Ce n’est pas nous qui refusons d’honorer les vieillards, et d’amnistier le présent au nom du passé. […] Où se passe l’action de cette tragédie singulière ? […] Il lui donne la main pour passer dans la salle de bal. […] Il passe les nuits dans l’étude et le jour dans les imprécations. […] dans quel monde, dans quelle planète lointaine, ces choses se passent-elles ?
Son père, qui y remplissait les fonctions de procureur du roi, passa peu après en cette même qualité au tribunal d’Abbeville, où il s’est vu depuis fixé comme juge. […] Il suivait ses classes au collége d’Abbeville ; il passait une partie des étés à la campagne de Blangermont près Saint-Pol, et, durant cette adolescence si peu assujettie, il apprenait beaucoup, il apprenait surtout de lui-même. […] Il y aurait profit à se le rappeler toutefois ; penser beaucoup et sérieusement au passé en telle matière et le bien comprendre, c’est véritablement penser à l’avenir : ces deux termes se lient étroitement et correspondent entre eux comme deux phares. […] Notre ami avait toujours ce grand passé littéraire devant les yeux ; il aimait ces choses désintéressées en elles-mêmes et s’y absorbait avec oubli. […] C’est dans cette position que Charles Labitte a passé les deux ou trois dernières années.
En deux mots, nous lui racontâmes la scène qui venait de se passer. […] CXVII — Quelle nuit nous passâmes ! […] Dieu préserve mon pire ennemi d’une nuit comme celle que nous passâmes entre ces deux désastres de la cabane ! […] tu me passeras donc sur le corps ! […] C’était l’heure de midi : personne ne passait en ce moment sur la route, à cause du grand soleil et de la grande poussière.
En ce temps-ci, les ministères me semblent avoir quelque chose des grands appartements d’hôtel garni, où l’on sent que les gens passent et ne demeurent pas. […] L’homme mâchonne un bout de cigare éteint, a sur le dos un paletot à collet et à larges revers de fausse loutre ; et la main passée dans la chaînette cordée de son parapluie, il marche, en s’appuyant dessus, comme sur une canne plombée. […] Et dans la seconde, il était tombé sur un avoué de la localité, en chemise et en lunettes bleues, qui, ainsi surpris, avait passé tout le temps de la perquisition, assis sur une chaise, le nez dans le mur d’un angle de la pièce. […] Puis il passait à une autre, détachant un nouvel éclat… Et arrivé à la maison, il se mettait à casser frénétiquement tout le pain de sucre, pour qu’on ne s’aperçût pas du déchet. […] Une demi-heure s’est passée, sans que personne apparût.
Avoir jeté ensemble en face d’une sublime nature le cri de l’enthousiasme, c’est se connaître et s’aimer comme si on avait passé la vie à s’étudier. […] … Ne pouvons-nous jamais rien reprendre au passé ? […] Il n’y a pas d’édition de leur esprit qui vaille une soirée passée au coin de leur feu. […] Elle vint passer une fin d’été dans ma solitude au milieu des bruyères de Saint-Point. […] Elle fut fière de se passer de la fortune en se suffisant par son travail.
Vous voyez d’ici la série de lâchetés et de malpropretés par lesquelles va passer ce monsieur jusqu’à la fin du roman. […] Qu’on me passe le mot ! […] Mais enfin elle avait passé, en déchirant, il est vrai, quelque peu de sa renommée. […] Il n’a pas plus d’initiative que le pauvre moine qui passait sa vie à illustrer des manuscrits à la marge, mais il n’a ni la foi ni la naïveté du pauvre moine, qui passaient dans toutes ses peintures et en attendrissaient les couleurs. […] ce ne sera bientôt plus qu’une vessie qui voudra encore se faire passer pour une lanterne, mais qui ne le pourra plus.
Cette mémoire visuelle s’était développée à tel point qu’après quelques instants passés devant une bibliothèque l’enfant retenait un assez grand nombre de titres, avec la place exacte des volumes correspondants. […] L’étude expérimentale de la lecture et de l’audition des mots nous montre que les choses se passent d’une tout autre manière. […] Or, il est facile de voir que les choses se passent de même dans tout effort pour apprendre et pour comprendre, c’est-à-dire, en somme, dans tout effort intellectuel. […] Tout se passe comme si l’on tendait une rondelle de caoutchouc dans divers sens en même temps pour l’amener à prendre la forme géométrique de tel ou tel polygone. […] Une intelligence qui n’opérerait que sur des images de ce genre ne pourrait que, recommencer son passé tel quel, ou en prendre les éléments figés pour les recomposer dans un autre ordre, par un travail de mosaïque.
La conscience de l’émotion s’élabore au moment où l’émotion y passe, mais elle ne fait que passer en laissant son image, et elle descend dans les reins. […] Cela se passait sous leurs pieds, comme dans les galeries d’une fourmilière. […] Toutes ces querelles passaient au-dessus de sa tête. […] Sans doute, ils auraient pu, non le passer sous silence, mais l’abréger encore ou le restreindre à des généralités. […] Elle a le droit d’en exiger le prix, si tel est le contrat verbal ou tacite passé entre les parties.
Quand la tranquillité s’est trouvée rétablie, chacun, dans son chagrin, a cherché la cause des maux passés. […] Il n’y avait pas, comme on l’a vu depuis, une barrière insurmontable entre le passé et l’avenir. […] Nous nous consolons en imaginant que le passé n’a été ni plus heureux, ni plus digne de l’être. […] On examina les phénomènes moraux, parce qu’ils sont évidemment les seuls éléments de la science, et parce que tout ce qui se passe au-dehors ne nous est connu que par la conscience de ce qui se passe en nous. […] De tels changements passent la portée des déterminations humaines ; il faut que la destinée y mette la main.
Deux siècles ont passé. […] au nom de ma vie passée, qui n’est point belle. […] Si elle était sûre qu’il va se tuer en effet, elle ne passerait pas. […] » et le tirent par les basques, et lui passent entre les jambes. […] Mirelet passe le premier dans la salle à manger.
Mais je passe, et ferai simplement observer à M. […] Or, le drame ne se passe pas. […] Une partie de son talent vient de ses solides attaches avec le passé. […] Mais je ne pense point que, en son désir de se retremper au passé, ses désirs d’Antée se bornent à la Grèce. […] Il a été un idéaliste, sans bric-à-brac de passé, sans étude traînante vers des textes trop connus.
Sauvé presque par miracle, très faible, sans ressources, il réussit à passer en Angleterre. […] Lamartine pouvait passer chef d’école en un jour. […] Viens du paisible seuil de la maison roulante Voir ceux qui sont passés et ceux qui passeront. […] Des chevaux passent dans la ruelle. […] Il a passé auprès d’une bergère gardant ses chèvres.
Il voit des choses miraculeuses et n’en est pas étonné ; devant lui passent des êtres singuliers, des êtres que tout le monde coudoie sans le savoir, visibles pour lui seul. […] C’est une lecture vraiment agréable et on passe de douces heures parmi ces femmes, ces lys, ces gemmes, ces roses d’automne. […] La belle dame passa, mais sans s’émouvoir de l’imprécation finale, qu’elle attribua sans doute à un excès d’amour ; elle passa rendant au poète sourire pour sourire. […] Ces arbres m’adopteront peu à peu, et pour le mériter, j’apprends ce qu’il faut savoir : « Je sais déjà regarder les nuages qui passent. […] Passe un pensionnat, ô pauvres chairs !
Mais si l’homme en a souffert jusqu’au bout, cette souffrance ne passe pas dans son art, — ni en lassitude ni en application. […] Il apportait les soins les plus exquis aux enduits qu’il faisait passer sur les murs de simple pierre. […] Jane emporte sa guitare, et si le passé et l’avenir pouvaient être oblitérés, le présent m’emplirait d’un tel contentement que je serais tenté de m’écrier comme Faust au moment qui passe : demeure, ô toi qui es si beau ». […] À quoi Jane répond : « Pourquoi parlez-vous de ne plus jamais goûter des moments comme ceux du passé ? […] C’est seulement une fois tout danger passé qu’on a cyniquement jeté les masques.
Il attendra la gloire et se passera de la vogue. […] Ne se rendrait-il pas coupable d’ingratitude en rappelant le passé qu’il n’a pu prévenir ? […] Il espère que les paroles du prêtre effaceront de sa mémoire jusqu’aux dernières traces du passé. […] L’étude du passé est aujourd’hui généralement honorée, et l’érudition attribuée à M. […] Cette erreur, quoique certaine, a passé presque inaperçue ; faut-il nous en étonner ?
La question qui se présente aujourd’hui au philosophe est de savoir si l’on peut suivre une marche rétrograde, passer d’un régime absolu à celui de la liberté, de la hiérarchie des rangs à l’égalité toujours combattue par la richesse, qui n’aspire pas moins aux distinctions qu’aux jouissances. […] Il n’a pas été étonné de voir les Français dès le premier jour aller au-delà du but et, selon l’expression anglaise, passer à travers la liberté. […] Le passé, attesté par des ruines majestueuses, lui paraît plus grand, et préférable au temps où il vit : « Quel bonheur, dit Aladin, j’aurais eu de vivre dans un siècle aussi éclairé ! […] On ne connaît bien, Aladin, que les chemins par lesquels on a passé. » — « Mais n’est-il pas quelque maxime générale qui puisse faire éviter de tomber dans l’erreur, si elle ne suffit pas pour démêler la vérité ? […] Les Mémoires de Mme Du Hausset, femme de chambre de Mme de Pompadour, ont été conservés par M. de Meilhan, qui empêcha un jour M. de Marigny de les jeter au feu et qui les emporta ; ils passèrent de ses mains entre celles de M.
Ce grand xvie siècle, si fécond en idées et en hommes, était menacé à son issue d’être comme étranglé, de perdre tout honneur et toute grandeur, et de passer sous les fourches caudines de Philippe II. […] La menue noblesse, quand elle était mandée, venait bien en armes et avec grand état pour une quinzaine de jours ; mais, le terme passé, rien ne les pouvait retenir, pas même les brevets de pension qu’exigeait en partant un chacun pour son salaire. […] Poirson, dans laquelle il a fait passer la substance des édits et règlements soigneusement dépouillés, est très neuve et du plus sérieux intérêt. […] On croirait lire une idylle ; il en faut rabattre sans doute ce qui est de l’exagération propre à chacun quand on se met à revoir flotter à l’horizon du passé cet âge d’or des jeunes saisons : il en restera toujours un sentiment bien vrai et d’une couleur non feinte. […] Voyons les choses de l’histoire telles qu’elles se sont passées, et tirons-en les conséquences les meilleures.
Je comparerai ce qui se passa ici dans l’architecture à ce qui s’est vu, à ce qui s’est opéré et accompli dans la langue elle-même. […] En même temps que l’architecture est en train de s’épanouir et même, comme il arrive après tout triomphe, de passer outre en exagérant ses moyens, la poésie aussi, de rude qu’elle était d’abord, va se polir, se raffiner et se broder à l’excès en des romans de la Table ronde et autres pareils, où la chevalerie et la galanterie se donnent carrière. […] pourquoi pense-t-il de la plupart des architectes modernes les mieux établis et les plus favorisés que ce sont gens qui, pleins des formes du passé, — d’un passé lointain, — et obéissant à une idée préconçue, procèdent dans leur œuvre du dehors au dedans, font d’abord une boîte pour les yeux, un couvercle de grande apparence selon les règles dites du beau, et qui ne songent qu’ensuite et secondairement à ce qui sera à l’intérieur, à ce qui doit s’y loger, y agir, s’y mouvoir et s’en accommoder ? […] Les Romains, passe encore ! […] Viollet, c’est d’abord qu’on ne prenne pas l’antique pour le transporter, tel quel, chez nous, sans motif, sans égard à tout ce qui diffère profondément entre des sociétés si dissemblables ; et de notre passé à nous, de notre ancienne architecture nationale, il veut qu’on n’en prenne que ce qui s’applique à nos mœurs actuelles, à notre objet, aux matériaux dont nous nous servons, et surtout qu’on s’inspire du bon sens extraordinaire dont ces vieux architectes du XIIIe siècle ont fait preuve.
À son retour d’Italie et dans les premiers temps de sa réinstallation à Paris, Mme Valmore revit ses chères Flandres ; elle traversa Douai, où elle embrassa tristement son frère, où le passé et le présent ravivèrent ses douleurs, et elle alla à Bruxelles, où M. […] Par exemple, Mme Duchambge se reportait toujours en idée à ses jeunes rêves, et ne pouvait s’empêcher de se revoir telle qu’elle avait été autrefois ; à quoi Mme Valmore répondait : « (Le 9 janvier au soir, 1857)… Pourquoi t’étonnes-tu de retourner si jeune dans le passé ? […] Mme Duchambge aimait la lecture ; elle aimait à être au courant des choses de l’esprit, et même à s’instruire dans le passé. […] Il n’a du moins jamais passé pour fat, et franchement il est trop grand pour cela. […] « Ce directeur comme divin a été jusqu’à me dire : « La chose est impossible, madame, et pourtant je vois qu’il le faut, et puisqu’il y va de votre tranquillité, nous passerons par-dessus ce que je ne peux vous détailler ; et pour que vous soyez heureuse, nous en ferons un homme heureux !
Ce que c’était qu’être classique au sens où l’avait conçu Du Bellay, et comme on l’a été en France jusqu’au temps de notre jeunesse, nous le savons tous, nous qui y avons passé et qui en avons été témoins ; mais nos neveux, je le crains, ne le sauront plus bien et auront peine à se le figurer dans la juste mesure. […] Vous qui lisez en leur langue Homère et Démosthène, Cicéron et Virgile, essayez un peu, passez de l’original à la traduction, et vous verrez ! « Il vous semblera passer de l’ardente montagne d’Œtne sur le froid sommet du Caucase. » Et cela est vrai également des modernes. […] Cette vogue a passé. […] C’est bien ainsi que l’épopée vraiment nôtre aurait pu raisonnablement se tenter, et non par un fabuleux Francus, pur roman d’aventure, passé à la glace de l’imitation et de la contrefaçon classique.
Scribe passe dans le quartier, je le prie de monter à l’étude, où il y a de la besogne pressée. » Ses premières bluettes, faites la plupart de compagnie avec M. […] Auber, qu’il reprit possession de cette aimable scène si française, qui semble désormais ne pouvoir se passer d’aucun d’eux. […] Il passa le traité par lequel il s’acquit cette collaboration pour plusieurs années à l’exclusion des autres théâtres rivaux. […] Mais voilà que je parle de ces impressions comme du présent, et c’est déjà du passé : le monde pour qui peignait M. […] Or, s’il y était entré dès 1820, si les dix années qu’il a passées ailleurs et qu’il n’a certes pas perdues, il les eût là employées en tentatives multipliées, en perfectionnements plus larges, que serait-il arrivé ?
Les principaux et les plus fins de la littérature moderne y ont passé ; très-peu d’essentiels y manquent encore, et nous n’allons bientôt plus avoir qu’à nous tenir au courant des nouveaux-venus et des chefs-d’œuvre quotidiens qui pourront surgir : nous aurons épuisé tout ce passé d’hier auquel nous nous sommes montré si attentif et si fidèle. […] Mais, si l’on voulait être juste pour tous et en toucher un mot seulement, on passerait sa vie à déguster des primevères et des roses. […] Les discours imprimés de M. de Serre ont passé par ses mains. […] Du temps de Voltaire et de La Harpe, le comte de Schouwaloff était passé maître sur la double colline d’alors, et avait ses brevets signés et datés de Ferney et autres lieux. […] Le style, le style, ne l’oublions pas, c’est ce qu’il faut même dans l’élégie, sans quoi elle passe aussi vite que l’objet qu’elle a chanté.
Comme un homme qui a beaucoup vu de livres et qui sait mieux que personne à combien peu tiennent en ce genre les destinées, et quelle infiniment petite différence il y a bien souvent entre un livre qui vit, dit-on, et tel autre livre qui passe pour mort, M. […] La pureté du goût antique passa dans sa manière et produisit, en se mêlant à son cynisme de caserne et à ses mœurs quelque peu hussardes, un contraste des plus singuliers et des plus piquants. […] Tandis que les poëtes et les écrivains qui se croient créateurs passent très-vite et meurent tout entiers, s’ils ne sont excellents, le critique accrédité et fidèle vit, c’est-à-dire (oh ! […] Lors même que le feu des premières illusions est passé, lorsqu’on n’épouse plus ardemment une cause et qu’il n’y a plus de cause, la jouissance de la curiosité et de l’expression critique reste tout entière. […] Malgré tout, je l’avouerai, j’en veux un peu à nos auteurs dramatiques de la moderne école ; ils ont poussé en avant les critiques et ne les ont pas suivis ; ils se sont comportés comme les chefs d’une armée feraient avec le corps du génie, en lui disant : « Nous voulons passer là, il nous faut une route. » Les critiques se sont mis à l’œuvre hardiment, sous le feu ; il fallait passer jusqu’au travers de l’ancien théâtre, qui barrait et offusquait.
La littérature passe au second plan. […] Cette comédie se passait à huis clos ; mais en voici d’autres qui réjouirent dès ce temps-là le public. […] Tout ce qui pensait ou se piquait de penser, passait à Ferney : c’est la même bigarrure de nations et d’états que dans la correspondance. […] Ce lui fut une cuisante blessure d’amour-propre, quand le comte de Falkenstein (Joseph II) passa près de chez lui sans daigner s’arrêter. […] Il n’avait pas le sens de l’histoire, le don de vivre dans le passé et d’être en sympathie avec les générations lointaines.
Anatole France a surtout aimé les belles pécheresses du premier et du second siècle de l’empire romain, celles qui, épuisées de voluptés, l’âme en quête d’inconnu, demandaient à l’Orient des dieux tristes à aimer, des cultes caressants et tragiques : Les femmes ont senti passer dans leurs poitrines Le mol embrasement d’un souffle oriental. […] Ce sont bien les discours d’un Nestor qui, au lieu de trois pauvres petites générations, en aurait vu passer cent vingt. […] C’est l’ineffable Télémaque, ancien général nègre, devenu marchand de vin à Courbevoie et qui a de si amusantes extases devant la défroque de sa gloire passée. […] Tout passe puisque vous avez passé ; mais la vie est immortelle : c’est elle qu’il faut aimer dans ses figures sans cesse renouvelées. […] c’est peut-être là la suprême sagesse : voir le monde et s’en émerveiller comme les tout petits, mais ne revenir à cet émerveillement qu’après avoir passé par toutes les sagesses et les philosophies ; concevoir le monde comme un tissu de phénomènes inexplicables, à la façon des enfants, mais par de longs détours et pour des raisons que les enfants ne connaissent pas.
La récompense temporelle passait ainsi, dans ces âges de foi, pour quelque chose de grossier ; elle était considérée comme une diminution des titres supérieurs qu’on acquiert par la pratique du bien. […] Parmi les quarante ou cinquante vies vertueuses dont les actes authentiques ont passé sous nos yeux, il n’y en a pas une qui, à n’envisager que les rémunérations mondaines, n’eût gagné à suivre une autre direction. […] « Quant à faire intervenir le sous-préfet ou le préfet en cette affaire, ajoute Mistral, c’est complètement inutile, attendu que ces messieurs sont trop souvent renouvelés et trop étrangers à notre vie pour qu’ils puissent se douter de ce qui se passe d’intime parmi nous. » Ce jour discret jeté sur ce qui se passe d’intime à Maillane vous a vivement touchés. […] Il y a, vous disais-je, beaucoup de vertu dans notre monde ; il n’y en a pas tant cependant que l’on puisse impunément se montrer difficile et faire passer à chacun un examen sur les motifs pour lesquels il est vertueux. […] Elle aimait beaucoup ce petit sucrier, qui représentait pour elle des privations, et, se voyant mourir, elle souffrait à l’idée qu’il passerait en des mains peut-être moins pures que les siennes.
« Le roi, lui écrit-elle, a passé deux heures dans mon cabinet ; c’est l’homme le plus aimable de son royaume. […] Elle passe des heures entières avec M. de Louvois et avec madame de Thianges… L’habitude lui a attaché le roi. […] Cette dame de Maintenon ou de Maintenant passe tous les soirs, depuis huit heures jusqu’à dix, avec S. […] Par les dernières paroles qu’on vient de lire, j’ai déjà passé les bornes de mon sujet. […] Passons, pour la dernière fois, la revue des femmes de la société polie, des hommes de cour et hommes du monde, des hommes de lettres et des hommes d’église qui en faisaient partie.
Ce petit livre de Souvenirs, publié en 1770 avec des notes et une préface de Voltaire, ne semble rien aujourd’hui, parce que toutes ces anecdotes ont passé depuis dans la circulation et qu’on les sait par cœur sans se rappeler d’où on les tient ; mais c’est elle qui les a si bien racontées la première. […] Les esprits pénétrants et vrais sont bien embarrassés de leur rôle en ce monde : s’ils disent ce qu’ils voient et ce qui est, ils courent risque de passer pour méchants. […] À la fin du xviie siècle, c’est-à-dire au plus beau moment de notre passé, on se plaignait déjà ; c’était l’âge d’or de l’urbanité pourtant. […] ) qu’elle voit assez avec vous, ou ses maréchaux de France qui ne la charment pas au point de ne s’en pouvoir passer ; elle craint les ministres ; elle n’aime point les princesses ; si c’est le repos que vous lui voulez, elle n’en trouve qu’avec vous ; si c’est sa santé, elle y trouve son régime et sa commodité ; en un mot, elle trouve tout avec vous, et rien sans vous. […] Mme de Maintenon, toute bonne paroissienne qu’elle la croyait, sentait bien pourtant que cette nièce charmante n’était pas devenue une recluse, et qu’elle recevait des amis de toute espèce : « Vous savez bien vous passer des plaisirs, lui disait-elle, mais les plaisirs ne peuvent se passer de vous. » Telle était Mme de Caylus autant qu’on la peut ressaisir d’après quelques pages où ne se trouve encore que la moindre partie d’elle-même : mais, avec l’aide des témoignages contemporains, nous sommes sûrs du moins de ne lui avoir rien prêté en cherchant à la définir.
On ne lit plus les livres de Mlle de Scudéry, mais on la cite encore ; elle sert à désigner un genre littéraire, une mode de bel esprit à une heure célèbre : c’est une médaille qui a fini presque par passer en circulation et par devenir une monnaie. […] Ce qui pour nous est extravagance était pourtant ce qui faisait passer alors l’enseignement de main en main, et le faisait arriver plus sûrement à son adresse. […] Tous ces personnages, même les plus secondaires, étaient connus dans la société ; on se passait la clef, on se nommait les masques ; et aujourd’hui encore, là où nous savons les noms réels, nous ne parcourons point nous-mêmes sans curiosité les pages. […] Elle a fait plus tard, et quand ses romans étaient déjà passés de mode, des extraits de ces conversations dans de petits volumes qui parurent successivement jusqu’au nombre de dix (elle ne procédait guère jamais que par dix volumes). […] Leur conversation est, sans doute, moins enjouée quand il n’y a point de dames, que quand il y en a ; mais, pour l’ordinaire, quoiqu’elle soit plus sérieuse, elle ne laisse pas d’être raisonnable ; et ils se passent enfin de nous plus facilement que nous ne nous passons d’eux.
Il ne saurait être indifférent de connaître de près celui qui fut l’antagoniste et qui passa pour le rival de Mirabeau. […] En voici quelques traits : Depuis votre départ, j’ai passé deux mois en Normandie chez l’abbé de Boismont ; j’ai vu le camp et la mer, deux spectacles très nouveaux et très intéressants pour moi. […] À cette date de 1787, l’abbé Maury, qui avait passé la quarantaine, doué d’un talent actif et robuste, d’une faculté puissante, propre à tout, et d’une grande force d’application, en cherchait l’emploi du côté de la politique, qui commençait à agiter tous les esprits. […] Chacun sait son fameux mot à la foule qui criait en le voyant passer : À la lanterne ! […] Le 16 février (j’ai retenu cette date), il vint me voir et passa une grande partie de la matinée avec moi.
Comme il parlait de passer la Seine et d’aller attaquer l’ennemi là où on avait combattu devant Paris deux jours auparavant, il fallut que Marmont lui rappelât que la Marne était sur la route, et que tous les ponts de cette rivière avaient été détruits. […] Macdonald et Ney, et le duc de Vicence, qui en étaient porteurs, passèrent le 4 avril au quartier général d’Essonne, et y virent Marmont, à qui ils dirent l’objet de leur message : ils allaient plaider pour le roi de Rome et pour une régence. […] Je sais comment les choses se sont passées. […] Le maréchal lui-même tenant à son bras la suppliante, passait outre, et la guidait jusqu’à l’étage supérieur. […] Dans tous les cas, passez chez le prince de Polignac, qui vous donnera des instructions. » Le maréchal, arrivé à Paris, passa chez le prince de Polignac, à l’hôtel des Affaires étrangères, et c’est là seulement qu’il eut connaissance de l’ordonnance signée depuis le dimanche, qui le nommait au commandement des troupes de la 1re division Marmont, depuis 1814, avait été accusé dans l’opinion pour avoir interprété trop librement son devoir militaire.
Il y eut des fautes de part et d’autre, nous dit-il en baissant les yeux comme s’il les fermait, — et il passe. […] Nous aimons à revoir passer devant nous, rajeunis par le récit et par les détails de la biographie, les hommes dont la gloire a grandi ou bien s’est fixée sous nos yeux. […] Nettement, doivent tenir pour la vérité, ce fut cet enfant gâté de la Fortune qui passa toute sa vie à se plaindre d’elle, et qui, ingrat avec ses maîtres comme il l’était avec la Gloire, ne vit jamais, dans les idées ou les événements qui créent des devoirs aux âmes élevées, rien de plus que des occasions de colorer sa pensée et d’ajouter à sa popularité. […] Nettement lui consacre nous ont fait regretter plus vivement que jamais, quand nous les avons lues, que l’ouvrage entier ne fût pas écrit avec ce courage de vérité, car, au lieu d’un livre plus ou moins agréable qui doit traverser les esprits, nous aurions une œuvre de grande critique, qui certainement ne passerait pas. […] Le Rationalisme, le Panthéisme, le Romantisme, passent devant l’auteur, qui en parle comme tant de gens en ont parlé depuis qu’on en parle et dont le regard ne voit pas plus loin que le regard de tout le monde.
Chacun était roide, droit, et avec son frac étriqué, ses bottes à revers et ses cheveux pleurant sur le front, chaque citoyen avait l’air d’une académie qui aurait passé chez le fripier. […] Le bourgeois, l’homme d’affaires, le gamin, la femme, rient et passent souvent, les ingrats ! […] Les légendes qu’on écrit au bas de ses dessins ne servent pas à grand’chose, car ils pourraient généralement s’en passer. […] Il a passé sa vie à chercher des idées, les trouvant quelquefois. […] Cet homme, avec un courage surhumain, a passé sa vie à refaire la création.
On passe de la terre à la mer. […] Toutes les autres affections ont besoin du passé : l’amour crée, comme par enchantement, un passé dont il nous entoure. […] Le passé nous y invite, et nous modelons l’avenir à son image. […] Le contraire se passe pour nos douleurs, nos misères de roi dépossédé. […] Ici tout notre passé littéraire fait bloc.
Tout amoureux qu’ils étaient cependant des âges chevaleresques et monarchiques, des légendes et des prouesses, le spectacle de nos exploits et de nos désastres récents, les grandes révolutions contemporaines, surtout la merveilleuse destinée de Napoléon et sa double chute, les avaient fortement remués : champions du vieux temps, et remplis d’affections modernes, ils étaient novateurs, même en évoquant le passé. […] Il ne fallait pas moins que cette naïveté sublime de ses premières Méditations pour faire pardonner à l’auteur la teinte mystique de ses croyances, et, encore, le moment de la surprise passé, s’est-on bien tenu en garde contre un second accès de ravissement. […] Elle-même se plaît à le reconnaître, en leur empruntant fréquemment ses épigraphes ; seulement, chez elle, tout vestige de système a disparu, et rien ne lui échappe qui n’ait passé par son cœur. […] Mais dans son roman de Han d’Islande, remarquable à tant d’autres égards, il a passé toutes les bornes ; et son brigand est doué, grâce à lui, avec un luxe et une prédilection qu’on ne sait comment qualifier.
Mais si l’on veut trouver le sentiment chrétien avec ses espérances, ses besoins, ses angoisses intimes, tel qu’il agite et ronge en ce moment bien des âmes, c’est à d’autres pièces qu’il faut s’adresser, véritables méditations de métaphysique religieuse, où le poète, seul avec lui-même, cherche, interroge, doute, passe de la défaillance à l’espoir, et le plus souvent, dès qu’il a entrevu la lueur, se prosterne au lieu de conclure. […] Il est.. il serait tout, s’il ne devait finir, Si le cœur d’un mortel le pouvait contenir… Mais lui-même il passe ; la mort le brise ou le temps l’use ; il périt dans le déchirement, ou il s’éteint dans l’indifférence : Je vois passer, je vois sourire La femme aux perfides appas Qui m’enivra d’un long délire, Dont mes lèvres baisaient les pas ! […] La foule qui s’ouvre à mesure La flatte encor d’un long coup d’œil, Et la poursuit d’un doux murmure Dont s’enivre son jeune orgueil Et moi je souris et je passe !
Nous n’aurons donc qu’à passer la main aux expérimentateurs, et en attendant qu’ils aient tranché définitivement le débat, à ne pas nous préoccuper de ces inquiétants problèmes, et à continuer tranquillement notre œuvre comme si les principes étaient encore incontestés. […] Les surfaces d’ondes ne seraient plus des sphères, mais des ellipsoïdes et on pourrait se passer de cette extraordinaire contraction de tous les corps. […] J’avais raison autrefois et ce qui se passe maintenant en est une preuve nouvelle. […] Comme je vous l’ai dit, nous avons déjà passé par une crise semblable.
Gratiolet, ce qui se passe dans la rétine peut être à priori imaginé dans le cerveau. […] De même que dans les expériences de Plateau les états successifs d’un organe sensitif tendent au repos par une suite de phases alternatives, de même nous voyons l’esprit tendre à l’équilibre perdu par des mouvements oscillants entre le passé et le présent. […] Ensuite il ne paraît pas du tout évident que lors que nous passons de l’excitation au repos, ce passage ne puisse se faire qu’en parcourant toute la série des états antérieurs. Par exemple, un éclair ou un coup de tonnerre produira en moi un ébranlement très-vif qui, je l’accorde, ne cessera pas tout d’un coup, et je puis passer très-rapidement et à mon insu par des alternatives de bruit et de silence, de lumière et de nuit, avant de m’arrêter au silence complet et à la nuit complète ; mais il n’y a rien là qui m’oblige à repasser par une série de phénomènes antérieurs.
Ce fut son talent qui fit sa vie ; et cette vie toujours calme, aisée, honorée, et qui monta sans luttes et sans obstacles jusqu’à cette dignité de rang qui est la dernière caresse de la fortune à ceux qui pourraient s’en passer, puisqu’ils ne vivent que pour les jouissances de l’esprit, a plus d’un rapport avec l’existence d’un homme heureux aussi parmi les poètes, mais qui, à son déclin, sentit dans le fond de son cœur le souci cruel de la confiance trahie et sur son front la sueur de sang du travail forcé. […] Burns, comme Hebel, est un poète idyllique sans fadeur ; c’est un poète, qu’on nous passe le mot ! […] Maximilien Buchon de ces poésies de Hebel, qui répugnent même à passer dans le haut allemand, tant elles sont d’une localité et d’une originalité profondes, atteste beaucoup de talent et un sentiment très animé des beautés sincères qu’elle s’efforce de reproduire. […] Mais le résultat de cette méthode est que rien ne se tient plus debout dans cette poésie fracturée, où de temps en temps, pourtant, passent des strophes charmantes et des vers étonnants de sentiment et de coloris !
Quelques vers, tout le passé d’un homme… tout le passé dont il veuille se souvenir. […] Ou encore (dans Muezzin) : Vous pensiez aux jours de courte durée, Qui laissent en nous si longs souvenirs ; À l’espoir qui passe en robe dorée. […] Ce n’est pas un simple son mélancolique qui passe, c’est toute une série de sons qui nous donne tout un poème de mélancolie.
Nous allons chercher bien loin dans le passé des figures de capitaines à remettre en lumière et en honneur ; n’oublions pas et tâchons de fixer sous leur éclair celles qui passent et brillent à nos yeux dans le présent. […] On le fit passer dans un régiment d’infanterie ; il fut envoyé en garnison à Lyon et ailleurs. […] À peine lieutenant, s’il pouvait tout d’un coup passer capitaine ? […] Une patrouille de huit voltigeurs, commandée par un caporal, passe par là et veut entrer. […] Sur sa demande alors il passa dans la légion étrangère pour aller en Afrique (novembre 1836) ; il était le premier lieutenant de la légion ; il avait trente-huit ans.
Chez les anciens, par exemple, l’humilité passait pour bassesse, et l’orgueil pour grandeur ; chez les chrétiens, au contraire, l’orgueil est le premier des vices, et l’humilité une des premières vertus. […] Chez les hommes de l’antiquité, l’avenir des sentiments ne passait pas le tombeau, où il venait faire naufrage. […] Le polythéisme avait établi l’homme dans les régions du passé ; le christianisme l’a placé dans les champs de l’espérance.
Les hommes, pour lui, passent avant les livres. […] Nous ne pouvons que montrer ces points lumineux et passer outre, mais pour qui comprendra et voudra lire, ce sera assez que de les avoir indiqués. […] En tout cas, c’est n’avoir vu de son être que ce qu’il en a passé au dehors.
Passons aux veuves. […] Et, à cause de cela, le Passant ne passera pas, encore qu’il soit, par endroits, un peu passé. […] Elle va l’avertir de ce qui se passe. […] Sur tout le reste, il passe aisément condamnation. […] Tout s’est passé en douceur.
Où passe-t-elle alors ? […] Il s’en passait bien, lui. […] L’amour s’use et passe. […] Que va-t-il sa passer ? […] E. de Goncourt a vraiment passé toute mesure.
Mais l’une et l’autre se ressemblent en ce qu’elles créent directement de la vie sans passer par l’imitation de la vie donnée dans la nature. […] De l’écorce brillante du monde, il est passé à sa pulpe sensuelle, à son fruit. […] Dès que nous pensons l’être « le passé en un peu de cendres, l’avenir en un petit glaçon se réduisent. […] Parce qu’il passe du sentimental au métaphysique ; parce qu’il se transporte à un point qu’on peut appeler soit l’antipode du lyrisme, soit un hyperlyrisme. […] Tout ce qui se passe au-delà de notre gosier, dit l’Eryximaque de l’Ame et la Danse, nous devient mystérieux.
Quel est celui qui, parlant ou écrivant de toi, ne dise au souvenir de ton renom passé : En voilà une qui fut grande et qui ne l’est plus ! […] Jours affreux à passer sous les printemps fleuris ! […] Sicut passer solitarius in tecto. […] Seul et presque étranger aux lieux où je suis né, Je passe le printemps qui m’était destiné. […] De 1827 à 1831, Leopardi passa la plus grande partie de son temps à Florence, sauf un voyage-qu’il fit à Recanati.
Il y a de quoi passer entre les deux. […] Pour Naudé qui débute vers 1623, et qui s’en va passer hors de France de longues années, Malherbe ni Balzac ne sont guère jamais venus. […] La scène se passe au cabaret ; on y boit à même des pots, on y mange des harengs saurets, tout s’en ressent. […] Tout cela se passait à propos du plus clément et du plus miséricordieux des livres, autour de l’Imitation. […] Passe encore, cela ne sortait pas de la confidence.
Jusqu’à l’impression du chemin qu’on a fait et des endroits par où l’on a passé s’efface. […] Seulement, quoique très enlevée, cette seconde partie du roman est assurément inférieure à la première, qui se passe en Bretagne. […] Le vent passe dans les cordes de la harpe éolienne et s’imprègne de leur harmonie. Paul Féval passe à travers Brucker et devient Brucker en y passant. […] Les gens de la Libre Pensée pouvaient nous railler et nous dire : « Vous avez pour vous la vérité ; vous pouvez vous passer du reste. » Eh bien, messieurs, nous ne nous en passerons pas !
Durant ces vingt-deux années, comment s’était passée la vie de l’orphelin Farcy ? […] Il s’y établit, et y passa la saison des chaleurs. […] Tout ce que ses amis surent alors, c’est que cette année d’absence s’était passée pour lui dans les ennuis, les mécomptes, et que sa candeur avait été jouée. […] promettez-moi que cet instant passé, vous ne vous en souviendrez pas pour me faire expier à force de froideur et de réserve un bonheur si grand. […] Les troupes royales occupaient les Champs-Élysées, et il lui fallut passer la nuit dans l’appartement de M.
Ma vie passée n’a été qu’une suite de malheurs ; ma vie actuelle est pleine d’agitations et de trouble. […] Ses arbres et ses fontaines semblaient le pleurer ; il faut avoir passé comme moi par la dépossession pour connaître l’amertume de la vie. […] Le flot de la révolution passa, comme de coutume, par-dessus la coalition qui l’avait provoquée. […] Laissez dire et passer les pygmées qui le raillent ou qui le nient. Il est grand comme le géant des pensées ; ils ne lui mesurent pas l’orteil ; ils rient, mais il pleure, lui ; et, comme le rire est fugitif et que les pleurs sont éternels, les rieurs passent et le pleureur demeure.
Quand il passait sur le front de sa grande armée, et qu’il songeait que ces milliers d’hommes étaient prêts à mourir pour son rêve, savons-nous ce qui remuait en lui ? […] Taine suppose chez Napoléon une possibilité de se passer de sympathie, à laquelle j’ai peine à croire. […] Le malheur, c’est que ce philosophe a l’imagination d’un poète ; c’est qu’il a, à un degré surprenant, le don de la vie, et alors voici ce qui se passe. […] L’érudit seul peut s’en passer (encore ne s’en passe-t-il pas toujours). […] Bien que l’action se passe dans des régions ultra-terrestres, c’est bien un drame de la terre ; et, quoiqu’il ait pour titre : le Bonheur, c’est un drame d’une mélancolie profonde.
Certes il s’était passé beaucoup d’événements depuis 1849 ; quelques-uns fâcheux, quelques-uns heureux. […] Il notait ses états d’âme, et comme le chasseur à la passée il guettait la sensation rare. […] Flaubert passa toute son existence à désapprendre à parler. […] Je ne suis point de ceux qui blâment le travail de Flaubert et prétendent qu’on doit s’en passer. […] Pourquoi a-t-il passé toute sa vie à Croisset sans bouger ?
C’était sa vie passée qui lui repassait sous les yeux… elle savait par cœur les cheveux de tous ces gens-là. […] Nous passons aujourd’hui chez le vieux Barrière, si paternel pour nous à l’occasion de l’Histoire de la société française pendant la Révolution. […] L’homme va les passer dans une maison de prostitution et fait un enfant à une fille. […] » Et ce passé n’est ni bien intéressant, ni bien gai, ni bien dramatique. […] Il lui tombait une commande pour un endroit vague et lointain, ainsi que cela se passe dans les songes.
* * * Aujourd’hui que plus de trente ans se sont passés depuis l’autodafé d’En 18.. […] Elle a passé presque une bonne nuit. […] Par une porte ouverte derrière moi, d’une petite pièce où le soleil donne en plein, il m’arrive des caquetages de sœurs et d’enfants, de jeunes joies, de bons petits éclats de rire, toutes sortes de notes et de vocalisations fraîches : un bruit de volière ensoleillée… Des sœurs en blanc, à coiffe noire, passent et repassent ; une s’arrête devant ma chaise. […] d’avoir été, il y a de cela huit mois, en hiver, par la pluie, guetter toute une nuit, à Montmartre, le fils de la crémière qui l’avait chassée, pour savoir par quelle femme il l’avait remplacée : toute une nuit passée contre la fenêtre d’un rez-de-chaussée, et dont elle avait rapporté ses effets trempés jusqu’aux os avec une pleurésie mortelle ! […] Et je m’adresse à mes lectrices de tous les pays, réclamant d’elles, en ces heures vides de désœuvrement, où le passé remonte en elles, dans de la tristesse ou du bonheur, de mettre sur du papier un peu de leur pensée en train de se ressouvenir, et cela fait, de le jeter anonymement à l’adresse de mon éditeur.
Dans cent autres endroits on force les idées de Pascal, pour le faire passer pour athée. […] Dans ce cas, la censure n’était donc qu’une mesure dérisoire, puisqu’elle n’a jamais pu empêcher un livre de paraître, ni un auteur d’écrire librement sa pensée sur toute espèce de sujets : après tout, le plus grand mal qui pouvait arriver à un écrivain, était d’aller passer quelques mois à la Bastille, d’où il sortait bientôt avec les honneurs d’une persécution, qui quelquefois était son seul titre à célébrité. […] L’antiquité païenne peut-elle nous fournir un dis cours plus beau, plus vif, plus tendre, plus éloquent que celui-ci, mais de cette éloquence simple et naturelle, qui passe infiniment tout ce que l’art le plus étudié pourrait avoir de plus brillant ? […] « La mode est aujourd’hui de mépriser Colbert et Louis XIV ; cette mode passera, et ces deux hommes resteront à la postérité avec Boileau. » (Ibid. […] » Vous m’apportez, Mylord, l’exemple de Pierre-le-Grand, qui a fait naître les arts dans son pays, et qui est le créateur d’une nation nouvelle ; vous me dites cependant que son siècle ne sera pas appelé dans l’Europe le siècle du czar Pierre : vous en concluez que je ne dois pas appeler le siècle passé le siècle de Louis XIV.
, passé classique en sortant de ses classes, et qui continuait (disait-on) de parler la belle langue du dix-septième siècle. […] Pour mon compte, je ne connais pas de difficulté plus grande que celle-là, et qui soit par conséquent plus digne d’occuper l’esprit d’un scoliaste érudit, sagace et fécond, comme Villemain a passé pour l’être — environ quarante ans. […] C’est toujours ce dictionnaire d’où il tombe, dans un certain ordre, des mots avec lesquels on fait du style et on joue la pensée, ce qui ravit les sots de voir qu’on peut se passer d’elle ! […] Cette fille d’académicien, et d’un académicien qui a passé sa longue vie à faire des éloges académiques, ne sent nullement dans cette préface son origine, et elle n’a point académisé sur son père. […] L’opinion historique et politique du rhéteur passe à travers sa rhétorique.
Mais cinq années de frottement social ont passé sur cette innocence. […] Il fait passer dans le vieux thème de Rousseau sur la méchanceté de la civilisation la cruauté de son propre malaise. […] Deux silhouettes de femmes passent indécises dans la brume d’Obermann ; et il n’en aime que le regret. […] De tels états, un homme ne doit guère se les passer. […] Il ne pouvait se rendre compte de ce qui se passait en lui.
Marot mourut à Turin en 1544, et il avait passé les dernières années de sa vie à errer loin de la France. […] Amour était sur le point de mettre un pied dedans, lorsque Folie s’avance, l’écarte, et passe la première. Ainsi poussé, Amour entre en colère, mais Folie lui soutient que c’est bien à elle de passer devant. […] On les suit sans déplaisir, et, avec eux, les qualités passent, comme les fautes. […] C’est une tragédie à la façon de nos classiques, mais Shakespeare a passé là-dessus.
Voilà le passé de M. […] Les années passent. […] Les années passent encore. […] Mais on ne peut se passer de Denyse ? […] Elle ne peut pas se passer de cela.
Ayant quitté Rome avec ses parents en 1831, elle passa le reste de son enfance et sa première jeunesse à Florence ; elle acheva de s’y nourrir et de s’y former dans la vue du beau ; elle copiait dans la galerie les chefs-d’œuvre des maîtres. […] Un ancien ami avec qui elle se croyait brouillée et qu’elle savait blessé, mortifié et à jamais éloigné par la politique, avait passé près d’elle, près de sa voiture, n’avait point paru la reconnaître, et, l’instant d’après, en descendant, elle l’avait trouvé qui l’attendait pour lui prendre et lui serrer cordialement la main. […] Elle passe tour à tour de la copie des maîtres à des études vivantes, soit à celles de modèles à caractère, soit aux portraits de ses amis. […] La subtilité en tout genre la choque et lui est antipathique ; et dernièrement, à propos des écrits fort vantés d’une femme d’esprit, mais alambiquée, mais subtile et étrangement mystique, elle se refusait à comprendre qu’il fallût être aussi parfaite pour bien vivre et bien mourir : « L’un, disait-elle, est facile à faire avec un bon cœur et de la droiture, l’autre avec la résignation et la confiance. » La princesse Mathilde passe régulièrement une moitié de l’année à Paris, et l’autre moitié à la campagne, au château de Saint-Gratien. […] Elle a, depuis un an, acheté en Italie, près du lac Majeur, une terre où elle va passer les dernières semaines de l’automne ; elle y a retrouvé cette Italie, son premier amour, qu’elle avait connue si belle, mais enchaînée ; elle l’a retrouvée libre, reconnaissante et saluant en elle la proche parente et comme l’ambassadrice de l’empereur des Français.
Chaque génération savait et redisait par le chant la tradition du passé, l’augmentant, la variant sans cesse, ignorant l’auteur ou les auteurs de ces poëmes, et les attribuant à des personnages fabuleux. […] Il est vrai que chez nous, nations modernes, nations d’Occident, les choses se passèrent, à l’origine, d’une façon moins simple et moins grandiose que dans l’antiquité ou dans l’Orient. […] Pour achever le contraste, tandis que les génies poétiques de ce temps trahissent, presque tous, en leurs vers une allure plus ou moins aristocratique, soit par culte de l’art, soit par prédilection du passé féodal, soit par mystérieuse chasteté d’idéal dans les sentiments du cœur, Béranger est le seul poëte qui, indépendamment même du choix des sujets, ait gardé la rondeur bourgeoise, l’accent familier, la tournure d’idées ouverte et plébéienne ; par où encore il semble descendre en droite ligne de cette forte lignée à tempérament républicain, qu’on suit, sans hésiter, dans les trois derniers siècles, et de laquelle étaient Étienne de La Boëtie, les auteurs de la Ménippèe, Gassendi, Guy Patin, Alceste un peu je le crois, et beaucoup d’autres. […] Ces quatre ou cinq pièces politiques, jointes à tant de délicieuses chansons personnelles, d’une inspiration et d’une fantaisie intimes, telles que Mon Tombeau ; Passez, jeunes Filles ; le Bonheur ; Laideur et Beauté ; la Fille du Peuple, et ce sémillant Colibri, qui est le lutin familier du maître et la personnification éthérée de sa muse comme est la Cigale pour Anacréon ; toutes ces pièces ensemble auraient suffi à composer un charmant recueil final, digne assurément de ses aînés, et la dernière couronne eût brillé verdoyante encore, pour bien des saisons, au front du citoyen et du poëte. […] Nous voilà, en apparence, bien loin de la chanson, et réellement nous avons atteint et passé les dernières limites ; le champ est parcouru dans tous les sens, toutes les collines à l’horizon sont gravies.
Cela s’est déjà passé de la sorte aux autres époques de civilisation raffinée ; et du moment que la poésie, cessant d’être la voix naïve des races errantes, l’oracle de la jeunesse des peuples, a formé un art ingénieux et difficile, dont un goût particulier, un tour délicat et senti, une inspiration mêlée d’étude, ont fait quelque chose d’entièrement distinct, il a été bien naturel et presque inévitable que les hommes voués à ce rare et précieux métier se recherchassent, voulussent s’essayer entre eux et se dédommager d’avance d’une popularité lointaine, désormais fort douteuse à obtenir, par une appréciation réciproque, attentive et complaisante. […] On est insensiblement poussé à la forme, à l’apparence ; de si près et entre gens si experts, nulle intention n’échappe, nul procédé technique ne passe inaperçu ; on applaudit à tout : chaque mot qui scintille, chaque accident de la composition, chaque éclair d’image est remarqué, salué, accueilli. […] Lors donc qu’on les expose encore naissants au regard d’un ami, il doit être toujours sous-entendu qu’on le consulte, et qu’après votre première émotion passée et votre rougeur, il y a lieu pour lui à un jugement. […] Il y a bien des années déjà, Charles Nodier et Victor Hugo en voyage pour la Suisse, et Lamartine qui les avait reçus au passage dans son château de Saint-Point, gravissaient, tous les trois ensemble, par un beau soir d’été, une côte verdoyante d’où la vue planait sur cette riche contrée de Bourgogne ; et, au milieu de l’exubérante nature et du spectacle immense que recueillait en lui-même le plus jeune, le plus ardent de ces trois grands poëtes, Lamartine et Nodier, par un retour facile, se racontaient un coin de leur vie dans un âge ignoré, leurs piquantes disgrâces, leurs molles erreurs, de ces choses oubliées qui revivent une dernière fois sous un certain reflet du jour mourant, et qui, l’éclair évanoui, retombent à jamais dans l’abîme du passé. […] Machiavel nous a raconté, dans une lettre mémorable, comment après sa journée passée aux champs, à l’auberge, aux propos vulgaires, le soir tombant, il revenait à son cabinet, et, dépouillant à la porte son habit villageois couvert d’ordure et de boue, il s’apprêtait à entrer dignement dans les cours augustes des hommes de l’antiquité.
Mais ici les tableaux deviennent si flatteurs, les descriptions si riantes, que nous craindrions de les ternir en les remaniant, et nous nous empressons de passer la plume, ou plutôt le pinceau et la lyre à M. […] Nous ne le blâmerons point de cette causerie, toute indifférente qu’elle doive paraître au public : on peut en conclure du moins que ce bas monde est encore tolérable aux gens de quelque talent et de quelque réputation, quoique par malheur le temps des Déjeuners dominicaux soit passé. […] Que de réputations commencées l’on a vues ainsi, depuis dix ans, tour à tour passer et doucement s’éteindre ! […] Selon eux, une société vieillie comme la nôtre, et tout entière adonnée aux discussions politiques, peut et doit se passer d’un grand et sérieux théâtre ; les bluettes du Gymnase suffisent chaque soir à dissiper la migraine de nos hommes d’État ; et quant au peuple, moins friand et plus avide en fait d’émotions, n’a-t-il pas les Deux Forçats et le Joueur ? […] On remarquera, en effet, que nous passons brusquement, dans l’article qui suit, de juillet 1828 au mois d’avril 1830, sans rien donner de 1829.
Mais le souci de perfection et le besoin de beauté qui hantaient les Parnassiens devaient, au moins dans les commencements (car toute école nouvelle est intransigeante), les conduire à préférer la poésie impersonnelle, presque uniquement descriptive et plastique, celle qui demande ses tableaux à l’histoire et à la légende ou qui reproduit les symboles par lesquels l’humanité passée s’est représenté l’univers. […] Et toute son enfance s’est passée à Cuba, parmi les enchantements de la plus belle flore qui soit au monde : une enfance nue, libre et rêveuse, pareille à celle de Paul et Virginie. […] Et pour passer du joli au grandiose, ce sonnet si connu des Conquérants n’est-il pas large comme une épopée, et n’éveille-t-il pas une vision complète de la plus grande aventure des temps modernes ? […] Car, s’ils célèbrent de belles choses, ces belles choses sont passées, et de là une mélancolie. […] ), et qu’il nous parle ainsi de cet autre exil d’où rien ni personne n’est jamais revenu et qui s’appelle le passé : Dans ce vallon sauvage où César t’exila, Sur la roche moussue, au chemin d’Ardiège, Penchant ton front qu’argente une précoce neige, Chaque soir, à pas lents, tu viens t’accouder là.
..................L’avenir est dans le présent, il est dans le passé. […] Sourds aux sollicitations du monde qui leur demande des beautés harmonieuses à l’idéal enfantin, ils passent, doux et graves, déléguant aux parvis célèbres les solliciteurs, et traversent dans l’exil de leur pensée les joies et les douleurs tumultueuses. […] Sans rien oublier des conquêtes naturalistes et romantiques, ceux qui viendront, pour mettre une âme dans un corps agissant, retourneront aux traditions spirituelles et classiques, avec cette importante nuance ; qu’ils sauront que le temps des idées générales est passé Mais ici deux questions se dressent, une question de fond et une question de forme (comme on disait très jadis). […] Mais cette contre-facon elle-même de la foi est usée et si les Naturalistes ont pu se passer de toute religion comme ils se sont privés de toute beauté, que vont faire ceux qui viennent ? […] « L’avenir est dans le passé », dites-vous, Monsieur.
Il loue fort cher son nom bruyant et ses bégaiements de faux bonhomme, utiles à la devanture du Journal comme sur une maison de passe l’enseigne honorable d’une marchande de gants. […] Ce travailleur âpre et lent mérite d’ailleurs un salaire et je ne songe pas au ramasseur de mégots antiques sans me rappeler une anecdote lue, je crois, dans Quinte-Curce : On vanta à Alexandre un homme très habile : à une distance considérable, cet homme faisait passer par un trou minuscule une lentille. […] à propos, dimanche les orphelines ont passé par notre rue, deux à deux, les yeux baissés, bien sages, bien laides et bien tristes. […] Il a réussi surtout dans le premier genre, si l’on veut bien y comprendre à la fois les inquiétudes du cœur et celles de l’esprit ; les « vaines tendresses » pour ce qui passe et pour la vérité éternelle. […] Il ne peut se passer des hommes « et, depuis ce jour-là, il les a tous aimés ».
Or, ce n’est point-là ce qui se passe, et voici un fait significatif : ne pouvant, comme d’habitude, essuyer le genou droit avec le pied droit, l’animal décapité l’essuie avec le pied gauche ; pour une machine qui ne sent pas, le procédé est assez ingénieux. […] Enlevez à la grenouille ses hémisphères cérébraux et placez-la sous la même vitre ; si vraiment il ne subsiste plus ni sensation ni appétition, s’il ne reste plus aucune trace d’intelligence, la machine vivante pourra bien encore frapper son nez contre la vitre et demeurer là jusqu’à ce qu’elle soit suffoquée ; mais ce n’est point ce qui se passe. […] Dans le premier cas, si notre moi n’aperçoit point ce qui se passe en nous, c’est que la conscience devient trop faible et trop indistincte ; dans le second cas, c’est qu’une partie du cerveau ou de la moelle épinière prend pour elle la fonction mentale ; dans le troisième cas, c’est qu’un autre moi tend à s’organiser aux dépens du moi central, qui se désorganise. […] L’attention du pianiste, par exemple, passe de sa tête dans son tronc, dans ses bras et dans ses doigts ; c’est une pièce d’or qui se change en menue monnaie. […] Passons maintenant aux troubles, rétrécissements et désagrégations de la conscience.
(8) J’ai vu passer la belle Hélène Qui paît ses moutons dans la plaine. […] Celle-ci peut passer pour une des plus charmantes. […] Le plus jeune des trois La prit par sa main blanche : — Soupez, soupez la belle, Ayez bon appétit, Entre trois capitaines, Vous passerez la nuit. — Au milieu du souper La belle tombe morte. […] La fillette, spécialement, y apparaît à nu, tantôt se laissant mourir de désespoir, tantôt ne disant pas non au cavalier qui passe, pourvu qu’il ait bourse pleine, tantôt victime de sa paresse et de sa mauvaise conduite : Les soldats l’ont laissée Sans chemise et sans pain… Telle chanson, comme la Mal Mariée, révèle le pessimisme résigné de gens qui sentent que la vie est mauvaise, et mauvaise sans remède ; mais telle autre dit bellement la joie héroïque de l’amour, comme la Fille dans la Tour, dont voici une version mutilée : Le roi Louis est sur son pont, Tenant sa fille en son giron. […] Elle est restée dans cette tour Sept ans passés sans voir le jour.
Chien-Caillou passe pour être une copie dont Rodolphe Bresdin — le très remarquable artiste que je veux vous présenter — serait l’original. […] L’homme raconté, nous passerons à l’artiste. […] Un quart d’heure n’était pas écoulé, que Rodolphe avait passé — pour la cahute — un bail de cinq ans, à raison de cent sous par année. […] Vite Rodolphe passe un paletot, prend sa canne et va trouver son panégyriste. […] D’abord, je ne passe pas auprès de mes amis pour un sacripant ; et puis… quand même je mériterais la corde, je ne me crois pas davantage exposé à la mésaventure du journaliste toulousain : où Rodolphe trouverait-il les quatre-vingts francs indispensables pour faire, avec son lapin, les deux cent-cinquante lieues qui séparent Toulouse de Paris ?
Le principe de la révolution a été épuisé dans la société religieuse avant de passer dans la société civile. […] Cette peinture, je puis l’avouer, sera toute d’imagination ; car c’est un ordre de phénomènes peu appréciables à la vue de l’esprit, et qui se passent au fond des cœurs. […] Alors il passe ses heures solitaires à regretter et l’innocence qui précéda ses doutes, et la tranquillité dont il jouissait naguère. […] Si, dans le siècle dernier, il y avait quelque prétexte pour excuser le cynisme de Voltaire, quoique la morale passe avant tout, le prétexte n’existe plus. […] Leurs belles années se sont écoulées au milieu des discordes civiles ; ils sont parvenus à l’âge de la maturité, sans avoir passé par celui de l’adolescence.
Elle le constate, soit en vertu de la libre déclaration de l’homme et de la femme, soit par l’acte de naissance de leur premier-né. » Ces paroles, malgré ce qu’elles ont d’incorrect, grammaticalement et métaphysiquement, montrent assez bien l’embarras douloureux d’un esprit primitivement assez juste, qui souffre de sa justesse, pour s’être fourvoyé dans les idées décadentes d’un temps qui a passé par le panthéisme de Hégel, et qui s’est retourné vers le naturalisme de Darwin. […] Elle déteste, en eux, le christianisme qu’ils apprennent à la jeunesse future, parce que le Christianisme c’est le passé du monde et de la France, et « ce qu’on doit haïr, c’est le passé », dit-elle avec la rigueur d’un axiome. […] Mais à présent qu’elles ont passé du monde littéraire dans le monde moral et social, elles, veulent, absolument être de petits hommes — et les maris de leurs maris ! […] Elle ne se contente pas de peindre la campagne, elle la cultive et la fume… On est étonné dans ses œuvres de l’amour de la nature qui se voit, à côté de la nature qui rapporte… On est étonné de ces descriptions, romantiques et mièvres, sous la plume d’un écrivain si sérieux, quand tout à coup au milieu d’elles, dans le plus brillant de leurs draperies et de leurs déroulements de paysages, il se fait un trou ; et la tête de l’institutrice passe par ce trou et nous lâche des phrases de cette institution : « l’âme échappant aux lois dont elle fait partie, habite le monde absolu des idées où la durée s’absorbe dans l’éternité de l’être ».
C’est au succès de son Esprit des lois et de sa Grandeur et décadence des Romains que nous devons ces livres qui ont la prétention de planer sur l’histoire pour la mieux voir, et qui ont tous les inconvénients des ballons, d’où l’on ne voit les choses que de haut en bas et qui passent… Je ne connais rien de plus prolifique que le succès, ce générateur de sottises ; mais c’est son expiation — et elle est cruelle ! […] Avec son titre, qui n’est qu’une jonglerie, ce livre fait croire à une étude sur les civilisations en général, — ce qui serait une grande entreprise ; mais quand sous ce titre, pipé comme un dé, ce titre menteur, écrit impudemment en grosses lettres : études sur les civilisations, on passe au sous-titre, écrit en lettres frauduleusement petites, on s’aperçoit qu’il ne s’agit seulement que des civilisations de l’ancienne Amérique et pas plus ! […] Ce n’est point un esprit vigoureux, qui fait son trou partout où il passe. […] La civilisation païenne, ou ce qu’on appelle de ce nom, était un champ parcouru et épuisé où la herse de tous les travailleurs en civilisation avait passé. […] Quoique, dans d’autres temps, elle ait été la terre des plus effroyables despotismes, elle devait être un jour la terre des républiques et de la libre pensée, et on l’aime pour cette raison, même dans le passé !
… L’expérience, le passé, les réalités qui en sortent, ces choses éternelles contre lesquelles l’homme, eût-il du génie, n’est pas le plus fort et ne le sera jamais, maintiennent et affermissent davantage dans son équilibre ce ferme esprit, — disons-le à sa gloire ! […] Eh bien, c’est cet esprit-là, — l’esprit historique, — si rare dans ce siècle, où le passé est traité insolemment de vieille barbe et de vieille guitare par des polissons qui auraient méprisé le sénat romain dans sa majesté, comme les Gaulois leurs ancêtres ! […] comme un outrage à cette magnifique nature humaine, qui est en train de remplacer Dieu, et, dans un siècle où toutes les législations s’énervent et où l’homme veut échapper à toutes les contraintes, paraîtra peut-être, aux ignorants contempteurs de l’histoire, quelque chose comme un stupide esclavage et comme un radotage affreux de la barbarie du passé ! Et, en effet, je l’ai dit plus haut, mais il faut le répéter à ceux qui ont appelé la guerre et son art du nom avilissant de militarisme pour mieux l’insulter, tout se passe, dans tous les mondes possibles, comme dans le monde de la guerre ; et ce que dit l’auteur des Études sur le Combat de la discipline des armées, on peut le dire de toutes les institutions de l’humanité, — religion, législation, gouvernement et art même, car l’art a ses règles, — qui toutes ont leurs disciplines, ces institutions, ou, pour parler mieux, qui ne sont que des disciplines sans lesquelles l’homme, faible créature, s’abolit, s’efface et se réduit au rien qu’il est , comme disait Bossuet ! […] Le livre qu’il a laissé derrière lui est d’une généralité de portée qui passe bien au-dessus de toutes les spécialités du noble métier qu’il enseigne, et répond, par le démenti le moins cruellement, mais le plus positivement donné, à toutes les idées badaudes et lâches qui règnent actuellement sur le monde dégradé… III Jamais, il faut le reconnaître, homme d’action, et d’action brutale aux yeux de l’universel préjugé, n’a plus magnifiquement glorifié la spiritualité de la guerre que l’intelligent et profond soldat auquel nous avons affaire.
Grâce à la mort de son auteur, la seule chose dont elle soit ornée, cette notice profitera peut-être à la publicité de cette traduction d’Horace : mais profitera-t-elle à Horace lui-même, à Horace, le poète de tous les égoïstes qui veulent passer pour sages et de tous les pédants qui veulent qu’on les croie très forts en latin ? […] C’est ainsi qu’elle a pu venir jusqu’à nous, cette petite lampe… et qu’elle a passé, sans s’éteindre, des abbés anonymes du Moyen Âge, friands grignoteurs d’un latin qui n’était pas latin de moines, jusqu’aux abbés scandaleux du xviiie siècle, — l’abbé Galiani, par exemple, ce sapajou fanatique d’Horace, — jusqu’à Louis XVIII lui-même, qui n’était pas abbé, mais qui aurait pu l’être… à la manière de Galiani ! […] On l’a fait passer moelleusement de la main à la main, sans qu’on ait jamais eu besoin d’écrire là-dessus le mot : fragile. […] Que la vulgarité de l’âme et de l’inspiration d’Horace passât à travers la pureté de sa forme littéraire, Rigault ne pouvait l’empêcher pour ceux qui savent la voir ; mais qu’avait-il besoin d’appeler distinction cette vulgarité ? […] Je suis sûr que les oies romaines, les sots capitolins, criaient toujours quand il passait… Horace est de la famille de La Fontaine ; mais un parent pauvre, car il n’a pas la naïveté, cette scélératesse de l’innocence, cette perle qu’on n’avait pas vue avant La Fontaine et qu’on n’a pas revue depuis !
Savant, renseigné, déjà rompu au style et à la manière de l’histoire, car il est l’auteur d’un travail estimé sur Colbert qui, sans être irréprochable pourtant, nous fait mieux connaître ce grand ministre que tout ce qu’on a publié jusqu’ici, il pouvait, tout comme un autre, et même mieux qu’un autre, faire une large battue dans le passé, nous donner quelque histoire de la civilisation à telle époque, et recommencer cette chasse aux fantômes et aux choses vagues qu’il faut refaire tous les vingt ans si l’on veut rester, soi et son œuvre, autrement qu’à l’état de date et de livre dépassé dans l’esprit des générations ! […] Muableté, diffidence, envye, voilà, dans le langage de son siècle, ce qui agitait et rongeait ce triste Victorieux, lassé et « méhaigné » de ses guerres, ce chagrin « cagneux, aux chausses vertes », que la Légende et les Romances couronnent de myrtes et de lauriers par la main d’Agnès, et qui, mélancoliquement voluptueux, retiré dans les tourelles de ses châteaux des bords de la Loire, avait au front comme un reflet de la folie hagarde de son père, — reflet sinistre d’un mal héréditaire qu’on vit encore passer, dans de cruelles défiances, jusque sur le front de son fils ! […] Aussi doit-on le reconnaître, entre tous les historiens qui ont eu à parler de cet homme illustre, entre tous ceux-là qui touchent d’une main pieuse aux saintes poussières du passé, je n’en sache guères qu’un seul qui ait refusé sa sympathie à une si grande condition et à une si grande infortune. […] Eux seuls sont les vrais serviteurs de l’Histoire, et qui aime le passé, qui croit avec Leibnitz que le passé contient l’avenir du monde, doit applaudir à leurs efforts.
Dans ce misérable passé qu’abhorre naturellement l’ancien rédacteur de La Presse, les lettres ont tenu trop de place, et elles en tiendront trop peu dans l’avenir qu’il rêve pour qu’en conscience et de bonne foi il estime beaucoup cette vieille amusette des sociétés qui eurent de l’âme et de nobles loisirs. […] Mais il s’agit de prétentions exorbitantes auxquelles nous ne permettrons point de passer. […] Adam a acheté l’hôtel de Μ. le comte de La Rochetravers, contigu au sien, et voilà par quelle invention et quelle porte la société de l’avenir, de l’écu, des parvenus, représentée par les Adam, vient s’aligner visage à visage avec la société du passé, des traditions et des déchus, représentée par les La Rochetravers. […] Les trois actes de la pièce de Μ. de Girardin se passent donc à dérouler cette intrigue de gros fil blanc qui a pour objet de marier Μ. […] Il prend à Scott, ou plutôt à tout le monde, ce moyen usé de faire rire : la répétition de la même chose passée à l’état de tic.
C’est ce ton dandy, c’est ce fumet si particulièrement anglais, qui permet à Walpole de se passer impunément de tout ce qu’il n’a pas ; car, outre la chaleur absente, il n’a ni le mouvement, ni la rondeur, ni l’abandon, ni le flou, ni les grâces relevées ou tombantes, ni les flamboiements d’imagination qu’a, par exemple, le prince de Ligne, qui était un épistolier comme lui, un auteur comme lui, un châtelain comme lui, un jardinier comme lui, et qui eut le génie des lettres, quoiqu’il n’en ait pas écrit autant que lui. […] Mais c’est l’histoire du méchant dans les Psaumes, que cette rêverie : Je n’ai fait que passer. […] Il passa sa vie à se moquer de sa vie et à n’en rien changer. […] Dans le monde des dernières années qu’il passa à Paris, on le comparait au duc de Richelieu, dont il a laissé un impitoyable portrait, en deux à trois touches. […] Il sera compté dans la littérature épistolaire et mis très haut, j’ai dit pourquoi… Mais si haut qu’il soit mis parmi les épistoliers de son siècle, il en est trois — Voltaire d’abord, puis le prince de Ligne, et enfin Madame Du Deffand elle-même, — qui doivent passer bien avant lui.
Au contraire, c’était une réponse victorieuse et morale aux mauvaises langues philosophiques qui disaient que les Rois ne pouvaient pas avoir d’amis, et dans un temps où les Rois passaient de rudes quarts d’heure avec les philosophes. […] — Madame Geoffrin, qui avait passé l’âge de la jeunesse, n’avait point donné prise sur elle au moindre caquet. […] Le Geoffrin, pour parler avec le respect qu’on lui doit, était le type de ces maris comme on en voit passer, silencieux et inconnus, — et quelquefois il y en a de superbes ! […] Je crois qu’il y avait un sentiment d’une autre nature, lequel y passe à travers les formes de son langage et en les embrasant, et que ce sentiment ne compromet pas trop aux yeux de la postérité cette femme raisonnable, dont le cœur peut-être n’avait jamais battu avant de rencontrer Poniatowski. […] … M. de Mouy n’en convient pas et n’en conviendra jamais ; mais Fontenelle, qui à vue d’œil reconnaissait les femmes par lesquelles l’amour avait passé, Fontenelle, comme moi, l’aurait dit et en aurait juré.