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50. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. Bain — Chapitre II : L’intelligence »

La perception d’un objet extérieur est fondée sur des associations par contiguïté dans le temps, l’espace. […] On sait qu’à mesure qu’un objet se rapproche, sa grandeur augmente ainsi que l’inclinaison des axes visuels. Wheatstone, ayant modifié son stéréoscope de façon à ce que la distance de l’objet pût être changée, la convergence des yeux restant la même, et vice versa, voici ce qui en résulta. Si la distance reste la même, plus la convergence des yeux augmente, plus l’objet paraît petit ; si on maintient toujours la même inclinaison des axes, plus on rapproche l’objet, plus il paraît grand. […] Les objets complexes, les touts concrets que nous voyons dans la nature, comme un arbre, une orange, une localité, une personne, sont des agrégats d’idées et de sensations contiguës.

51. (1896) Matière et mémoire. Essai sur la relation du corps à l’esprit « Résumé et conclusion »

Mais qu’est-elle au juste de ces objets ? […] Dans la perception pure, en effet, l’objet perçu est un objet présent, un corps qui modifie le nôtre. […] Si, dans le cas d’un objet présent, un état de notre corps suffisait déjà à créer la représentation de l’objet, à plus forte raison cet état suffira-t-il encore dans le cas du même objet absent. […] Et comme, d’autre part, notre perception de l’objet présent était quelque chose de cet objet lui-même, notre représentation de l’objet absent sera un phénomène de tout autre ordre que la perception, puisqu’il n’y a entre la présence et l’absence aucun degré, aucun milieu. […] Cet idéalisme consiste à ne voir qu’une différence de degré, et non pas de nature, entre la réalité de l’objet perçu et l’idéalité de l’objet conçu.

52. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 8, des differens genres de la poësie et de leur caractere » pp. 62-63

Section 8, des differens genres de la poësie et de leur caractere Il en est de même de tous les genres de poësie, et chaque genre nous touche à proportion que l’objet, lequel il est de son essence de peindre et d’imiter, est capable de nous émouvoir. […] Le trait est émoussé dès que nous en avons retenu le sens : mais les épigrammes qui peignent des objets capables de nous attendrir ou de s’attirer une grande attention en quelque maniere que ce soit, font toujours impression sur nous. […] Pour ne point mettre en jeu les poëtes modernes, les épigrammes de Martial, qu’on sçait communement, ne sont point celles où il a joüé sur le mot, mais bien les épigrammes où il a dépeint un objet capable de nous interesser beaucoup. […] Afin de soutenir l’attention du lecteur, ils ont semé leurs vers d’images qui peignent des objets touchans ; car les objets, qui ne sont propres qu’à satisfaire notre curiosité, ne nous attachent pas autant que les objets qui sont capables de nous attendrir.

53. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre quatrième. La connaissance des choses générales — Chapitre premier. Les caractères généraux et les idées générales. » pp. 249-295

. — Ils sont l’objet des idées générales. […] Voilà un nouvel objet de connaissance. […] Nous formons ces idées sans examiner s’il y a dans la nature des objets qui leur correspondent, et pour cela nous les construisons. […] Par conséquent, elle n’est, comme toute aptitude, propriété et capacité, qu’un caractère général de l’objet, et ce caractère peut être dégagé, retiré, mis à part par les procédés ordinaires, c’est-à-dire au moyen d’un nom, et, en général, au moyen d’un signe. — Bien mieux, il n’y en a pas de plus facile à mettre à part ; car tous les objets et tous les événements le présentent, puisque chaque objet et chaque événement contribue avec d’autres semblables à faire une collection qui est sa classe. […] Quand nous lisons et que nous comprenons un de ces groupes de signes, par exemple 2 327 648, nous n’examinons point si la nature fournit un objet qui corresponde à notre idée.

54. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « Introduction »

A l’origine, elle a pour objet l’universalité des choses, le Tout ; et elle est une comme son objet. […] Quelles sont ses prétentions, ses limites, son objet ? […] En vérité, est-ce là une science ayant un objet ? […] Mais la philosophie a-t-elle un objet ou plusieurs objets ou des parties d’objets ? […] Il se trouve donc que l’objet de la philosophie, c’est Dieu, plus une certaine partie de l’homme ; un objet, plus une fraction d’objet.

55. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre deuxième. L’émotion, dans son rapport à l’appétit et au mouvement — Chapitre quatrième. Les émotions proprement dites. L’appétit comme origine des émotions et de leurs signes expressifs. »

Si les yeux s’ouvrent, c’est qu’ils font un effort pour mieux voir l’objet qui étonne ; un degré de plus, et l’ouverture des yeux marquera l’effroi. […] Nous verrons que le signe même de dénégation et le signe d’affirmation sont des mouvements de la tête pour s’écarter de l’objet, on pour s’approcher de l’objet nutritif. […] Ajoutez enfin l’idée de l’objet qui cause la peine ou le plaisir, vous aurez la répulsion consciente et le désir. […] Tout se ramène, en définitive, à un mouvement général de la volonté vers les objets ou à l’opposé des objets, et c’est le mouvement corrélatif d’expansion ou de contraction organique qui est le vrai générateur du langage des émotions. […] Il y a des fureurs prêtes à éclater qui ne se révèlent que par des mouvements rythmiques et égaux du doigt sur un objet ou par une respiration forcée.

56. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre deuxième. L’émotion, dans son rapport à l’appétit et au mouvement — Chapitre troisième. L’appétition »

Souvent même le plaisir est secondaire, et on n’y songe pas tout d’abord : il y a simplement un effort accompagné de peine, puis un objet ou un ensemble de mouvements qui se révèle comme changeant la peine en plaisir ; plus tard, nous pourrons désirer l’objet en tant que causant du plaisir, mais c’est toujours la relation de l’objet à notre activité antécédente qui l’a rendu bon pour nous. […] Avant les enseignements mêmes de l’expérience, nous tendons à déployer notre activité motrice sans objet. […] On peut donner à cette activité primordiale le nom de volonté, mais c’est une volonté sujet qui, à proprement parler, n’a pas encore d’objet et n’est point encore représentative. […] Le sujet, quelle qu’en soit la nature ultime, ne peut se saisir lui-même comme tel ou tel objet. […] Il est encore moins une substance cachée derrière les faits intérieurs ; cette substance, loin de pouvoir être un sujet, serait encore un nouvel objet ajouté aux autres, et de plus un objet inconnaissable.

57. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre troisième. Le souvenir. Son rapport à l’appétit et au mouvement. — Chapitre premier. La sélection et la conservation des idées dans leur relation à l’appétit et au mouvement. »

Si l’on prend le mot d’idées au sens plus étroit de représentations ayant un objet, on peut dire que les idées, ayant presque toutes pour objets des genres et des espèces, animaux, hommes, Français, etc., sont elles-mêmes des espèces plus ou moins viables et stables. […] Ceux qui étudient les objets au microscope voient très souvent une « image consécutive » de l’objet, qui persiste quelques instants après qu’ils ont cessé de le regarder. […] Sous ce nouveau rapport, à combien d’objets divers n’a-t-on pas comparé le cerveau ! […] Il faudrait un terme de comparaison où l’on vît non seulement un objet recevoir et regarder une empreinte, mais cette empreinte même revivre à un moment donné et reproduire dans l’objet une vibration nouvelle. […] L’idée d’un objet qui agace les dents peut facilement aussi produire l’agacement même.

58. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Deuxième partie. Invention — Chapitre IX. Du rapport des mots et des choses. — Ses conséquences pour l’invention »

Mais tant que cette évocation n’est pas faite, nulle pensée originale, nulle invention n’est possible : les mots se combinent en nous, sans nous, mécaniquement, selon les affinités et les répugnances qu’ils ont contractées, avant nous souvent et hors de nous « par leur association avec l’expérience de l’objet et avec l’image de l’objet ». Nos yeux lisent, nos oreilles écoutent : nous pensons les formes et les sons des mots ; rien ne va à l’imagination ni au cœur, et rien par conséquent n’en sortira, si nous n’insistons et ne forçons le mot à céder sa place à la sensation même de l’objet, réveillée et rafraîchie. Comme on se contente, à l’ordinaire, de la sensation que donne le mot tout sec et tout nu, et comme tous les mots sont en somme des sensations pareilles de la vue et de l’ouïe, on ne s’aperçoit pas qu’ils forment deux catégories bien distinctes : les uns représentent des objets dont on peut faire l’expérience directe, les autres représentent quelque chose dont l’expérience est impossible. Je puis évoquer l’image d’un individu désigné par un nom propre ; le nom commun, général et abstrait, représente toute une collection d’objets, et seulement les qualités communes à tous ces objets.

59. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre troisième. Le souvenir. Son rapport à l’appétit et au mouvement. — Chapitre troisième. La reconnaissance des souvenirs. Son rapport à l’appétit et au mouvement. »

Les images simultanées du toucher et de la vue se disposent dans des cercles concentriques dont l’ensemble indéfini forme le monde extérieur ; l’un de ces cercles n’embrasse que notre corps, les autres embrassent les objets voisins de notre corps, les autres des objets de plus en plus éloignés, jusqu’à la voûte du firmament. […] Une dernière condition n’est-elle pas nécessaire : apercevoir la ressemblance de l’image avec l’objet ? […] Nous sommes comme si nous voulions prendre un point d’appui sur un objet qui s’affaisse. […] James Sully nous dit qu’il possède lui-même le pouvoir, quand il considère un objet nouveau, de se le représenter comme familier. C’est sans doute qu’il y a dans son esprit répétition, résurrection vague d’images d’objets semblables à celui qui est actuellement perçu.

60. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. James Mill — Chapitre III : Sentiments et Volonté »

; 3° Les objets qualifiés de beaux et de sublimes. […] Il est pour lui un objet d’un grand intérêt, en d’autres termes, une suite d’idées intéressantes, c’est-à-dire d’idées de plaisirs ou de douleurs, s’associe avec l’enfant. […] Par ce seul fait qu’ils ont été l’objet d’actes de bonté répétés, ils deviennent un objet d’affection pour nous. […] Les objets appelés beaux ou sublimes et leurs contraires sont pour nous une troisième cause de plaisirs ou de peines. […] C’est ainsi que la richesse, le pouvoir, les dignités, nos semblables, les objets beaux et sublimes qui, comme nous l’avons vu, sont devenus par association des affections, deviennent aussi des motifs57.

61. (1906) La rêverie esthétique. Essai sur la psychologie du poète

S’il nous plaît de nous représenter un objet, nous sentons l’effort de vision mentale par lequel nous évoquons l’image ; pas un instant nous ne songeons à la prendre pour un objet réel ; elle nous apparaît comme un objet purement idéal, que nous situons dans un monde à part, en dehors de toute réalité. […] Et c’est aussi à des objets tout différents que nous l’attribuerons. […] Mais quand un objet présente à la fois ces deux caractères, on les distingue encore l’un de l’autre ; on les attribue à des qualités différentes de l’objet. […] L’objet est-il nouveau pour nous ? […] Que pourrait nous dire une image qui ne ressemblerait à aucun objet connu ?

62. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre troisième. Le souvenir. Son rapport à l’appétit et au mouvement. — Chapitre quatrième. L’aperception et son influence sur la liaison des idées »

L’attention est un état spécial de l’appétition, qui produit en effet l’entrée de l’objet au point de fixation ; mais c’est l’intelligence qui distingue ensuite et sépare les détails auparavant perdus ou confondus dans la masse grâce à leur insuffisante intensité. […] Nous pouvons donc admettre que l’aperception proprement dite est la réaction intellectuelle du sujet par rapport aux objets, réaction qui, en établissant un lien des objets au sujet et à ses divers modes de sentir ou d’agir, relie par cela même les objets entre eux. Cette réaction intellectuelle est d’ailleurs produite par un intérêt quelconque que le sujet sentant et agissant prend à ses sensations, en vertu de leur rapport à son état total ; l’intérêt sensible produit une concentration de l’activité intellectuelle dans la direction de tel objet, avec conscience plus ou moins claire de la réaction du sujet sur l’objet. […] L’aperception prétendue transcendantale, avec la forme pure du cogita, est un extrait et un abstrait de l’aperception empirique, qui elle-même est la réaction, non plus appétitive et émotionnelle, mais intellectuelle, de l’être vivant par rapport aux objets dont il subit l’action favorable ou défavorable. […] Le révérend Georges Henslaw, doué d’une faculté qu’avait déjà Gœthe, voit, quand il ferme les yeux et qu’il attend un moment, l’image claire de quelque objet : cet objet change de formes pendant aussi longtemps qu’il le regarde avec attention ; mais, en étudiant la série de formes qui se succèdent, on reconnaît que le passage de l’une à l’autre est fourni tantôt par des relations de contiguïté, tantôt par des relations de ressemblance réductibles elles-mêmes à la contiguïté.

63. (1896) Matière et mémoire. Essai sur la relation du corps à l’esprit « Avant-propos de la septième édition »

On étonnerait beaucoup un homme étranger aux spéculations philosophiques en lui disant que l’objet qu’il a devant lui, qu’il voit et qu’il touche, n’existe que dans son esprit et pour son esprit, ou même, plus généralement, n’existe que pour un esprit, comme le voulait Berkeley. Notre interlocuteur soutiendrait toujours que l’objet existe indépendamment de la conscience qui le perçoit. Mais, d’autre part, nous étonnerions autant cet interlocuteur en lui disant que l’objet est tout différent de ce qu’on y aperçoit, qu’il n’a ni la couleur que l’œil lui prête, ni la résistance que la main y trouve. Cette couleur et cette résistance sont, pour lui, dans l’objet : ce ne sont pas des états de notre esprit, ce sont les éléments constitutifs d’une existence indépendante de la nôtre. Donc, pour le sens commun, l’objet existe en lui-même et, d’autre part, l’objet est, en lui-même, pittoresque comme nous l’apercevons : c’est une image, mais une image qui existe en soi.

64. (1730) Des Tropes ou des Diférens sens dans lesquels on peut prendre un même mot dans une même langue. Traité des tropes pp. 1-286

Les objets qui font sur nous des impressions, sont toujours acompagnés de diférentes circonstances qui nous frapent, et par lesquelles nous désignons souvent, ou les objets mêmes qu’elles n’ont fait qu’acompagner, ou ceux dont elles nous réveillent le souvenir. Le nom propre de l’idée accessoire est souvent plus présent à l’imagination que le nom de l’idée principale, et souvent aussi ces idées accessoires, désignant les objets avec plus de circonstances que ne feroient les noms propres de ces objets, les peignent ou avec plus d’énergie, ou avec plus d’agrément. […] L’énigme est un discours qui ne fait point conoitre l’objet à quoi il convient, et c’est cet objet qu’on propose à deviner. […] Il faut remarquer qu’il y a des actions et des sentimens qui passent sur un objet qui en est le terme. […] Mais c’est plutot diviser qu’abstraire ; on apèle plus particulièrement faire abstraction, lorsque l’on considère quelque propriété des objets sans faire atention ni à l’objet, ni aux autres propriétés, ou lorsque l’on considère l’objet sans les propriétés.

65. (1913) Le bovarysme « Troisième partie : Le Bovarysme, loi de l’évolution — Chapitre II. Bovarysme essentiel de l’être et de l’Humanité »

À vrai dire la destruction de l’idée du moi à laquelle avait conclu déjà l’une de ces analyses précédentes avait bien pour effet de rendre sans objet toute l’amertume que semblait devoir entraîner après elle la découverte du caractère illusoire inhérent à l’effort humain. […] Mais dès qu’un pareil être sort de cet état d’inconscience où on le situe et, brisant son unité, se pose vis-à-vis de lui-même en une infinité d’objets pour une infinité de sujets, il ne semble pas possible de donner à cet acte une autre explication que le désir de prendre conscience de soi-même et de se donner à soi-même en représentation. […] En dehors de ces deux tentatives d’explication qui, ni l’une ni l’autre n’atteignent leur objet, il n’en reste pas d’autre que celle qui consiste à voir dans la conséquence même réalisée par la distinction de l’être eu objet et en sujet, la fin poursuivie par l’existence phénoménale : or cette conséquence, c’est la connaissance de soi, dont l’existence, avec tous ses modes, n’est plus ici que le moyen. Se diviser à l’infini, associer selon les proportions les plus variées le sujet, avec l’objet, se faire l’acteur de toutes les aventures afin d’en être le spectateur, tel apparaît le vœu de l’être phénoménal, à la fois inventeur et deviner d’énigme, auteur des charades sans nombre dont il cherche et divulgue le sens. […] Cet ensemble de croyances au moyen desquelles le sujet qui connaît est déterminé à être pour lui-même un objet d’étonnement, d’étude et de contemplation, apparaît ainsi que la manœuvre la plus avisée de l’être phénoménal pour satisfaire son désir de connaissance de soi-même.

66. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre sixième. La volonté — Chapitre deuxième. Le développement de la volonté »

L’animal n’a qu’à percevoir un objet, par exemple sa proie, pour que l’instinct développe sa série d’effets. […] Il faut, pour qu’il y ait volition, que le désir d’un objet soit d’abord prévalent, puis qu’il devienne le désir prévalent de faire ce qui est nécessaire pour atteindre l’objet. […] Il en résulte que le désir de la fin aboutit au désir des moyens, qui le remplace en partie, et que la volonté se trouve ainsi partagée entre plusieurs objets. […] La volonté implique la conscience de la causalité appartenant au sujet en tant que condition d’existence pour quelque objet. […] En tout cas, la conscience qui voit l’idée de l’objet désiré amener, par la tendance qu’elle enveloppe, l’existence de l’objet même, ne se demande point si cette idée se résout ou ne se résout pas en mouvements : il y a là une question métaphysique en dehors de la psychologie, et que la conscience pratique ne se pose pas.

67. (1913) Le bovarysme « Première partie : Pathologie du bovarysme — Chapitre VII. Le Bovarysme essentiel de l’existence phénoménale »

Ainsi peut se formuler, selon son caractère universel, cet antagonisme essentiel entre deux états, qui pourtant se conditionnent l’un l’autre, et cette énonciation tire son évidence de ce principe qu’il n’est de connaissance que d’un objet pour un sujet. […] Il ne s’appréhende lui-même que mêlé et confondu avec les objets qui le déterminent. […] D’ailleurs une présomption d’irréalité pèse déjà sur ces objets : lorsque, regardant de près à leur genèse on les voit émerger de la sensibilité même du sujet, n’est-on pas tenté de se demander s’ils ne sont pas de simples signes auxquels le moi confère la réalité par un acte de volonté arbitraire ? […] Or, il apparaît avec une nécessité logique et qui ne prête au moindre biais, que cet être unique ne peut se concevoir qu’autre qu’il n’est, puisque la division en objet et en sujet, condition de toute connaissance, brise son unité, puisque, absorbant toute la substance du réel, il ne peut tirer que de son sein les éléments de cette division. Cet acte initial par lequel l’être unique se distingue en sujet et en objet lève le rideau sur la fiction du monde phénoménal.

68. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 6, de la nature des sujets que les peintres et les poëtes traitent. Qu’ils ne sçauroient les choisir trop interressans par eux-mêmes » pp. 51-56

Qu’ils ne sçauroient les choisir trop interressans par eux-mêmes Des que l’attrait principal de la poësie et de la peinture, dès que le pouvoir qu’elles ont pour nous émouvoir et pour nous plaire vient des imitations qu’elles sçavent faire des objets capables de nous interresser : la plus grande imprudence que le peintre ou le poëte puissent faire, c’est de prendre pour l’objet principal de leur imitation des choses que nous regarderions avec indifference dans la nature : c’est d’emploïer leur art à nous répresenter des actions qui ne s’attireroient qu’une attention mediocre si nous les voïions veritablement. […] L’imitation agit toujours plus foiblement que l’objet imité : quidquid… etc. . […] Il s’ensuit donc que l’imitation de ces objets peut bien nous amuser durant quelques momens, qu’elle peut bien nous faire applaudir aux talens que l’ouvrier avoit pour l’imitation, mais elle ne sçauroit nous toucher. Nous loüons l’art du peintre à bien imiter, mais nous le blâmons d’avoir choisi pour l’objet de son travail des sujets qui nous interessent si peu. […] Mais cette inscription si courte fait faire les plus serieuses reflexions à deux jeunes garçons et à deux jeunes filles parées de guirlandes de fleurs, et qui paroissent avoir rencontré ce monument si triste en des lieux où l’on devine bien qu’ils ne cherchoient pas un objet affligeant.

69. (1896) Matière et mémoire. Essai sur la relation du corps à l’esprit « Chapitre IV. De la délimitation, et de la fixation des images. Perception et matière. Âme et corps. »

Quand mes yeux me donnent la sensation d’un mouvement, cette sensation est une réalité, et quelque chose se passe effectivement, soit qu’un objet se déplace à mes yeux, soit que mes yeux se meuvent devant l’objet. […] De quel objet, extérieurement aperçu, peut-on dire qu’il se meut, de quel autre qu’il reste immobile ? […] Tel est précisément l’objet de la chimie. […] Voici des objets qui changent de forme et qui se meuvent. […] Si nous répugnons naturellement, dans l’hypothèse dualiste, à accepter la coïncidence partielle de l’objet perçu et du sujet qui perçoit, c’est parce que nous avons conscience de l’unité indivisée de notre perception, au lieu que l’objet nous paraît être, par essence, indéfiniment divisible.

70. (1892) Boileau « Chapitre V. La critique de Boileau (Suite). Les théories de l’« Art poétique » (Fin) » pp. 121-155

Puis, comment le lecteur sentira-t-il la réalité des objets qu’on lui met sous les yeux, si on ne leur conserve pas l’aspect qu’il est accoutumé de voir ? […] Comme Molière et comme Racine, Boileau ne saurait admettre que la poésie n’ait pas pour objet de plaire. […] Ils nous paraissent subsister en eux-mêmes, et tirer leurs lois principales de leur définition, qui dépend elle-même des objets et des effets qui leur sont assignés. […] La poésie du bonhomme est une poésie de notaire, qui proprement, minutieusement fait l’inventaire de tous objets, meubles, lieux et personnes qu’il rencontre. […] En somme, l’art orne la nature, parce qu’il l’exprime dans des formes conventionnelles, dont l’objet est la beauté autant que la vérité.

71. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre III. Les grands artistes classiques — Chapitre II. Boileau Despréaux »

Le tempérament de Boileau — les satires pittoresques en donnent la preuve — le poussait à répondre : toute nature est objet de l’imitation artistique ; et l’imitation n’a pas d’autre limite que l’identité avec l’objet. […] Cependant, si l’on ne s’arrête pas aux détails, on voit que son but reste en somme l’équivalence de l’image à l’objet, la vraisemblance (au sens étymologique), l’illusion. […] Voilà pour l’objet : quant à l’expression, il la veut fine, délicate, observatrice de toutes les bienséances mondaines. […] Il ne regarde pas seulement l’objet ; il regarde aussi l’esprit humain, auquel il veut présenter l’objet ; et tant par une règle d’urbanité mondaine que par une tradition artistique de l’antiquité, il fait effort pour présenter l’objet par ses caractères agréables à l’esprit. […] Et voilà encore qui limite le choix ou détermine l’expression des objets : il en faut extraire, ou il y faut insinuer un caractère sensible, par où ils soient doux à l’âme.

72. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre premier. La solidarité sociale, principe de l’émotion esthétique la plus complexe »

. — Animation et personnification des objets. — Comment une suite de raisonnements abstraits peut nous intéresser et exciter la sympathie. […] Cette sorte de beauté propre à l’utile peut aller s’accentuant à mesure que s’accentue la parfaite adaptation de l’objet à son usage. […] Supposons une série de raisonnements abstraits sur des objets abstraits, par exemple une suite de théorèmes d’algèbre. […] Le premier élément est le plaisir intellectuel de reconnaître les objets par la mémoire. […] La sculpture et la peinture, — le vieux Socrate en a fait la remarque, — ont pour objet les modifications de la forme par le mouvement.

73. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 40, si le pouvoir de la peinture sur les hommes est plus grand que le pouvoir de la poësie » pp. 393-405

Ainsi les bruits et même les sons naturels ne nous affectent pas à proportion des objets visibles. […] Ils tirent leur force du rapport que la nature elle-même a pris soin de mettre entre les objets extérieurs et nos organes, afin de procurer notre conservation. […] La figure des objets, leur couleur, les reflais de la lumiere, les ombres, enfin tout ce que l’oeil peut appercevoir, se trouve dans un tableau comme nous le voïons dans la nature. […] Ainsi les objets que les tableaux nous presentent agissant en qualité de signes naturels, ils doivent agir plus promptement. […] On les renferme dans des bordures dorées qui jettent un nouvel éclat sur les couleurs, et qui semblent, en separant les tableaux des objets voisins, réunir mieux entr’elles les parties dont ils sont composez, à peu près comme il paroît qu’une fenêtre rassemble les differens objets qu’on voit par son ouverture.

74. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. John Stuart Mill — Chapitre II : La Psychologie. »

3° Enfin, dans notre vie ordinaire, tout objet visible est composé de parties très petites ou minima visibilia. […] Dans le second cas, nous les considérons principalement dans leur rapport avec un ou plusieurs groupes de cette possibilité de sensation que nous appelons l’objet. […] Un objet qui touche notre peau, même sans pression et sans causer aucune réaction musculaire, est rapporté spontanément à quelque cause externe. […] Si la volonté est supposée capable d’agir contre des motifs, la punition reste sans objet et sans justification115. […] Cette science a pour objet de déterminer comment et pourquoi certains modes de conduite sont nuisibles et d’autres utiles.

75. (1903) La pensée et le mouvant

Pour peu que l’objet ait été considéré un certain temps, ou revu à des moments divers, ce sont des millions d’images différentes de cet objet. […] Au contraire, l’analyse est l’opération qui ramène l’objet à des éléments déjà connus, c’est-à-dire communs à cet objet et à d’autres. […] En y regardant de près, on verrait que chacun d’eux ne retient de l’objet que ce qui est commun à cet objet et à d’autres. […] Essayer un concept à un objet, c’est demander à l’objet ce que nous avons à faire de lui, ce qu’il peut faire pour nous. Coller sur un objet l’étiquette d’un concept, c’est marquer en termes précis le genre d’action ou d’attitude que l’objet devra nous suggérer.

76. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Deuxième partie. Invention — Chapitre IV. De l’analogie. — Comparaisons et contrastes. — Allégories »

. — Allégories Un autre ressort de l’invention, dont l’usage est fréquent, consiste à chercher des analogies ou des différences : on se demandera à quoi l’objet ressemble le plus, à quoi il est le plus opposé. […] Le procédé naturel de l’esprit est alors la comparaison et l’opposition, qui éclairent et déterminent l’objet dont il est occupé. […] La réflexion travaillera là-dessus, éclaircira l’impression confuse, développera le germe, et joindra les objets par les côtés où ils se conviennent. […] On ne cherchera à quoi un objet ressemble que lorsqu’on saura bien ce qu’il est. […] Aussi peut-il être bon, la nature de l’objet une fois bien définie, de se le figurer par une représentation concrète.

77. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 22, que le public juge bien des poëmes et des tableaux en general. Du sentiment que nous avons pour connoître le mérite de ces ouvrages » pp. 323-340

Il est en nous un sens destiné pour juger du mérite de ces ouvrages, qui consistent en l’imitation des objets touchans dans la nature. Ce sens est le sens même qui auroit jugé de l’objet que le peintre, le poëte ou le musicien ont imité. […] Le coeur s’agite de lui-même et par un mouvement qui précede toute déliberation, quand l’objet qu’on lui présente est réellement un objet touchant, soit que l’objet ait reçu son être de la nature, soit qu’il tienne son existence d’une imitation que l’art en a faite. […] On pleure à une tragédie avant que d’avoir discuté si l’objet que le poëte nous y présente, est un objet capable de toucher par lui-même, et s’il est bien imité. […] On reconnoît si le poëte a choisi un objet touchant et s’il l’a bien imité ; comme on reconnoît sans raisonner si le peintre a peint une belle personne, ou si celui qui a fait le portrait de notre ami l’a fait ressemblant.

78. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section première. Des passions. — Chapitre III. De la vanité. »

Les peines de cette passion sont assez peu connues, parce que ceux qui les ressentent en gardent le secret, et que tout le monde étant convenu de mépriser ce sentiment, jamais on n’avoue les souvenirs ou les craintes dont il est l’objet. […] La figure d’une femme, quelle que soit la force ou l’étendue de son esprit, quelle que soit l’importance des objets dont elle s’occupe, est toujours un obstacle ou une raison dans l’histoire de sa vie ; les hommes l’ont voulu ainsi. […] L’imagination peut créer, embellir par ses chimères, un objet inconnu ; mais celui que tout le monde a jugé, ne reçoit plus rien d’elle. […] Les premiers qui s’éloigneraient, pourraient détacher ceux qui restent, et celle qui semble l’objet de toutes leurs pensées, s’aperçoit bientôt qu’elle retient chacun d’eux par l’exemple de tous. De quels sentiments de jalousie et de haine les grands succès d’une femme ne sont-ils pas l’objet !

79. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre cinquième. Le réalisme. — Le trivialisme et les moyens d’y échapper. »

Effets sur l’imagination du déplacement des objets dans l’espace. — Le sentiment de la nature et le pittoresque. […] La tâche de l’artiste naturaliste, nous l’avons vu, est de tirer d’objets vulgaires des émotions neuves, fraîches, poétiques, et pour cela de dérouter les associations d’idées habituelles et triviales qu’éveille en nous un objet trivial. […] Qui ne connaît le mot de Mme Necker : « Quand M. de Buffon voulait mettre sa grande robe sur de petits objets, elle faisait des plis partout. » Ces petits objets, c’était précisément l’essentiel dans l’art ; c’était ce qui fait la vie, la tendresse et la force à la fois. […] Il sert à attirer l’attention par le contraste de la nouveauté et à la concentrer sur l’objet qu’il nous représente. […] Le pittoresque sert à isoler les objets de leur milieu habituel, à dérouter nos associations trop vulgaires.

80. (1861) La Fontaine et ses fables « Troisième partie — Chapitre II. De l’expression »

Par cette puissance, l’imagination reproduit et remplace la vue ; le livre tient lieu de l’objet ; la phrase rend présente la chose qui n’est pas là. […] Les périphrases et les termes nobles, appliqués aux objets grossiers, sont une sorte de mensonge. […] Il est vrai qu’il peignait des animaux, et qu’on excusait des expressions vulgaires appliquées à des objets vulgaires. […] Les mots sont aussi particuliers que les objets. […] Les objets ne sont pas taillés ainsi en angles saillants, en formes géométriques.

81. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. John Stuart Mill — Chapitre I : De la méthode en psychologie »

II Ainsi le but de la psychologie est fixé : elle a pour objet les phénomènes de l’esprit. […] Le plus simple de tous les phénomènes, une sensation extérieure, a besoin, selon elle, d’un élément mental pour être une perception, et pour devenir ainsi, au lieu d’un état passif et fugitif de notre propre être, un objet durable extérieur à l’esprit. […] « Ce n’est que pour les esprits vulgaires qu’un grand et bel objet perd son charme, en perdant quelque chose de son mystère, en dévoilant une partie du procédé secret par lequel la nature l’a enfanté75. » M.  […] La psychologie a pour objet les lois les plus générales de la nature humaine : l’éthologie a pour objet les lois dérivées. […] Ainsi une science générale, abstraite, fondée sur l’observation et l’expérience, ayant pour objet les phénomènes fondamentaux de l’esprit humain, — et une science particulière, ayant pour objet les variétés du caractère : telle est la tâche presque inépuisable, et presque entièrement neuve, que M. 

82. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Note sur les éléments et la formation de l’idée du moi » pp. 465-474

Lorsqu’on lui parlait, il se sentait étourdi comme si plusieurs personnes lui parlaient à la fois… Il ne reconnaissait ni le goût ni l’odeur des mets, et ne distinguait pas les objets au toucher, les yeux fermés. […] En me mettant debout, j’étais titubant, les objets tournaient autour de moi, et j’eus des lueurs dans les yeux. […] Les objets paraissaient se rapetisser et s’éloigner à l’infini : hommes et choses étaient à des distances incommensurables. […] En regardant dans un verre très concave, nº 2 ou 3 par exemple (j’ai la vue à peu près normale), je ressens quelque chose d’analogue, à cela près que les objets me semblaient moins petits en ce moment-là. Il en est de même en regardant dans une lorgnette par le gros bout ; cette comparaison est même plus juste ; mais il faut la corriger ; aussi je veux dire que les objets me semblaient moins petits, mais beaucoup plus éloignés.

83. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre troisième. Suite de la Poésie dans ses rapports avec les hommes. Passions. — Chapitre IX. Du vague des passions. »

Il reste à parler d’un état de l’âme, qui, ce nous semble, n’a pas encore été bien observé : c’est celui qui précède le développement des passions, lorsque nos facultés, jeunes, actives, entières mais renfermées, ne se sont exercées que sur elles-mêmes, sans but et sans objet. […] D’une autre part, ils n’étaient pas enclins aux exagérations, aux espérances, aux craintes sans objets, à la mobilité des idées et des sentiments, à la perpétuelle inconstance, qui n’est qu’un dégoût constant ; dispositions que nous acquérons dans la société des femmes. […] Le monde n’est point l’objet de ses vœux, car il sait que l’homme vit peu de jours, et que cet objet lui échapperait vite. […] Dégoûtées par leur siècle, effrayées par leur religion, elles sont restées dans le monde, sans se livrer au monde : alors elles sont devenues la proie de mille chimères ; alors on a vu naître cette coupable mélancolie qui s’engendre au milieu des passions, lorsque ces passions, sans objet, se consument d’elles-mêmes dans un cœur solitaire55.

84. (1858) Du vrai, du beau et du bien (7e éd.) pp. -492

L’amour tend à s’unir à son objet : le mysticisme l’y absorbe. […] Cette unité vide sera-t-elle l’objet de l’amour ? […] L’objet que vous admirez n’agit-il pas sur moi comme sur vous ? […] Il y a d’abord les objets beaux à proprement parler et les objets sublimes. […] Voilà l’objet le plus élevé de l’art.

85. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXXVIII et dernier. Du genre actuel des éloges parmi nous ; si l’éloquence leur convient, et quel genre d’éloquence. »

Malheur à vous, si les intérêts des États, si les maux des hommes, si les remèdes à ces maux, si la vertu, si le génie, si tout ce qu’il y a de grand et de noble, vous laisse sans émotion, et si en traitant tous ces objets vous pouvez vous défendre à vous-même d’être éloquent ? […] Croit-on, en effet, que, dans toutes les beautés ou de la nature ou de l’art, ce soit l’idée d’un seul et même objet, ou une sensation simple qui nous attache ? […] Cette liaison intime, cette rapidité qui fait une partie de l’éloquence, ne peut naître que d’une âme ardente et sensible, et fortement affectée de l’objet qu’elle veut peindre ; mais il faut savoir quels sont les objets qui ont le droit d’affecter l’âme, et jusqu’où elle doit l’être. […] Que sur tous ces objets, s’il a une âme sensible et forte, il ne craigne pas de s’y abandonner ; la nature est pour lui. […] Plus une telle éloquence est noble, quand elle est appliquée à de grands objets, et qu’elle naît d’un sentiment vrai et profond, plus un faux enthousiasme et une fausse chaleur sont ridicules aux yeux de tout homme sensé.

86. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 4, du pouvoir que les imitations ont sur nous, et de la facilité avec laquelle le coeur humain est ému » pp. 34-42

L’imitation d’un objet hideux fait sur elles une impression qui approche trop de celle que l’objet même auroit faite. […] Ces objets ont toujours fait une grande impression sur les hommes, principalement dans les contrées où communément ils ont le sentiment très-vif, telles que sont les regions de l’Europe les plus voisines du soleil, et les côtes de l’Asie et de l’Afrique qui font face à ces regions. Qu’on se souvienne de la défense que les tables de la loi font aux juifs de peindre et de tailler des figures humaines : elles faisoient trop d’impression sur un peuple enclin par son caractere à se passionner pour tous les objets capables de l’émouvoir. […] Quand on fait attention à la sensibilité naturelle du coeur humain, à sa disposition pour être ému facilement par tous les objets dont les peintres et les poëtes font des imitations ; on n’est pas surpris que les vers et les tableaux mêmes puissent l’agiter. […] Une grande passion allumée par le plus petit objet est un évenement ordinaire.

87. (1865) La crise philosophique. MM. Taine, Renan, Littré, Vacherot

De ce que, dans l’absence d’un objet, l’idée que j’en ai est une véritable image de cet objet, comment conclurais-je que cette idée est encore une image quand l’objet est présent ? Qu’ai-je besoin d’image devant l’objet même ? […] Il y a des points fixes, et l’objet de la science est de les déterminer. […] La métaphysique a un objet réel, la théorie un objet idéal. […] Pour lui, l’idéal est l’objet d’une conception vraiment rationnelle.

88. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre XVI. De l’éloquence et de la philosophie des Anglais » pp. 324-337

Les Anglais se transportent dans le monde idéal de la poésie, mais ils ne mettent presque jamais de chaleur dans les écrits qui portent sur les objets réels. […] L’éloquence donc, au lieu de recevoir à cette époque une grande impulsion, a pris dès lors, par la nature même des objets qu’elle traitait, la forme de l’argumentation. Les intérêts de finances et de commerce ont été les premiers objets de tous les parlements d’Angleterre, et toutes les fois qu’on est appelé à discuter avec les hommes leurs intérêts de calcul, le raisonnement seul obtient leur confiance. La situation diplomatique de l’Europe, autre objet des débats parlementaires, a toujours exigé, par l’importance même de ses intérêts, une grande circonspection. […] S’il fallait prolonger un raisonnement, sa fausseté serait plus sensible ; si l’on pouvait le réfuter avec les formes qui servent à développer les vérités élémentaires, les esprits les plus communs finiraient par comprendre quel est l’objet de la question.

89. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre XIII : De la méthode »

Ils sont obligés à chaque pas de modifier l’objet, ou de remplacer leurs propres sens ; ils modifient l’objet par des coupures, des macérations, des injections, des opérations chimiques ; ils remplacent leurs propres sens par le microscope, ou par les indications des réactifs. […] Jouffroy a pour objet de couper les cheveux en quatre ou d’enseigner le français aux enfants ; non sans raison. […] Et pour faire ces découvertes, elle a besoin, comme les autres sciences, de remplacer l’instrument observateur ou modifier l’objet observé. […] Pour cela, on modifie l’objet observé ou l’on remplace l’instrument observateur. — Ces deux opérations accomplies, je ne vois plus rien à faire. Vous avez d’abord ramené la science à son objet ; maintenant vous agrandissez son domaine.

90. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Quatrième partie. Élocution — Chapitre VIII. De la clarté et des termes techniques »

La propriété du langage n’est plus absolue alors : elle est relative ; le mot propre est celui qui éveille le mieux dans l’esprit du lecteur l’idée de l’objet que l’écrivain veut désigner, et un à peu près que tout le monde entend, vaut mieux alors qu’un terme exact, que nul ne saisit. Si la propriété du langage est si fortement recommandée, c’est que par définition, et généralement, le mot propre est celui qui montre le mieux l’objet : là où il cesse de faire son office, où même il voile l’objet qu’il devrait montrer, au nom de cette même loi de propriété, il doit être repoussé : il cesse d’être, dans la circonstance, l’expression vraiment propre de l’objet. […] Tous les ouvrages faits pour une classe spéciale de lecteurs, traités de science, d’art, d’industrie, peuvent et doivent ainsi être rédigés dans la langue spéciale de ces lecteurs, et donner à chaque objet le nom exact qui l’y désigne pour eux. […] La langue que tout le monde parle emprunte aux langues spéciales des sciences et des métiers un certain nombre de termes techniques qui correspondent aux objets les plus usuels et les plus connus.

91. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre II. Des livres de géographie. » pp. 5-31

Il est difficile de se former une idée nette des objets, lorsqu’ils sont trop en petits. […] Cet ouvrage remplit très-bien son objet ; il est exact, curieux & intéressant. […] Le principal objet des voyages de ce Savant fut la Botanique. […] Chacun a son point de vue, son optique, son objet d’observation, sa façon de voir ; & cette diversité de vues, de goût, d’objets, &c. dans les voyageurs, varie toujours utilement ou agréablement leurs rélations. […] Ceux qui voudront approfondir cet objet pourront la consulter.

92. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre quatrième. L’expression de la vie individuelle et sociale dans l’art. »

Toutes les fois que l’art a pour objet les sensations, il se trouve en présence de lois scientifiques dont un grand nombre sont absolument incontestables. […] Le véritable objet de l’art c’est l’expression de la vie. […] L’objet de l’art, en effet, est de produire des émotions sympathiques et, pour cela, non pas de nous représenter de purs objets de sensations ou de pensées, au moyen de faits significatifs, mais d’évoquer des objets d’affection, des sujets vivants avec lesquels nous puissions entrer en société. Toutes les règles concernant ce nouvel objet de l’art aboutissent à déterminer dans quelles conditions se produit l’émotion sympathique ou antipathique. […] Mais ce centre où l’individu se confond avec l’humanité éternelle n’est qu’un point de la vie mentale ; il ne peut constituer l’objet unique de l’art.

93. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Livre deuxième. Les images — Chapitre II. Lois de la renaissance et de l’effacement des images » pp. 129-161

Si, après plusieurs années d’absence, on rentre dans la maison paternelle ou dans le village natal, une multitude d’objets et d’événements oubliés reparaissent à l’improviste. […] C’est en vertu de cette disproportion que les impressions d’enfance sont si persistantes ; l’âme étant toute neuve, les objets et les événements ordinaires y sont surprenants. […] Quelle que soit l’espèce d’attention, involontaire ou volontaire, elle opère toujours de même ; l’image d’un objet ou d’un événement est d’autant plus capable de résurrection et de résurrection complète, qu’on a considéré l’objet ou l’événement avec une attention plus grande. […] Cette loi d’effacement s’étend fort loin, car elle s’applique non seulement aux diverses apparences du même objet, mais encore aux divers objets de la même classe ; or tous les objets de la nature se groupent en classes. […] Elle fut obligée d’apprendre de nouveau à épeler, à lire, à écrire, à calculer, à connaître les objets et les personnes qui l’entouraient.

94. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section première. Des passions. — Chapitre V. Du jeu, de l’avarice, de l’ivresse, etc. »

Après ce sentiment malheureux et sublime qui fait dépendre d’un seul objet le destin de notre vie, je vais parler d’une sorte de passions qui soumettent l’homme au joug des sensations égoïstes. […] Il est, et je tâcherai de le prouver dans la troisième partie de cet ouvrage, il est des distractions utiles et constantes pour l’homme qui sait se dominer ; mais la foule des êtres passionnés, qui veulent échapper à leur ennemi commun, la sensation douloureuse de la vie, se précipitent dans une ivresse qui, confondant les objets, fait disparaître la réalité de tout. […] Mais, indépendamment de tout ce qu’il faut hasarder et perdre pour se mettre dans une situation qui vous procure de telles sortes de jouissances, il n’existe rien de plus pénible que l’instant qui succède à l’émotion ; le vide qu’elle laisse après elle, est un plus grand malheur que la privation même de l’objet dont l’attente vous agitait. […] Et comme tous les sentiments qui ont le caractère de la passion, dévorent jusqu’à l’objet même qu’ils chérissent ; l’égoïsme devient destructeur du bien-être qu’il veut conserver, et l’avarice interdit tous les avantages que l’argent pourrait valoir. […] quel homme peut se choisir pour l’objet de sa pensée, sans admettre d’intermédiaire entre sa passion et lui-même !

95. (1840) Kant et sa philosophie. Revue des Deux Mondes

Tant que les mathématiques s’arrêtèrent à la partie variable des objets mesurables, il est probable qu’elles eurent leur époque d’incertitude et de tâtonnement. […] On s’est occupé des objets de nos connaissances et non de l’esprit qui connaît ; on a demandé ce que c’était que Dieu, s’il était ou s’il n’était pas ; on a fait des systèmes sur le monde ; on a comparé les divers êtres entre eux ; on a saisi des rapports ; on a tiré des conséquences, toujours en travaillant sur des objets, c’est-à-dire sur des existences hypothétiques. […] Copernic, voyant qu’il était impossible d’expliquer les mouvemens des corps célestes, si l’on supposait que ces corps tournent autour de la terre immobile, fit tourner la terre avec eux autour du soleil ; de même Kant, au lieu de faire tourner l’homme autour des objets, fit tourner les objets autour de l’homme. […] La matière de la connaissance nous est fournie par le dehors et par les objets extérieurs ; la forme vient de l’intérieur, du sujet même capable de connaître. […] On ne peut pas se prononcer plus nettement. « Nul doute, dit-il, que toutes nos connaissances ne commencent avec l’expérience ; car par quoi la faculté de connaître serait-elle sollicitée à s’exercer, si ce n’est par les objets qui frappent nos sens, et qui d’une part produisent en nous des représentations d’eux-mêmes, et de l’autre mettent en mouvement notre activité intellectuelle et l’excitent à comparer ces objets, à les unir ou à les séparer, et à mettre en œuvre la matière grossière des impressions sensibles pour en composer cette connaissance des objets que nous appelons expérience ?

96. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Conclusion. »

Les goûts font mettre un nouveau prix à ce qu’on possède ou à ce qu’on peut obtenir ; mais les passions ne s’attachent dans toute leur force qu’à l’objet qu’on a perdu, qu’aux avantages qu’on s’efforce en vain d’acquérir. […] Depuis la gloire, qui a besoin du suffrage de l’univers, jusqu’à l’amour, qui rend nécessaire le dévouement d’un seul objet, c’est en raison de l’influence des hommes sur nous que le malheur doit se calculer ; et le seul système vrai pour éviter la douleur, c’est de ne diriger sa vie que d’après ce qu’on peut faire pour les autres, mais non d’après ce qu’on attend d’eux. […] Tel homme est conduit par ses goûts naturels dans le port, où tel autre ne peut être porté que par les flots de la tempête ; et tandis que tout est calculé d’avance dans le monde physique, les sensations de l’âme varient selon la nature de l’objet et de l’organisation morale de celui qui en reçoit l’impression. […] Une distraction absolue étant impossible, j’ai essayé si la méditation même des objets qui nous occupent, ne conduisait pas au même résultat, et si, en approchant du fantôme, il ne s’évanouissait pas plutôt qu’en s’en éloignant. […] tantôt la superstition défend de penser, de sentir, déplace toutes les idées, dirige tous les mouvements en sens inverse de leur impulsion naturelle, et sait vous attacher à votre malheur même, dès qu’il est causé par un sacrifice ou peut en devenir l’objet ; tantôt la passion ardente, effrénée, ne sait pas supporter un obstacle, consentir à la moindre privation, dédaigne tout ce qui est avenir, et poursuivant chaque instant comme le seul, ne se réveille qu’au but ou dans l’abîme.

97. (1861) La Fontaine et ses fables « Troisième partie — Chapitre III. Théorie de la fable poétique »

Il démêle la nature de l’objet à travers la nuée des circonstances qui l’obscurcissent et la multitude des détails qui l’enveloppent. […] Savoir est donc considérer à part certains points d’un objet en négligeant le reste. […] On fera comme la nature, qui jette à profusion les qualités sur chaque objet, et ne souffre pas deux choses semblables dans l’univers. […] Les mots les plus familiers et les plus originaux sont accourus sur les lèvres, parce que seuls ils peignent tout l’objet d’un seul coup. […] Ainsi réunis par un nouveau lien, les objets et les événements prennent un nouveau relief.

98. (1765) Articles de l’Encyclopédie pp. 11-15754

Ce sont des termes métaphysiques formés à l’imitation des mots qui marquent des objets réels. […] Le sentiment uniforme que tous les objets blancs excitent en nous, nous a fait donner le même nom qualificatif à chacun de ces objets. […] L’usage où nous sommes tous les jours de donner des noms aux objets des idées qui nous représentent des êtres réels, nous a porté à en donner aussi par imitation aux objets métaphysiques des idées abstraites dont nous avons connoissance : ainsi nous en parlons comme nous faisons des objets réels. […] Parle-t-on d’un objet singulier : l’adjectif doit avoir la terminaison destinée à marquer le singulier. […] Comme nous ne pouvons pénétrer par nos sens jusqu’à l’intérieur des objets, l’analogie est pour nous ce qu’est le témoignage des autres, quand ils nous parlent d’objets que nous n’avons ni vûs, ni entendus.

99. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section II. Des sentiments qui sont l’intermédiaire entre les passions, et les ressources qu’on trouve en soi. — Chapitre II. De l’amitié. »

L’amitié n’est point une passion, car elle ne vous ôte pas l’empire de vous-même ; elle n’est pas une ressource qu’on trouve en soi, puisqu’elle soumet au hasard de la destinée et du caractère des objets de son choix : enfin, elle inspire le besoin du retour et sous ce rapport d’exigence, elle fait ressentir beaucoup des peines de l’amour, sans promettre des plaisirs aussi vifs. […] si l’on n’est pas content de l’activité de son ami, si l’on croit avoir à s’en plaindre, à la perte de l’objet de ses désirs viendra bientôt se joindre le chagrin plus amer de douter du degré d’intérêt que votre ami mettait à vous seconder. […] Mais quand cet objet unique serait rencontré, la destinée, l’absence ne pourraient-elles pas troubler le bonheur d’un tel lien ? […] Si ces deux amis, au contraire, n’ont point de premier objet, ils voudront obtenir, l’un de l’autre, cette préférence suprême. […] Sans doute, l’homme qui s’est vu l’objet de la passion la plus profonde, qui recevait à chaque instant une nouvelle preuve de la tendresse qu’il inspirait, éprouvait des émotions plus enivrantes ; ces plaisirs, non créés par soi, ressemblent aux dons du ciel, ils exaltent la destinée ; mais ce bonheur d’un jour gâte toute la vie, le seul trésor intarissable, c’est son propre cœur.

100. (1913) Le bovarysme « Quatrième partie : Le Réel — IV »

La création de l’objet et du sujet qui, du point de vue métaphysique, est tenue pour l’œuvre de l’être universel mû par un désir de possession de soi-même dans un état de connaissance, s’accomplit en chaque moi humain. […] *** On a dit que parmi le mouvement de dissociation universelle qui commence avec la division de l’Être en objet et en sujet et se propage en une suite indéfinie de subdivisions, l’esprit serait impuissant à saisir aucun objet si, par une décision arbitraire et qui ne se justifie que par un désir de connaissance, il n’usait à quelque moment de son pouvoir d’arrêt. […] En même temps le triomphe de ce pouvoir d’arrêt crée dans l’esprit une fiction : quelque objet fragmentaire et que le pouvoir de dissociation pourra dissoudre dès qu’il viendra à l’emporter sur le pouvoir adverse, quelque objet fragmentaire est tenu momentanément pour une unité indécomposable, pour un corps solide qu’il est possible de combiner avec d’autres unités analogues afin d’en composer la diversité des corps de l’univers. […] L’objet de cette science en effet s’est en peu de temps entièrement transformé. […] Elle consiste à tenir pour une conséquence inévitable et métaphysique de la distinction de l’être en objet et en sujet l’intervention de ces notions de temps, d’espace et de cause.

101. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre sixième. La volonté — Chapitre premier. Existence de la volonté »

La « représentation », comme telle, exprime surtout les relations de l’être vivant avec les autres objets, conséquemment le reflet de ces objets en lui ; la volition, le désir, le plaisir et la peine, en ce qu’ils ont de constitutif, expriment la nature même et le développement propre de l’être vivant. […] Sans doute, quand nous essayons de nous représenter le vouloir, nous n’y parvenons qu’en l’incorporant dans un objet, — désir de telle chose, vouloir de tel mouvement, — car nous ne pouvons vouloir à vide ; mais cette présence nécessaire d’un objet, qui seul donne à la volonté une détermination représentable, n’empêche pas la volonté même d’être avant tout nécessaire. […] Elle constitue donc un complet processus psychique avec ses trois moments inséparables : 1° modification subie et sentie par un discernement immédiat, 2° plaisir ou peine, 3° réaction vers l’objet ou à l’opposé de l’objet. […] Concluons que, dans la conception même du fait psychologique, on trouve impliquées : 1° la distinction de sujet conscient et d’objets qui sont présentés ou représentés à la conscience sous une forme quelconque (sensations, idées, etc.) ; 2° la relation des objets, harmonie ou conflit, avec le sujet même, relation qui se manifeste par le caractère agréable ou pénible de la sensation ; 3° une réaction quelconque du sujet par rapport à l’objet, une activité quelconque d’ordre subjectif, qui est le fond du vouloir. […] « En soulevant un objet, dit Münsterberg, je ne puis découvrir aucune sensation d’énergie volitionnelle.

102. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section première. Des passions. — Chapitre IV. De l’amour. »

Mais quand c’est au premier objet de ses affections que la vie est consacrée, tout est positif, tout est déterminé, tout est entraînant, il le veut, il en a besoin, il en sera plus heureux ; un instant de sa journée pourra s’embellir au prix de tels efforts. […] Une telle origine, ne peut garantir ni le bonheur, ni la durée d’une liaison ; cependant dès que l’amour existe, l’illusion est complète ; et rien n’égale le désespoir que fait éprouver la certitude d’avoir aimé un objet indigne de soi. […] pendant longtemps encore la passion que l’on ressent rend impossible de croire qu’on ait cessé d’intéresser l’objet de sa tendresse : il semble que l’on éprouve un sentiment qui doit se communiquer ; il semble qu’on n’est séparé que par une barrière qui ne vient point de sa volonté ; qu’en lui parlant, en le voyant, il ressentira le passé, il retrouvera ce qu’il a éprouvé ; que des cœurs qui se sont tout confiés, ne peuvent cesser de s’entendre, et rien ne peut faire renaître l’entraînement dont une autre a le secret, et vous savez qu’il est heureux loin de vous, qu’il est heureux souvent par l’objet qui vous rappelle le moins ; les traits de sympathie sont restés en vous seule, leur rapport est anéanti. […] C’est là mourir en effet, que n’affliger, ni punir, ni rattacher dans son souvenir, l’objet qui vous a trahi ; et le laisser à celle qu’il préfère, est une image de douleur qui se place au-delà du tombeau, comme si cette idée devait vous y suivre. […] cette douleur, sans bornes, est la moins redoutable de toutes : comment survivre à l’objet dont on était aimé, à l’objet qu’on avait choisi pour l’appui de sa vie, à celui qui faisait éprouver l’amour tel qu’il anime un caractère tout entier créé pour le ressentir ?

103. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre I. Littérature héroïque et chevaleresque — Chapitre IV. Poésie lyrique »

Le monde extérieur n’était pour nous qu’un objet intelligible : et quand notre intelligence trop faible encore ne s’y appliquait pas pour en tirer des concepts, notre volonté en faisait le champ de son action : nous ne voyions dans la nature que nous-mêmes, l’objet qu’elle présentait et l’obstacle qu’elle opposait à nos ambitions. […] Les femmes ont eu aussi une part considérable dans la création de la poésie provençale : bien plus encore que dans le Nord, elle fut leur œuvre, et reçut d’elles sa matière et son objet. […] Il ne peut naître que pour un objet excellent et dans un sujet excellent. […] Si on analyse le contenu de cette forme originale de l’amour dont les Provençaux ont enrichi la littérature, elle repose sur l’idée de la perfection conçue comme s’imposant à la fois à l’intelligence et à la volonté, devenant en en même temps que connaissance, et sur la préférence désintéressée qui fait que le moi subordonne son bien au bien de l’objet aimé, selon l’ordre des degrés de perfection qu’il découvre en soi et dans l’objet. […] Quel est l’objet qui paraîtra digne, le sujet qui sera capable d’une telle dévotion ?

104. (1923) Paul Valéry

Lucien Fabre, est définie par son appareil et non par son objet. […] Cette absence du reste de l’univers, le philosophe, Berkeley, Kant ou Bergson, la connaît, et il nie l’objet en tant qu’objet. […] Quel objet ? […] Il formule poétiquement un objet métaphysique, et dès lors cet objet devient tout poétique. Ce n’est pas la technique qui suit l’objet, c’est l’objet qui suit la technique, et qui ne forme objet que parce que le regard découve en lui les lignes d’une technique possible.

105. (1889) Essai sur les données immédiates de la conscience « Chapitre II. De la multiplicité des états de conscience. L’idée de durée »

On nous accordera d’ailleurs sans peine que toute opération par laquelle on compte des objets matériels implique la représentation simultanée de ces objets, et que, par là même, on les laisse dans l’espace. […] Quand nous parlons d’objets matériels, nous faisons allusion à la possibilité de les voir et de les toucher ; nous les localisons dans l’espace. […] De là vient que nous confondons le sentiment même, qui est dans un perpétuel devenir, avec son objet extérieur permanent, et surtout avec le mot qui exprime cet objet. […] Nous n’insisterons pas sur ce dernier point, qui sera l’objet d’un examen approfondi dans le chapitre suivant. […] Sans cette distinction capitale, qui fait le principal objet de notre second chapitre, on pourrait soutenir, avec M. 

106. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Seconde partie. De l’état actuel des lumières en France, et de leurs progrès futurs — Chapitre VI. De la philosophie » pp. 513-542

L’on pourrait dire avec justesse, qu’il n’existe que deux manières d’appuyer ses raisonnements sur les objets au dehors de nous, la philosophie ou les miracles. […] On a l’art d’exciter une dispute sur deux propositions identiques, et l’on croit avoir deux idées, parce qu’en se servant d’un langage équivoque on fait paraître les objets doubles. […] Les penseurs, repoussés de toutes parts par la folie de l’esprit de parti, s’attachent à ces études ; et comme la puissance de la raison est toujours la même, à quelque objet qu’elle s’applique, l’esprit humain qui serait peut-être menacé d’une longue décadence, s’il n’avait eu que les querelles des factions pour aliment, l’esprit humain se conserve par les sciences exactes, jusqu’à ce que l’on puisse appliquer de nouveau la force de la pensée aux objets qui intéressent la gloire et le bonheur des sociétés. […] Si l’on pouvait découvrir un jour dans le calcul des probabilités, une méthode qui pût convenir aux objets purement moraux, ce serait faire un pas immense dans la carrière de la raison. […] Une opinion abstraite qui devient l’objet d’un sentiment fanatique, produit dans l’homme les effets les plus remarquables.

107. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre septième. Les altérations et transformations de la conscience et de la volonté — Chapitre premier. L’ubiquité de la conscience et l’apparente inconscience »

Il prend pour lui les fonctions de prévoyance et de mémoire, les idées et les réactions à l’égard d’objets absents ; il ne laisse aux ganglions inférieurs que le soin de réagir à l’égard d’objets présents, sous l’aiguillon immédiat de la sensation actuelle. […] Ainsi, dans un objet animé d’une grande vitesse, un arrêt subit transforme le mouvement de translation en chaleur et en lumière. […] Si le sujet pense spontanément à une personne à un objet, à un chiffre, ou si on le prie de penser à tout cela, sa main anesthésique, qui tient une plume, « écrit aussitôt, dit M. Binet, le nom de cette personne ou de l’objet, ou le chiffre. » Le sujet, quand ses yeux sont fermés ou que son attention est portée ailleurs, ne s’aperçoit pas du mouvement de sa main, qui révèle à l’expérimentateur le fond intime de sa pensée. […] Il y a entre les diverses parties du cerveau un commerce, un échange de tensions qui fait que l’activité mentale change sans cesse de centre, de forme et d’objet.

108. (1907) L’évolution créatrice « Introduction »

Mais une intelligence tendue vers l’action qui s’accomplira et vers la réaction qui s’ensuivra, palpant son objet pour en recevoir à chaque instant l’impression mobile, est une intelligence qui touche quelque chose de l’absolu. […] Mais ces difficultés, ces contradictions naissent de ce que nous appliquons les formes habituelles de notre pensée à des objets sur lesquels notre industrie n’a pas à s’exercer et pour lesquels, par conséquent, nos cadres ne sont pas faits. La connaissance intellectuelle, en tant qu’elle se rapporte à un certain aspect de la matière inerte, doit au contraire nous en présenter l’empreinte fidèle, ayant été clichée sur cet objet particulier. […] Elle obtient ainsi un symbolisme commode, nécessaire même peut-être à la science positive, mais non pas une vision directe de son objet. […] Un des principaux objets de cet Essai était en effet de montrer que la vie psychologique n’est ai unité ni multiplicité, qu’elle transcende et le mécanique et l’intelligent, mécanisme et finalisme n’ayant de sens que là où il y a « multiplicité distincte », « spatialité », et par conséquent assemblage de parties préexistantes : « durée réelle » signifie à la fois continuité indivisée et création.

109. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Avant-Propos. » pp. -

Ajoutons que les objets ne s’arrangent & ne se gravent jamais mieux dans l’esprit, que lorsqu’ils ont été vivement discutés. […] Ces raisons nous ont engagé à parler de toutes sortes de querelles, des personnelles comme des autres, en choisissant néanmoins celles qui nous ont paru les plus dignes d’attention, ou par le nom des auteurs, ou par leur objet. […] Quelque petit que soit l’objet de leurs querelles, c’est le moyen de lui donner une sorte d’importance. […] L’objet du marquis d’Argens, partout ailleurs assez superficiel, est d’afficher, dans cet ouvrage, l’érudition la plus profonde, & de prodiguer fastueusement les citations Grecques & Latines, le tout pour prouver, ce qui n’a pas besoin de preuves, que les grands hommes sont hommes comme les autres. […] Il a fallu nécessairement abandonner ici l’ordre chronologique, pour éviter la répétition ennuyeuse des mêmes disputes ; pour ne les pas voir prises & reprises, & souvent effleurées ; pour avoir un but fixe, & ne pas faire un cahos de tant d’objets différens.

110. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article » pp. 378-380

Cet Ecrivain est comme Montagne, il perd continuellement son objet de vue, mais n’a pas, comme lui, l’art de répandre de la force & de l’agrément dans ses écarts. Montagne a le talent de développer tellement chacun des objets successifs, qu’il devient l’objet principal, & fait oublier volontiers le point duquel l’Ecrivain est parti ; on s’y arrête avec complaisance, par le nouvel intérêt qu’il inspire. […] Elles sont trop courtes pour attacher, trop multipliées pour fixer l’attention sur aucun objet.

111. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre premier. De la première époque de la littérature des Grecs » pp. 71-94

Cette observation me paraît s’appliquer encore à beaucoup d’autres objets qu’à ceux qui sont uniquement du ressort de la littérature. […] C’est dans le premier genre, c’est par la description animée des objets extérieurs que les Grecs ont excellé dans la plus ancienne époque de leur littérature. […] La puissance de la raison se développe et s’étend chaque jour à des objets nouveaux. […] Tous les objets se présentent un à un aux regards d’Homère ; il ne choisit pas toujours avec sévérité, mais il peint toujours avec intérêt. […] L’amour, tel qu’ils le peignaient, est une maladie, un sort jeté par les dieux, un genre de délire, qui ne suppose aucune qualité morale dans l’objet aimé.

112. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre VIII. De l’invasion des peuples du Nord, de l’établissement de la religion chrétienne, et de la renaissance des lettres » pp. 188-214

La religion, sans altérer la nature de leur courage, parvint à lui donner un autre objet. […] La félicité de l’homme s’accrut de toute l’indépendance qu’obtint l’objet de sa tendresse ; il put se croire aimé ; un être libre le choisit ; un être libre obéit à ses désirs. […] Tous les rapports se sont doublés, pour ainsi dire, depuis que les objets ont été considérés sous un point de vue tout à fait nouveau. […] Le bonheur des autres n’est point l’objet de la morale des anciens ; ce n’est pas les servir, c’est se rendre indépendant d’eux, qui est le but principal de tous les conseils des philosophes. […] Mais le genre d’esprit qui rend propre à l’étude des sciences, se formait par les disputes sur les dogmes, quoique leur objet fût aussi puéril qu’absurde.

113. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Livre quatrième. Les conditions physiques des événements moraux — Chapitre II. Rapports des fonctions des centres nerveux et des événements moraux » pp. 317-336

. — Deux objets nous semblent différents quand les voies par lesquelles nous acquérons leurs idées sont différentes. — Exemples. — La loi générale s’applique au cas dont il s’agit. — Différence absolue entre le procédé pair lequel nous acquérons l’idée d’une sensation et le procédé par lequel nous acquérons l’idée des centres nerveux et de leurs mouvements moléculaires. — Les deux idées doivent, être irréductibles entre elles. — Il est possible que leurs deux objets soient un seul et même objet. […] Tel est le cas pour les objets que nous connaissons par les sens. […] Au contraire, l’autre point de vue, qui est la perception extérieure, est indirect : il ne nous renseigne en rien sur les caractères propres de son objet ; il nous renseigne simplement sur une certaine classe de ses effets. L’objet ne nous est pas montré directement, il nous est désigné indirectement par le groupe de sensations qu’il éveille ou éveillerait en nous158. En lui-même, cet objet physique et sensible nous demeure tout à fait inconnu ; tout ce que nous savons de lui, c’est le groupe de sensations qu’il provoque en nous.

114. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Livre deuxième. Les images — Chapitre premier. Nature et réducteurs de l’image » pp. 75-128

Il faut donc admettre « que les objets imaginaires, lorsqu’ils absorbent l’attention, produisent, pendant ce temps-là, la persuasion de leur existence réelle ». […] « On sait que les personnes qui se servent habituellement du microscope voient quelquefois reparaître spontanément, plusieurs heures après qu’elles ont quitté leur travail, un objet qu’elles ont examiné très longtemps. » M.  […] Baillarger vit les objets se couvrir de gaze, « c’était, dit-il, surtout dans l’obscurité et quand je cessais d’appliquer mon esprit35 ». […] Il m’est arrivé plusieurs fois de lui abaisser moi-même les paupières, et aussitôt elle me nommait une foule d’objets qui lui apparaissaient ». […] De quelque côté qu’il regarde, les objets se transforment en spectres qui représentent tantôt des araignées monstrueuses qui se dirigent vers lui pour boire son sang, tantôt des militaires avec des hallebardes.

115. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXVIII. Des obstacles qui avaient retardé l’éloquence parmi nous ; de sa renaissance, de sa marche et de ses progrès. »

Le mauvais goût ne peut guère exister que chez un peuple réuni en corps de société, où l’esprit naturel est gâté par le luxe, par les vices, par l’excès de la vanité, et le désir secret d’ajouter à chaque objet ou à chaque idée, pour augmenter l’impression naturelle que cet objet doit faire. […] Ainsi, tout se dénature, et aucun objet n’est présenté tel qu’il existe. […] Elle commence par s’élancer au-dehors ; elle parcourt tous les objets, et, à l’aide de ses sens, elle s’empare de l’univers physique. […] Les grands objets inspirent de grandes idées ; il est impossible de n’être pas quelquefois sublime en parlant de Dieu, de l’éternité et du temps. Newton même, selon la remarque d’un écrivain philosophe67, Newton était éloquent sur ces objets.

116. (1927) Quelques progrès dans l’étude du cœur humain (Freud et Proust)

Autrement dit : Nous ne sommes jamais tout entiers disponibles pour notre esprit, tout entiers objets de conscience. […] Il est évident que ce désir mobile, déplaçable, qu’il décrit, n’aura besoin de rien recevoir de l’objet qu’il choisira, ne pourra même rien en recevoir et que c’est de sa propre ressource toute seule que sera formée dans l’esprit de l’amoureux l’image de l’objet aimé. […] Il est caché hors de son domaine et de sa portée, en quelque objet matériel (en la sensation que nous donnerait cet objet matériel), que nous ne soupçonnons pas. Cet objet, il dépend du hasard que nous le rencontrions avant de mourir, ou que nous ne le rencontrions pas. […] Il fallait d’abord que l’objet se constituât.

117. (1881) La parole intérieure. Essai de psychologie descriptive « Chapitre premier. Aperçu descriptif. — Histoire de la question »

Elle reparaît à plus forte raison si notre attention se laisse détourner, si nous cessons d’écouter, nous reprenant à suivre le cours de nos pensées ou nous laissant séduire à contempler les objets qui nous entourent. […] Il amende lui-même ses premières formules : « Notre intelligence, dit-il, tant que le mot propre ne fixe pas l’objet avec précision, n’a que des aperçus vagues, confus, incomplets, de ses propres pensées. […] Nous arrêterons ici nos critiques, la suite de la doctrine dépassant désormais l’objet de la psychologie descriptive. […] Bossuet exclut du langage humain le pur spirituel, tandis que, pour Bonald, le pur spirituel est l’objet propre du langage. […] Dissertation, p. 248, où il appelle les idées des objets.

118. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article » pp. 348-356

Il étoit doué par excellence de cet esprit observateur, qui ne néglige aucune face des objets. […] Quoique le systême de l’Esprit des Loix ne paroisse pas offrir un enchaînement toujours suivi, l’Auteur ne s’écarte jamais de son objet. Ses chapitres font autant de petits corps de lumiere, qui, réunis ensemble, forment un Tout, dont l’effet est d’éclairer & de diriger l’esprit du Lecteur sur les objets qu’il doit appercevoir & sentir. […] Semblable à un Architecte, qui, sur les débris informes d’un édifice miné, en traceroit le plan, en dessineroit les proportions, en sentiroit les beautés & les défauts, & assigneroit, sur les plus foibles indices, la cause de sa chute : son génie, par d’heureuses combinaisons, a ranimé les objets effacés, a rappelé ceux qui avoient disparu, en a recréé de nouveaux, pour achever le tableau qu’il vouloit mettre sous les yeux. […] Les principes du Christianisme, bien gravés dans le cœur, seroient infiniment plus forts que ce faux honneur des Monarchies, ces vertus humaines des Républiques, & cette crainte servile des Etats despotiques… Chose admirable, dit-il ailleurs, la Religion Chretienne, qui ne semble avoir d’objet que la félicité de l’autre vie, fait encore notre bonheur dans celle-ci ».

119. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « Conclusion »

La psychologie a pour objet les faits de conscience, leurs lois, leurs causes immédiates, leurs conditions. […] Les objets que nous appelons externes (un homme, une maison), sont des agrégats formés par association simultanée. […] Elle est l’œuvre commune du sujet sentant et de l’objet senti289. […] Quand je perçois un chêne, ma perception correspond à un objet externe particulier, mais n’en est pas la copie. La perception est un produit qui diffère de ses deux facteurs (sujet. objet), comme l’eau diffère de l’oxygène et de l’hydrogène.

120. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Seconde partie. De l’état actuel des lumières en France, et de leurs progrès futurs — Chapitre V. Des ouvrages d’imagination » pp. 480-512

Les habitants d’un pays dans lequel ces abus n’existeraient pas, accorderaient à peine un léger sourire aux dérisions qui auraient ces préjugés pour objet. […] Ce qu’on se plaît à tourner en dérision, sous une monarchie, ce sont les manières qui font disparate avec les usages reçus ; ce qui doit être l’objet, dans une république, des traits de la moquerie, ce sont les vices de l’âme qui nuisent au bien général. […] La comédie doit combattre cette disposition détestable, en lui faisant manquer son objet. […] Au dehors, tout est vu, tout est jugé ; l’être moral, dans ses mouvements intérieurs, reste seul encore un objet de surprise, peut seul causer une impression forte. […] Les romans, la poésie, les pièces dramatiques, et tous les écrits qui semblent n’avoir pour objet que d’intéresser, ne peuvent atteindre à cet objet même qu’en remplissant un but philosophique.

121. (1765) Essais sur la peinture pour faire suite au salon de 1765 « Mes petites idées sur la couleur » pp. 19-25

S’il est ictérique et qu’il voie tout jaune, comment s’empêchera-t-il de jeter sur sa composition le même voile jaune que son organe vicié jette sur les objets de la nature, et qui le chagrine, lorsqu’il vient à comparer l’arbre vert qu’il a dans son imagination, avec l’arbre jaune qu’il a sous ses yeux ? […] Mais restituez cette femme au milieu des objets dont elle est environnée, et en même temps le satin et sa couleur reprendront leur effet. C’est que tout le ton est trop faible ; mais chaque objet perdant proportionnellement, le défaut de chacun vous échappe : il est sauvé par l’harmonie. […] C’est celui qui a pris le ton de la nature et des objets bien éclairés, et qui a su accorder son tableau. […] S’il a donné telle ou telle couleur à un objet, on peut être sûr que l’objet voisin sera de telle ou telle couleur.

122. (1805) Mélanges littéraires [posth.]

Parcourons successivement ces six objets dans l’ordre que nous leur avons donné. […] J’insiste légèrement sur tous ces objets, tant pour ne point donner trop d’étendue a cet article, que parce qu’ils doivent, pour la plupart, être traites ailleurs plus à fond. […] Il y a assez de difficultés réelles dans les objets dont nous nous occupons, sans que nous cherchions à multiplier gratuitement ces difficultés. […] Pour fixer nos idées sur cet objet, il faut auparavant établir quelques principes. […] La manière la plus naturelle et la plus sûre d’arriver à un objet, c’est d’y aller par le plus court chemin, pourvu qu’on y aille en marchant, et non pas en sautant d’un lieu à un autre.

123. (1884) L’art de la mise en scène. Essai d’esthétique théâtrale

Sarcey et l’administrateur de la Comédie-Française, tous deux, au fond, amoureux du même objet. […] Agir autrement serait une grande faute ; car, puisqu’on a jugé que tel objet, inutile à l’action, ne devait pas figurer en réalité sur la scène, il ne faut pas donner à cet objet peint la valeur de l’objet réel. […] En faisant apparaître certains objets à nos yeux, il nous prépare tacitement à une évolution du drame. […] D’ailleurs, il est clair que certains objets sont plus caractéristiques que d’autres. […] Il faut reconnaître que la réalité est en soi quelque chose qui échappe à la certitude humaine, et que pour un même objet il y a autant d’images différentes de cet objet que d’observateurs.

124. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre septième. Les altérations et transformations de la conscience et de la volonté — Chapitre deuxième. Troubles et désagrégations de la conscience. L’hypnotisme et les idées-forces »

On ne peut donc savoir s’il ne se produit pas des phénomènes vraiment analogues à l’aimantation d’un objet. […] Si donc elles sont suffisamment distinctes, elles sembleront être des objets actuellement présents. […] On suggère à une personne hypnotisée que, revenue à l’état normal, elle ne verra plus tel objet ou tel individu présent, et, effectivement, après son réveil, elle ne le voit plus. […] Cet état, à son tour, réagit sur la perception des objets environnants : il fait abstraire systématiquement telle partie, tel objet au profit des autres ; l’intelligence devient attentive à tout, excepté à cet objet. […] Adressez-vous à Lucienne, elle dira qu’elle voit tel objet ; adressez-vous à Adrienne, second nom de la même personne, elle répondra qu’elle ne voit pas cet objet.

125. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Robert » pp. 222-249

Jamais il ne paraît qu’on ait sacrifié un objet pour en faire valoir un autre. […] De quelque part que je jette les yeux, les objets qui m’entourent m’annoncent une fin et me résignent à celle qui m’attend. […] Les fabriques sont de la touche la plus vraie ; la couleur de chaque objet est ce qu’elle doit être, soit réelle, soit locale. […] Les objets agrestes de la chaumière entre les débris d’un palais ! […] Dans l’animal mort, objet hideux à la vue, les formes y sont, la vie n’y est plus.

126. (1919) L’énergie spirituelle. Essais et conférences « Chapitre V. Le souvenir du présent et la fausse reconnaissance »

Le premier, fonctionnant sans l’aide du second, percevrait automatiquement l’objet présent, et le second s’emploierait alors tout entier à considérer l’image recueillie par le premier, au lieu de regarder l’objet lui-même.  […] De chacune on est en droit de dire que son objet disparaît au fur et à mesure ; comment le souvenir ne naîtrait-il que lorsque tout est fini ? […] L’image est virtuelle et, quoique semblable à l’objet, incapable de rien faire de ce qu’il fait. […] Nous verrous alors en même temps notre existence réelle et son image virtuelle, l’objet d’un côté et le reflet de l’autre. […] Nous tenons l’objet réel : que ferions-nous de l’image virtuelle ?

127. (1919) L’énergie spirituelle. Essais et conférences « Chapitre VI. L’effort intellectuel »

À quelques pas de là, nous tirions de notre poche un crayon et du papier, et nous luttions séparément à qui décrirait un plus grand nombre d’objets que nous avions pu saisir au passage… Il arrivait souvent à mon fils d’inscrire une quarantaine d’objets… » Le but de cette éducation spéciale était de mettre l’enfant à même de saisir d’un seul coup d’œil, dans une salle de spectacle, tous les objets portés sur eux par tous les assistants : alors, les yeux bandés, il simulait la seconde-vue en décrivant, sur un signe conventionnel de son père, un objet choisi au hasard par un des spectateurs. […] L’objet est d’obtenir de la mémoire le rappel instantané et facile. […] Dans le premier cas, les images sont homogènes entre elles, mais représentatives d’objets différents ; dans le second, c’est un seul et même objet qui est représenté à tous les moments de l’opération, mais il l’est différemment, par des états intellectuels hétérogènes entre eux, tantôt schémas et tantôt images, le schéma tendant vers l’image à mesure que le mouvement de descente s’accentue. […] Qu’est-ce que reconnaître un objet usuel sinon savoir s’en servir ? […] C’est une transformation continue de relations abstraites, suggérées par les objets perçus, en images concrètes, capables de recouvrir ces objets.

128. (1881) La psychologie anglaise contemporaine «  M. Georges Lewes — Chapitre II : La Psychologie »

L’impulsion ayant été une fois satisfaite par un objet, le choix fait une fois a été fait pour toujours. Mais ce qui prouve que l’objet a bien été en réalité choisi, c’est que si les conditions changent, il ne satisfait plus les impulsions de l’animal ; cet objet est rejeté et un autre cherché à sa place. Bien plus, non-seulement, l’ancien objet est rejeté quand il ne satisfait plus les impulsions, mais un nouvel objet est recherché de préférence s’il offre un caractère agréable. […] Dans l’état de veille, rien de plus fréquent que de voir des objets, d’entendre des sons qui ne correspondent à rien de réel. […] Pour que ces sensations ne soient pas considérées comme produites par des objets réels, présents, que faut-il ?

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