lâches, grand dans les petites questions, petit dans les grandes ; qui réduisit tout à rien pour être quelque chose, et qui grimpa, comme un écureuil, jusqu’à la gloire, en passant par tous les degrés du mépris !
par l’âme du vieux Poquelin !
Ils avaient reconnu, avec le tact des hommes qui savent la place que tient la sensibilité dans les décisions de l’esprit et de la conscience, qu’il naissait à l’Église un bon serviteur de plus, un missionnaire de parole écrite, dont le talent agirait sur les âmes peut-être avec une force plus efficace et plus pratique qu’un talent beaucoup plus élevé, car il serait toujours à la hauteur de cœur, à ce niveau où, qui que nous soyons, forts ou faibles, il faut un jour se rencontrer.
Rousseau lui-même, le maladif Rousseau, avec son âme de domestique humilié qui lui fausse toutes choses, ne peut, dans sa Nouvelle-Héloïse, soutenir la comparaison avec des observateurs d’une franchise, d’une vigueur et d’une santé dans l’observation, comme Fielding, Richardson, Goldsmith.
Il hait Paris ; il l’appelle « cette goule si cruelle aux âmes naïves ».
Il est prudent d’examiner : la construction d’un instrument, âme ou esprit, avant d’admettre ce qu’il enregistre. » Quand M.
A chacune de ces prises de conscience, l’âme médiévale s’obscurcissait, tandis que la plante humaine s’épanouissait sur sa tige.
Ils ont donc ainsi créé ce roman, psychologique à la fois et lyrique, dont les effusions ne sont en quelque manière que le trop-plein d’une âme qui se déborde, et en se débordant, se révèle. […] N’est-ce pas dommage, après cela, que le naturaliste qu’il avait été dans sa jeunesse ait trop souvent contrarié le moraliste ou le moralisateur qu’il a fait vœu d’être ; que son style, toujours vivant, mais brutal et banal à la fois, se sente jusqu’à son dernier jour des lieux ou des milieux qu’il avait autrefois fréquentés ; et que ses honnêtes femmes, et surtout ses raisonneurs, — qui les uns et les autres concluent mieux qu’ils ne raisonnent, — semblent prendre un plaisir inconscient et paradoxal à célébrer les « espérances de l’âme » dans le langage assez cru de sa Suzanne d’Ange ou de son Albertine de la Borde ? […] Honte à qui peut chanter pendant que Rome brûle, S’il n’a l’âme, et le cœur, et la voix de Néron. […] Eugénie Grandet ; César Birotteau ; les Illusions perdues ; La Cousine Bette]. — On peut dire effectivement qu’il a fait de l’argent l’âme de ses intrigues ; — au lieu et place de l’amour, qui n’y occupe plus qu’une place secondaire [Cf. […] Son âme… que le Dieu qu’il adore, Mit au centre de tout comme un écho sonore, écoute en lui chanter la voix ; — murmurer la plainte ; — ou pleurer les larmes des choses. — Il les « orchestre » alors ; — et on veut dire par là qu’il en soutient, qu’il en développe et qu’il en amplifie le chant ; — par les ressources d’une harmonie où concourent à la fois la nature, l’histoire et la passion [Cf.
Son autre poëme, très-hardi et très-philosophique, contre les vérités et les pédanteries officielles, est une conversation bouffonne sur le siége de l’âme, où Voltaire a pris beaucoup d’idées et beaucoup d’ordures ; tout l’arsenal des sceptiques et des matérialistes était bâti et rempli en Angleterre, quand les Français y sont venus ; Voltaire n’a fait qu’y choisir, affiler des flèches. […] Comme lui, il exaltait l’amour profond, la tendresse conjugale, « l’union des âmes, la parfaite estime animée par le désir » ; l’affection paternelle et toutes les joies domestiques. […] Il y a d’abord Richardson, l’imprimeur puritain, avec son chevalier Grandisson, personnage à principes, modèle accompli du gentilhomme chrétien, professeur de décorum et de morale, et qui par-dessus le marché a de l’âme. […] Un vif sentiment du paysage écossais, si grand, si froid, si morne, la pluie sur la colline, le bouleau qui tremble au vent, la brume au ciel et le vague de l’âme, en sorte que chaque rêveur retrouvait là les émotions de ses promenades solitaires et de ses tristesses philosophiques ; des exploits et des générosités chevaleresques, des héros qui vont seuls combattre une armée, des vierges fidèles qui meurent sur la tombe de leur fiancé, un style passionné, coloré, qui affecte d’être abrupt, et qui pourtant est poli, capable de charmer un disciple de Rousseau par sa chaleur et son élégance : il y avait de quoi transporter les jeunes enthousiastes du temps, barbares civilisés, amateurs lettrés de la nature, qui rêvaient aux délices de la vie sauvage en secouant la poudre que le perruquier avait laissée sur leur habit.
Sa figure délicate et fine révélait, dans ses yeux bleus, une intelligence lumineuse, mais froide, dont les agitations de l’âme ne troublaient jamais la clairvoyance. […] M. de Talleyrand donne le premier signe de son génie diplomatique en flairant le premier le génie de Mirabeau et en s’attachant, corps et âme, à ce grand homme. […] On sent, en les lisant, que l’esprit de l’Assemblée constituante est rentré dans les conseils de la république, et que l’âme de Mirabeau respire encore dans son disciple. […] Princes de l’Église, débris vivants de l’Assemblée constituante, amis encore vivants de Mirabeau, survivants des échafauds de la Convention, émigrés compagnons de sa proscription d’Amérique, membres dépaysés aujourd’hui du Directoire, dignitaires, maréchaux, généraux, ministres de l’Empire, royalistes de 1814, auxquels un mot de ce mort avait rendu le trône et la cour de deux rois ; courtisans de l’illégitimité d’Orléans, dont il avait ratifié l’avènement à la couronne pour franchir un abîme par un expédient ; plénipotentiaires de toutes les puissances, qui venaient honorer, dans ce plénipotentiaire de la nation et de la paix, cette diplomatie reine des rois, souveraineté de la raison, providence invisible des peuples qui régit le monde en le pondérant : tout cela, disons-nous, donnait à cette sépulture l’aspect d’un congrès plus que d’un cortège funèbre ; congrès posthume auquel il ne manquait que l’âme de tous les congrès de ce siècle.
En entrant dans cette phase nouvelle et définitive de la Révolution, on était obligé de descendre plus bas que le dernier degré de l’échafaud, on était tenu de soulever plus infect que la boue des corps, mais la boue des âmes. […] De tels actes étaient son seul langage dans un temps où la France, épuisée de cris et de phrases, rendait l’âme dans l’éloquence de ses tribuns. […] Tout le monde se défiait de tout le monde, alors, marque certaine de la petitesse des âmes pour les nations comme pour les hommes, et personne ne se donnait ou ne se refusait à personne, parce que personne ne croyait aux autres ni même à soi ! […] Il n’est pas une de ses journées qui n’ait été livrée aux vents et aux tempêtes de cette affreuse publicité qui emporte tout : l’âme, la vie, le talent, et quelquefois la conscience, hélas !
A la suite de ce mouvement profond d’émancipation religieuse, qui donna, au début du xvie siècle, le signal de la révolte contre l’autoritarisme pourri de l’Église catholique, à la suite de ce réveil de l’âme humaine depuis des siècles en servitude, la France s’émut. […] Lorsque ses biographes citent quelques-unes des phrases où le maître comédien fait appel à toute la douceur dont l’âme catholique peut déborder sur ses adversaires, ils oublient d’en transcrire quelques autres qui, mises en parallèle avec les premières, alourdiraient singulièrement leur lâche d’apologistes opiniâtres. […] 76 » L’appel à la force me semble assez nettement formulé dans ces deux maximes, de sorte que les faits dont l’exposé va suivre, aussi bien que toutes les violences qu’eurent à subir les Réformés, étant justifiés d’ores et déjà par Bossuet lui-même, il n’y aura plus à nous étonner, si nous voyons tout-à-l’heure cette âme d’apôtre se transformer en une âme de bandit.
Daru, par son activité d’esprit, par cette fermeté de bon sens et de caractère qu’il eut dès sa jeunesse, était l’âme de la petite société et la dirigeait ; il en était le président, le trésorier. […] Un feu d’enthousiasme qu’ont trop peu ressenti les poètes de nos jours, et que nous avons trop confondu dans nos propres inspirations avec les saillies de la fantaisie, animait alors ces âmes patriotiques et fermes, ces hommes de devoir.
On me flattait sur les détails de cette pièce : en effet, c’était le premier essor d’une âme tout étonnée des sentiments qu’elle éprouve la première fois, la pure fleur du sentiment qui paraît exagéré quand on ne l’a pas connu, et qui est pourtant l’amour. […] … Sans doute Voltaire data du jour où il avait reçu cette lettre l’affaiblissement de tête du président, et quand celui-ci fut mort (24 novembre 1770), il écrivit à Mme Du Deffand, moins d’un mois après : Je m’en étais douté il y a trente ans, que son âme n’était que molle, et point du tout sensible ; qu’il concentrait tout dans sa petite vanité ; qu’il avait l’esprit faible et le cœur dur ; qu’il était content pourvu que la reine trouvât son style meilleur que celui de Moncrif, et que deux femmes se le disputassent ; mais je ne le disais à personne.
Il traversa bien souvent dans sa vie de ces cercles délicieux (« suavissimam gentem », comme il disait) qui se formaient un moment autour de lui, qui se ralliaient à son brillant, dont il était le génie familier et l’âme, et en sortait bientôt par quelque accident a. […] J’avais cru d’abord que la lettre suivante, qui dans le nouveau recueil est mise à la date de 1724, était de 1726, et devait se rapporter au moment où Voltaire venait d’avoir affaire au chevalier de Rohan et se disposait à quitter la France, ou du moins Paris, avant d’être mis à la Bastille : il y a un accent qui me semblait déceler son âme en cette crise la plus douloureuse de sa vie.
La gaieté, que Villars « appelait l’âme de la nation », il ne négligea rien non plus pour la leur rendre, et il en avait lui-même sa bonne dose. […] Il se plaignit au roi ; il lui dit avec sa hardiesse ordinaire à demander, et avec cette aisance à parler pour soi qui serait la chose la plus impossible à des âmes de la race pudique de Catinat : Ayant mon départ pour Bade, j’ai supplié Votre Majesté de vouloir bien se souvenir de moi lorsque la charge de chef du Conseil des finances viendrait à vaquer.
Ainsi, parlant des colonies anglaises de l’Amérique du Nord, et prédisant leur émancipation future et leur séparation de la métropole, prophétisant avec un enthousiasme anticipé la grandeur gigantesque de ces nouveaux États-Unis dès qu’ils travailleront pour eux et non plus pour d’autres : « Quelle supériorité, s’écrie-t-il, sur toutes les autres colonies de mercenaires, gouvernants intéressés, troupes mal disciplinées, recrues lentes, ordres lents, peu de force, peu de zèle, puisqu’il faut tirer son âme de si loin ! […] Chauvelin vient de causer avec d’Argenson pendant deux heures dans son cabinet ou dans les allées de Grosbois, ou de le promener dans son carrosse par les rues de Paris, quand il a l’air de le consulter et de le vouloir avancer, il lui paraît avoir l’étoffe d’un grand ministre et être le dernier de la grande école de Richelieu, de Louis XIV : notre homme s’enflamme pour lui, il compte sur lui ; il le considère, dans le ministère du vieux cardinal, comme le bras nerveux d’un cerveau sénile ; il le voit déjà comme l’âme énergique d’un nouveau ministère, le vainqueur de Maurepas et de la faction des marmousets dans une nouvelle journée des Dupes ; il lui souhaite la prochaine succession de Fleury, qu’il croit prête à s’ouvrir à l’amiable, et en augure bien pour la grandeur et la restauration politique de la France.
Le Lamennais que nous rencontrions chez M. d’Ortigue, et qui semblait m’avoir tout à fait pardonné, je dois le dire, certains articles polémiques sévères, causait à ravir, parlait art, musique, immortalité de l’âme, et ne sentait pas du tout le fumier. […] Ces observations faites pour l’acquit de sa conscience, il doit, avant tout, homme pratique et de bon sens, porter un regard scrutateur sur l’âme et sur la nature d’Aurélie, afin de bien voir si cette apparence candide et calme ne recèle point un foyer de trouble et d’orage.
Un autre témoin fort digne d’être écouté à son sujet, Dutens, un esprit sérieux et solide, le premier éditeur complet de Leibnitz, Anglais d’adoption et de jugement, qui avait visité les principales Cours d’Europe et qui avait en soi bien des termes de comparaison, a parlé de ce prince dans le même sens que le président Hénault : « M. le prince de Conti était l’un des plus aimables et des plus grands hommes de son siècle : il avait la taille parfaitement belle (il dérogeait par là notablement à la race des Conti, qui avait la bosse héréditaire), l’air noble et majestueux, les traits beaux et réguliers, la physionomie agréable et spirituelle, le regard fier ou doux, suivant l’occasion ; il parlait bien, avec une éloquence mâle et vive, s’exprimait sur tous les sujets avec beaucoup de chaleur et de force ; l’élévation de son âme, la fermeté de son caractère, son courage et sa capacité sont assez connus en Europe pour que je me dispense d’en parler ici. […] Je prévois que vos passions si vives, continuellement remuées, mettront en pièces votre frêle machine : la mélancolie et une constitution ruinée deviendront alors votre lot, et les remèdes qui pourraient maintenant préserver votre santé et conserver l’équilibre de votre âme viendront trop tard pour les rétablir.
M. le duc de Savoie a autour de 8,000 âmes entre ses mains. […] Beaucoup, dans cet état, tiennent des discours séditieux qui les consolent de leurs malheurs et de leurs misères. » Bientôt réduits en effet et diminués de plus de moitié par le mal et la contagion, les débris des Vaudois, ne montant guère en tout qu’à 3,500 âmes, purent émigrer et partir par bandes, du gré du duc de Savoie, et se diriger vers des pays hospitaliers ; ils allèrent à Genève, dans les Gantons protestants, en Wurtemberg et jusque dans le Brandebourg.
Mais que le savant spécial, après quelques travaux ou quelques découvertes, vienne réclamer comme récompense qu’on le dispense d’en faire davantage et qu’on le laisse entrer dans le champ de la politique, c’est là l’indice d’une petite âme, d’un homme qui n’a jamais compris la noblesse de la science. […] Cela s’appelle, dans le style de l’Évangile, perdre son âme pour la sauver.
Ainsi Platon traçait sa république idéale sur le modèle des facultés de l’âme humaine. Hobbes va plus loin : sa cité est un corps immense (Leviathan), le souverain en est l’âme, les magistrats sont les articulations, les sanctions sont les nerfs, la richesse de tous est la force, la concorde est la santé, etc.
Un moment il parut le comprendre, et, à la vue de ces incendies fumant à travers la neige, de ces cadavres gisant sur cette plaine glacée, il s’écria : « Ce spectacle est fait pour inspirer aux princes l’amour de la paix et l’horreur de la guerre. » Mais l’impression, sincère peut-être pendant la durée d’une minute, passa vite, et le démon familier reprit possession de son âme. […] Napoléon, par des lettres vigoureuses, où il concentre les hautes maximes de sa politique, essaie de remonter cette âme débonnaire et médiocrement royale de son frère, et de lui inoculer ce qui ne s’apprend pas.
Beaucoup d’âme, beaucoup d’entrailles, une constante étude, un amour passionné pour son art, tout contribua à composer en elle cet idéal de grande tragédienne qui, jusque-là, ne paraît pas avoir été réalisé à ce degré. […] Ne regardez point mon état ni ma naissance, daignez voir mon âme, qui est sincère et à découvert dans cette lettre… Les choses en étaient là depuis plusieurs mois.
Je ne me cache point de toi, mais il est bien vrai que, lorsque mon âme est occupée de ses faiblesses, je ne cherche plus tant à t’appeler. […] Barnave fut transféré des prisons du Dauphiné à Paris, en novembre 93 ; pendant le trajet, et prévoyant le terme prochain, il écrivait de Dijon à l’une de ses sœurs une lettre qui est comme le testament de cette âme grave, noble et stoïquement tendre : Je suis encore dans la jeunesse, écrivait-il, et cependant j’ai déjà connu, j’ai déjà éprouvé tous les biens et tous les maux dont se forme la vie humaine ; doué d’une imagination vive, j’ai cru longtemps aux chimères ; mais je m’en suis désabusé, et, au moment où je me vois près de quitter la vie, les seuls biens que je regrette sont l’amitié (personne plus que moi ne pouvait se flatter d’en goûter les douceurs), et la culture de l’esprit, dont l’habitude a souvent rempli mes journées d’une manière délicieuse.
lorsque monteront tuiles et chevrons, mon âme sentira quelque chose de plus doux. […] La Vigne de Jasmin est un de ces petits chefs-d’œuvre qu’on ne peut attendre que de ces poètes accomplis en qui le sentiment et le style s’unissent pour satisfaire à la fois l’âme et le goût.
Ce livre fait beaucoup d’honneur à M. de Blignières, qui est professeur de rhétorique dans l’un de nos collèges de Paris (Stanislas) ; la science dont il fait preuve n’est pas la seule chose qui plaise en lui ; son affection pour Amyot décèle ses mœurs, une âme qui aime les lettres, et qui les aime avec cette humanité d’autrefois, avec cette chaleur communicative qui est propre à gagner la jeunesse, et que possédaient les vieux maîtres. […] Amyot, toutes les fois qu’il n’est pas soutenu par l’âme d’un ancien dans son style comme dans ses pensées, descend un peu bas, se rabaisse ou se traîne : ce n’est qu’un grand lettré et un excellent traducteur.
Né en octobre 1614, d’une famille illustre, destiné malgré lui à l’Église avec « l’âme peut-être la moins ecclésiastique qui fût dans l’univers », il essaya de se tirer de sa profession par des duels, par des aventures galantes ; mais l’opiniâtreté de sa famille et son étoile empêchèrent ces premiers éclats de produire leur effet et de le rejeter dans la vie laïque. […] Même depuis Saint-Simon, rien n’a pâli dans cette galerie de Retz, et on admire seulement la différence de manière, quelque chose de plus court, de plus clair, de plus délié en coloris, mais qui ne pénètre pas moins dans le vif des âmes ; M. le Prince à qui « la nature avait fait l’esprit aussi grand que le cœur », mais à qui la fortune n’a pas permis de montrer l’un comme l’autre dans toute son étendue et qui n’a pu remplir son mérite ; M. de Turenne à qui il n’a manqué de qualités « que celles dont il ne s’est pas avisé », et à qui il ne faut jamais en refuser une, « car qui le sait ?
Michaud, dont l’un intitulé L’Immortalité de l’âme se termine par une sorte de vœu et de serment politique : Oh ! […] — La nature, disait-il encore, a mis dans l’âme et dans le caractère de celui qu’elle destine aux grandes actions une sorte de verve semblable à celle qui crée les chefs-d’œuvre ».
Il connaissait à fond cette âme malade, jointe à un si prestigieux talent ; il redressait à chaque instant les fausses vues indulgentes où retombait sa gracieuse et trop prompte amie : « Je suis persuadée, disait de Rousseau Mme d’Épinay, qu’il n’y a que façon de prendre cet homme pour le rendre heureux : c’est de feindre de ne pas prendre garde à lui, et de s’en occuper sans cesse. » Grimm se mettait à rire et lui disait : « Que vous connaissez mal votre Rousseau ! […] Toute sa correspondance, à cette date, témoigne d’une âme droite et humaine, qui reçoit l’expérience, mais sans se fermer ni s’endurcir.
. — D’après la définition que nous venons de donner de la critique scientifique, il faudra pour pouvoir conclure d’une œuvre d’art à certaines âmes dont elle est le signe en vertu de certaines relations qu’il nous reste à indiquer plus loin, il faudra commencer par analyser le livre, le tableau ou la symphonie à interpréter. […] A force de délicatesse et de nuances, on peut arriver à transcrire en son intégrité le tableau des mouvements d’âme que suscite tout artiste.
un logis a une âme ; — cette maison s’appelait Marine-Terrace. […] Ces ondes, ce flux et ce reflux, ce va-et-vient terrible, ce bruit de tous les souffles, ces noirceurs et ces transparences, ces végétations propres au gouffre, cette démagogie des nuées en plein ouragan, ces aigles dans l’écume, ces merveilleux levers, d’astres répercutés dans on ne sait quel mystérieux tumulte par des millions de cimes lumineuses, têtes confuses de l’innombrable, ces grandes foudres errantes qui semblent guetter, ces sanglots énormes, ces monstres entrevus, ces nuits de ténèbres coupées de rugissements, ces furies, ces frénésies, ces tourmentes, ces roches, ces naufrages, ces flottes qui se heurtent, ces tonnerres humains mêlés aux tonnerres divins, ce sang dans l’abîme ; puis ces grâces, ces douceurs, ces fêtes, ces gaies voiles blanches, ces bateaux de pêche, ces chants dans le fracas, ces ports splendides, ces fumées de la terre, ces villes à l’horizon, ce bleu profond de l’eau et du ciel, cette âcreté utile, cette amertume qui fait l’assainissement de l’univers, cet âpre sel sans lequel tout pourrirait ; ces colères et ces apaisements, ce tout dans un, cet inattendu dans l’immuable, ce vaste prodige de la monotonie inépuisablement variée, ce niveau après ce bouleversement, ces enfers et ces paradis de l’immensité éternellement émue, cet infini, cet insondable, tout cela peut être dans un esprit, et alors cet esprit s’appelle génie, et vous avez Eschyle, vous avez Isaïe, vous avez Juvénal, vous avez Dante, vous avez Michel-Ange, vous avez Shakespeare, et c’est la même chose de regarder ces âmes ou de regarder l’Océan.
Il met en action les vérités les plus générales du cœur humain exprimées par les plus grands cœurs et par les âmes les plus passionnées. […] Boileau n’est pas, comme on l’a cru, un poëte de cour ou un poëte académique : c’est un poëte vrai, plus fort qu’élégant, plus mâle que délicat, c’est une raison vivante, un cœur sans molle tendresse, mais plein d’ardeur pour la vertu, c’est une âme d’honnête homme.
Rien n’y montre cette forte adhésion de toutes les puissances de l’âme qui est le caractère de la foi. […] Car si c’était une idée enfoncée solidement au cœur du xiiie siècle que le dessein de reprendre Jérusalem aux infidèles, c’en était une autre tout aussi profondément ancrée dans l’âme de la chrétienté d’Occident que la guérison du schisme et le rétablissement de l’unité.
Comme toutes les âmes faibles et tristes, il avait le continuel besoin d’un confident.
Il y a six ans, M. de Lamartine était ce qu’il est aujourd’hui : il avait publié ses admirables Méditations et son Dernier chant de Child-Harold ; l’impression de cette divine poésie était toute fraîche et vive dans les âmes.
Ce qui nous fâche et nous étonne, c’est que des jeunes hommes qui semblaient pleins d’âme et d’avenir, d’une intelligence étendue et exercée, plus propre sans doute à spéculer qu’à agir, s’étant imaginé de tout temps qu’ils auraient, dans une révolution, à jouer le rôle de Girondins, se figurent probablement que l’heure est venue, et, par une étrange illusion, s’arrêtent, non pas devant des échafauds à dresser (nous n’en sommes pas là encore, et on abolira peut-être la peine de mort en attendant), mais devant les conséquences à tirer de leurs idées politiques.
Il aurait eu bien à faire pour arriver de là à l’intelligence et à l’amour de l’humanité progressive et à une communion pratique de l’âme individuelle avec Dieu se révélant par l’humanité26.
Ces graves et viriles préoccupations, s’appuyant sur une base d’études de plus en plus élargie, l’ont guidé jusque dans son passage à travers des systèmes prématurés, mais grandioses, et aujourd’hui elles font l’éloquence et l’âme de son enseignement.
Saint Grégoire de Nazianze, en une de ses lettres, raconte que, « chaque fois qu’il rencontrait une femme dont le mariage avait comblé les entrailles, il la saluait du plus profond de son âme ».
On sent chez lui une âme sensible et généreuse, qui s’irrite d’une injustice et qui voudrait, pour le bien de l’humanité, diminuer les hostilités et paralyser toutes les forces mauvaises.
Ces messieurs du protocole y songent, tandis que de bonnes âmes proposent qu’en révérence de tant d’amis couronnés, nous grattions les murs de nos monuments et l’Arc de Triomphe, pour en déloger quelques inscriptions suspectes et nous adjurent de voiler la nudité indécente du groupe de Rude que d’honnêtes et pieux regards ne sauraient contempler sans rougir… On sent bien à toutes ces controverses dont les journaux de l’époque sont pleins que nos dirigeants nous ont amenés à un point culminant de notre histoire.
Bien que les bonnes mœurs soient la plus sûre garantie du bon goût, cependant le bon goût a ses lois à part ; elles procèdent d’un instinct qui se développe dans la société avec la politesse des esprits, avec la délicatesse des âmes, avec l’élégance des manières, et s’exalte dans les douceurs des communications habituelles des esprits.
Année 1851 2 Décembre 1851 Au jour du jugement dernier, quand les âmes seront amenées à la barre par de grands anges, qui, pendant les longs débats, dormiront, à l’instar des gendarmes, le menton sur leurs deux gants d’ordonnance, et quand Dieu le Père, en son auguste barbe blanche, ainsi que les membres de l’Institut le peignent dans les coupoles des églises, quand Dieu m’interrogera sur mes pensées, sur mes actes, sur les choses auxquelles j’ai prêté la complicité de mes yeux, ce jour-là : « Hélas !
Il en résulte un ébranlement, un froissement incroyable pour l’âme : car lorsque, exalté par la pensée, l’esprit s’élance dans les plus hautes régions, soudain l’expression, au lieu de le soutenir, le laisse tomber du ciel en terre, et le précipite du sein de Dieu dans le limon de cet univers.
Depuis la perte de notre ami commun, mon âme a beau s’agiter, elle reste enveloppée de ténèbres, au milieu desquelles une longue suite de scènes douloureuses se renouvellent.
On n’emprunte pas l’âme d’un auteur. » Voilà comment nous limitons le style au pastiche adroit41.
Lorsqu’il s’éveilla, un sentiment de bien-être inonda son âme ; il songea que la crise principale de cette aventure était enfin passée.
Un protestantisme rationnel qui aurait la bonté grande, malgré sa raison, de ne pas ôter la prière et le culte aux âmes sensibles.
Renan est tantôt un humaniste, tantôt un naturaliste, un Gœthe enfin (avec une âme moins virile, quelque chose de serf dans les mœurs), mais ce n’est dans aucun instant de son développement un catholique.
Sous les gouvernements aristocratiques qui vinrent ensuite, les mœurs étant toujours religieuses, les lois restèrent entourées du mystère de la religion et furent observées avec la sévérité et les scrupules qui en sont inséparables ; le secret est l’âme des aristocraties, et la rigueur de l’équité civile est ce qui fait leur salut.
Ma monarchie, jusqu’ici de troisième ordre et presque inaperçue dans la famille des monarchies, va grandir en un moment, non pas comme une puissance régulière et par un accroissement progressif, mais à la manière des explosions révolutionnaires, jusqu’à la proportion de trente millions d’âmes, d’un trône composé des ruines de cinq ou six trônes, et d’une armée de cinq ou six cent mille hommes qui deviendront mon armée. Monarque d’une si riche péninsule, chef courageux d’une si imposante armée, présent par l’ubiquité du nom de roi d’Italie dans mes cinq ou six capitales, maître de mille lieues de côtes couvertes de ports militaires sur la Méditerranée, pouvant à mon gré les ouvrir ou les fermer aux escadres ou aux débarquements de l’Angleterre, je veux faire compter l’Autriche et au besoin la France avec moi ; c’est un terrible poids à placer ou à déplacer dans la balance du continent que trente millions d’âmes, cinq cent mille hommes, l’alliance nécessaire de l’Angleterre et un drapeau qui sera, à mon gré, selon les circonstances, celui de la monarchie absolue, celui de la dictature soldatesque, ou celui de la révolution ! […] L’aspiration d’une grande race éclairée, courageuse, à rentrer en possession d’elle-même, est un droit ; c’est la légitimité de l’âme des nations.
Il passa quelques jours dans le couvent avec cette paix qui semble, au premier moment, tomber sur l’âme, des cloîtres. […] … Je suis trop cruellement tourmenté.… Je ne vois qu’une manière de me rendre la paix de l’âme et de tranquilliser mes pensées.… Et je conjure Votre Seigneurie, par l’ancienne amitié qui exista entre nous, par la grande affection qu’elle me porte et par sa charité chrétienne, d’agir envers moi, dans cette affaire, avec la même franchise qu’Elle m’a toujours montrée ; présentez ma supplique au cardinal de Pise ou à tout autre cardinal attaché à l’inquisition, et ne vous laissez dissuader par personne de présenter ma supplique, sous prétexte que je ne suis pas en parfaite santé d’esprit.… Mais présentez ma supplique au cardinal de Pise.… Employez toute votre influence, toute votre autorité à Rome ! […] On convint de dire aux autres que l’étranger était un cousin venu de Bergame à Naples pour quelques affaires, et qui avait voulu profiter du voisinage pour visiter pendant quelques semaines ses parents de Sorrente. » L’aspect des lieux où il avait respiré la première fleur de la vie, la tendresse de cette sœur dont le cœur concentrait pour lui toute la famille éteinte ou dispersée, celle de ses deux neveux à qui la mère avait inculqué l’affection et l’enthousiasme pour cet oncle si grand et si malheureux ; cette hospitalité si sûre et si chaude, reçue dans ces beaux lieux et pour ainsi dire dans l’âme même de cette sœur, avaient produit, comme par enchantement, sur le Tasse tout l’effet qu’il avait rêvé.
Deux pays, la France et l’Allemagne, sont en présence, deux pays unis par un séculaire échange d’idées et d’efforts, un jour séparés par une guerre folle et à jamais détestable : mais la paix a été faite, les anciennes relations, si amicales, ont été retrouvées ; depuis des générations, c’était, entre les deux, une réciprocité de salutaires influences, un constant retour, au-dessus des rives du vieux Rhin, de ces choses intellectuelles et morales dont vivent les peuples ; à grand peine donc, et malgré les fanatismes un instant renouvelés, l’œuvre de mutuelle régénération est reprise ; et voilà que l’un de ces pays enfin a produit l’œuvre qui résume son âme, l’artiste absolu lui est né en qui aboutissent les qualités nationales éminentes, l’homme par excellence dont l’œuvre résume toutes les aspirations d’une race ; à son tour, ce pays offre à l’autre, à travers les frontières, ce magnifique tribut d’idéalité nouvelle : appartient-il à quelqu’un de protester ? […] l’accord est fait depuis la Valkyrie : rappelez vos souvenirs ; la vierge guerrière endormie sur la cime entourée de flammes en attendant son héros, a laissé dans les âmes les plus récalcitrantes une sorte de sentiment vague, tenant à la fois de l’admiration, de l’inquiétude et de la stupeur. […] Le Journal de Bruxelles : Quel spectacle, depuis que le monde existe, a jamais été offert à l’imagination et à l’âme, qui donne d’aussi fortes et d’aussi nobles émotions que les opéras de Wagner ?
« Il y a des objets que l’âme connaît par elle-même, et d’autres qu’elle connaît par les organes du corps. […] — Dans la classe des objets avec lesquels l’âme se met en rapport immédiatement et par elle-même. — En est-il de même de la ressemblance et de la dissemblance, de l’identité et de la différence ? […] De Hartmann sépare artificiellement ce qui est uni et continu dans la conscience, puis il invoque l’inconscient pour pouvoir souder les fragments qu’il avait séparés : « Puisque, dit-il en termes platoniciens, toute âme d’homme ou d’animal possède en réalité l’idée de la similitude et de l’égalité, il ne reste plus qu’à admettre que l’ensemble d’opérations qui y aboutit se déroule, en sa partie essentielle, hors de la conscience ; et que le résultat auquel il conduit, la notion d’égalité et le jugement que A et B sont égaux, tombe seul sous le regard de la conscience. » Cette mythologie, par laquelle le métaphysicien allemand se tire d’embarras, est aussi peu scientifique que l’hypothèse platonicienne de la réminiscence.
On la rencontre toujours irritée ou animée par quelque passion de l’âme, en bas, en haut, dans les coins, — cela donnant au regard un caractère fiévreusement étrange. […] Il entremêle son récit de détails sur la vie des habitants, sur leurs habitudes, sur les mouvements d’âme de ces infirmes, sur les originaux de l’endroit, des détails enfin, avec lesquels un romancier ferait un original et neuf début d’une existence. […] Elles me semblent avoir des âmes d’avoués.
La race française, étant ardente, devait produire quelques foyers d’ardent sentiment religieux, çà et là, sous l’influence d’un esprit dominateur ou d’une âme apostolique ; sous l’influence, aussi, des entours mêmes, poussant et provoquant au sentiment religieux les âmes douées de l’esprit de contradiction. […] Le Français est « esprit fort » dans l’âme, de par tous les défauts qui se trouvent ordinairement en lui. […] Une Église n’a une véritable influence sur les âmes que si elle est séparée de l’État ou plutôt du gouvernement, soit par sa puissance, soit par sa liberté. […] Elle pouvait, elle devait avoir de l’influence sur les âmes et de l’empire sur les consciences. […] Quelqu’un commandant aux âmes et quelqu’un commandant aux corps, c’est-à-dire chacun de mes sujets coupé en deux !
Cet homme joignait aux avantages extérieurs un esprit vif et pénétrant, une grande force d’âme ; tout était noble en lui, excepté la naissance. […] Cette action montre clairement que ce n’était point une basse jalousie, mais bien de perfides conseils qui avaient porté Boursault à attaquer Molière, et ce tort de son esprit est plus que suffisamment racheté par ce mouvement d’une âme généreuse. […] Du reste, sa belle âme était faite pour comprendre celle de Molière, et tout porte à croire qu’il lui rendit toujours une complète justice. […] Sa grâce est la plus forte : et, sans doute, ma flamme De ces vices du temps pourra purger son âme. Avec quelle vérité, avec quel accent de l’âme Molière ne devait-il pas prononcer ces vers !
Mais c’est une bien mauvaise raison, si une certaine doctrine sur la grâce est le fond ou plutôt l’âme même du jansénisme, — et elle l’est incontestablement, — comme aussi bien des Pensées de Pascal. […] Mais on ne peut nier cependant qu’après avoir promené chez les Natchez « la grande âme blessée » de René, Chateaubriand se soit rembarqué pour l’Europe, en oubliant d’épouser Céluta. […] Échappe-t-on à qui sait remuer les ressorts de l’âme par ce qu’il y a de plus vif et de plus fort ? […] Je ne comprends donc pas que le dernier biographe de Marivaux ait pu laisser échapper cette phrase : « qu’il y avait plus d’élévation en dix pages du Paysan parvenu que dans tout Gil Blas, et que Jacob est une âme d’élite en comparaison de son émule ». — « Âme d’élite ? […] et voilà singulièrement placer l’âme !
« Aussi peut-on trouver une âme Qui ne sente la vive flamme « Qu’allume cet œil radieux ? […] On disait : « Je suis de tous les samedis de Mlle de Scudéry », comme plus tard on devait dire des Marly de Louis XIV : « Je suis de tous les Marly. » Chapelain s’y montrait fort assidu ; il était l’âme de la cabale. […] Après avoir été dans notre pays un art frivole, dont les difficultés donnaient un prix de convention à des galanteries, à un vain badinage d’esprit, n’était-il pas temps qu’elle prît enfin son rang parmi les productions de l’esprit qui prétendent à l’empire des âmes, et qu’elle demandât cet empire aux seules choses qui le donnent, la raison et le vrai ? […] Le poète n’est pas si maître de nos âmes que le lui disent ses flatteurs : l’empire appartient à celui qui connaît toutes les avenues de notre esprit, non à celui qui les évite ou qui les confond. […] Vous semble-t-il que Boileau n’ait pas eu l’âme aussi tendre que d’Alembert, duquel on disait : « Il n’est pas donné à tout le monde d’être si sec », et qu’il n’ait pas vu aussi loin dans son art que Marmontel ?
Ce génie, il le lui refuse expressément ailleurs et par de très bonnes raisons, et il se borne à lui accorder beaucoup d’esprit : Ses mérites consistent véritablement dans beaucoup d’esprit, mais nul génie (on entend par esprit la facilité à entendre et à rendre) ; la hardiesse, le courage, la tranquillité devant les grands objets, ce qu’on prend pour force d’âme et qui ne l’est que de cœur ; un goût porté au grand et à l’élevé pour soi-même. […] De là son âme est égale en tout temps ; s’il a peu de plaisirs sensibles, du moins ses peines sont légères, car il a les passions douces.
La fin générale que s’est proposée Racine dans ses tragédies, c’est le plaisir de ses auditeurs : il a donc voulu plaire, en excitant dans les âmes ces émotions vives qui naissent de l’admiration, de la compassion, de la terreur. […] Sur un point j’ai dit qu’il avait moins raison au fond : c’est qu’avec sa théorie du plaisir, et qui ne va qu’à désennuyer l’homme, à l’amuser, il n’entre pas dans le sentiment élevé, largement conçu, patriotique et social, qui transporte, qui enivre les générations et les peuples de l’idée de gloire, sentiment qui respire comme une flamme dans l’âme d’Achille, dans celle de son chantre, qui de là passe un jour dans celle d’Alexandre, et qui va encore après trois mille ans faire battre d’émulation un cœur généreux.
Un parti puissant dans Paris était vendu et à la solde de Philippe II, à l’aumône du vieillard de l’Escurial qui disait déjà : « J’ai commandé au duc de Parme de venir secourir ma ville de Paris. » Ce fut le moment du grand péril pour Henri IV (1591) et pour la cause française, dont il était le bras et l’âme. […] Il y eut là, vers l’année 1600, dans la nature aussi bien que dans les âmes, comme un immense et vigoureux printemps ; on avait un puissant besoin de réparation et de saine jouissance ; c’était le cri universel.
Elle trouve l’âme et le charme de la beauté moderne : la physionomie. […] » A défaut de portraits gravés ou peints, on a un portrait d’elle à cette date de jeunesse encore, — de seconde jeunesse, — par Mme du Deffand : « Mme la duchesse de Boufflers est belle sans avoir l’air de s’en douter ; sa physionomie est vive et piquante, son regard exprime tous les mouvements de son âme ; il n’est pas besoin qu’elle dise ce qu’elle pense, on le devine aisément, pour peu qu’on l’observe.
Je crois que c’est l’approbation qu’elle mérite. » Tout cela est d’une grande bonhomie et simplicité d’âme. […] Mais, ce qui était pis, Vauban, l’autorité même, Vauban semblait croire que Catinat aurait pu agir autrement et tenir le poste de La Pérouse ; il le disait à qui voulait l’entendre : « Je t’assure, écrivait Catinat à son frère, qu’il n’y a ombre de raison à ce dire, et qu’il aurait de la confusion de l’avoir avancé s’il était sur les lieux et qu’on lui dît de disposer ce poste pour être soutenu contre une armée qui a du canon… Je suis assurément rempli d’un grand fonds d’estime et d’affection pour M. de Vauban ; mais je voudrais bien voir jusqu’où iraient ses lumières et la tranquillité de son esprit, s’il était chargé en chef des affaires de ce pays-ci : je crois qu’il y serait pour le moins aussi fécond en inquiétudes qu’il l’était à Namur, où il était demeuré après la prise. » Catinat d’ailleurs n’en veut point à Vauban, et il trouve, pour l’excuser de ce léger tort à son égard, une belle explication amicale : « M. de Vauban est de mes amis ; sa franchise naturelle l’a surpris et l’a fait parler d’une chose qu’il a pensée et qu’il ne sait point, et avec peu de ménagement pour un homme qu’il aime ou qui est en droit de le croire. » Bien qu’endurci par l’expérience à tous les propos, Catinat était donc en ce moment fort fécond en soucis et des plus travaillés d’esprit ; toutes ses lettres adressées du camp de Fénestrelles à son frère nous ouvrent le fond de son âme : « Personne n’est à l’abri du discours, c’est un mal commun à tous ceux qui sont honorés du commandement : il faudrait que je fusse bien abîmé dans un esprit de présomption pour que je pusse imaginer que cela fût autrement à mon égard.
Le bon Dieu a voulu que je survive à celui pour lequel j’aurais donné mille vies ; j’espère qu’il me fera la grâce d’employer le reste de mon pèlerinage à me préparer, par une sincère pénitence, à rejoindre son âme dans le Ciel, où je ne doute pas qu’il demande la même grâce pour moi. » Elle mourut quinze mois après son époux (12 mars 1767). […] De quel droit jugeait-il l’illustre Saxon comme un simple condottiere dans des proportions plus grandes, et lui en prêtait-il les calculs et l’âme ?
Nous cherchons aussi l’histoire des pensées et de l’âme de Jomini. […] Je n’ambitionne rien dans mon pays que l’honneur d’être appelé au jour du danger à commander son avant-garde, dussé-je même subir le sort du respectable général d’Erlachl62 » Ce dernier vœu assez inattendu, ce soudain souhait d’une mort patriotique et guerrière nous ouvre un jour sur l’âme de Jomini, sur sa plaie secrète, sur les ennuis dont il n’était pas venu à bout de triompher, et que nous révèle encore mieux une lettre intime écrite vers la même date.
On l’a dit, dans sa délicatesse première, elle est presque une qualité de l’âme et une vertu. […] C’est ce qui semble, en effet, respirer et soupirer dans une délicieuse pièce de lui que notre indiscrétion dérobe à un Album, et qui révèle tout un coin charmant et attristé de cette âme.
Son âme, qui se formait à ce moment, y contracta pour jamais ce quelque chose de libéral, mais de sage, qui ne cessa pas d’être sa mesure au milieu des orages qu’il eut à traverser. […] Ce spectacle des pays conquis et de l’odieuse administration qui pesait sur eux, frappa vivement son âme équitable et compatissante ; il n’en put contenir l’impression en écrivant à son père.
Là comme toujours, l’amour, la foi transfigurent leur objet : ce grand rieur qui passa sa vie à se moquer de tout le monde, devient sous la plume de Mme Suard un apôtre attendri, doux et bénin : c’est un Voltaire idéalisé, le Voltaire des âmes sensibles, à mettre en face de Rousseau sur une console. […] Ce rationalisme des âmes médiocres et fermées aux grandes conceptions comme aux grandes inquiétudes nous paraît bien étroit et bien inintelligent.
Des pensées plus avancées que poétiques sur la tolérance religieuse lui attirèrent les censures de la Sorbonne, et le fameux Béda y déféra son Miroir de l’âme pécheresse. […] Une veuve d’expérience, dame Oysille, est l’âme de la réunion.
Lucas sur le système pénal, et en particulier sur la peine de mort, il essaie de fixer dans ses limites et de rattacher à son principe le droit qu’a la société de punir, qu’il recherche les raisons qui rendent la vie humaine respectable encore jusque chez les criminels, et qu’il s’inquiète des moyens de régénérer ceux mêmes qu’on châtie ; soit que, réfutant la théorie brutalement matérialiste de Broussais, il se complaise à rétablir les titres authentiques, selon lui, et irréfragables, de la spiritualité et de l’énergie propre de l’âme ; soit enfin qu’abordant, à propos de l’Othello de M. de Vigny, la question de l’art dramatique en France, il se félicite de la disposition du public, et que, de ce côté aussi, il marque sa foi en un certain bon sens général qui semble mûr pour le vrai et pour le beau. […] Notre théâtre est devenu non seulement le témoignage éclatant de tout le dévergondage et de toute la démence auxquels l’esprit humain peut se livrer quand il est abandonné sans aucun frein, mais il est devenu encore une école de débauche, une école de crimes, et une école qui fait des disciples que l’on revoit ensuite sur les bancs des cours d’assises attester par leur langage, après l’avoir prouvé par leurs actions, et la profonde dégradation de leur intelligence et la profonde dépravation de leurs âmes.
L’abbé de Choisy a consigné les circonstances et les motifs de sa conversion dans quatre Dialogues sur l’Immortalité de l’âme, l’Existence de Dieu, la Providence et la Religion, qu’il publia dès l’année suivante (1684) : c’était ne pas perdre de temps. […] « Dès que je serais persuadé de la puissance et de la bonté de Dieu, rien ne me serait difficile à croire. » — « Je n’ai donc, lui répondait Théophile, qu’à vous prouver qu’il y a un Dieu et que votre âme est immortelle, et vous êtes capucin. » Et Dangeau disait· encore, en parlant de cette conversion facile et un peu fragile de l’abbé de Choisy, et quand on lui en faisait compliment : « Hélas !
Ils ont établi que l’honnêteté de l’âme consistait à louer tout ce qui n’était pas louable, à applaudir de toutes ses forces lorsqu’on s’ennuyait. […] ne cessaient de retentir dans mon âme et d’en ébranler puissamment toutes les facultés.
… » Et Rousseau lui répondait dans la même pensée : « Il y a un si bel ordre dans l’ordre physique, et tant de désordre dans l’ordre moral, qu’il faut de toute nécessité qu’il y ait un monde où l’âme soit satisfaite. » Et il ajoutait avec effusion : « Nous avons ce sentiment au fond du cœur : Je sens qu’il doit me revenir quelque chose. » Que les personnes religieuses, avant de frapper sur Bernardin et sur Rousseau, veuillent toujours se rappeler ces deux belles paroles de l’un et de l’autre, ce quelque chose et ce quelqu’un. […] Hennin le 7 février 1781 ces paroles qui sont comme un chant ; il y a au fond de Bernardin une âme pastorale qui, du milieu de ses douleurs, s’éveille au moindre motif et se met à chanter : J’irai, dit-il, vous voir à la première violette ; j’aurai bien près de cinq lieues à aller, j’irai gaiement, et je compte vous faire une telle description de mon séjour, que je vous ferai naître l’envie de m’y venir voir et d’y prendre une collation.
Une telle apologie de la liberté de penser serait le meilleur moyen de la rendre odieuse : le dilemme qui nous forcerait à choisir entre la vérité et la liberté serait un cruel déchirement pour les âmes généreuses. […] Il n’y a plus à chercher s’il y a un Dieu, s’il y a une âme, s’il y a une vie future ; l’instinct du genre humain a résolu ces grands problèmes : il n’y a plus qu’à préserver ces solutions des atteintes de l’esprit d’examen, qui n’est jamais que l’esprit de doute et de ruine.
Sans chaleur d’âme, toute sa vie il sera froid. […] Où est la chaleur d’âme, l’élan, le transport, l’yvresse que l’esprit vivifiant doit produire ?
Ainsi se concilient le système des idées innées et la doctrine qui ne permet à l’homme d’enrichir son intelligence, d’orner son esprit, de perfectionner son âme que par la voie des sens. […] Non, sans doute ; ainsi que nous l’avons déjà dit, ils furent guidés par un plus noble sentiment, celui de commander le respect pour la loi ; d’en interdire l’examen indiscret ; de la transmettre par la parole parlée, sainte et mystérieuse ; d’en confier le dépôt directement à l’âme ; de ne point en enfermer le vaste sens dans les limites d’une expression matérielle : ils voulurent se réserver de celer au profane vulgaire les choses qu’il doit ignorer, et de mesurer l’instruction selon les castes et les tribus ; car les castes et les tribus, conservatrices des traditions, furent une institution nécessaire des premiers âges des sociétés humaines.
… Pour notre part, nous en doutons, mais, en supposant un silence absolu qui paraît impossible, est-ce que la réflexion d’un moderne pouvait oublier, elle, l’âme générale de ce soulèvement prodigieux, et dans un livre, fait à la distance de tant de siècles, ne devions-nous donc rencontrer que la plume d’un courtisan d’Attila, et sans qu’on pût jamais deviner sous la dictée de quelle religion ce singulier et tardif courtisan s’est avisé d’écrire la biographie de son maître temporel ? […] Il y avait bien un peu plus que cela dans ces grandes âmes !
Une conscience collective et impersonnelle existerait alors en dehors des consciences personnelles et particulières : comme elles, et indépendamment d’elles, « l’âme de la cité » le « Volksgeist », l’« esprit du temps » aurait ses pensées propres. […] Ainsi dans les sociétés, les modes d’actions généralement pratiquées seront les signes, les plus expressifs du tour des opinions généralement reçues : consolidées, objectivées ou non, inscrites dans les choses ou seulement dans les âmes, les habitudes collectives, — c’est-à-dire celles que chaque individu se sent tenu d’observer, — manifestent les idées acceptées par la masse des individus ; les transformations des autres ne peuvent manquer de s’exprimer par les transformations des autres.
L’ancien art catholique, et l’art plus varié des écoles qui se succèdent ; la religion, aujourd’hui sans vie, réduite à des formes encore augustes dans leur inanité ; l’arène de l’antique politique foulée çà et là par quelque vieux prélat, quelque moine sale, par des pâtres velus ou des mendiants en guenilles ; la liberté qui peut toutefois sortir jusque des filets du pêcheur napolitain ; ce que retrouverait alors d’enchantement et de génie cette belle captive ressuscitée : voilà donc les idées vraiment grandes qui ont tour à tour passé de l’âme du poëte dans ses chants.
Des malheurs domestiques se joignirent peu après aux malheurs de la patrie pour accabler son âme sensible et porter atteinte à son organisation.
Vives et piquantes, elles abondent en saillies de gaieté et en railleries de bon goût ; on dirait que par ses agaceries elle cherche à relever l’âme contrite de sa dévote amie.
Mais certes, ils ne sauraient nous reprocher d’avoir longuement fixé leur attention sur un de ces hommes si rares de nos jours, purs d’ambition et d’intrigues, voués pour la vie à la science et à l’enseignement, participant de cœur et d’âme aux progrès, aux vœux d’une jeunesse qu’ils ont formée et qui les révère, et s’étonnant ensuite avec une véritable candeur quand la réputation qu’ils méritent vient couronner leurs solides et précieux travaux.
Un hymne de M. de La Mennais à la Pologne termine ce volume avec la douceur et l’harmonie d’une virginale prière ; car ce grand écrivain, assez connu par l’énergie brûlante de sa plume, une fois hors de la polémique, retrouve une onction tendre et une délicieuse fraîcheur d’âme.
Les hommes de la première classe de la société, en France, aspiraient souvent au pouvoir ; mais ils ne couraient dans cette carrière aucun hasard dangereux ; ils jouaient sans jamais risquer de beaucoup perdre ; l’incertitude ne roulait que sur la mesure du gain ; l’espoir seul animait donc les efforts : de grands périls ajoutent à l’énergie de l’âme et de la pensée, la sécurité donne à l’esprit tout le charme de l’aisance et de la facilité.
» Vous voyez bien que je connais l’âme de l’Angleterre !
M. l’abbé Fulcran a pour Méniquette la plus haute estime : — Mlle Pigassou est une âme d’élite, répète-t-il à tout propos.
Il s’en servit pour révéler une préoccupation de l’esprit, un état de l’âme, un sentiment, une passion ; pour faire éclater un caractère du premier mot et du premier geste.
Qui a l’oreille prend l’âme.
Il eût pu, à la vérité, emprunter d’autres couleurs sur la même palette, et jeter ici quelques bonnes pages bien philanthropiques, dans lesquelles — en côtoyant toutefois avec prudence un banc dangereux, caché sous les mers de la philosophie, qu’on nomme le banc du tribunal correctionnel — il eût avancé quelques-unes de ces vérités découvertes par nos sages pour la gloire de l’homme et la consolation du mourant ; savoir : que l’homme n’est qu’une brute, que l’âme n’est qu’un peu de gaz plus ou moins dense, et que Dieu n’est rien ; mais il a pensé que ces vérités incontestables étaient déjà bien triviales et bien usées, et qu’il ajouterait à peine une goutte d’eau à ce déluge de morales raisonnables, de religions athées, de maximes, de doctrines, de principes qui nous inondent pour notre bonheur, depuis trente ans, d’une si prodigieuse façon qu’on pourrait — s’il n’y avait irrévérence — leur appliquer les vers de Regnier sur une averse : Des nuages en eau tombait un tel degoust, Que les chiens altérés pouvaient boire debout.
Ce n’est point-là de la poésie de tumulte et de bruit ; ce sont des vers sereins et paisibles, des vers comme tout le monde en fait ou en rêve, des vers de la famille, du foyer domestique, de la vie privée ; des vers de l’intérieur de l’âme.
D’ailleurs tous les départs veulent quelques apprêts, l’entrée dans l’inconnu nous attend tous, et la solitude et l’absence sont une espèce de crépuscule qui prépare l’âme à cette grande ombre et à cette grande lumière.
« Il est bien vrai, dit-il, que les changements organiques du cerveau font quelquefois disparaître la mémoire des faits qui se rapportent à certaines périodes ou à certaines classes de mots, tels que les substantifs, les adjectifs ; mais cette perte ne pourrait être expliquée au point de vue matériel qu’en admettant que les impressions se fixent d’une manière successive dans des portions stratifiées du cerveau, ce à quoi il n’est pas permis de s’arrêter un seul instant… La faculté de conserver ou de reproduire les images ou les idées des objets qui ont frappé les sens ne permet pas d’admettre que les séries d’idées soient fixées dans telles ou telles parties du cerveau, par exemple, dans les corpuscules ganglionnaires de la substance grise, car les idées accumulées dans l’âme s’unissent entre elles de manières très-variées, telles que les relations de succession, de simultanéité, d’analogie, de dissemblance, et ces relations varient à chaque instant. » Müller ajoute : « D’ailleurs, si l’on voulait attribuer la perception et la pensée aux corpuscules ganglionnaires et considérer le travail de l’esprit, — quand il s’élève des notions particulières aux notions générales, ou redescend de celles-ci à celle-là, — comme l’effet d’une exaltation de la partie périphérique des corpuscules ganglionnaires relativement à celle de leurs parties centrales ou de leur noyau relativement à leur périphérie, si l’on prétendait que la réunion des conceptions en une pensée ou en un jugement qui exige à la fois l’idée de l’objet, celle des attributs et celle de la copule, dépend du conflit de ces corpuscules et d’une action des prolongements qui les unissent ensemble ; si l’on prétendait que l’association des idées dépend de l’action soit simultanée, soit successive, de ces corpuscules, — on ne ferait que se perdre au milieu d’hypothèses vagues et dépourvues de tout fondement72. » De tout ce qui précède, je ne crois pas qu’il soit bien téméraire de conclure que nous ne savons rien, absolument rien, des opérations du cerveau, rien des phénomènes dont il est le théâtre lorsque la pensée se produit dans l’esprit.
Si je vois une verte prairie, de l’herbe tendre et molle, un ruisseau qui l’arrose, un coin de forêt écarté qui me promette du silence, de la fraîcheur et du secret, mon âme s’attendrira ; je me rappellerai celle que j’aime : où est-elle, m’écrierai-je ; pourquoi suis-je seul ici ?
Il est donc à propos que l’enseignement de ses sujets se conforme à sa façon de penser et qu’on leur démontre la distinction des deux substances, l’existence de Dieu, l’immortalité de l’âme et la certitude d’une vie à venir, comme les préliminaires de la morale ou de la science qui fait découler de l’idée du vrai bonheur, et des rapports actuels de l’homme avec ses semblables, ses devoirs et toutes les lois justes ; car on ne peut, sans atrocité, m’ordonner ce qui est contraire à mon vrai bonheur, et on me l’ordonnerait inutilement.
Si vous n’avez pas une âme de bronze, dites donc avec moi ; élevez votre voix, dites : maudit soit le premier qui rendit les fonctions publiques vénales ; maudit soit celui qui rendit l’or l’idole de la nation ; maudit soit celui qui créa la race détestable des grands exacteurs ; maudit soit celui qui engendra ce foyer d’où sortirent cette ostentation insolente de richesse dans les uns, et cette hypocrisie épidémique de fortune dans les autres ; maudit soit celui qui condamna par contre-coup le mérite à l’obscurité, et qui dévoua la vertu et les mœurs au mépris.
Son âme est fort tranquille.
« Un doux éclat de soleil couchant — nous dit-il plus loin, avec ce sentiment de poète qui sent la poésie dans les autres, — rayonne de l’âme de Hebel, pure et tranquille, et teint de rose toutes les hauteurs qu’il fait surgir. » Et Jean-Paul ajoute cette phrase mélodique et enchantée du ranz des vaches que son imagination pastorale jouait toujours : « Hebel embouche d’une main la trompe alpestre des aspirations et des joies juvéniles, tout en montrant, de l’autre, les reflets du couchant sur les hauts glaciers, et commence à prier quand la cloche du soir se met à sonner sur les montagnes. » De son côté, Goethe, ce grand critique, ce grand esprit lymphatique, ce Talleyrand littéraire qui fait illusion par la majesté de l’attitude sur la force de sa pensée, cet homme que l’on a cru un marbré parce qu’il en a la froideur, Goethe, ce blank dead, comme l’appelleraient les Anglais, ce système sans émotion et dont le talent fut à froid une combinaison perpétuelle, disait de cette voix glacée qui impose : « L’auteur des poésies allemaniques est en train de se conquérir une place sur le Parnasse allemand.
Un pouvoir, si vigoureux et si intelligent qu’il soit, ne change pas tout à coup, même en France, où son action est plus irrésistible qu’ailleurs, l’âme tout entière d’une époque.
Restent donc, pour le fantastique essayé, Le Rêve du cousin Elof, qui n’est qu’un rêve somnambulique d’un effet usé et qu’il fallait renouveler, comme Edgar Poe, quand on ose toucher à ce genre de fantastique ; La Montre du Doyen, qui n’est qu’une histoire de la Gazette des tribunaux ; Les Trois Âmes, Hans Storkus, L’Araignée-Crabe.
Poète et politique, Lamartine était comme l’homme du mouvement pur ; âme même du fluide, il reste dans notre pays politique l’homme-drapeau de la marche à gauche. […] Notons cependant que les partis radical et socialiste ne sont des partis d’idées que dans une certaine mesure, que, s’ils ont une âme, ils ont aussi un corps, et que cette guenille leur est volontiers très chère. […] Les trois seules apologétiques qui aient eu, en même temps qu’une place dans la littérature, une action sur les âmes, sont de deux laïques et d’un « prêtre malgré lui » qui ne l’est pas resté : les Pensées, le Génie du Christianisme et l’Essai sur l’Indifférence. […] la pensée socialiste et la volonté du prolétariat, identifiées à l’âme même de la paix active. […] L’Église ne croit qu’à la justice d’en haut, et ne tient sur la terre la vie sociale pour bonne qu’en tant qu’elle contribue à la seule fin terrestre valable, le salut de l’âme individuelle.
jeûnez pour votre compte, ma chère ; mais laissez-moi, s’il me plaît, me régaler d’un bon bifteck, aux risques et périls de mon âme. […] Sa jeunesse y avait été fort misérable, et il avait dû accumuler au fond de son âme des trésors de haine. […] Gounod de pousser la roue du char qui porte l’Œuvre de Wagner et sa fortune ; il fera preuve assurément d’une grandeur d’âme surhumaine.
Il courait la nuit en vomissant des flammes, en poussant des cris, en entraînant à sa suite des légions de diablotins et de sorcières ; mais une locomotive remorquant son convoi lance plus de feux, jette plus de clameurs, emporte plus de monde que lui ; il bâtissait des palais en un jour, mais voyez donc ce qui se fait au Louvre maintenant ; il donnait des trésors à ceux qui lui vendaient leur âme ; l’industrie en procure d’aussi grands, de plus inépuisables, et n’exige que du travail en échange ; il disait certaines paroles qui cicatrisaient les blessures et endormaient la douleur, mais le chloroforme en sait plus long que lui sur ce sujet. […] Un jour peut-être cette robuste Amérique qui s’établit maintenant entre des monceaux de charbon de terre et des piles de dollars, sera lasse de son matérialisme, et, pour se relever d’un seul bond aux yeux du monde qui la regarde, elle remettra son sort entre les mains d’un de ces hommes rares que Dieu suscite pour illuminer les esprits et rasséréner les âmes. […] « Le poëte a charge d’âmes !
c’est le ciel qui console ; Aux lambris étoilés quand une âme s’envole, Un dieu la pèse de ses mainsp : Et, s’il la trouve pure, il ouvre devant elle Des jardins lumineux, des plaines d’asphodèle, Que n’ont point foulés les humains !
Autrement comment pouvoir exprimer en toute sincérité certains sentiments, certaines vérités nobles, désintéressées, naturelles, qui sont l’âme même de toute généreuse poésie ?
Michelet, l’homme qui sait, qui voit, qui sent si admirablement les choses d’autrefois, a dit en quelques lignes ce qui se passa alors dans les âmes : « Cette trompette libératrice de l’archange, qu’on avait cru entendre en l’an mil, elle sonna un siècle plus tard dans la prédication de la croisade.
Notre monde effraie, dégoûte sa pauvre âme : elle revient, et meurt dans un naufrage, sous les yeux de Paul.
Le rire dont elles nous secouent intérieurement est le rire bouddhiste, lequel précède immédiatement, dans l’ordre des affranchissements successifs de nos pauvres âmes, la paix du Nirvâna… Le second et le troisième caractère de cette gaîté, c’est l’outrance et la méthode, portées toutes deux aussi loin que possible, et se soutenant et se fortifiant l’une l’autre.
Que si elles avaient le défaut de faire de l’amour un délire de l’imagination, elles eurent aussi le mérite d’élever les esprits et les âmes au-dessus de l’amour d’instinct, et de préparer cet amour du cœur, ce doux accord des sympathies morales si fécond en délices inconnues à l’incontinence grossière, cet amour qui donne tant d’heureuses années à la vie humaine, appelée seulement à d’heureux moments par l’amour d’instinct.
Madame Scarron tut sans folie concevoir l’espérance de loucher le cœur du monarque, et surtout en concevoir le désir ; et madame de Montespan dut ressentir, dans son âme altière, une secousse de jalousie qui ne pouvait manquer d’avoir des suites.
Comment le croire aussi éclairé et aussi élevé qu’il était piquant, lorsqu’on la voit confondre les empressements du roi voluptueux, au moment d’un retour après une longue absence, avec un de ces retours de tendresse et d’affection qui attestent les douces et vives sympathies des âmes délicates et des intelligences élevées ?
Cette mère qui, seule de toutes les Troyennes, a voulu suivre les destinées d’un fils ; ces habits devenus inutiles, dont elle occupait son amour maternel, son exil, sa vieillesse et sa solitude, au moment même où l’on promenait la tête du jeune homme sous les remparts du camp, ce femineo ululatu , sont des choses qui n’appartiennent qu’à l’âme de Virgile.
Les fruits, les fleurs changent sous le regard attentif de la Tour et de Bachelier ; quel supplice n’est donc pas pour eux le visage de l’homme, cette toile qui s’agite, se meut, s’étend, se détend, se colore, se ternit selon la multitude infinie des alternatives de ce souffle léger et mobile qu’on appelle l’âme ?
Malheureusement, Vaultier n’a vu mademoiselle Corday qu’à sa fenêtre, et ce n’est pas assez pour nous renseigner beaucoup sur cette âme profonde, énigme de plus jetée par la silencieuse fierté d’un grand caractère aux vaines disputes des historiens !
Lisez son livre, et voyez si déjà, dans ce jeune homme d’hier, il n’y a pas assez de pénétration, assez de profondeur prématurée, assez de mépris admirablement exprimé, pour arriver très vite à cet état de l’âme dont les hommes ont fait une fatalité, — la misanthropie.
Il appartient à l’école sans âme des penseurs politiques qui se perdent par leur impersonnalité même.
La vraie gloire de Béranger, dans la postérité, sera quelques romances, d’un sentiment éternel, auxquelles personne ne pense que les âmes tendres qu’elles font rêver et qui, pour cette raison, n’en parlent pas.
S’il y a au fond de leurs doctrines de perdition, comme dans ce livre de Césara, malgré ses folies, un enthousiasme, une compassion, un je ne sais quoi qui puisse faire illusion encore aux âmes et aux esprits sur l’erreur radicale que respirent ces malheureuses doctrines, cet enthousiasme, cette compassion, ce je ne sais quoi qui fait illusion encore, c’est le Christianisme qui l’y a mis !
Tous deux, dans des temps malheureux, avaient déployé de la hauteur d’âme et une rigueur inflexible de vertu.
Dans les églogues, déjà l’assassin est un dieu ; dans les Géorgiques, les astres se rangent humblement pour lui faire place, et lui demandent quelle est celle qu’il voudra bien occuper parmi eux ; et l’Énéide, comme on sait, n’est, d’un bout à l’autre, qu’un monument que la servitude éleva, par la main du génie, à la famille des Césars ; Virgile avait l’âme plus tendre qu’élevée, et plus douce que forte.
À cette distance et dans la perspective historique, je ne vois plus en lui qu’une machine spirituelle, munie de ressorts donnés, lancée par une impulsion première, heurtée par diverses circonstances : je calcule le jeu de ses moteurs, je ressens avec elle les coups des obstacles, je vois d’avance la courbe que son mouvement va décrire ; je n’éprouve pour elle ni aversion ni dégoût ; j’ai laissé ces sentiments à la porte de l’histoire, et je goûte le plaisir très-profond et très-pur de voir agir une âme selon une loi définie, dans un milieu fixé, avec toute la variété des passions humaines, avec la suite et l’enchaînement que la construction intérieure de l’homme impose au développement extérieur de ses passions. […] Ces généreuses paroles partent du cœur ; la source est pleine, elle a beau couler, elle ne tarit pas ; dès que l’écrivain parle de la cause qu’il aime, dès qu’il voit se lever devant lui la Liberté, l’Humanité et la Justice, la Poésie naît d’elle-même dans son âme, et vient poser sa couronne sur le front de ses nobles sœurs. […] Les grands romanciers entrent dans l’âme de leurs personnages, prennent leurs sentiments, leurs idées, leur langage ; il semble que Balzac ait été commis-voyageur, portière, courtisane, vieille fille, poëte, et qu’il ait employé sa vie à être chacun de ces personnages : son être est multiple et son nom est légion. […] Le poëte ressuscite des âmes, le philosophe ordonne un système, l’orateur reforme des chaînes de raisons ; mais tous trois vont au même but par des voies différentes, et l’orateur comme ses rivaux, et par d’autres moyens que ses rivaux, reproduit dans son œuvre l’unité et la complexité de la vie. […] La population qu’il gouvernait n’excédait pas, dit-on, deux cents âmes.
» Sainte-Beuve réplique coléreusement : « La propriété littéraire pas plus que l’autre… Il ne faut pas de propriété… Il faut que tout se renouvelle, que chacun travaille à son tour… Dans ces quelques paroles, jaillies du plus secret et du plus sincère de son âme, on sent, dans Sainte-Beuve, le célibataire révolutionnaire, et il nous apparaît presque avec la tête d’un conventionnel niveleur, d’un homme laissant percer contre la société du xixe siècle des haines à la Rousseau, ce Jean-Jacques auquel il ressemble un peu physiologiquement. […] certes, c’est la santé d’une génie bien portant, mais toutefois pour le rendu des délicatesses, des mélancolies exquises, des fantaisies rares et délicieuses sur la corde vibrante de l’âme et du cœur, ne faut-il pas, je me le demande, un coin maladif dans l’homme, et n’est-il pas nécessaire d’être un peu, à la façon de Henri Heine, un crucifié physique ? […] C’est d’une volupté étrange, mystérieuse, silencieuse, ce doux menuet de mortes et d’âmes masquées, se nouant et se dénouant dans un rayon de lune. […] — C’est étonnant, dis-je, comme au dessert on parle toujours de l’immortalité de l’âme. […] … La mère qui regardait sa toute petite fille, sa fille de huit ans, se renversant sur moi, et me jetant par ses yeux, par ses gestes, par l’étreinte de ses mains, par tout son corps, la tendresse de sa petite âme si étrangement tendre, se mit à dire avec un sourire, le sourire de la Joconde : « Oh !
Quand on fait bon marché de la langue, de la vérité, des observations, de la création d’âmes originales, on en arrive fatalement à mettre au-dessus de tout l’art de l’arrangement, la pratique matérielle. […] Mais, ce qui est plus caractéristique, c’est que le personnage est alors un simple mécanisme cérébral ; le corps n’intervient pas, l’âme seule fonctionne, avec les idées, les sentiments, les passions. […] Le corps ne comptant pas, l’âme étant regardée comme l’unique pièce intéressante de la machine humaine, tout drame se passait en l’air, dans l’esprit pur. […] Celui-ci a étudié l’âme humaine, il en analyse les nuances, il est un homme qui pleure. […] Garin de même reste un fantoche ; sa lutte avec le remords ne se marque pas assez, on ne voit pas ses élats d’âme, sa passion, sa fureur, puis son affolement ; tout cela se fond et se brouille dans une phraséologie étonnante, où une fausse poésie délaye à chaque minute la situation dramatique.
Un petit fait détermina, dans cette âme simple, la vocation de philanthrope. […] Dans ce cas, ils manifestent même de véritables âmes de jockeys, bousculant leurs concurrents, leur coupant la route. […] C’est ce qu’a constaté presque seul entre les anciens écrivains, Bossuet : « La douleur, dit-il, abat à la fin et rend l’âme paresseuse. » Rien de plus exact. […] Non seulement l’âme n’est pas immortelle, mais il n’y a qu’elle de mortelle. […] Les femmes, ça a une âme, une toute petite âme… Dans l’œuvre de Carrière, trop de Christs, trop de maternités, trop de balivernes religieuses et sociales.
Chaque marge, chaque feuillet de son Virgile est plein de ses commentaires, où se révèle toute sa sensibilité d’âme et de goût ; et le poète des Pensées d’août, qui a relu un jour les notes d’un père qu’il n’avait point connu et qui s’est servi, après lui, du même exemplaire pour apprendre Virgile, a pu dire : Mon père ainsi sentait. Si, né dans sa mort même, Ma mémoire n’eut pas son image suprême, Il m’a laissé du moins son âme et son esprit, Et son goût tout entier à chaque marge écrit. Après des mois d’ennuis et de fatigue ingrate, Lui, d’étude amoureux et que la Muse flatte, S’il a vu le moment qu’il peut enfin ravir, Sans oublier jamais son Virgile-elzévir, Il sortait ; il doublait la prochaine colline, Côtoyant le sureau, respirant l’aubépine, Rêvant aux jeux du sort, au toit qu’il a laissé, Au doux nid si nombreux et si tôt dispersé, Et tout lui déroulait, de plus en plus écloses, L’âme dans les objets, les larmes dans les choses.
« L’Église est une monarchie », poursuit-il, sans s’arrêter aux conciles (grand rouage représentatif de cette monarchie des âmes chrétiennes). […] Ton âme est un papier blanc sur lequel nous n’avons point permis au diable de barbouiller, de façon que les anges ont pleine liberté d’y écrire tout ce qu’ils voudront, pourvu que tu les laisses faire. […] N’est-ce pas plutôt une provocation à toute âme indépendante qui veut adorer et non trembler ?
Cet homme de bien, très détaché de lui-même, ne se jugeait pas assez important pour s’occuper exclusivement de lui et pour en occuper les autres ; il se passe habituellement sous silence ; mais, quand il rencontre sur le chemin de ses souvenirs et de sa plume quelqu’une de ces questions historiques qui ont agité et l’Église et le monde, telles que le concordat, le rétablissement du culte en France, le conclave d’où sortit Pie VII, le voyage du pape à Paris pour y couronner Napoléon, l’emprisonnement de ce pontife à Savone, sa dure captivité, sa résidence forcée à Fontainebleau, les désastres de Russie et de Leipsick qui forcèrent l’empereur à tenter sa réconciliation avec Pie VII et à renoncer à l’empire des âmes pour recouvrer à demi l’empire des soldats ; le retour du pape à Rome, l’enthousiasme de l’Italie à sa vue, qui le fait triompher seul à Rome de l’omnipotence indécise de Murat en 1813 ; enfin sa restauration spontanée sur son trône : alors Consalvi, directement ou indirectement mêlé à toutes ces transactions, prend des notes, les rédige et les confie aux archives du Saint-Siège pour éclairer le gouvernement pontifical et traditionnel sur ses intérêts. […] « Enfin la mort d’un autre de mes domestiques, ayant tous les droits à mon estime à cause de la fidélité et de l’attachement avec lesquels il me servait, mit le comble aux afflictions de cette espèce, afflictions, je l’ai dit, par lesquelles mon âme a toujours été très éprouvée. » VI Consalvi ressentit quelque amertume du refus du pape de le choisir pour successeur du cardinal Negroni dans un emploi inférieur auquel il avait droit. […] Chaque pas que je faisais pour me rapprocher du Saint-Père apportait à mon âme une émotion toujours croissante.
C’est une surprise de l’âme enlevée à elle-même ; c’est comme une secousse involontaire qui fait tomber pour un moment de nos épaules le poids de la vie. […] Quelles charmantes images, dans le Dépit amoureux, des brouilleries entre amants sitôt suivies du raccommodement ; de leurs jalousies passagères pour le plaisir d’en être guéris ; de la puissance de l’illusion sur une âme éprise ! […] Cette émotion qui anime toutes les scènes du Tartufe était passée de l’âme de Molière dans celle de ses personnages.
Klopstock, homme de province, simple et grave, chrétien et Allemand au xviiie siècle, trouva dans son âme des chants inspirés qui, d’un bout de l’Allemagne à l’autre, furent accueillis comme l’aurore d’une poésie vraiment nationale. […] Lorsque de toutes parts il n’était question en France, en Angleterre, en Italie, que de plaisir, d’intérêt et de bonheur, une voix s’éleva de Kœnigsberg pour rappeler l’âme humaine au sentiment de sa dignité, et enseigner aux individus et aux nations qu’au-dessus des attraits du plaisir et des calculs de l’intérêt, il y a quelque chose encore, une règle, une loi, une loi immuable, obligatoire en tout temps et en tout lieu et dans toutes les conditions sociales ou privées : la loi du devoir. […] On a pu y ajouter différentes parties, une digression sur les facultés de l’âme, une autre sur les causes et les remèdes de nos erreurs ; mais ce n’est pas augmenter, c’est dénaturer les sciences que d’en méconnaître et confondre les bornes.
. — Cette pondération du vert et du rouge plaît à notre âme. […] Corot. — Evidemment cet artiste aime sincèrement la nature, et sait la regarder avec autant d’intelligence que d’amour. — Les qualités par lesquelles il brille sont tellement fortes, — parce qu’elles sont des qualités d’âme et de fond — que l’influence de M. […] qui ignorent d’abord qu’une œuvre de génie — ou si l’on veut — une œuvre d’âme — où tout est bien vu, bien observé, bien compris, bien imaginé — est toujours très-bien exécutée, quand elle l’est suffisamment — Ensuite — qu’il y a une grande différence entre un morceau fait et un morceau fini — qu’en général ce qui est fait n’est pas fini, et qu’une chose très-finie peut n’être pas faite du tout — que la valeur d’une touche spirituelle, importante et bien placée est énorme…, etc…, d’où il suit que M.
Il ne sait ni bien aimer, ni bien haïr ; les ressorts de son âme sont si liants qu’ils en sont faibles ; ce défaut contribue encore à le rendre aimable, mais il est bien dangereux dans un homme qui remplit les premières places. […] [NdA] Voici quelques-unes des maximes de Lassay qui approchent le plus du mot que rapporte Chamfort ; mais encore sont-elles d’un homme du monde désabusé et sans illusion, plutôt que d’une âme ulcérée et d’un cœur aigri : Il n’y a rien de si beau que l’esprit de l’homme, et rien de si effroyable que son cœur. — L’usage du monde corrompt le cœur et perfectionne l’esprit. — La plupart des connaissances qu’on a sont nos véritables ennemis ; car, pour l’ordinaire, ce ne sont pas les hommes avec qui nous ne vivons point qui nous font du mal.
Quand sur les champs du soir la brume étend ses voiles ; Lorsque, pour mieux rêver, la Nuit, au vol errant, Sur le pâle horizon détache en soupirant Une ceinture d’or de sa robe d’étoiles ; Lorsque le Crépuscule entrouvre aux bords lointains Du musical Éther les portes nuageuses, Alors, avec les vents, les âmes voyageuses Vont chercher d’autres cieux dans leurs vols incertains. […] Non, je n’ai pu comprendre et votre âme et la terre Que de loin, quand les ans sont venus tout finir ; Et mon cœur n’a fleuri qu’autour d’un souvenir, Comme autour des tombeaux l’églantier solitaire !
En revanche, on nous dit qu’il avait trois systèmes différents sur la mortalité de l’âme, tant il avait peur d’y manquer. […] C’en est un, il est vrai, pour quelques âmes vaines ; Mais, hélas !
Chacun apporte ainsi dans sa jeunesse sa dose de foi, d’amour, de passion, d’enthousiasme ; chez quelques-uns, cette dose se renouvelle sans cesse ; je ne parle que de la portion de foi, d’amour, d’enthousiasme, qui ne réside pas essentiellement dans l’âme, dans la pensée, et qui a son auxiliaire dans l’humeur et dans le sang ; chez quelques-uns donc cette dose de chaleur de sang résiste au premier échec, au premier coup de tête, et se perpétue jusqu’à un âge plus ou moins avancé. […] Le désintéressement et l’amour de la paix comme de la vérité étaient son caractère ; c’était une âme divine. » 125.
Déjà à l’apogée de sa réputation, Pouchkine défiait ses critiques et ne cherchait pas à se justifier de l’accusation d’immoralité qui, dit-on, lui valut quelques succès parmi de bonnes âmes, comme il s’en trouve toujours pour convertir les mauvais sujets. […] Les derniers sont d’un caractère tout différent, et on dirait que le railleur, le sceptique impitoyable, a fait place à une âme tendre et passionnée.
On opposait aux œuvres une sorte de christianisme intérieur qui s’entretenait et se renouvelait par la déclaration souvent répétée, et du plus profond de l’âme : La foi justifie saris les œuvres. […] Chose inouïe pour toutes ces âmes qui n’avaient pas cessé d’être chrétiennes, mais qui ne n’étaient plus guère que par les sens et l’habitude, de connaître enfin, par l’intelligence et le raisonnement, la grandeur de leur croyance, et de retrouver leurs titres d’enfants de Dieu !
Amour chevaleresque et héroïque, amour platonique et éthéré, amour léger et à fleur d’âme, amour passionné et fort comme la mort, amour sensuel et libertin, amour ingénu et délicat, amour fougueux et volage, à la hussarde, amour dégénérant en un duel entre les deux sexes, amour coupable et perverti, amour avant, pendant et hors le mariage…, que de variétés voisines, mais distinctes ! […] Il n’a point jusqu’ici tyrannisé les âmes ; Mais l’empire inhumain qu’exercent vos beautés Force jusqu’aux esprits et jusqu’aux volontés.
Jusqu’à présent on avoit regardé la guerre comme un mal souvent nécessaire ; jusqu’à présent les belles Ames avoient été touchées de cette maxime célébrée chez tous les Peuples policés : Il est beau de mourir pour la Patrie. […] Que de Dissertations n’ont-ils pas publiées sur l’Ame, pour nous persuader qu’elle est mortelle & périssable comme son enveloppe ; qu’elle ne differe pas de celle des bêtes & des plantes ; que l’Honnête homme infortuné & le Riche bienfaisant n’ont pas plus de récompense à espérer, après leur mort, que les Méchans & les Pervers n’ont de châtiment à redouter !
Les Articles Dieu, Ame, Athée, insérés par lui dans les premiers volumes du Dictionnaire Encyclopédique, auxquels il a coopéré, exciterent, avec raison, les murmures des Théologiens & de tous les Hommes sensés. […] « On prétend, dit-il*, que les Articles Ame & Dieu sont des Traités de Matérialisme & d'Athéisme, quoique ces Articles soient tirés en entier des Ouvrages de MM.
Elle a prouvé dans ses derniers moments que son âme était un composé de force et de faiblesse, mélange qui, dans une femme, ne me surprendra jamais. […] C’est une vraie cagoterie de remonter dans le passé pour noircir l’innocence de la liaison actuelle : elle est fondée sur la nécessité d’ouvrir son âme à une amie sûre et éprouvée, et qui, dans la division du ministère, est le seul point de réunion… Que d’ingrats j’ai vus, mon cher comte, et combien notre siècle est corrompu !
Son oraison funèbre eût été belle encore ; elle eût été tout entière dans ces paroles qu’un étranger de grand mérite (lord Shelburne, depuis marquis de Lansdowne) avait pu dire, en revenant de le visiter quelques années auparavant : J’ai vu pour la première fois de ma vie ce que je ne croyais pas qui puisse exister : c’est un homme dont l’âme est absolument exempte de crainte et d’espérance, et cependant est pleine de vie et de chaleur. […] Si je fais quelque chose de bien dans tout le temps qui me reste à vivre, je suis sûr que le souvenir de M. de Malesherbes animera mon âme.
Dimanche 6 juillet Tout ce temps, où le soleil ressemble à la lampe, dont les brodeuses s’éclairent avec une boule d’eau, tout ce temps de ciel couvert au fond d’une humidité tépide, me jette dans une tristesse, dans un ennui, dans un gris de l’âme, que n’éclairent, ni la publication de mes livres, ni mes folies japonaises. […] Dimanche 28 décembre Près de trois semaines, où du matin, où depuis mon retour du Palais de Justice à midi, je m’enterre dans le travail jusqu’à minuit, sans voir âme qui vive, et je travaille dans un état de corps vague, bizarre, dans lequel il ne me semble pas avoir la conscience d’être réveillé.
Pitt a été l’âme de la coalition, et, lui mort, son âme est restée dans la guerre universelle.
Les âmes délicates, et qui n’ont pas mésusé, ont de ces joies.
Les efforts de pareils individus se perdaient alors dans le tourbillon universel ; les passions déchaînées suivaient leur développement fatal ; elles étaient l’âme de la Révolution, le moteur aveugle, irrésistible de cette machine vaste et puissante.
Les intelligences qui s’élargissent passivement en tous sens et font de l’âme une surface glacée qui réfléchit habituellement chaque objet et chaque nuage, ces intelligences, belles peut-être comme miroirs, n’ont jamais le tranchant ni le fil du glaive.
C’est là tout un côté de la critique actuelle, de la mauvaise critique ; mais hors de celle-là, en face ou pêle-mêle, il y a la bonne, il y a celle des esprits justes, fins, peu enthousiastes, nourris d’études comparées, doués de plus ou moins de verve ou d’âme, et consentant à écrire leurs jugements à peu près dans la mesure où ils les sentent.
Fions-nous à toutes les impressions du beau et du laid, du sublime, du comique, du tragique, etc. sur notre esprit et sur notre âme, en priant notre bon ange de nous garder des théories et des définitions, qui ôtent au sens littéraire sa candeur naïve, et de la logique, qui lue la liberté.
Il y faut la jeunesse des sens et de l’esprit, une âme neuve dans la nature neuve.
Descartes part d’un mot de saint Augustin : Je pense, donc je suis, et ne prouve que de vieilles vérités, l’existence de Dieu, celle du monde extérieur, l’immortalité de l’âme.
Mais, ici, le supplice paraît plus cruel encore, étant plus profondément et plus minutieusement décrit, et les âmes suppliciées étant plus nobles et plus tendres.
Quelques lignes d’À vau-l’eau, une lointaine plaquette de Huysmans, annonçaient déjà : « Le spleen n’a pas de prise sur les âmes pieuses… Le mysticisme pourrait seul panser la plaie qui me tire… » M.
Même quand éclate une de ces crises d’évolution qu’on appelle des révolutions, elle a été annoncée par des signes avant-coureurs, elle a été préparée souvent durant de longues années dans la profondeur des âmes.
C’est celle qui verse aux dieux l’ambroisie, ce breuvage qui alume dans les âmes divines une joie éternelle, et elle est ennuyée et triste.
Il n’y a ni âme ni justice, ni devoir, ni vie future, ni art d’écrire, ni travail, ni formation du style, ni vérité, ni méthode, ni enseignement.
… Comme Philippe d’Orléans était un fanfaron de vices, La Grange-Chancel, qui n’avait ni l’honnêteté rigide du vieux Boileau, ni l’âme magnanime de d’Aubigné, ces grands satiriques, La Grange-Chancel n’était qu’un fanfaron de vertus.
Cette vie n’est pas venue de son âme.
Nous avons certainement beaucoup d’estime pour l’homme qui passe neuf ans de sa vie — une année de moins que pour prendre Troie — à purifier le texte imprimé d’un grand écrivain, à lui ôter, avec une loupe pour les voir mieux, ses plus imperceptibles grains de poussière, et à le rétablir dans toute la force et dans toute la beauté de ses points et de ses virgules ; mais il nous reste dans l’âme encore beaucoup d’estime que nous lui aurions offerte, et avec quel élan !
Mauvais mari comme le fut Byron, il n’eut pas beaucoup plus que Byron des mœurs réglées, ce sinistre… De cœur, de cette fidélité ordinaire aux âmes fortes, il fut moins vaillant que Pétrarque, et sa Béatrix a besoin d’être transfigurée dans ses chants pour n’être pas un enfantillage ou un mensonge.
On a dit que le cant anglais souleva de mépris cette âme forte, qui n’avait rien d’aimable, mais on n’a pas dit encore et surtout on a oublié de voir que le cant de sa société ou de sa race était en lui tellement ancré qu’il influa, durant toute sa vie intellectuelle, sur les procédés les plus intimes de son esprit.
Et toujours dans la même gamme : Donnez l’essor à votre âme, Elle aspire aux grands sommets : Et des grands il alterne aux chastes : Ton souffle m’a porté vers les chastes sommets !
On ne lui fit pas, à lui, les mille cruelles misères par lesquelles, dans cet épouvantable métier d’écrivain, on navre l’âme des hommes qui ont une supériorité, aussi méconnue d’abord qu’elle est vraie.
Immoral, il ne l’est pas du tout, ni dangereux le moins du monde : il ne rend pas le vice aimable, il ne séduira point les âmes romanesques et sentimentales, à qui il est précisément en horreur. […] Montaigne ne croyait même pas à l’immortalité de l’âme ! […] Le Dieu des chrétiens n’est pas seulement l’auteur des vérités géométriques et de l’ordre du monde, mais un Dieu vivant qui remplit le cœur et l’âme. […] Il était homme de lettres dans l’âme. […] Il doute fort de l’immortalité de l’âme et de son existence distincte.
Ce n’est pas le nombre qui manque : la chanson de Roland, Garin le Loherain, Ogier le Danois, Berthe aux grands pieds, il y en a une bibliothèque ; bien plus, alors les mœurs sont héroïques et les âmes sont neuves ; ils ont de l’invention, ils content des événements grandioses ; et malgré tout cela, leurs récits sont aussi ternes que ceux des bavards chroniqueurs normands. […] Ils ne crient jamais, ils parlent ou plutôt ils causent, et jusque dans les moments où l’âme bouleversée devrait, à force de trouble, cesser de penser et de sentir. […] C’est que cette vieille poésie populaire n’est pas l’éloge d’un bandit isole, mais de toute une classe, la yeomanry. « Dieu fasse miséricorde à l’âme de Robin Hood, — et sauve tous les bons yeomen ! […] Il a songé « qu’il était dans un désert, — il ne put jamais savoir en quel endroit, — et comme il regardait en l’air, — du côté du soleil, — il vit une tour sur une hauteur, — royalement bâtie, — une profonde vallée au-dessous, — et là-dedans un donjon, — avec de profonds fossés noirs, — et terribles à voir. » Puis, entre les deux, une grande plaine remplie de monde, « d’hommes de toutes sortes, — pauvres et riches, — travaillant et s’agitent, — comme le veut le monde ; — quelques-uns à la charrue — labouraient avec un grand effort, — pour ensemencer et planter, — et peinaient durement, — gagnant ce que des prodigues venaient détruire et engloutir164. » Lugubre peinture du monde, pareille aux rêves formidables qui reviennent si souvent chez Albert Durer et chez Luther ; les premiers réformateurs sont persuadés que la terre est livrée au mal, que le diable y a son empire et ses officiers, que l’Antechrist, assis sur le trône de Rome, étale les pompes ecclésiastiques pour séduire les âmes et les précipiter dans le feu de l’enfer. […] Figurez-vous ces braves esprits, ces simples et fortes âmes, qui commencent à lire le soir, dans leur boutique, sous leur mauvaise chandelle ; car ce sont des hommes de boutique, un tailleur, un pelletier, un boulanger qui, côte à côte avec quelques lettrés, se mettent à lire, bien plus à croire, et à se faire brûler174.
Malheureusement, nous pouvons affirmer que ce noble motif n’est pas le seul mobile des âmes. […] Il s’était bien plus appliqué à dépeindre les turpitudes, les insanités de notre âme que ses instincts supérieurs. […] Il n’y a plus ni mérite, ni vertu, ni force d’âme, ni lutte possible. […] Jadis les Pères de l’Eglise et les anachorètes prêchaient, à leurs contemporains, que le corps n’est qu’ordure et pourriture, et cela en termes imagés ; mais s’éloignant avec dégoût de ce spectacle nauséabond, ils célébraient les beautés de l’âme, idéal indestructible.
Thiers fait énergiquement ressortir, c’est le triste et fort laid spectacle que présentent ces vainqueurs, coalisés la veille contre l’ambition d’un seul, à ce qu’ils disaient, et qui, le lendemain, se montrent les plus ambitieux et les plus avides à se partager ses dépouilles ; c’est cette politique de Vae victis, impitoyablement dirigée à la fois contre la France et contre ceux des États et des souverains secondaires qui lui étaient restés attachés dans la lutte, c’est cette curée de sang-froid, où quelques commissaires d’élite attablés autour d’un tapis vert se disputent, jusqu’à en venir (ou peu s’en faut) aux menaces, des morceaux de territoire et des lots de quelques centaines de mille âmes, jusqu’à ce qu’ils aient obtenu à peu près le chiffre rond qu’ils revendiquent pour le leur.
L’âme tumultueuse de Ney y est démêlée et montrée avec une vérité saisissante, avec une connaissance supérieure de la nature humaine, au degré juste qui fait dire au spectateur charmé de l’évidence : C’est bien cela !
M. de Saint-Victor, en revoyant ses anciens articles, les a dégagés de tout ce qui était de circonstance, de l’attirail bibliographique, de la défroque de librairie que nous traînons plus ou moins après nous : il les purifie, les dépouille de leur première enveloppe, n’en laisse que l’âme comme pour une Françoise de Rimini et les élève au tableau.
Les poésies, les romans sont arrivés à un tel degré d’individualité, comme on dit, à un tel déshabillé de soi-même et des autres ; — le style, à force d’être tout l’homme, est tellement devenu non plus l’âme, mais le tempérament même, — qu’il est à peu près impossible de faire de la critique vive et vraie sans faire une opération inévitablement personnelle, sans faire presque de la physiologie à nu sur l’auteur et parfois de la chirurgie secrète ; ce qui frise à tout moment l’offensant.
Je ne suis pas un si fervent adorateur de Théocrite que l’était Huet, qui nous apprend lui-même que, dans sa jeunesse, chaque année au printemps, il relisait le poëte de Sicile ; j’ai pourtant fait plus d’une fois le charmant pèlerinage, et chaque fois, après avoir admiré la vivacité spirituelle et ingénue des personnages, la grâce piquante et naïve du dialogue, la vérité des peintures, je me suis préoccupé de la construction du vers, de ces ressorts cachés que le poëte met en jeu pour produire plusieurs de ses effets. » Le résultat de ces observations multipliées et patientes, c’est que le dactyle peut s’appeler l’âme de la poésie bucolique , et que, sans parler du cinquième pied où il est de rigueur, les deux autres places qu’il affectionne dans le vers pastoral sont le troisième pied et le quatrième, avec cette circonstance que le dactyle du quatrième pied termine ordinairement un mot, comme pour être plus saillant et pour mieux détacher sa cadence.
La poésie est l’expression de ce tourment de l’âme ; il n’y en a pas d’autre, c’est la poésie de Lamartine.
Quelques âmes excellentes furent seules assez larges pour unir la foi avec la tolérance : Marguerite de Navarre chez les catholiques, chez les protestants ce Castellion à qui cette idée même a inspiré quelques élans de charité éloquente (cf.
La littérature, il faut l’aimer ; mais le mieux est de l’aimer sans en faire ; et, quand on en fait, les bénéfices que notre vain orgueil en attend ne valent pas que l’on devienne méchant à cause d’elle ni que, pour elle, on perde son âme.
Par l’amour que je porte à ma pauvre âme, je vous dis en vérité que j’ai cherché dans toute la ville, et n’ai trouvé personne qui pût vous convenir.
Et elle ajoute : « Faut-il rappeler que Léon Bloy et Léon Cladel restent nos fidèles collaborateurs, que Paul Verlaine, Stéphane, Mallarmé, Jean Moréas, Stuart Merrill, Jean Richepin, Maurice Boucher, Ernest Raynaud, René Ghil et Gabriel Vicaire ne négligeront rien pour charmer les âmes impressionnables ; qu’enfin, Lucien Descaves, Georges Darien, Louis Dumur, Oscar Méténier, J.
Ainsi il se fit remarquer à la Cour pour un homme civil et honnête, ne se prévalant point de son mérite et de son crédit, s’accommodant à l’humeur de ceux avec qui il était obligé de vivre, ayant l’âme belle, libérale ; en un mot, possédant, et exerçant toutes les qualités d’un parfaitement honnête homme.
Lisez, pour en juger, son chapitre sur les médecins, ces confesseurs du corps qui tiennent, par en bas, une société matérialiste, et dont on ne dira jamais le mal qu’on a dit des confesseurs de l’âme, qui, du moins, tenaient la société par en haut !
C’est celui où Julien se dit en parlant de la femme qu’il aime et en mettant un pistolet chargé dans sa poche : « Je la presserai dans mes bras ce soir, ou je me brûlerai la cervelle. » À chaque péril qui peut le démoraliser, à chaque fatigue qui tombe sur son âme, Vaublanc a mieux que le pistolet de Julien ; il a son mépris qu’il se parle et qu’il se tient toujours chargé sur le cœur. « Tu es un lâche si tu fais cela », dit-il, et il ne le fait pas, le noble homme ; et il continue de vivre dans des conditions d’existence intolérables, traqué, mourant de faim, persécuté de gîte en gîte, mais ne voulant pas émigrer et ne voulant pas que ses ennemis qui le poursuivent pour le jeter à l’échafaud, aient plus d’esprit que lui en le prenant !
Il aime mieux nous faire voir, sous les rayons brisés des faits, l’âme de cet Immobile, qui croît à l’Éternité et qui la fait en politique ; car Philippe II, c’est la cunctation éternelle !
Le plus souvent, un seul sentiment, une seule idée moule leur vie, et ce qu’un homme est au fond de son âme, il se retrouve l’être identiquement dans toutes les circonstances de sa destinée.
Génie littéraire dépaysé dans une révolution populaire, mais dont il partagea l’ivresse, il eut en puissance et souvent en acte tous les vices de ce genre de génie qui mène les âmes faibles bien vite aux corruptions et les esprits les plus brillants au ridicule.
Saisset est un déiste qui vit toujours, de pensée, de désir et d’âme, en la présence de l’Institut !
Martin, cet arpenteur exact de l’âme et de ses devoirs, prononce que le christianisme a dépassé la puissance de l’homme, en lui ordonnant de faire le bien à ses ennemis et de répondre aux offenses par des bienfaits.
Les événements qui se sont accomplis dans le monde moderne ont été si puissants et si terribles, les esprits et les âmes ont été remués à de telles profondeurs que le prêtre lui-même, le prêtre qui vit dans un écart sublime et dans l’impassible lumière du sanctuaire, en a ressenti le contrecoup.
Schmidt et Chastel sur cette question du paupérisme qui est la grande question des sociétés modernes, lesquelles tuent l’âme au profit du corps, et n’ayant osé accepter non plus la solution catholique du travail de Martin Doisy (la seule solution qui puisse exister jamais en Économie politique), l’Académie, avec cette grandeur de pressentiment, cette haute divination de critique qui entraîne vers les œuvres fortes, se tourna vers le livre de Mézières vanté par Villemain, et, y reconnaissant tout ce qu’elle aime en fait de tranquillité d’aperçu et de vues grandes comme la main, elle lui décerna la couronne.
… Ce livre, désespérant pour certaines âmes, va scinder peut-être en deux parts l’opinion royaliste, qui n’est pas déjà si puissante, et toute opinion divisée, comme tout royaume divisé, doit périr.
Gérard n’était pas, de sa nature, assez fort pour avoir le goût de cette volupté amère de la solitude, le plus fier plaisir des âmes fortes.
Aristote comprit la justice, reine des vertus, qui habite dans le cœur du héros, parce qu’il avait vu la justice légale, qui habite dans l’âme du législateur et de l’homme d’état, commander à la prudence dans le sénat, au courage dans les armées, à la tempérance dans les fêtes, à la justice particulière, tantôt commutative, comme au forum, tantôt distributive, comme au trésor public, ærarium [où les impôts répartis équitablement donnent des droits proportionnels aux honneurs].
La raison de cette apparente contradiction réside dans la séparation presque absolue qu’ils établirent entre l’âme et le corps, entre la métaphysique et la physique : l’âme est, pour headartes, le principe supérieur qui se manifeste par la pensée ; la vie n’est qu’un effet supérieur des lois de la mécanique. […] Comme headartes, il sépare l’âme du corps, et quoiqu’il admette entre eux une concordance préétablie, il leur refuse toute espèce d’action réciproque. […] Lorsque Leibnitz disait : « L’âme humaine est un automate spirituel », il formulait le déterminisme philosophique. Cette doctrine soutient que les phénomènes de l’âme, comme tous les phénomènes de l’univers, sont rigoureusement déterminés par la série des phénomènes antécédents, inclinations, jugements, pensées, désirs, prévalence du plus fort motif, par lesquels l’âme est entraînée. […] Ses propriétés vitales font la guerre aux propriétés physiques, comme faisait l’âme de Stahl.
Paul Il en avait peut-être l’habit, et non point l’âme. […] Paul Elle est évidente et suffisamment démontrée par les décisions de nos jurys, émanations de l’âme populaire. […] D’autant plus que les vrais poètes peuvent quelquefois commettre bien des fautes, mais n’ont jamais l’âme tout à fait vile.
« En moins d’une heure il était de retour, révélant sur son visage la tristesse de son âme. […] Leurs voitures avaient disparu au milieu de la confusion ; ils retournèrent à leurs logis, pleins des pensées qu’un semblable événement devait provoquer dans leurs âmes. […] Malgré ces réflexions, la volonté efficace de ne point faillir à nos devoirs et de ne rien tenter qui pût être réprouvé par la conscience prévalut dans nos âmes.
Lorsqu’il se fait entendre, ainsi qu’il arrive souvent, dans la sombre profondeur de quelque funeste marécage, l’âme se laisse aller à son charme puissant, et, par l’effet même du contraste, en éprouve d’autant plus de ravissement et de surprise. […] Cette pensée remplissait mon âme d’un suprême étonnement. […] Des titres et des mots, des chiffres et un numérotage éternel, qui ne parle ni à l’âme ni à la pensée.
Quel dommage, quelle perte qu’une pareille intelligence d’observateur et de physiologiste, n’écrive pas un livre dont il nous donnait, ce soir, un si curieux morceau sur les effets moraux des maladies de poitrine : un livre dont la première ligne n’a pas été encore écrite, un livre qui serait une clinique médico-littéraire de ces maladies de foie, de cœur, des poumons, si liées et si attenantes aux sentiments et aux idées du malade, et présenterait toutes les révolutions de l’âme dans la souffrance du corps ! […] Il y a rarement chez nous cette noblesse de déclin, cette race de la vieillesse, cette beauté de Franklin et de grand seigneur, sous la couronne d’un reste de cheveux blancs, et ces yeux heureux, et cette belle bouche, et ces beaux regards humains ; enfin ce type d’une vie toute droite et bien remplie, d’une conscience satisfaite, d’une âme limpide. […] et serait-ce une première vieillesse de corps et d’âme ?
» Vaugelas avait fort bien remarqué que, dès qu’on adressait à quelqu’un une semblable question, il hésitait à l’instant, se creusait la tête, entrait en doute de son propre sentiment, raisonnait et ne répondait plus avec cette parfaite aisance et naïveté qui est la grâce en même temps que l’âme de l’usage. […] On voit d’abord qu’il est ramené un peu malgré lui à dire son avis sur ces questions purement grammaticales de diction et d’élocution ; ce ne sont pas les sujets qu’il préfère : « Mon âme se fait accroire, dit-il, qu’il est temps de s’occuper plus sérieusement, et qu’il y a de la honte à s’amuser encore à des questions de grammaire. » Il proteste d’honorer infiniment l’auteur des Remarques ; les critiques qu’il a essuyées de sa part ne le rendront pas injuste.
La force d’âme du monarque et du capitaine, en plus d’une conjoncture terrible, ne serait pas moins prouvée, pour n’être point consignée dans des pièces soi-disant légères, signées Sans-Souci et adressées à d’Argens. […] Qu’il suffise d’avoir saisi la teneur et l’habitude élevée d’une âme durant les longues et définitives années18.
Désormais ils acceptent la familiarité pour avoir le sans-gêne, et sont contents « de se mêler sans faste et sans entraves à tous leurs concitoyens » Certes, l’indice est grave, et les vieilles âmes féodales avaient raison de gronder. Le marquis de Mirabeau, apprenant que son fils veut être son propre avocat, ne se console qu’en voyant d’autres, et de plus grands, faire pis encore570. « Quoique ayant de la peine à avaler l’idée que le petit-fils de notre grand-père, tel que nous l’avons vu passer sur le Cours, toute la foule, petits et grands, ôtant de loin le chapeau, va maintenant figurer à la barre de l’avant-cour, disputant la pratique aux aboyeurs de chicane, je me suis dit ensuite que Louis XIV serait un peu plus étonné s’il voyait la femme de son arrière-successeur, en habit de paysanne et en tablier, sans suite, sans pages ni personne, courant le palais et les terrasses, demander au premier polisson en frac de lui donner la main que celui-ci lui prête seulement jusqu’au bas de l’escalier. » — En effet, le nivellement des façons et des dehors ne fait que manifester le nivellement des esprits et des âmes.
C’est en vertu de cette disproportion que les impressions d’enfance sont si persistantes ; l’âme étant toute neuve, les objets et les événements ordinaires y sont surprenants. […] Si l’air est très beau et nous a touchés très fort, nous ajoutons que nous avons été transportés, enlevés, ravis, que nous avons oublié le monde et nous-mêmes, que pendant plusieurs minutes notre âme était comme morte et insensible à tout, saut aux sons. — Et, de fait, il y a des exemples nombreux où, sous l’empire d’une idée dominante, toutes les autres sensations, même violentes, deviennent nulles ; telle est l’histoire de Pascal, qui, une nuit, pour oublier de grandes douleurs de dents, résolvait le problème de la cycloïde ; telle est celle d’Archimède, qui, occupé à tracer des figures géométriques, n’avait pas entendu la prise de Syracuse.
C’est ainsi qu’en un passage du livre III, où au lieu du mot âme on lisait âne, il s’excusait sur la maladresse de son éditeur, qui avait mis une lettre pour une autre. […] Platon n’a jamais plus de séduction qu’alors qu’il descend des hauteurs de la spéculation la plus sublime à des peintures familières de la vie, ou qu’il mêle un sourire aimable ou railleur aux plus graves entretiens, faisant couler l’âme, pour ainsi dire, d’un ton à un autre, par un mouvement si insensible et si naturel, qu’elle ne s’aperçoit pas du passage.
On sait que Arcésilas et Carnéade discutaient contre les Stoïciens, les dogmatiques de l’époque, sur la légitimité du critérium et en particulier sur cette question : Toute modification de l’âme correspond-elle exactement à l’objet externe qui la cause ? […] Si l’on a accusé Gall de matérialisme, c’est à tort ; car il a plusieurs fois déclaré « s’en tenir aux phénomènes » et n’avoir jamais compris dans ses recherches rien qui tienne à l’essence du corps ou de l’âme.
je suis malheureux, et ça a mis au dedans de moi une irritation colère, qui fait que je ne suis plus toujours maître des mouvements de mon âme… Donc je lui ai dit que je sortais et qu’il ne m’attendît pas, parce que je ne savais pas quand je rentrerais. […] ce n’était plus la tristesse de ces jours derniers avec cette teinte d’implacabilité qui glaçait un peu ma tendresse, c’était l’immense tristesse abattue, navrée, infinie, d’une âme qui a sa passion, la tristesse de la défaillance d’un jardin des Oliviers.
… Mon Dieu, la pensée d’un homme défaille comme son âme ! […] Mais ce que l’on comprend très bien, venant de ceux-là qui ont salué l’aurore d’un pouvoir nouveau dans le déclin de cette royauté des Bourbons qui éteignit, on sait comment, le soleil de son Louis XIV, le comprend-on au même degré venant de ceux qui ont gardé au fond de leur âme l’amour espérant ou désespéré de cette malheureuse royauté, coupable et perdue ?
Cependant un sentiment de solidarité s’y développe chez lui ; opprimé, il prendra aussitôt parti pour les opprimés : « Ces souffrances de l’éducation universitaire ont laissé dans mon âme des traces ineffaçables ; elles y ont développé de bonne heure les instincts de solidarité au point que je n’ai jamais été témoin, que jamais je n’ai entendu le simple récit d’une injustice sans en ressentir le contre-coup ; je leur dois encore d’avoir été, dans toute l’étendue du mot, un excellent camarade. » La lecture de Gibbon commença de bonne heure son émancipation en matière de croyances.
Non, Indiana n’était pas une œuvre isolée, née d’un concours de circonstances fortuites, et qui ne dût pas avoir de sœur ; non, l’auteur n’était pas seulement doué d’une âme qui eut souffert et d’un souvenir qui sût se peindre.
Plus d’une fois, nous l’avons vu, le matin, à quelque réunion d’amis à laquelle il était convié et dont il était l’âme : il arrivait au rendez-vous, fatigué, pâli, se traînant à peine ; aux bonjours affectueux, aux questions empressées, il ne répondait d’abord que par une plainte, par une pensée de mort qu’on avait hâte d’étouffer.
Le second volume nous montre cette démocratie et la souveraineté populaire qui en est l’âme, dans son influence continue et dans son esprit en dehors des lois écrites ; ici trouvent leur place les mœurs, les instincts, les passions politiques et publiques des gouvernés, des gouvernants ; ce qui résulte en bien et en mal de cette omnipotence de la majorité, les vices et les dangers qu’elle entraîne, en même temps que ce qui la tempère.
Rien de tragique au reste dans cette âme inquiète et dans cette vie orageuse : Bayle est une figure originale de savant à la vieille mode : paisible, doux, gai, sans ambition, indifférent à la gloire littéraire, il s’enferme dans son cabinet, et ne se croit jamais malheureux, dès qu’il peut lire, écrire, imprimer en liberté.
Bossuet nous parle de l’ennui qui est naturel à toute âme bien née. « Quelle solitude que ces corps humains !
Le même hâle couvrait le maigre visage du Premier Consul, à qui Coppée aurait ressemblé, s’il l’avait voulu ; mais avec la délicatesse d’un lyrique dont l’âme répugne à toute allusion trop attendue, il a résolument coupé ses longs cheveux droits, pour éviter ce lieu commun.
L’âme n’est pas un être stable, objet d’une analyse faite une fois pour toutes.
On ne réussit jamais sans que la délicatesse de l’âme éprouve quelques froissements.
Se dire qu’on a un moment touché l’idéal et qu’on a été arrêté par la méchanceté de quelques-uns, est une pensée insupportable pour une âme ardente.
Ce coin de terre était le point du jour de la civilisation éternelle ; l’imperceptible peuplade sentait battre en elle l’âme du monde.
C’est l’épanchement d’une âme tendre, trop pleine de sentimens affectueux, et qui les répand avec une abondance qui la soulage.
Ce livre de sa femme, ce siège de Paris, ces impressions dans lesquelles l’infortunée Mme Quinet a versé toute son âme, M.
Et de cela, de cette mutilation de l’âme, ce n’est pas uniquement l’Expiation de Saveli qui en a souffert, c’est toutes les œuvres de Mme Henry Gréville, et celles-là aussi qui sont les plus réussies.
De leur main dépouillée de ce gant jaune qui leur sied, ils ont, dandys de l’anecdote amusante, voulu toucher à tout ce qui entre comme un élément de sa vie dans ce tissu d’âme et de chair qui constitue l’être d’un peuple.
et non pas un homme d’État comme Montesquieu, penseur insuffisant pour une âme si haute, mais un homme d’État comme Pitt !
Et, en effet, demandons-nous-le une bonne fois, qu’est-ce que l’art grec pour nous autres modernes, chez qui le Christianisme a doublé l’âme et approfondi la pensée ?
Assurément, je ne suis pas de ceux qu’un tel rapprochement peut offenser ; car j’ai toujours regardé la poésie matérialiste, travaillée, byzantine de Théophile Gautier, comme une poésie de décadence et d’épuisement, venant après celle de Lamartine qui a tant d’âme.
le Matérialisme a continué d’être à peu de chose près, à cette heure, ce qu’il était quand La Mettrie publiait cette Histoire naturelle de l’âme, qui fit tant de bruit, et cet Homme-machine qui n’en fit pas moins !
Il manque même de haine philosophique, quoique de Rémusat doive avoir, tapies quelque part, les haines de sa philosophie, et quoique le scepticisme du temps et la glace de son tempérament aient bien diminué cette rage contre l’Église qu’ont tous, au fond du cœur, les philosophes, et que Cousin, lâche, mais indiscret, révélait en la couvrant de ce mot, dit justement à propos d’Abélard : « Il avait déposé dans les esprits de son temps le doute salutaire et provisoire, qui préparait l’esprit à des solutions meilleures que celles de la foi. » Charles de Rémusat n’a jamais eu de ces imprudentes et impudentes paroles d’un homme dont l’espérance trahit l’hypocrisie, mais à quelque coin, dans cet esprit moyen, dans cette âme de sagesse bourgeoise, il y a toujours, prête à se glisser au dehors, l’hostilité contre toutes les grandes choses que nous croyons… Comme Abélard, le héros de toute sa vie, comme Bacon, qu’il a aussi commenté, de Rémusat s’est toujours plus ou moins vanté d’être un écrivain de libre examen et de libre pensée, un philosophe contre la théologie, un adversaire de l’autorité sur tous les terrains, en religion comme en politique, — et comme l’Église est l’autorité constituée de Dieu sur la terre et qu’elle a le privilège divin « que les portes de l’enfer ne prévaudront jamais contre Elle », de Rémusat, qui est une de ces portes-là, — non pas une porte cochère, aux cuivres insolemment luisants et aux gonds tournant à grand bruit, mais une petite porte, discrète et presque cachée à l’angle et sous les lierres prudents de son mur, — de Rémusat entend bien prévaloir contre l’Église et lui prouver que son privilège divin n’est qu’une prétention !
Le malheur doit fortifier l’âme, et non la décourager, « Et par où l’un périt un autre est conservé !
Mais, je l’affirme en toute sécurité, pour les autres comme pour moi-même, les chefs-d’œuvre épars vus depuis n’ont pu effacer en nous l’impression de ces images peut-être grossières, et quand nous pensons à la grandeur des scènes bibliques, c’est à travers le tressaillement d’émotions que ces images nous ont données et que rien dans nos âmes n’est capable maintenant de recommencer !
Beaucoup d’érudition sans pédantisme, un style clair, mais nul point de vue ouvert, en profondeur ou en largeur, même sur le faux, et nulle chaleur d’âme (les matérialistes en ont quelquefois malgré eux) dans un sujet qui en demandait une immense.
L’auteur de La Vie et la mort d’un clown a sur les romanciers du moment, qui ne tiendront qu’un moment, sur cette école de photographes qui se croient si plaisamment le dernier mot de l’art de peindre, l’avantage immense, et qui leur est inconnu, d’avoir de l’âme dans le talent et de la pensée dans le style.
Certainement MM. de Goncourt, qui sont très distingués d’âme et de manières, ne veulent insulter personne et ne se sont pas aperçus qu’ils pouvaient se blesser eux-mêmes sur leur titre : mais ce titre dans lequel la pensée déborde à côté est un signe en MM. de Goncourt, un signe qui les révèle tout entiers.
C’est la disposition des âmes qui l’ouvrent bien plus que la création de l’écrivain qui en fait l’immoralité et la contagion… Or, s’il en était ainsi pour M.
Elle n’a donc servi, disons le mot, que chez des coquines, et cette particularité seule ôte au livre toute nouveauté, toute profondeur et toute portée, rien n’étant plus connu et plus rabâché sur les théâtres, dans les livres et dans les journaux de ce temps, que l’existence de ces dames, qui n’a rien, du reste, de bien compliqué, puisque c’est toujours le même luxe extravagant et gâcheur, la même manière de tromper et de voler leurs hommes, la même abjection d’âme et de langage, le même mutisme de sens moral et d’autres sens, et enfin la même stupidité souveraine, que je ne reprocherais pas cependant à un observateur tout-puissant de peindre encore, s’il en tirait des effets nouveaux et des choses nouvelles !
Tout cela est agité, orageux, terrible, presque fou, et peut faire passer un frisson sur la peau et sur l’âme, mais n’y entre pas, si l’on a une croyance solide, une foi religieuse, une certitude.
Un savant allemand, après avoir étudié les chevaux d’Eberfeld, s’est écrié : « C’est l’âme de l’animal qui se révèle ! […] Cependant, l’homme sera toujours pareil à lui-même, pourvu du même corps, de la même âme, des mêmes passions, des mêmes désirs, du même ennui. […] La foi n’est plus l’essence de leur âme. […] comme il fait comprendre, ce bourgmestre, l’âme de ces vieux êtres qui prenaient du service pour le plaisir, n’étaient féroces que par ordre et se trouvaient heureux partout où l’on échangeait des coups et partout où l’on obéissait. […] Le sentiment qui fait agir le Touring-Club est donc des plus louables et l’opinion publique lui en sera reconnaissante, même s’il n’arrive pas à toucher l’âme ligneuse des marchands de bois.
« Pour le bien comprendre et pour deviner dans le poëte tout l’homme qui en est sorti, il faut lire le passage de Novissima verba : Aux faux biens d’ici-bas nous dévouons nos cœurs,… et les Préludes : Non, non, brise à jamais cette corde amollie… Ce qu’il disait là et ce qu’il chantait encore, il l’a fait depuis. » « — J’ai fait autrefois ce vers que je crois très-juste : Lamartine ignorant, qui ne sait que son âme.
En assistant à tant de catastrophes inévitables, en voyant passer et s’accomplir sous ses yeux ce grand drame de la Révolution, où la fatalité plane comme dans une tragédie d’Eschyle, toute âme honnête se plaît, dans le calme de la raison et de la conscience, à imaginer un rôle de conciliation, de justice et de miséricorde, rôle inutile et sublime, que nul n’à rempli, que nul ne pouvait remplir, mais dont à cette distance et par une illusion bien permise on ose se croire capable, si les destins recommençaient.
Le mépris calme du monde est l’âme de son sérieux génie.
Celles que les précieux tentèrent furent parfois heureuses ; on leur doit des locutions telles que : avoir l’âme sombre, être d’une vertu sévère ou commode, dire des inutilités, perdre son sérieux, fendre la presse, être brouillé avec le bon sens, faire ou laisser mourir la conversation, faire figure dans le monde, etc.
Renard précise les petits états d’âme de ce gosse par une foule d’aventures ingénieuses et naturelles qui ont les chapitres du volume.
Quand on songe que chaque petite ville d’Italie au XVIe siècle avait son grand maître en peinture et en musique, et que chaque ville de 3 000 âmes en Allemagne est un centre littéraire, avec imprimerie savante, bibliothèque et souvent université, on est affligé du peu de spontanéité d’un grand pays, réduit à répéter servilement sa capitale.
Ceux qui ignorent les sensations que l’harmonie porte à l’âme diront que j’ai plus d’oreille que de jugement ; ils seront plaisans, mais j’ouvrirai l’énéide, et pour réponse à leur mot je lirai : o ter quaterque beati, … etc. je porterai à leur organe le son de l’harmonie.
C’est un de ces hommes qui ont commis des crimes en histoire avec les mains de la vertu, mais, du moins, c’est une âme dans sa haine, c’est une tierté dans son orgueil, c’est une intelligence respectueuse pour toutes les grandes croyances sociales, et, au milieu de tout cela, c’est un artiste de génie qui ne se regarde pas faire et qui fait des merveilles, sans se douter de l’éclat qu’elles jettent et de leur incomparable beauté !
L’étiquette à mettre sur la philosophie ou les philosophies de Weill m’est bien indifférente, mais ce qui me cause presque de l’horreur dans ce livre dont je me promettais tant de joie, c’est la radicale impiété que j’y trouve, malgré l’âme honnête que j’y sens ; c’est enfin l’extinction, et l’extinction la plus complète, du sentiment chrétien, — de ce sentiment par lequel Weill, l’ingrat, est encore tout ce qu’il est quand il a raison contre l’immoralité de ce temps !
Tout ce qui a de bonnes raisons pour vouloir que l’art soit sans âme est gœthiste de fondation.
Les philosophes seuls auront le courage de s’enfoncer dans les tautologies et les logomachies de ce Bouddhiste de la logique, qui a créé la science absolue, c’est-à-dire la science qui se connaît par l’idée et dans l’idée, « cette idée qui enveloppe tout l’esprit, qui absorbe l’être et la pensée, l’expérience et la raison, l’histoire et la science, et qui est la raison des choses, leur fin et leur principe ; cette idée qui unit l’âme et le corps, dont l’évolution a trois moments (ce qui est exquis) : être en soi, être contre soi et être pour soi (sans doute le moment le plus agréable !)
Or, pour peu qu’on ait rafraîchi ou brûlé son front aux sublimes choses que le christianisme a fait jaillir de l’âme humaine, en y débordant, pour peu qu’on ait lu la Vie des Saints, les Pères du Désert, la Chronique des monastères, devenue en ces derniers temps de l’histoire sans laquelle il n’y a plus d’histoire d’aucune espèce, dans l’Europe désorientée, l’histoire des Moines d’Occident, de M. de Montalembert, ne paraîtra plus que ce qu’elle est, c’est-à-dire : plusieurs grands et puissants livres, diminués en un seul.
Renan, dont l’âme a la mollasserie d’un doute continu dans laquelle il se dissout, flue et se dérobe.
Et le chef-d’œuvre de la prudence, dans le pansement de ces âmes si longtemps athées, était de glisser en n’appuyant pas… Il fallait donc ce hasard d’un jeune homme insurgé en pleine église pour qu’un penseur et un observateur catholique qui se trouvait là eût sa pomme de Newton, cette occasion qui incline le génie du côté où il doit verser, et pour qu’il prouvât, au bout de vingt ans, à la science souffletée de toutes parts par des phénomènes qui la déshonorent, puisqu’elle ne peut les expliquer, que les seules explications qu’il y ait à ces phénomènes c’est la Foi qu’on croyait décrépite, l’antique Foi qui doit les donner !
Tu voudrais voir, dis-tu, pour la vie éternelle, Nos deux âmes se perdre en la même étincelle ; Si bien qu’on ne saurait en séparer les feux.
pour les âmes humaines On voudrait ne pas rire, car on souffre… On souffre de voir ces radotages, ces décrépitudes avant le temps, dans un livre qui n’est plein que de ces sortes de choses et sur lequel traîne et brille un des plus beaux noms de la poésie contemporaine.
Tout cela est horrible et infect, d’un travail pourrissant sur les esprits et sur les âmes, et c’est contre cela que la Critique a le droit d’élever la voix, encore plus que contre les détails plus ou moins inventés d’une liaison qui, comme toutes les liaisons coupables, aboutit, sans nul doute, pour l’un des deux amants, à des crimes de cœur.
Tout cela est horrible et infect, d’un travail pourrissant sur les esprits et sur les âmes, et c’est contre cela que la Critique a le droit d’élever la voix, encore plus que contre les détails plus ou moins inventés d’une liaison qui, comme toutes les liaisons coupables, aboutit, sans nul doute, pour l’un des deux amants, à des crimes de cœur !
Quelle est cette précieuse dont nous parle Somaize, « qui ne s’est pas seulement acquis, nous dit-il, beaucoup d’estime par sa beauté, mais encore par la grandeur de son âme et dont l’esprit ne s’est pas seulement arrêté à la bagatelle, mais s’est élevé jusqu’aux affaires de la première importance » ? […] II, p. 238 et p. 241]. — Si ce sont ses Satires, ou son Traité de l’Immortalité de l’âme, ou son Parnasse, qui lui ont valu son premier exil, en 1619 ? […] 5º Les Œuvres. — Nous avons de Théophile : des Poésies [Odes, Stances, Élégies, Sonnets, Satires] ; — une tragédie : Pyrame et Tisbé ; — des Lettres ; — et un Traité de l’Immortalité de l’âme, paraphrase du Phédon, en prose mêlée de vers. […] Mais, en même temps que forte et hardie, il avait aussi l’imagination noble et haute ; — c’est-à-dire que, dans l’extraordinaire et dans le romanesque, il préfère ce qui est noble à ce qui est bas ; — ce qui exalte l’âme à ce qui la déprime ; — et généralement les héros aux monstres. — Qu’il n’est pas vrai cependant que, comme on l’a dit [Cf. […] La question de fait dans les trois premières Provinciales, — et qu’elle est de peu d’importance. — Comment Pascal, en changeant de tactique à partir de la quatrième lettre, a posé la vraie question, la question de fond, — et sur son vrai terrain. — Il s’agissait de savoir qui prendrait la direction de l’opinion, jésuites ou jansénistes ; — et plus généralement laquelle des deux triompherait, d’une morale presque mondaine, ou d’une morale intransigeante [Cf., dans les Pensées, le fragment intitulé : Comparaison des premiers chrétiens et de ceux d’aujourd’hui]. — Qu’il se pourrait que Pascal, en ayant raison d’attaquer les excès du probabilisme, eût toutefois eu tort d’envelopper la casuistique dans ses railleries ; — et que ce tort est bien plus grave que d’avoir, comme il l’a fait, « arrangé » quelques citations. — Car, pour quelques citations dont on peut discuter l’exactitude entière, il en eût trouvé vingt autres ; — mais s’il conquérait à sa sévérité quelques âmes très pures, il risquait d’en irriter de moins pures, qui sont aussi des âmes [Cf.
Ce passé une fois ressaisi, ces hôtes invisibles et silencieux une fois reconnus, on jouit mieux, ce semble, du séjour, on le possède alors véritablement, et le Genius loci, que notre hommage a rendu propice, anime doucement chaque objet, y met l’âme secrète, et accompagne désormais tous nos pas. […] Mais j’irais trop loin en parlant ainsi ; on ne saurait trop se méfier de ces jugements absolus en telle matière, et l’Apologie renferme sur Zoroastre, Orphée et Pythagore, sur toutes ces belles âmes calomniées, ces génies des lettres, Omnes cœlieolas, omnes supera alla tenentes, des pages élevées, presque éloquentes, qui indiquent chez lui le sentiment ou du moins l’intelligence du Saint plus que je n’aurais cru. […] les galantes âmes se rencontrent.
Certes l’admiration, cette âme vivifiante de la critique et qu’il importe grandement de transmettre, y gagne ; la religion du génie n’est pas violée. […] Les uns trouveront que l’auteur a trop peu accordé aux conjonctures politiques dans la fixation d’une langue, et trop à un certain sens intérieur, à une âme formatrice, non définie.
Vous êtes Italiens, sans doute, mais vous êtes Italiens comme les Hellènes étaient Grecs, Grecs dans la communauté de famille générique et dans la vaste autonomie du Péloponnèse, des îles et de l’Ionie, mais, en réalité, Lacédémoniens, Athéniens, Thébains, Corinthiens, Samiens, branches distinctes, toujours séparées, quelquefois hostiles de cette grande et héroïque famille grecque contenue à peine entre les montagnes du Péloponnèse, les archipels et les rivages de l’Asie Mineure ; branches ayant chacune son territoire, ses flottes, ses formes de gouvernement diverses, aristocratique ici, populaire là, militaire dans les montagnes, navale dans les ports, monarchique en Asie, théocratique à Éphèse, républicaine en Europe, rivale en temps de paix, confédérée en temps de guerre, indépendante pour le gouvernement intérieur, amphictyonique pour la défense commune, forme élastique qui s’étend ou se resserre selon les besoins de la race hellénique, et qui, en faisant l’émulation au dedans, la sûreté au dehors, le mouvement et le bruit partout, fit de la Grèce en son temps l’âme, la force, la lumière et la gloire de l’humanité ! […] Les Italiens, longtemps engourdis, ont senti leur âme s’agiter et s’élever au-dessus de leur destinée au contact des grandes choses militaires qu’ils ont accomplies avec une valeur égale à celle des Français dans des expéditions communes.
Voilà le paysage à la fois rustique, féodal, gracieux par les détails, austère par l’ensemble, religieux par l’impression, amoureux par le frisson qu’il communique à l’âme. […] Il n’y avait point d’art, non, c’était la nature faite art ; l’image et le son, cette musique de l’âme, y naissaient ensemble indivisibles comme la voix et la sensation.
C’est ce coing qu’il s’était fait en son âme, et qu’il essayait de soustraire aux passions, à l’instar de sa maison de Montaigne, autre coing qu’il tâchait de mettre à l’abri de la tempête publique147. […] C’est au nombre de ceux qui profitent de leurs écrits qu’il faut mesurer leur gloire ; car plus il en est qui ont part à cette nourriture de l’âme, plus les hommes de génie ressemblent à Dieu, dont ils sont les créatures privilégiées.
Chacun des acteurs parlera comme il doit parler ; les scènes se suivront franchement et se déduiront logiquement ; l’orchestre enveloppera la tragédie d’une atmosphère de sons appropriés, commentera les péripéties, fera comprendre les âmes et, par des mélodies typiques qui circuleront à travers toute l’œuvre, rappellera à la pensée de l’auditeur tel personnage, telle situation, telle émotion. […] Et quand la colère est passée, quand les terribles harmonies ne sont plus là, quand l’âme bouleversée est rentrée en possession d’elle-même, elle sent qu’elle a été mordue d’une incurable morsure, et que la plaie qui a saigné ne se cicatrisera plus.
Manger, boire, parler, ce sont des actes involontaires du corps, de la coquille vide, comme disent ces insulaires ; mais l’âme est partie, suivant eux. […] La grande âme d’Olivier Cromwell se retrouvait-elle dans son fils Richard ?
On est certain que le colonel n’épousera jamais cette femme sans cœur et sans âme ; sa rivalité cesse avec son amour. […] Avant de rendre l’âme, il a voulu reconnaître le dévouement de Navarette en l’épousant in extremis.
La princesse Mathilde est, en effet, artiste dans l’âme, et je me suis réservé exprès jusqu’à ce moment le plaisir de parler avec quelque détail de ce côté si caractérisé de sa nature.
Feydeau cette qualité trop rare aujourd’hui et qui est l’âme de l’artiste, une ardeur, un feu, un foyer, une volonté, l’amour du bien et du mieux dans l’art.
Tant qu’il y aura une France, l’âme de la France sera contemporaine de ces douloureuses journées.
Serions-nous devenus des rhétoriciensou des byzantins pour disputer ainsi à perte de vue sur ce qui n’est beau et ce qui ne mérite de vivre que par le sentiment qui en est l’âme ?
Hase, mourait surchargé de titres, de places et d’honneurs bien mérités, Dubner, à l’âge de plus de soixante ans comme au premier jour, n’était rien qu’un travailleur isolé, tout entier voué à l’exécution des grandes entreprises philologiques qui roulaient sur lui, dont il était la cheville ouvrière et l’âme, se dérobant, ne s’affichant pas, étranger au monde, n’ayant au dehors que les relations strictement nécessaires, enseveli, comme il le disait, dans sa vie souterraine au fond de sa mine philologique, et tout semblable à l’un de ces mineurs du Erzgebirge auquel lui-même il se comparait ingénieusement.
Un autre vœu moins chimérique, un désir moins vaste et bien légitime que forme l’âme en s’ouvrant à la poésie, c’est d’obtenir accès jusqu’à l’illustre poëte contemporain qu’elle préfère, dont les rayons l’ont d’abord touchée, et de gagner une secrète place dans son cœur.
Mais ni Cabanis ni Lamettre n’appréciaient dans l’homme cette force souveraine et profonde qui lui donne la vie et l’âme.
Cette œuvre du loisir et du recueillement, où viendront sans doute contraster et se confondre en mille effets charmants ou sublimes la vérité et l’idéal, la raison et la fantaisie, l’observation des hommes et le rêve du poète, arrivée dans le monde réel, exposée aux regards de tous, enchantera les âmes et ravira les suffrages ; les esprits les plus graves, philosophes, érudits, historiens, se délasseront à la contempler, car l’impression d’une belle œuvre n’est jamais une fatigue ; les politiques surtout, en n’y cherchant que du plaisir, y puiseront plus d’une émotion intime, plus d’une révélation lumineuse, qui, transportée ailleurs et transformée à leur insu, ne restera stérile ni pour l’intelligence de l’histoire, ni pour les mouvements de l’éloquence ; la tribune et la scène, en un mot, rivales et non pas ennemies, pourront retentir ensemble et quelquefois se répondre.
Exercées et blanchies dans de communs travaux, ces belles existences de législateurs, judicieuses avant tout, saines et sereines, offrent au regard d’augustes longévités qui sont comme l’image de la constance et de la vigueur régulière des âmes.
La cause est précisément que les mots, bornés à leur objet propre, ne sollicitent pas l’esprit à penser au-delà de leur sens, ne lui ouvrent point de vue sur des choses inexprimées ; la phrase n’a ni dessous ni profondeurs ; mettant toute sa richesse en dehors et comme en étalage, ne tenant rien en réserve, elle est toisée, prisée d’un coup d’œil : il y manque ces groupes d’images et d’idées, qui, surgissant derrière les mots, saisissent l’esprit et transforment la lecture distraite des yeux en une avide curiosité de toute l’âme.
La littérature est, dans le plus noble sens du mot, une vulgarisation de la philosophie : c’est par elle que passent à travers nos sociétés tous les grands courants philosophiques, qui déterminent les progrès ou du moins les changements sociaux ; c’est elle qui entretient dans les âmes, autrement déprimées par la nécessité de vivre et submergées par les préoccupations matérielles, l’inquiétude des hautes questions qui dominent la vie et lui donnent sens ou fin.
Au moment où Rousseau remue si profondément les âmes de nos compatriotes, et celles de ses contemporains par toute l’Europe, l’Angleterre nous envoie Thomson, Young, Macpherson586 : les Saisons de Thomson réveillent le goût de la nature chez nos mondains ; et nos spirituels peintres des choses champêtres, les Saint-Lambert, les Roucher, sont de mauvais copistes d’un bon original.
Des aventures, des hommes, des princes, des caractères, des héros, des femmes merveilleuses et d’émotion, des âmes qui s’exaltent et crient et s’acharnent et s’apaisent, du malheur qui s’obstine, et du lyrisme, et du cœur, et des larmes.
Ceux-là ne méritent pas qu’on leur réponde ; c’est à eux plutôt qu’il conviendrait de demander à quoi bon accumuler tant de richesses et si, pour avoir le temps de les acquérir, il faut négliger l’art et la science qui seuls nous font des âmes capables d’en jouir, et propter vitam vivendi perdere causas.
Habitué à remuer ses souvenirs avec l’inquiétude fébrile d’une âme exaltée, il transforma son maître en voulant le peindre, et parfois il laisse soupçonner (à moins que d’autres mains n’aient altéré son œuvre) qu’une parfaite bonne foi ne fut pas toujours dans la composition de cet écrit singulier sa règle et sa loi.
Cette appréhension qui conduit ou plutôt retient sa plume, toutes les fois qu’elle parle d’un bienfait du roi, est une des causes qui ont fait penser à un grand nombre de personnes que c’était une âme sèche et uniquement capable d’ambition.
Pour bien comprendre une œuvre d’art, il faut se pénétrer si profondément de l’idée qui la domine, qu’on aille jusqu’à l’âme de l’œuvre ou qu’on lui en prête une, de manière à ce qu’elle acquière à nos yeux une véritable individualité et constitue comme une autre vie debout à côté de la nôtre.
Laujon, y est venu prendre séance le jeudi 7 novembre 1811, et a prononcé le discours qui suit : Messieurs, Cette imposante solennité porte dans mon âme un trouble dont je cherche en vain à me défendre ; glorieux de vos suffrages, étonné de mon bonheur, j’éprouve l’embarras d’un disciple qui s’assied pour la première fois parmi ses maîtres.
Les sentiments tendres, simples et naturels, faits pour nous intéresser partout où ils se trouvent, n’ont pas besoin, pour augmenter cet intérêt, d’être attachés au nom d’Idylle ; pour remplir et pénétrer l’âme, il leur suffit d’être exprimés tels qu’ils sont ; les prairies et les moutons n’y ajoutent rien.
Or le problème ainsi posé n’avait pas été résolu par moi, pas plus que par d’autres philosophes ; je ne puis le nier ; mais ce n’était pas là le problème que j’avais l’intention de résoudre, car c’est identiquement celui de l’union de l’âme et du corps : il y a un terme qu’aucune psychologie ne saurait franchir.
Elle ne se contente pas de peindre la campagne, elle la cultive et la fume… On est étonné dans ses œuvres de l’amour de la nature qui se voit, à côté de la nature qui rapporte… On est étonné de ces descriptions, romantiques et mièvres, sous la plume d’un écrivain si sérieux, quand tout à coup au milieu d’elles, dans le plus brillant de leurs draperies et de leurs déroulements de paysages, il se fait un trou ; et la tête de l’institutrice passe par ce trou et nous lâche des phrases de cette institution : « l’âme échappant aux lois dont elle fait partie, habite le monde absolu des idées où la durée s’absorbe dans l’éternité de l’être ».
Les vestiges qui nous restent de ces sociétés, de leurs travaux publics, de leurs architectures, doivent paraître à des âmes d’architectes, d’antiquaires et d’académiciens, des civilisations colossales.
Jusqu’ici, en effet, nous n’avions pas encore rencontré, parmi ces moralistes qui ont retourné l’âme humaine comme un gant, d’homme assez bronzé par les idées fausses et l’amour dépravé des énormités pour s’agenouiller publiquement et ventre à terre devant cette affreuse bête, — qui d’ailleurs est si bête, — et qui de temps immémorial s’appelle le Veau d’Or.
Ainsi, encrassement d’influences, fond de pot de toutes les idées, le xviiie siècle est en nous à des profondeurs effrayantes, et ce n’est pas tout, nous tenons à lui par la préférence, par le choix de l’âme abaissée, par l’admiration et par l’amour.
Mais que Frédéric II, l’abominable Frédéric II, l’auteur des Trois imposteurs, le sarrasin, le sorcier, l’âme damnée, qui pouvait tout par la force et qui s’en servit si souvent avec une atrocité diabolique, invoquât à son tour la justice de Saint Louis, il y avait là, dans ce fait, quelque chose qui dépassait évidemment la puissance de la simple Royauté.
Le portrait qu’il en trace n’est pas du xviiie siècle… On n’y a jamais peint dans cette manière juste, méprisante, inflexible : « Un singulier homme, ce jeune mari, — dit-il, — ce jeune souverain, que, hors la chasse et les chiens, rien n’intéressait, n’amusait, ne fixait, et que le cardinal — (le cardinal de Fleury) — promenait vainement d’un goût à un autre, de la culture des laitues à la collection d’antiques du maréchal d’Estrées, du travail du tour aux minuties de l’étiquette et du tour à la tapisserie, sans pouvoir attacher son âme à quelque chose, sans pouvoir donner à sa pensée et à son temps un emploi… Imaginez un roi de France, l’héritier de la régence, tout glacé et tout enveloppé des ombres et des soupçons d’un Escurial, un jeune homme, à la fleur de la vie et à l’aube de son règne, ennuyé, las, dégoûté, et, au milieu de toutes les vieillesses de son cœur, traversé des peurs de l’enfer qu’avouait, par échappées, sa parole alarmée et tremblante.
» Les écrivains laïques, pourvu qu’ils soient catholiques et théologiens, sont appelés à faire dans la littérature religieuse plus de bien que les prêtres eux-mêmes, à talent égal ; car, après tout, ce qu’il faut impérieusement, c’est d’amener le plus d’âmes possibles à la vérité.
Peu importe que le fond de ces deux ouvrages soit, sous deux noms différents, le même prétexte ou le même procédé pour nous faire voir le monde merveilleux ou historique des légendes et nous réverbérer, en le concentrant dans notre âme, ce prodigieux panorama ; mais il importe fort pour le mérite du poète et son progrès, pour l’intérêt et pour l’émotion du lecteur, que la forme et la manière de l’un ne soient pas par trop identiquement la forme et la manière de l’autre !
Ajoutez à cela les mille angoisses que connut Balzac, le plomb des exigences de librairie, les tyrannies des marchands érigés en Mécènes, les Fourches Caudines sous lesquelles sont obligés de passer les plus fiers écrivains, l’inspiration que l’on chasse et la commande que l’on fait, les instincts bas dont les colporteurs de littérature risquent le plaidoyer, l’argent à la main, pour tenter la faim qui doit prêter l’oreille, malgré le proverbe, enfin la levée de boucliers des esprits sans lumière et sans vie contre les réfractaires qui s’obstinent à vouloir être ce qu’ils sont, et dites-vous si le massacre n’est pas organisé, — de haute lice et de nécessité, — et s’il n’est pas besoin d’une force intellectuelle redoutable pour ne pas périr au moins dans quelques parties de son âme et de son talent ?
Tous deux ont à l’âme la froideur des grenouilles dans leur vase, quand il s’agit de la moralité ou de l’immoralité humaine.
Ces gardiens vigilants de la mort se sont coalisés contre l’âme récalcitrante qui se consume dans une lutte impossible.
…… Ne serait-ce donc pas faire tort à sa joie d’occuper son âme à penser à ajuster ses pas à la cadence d’un air, ou à placer adroitement une balle… ? […] La gêne de l’âme m’a toujours paru un supplice. […] et le Voltaire de jadis, cette âme fière, « qui n’avait pu plier son caractère à faire la cour au cardinal Fleury » ? […] Il faut que cet homme ait de l’âme, de la sensibilité, que l’injustice le révolte, et qu’il sente battrait de la vertu. […] Nous ne croyons pas aisément, avec l’austère Daunou, « qu’il ne puisse y avoir de génie que dans une âme républicaine ».
Voyons Fléchier tel qu’il était, apprenons à le goûter dans les qualités qui lui sont propres et qui lui assurent un rang durable comme écrivain et comme narrateur ; ne craignons pas de nous le représenter dans sa première fleur d’imagination et d’âme, dans sa première forme de jeune homme, d’abbé honnête homme et encore mondain ; et bientôt sans trop de complaisance, sans presque avoir à retrancher, nous arriverons insensiblement à celui qui n’avait eu en effet qu’à se continuer lui-même, et à se laisser mûrir pour devenir l’orateur accompli si digne de célébrer Montausier et Turenne, et l’évêque régulier, pacifique, exemplaire, édifiant. […] Fléchier, dans ce portrait flatteur et qui a du ton de L’Astrée, insiste comme il doit sur la pudeur et la modestie qui fait le trait principal de la beauté célébréeag : Cette chaste couleur, cette divine flamme, Au travers de ses yeux découvre sa belle âme, Et l’on voit cet éclat qui reluit au dehors, Comme un rayon d’esprit qui s’épand sur le corps.
— Ajax en révolte s’écriait : Je me sauverai malgré les Dieux ; et Lucrèce : Je m’abîmerai à l’insu des Dieux. » Il s’attachait, dans la lecture du livre, à dessiner l’âme du poète, à ressaisir les plaintes émues que le philosophe mettait dans la bouche des adversaires, et qui trahissaient peut-être ses sentiments propres ; il relevait avec soin les affections et les expressions modernes, cet ennui qui revient souvent, ce veternus, qui sera plus tard l’acedia des solitaires chrétiens, le même qui engendrera, à certain jour, l’être invisible après lequel courra Hamlet, et qui deviendra enfin la mélancolie de René. […] Si Lucrèce nous rend avec une saveur amère les angoisses des mortels, nul aussi n’a peint plus fermement et plus fièrement que lui la majesté sacrée de la nature, le calme et la sérénité du sage ; à ce titre auguste, le pieux Virgile lui-même, en un passage célèbre, le proclame heureux : Félix qui potuit rerum , etc… Quoi qu’il en soit cependant de l’énigme que le poëte nous propose, et si tant est qu’il y ait vraiment énigme dans son œuvre, c’était aux expressions de trouble et de douleur que s’attachait surtout notre ami ; le livre III, où il est traité à fond de l’âme humaine et de la mort, avait attiré particulièrement son attention ; dans son exemplaire, chaque trait saillant des admirables peintures de la fin est surchargé de coups de crayon et de notes marginales, et il s’arrêtait avec réflexion sur cette dernière et fatale pensée, comme devant l’inévitable perspective : « Que nous ayons vécu peu de jours, ou que nous ayons poussé au-delà d’un siècle, une fois morts, nous n’en sommes pas moins morts pour une éternité ; et celui-là ne sera pas couché moins longtemps désormais, qui a terminé sa vie aujourd’hui même, et celui qui est tombé depuis bien des mois et bien des ans : Mors aeterna tamen nihilominus illa manebit ; Nec minus ille diu jam non erit, ex hodierno Lumine qui finem vitaï fecit, et ille Mensibus atque annis qui multis occidit ante. » Notre ami était donc en train d’attacher ses travaux à des sujets et à des noms déjà éprouvés, et les moins périssables de tous sur cette terre fragile ; il voguait à plein courant dans la vie de l’intelligence ; des pensées plus douces de cœur et d’avenir s’y ajoutaient tout bas, lorsque tout d’un coup il fut saisi d’une indisposition violente, sans siège local bien déterminé, et c’est alors, durant une fièvre orageuse, qu’en deux jours, sans que la science et l’amitié consternées pussent se rendre compte ni avoir prévu, sans aucune cause appréciable suffisante, la vie subitement lui fit faute ; et le vendredi 19 septembre 1845, vers six heures du soir, il était mort quand il ne semblait qu’endormi.
Ce sens ne me nuit point par son illusion ; Mon âme en toute occasion Développe le vrai caché sous l’apparence ; Je ne suis point d’intelligence Avecque mes regards peut-être un peu trop prompts, Ni mon oreille, lente à m’apporter les sons. […] Ils disent donc Que la bête est une machine ; Qu’en elle tout se fait sans choix et par ressorts : Nul sentiment, point d’âme ; en elle tout est corps.
… Oui, le roi de Navarre, comme vous dites, a souffert de grandes misères et ne s’y est pas étonné : peut-il dépouiller l’âme et le cœur à l’entrée de la royauté ?
Quelle différence faites-vous pour l’édification des âmes entre le déisme de Voltaire et l’athéisme (qui vaut même bien mieux chez les gens sérieux) ?
Il n’en raisonne point, il n’arrive point à des jugements nets ; mais toutes ces émotions sourdes, semblables aux bruissements innombrables et imperceptibles de la campagne, s’assemblent pour faire ce ton habituel de l’âme que nous appelons le caractère.
Ce monde odieux ne pouvait manquer de peser fort lourdement sur les âmes tendres et délicates du nord.
Ce qu’est l’âme ou l’esprit, elle l’ignore.
Le rapprochement encore nouveau des esprits divisés pendant quarante années par les guerres civiles, semblait solliciter l’épanchement d’affections longtemps contenues ; le progrès des richesses que les discordes intestines n’avaient point empêché10, le progrès des lumières, les changements des esprits, des imaginations, des âmes tout entières, changements inséparables de toute révolution, donnaient une vive curiosité de se considérer sous de nouveaux aspects, inspiraient le pressentiment d’un nouveau genre de communications, de nouveaux points de contact, d’un développement inconnu de cet instinct social qui semble appartenir au Français plus qu’à toute autre nation.
Au milieu de tous ces mouvemens, quelles impressions éprouvoit cette Ame maligne qu’on nous attribue si gratuitement ?
Eugène Montfort a prononcé des mots d’une force et d’une tendresse peut-être plus pures encore : « Puisqu’on ne se plaît plus à l’église, a-t-il écrit au cours de l’Essai sur l’amour, je voudrais qu’aujourd’hui la voix du poète — comme autrefois celle des cloches — sonnât dans toutes les âmes ; je voudrais qu’elle les réunît, elle aussi, dans un vol unanime ; je voudrais qu’elle les fît vivre ensemble dans ce temple incommensurable qu’est le monde. » Voilà l’expression positive de nos pensées.
Le démon de Stagyre, c’est la tristesse ou plutôt le défaut d’énergie et de ressort, c’est le néant de l’âme.
Son cœur saigne véritablement devant certains spectacles, et son âme parle par sa blessure.
Pour peu qu’il vive à l’une des époques décisives de la civilisation, l’âme de ce qu’on appelle le poëte est nécessairement mêlée à tout, au naturalisme, à l’histoire, à la philosophie, aux hommes et aux événements, et doit toujours être prête à aborder les questions pratiques comme les autres.
D’ailleurs, s’il goûtait peu la philosophie savante, il portait en lui-même une philosophie naturelle, non systématique, mais toute vivante, et partout présente dans ses écrits, la philosophie de l’âme, de la dignité humaine, de la liberté.
Dans les scènes dramatiques, lorsque les passions sont émues, et que tous les miracles doivent sortir de l’âme, l’intervention d’une divinité refroidit l’action, donne aux sentiments l’air de la fable, et décèle le mensonge du poète, où l’on ne pensait trouver que la vérité.
Ce qu’il exprime, c’est un certain état de l’âme collective.
Pour eux, la parole sera toujours une chose immuable et sacrée qui contient les lois immortelles de la société en même temps que les manifestations de l’âme humaine.