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1015. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre III. Des Livres nécessaires pour l’étude de l’Histoire sacrée & ecclésiastique. » pp. 32-86

Il ne perd pas pourtant de vue les grandes difficultés, mais il les éclaircit en peu de mots ; & ceux qui demandent des explications plus étendues peuvent consulter les dissertations du même auteur imprimées séparément de son Commentaire en trois vol. […] Histoire ecclésiastique en Général VOici un champ bien vaste à moissonner, mais il faut se borner a cueillir les épis qui seront nécessaires pour remplir vos vues. […] Il assure que le nom d’Ignace étoit redoutable aux puissances de l’enfer, & qu’on a entendu quelquefois les possédés s’écrier au milieu des exorcismes à la vue d’une image du serviteur de Dieu : Où est ton pouvoir, Lucifer, puisqu’un peu de papier avec la figure d’un Prêtre nous fait fuir sans que nous puissions résister ?

1016. (1898) Les personnages de roman pp. 39-76

Et, sans doute, il arrivera que ces croquis auront été faits et multipliés en vue d’une œuvre déterminée, mais le contraire est la loi commune. […] Pensez donc : visiter les premières maisons de modes et aussi les petites, à Paris et en province ; interroger la patronne, pénétrer dans les ateliers et surprendre les employées au milieu du travail, groupées au naturel, lasses, nerveuses, attentives, bavardant, honteuses d’être vues avec leurs manches de lustrine, douces, moqueuses ou hardies ; se faire présenter à mademoiselle Irma, qui est apprêteuse et cause très volontiers de son métier ; à l’artiste mademoiselle Mathilde, qui invente les plus jolis chapeaux de Paris, et manie les plumes et les rubans comme un poète les rimes riches ; tenir entre ses mains de petits cahiers de jeunes filles disparues, qui n’ont laissé après elles que de pauvres petites idées de luxe qui sont déjà passées de mode et ces quelques feuilles de journal souvent banales, souvent charmantes, avec des blancs, des endroits tout froissés et quelquefois des traces de larmes ; n’est-ce pas de quoi s’émouvoir, et sourire, et prendre pitié ? […] Elle doit avoir une vue prodigieusement sûre, car elle va chercher, au plus profond du souvenir, des traits presque oubliés qu’elle ramène soudainement au jour.

1017. (1773) Discours sur l’origine, les progrès et le genre des romans pp. -

Le onzieme vit éclore, entre autres productions de ce genre, Tristan, Lancelot du Lac, Artus, Merlin, Perceval, Perceforêt, la déplorable histoire d’André de France qui mourut par trop aimer celle qu’il n’avoit jamais vue, &c. […] Quelle autre production romanesque offrit jamais des détails aussi brillants joints à des vues aussi profondes ? […] La politique de Nédim Coggia est moins compliquée que celle d’Usbec ; mais ses vues ne sont pas moins morales & n’en deviennent que plus utiles.

1018. (1896) La vie et les livres. Troisième série pp. 1-336

Il s’est habitué à saisir d’une vue directe la figure du passé. […] Cet élégiaque a usé sa vue à contempler le décor « où nous promenons notre vain désir de bonheur ». […] Paul Bourget, plus consciencieux, a dirigé sa vue perçante vers les Yankees et vers les machines. […] Autant j’admire les descriptions, les remarques, les vues de pays et les états d’âme que M.  […] À première vue, c’est un abîme vertigineux, sans couleur et sans fond.

1019. (1842) Discours sur l’esprit positif

Car, si les modernes ont dû proclamer l’impossibilité de fonder aucune théorie solide, autrement que sur un suffisant concours d’observations convenables, il n’est pas moins incontestable que l’esprit humain ne pourrait jamais combiner, ni même recueillir, ces indispensables matériaux, sans être toujours dirigé par quelques vues spéculatives préalablement établies. […] C’est, au contraire, en vertu de son génie relatif que la nouvelle philosophie peut toujours apprécier la valeur propre des théories qui lui sont le plus opposées, sans toutefois aboutir jamais à aucune vaine concession, susceptible d’altérer la netteté de ses vues ou la fermeté de ses décisions. […] Ce grand résultat ne pourrait être suffisamment obtenu si cet enseignement continu restait destiné à une seule classe quelconque, même très étendue : on doit, sous peine d’avortement, y avoir toujours en vue l’entière universalité des intelligences. […] C’est aussi chez eux que le caractère continu d’une telle étude pourra devenir le plus purement spéculatif, parce qu’elle s’y trouvera mieux exempte de ces vues intéressées qu’apportent, plus ou moins directement, les classes supérieures, presque toujours préoccupées de calculs avides ou ambitieux. […] Depuis le commencement de la grande crise moderne, le peuple n’est encore intervenu que comme simple auxiliaire dans les principales luttes politiques, avec l’espoir, sans doute, d’y obtenir quelques améliorations de sa situation générale, mais non d’après des vues et pour un but qui lui fussent réellement propres.

1020. (1868) Curiosités esthétiques « II. Salon de 1846 » pp. 77-198

Celle qui est vue de dos, et dont les fesses sont enveloppées dans une gaze transparente, a encore sur la tête un bonnet de modiste, un bonnet acheté rue Vivienne ou au Temple. […] Aligny a fait à l’eau-forte de très-belles vues de Corinthe et d’Athènes ; elles expriment parfaitement bien l’idée préconçue de ces choses. […] La sculpture se rapproche bien plus de la nature, et c’est pourquoi nos paysans eux-mêmes, que réjouit la vue d’un morceau de bois ou de pierre industrieusement tourné, restent stupides à l’aspect de la plus belle peinture. […] Sitôt que la sculpture consent à être vue de près, il n’est pas de minuties et de puérilités que n’ose le sculpteur, et qui dépassent victorieusement tous les calumets et les fétiches. […] Pradier, et, vue de dos, l’aspect en est affreux.

1021. (1894) Les maîtres de l’histoire : Renan, Taine, Michelet pp. -312

Il acquérait ainsi une intensité prodigieuse de pensée et comme un don de seconde vue. […] On oublie les défauts de l’enfant ; sa vue seule fait aimer la nature et bénir la vie. […] En même temps il ne perdait pas de vue la tâche d’éducateur qu’il s’était donnée. […] Nulle part la pensée n’est plus libre, la vue plus limpide. […] Il souffrait à la vue d’une tombe mal soignée, et quand il allait visiter les siens au Père-Lachaise, il lui arrivait souvent de faire orner de fleurs les tombes voisines de celles de ses proches.

1022. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Note III. Sur l’accélération du jeu des cellules corticales » pp. 400-404

Je vis pendre d’une roche à droite les belles grappes roses de la bugrane glutineuse, que j’avais souvent vue dans les Alpes.

1023. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Troisième partie. Disposition — Chapitre III. Du meilleur plan. — Du plan idéal et du plan nécessaire. »

« Avant, dit-il, de chercher l’ordre dans lequel on présentera ses pensées, il faut s’en être fait un plus général et plus fixe, où ne doivent entrer que les premières vues et les principales idées.

1024. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — H — article » pp. 489-496

Par exemple, vous connoissez la ville de Strasbourg, Capitale d’Alsace : j’ignore si vous y avez jamais été ; pour moi, je sais bien que je ne l’ai jamais vue que sur la Carte ; & cependant, par un trait de sa plume magique, me voilà ès-prisons de ladite ville, occupé à faire des Vers infames, & voilà le Nécromant de Ferney en possession de mes Vers Alsaciens.

1025. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des pièces de théâtre — Préface de « Marie Tudor » (1833) »

Jamais, dans ses travaux, il ne perd un seul instant de vue le peuple que le théâtre civilise, l’histoire que le théâtre explique, le cœur humain que le théâtre conseille.

1026. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Avant-Propos. » pp. -

On perd de vue le fond de la question, pour se jetter sur les personnalités.

1027. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre V. Histoire littéraire. » pp. 212-219

Il y a des vues & du style.

1028. (1763) Salon de 1763 « Peintures — Carle Vanloo » pp. 183-186

Vous savez que je n’exagère point, et je défie la meilleure vue de soutenir ce coloris un demi-quart d’heure.

1029. (1763) Salon de 1763 « Peintures — Vernet » pp. 227-230

On se récrie beaucoup sur le paysage ; on prétend qu’il a toute l’horreur des Alpes vues de loin.

1030. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Madame de La Fayette ; Frédéric Soulié »

Ce qui fait l’étonnant mérite de la Princesse de Clèves et de Madame de La Fayette, ce sont les nuances les plus tendres et les plus choisies qu’on ait jamais vues fleurir, un matin, dans la délicatesse humaine, et que madame de la Fayette nous a offertes avec l’adorable simplicité qui prend de l’eau de source dans ses belles mains pour nous montrer combien elle est pure.

1031. (1922) Durée et simultanéité : à propos de la théorie d’Einstein « Remarque finale. Le Temps de la Relativité restreinte et l’Espace de la Relativité généralisée »

Cette fois les particularités découvertes et définies par la physique appartiennent à la chose et non plus à une vue de l’esprit sur elle.

1032. (1883) La Réforme intellectuelle et morale de la France

La légende même s’est vue blessée à mort. […] Le jugement et le gouvernement des choses ont été transportes à la masse ; or la masse est lourde, grossière, dominée par la vue la plus superficielle de l’intérêt. […] Je ne sais si je me trompe ; mais il y a une vue d’ethnographie historique qui s’impose de plus en plus à mon esprit. […] Les dynasties ont des droits sur le pays qu’elles représentent historiquement ; mais le pays a aussi des droits sur elles, puisque les dynasties n’existent qu’en vue du pays. […] J’ai été heureux de m’être rencontré, dans les vues qui suivent, avec quelques bons esprits qui cherchent en ce moment le remède à nos institutions si défectueuses.

1033. (1922) Nouvelles pages de critique et de doctrine. Tome II

Vue profonde, qui a renouvelé la critique. […] Or, la masse est lourde, grossière, dominée par la vue la plus superficielle de l’intérêt. […] Entre parenthèses, lorsqu’il s’agit de sociologie, il convient de se défier de toute vue simple. […] La révolte est au terme d’une vue pareille. […] Les sciences nous conduisent à une vue de l’homme individuel et des sociétés de plus en plus complexes, comme je le disais tout à l’heure.

1034. (1896) Études et portraits littéraires

D’Antibes à Cannes, à Saint-Raphaël, à Saint-Tropez, à Monte-Carlo, il ne perd pas de vue la Corniche. […] Avant tout, voici une représentation du monde à l’usage de quiconque se plaît à la vue exacte des choses. […] Et le plus lu de nos romanciers ne se caractérise-t-il pas par une vue triste autant que par un avilissement systématique des choses ? […] Est-ce la vie humaine vécue selon sa loi, que nous avons vue être la loi de toute vie ? […] Il ne voit pas de la vue grossissante du poète, qui amplifie, enlumine le réel.

1035. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre huitième. L’introduction des idées philosophiques et sociales dans la poésie (suite). Victor Hugo »

Mais, sur le rapport de l’ombre et de la lumière, Hugo a une vue originale : c’est que, dans notre monde, ce qui l’emporte sur le reste, ce qui semble faire le fond, c’est l’ombre, la nuit, tandis que la lumière et le jour semblent des accidents passagers, bornés à un petit nombre de lieux et de moments. […] D’ailleurs « le moi visible (de l’homme) n’autorise en aucune façon le penseur à nier le moi latent (chez l’animal)169. » Cette vue platonicienne sur les animaux, ombres de nos vertus et de nos vices, prouve que le mythe renouvelé de l’antique Orient sur la chute des âmes et leurs transfigurations a pour Hugo une valeur en partie symbolique. […] Il n’y a que de mauvais cultivateurs223. » Malgré son esprit chimérique, Hugo a sur l’histoire quelques vues justes : « Les historiens qui n’écrivent que pour briller, dit-il, veulent voir partout des crimes et du génie ; il leur faut des géants, mais leurs géants sont comme les girafes, grands par devant et petits par derrière. […] Il eut le tort de partager ce que la critique anglaise a appelé la vue mystique et surnaturelle de la Révolution française. […] Œuvres inédites de Victor Hugo : Choses vues.

1036. (1859) Cours familier de littérature. VIII « XLIIIe entretien. Vie et œuvres du comte de Maistre (2e partie) » pp. 5-80

Quoique située dans l’enceinte de la ville, elle est cependant assez éloignée du centre pour qu’il soit permis de l’appeler campagne, et même solitude ; car il s’en faut de beaucoup que toute cette enceinte soit occupée par les bâtiments, et, quoique les vides qui se trouvent dans la partie habitée se remplissent à vue d’œil, il n’est pas possible de prévoir encore si les habitations doivent un jour s’avancer jusqu’aux limites tracées par le doigt hardi de Pierre Ier. […] Il a jeté notre terre sur ces deux pôles ; car Jéhovah est le maître des deux pôles, et sur eux il fait tourner le monde. » IX Tel est ce livre, la grande œuvre philosophique du comte de Maistre : un style étonnant de vigueur et de souplesse ; des vues neuves, profondes, incommensurables d’étendue sur les législations, sur les dogmes, sur les mystères, et quelquefois des plaisanteries déplacées en matière grave ; un grand génie doublé d’un sophiste, un Diderot déclamateur dans un philosophe chrétien et sincère, un Platon souvent, quelquefois un Diogène. […] « Mon très cher enfant, écrit-il, de Pétersbourg, à sa fille Constance, qu’il n’avait pas vue naître, et dont il se faisait une charmante image, justifiée par la nature et par l’intelligence, mon très cher enfant, il faut absolument que j’aie le plaisir de t’écrire, puisque Dieu ne veut pas encore me donner celui de te voir. […] Tu dois me traiter de même, ma chère petite, afin que tu sois tout accoutumée à m’aimer quand je te verrai, et que ce soit tout comme si nous ne nous étions jamais perdus de vue.

1037. (1859) Cours familier de littérature. VIII « XLVe entretien. Examen critique de l’Histoire de l’Empire, par M. Thiers (2e partie) » pp. 177-248

À cela il faut ajouter encore que, nourri dans un pays inculte et religieux, sous les yeux d’une mère pieuse, la vue du vieil autel catholique éveillait chez lui les souvenirs de l’enfance, toujours si puissants sur une imagination sensible et grande. […] C’est la plus noble, la plus légitime ambition, que celle qui cherche à fonder son empire sur la satisfaction des vrais besoins des peuples. » V Nous citons ces pages parce qu’elles sont très belles d’expression et de sentiment, les plus belles peut-être que l’historien politique ait écrites dans sa vie ; mais, en admirant la haute portée de ces vues d’homme d’administration et de ce style d’homme de discipline civile, peut-on se dissimuler la simonie des idées (si on tolère cette expression) qui éclate dans la pensée ? […] Bonaparte, initié par ce grand homme d’État à la diplomatie européenne, prend de son ministre la science des traditions, mais ne suit en rien ses conseils à longue vue. […] Les tentatives toutes avortées pour réunir les escadres françaises, espagnoles, hollandaises, dans la Manche, afin de protéger le passage de ses bateaux plats d’un bord à l’autre ; des revues impériales de l’armée de terre et des flottilles passées sur les hauteurs et dans les eaux de Boulogne ; des distributions solennelles de décorations à l’armée, des négociations avec le pape pour amener ce pontife à Paris et pour obtenir de sa faiblesse le couronnement du nouveau Charlemagne ; le spectacle de la réaction religieuse qui précipite les vieillards, les femmes, les enfants, les populations des campagnes au pied du vicaire vénéré du Christ ; la cérémonie du sacre renouvelée des antiques monarchies et des antiques sacerdoces ; toute cette audacieuse amende honorable du pouvoir, des soldats, et du peuple de la Révolution au passé, tout ce changement de décoration à vue sur le théâtre du monde enfin, sont admirablement reproduits par l’historien ; la réflexion seule manque au peintre, ici comme partout.

1038. (1866) Cours familier de littérature. XXI « CXXIIIe entretien. Fior d’Aliza » pp. 177-256

Mademoiselle B… aimait passionnément la poésie, et mes vers encore inédits, mais récités dans la maison de la marquise de La Pierre par des amis de mon âge, l’avaient prévenue en ma faveur avant même de me connaître de vue : j’avais été accueilli avec cet enthousiasme que le mystère et le demi-jour ajoutent au talent. […] La destination romanesque et pieuse de ce monument extraordinaire et mystérieux ajoutait à cette vue un intérêt qui sacrait pour ainsi dire le bois et la pierre. […] Il bâtit cette tour assise par assise, et l’éleva jusqu’à une telle hauteur, qu’elle dominait tous les palais et tous les clochers de la ville qui pouvaient s’interposer à la vue entre le cimetière juif et la villa Torregiani ; en sorte qu’en montant au sommet de sa tour, il pût, à chaque retour du jour, contempler la place de ce campo santo juif, où son idole avait dépouillé sa forme terrestre pour habiter l’éternelle et pure demeure dans son souvenir et dans le ciel ! […] Un soir que les deux époux devaient aller ensemble au théâtre, le prince était parti le premier et se croyait suivi dans une seconde voiture par sa femme, retardée sous un spécieux prétexte ; mais il l’attendit en vain dans sa loge ; il l’avait vue pour la dernière fois : un couvent inviolable avait reçu la comtesse et l’avait soustraite aux droits et aux recherches de son royal époux.

1039. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1884 » pp. 286-347

Il est désolé, et me dit qu’il était décidé à faire cette illustration, lorsque son médecin lui a déclaré, que s’il faisait de l’eau-forte, dans l’état où sont ses yeux, il perdrait la vue. […] * * * — J’ai reçu, ces jours-ci, une lettre de faire- part m’annonçant la mort d’une cousine, complètement perdue de vue, depuis nombre d’années. […] Nous nous asseyons sur un canapé du salon, et il me raconte ses troubles de la vue. « Oui, dit-il, avec la voix gémissante des personnes très faibles, oui, dans ce que je lisais, c’était comme s’il y avait des manques… tenez… ainsi que les trous que fait dans une feuille de papier, un coup de fusil chargé à plomb… J’ai averti le médecin… ça pouvait être, n’est-ce pas, l’effet de la digitale… il a changé le régime… ça a été mieux… mais un jour que j’avais été peindre une étude ici, tout près… il faisait un temps comme aujourd’hui… tout à coup il m’a semblé voir des nuages de mouches… mais vous avez été en Angleterre, vous avez vu un certain brouillard noir, qu’il fait là… Eh bien, c’était ça dans mes yeux… Ah ! […] Cette esquisse qu’il avait abandonnée, lorsque sa vue avait commencé à se brouiller, il me la montrait, mardi dernier, au milieu des pots de confitures et des bocaux de pickles, confectionnés, ces jours derniers, par sa femme, et dont, un moment, dans une enfantine gaîté, il me faisait voir les jolies colorations, sentir les arômes piquants.

1040. (1857) Cours familier de littérature. III « XIVe entretien. Racine. — Athalie (suite) » pp. 81-159

Joas, laissé pour mort, frappa soudain ma vue. […] Sa vue a ranimé mes esprits abattus ; Mais lorsque, revenant de mon trouble funeste, J’admirais sa douceur, son air noble et modeste, J’ai senti tout à coup un homicide acier Que le traître en mon sein a plongé tout entier… De tant d’objets divers le bizarre assemblage Peut-être du hasard vous paraît un ouvrage. […] Il marchait à côté du grand-prêtre ; Mais bientôt à ma vue on l’a fait disparaître. […] Josabeth refuse Éliacin à Athalie ; le grand-prêtre, à sa vue, laisse éclater sa colère en imprécations célestes.

1041. (1782) Plan d’une université pour le gouvernement de Russie ou d’une éducation publique dans toutes les sciences « Plan d’une université, pour, le gouvernement de Russie, ou, d’une éducation publique dans toutes les sciences — I. Faculté des arts. Premier cours d’études. » pp. 453-488

Mais si l’on doit souvent se dispenser de l’employer, il ne faut jamais la perdre de vue ; c’est la boussole d’un bon esprit, c’est le frein de l’imagination18. […] J’ai ajouté à l’arithmétique, à l’algèbre et à la géométrie la science, des combinaisons ou le calcul des probabilités, parce que tout se combine et que, hors des mathématiques, le reste n’est que probabilité ; que cette partie de l’enseignement estd’un usage immense dans les affaires de la vie ; qu’elle embrasse et les choses les plus graves et les choses les plus frivoles ; qu’elle s’étend à nos vues d’ambition, à nos projets de fortune et de gloire, et à nos amusements, et que les éléments n’en sont pas plus difficiles que ceux de l’arithmétique. […] Le naturel, la vérité, la pureté et l’élégance de Térence, qui, semblables à ces chefs-d’œuvre de la sculpture antique, ont peu de mouvement, mais tant de charmes, des grâces si imperceptibles qu’on n’en remporte après les avoir vues qu’une admiration vague et qu’on y découvre, en les revoyant, toujours quelque chose de nouveau. […] — Nous donnons cette appréciation, malgré ses erreurs, parce qu’il y a beaucoup plus de vérités que d’erreurs, et qu’il ne s’agit que d’une vue rapide, à vol d’oiseau, qui n’a aucune prétention à être un traité approfondi.

1042. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Geoffroy de Villehardouin. — I. » pp. 381-397

Ainsi la poésie, ainsi l’éloquence, sont des dons naturels qui, du temps de Villehardouin et de Quènes de Béthune, n’étaient pas moins réels ni de près, peut-être, moins frappants qu’ils ne le seront à des âges de société plus en vue. […] L’émotion fut grande parmi le peuple et les pèlerins, d’autant que ce digne chef avait toute raison de demeurer chez soi s’il l’eût voulu : Car il était vieil homme, et, bien qu’il eût de beaux yeux en la tête, il n’y voyait pas, ayant perdu la vue autrefois par le fait d’une blessure.

1043. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Œuvres de François Arago. Tome I, 1854. » pp. 1-18

Il raconte comment son attention fut de bonne heure détournée des études classiques, auxquelles il commençait à s’adonner, par la vue d’un très jeune officier sortant de l’École polytechnique et dont l’épaulette le frappa. […] De la porte de notre cabane, nous avions une des plus belles vues du monde : à notre gauche, mais fort au-dessous de nous, le cap Oropeza élevait dans les airs ses aiguilles qui servent de signaux aux navigateurs ; derrière nous, en se prolongeant dans l’ouest, s’étendaient les chaînes de montagnes noirâtres qui, comme un rideau, abritent le royaume de Valence du côté nord et conservent à cet heureux climat la douce température dont il jouit.

1044. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Bossuet. Lettres sur Bossuet à un homme d’État, par M. Poujoulat, 1854. — Portrait de Bossuet, par M. de Lamartine, dans Le Civilisateur, 1854. — I. » pp. 180-197

Pourquoi M. de Lamartine, qui trouve au passage de ces vues charmantes et de ces aperçus d’un biographe supérieur, les laisse-t-il fuir par négligence, et les gâte-t-il presque aussitôt ? […] Ces peintures un peu molles et à la d’Aguesseau n’ont pas suffi, on le conçoit, à M. de Lamartine, qui, avec cette seconde vue qui est accordée aux poètes, a su apercevoir distinctement Bossuet jeune, adolescent, Bossuet à l’âge d’Éliacin, avant même qu’il eût abordé la chaire et quand il montait seulement les degrés de l’autel : Il n’avait pas encore neuf ans, nous dit l’auteur de Jocelyn parlant de Bossuet, qu’on lui coupa les cheveux en couronne au sommet de la tête.

1045. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Sylvain Bailly. — I. » pp. 343-360

On voit cependant qu’il n’aura rien d’austère, qu’il est de l’école scientifique fleurie qui se rattache à Fontenelle et à Mairan ; et, sans aller jusqu’à dire qu’il y a du petit goût dans Bailly, ce que son Histoire de l’astronomie démentirait, j’oserai affirmer (car on peut parler avec lui la langue des tableaux) qu’il y a un peu de mollesse dans ses couches de fond, et que, dans certaines vues de développement et de lointain qu’offre ce bel ouvrage, il y a des parties qui, à les presser, se trouveront plutôt élégantes et spécieuses que solides. […] La jeunesse, bannie de son pays, ne l’a point quitté sans douleur ; elle a trouvé un ciel plus beau, une terre plus fertile, mais ce n’était pas le sol natal ; ce n’était plus ce ciel dont la lumière avait d’abord frappé sa vue, ce n’était plus cette terre où bon avait commencé à vivre, cette terre témoin des soins paternels, des jeux de l’enfance, où l’on avait reçu les premières impressions du plaisir et du bonheur.

1046. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Histoire du Consulat et de l’Empire, par M. Thiers. (Tome XII) » pp. 157-172

Trop souvent les historiens ne savent bien que quelques points de leurs sujets, et à ces points ils sacrifient le reste : ils sont obligés par des suppositions, par des vues, par des phrases, de combler des intervalles et de dissimuler leur embarras ; ces historiens-là sont plus ou moins de la race des rhéteurs. […] Si je ne savais combien il aime Raphaël, je ne verrais pas trop ce que vient faire Raphaël en cet endroit : Voulait-il peindre une Vierge, ce beau génie, dit-il, cherchait dans les trésors de son imagination les traits les plus purs qu’il eût rencontrés, les épurait encore, y ajoutait sa grâce propre, qu’il puisait dans son âme, et créait l’une de ces têtes ravissantes qu’on n’oublie plus quand on les a vues.

1047. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Œuvres complètes de Saint-Amant. nouvelle édition, augmentée de pièces inédites, et précédée d’une notice par M. Ch.-L. Livet. 2 vol. » pp. 173-191

Sa description se termine par une vue de la mer rongeant la falaise, et tantôt courroucée, tantôt unie et réfléchissant le soleil, le tout avec ce mélange de naturel presque excessif et aussi de mythologie un peu grotesque : il y met une mascarade de tritons. […] c’est l’élément des bons esprits, il ne l’a pas suffisamment prouvé, et il a plutôt fait une solitude moitié naturelle, moitié de fantaisie, dans laquelle les objets ont tant soit peu dansé devant sa vue, et où si d’un côté il ôtait le masque à la nature, il lui en mettait un à l’autre joue.

1048. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « La marquise de Créqui — III » pp. 476-491

Seulement comme la société n’est plus étagée ainsi qu’elle l’était, cette bonne compagnie qui ne sera pas en vue dans quelque hôtel du faubourg Saint-Germain ou du faubourg Saint-Honoré, et qui n’aura point son cadre historique ne sera pas remarquée, ne sera pas citée et célèbre. […] Plus rien de libre ni de léger ; comme chez les fabuleux Phéaciens, ce qui l’instant d’auparavant était le navire ailé qui allait et venait sans cesse et volait aussi vite que la pensée, s’était tout d’un coup changé en un rocher fixe, en une écrasante montagne qui barrait la vue et couvrait la ville d’effroi.

1049. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « L’abbé de Marolles ou le curieux — I » pp. 107-125

Le défi avait eu lieu la veille ; la joute se fit dans la plus noble lice, en vue des deux armées et même des dames de Paris. […] Il est frappé avant tout de ce qui est singulier, et l’un des souvenirs les plus mémorables qu’il ait gardés du collège est celui du professeur de philosophie Crassot, à la chevelure et à la barbe incultes, vêtu comme un cynique : « Il avait, ajoute Marolles, une chose bien particulière et que je n’ai vue qu’en lui seul, qui était de plier et de redresser ses oreilles quand il voulait, sans y toucher. » De tout temps Marolles aimera à niaiser, à enregistrer tout ce qui s’offre, tout ce qui passe à sa portée, raretés ou balivernes, le philosophe Crassot ou la chanteuse des rues Margot la musette, — le baptême des six Topinamboux, ou une réception des chevaliers du Saint-Esprit.

1050. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Louis XIV et le duc de Bourgogne, par M. Michelet »

Ce qui est certain, c’est que lorsque Fénelon reçut entre les mains, pour l’élever, ce jeune prince âgé de sept ans, il en fut effrayé à première vue. […] Les Fables de Fénelon, sous leur forme enfantine ; lues dans l’esprit qui les a fait composer et vues en situation, deviennent fort intéressantes.

1051. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Les cinq derniers mois de la vie de Racine. (suite et fin.) »

Comme il est sourdaud et qu’il ne pouvait prendre plaisir, avec toute la nombreuse et belle assemblée, à écouter le répondant qui se fit admirer, il se dédommageait en parlant d’une chose qui lui tient fort au cœur : car ce silence lui paraît très-malhonnête et très-offensant, et s’il n’était aussi occupé qu’il l’est d’un déménagement (car il quitte le logis du cloître Notre-Dame où il était près le Puits, pour un autre qui a vue sur le jardin du Terrain), il aurait déjà produit quelque chose de vif : car il n’est pas aussi mort à lui-même sur pareil cas qu’on a sujet de croire que l’aurait été M.  […] Quand une fois je les ai vues et admirées dans leur pureté de dessin et dans leur contour, qu’ai-je tant à dire de Didon et d’Armide, de Bradamante ou de Clorinde, d’Angélique ou d’Herminie ?

1052. (1902) L’observation médicale chez les écrivains naturalistes « Chapitre II »

. — « Avril : Absorption complète, refus de parler, toute l’après-midi, son chapeau de paille lui barrant la vue, il reste assis en face d’un arbre, dans une immobilité tristement farouche. » 8 avril : « Peu à peu il se dépouille de l’affectuosité, il se déshumanise ; les autres commencent à ne plus compter pour lui et recommence en lui le féroce égoïsme de l’enfant. » 16 avril : « Ce qu’il y a d’affreux dans ces abominables maladies de l’intelligence, c’est qu’elles détruisent souterrainement et à la longue, chez l’être aimant qu’elles frappent, la sensibilité, la tendresse, l’attachement, c’est qu’elles suppriment le cœur… cette douce amitié qui était le gros lot de notre vie, de notre bonheur, je ne la trouve plus, je ne la rencontre plus… Non je ne me sens plus aimé par lui, et c’est le plus grand supplice que je puisse éprouver, et que tout ce que je puisse me dire n’adoucit en rien… ! […] Certes, la démence sénile du roi Lear, la manie aiguë à teinte érotique d’Ophélie, la mélancolie avec hallucinations de la vue de Lady Macbeth, ne pouvaient, en plein xvie  siècle, être l’objet d’aucun diagnostic exact.

1053. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre I. La littérature pendant la Révolution et l’Empire — Chapitre III. Madame de Staël »

Elle quitterait la vue de la baie de Naples et du Vésuve pour aller causer dans une chambre avec un ami. […] Une tendresse respectable pour son père a faussé sa vue des hommes et des choses : M. 

1054. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre XVI. Les derniers temps de la comédie italienne en France » pp. 311-338

Vous n’ignorez pas que plusieurs personnes ont entrepris d’amener à leurs dépens la rivière d’Ourq à Paris, dans la vue de vendre l’eau bien cher à ceux qui en ont besoin. […] Il est temps d’en venir aux conclusions que nous avons eues principalement en vue en traçant cet aperçu historique, et de préciser ce que cet art exotique, après avoir si longtemps habité et vécu parmi nous, a transmis et pour ainsi dire infusé à la comédie de Molière et par conséquent à notre comédie française.

1055. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. James Mill — Chapitre I : Sensations et idées. »

Il classe nos sensations sous huit titres : Odorat, ouïe, vue, goût, toucher, sensations de désorganisation dans quelque partie du corps, sensations musculaires, sensations du canal alimentaire. […] Mon idée de Périclès ou d’une personne existante que je n’ai jamais vue, correspond à un objet réel existant ou ayant été existant dans le monde de la sensation : cependant, comme mon idée est dérivée non de l’objet, mais des paroles d’une autre personne, mon idée n’est pas une copie de l’original, mais une copie de la copie d’un autre : c’est une idée d’idée.

1056. (1785) De la vie et des poëmes de Dante pp. 19-42

Observons encore ici qu’une spirale et des cercles sont une de ces idées simples, avec lesquelles on obtient aisément une éternité : l’imagination n’y perd jamais de vue les coupables et s’y effraye davantage de l’uniformité de chaque supplice : un local varié et des théâtres différents auraient été une invention moins heureuse. […] Les âmes à qui on négligeait de faire des sacrifices s’attachaient quelquefois à leurs parents ou à des personnes de leur connaissance, et celui qui était ainsi sucé par un mort dépérissait à vue d’œil.

1057. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Marie Stuart, par M. Mignet. (2 vol. in-8º. — Paulin, 1851.) » pp. 409-426

Dargaud parle d’un autre portrait où « un rayon de soleil éclaire, dit-il assez singulièrement, des boucles de cheveux vivants et électriques dans la lumière. » Mais Walter Scott, réputé le plus exact des romanciers historiques, nous peignant Marie Stuart prisonnière dans le château de Loch Leven, nous montre, comme s’il les avait vues, les tresses épaisses d’un brun foncé (dark brown) qui s’échappaient à un certain moment de dessous le bonnet de la reine. […] Les sept années que Marie Stuart passa en Écosse, depuis son retour de France (19 août 1561) jusqu’à son emprisonnement (18 mai 1568), sont remplies de toutes les erreurs et de toutes les fautes que peut commettre une jeune princesse légère, emportée, irréfléchie, et qui n’a d’adresse et d’habileté que dans le sens de sa passion, jamais en vue d’un dessein politique général.

1058. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Madame la duchesse d’Angoulême. » pp. 85-102

À cet âge, elle n’avait pas encore dans les traits du visage ces formes prononcées et un peu fortes sous lesquelles nous l’avons vue. […] C’est en songeant à ces scènes douloureuses du Temple que M. de Chateaubriand, qu’il ne faut pourtant pas confondre ici (comme on l’a fait trop souvent) avec Bossuet, a dit dans Atala, par la bouche du père Aubry : « L’habitant de la cabane et celui des palais, tout souffre, tout gémit ici-bas ; les reines ont été vues pleurant comme de simples femmes, et l’on s’est étonné de la quantité de larmes que contiennent les yeux des rois. » Un poète populaire, faisant allusion à cette phrase célèbre, mais continuant de mettre en opposition les classes, a dit : De l’œil des rois on a compté les larmes ; Les yeux du peuple en ont trop pour cela !

1059. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Le maréchal Marmont, duc de Raguse. — III. (Suite et fin.) » pp. 47-63

Cet épisode touchant et pieux de l’exil de Marmont achèverait de réfuter, d’effacer les inculpations de 1814, si, après les explications qu’on a vues, elles laissaient encore quelque impression dans les esprits. […] Il quitta Vienne le 22 avril 1834, et, dans un voyage de près de onze mois, il chercha les distractions sérieuses, un noble emploi de l’intelligence, et cette instruction que la vue des choses nouvelles et des hommes dissemblables ne cesse d’apporter jusqu’à la fin aux esprits restés jeunes et généreux.

1060. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre IV : La philosophie — I. La métaphysique spiritualiste au xixe  siècle — Chapitre I : Principe de la métaphysique spiritualiste »

Qui donc sait que dans cette entreprise commune à ces deux penseurs se rencontrait une vue neuve et profonde, qui, développée avec la patience du génie allemand, eût peut-être donné naissance à un mouvement philosophique aussi considérable dans l’histoire que l’a été le mouvement kanto-hégélien, si des circonstances favorables se fussent prêtées à un semblable développement ? […] C’est ce que l’intuition ne nous apprend pas, c’est ce qu’aucun témoignage humain ne peut nous révéler, c’est ce que nulle seconde vue ne peut pénétrer.

1061. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Préface de la seconde édition »

Sur les points mêmes où nous nous étions exprimé le plus explicitement, on nous prêta gratuitement des vues qui n’avaient rien de commun avec les nôtres, et l’on crut nous réfuter en les réfutant. […] Ce que nous nous proposions était, non d’anticiper par une vue philosophique les conclusions de la science, mais simplement d’indiquer à quels signes extérieurs il est possible de reconnaître les faits dont elle doit traiter, afin que le savant sache les apercevoir là où ils sont et ne les confonde pas avec d’autres.

1062. (1912) L’art de lire « Chapitre IV. Les pièces de théâtre »

Tout auteur qui écrit une pièce en vue d’une étoile, en vue de tel ou tel acteur ou de telle ou telle actrice, n’écrit point pour le lecteur, se résigne à n’être pas lu et condamne en vérité sa pièce comme œuvre d’art. […] Il faut donc, en lisant Sophocle et Euripide, celui-là surtout, restituer et tenir sous notre vue le groupement des personnages aménagés pour produire une émotion esthétique.

1063. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre II. Marche progressive de l’esprit humain » pp. 41-66

Notre courte vue ne doit point nous empêcher d’apercevoir un soin paternel de la Providence à choisir certains peuples pour diriger et mûrir les idées des autres. […] Les propriétés des êtres, les instincts des animaux, le spectacle de l’univers, tout est voile à soulever, tout est symbole à deviner, tout contient des vérités à entrevoir, car la claire vue n’est pas de ce monde.

1064. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre IX. Seconde partie. Nouvelles preuves que la société a été imposée à l’homme » pp. 243-267

Il a dit au chien : « Tu garderas les troupeaux de l’homme, tu veilleras autour de sa demeure, tu le suivras dans ses voyages, tu trahiras ton propre instinct pour te faire l’ennemi des autres animaux lorsque ton maître voudra prendre les plaisirs de la chasse ; et, s’il devient pauvre, misérable, privé de la vue, tu dirigeras ses pas sur les bords du précipice pour le lui faire éviter, ou parmi les flots d’une multitude insouciante pour qu’il reçoive le pain de l’aumône que tu partageras avec lui. » Croyez-vous que cet instinct des animaux marqués pour la domesticité ne prouve pas l’intention du Créateur qui leur donna cet instinct, et qui, ainsi, l’ajouta en quelque sorte aux organes mêmes de l’homme ? […] Nous nous arrêterons ensuite quelques instants sur les résultats et les conséquences des idées qu’un tel développement aura fait naître en nous ; mais ce sera toujours sans nous permettre aucun conseil de direction, ni aucune vue pour l’application de ces résultats et de ces conséquences.

1065. (1919) L’énergie spirituelle. Essais et conférences « Chapitre VII. Le cerveau et la pensée : une illusion philosophique »

De ces idées les unes ont été engendrées par la thèse du parallélisme elle-même ; d’autres au contraire, antérieures à elle, ont poussé à l’union illégitime d’où nous l’avons vue naître ; d’autres enfin, sans relations de famille avec elle, ont pris modèle sur elle à force de vivre à ses côtés. […] Mais l’idée que le monde entier, y compris les êtres vivants, relève de la mathématique pure, n’est qu’une vue a priori de l’esprit, qui remonte aux cartésiens.

1066. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre VIII : M. Cousin érudit et philologue »

Fouiller des bibliothèques, déchiffrer d’horribles manuscrits, restaurer les textes mutilés, choisir entre les leçons, discuter l’authenticité du document, conjecturer son âge, chanceler partout sur le sol mouvant des probabilités, se plonger dans la foule querelleuse des commentateurs, user sa vue et sa pensée sur les sottises innombrables et sur les platitudes incroyables dont la populace littéraire et philosophique obstrue les œuvres des grands hommes, c’est là une étude si minutieuse, si stérile en conclusions générales et en vérités certaines, qu’il fallait pour l’entreprendre les instincts et les habitudes d’un érudit. […] Cette angélique figure resta gravée dans sa mémoire, dans son cœur peut-être, et le souvenir de la charmante et touchante princesse, épuré par la vue de sa piété parfaite et de sa pénitence héroïque, lui servit plus tard, lorsque du haut de la chaire il peignait la beauté et la pureté des anges, et emportait avec lui ses auditeurs attendris dans le ciel.

1067. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XXII. »

Visions de gloire, épargnez ma vue souffrante ! […] Un critique célèbre avait jugé plus heureux le premier plan que l’auteur s’était proposé, et qu’il résumait ainsi dans une courte note : « L’armée d’Édouard Ier, comme elle cheminait dans le creux d’une profonde vallée, est tout à coup arrêtée à la vue d’une majestueuse figure apparaissant au haut d’une montagne inaccessible, reprochant au roi, d’une voix plus qu’humaine, les misères et la désolation qu’il a apportées sur cette terre, lui prédisant les malheurs de la race normande, et, par inspiration prophétique, annonçant que toute sa cruauté n’éteindra jamais l’ardeur du génie poétique dans cette île, et qu’il ne manquera pas d’hommes pour célébrer la vraie vertu et la valeur par des accents immortels, flétrir le vice et l’infâme volupté, et censurer hardiment l’oppression.

1068. (1903) Le problème de l’avenir latin

Vérité des vérités qu’il ne faut pas un seul instant perdre de vue lorsqu’on envisage le problème latin, tellement embrumé de contradictions, et qui aide à déchiffrer cette énigme qu’est à première vue leur histoire, comme leur psychologie.‌ […] Jamais on ne perdrait de vue le vivant et le concret. […] Cette loi peut sembler à première vue brutale et injuste. […] Il semble bien, du moins à première vue, que de ces deux méthodes la première soit la seule juste et normale. […] Laissons là nos petits jugements de petits hommes à courte vue, notre ridicule égoïsme.

1069. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « PAUL HUET, Diorama Montesquieu. » pp. 243-248

1830 Ce Diorama, dont il a été déjà parlé ici86, renferme la vue d’une rue de Rouen, par M.

1070. (1874) Premiers lundis. Tome II « Li Romans de Berte aus Grans piés »

Si l’on n’y remarque aucune vue d’ensemble bien nouvelle sur nos épopées, s’il se hâte trop, selon nous, de rejeter dans un horizon fabuleux ce qu’on pourrait appeler les grosses questions à ce sujet, on y trouve en revanche beaucoup de détails piquants, des rapprochements d’une scrupuleuse exactitude, le tout exprimé en ce style élégant et légèrement épigrammatique dont M. 

1071. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Le théâtre annamite »

Mais il y a, chez ces hommes jaunes, quelque chose qui serait risible si leur vue ne serrait le cœur et n’emplissait les yeux d’épouvante.

1072. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « En guise de préface »

Ou bien, quand l’œuvre est d’importance et qu’on veut « élever ses vues », on s’efforce de la situer historiquement dans une série de productions écrites ; ou bien, on recherche quel moment elle marque dans le développement, la dégénérescence ou la transformation d’un genre  les genres littéraires étant considérés comme un je ne sais quoi de vivant et d’organique, qui existerait indépendamment des œuvres particulières et des cerveaux où elles ont été conçues… Cette critique-là, qui n’est qu’une idéologie, exclut presque entièrement la volupté qui naît du contact plein, naïf, et comme abandonné, avec l’œuvre d’art.

1073. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre III. Des moyens de trouver la formule générale d’une époque » pp. 121-124

On a le droit toutefois d’être effrayé en songeant à la masse de connaissances qu’il faudrait réunir pour rétablir tous les liens de la littérature avec l’ensemble dont elle dépend ; on a le droit aussi d’être inquiet et de se demander si, en voulant la replacer au milieu de tout ce qui l’environne, on ne risque pas de l’étouffer, de la perdre de vue, de sacrifier le principal à l’accessoire.

1074. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — S. — article » pp. 196-203

« Il y a un point dans la décadence des Etats, où leur ruine seroit inévitable, si on connoissoit la facilité qu'il y a de les détruire ; mais pour n'avoir pas la vue assez nette, ou le courage assez grand, on se contente, du moins quand on le peut, tournant en prudence ou la petitesse de son esprit, ou le peu de grandeur ».

1075. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre cinquième. Principales idées-forces, leur genèse et leur influence — Introduction »

Dans la partie supérieure appelée la tête, et qui, vue du dehors, semblait un objet comme tous les autres, circonscrit dans l’espace, pesant, etc., je trouvai quoi ?

1076. (1913) Le bovarysme « Quatrième partie : Le Réel — II »

La tendance à accomplir des actes avec perfection, en vue seulement de leur utilité et sans aucun souci de leur valeur représentative, a pour conséquence un automatisme dès qu’elle est réalisée.

1077. (1889) L’art au point de vue sociologique « Préface de l’auteur »

Le dix-neuvième siècle n’a pas seulement élargi la science, il l’a considérablement approfondie, il l’a fait passer du dehors au dedans ; la physiologie s’est perfectionnée assez pour toucher à la psychologie, et, à mesure que la science du système nerveux est allée grandissant, on a mieux compris combien étaient insuffisantes les vues du matérialisme brut et égoïste.

1078. (1886) Quelques écrivains français. Flaubert, Zola, Hugo, Goncourt, Huysmans, etc. « La course à la mort » pp. 214-219

Il oscille et hésite ; il est des heures où les dernières ondes de son sang, les regards profonds de celle qui passe dans sa vie, lui font pressentir l’éclosion d’une forte et douloureuse passion ; puis ce qui tressaille en lui s’apaise, il se dissèque, il analyse en lui les derniers frémissements de son âme et la voit se calmer sous son introspection ; puis des paroles ordinaires de Cécile N…, un geste disgracieux le repoussent et, se souvenant de l’ancienne théorie de Schopenhauer sur l’amour, il pénètre à cette vue profonde et clairement conçue que c’est l’hostilité et non l’attrait qui règne entre les sexes.

1079. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Jean-Baptiste Guarini, et Jason de Nores. » pp. 130-138

Ses amis disoient que, s’il l’eût vue, il en seroit mort de chagrin.

1080. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre quatrième. Du Merveilleux, ou de la Poésie dans ses rapports avec les êtres surnaturels. — Chapitre XI. Suite des machines poétiques. — Songe d’Énée. Songe d’Athalie. »

le sang de toutes parts Souilloit sa barbe épaisse et ses cheveux épars, Et son sein étaloit à ma vue attendrie Tous les coups qu’il reçut autour de sa patrie.

1081. (1913) Essai sur la littérature merveilleuse des noirs ; suivi de Contes indigènes de l’Ouest-Africain français « Contes — IV. Les ailes dérobées »

A la vue de l’intrus, les jeunes yébem qui étaient en train de jouer et s’étaient débarrassés de leurs ailes pour se mettre à l’aise, s’effrayèrent et sautèrent dans un grand trou qui s’ouvrait au milieu de l’aire de la case.

1082. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Bathild Bouniol »

L’image, qui presque partout (et même en philosophie) a culbuté l’idée, l’image, dans ce poète dépaysé, n’a ni la puissance ni l’imprévu qui nous enlèvent ; on la connaît, on l’a déjà vue… Enfin, ce rhythme dont nous parlions tout à l’heure, et qui est d’un travail si agencé et si merveilleux sous la plume de Gramont, cette guirlande flexible et forte que tout poète moderne semble tenu d’enlacer et de sertir autour de sa pensée, tant les travaux sur le rhythme et la langue du mètre ont été multipliés en ces derniers temps, Bouniol, s’il ne le dédaigne, semble l’oublier ; et c’est ainsi qu’il se présente tout d’abord, modeste et hardi, dans son livre, dénué des trois forces de la poésie telle que l’Imagination l’aime et la veut au xixe  siècle.

1083. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Gabriel Ferry »

Dans le Coureur des Bois, l’Amérique a été exploitée par un homme qui l’a vue réellement, et qui l’a prise pour théâtre de ses inventions aventureuses.

1084. (1900) Taine et Renan. Pages perdues recueillies et commentées par Victor Giraud « Taine — III »

… »‌ Voilà le questionnaire que dresse Sainte-Beuve, et ne reconnaissez-vous pas là précisément le dessin des interviews qu’on fait subir à nos « hommes en vue » ?

1085. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre VI. Des éloges des athlètes, et de quelques autres genres d’éloges chez les Grecs. »

Sans doute à Sparte, la vue du tombeau de Léonidas, et cette fête consacrée à un héros, devait exciter le même enthousiasme chez l’orateur.

1086. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre I. La Renaissance païenne. » pp. 239-403

En effet, comme Pétrarque le plus ancien des humanistes et le premier des écrivains parfaits, c’est un style nouveau que Surrey apporte, le style viril, indice d’une grande transformation de l’esprit ; car cette façon d’écrire est l’effet d’une réflexion supérieure, qui, dominant l’impulsion primitive, calcule et choisit en vue d’un but. […] Chaque récit est ménagé en vue d’un autre, et tous en vue d’un certain effet qui s’accomplit ; c’est pour cela que de ce concert une beauté se dégage, celle qui est dans le cœur du poëte, et que toute son œuvre a travaillé à rendre sensible ; beauté noble et pourtant riante, composée d’élévation morale et de séductions sensibles, anglaise par le sentiment, italienne par les dehors, chevaleresque par sa matière, moderne par sa perfection, et qui manifeste un moment unique et admirable, l’apparition du paganisme dans une race chrétienne et le culte de la forme dans une imagination du Nord. […] La belle prose, telle qu’on l’a vue à la cour de Louis XIV, chez Pollion, dans les gymnases d’Athènes, telle que les peuples rhétoriciens et sociables savent la faire, manque tout à fait. […] À la vue du sang ou du lait qui caille, il cherche s’il n’y a point là quelque chose d’analogue à la formation de l’oiseau dans l’œuf, ou à cette coagulation du chaos qui a enfanté notre monde. […] Au-delà de cette grande vue, il n’a rien trouvé.

1087. (1889) Ægri somnia : pensées et caractères

Pareille chose ne s’est vue qu’au théâtre de l’Opéra, il y a cinquante ans, à ces représentations mémorables d’Athalie, où Talma jouait le rôle du grand prêtre. […] Mais l’esprit ne se connaît pas comme le cœur, d’une seule et même vue. […] De Vigny l’a vue noire ; moi, je crois l’avoir vue brune, comme la portent les gens qui ne tiennent pas plus à montrer qu’à dissimuler leur calvitie. […] Ils y retournèrent, et après quelques minutes, revenant vers lui : — C’est vous qui avez raison, dirent-ils, les choses sont telles que vous les avez vues. […] Un nuage de fumée les dérobe de nouveau à la vue l’un de l’autre ; les cigares fumés, ils s’endorment, pour ne se réveiller qu’au buffet.

1088. (1911) Psychologie de l’invention (2e éd.) pp. 1-184

Un autre coffre, celui qui accompagnait Rodrigue de Bivar dans ses expéditions… fournit au compositeur la première vue qu’il eut de son Cid. […] Ils s’opposent assez nettement, cela est visible à première vue, mais cette opposition repose sur des ressemblances qu’il n’est pas inutile de constater. […] Des éléments de description, des physionomies, des scènes vues sont hâtivement enregistrées en quelques mots, qui, plus tard, serviront à éclairer les souvenirs. […] Comment pourrais-je le devenir, quand cinq minutes auparavant j’aurai été atroce, quand on m’aura vue froidement, perfidement, lâchement meurtrière ? […] L’œuvre reçoit ainsi, pendant son développement, le contrecoup des modifications des sentiments, des vues, des impressions de l’auteur, des conseils qu’on lui donne, etc.

1089. (1891) Essais sur l’histoire de la littérature française pp. -384

C’est pourquoi, après cette vue d’ensemble, nous voudrions parcourir plus à loisir l’ouvrage de M.  […] Mais quelle vue juste du train de la vie ! […] « Elle ne pouvait détacher sa vue de ce tapis où il avait marché, de ces meubles vides où il s’était assis. […] Mais tout cela ensemble sert à la confirmation de ses vues sur la nature humaine. […] Les étonnements se succèdent à vue d’œil ; c’est une lanterne magique splendide.

1090. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Mademoiselle Aïssé »

Cette éducation dangereuse ne la séduisit cependant pas au point de la faire céder aux vues de M. de Ferriol, qui, peu généreux, exigeait d’elle trop de reconnaissance, et d’un grand prince qui voulait en faire sa maîtresse ; mais elle la disposa à la tendresse, et le chevalier d’Aydie en profita71. » Le récit de M.  […] madame, je vous ai vue malheureusement beaucoup trop tard. […] Cupide, rapace, intrigante, elle détestait en Mlle Aïssé un témoin modeste et silencieux ; la vue seule de cette créature d’élite, et douée d’un sens moral droit, lui était comme un reproche ; elle cherchait à se venger par des affronts, elle lui faisait fermer sa porte ; chez sa sœur, elle prenait ses précautions pour ne la point rencontrer. […] Sans partager les vues religieuses de son amie, et pensant au fond comme son siècle, il consentait à tout, il se résignait d’avance à tous les termes où l’on jugerait bon de le réduire, pourvu qu’il gardât sa place dans le cœur de sa chère Sylvie , c’est ainsi qu’il la nommait. […] Dans toute autre famille elle eût passé pour fort jolie, et je l’ai vue encore charmante.

1091. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Discours prononcé à la société des visiteurs des pauvres. » pp. 230-304

Très bien vue aussi, la rencontre de la race d’outre-mer avec la nôtre, et les surprises et malentendus qui en résultent. […] Il lui reproche, notamment, de ne pas savoir monter à cheval, de ne pas avoir assez l’air d’une duchesse, et de le tutoyer devant les étrangers ; et l’on s’étonne que l’intelligente « largeur de vues » et, si je puis dire, l’antisnobisme de ce gentilhomme philosophe aient si peu survécu à son mariage. […] Ce qui, dans Paméla, tient la plus grande place, ce n’est pas Louis XVII et son martyre (et j’avoue que ce spectacle, trop prolongé, de souffrances surtout physiques eût été vite intolérable), et ce ne sont pas non plus les personnes et les sentiments des conjurés : c’est la conspiration elle-même, vue par l’extérieur. […] Mais ces victimes lui demeuraient lointaines et inconnues, il ne les a pas vues souffrir ; et il est possible que notre responsabilité ne soit pas seulement en raison du mal que nous avons fait, mais en raison aussi de la malice réfléchie et de la dureté que nous avons déployées pour le faire. […] Il y a la scène où la grande comédienne est gamine et fait rire ; la scène où elle se déshabille, largement ; la scène où, les yeux chavirés, elle s’abandonne à des étreintes furibondes et colle sa bouche sur celle de son amant ; la scène attendrissante et généreuse où elle nous découvre la délicatesse de son cœur ; la scène de jalousie et la scène de rupture, où, parmi les sanglots et les hoquets, elle crie (du nez) sa souffrance, sa rage, son désespoir et, par surcroît, son mépris de l’humanité ; la scène philosophique où elle se révèle femme supérieure et experte aux ironies désenchantées… Et enfin il y a la scène non prévue, celle où elle fait ce qu’on ne l’avait pas encore vue faire.

1092. (1925) La fin de l’art

On donnait des vues de la nature, des grandes industries, des mœurs lointaines. […] Parmi toutes ces histoires turpides, on avait glissé tout de même la vue d’un paysage de Normandie, mais les feuilles des arbres remuaient tellement vite que c’en était absurde. […] Car cela semble bien dans cette vue qu’elle gave la jeunesse et il semble bien aussi que cette vue ne soit plus absolument compatible avec le parti que cette jeunesse entend tirer de la vie. […] On arrivera sans doute à des concordances précises du cinéma et du phonographe qui donneront des représentations parfaites pour l’ouïe comme pour la vue, mais peut-être que cela ne sera plus de l’art.

1093. (1884) Cours de philosophie fait au Lycée de Sens en 1883-1884

« Quand c’est à l’œil que j’ai mal ou à l’oreille, ce n’est pas de la vue ou par la vue, ce n’est pas de l’ouïe ou par l’ouïe que je souffre. […] Il peut remplacer la vue, l’ouïe parfois. […] Reste la vue. […] Il est démontré que la vue ne donne pas cette idée. […] Arts qui s’adressent à la vue : Architecture.

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