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1771. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — J — Jammes, Francis (1868-1938) »

Qu’on en juge : Le pauvre pion doux si sale m’a dit : J’ai bien mal aux yeux et le bras droit paralysé.

1772. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — R — Rollinat, Maurice (1846-1903) »

D’ailleurs, toute la partie naturiste de l’œuvre de Rollinat est absolument conçue en dehors de l’inspiration du grand poète des Fleurs du mal , qui ne vit pas la nature et rêva d’artificiels jardins où croîtraient des flores métalliques.

1773. (1887) Discours et conférences « Discours prononcé à Tréguier »

Dans un temps où le mal général est le dégoût de la vie, nous continuons à croire que la vie vaut la peine qu’on en poursuive le but idéal.

1774. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — Q. — article » pp. 572-580

Ma Rivale m’expose à des maux effroyables : Qu’elle ait par aux tourmens qui vous sont destinés !

1775. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 12, qu’un ouvrage nous interesse en deux manieres : comme étant un homme en general, et comme étant un certain homme en particulier » pp. 73-80

Si le parti que le poëte choisit est celui d’embellir son action par des épisodes, l’interêt qu’on prend à ces épisodes ne sert qu’à faire mieux sentir la froideur de l’action principale, et on lui reproche d’avoir mal rempli son titre.

1776. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 8, des instrumens à vent et à corde dont on se servoit dans les accompagnemens » pp. 127-135

Il est établi qu’on ne dise d’un acteur qu’il chante, que lorsqu’il chante mal à propos, lorsqu’il se jette sans discernement dans des exclamations peu convenables à ce qu’il dit, et lorsque par des tons empoulez et remplis d’une emphase que le sens des vers désavouë, il met hors de propos dans sa déclamation un patetique toujours ridicule, dès qu’il est faux.

1777. (1887) La vérité sur l’école décadente pp. 1-16

La presse, dès le début fort mal renseignée et leurrée par les Déliquescences jusqu’à prendre cette parodie au sérieux, brouilla si bien les choses, ouvrit si facilement ses portes aux plus fantaisistes inventions et mit au jour de si bizarres personnalités, que la Réclame, flot bourbeux d’encre, passa par-dessus la tête des vrais et primitifs artistes pour porter à la célébrité tous les ratés de la Banlieue et tout le bas-fond de la bêtise écrivassière — ; Il est temps de le dire !

1778. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « Préface »

Malheureusement, il fallait, pour réaliser l’idée de La Harpe, être un géant de critique et d’érudition, et cette plante-là ne pousse guères dans le pot, à fleurs de rhétorique, d’un Athénée… Je ne veux pas dire du mal de La Harpe.

1779. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « LOUISE LABÉ. » pp. 1-38

Il n’est pas possible, à un certain endroit, de méconnaître le rapport de la situation décrite avec ce qu’exprimeront tout à côté les sonnets de Louise : « En somme, dit-elle ici par la bouche de Mercure, quand cette affection est imprimée en un cœur généreux d’une Dame, elle y est si forte qu’à peine se peut-elle effacer ; mais le mal est que le plus souvent elles rencontrent si mal, que plus aiment et moins sont aimées. […] Tu es tout seul tout mon mal et mon bien ; Avec toi tout, et sans toi je n’ai rien.

1780. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « DÉSAUGIERS. » pp. 39-77

Le vin est aux mortels aussi utile que le feu ; il est le vrai bien, le remède des maux, le compagnon de tout chant. […] A peine remis de tant de maux, Désaugiers fut emmené de Saint-Domingue aux États-Unis par un capitaine américain qui l’avait entendu un jour toucher du piano. […] Si la cause de la gaieté se perdait de plus en plus dans l’ensemble, il lui rendait l’avantage dès qu’il paraissait sur un point, et, comme ces foudres de guerre qui ne meurent qu’en triomphant, il ramenait la victoire partout où il était de sa personne. — Dans les repas de corps de la garde royale, il avait nom l’aumônier du régiment. — Sa maladie, une maladie bien cruelle, la pierre, interrompit à peine les saillies de sa vive et indulgente humeur ; il chansonna son mal comme toute chose, sans amertume et en lui pardonnant ; il fit en riant son épitaphe, sans y croire encore.

1781. (1860) Cours familier de littérature. X « LVIIe entretien. Trois heureuses journées littéraires » pp. 161-221

Nous gémissons sur ces éblouissements stupides des peuples qui déifient ceux qui jouent le mieux avec le sang, et qui semblent mesurer leur adoration au mal qu’on leur a fait. […] La haine est un sentiment pénible, qui s’associe mal à cette mélodieuse ambroisie des beaux vers. […] Le fouet sied mal à cette main, qui tient mieux l’encensoir.

1782. (1861) Cours familier de littérature. XII « LXXIe entretien. Critique de l’Histoire des Girondins (2e partie) » pp. 305-367

II Mais les scandales de ce gouvernement inexpérimenté, qu’on appelait le gouvernement parlementaire, me convainquirent que le pouvoir vraiment national et populaire n’était plus là ; qu’aucune des dynasties rivales tombées, retombées, retombant encore, ne pouvait le reconstituer solidement en elle ; que l’aristocratie y avait renoncé implicitement en donnant un mandat d’éloquence, une procuration d’opinion, au lieu de combattre de sa personne dans ces compétitions d’influence, de popularité et de trône ; que cette classe moyenne exclusive, intéressée, adulée, à qui ses exploitateurs recommandaient de s’adjuger à elle-même le nom et les prétentions d’une aristocratie de second étage, n’était ni assez antique, ni assez enracinée, ni assez large, ni assez populaire, pour affecter le privilège d’un gouvernement national ; qu’elle n’avait rien de permanent, de chevaleresque, de prestigieux, excepté ses industries et ses commerces, aussi mobiles que ses convoitises de monopoles financiers : jalouse en haut, jalousée en bas, menaçante et menacée de toutes parts ; que le dernier mot de la Révolution française ne pouvait être cette petite oligarchie groupée par la peur et par l’orgueil autour d’un roi d’expédient ; que cela allait crouler aux premières lueurs de l’incendie parlementaire allumé par ceux-là même qui l’avaient si mal éteint en 1830 ; qu’il fallait pourvoir d’avance aux catastrophes inévitables de ce gouvernement déjà démoli dans l’opinion des masses, en donnant à ces masses envahissantes une histoire vraie de la Révolution qu’elles auraient bientôt à reprendre en sous-œuvre, afin qu’elles ne s’égarassent pas de nouveau sans plan et sans sagesse dans les démences et dans les crimes qui avaient perdu jusqu’au nom de cette Révolution. […] Je le répète, mes traditions de famille m’avaient fait une seconde nature de mon attachement à la royauté séculaire de la France, aux vertus si mal récompensées de l’honnête Louis XVI, aux malheurs de sa race, à la haute et sage modération de Louis XVIII, ce roi conciliateur de la royauté et de la liberté par la charte, même au caractère chevaleresque de Charles X, tombé dans une faute, mais laissant après lui un enfant de la couronne innocent par son âge du coup d’État qui lui avait enlevé sa patrie. […] Souberbielle, qui demeurait presque invisible dans le quartier de la place Royale, avec une vieille servante, me recevait au chevet de son lit avec une joie mal déguisée, comme un mourant reçoit un légataire pour lui confier avant la mort ses chers souvenirs.

1783. (1863) Cours familier de littérature. XV « XCe entretien. De la littérature de l’âme. Journal intime d’une jeune personne. Mlle de Guérin (3e partie) » pp. 385-448

Mais au purgatoire où l’on souffre, où s’expient les faiblesses du cœur, les doutes de l’âme, les demi-volontés au mal. […] C’est que je me sens le cœur assez mort pour que rien ne lui puisse nuire ; qu’on dit qu’il y a des beautés là-dedans que j’ai envie de connaître, et qu’un homme de Dieu qui a du crédit sur moi m’a dit que je pouvais faire cette lecture, et que le mal est annulé par la façon de le voir. […] J’ai vécu heureusement loin du monde, dans l’ignorance de presque tout ce qui porte au mal ou le développe en nous.

1784. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CXIe entretien. Mémoires du cardinal Consalvi, ministre du pape Pie VII, par M. Crétineau-Joly (3e partie) » pp. 161-219

J’espère que le gouvernement sous lequel le ciel me fera mourir sera assez bon et assez humain pour ne pas mettre obstacle, dans une circonstance aussi indifférente, à l’accomplissement de ces vœux innocents de deux frères que les révolutions purent rendre infortunés, — je parle plutôt de moi que de lui, — mais qui ont toujours été honorés et honorables, et qui ne firent jamais de mal à personne. […] Le 19 mai 1814, le Pape rappelait Consalvi au ministère par le décret suivant daté de Foligno, écrit de sa propre main et qui respire l’amitié autant que l’estime : « Ayant dû céder aux impérieuses circonstances dans lesquelles nous nous trouvions, et mû par le seul espoir d’amoindrir les maux qui nous menaçaient, nous avions été obligé de subir la volonté du gouvernement français déchu, qui ne voulait pas souffrir, dans la charge de notre secrétaire d’État, le cardinal Hercule Consalvi. […] Il y a et il y a eu en tout temps des esprits contentieux, ambitieux, impolitiques, mal nés, et qui ne connaissent les doctrines auxquelles ils se prétendent attachés, que par la haine que les partis contraires leur inspirent.

1785. (1869) Cours familier de littérature. XXVIII « CLXIVe entretien. Chateaubriand, (suite.) »

M. de Villèle consentit à l’admettre, comme ministre des affaires étrangères, dans son cabinet ; il y servit mal ses collègues, favorisant tantôt leur politique, tantôt combattant sournoisement leurs plans, pour donner des gages ou des espérances aux libéraux. […] Je me dévouai à sa cause ; la servit-il bien ou mal ? […] L’ennui est le mal du génie ; c’est l’état des grandes âmes ; c’est la sensation du vide dans l’homme.

1786. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre I. Le broyeur de lin  (1876) »

J’entretenais par mes questions cette rêverie qui lui plaisait et l’empêchait de songer à son mal. […] À l’époque de la Révolution, il émigra à jersey ; on ne voit pas bien pourquoi ; certainement on ne lui aurait fait aucun mal, mais les nobles de Tréguier lui dirent que le roi l’ordonnait, et il partit avec les autres. […] Son père aurait dû le voir ; mais que pouvait le simple vieillard contre un mal dont son âme honnête ne pouvait même concevoir la pensée ?

1787. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 15 décembre 1886. »

L’Edda de Snorre, dans le poème sur Gylfe, va nous donner l’une des formes de l’aventure : « Dans le commencement du premier âge des dieux, quand ils eurent élevé Mitgard et bâti Walhall, un architecte vint les trouver, et leur offrit de construire en trois ans un château tellement fort qu’il serait impossible aux géants des montagnes et aux Rhimnthursars de s’en emparer … Mais il demanda pour récompense Freia, et avec elle le soleil et la lune. » Trois jours avant l’expiration du délai fixé, les dieux s’assemblent et s’accordent à dire que celui qui a conseillé de livrer Freia est Loke, « source du mal ». […] Parlant de la première scène du premier acte de Goettterdaemmerung : « Ces trois personnages, dit madame Fuchs, ont un entretien aussi long que dénué d’intérêt. » Des phrases similaires abondant dans un volume font preuve que l’auteur, trop préoccupé de musique à la façon contemporaine, a mal vu « d’intérêt » du drame wagnérien. […] La Monnaie, l’opéra de Bruxelles, fut même la première scène francophone entre 1870 et 1914 devant Paris qui eut tant de mal à dépasser sa relation conflictuelle avec Wagner et l’Allemagne.

1788. (1881) La psychologie anglaise contemporaine «  M. Georges Lewes — Chapitre II : La Psychologie »

. — Cet argument se fonde sur un fait important, mais qui est mal interprété. […] La doctrine des écoles, dit-il, est celle-ci : « Les actions nerveuses mentales, les actes de sensation et de volition, ne peuvent avoir lieu sans cerveau251. » Vous tirez sur la queue d’un chien, il crie. « Et le physiologiste qui vous reprocherait d’avoir fait mal à son chien, vous assurera tranquillement que ses cris ne marquent ni douleur ni sensation, quand son cerveau a été enlevé. « Purement réflexe, mon cher monsieur !  […] Ce serait mal me comprendre, dit M. 

1789. (1904) En méthode à l’œuvre

Or, Amour implique deux désirs, deux pôles, qui, entrant en action, engendrent en résultante un troisième mode par quoi est déterminée la sortie hors du mal de non-connaissance, c’est-à-dire l’Évolution Désormais la Matière évolue vers elle-même, vers se savoir : et par sa science, continuement elle vient en possession de Soi-même. […] — Le Bien, qui est le Beau, est le plus-de-volonté, le Mal le moins-de-volonté à Savoir. […] Mais pourtant (parce que le Savoir donné à qui ne le mérite pas en s’élevant vers lui de toute sa volonté et d’une apte intelligence, est le pire des maux) ne se doit-il à tous : se rappelant que la Multitude qui vit surtout des sens et des instincts, s’enorgueillit en elle-même du Savoir qu’elle reçoit, d’autant qu’elle ne le perçoit pas.

1790. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1855 » pp. 77-117

Nous sommes mal organisés, prompts à la satiété. […] Après quelques entraînements et quelques ardeurs, un immense mal de cœur moral nous envahit et nous donne comme le vomissement de l’orgie de la veille. […] Une vieille garde mal vêtue au contrôle.

1791. (1857) Cours familier de littérature. III « XVe entretien. Épisode » pp. 161-239

Honni soit qui mal y pense ! […] » lui criai-je en me rapprochant de lui ; « j’ai repris le cheval : il ne fera ni peur à votre âne, ni mal à vous. » Et je m’arrêtai à l’ombre d’un poirier sauvage, devant le pauvre homme. […] et que lui, qui n’aurait pas fait de mal à une bête quand il était petit, il ait fait couler le sang des hommes dans Paris, par malice ?

1792. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre vii »

A pareils maux, pareils remèdes. […] Pourtant je ne tentai pas de m’en délivrer par un au revoir cordial, gaiement jeté en me retournant ; il eût sonné trop faux et m’eût fait encore plus mal.‌ […]   Ces lignes font mal.

1793. (1901) Figures et caractères

Elle semble mal faite pour l’immobilité. […] Ses visées de chef d’école durent mal s’accommoder d’un rival gênant. […] Les maux du corps se joignirent à ceux de l’esprit. […] On lui en veut plus de ses désillusions que de ses maux véritables. […] Ce serait mal voir.

1794. (1890) Causeries littéraires (1872-1888)

Il y a dans l’âme de ce héros comme une source mal comprimée de sensibilité et presque de tendresse. […] Une caronade mal assujettie se détache. […] Voyez, en effet, comme Mme Roumestan tient mal sa parole ! […] Quel est donc notre mal ? […] Il nous semble que tous les symptômes précurseurs du mal, nous les avons sentis ce matin même ou hier soir.

1795. (1925) Feux tournants. Nouveaux portraits contemporains

L’air de Passy leur réussit bien mal ; comme ils sont pâles et défaits ! […] Écrit sur de l’eau exprime tous les dons de ce conteur de qui l’âme est celle d’un enfant ignorant le mal et la douleur, tous ces dons qu’il a développés ou dispersés dans la suite. […] Abel Hermant s’est donné du mal ; ne risquons pas de le fâcher mal à propos. » Quand il pénétra sous le porche de l’immeuble où il était attendu : « Vous êtes le nouveau secrétaire de M.  […] Et sans doute davantage que Judith 89, si mal comprise il y a deux ans, et que l’on ferait bien de lire, après l’avoir critiquée à la scène. […] Mais il lui arrive parfois d’être mal entendu : témoin ce bureau de poste d’Italie.

1796. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [1] Rapport pp. -218

fut bien mal partagée. […] Aujourd’hui même, un poète est mal vu dans le monde quand il n’a pas au moins une vieille tante à pleurer. […] D’abord, où est le grand mal ? […] et les hautes aspirations, désintéressées de toute notoriété immédiate, mal acquise, seulement éperdues du noble, du grand, du beau ! […] Il était venu me voir l’avant-veille du jour où le mal le prit pour ne plus le lâcher.

1797. (1899) La parade littéraire (articles de La Plume, 1898-1899) pp. 300-117

Henry Bérenger, s’appuyant sur des statistiques et des documents rigoureux, analyse avec une grande sagacité les nombreux maux causés par l’encombrement des carrières libérales. […] Que le mal se fasse pire ! […] Je sais aussi que les jeunes hommes, habiles ou ambitieux, qui ont choisi Bonaparte pour professeur d’énergie, ont le plus souvent mal tourné. […] Au lieu d’être une école d’énergie, une méthode d’exaltation panthéistique, ce naturisme mal compris n’a réussi qu’à diminuer l’individu, à fixer son esprit sur des futilités. […] Il se méfie des étrangers, et son mal empire à ce point qu’il va jusqu’à préférer le suicide aux tortures que lui inflige l’indifférence de Neele.

1798. (1933) De mon temps…

A ces infériorités s’ajoutait celle de n’avoir pas le goût du théâtre, aussi m’acquittai-je assez mal d’un emploi que Catulle Mendès remplissait brillamment au Journal. […] Il voulait bien faire de la peine, mais il n’eût pas voulu faire du mal. […] Le mal qui l’a défiguré, et dont son visage porte les traces l’a isolé dans une docte et sévère retraite. […] J’étais fort ému en cet après-midi de l’année 1912, car je n’avais guère l’habitude des lectures publiques, et je dus fort mal m’acquitter de cette épreuve. […] L’illustre poète prit fort mal ce procédé.

1799. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre deuxième. Les mœurs et les caractères. — Chapitre II. La vie de salon. »

Ils se font annoncer l’un chez l’autre ; ils se disent « Madame, Monsieur », non seulement en public, mais en particulier ; ils lèvent les épaules quand à soixante lieues de Paris, dans un vieux château, ils rencontrent une provinciale assez mal apprise pour appeler son mari « mon ami » devant tout le monde244. — Déjà divisées au foyer, les deux vies divergent au-delà par un écart toujours croissant. […] Encore était-il mal vu : on les trouvait trop occupés l’un de l’autre. […] Certainement, aux gens scrupuleux l’obligeant prélat eût répondu avec Voltaire « qu’il n’est jamais de mal en bonne compagnie ». […] Les gens bornés comme vous voient toujours en mal.

1800. (1858) Cours familier de littérature. VI « XXXIe entretien. Vie et œuvres de Pétrarque » pp. 2-79

Les papes cependant s’efforçaient de transformer par la magnificence des édifices Avignon en une Rome des Gaules ; la vie qu’on y menait était élégante et raffinée ; les jeunes gens même à qui la tonsure donnait droit aux bénéfices ecclésiastiques sans leur imposer les devoirs du sacerdoce, fréquentaient les académies et les palais des femmes plus que les églises ; leur costume était recherché et efféminé, « Souvenez-vous », dit Pétrarque dans une lettre à son frère Gérard, où il lui retrace ces vanités de leur jeunesse, « souvenez-vous que nous portions des tuniques de laine fine et blanche où la moindre tache, un pli mal séant auraient été pour nous un grand sujet de honte ; que nos souliers, où nous évitions soigneusement la plus petite grimace, étaient si étroits que nous souffrions le martyre, à tel point qu’il m’aurait été impossible de marcher si je n’avais senti qu’il valait mieux blesser les yeux des autres que mes propres nerfs ; quand nous allions dans les rues, quel soin, quelle attention pour nous garantir des coups de vent qui auraient dérangé notre chevelure, ou pour éviter la boue qui aurait pu ternir l’éclat de nos tuniques !  […] — Vous ne vous trompez pas, mon père, lui dis-je, je suis triste, et cependant il ne m’est rien arrivé de mal ; mais je viens vous confier mes peines habituelles, vous les connaissez : mon cœur n’a jamais eu de replis pour vous ; vous savez ce que j’ai fait pour me tirer de la foule et pour acquérir un nom, mais je ne sais pourquoi, dans le moment même où je croyais m’élever peu à peu, je me sens retomber tout à coup ; la source de mon esprit est tarie ; après avoir tout appris, je vois que je ne sais rien ; abandonnerai-je l’étude des lettres, entrerai-je dans une autre carrière ? […] Comme il était constant qu’on ne passait pas le troisième jour après que le mal s’était manifesté par les symptômes ordinaires, elle prit d’abord les précautions que sa piété et sa raison lui suggérèrent : elle reçut les sacrements et fit son testament le même jour ; ensuite elle se prépara à la mort sans inquiétude et sans regret. […] « Quand elle fut à l’agonie, ses parentes, ses amies, ses voisines, se rassemblèrent autour d’elle, quoiqu’elle fût attaquée d’un mal contagieux, qui faisait peur à tout le monde.

1801. (1859) Cours familier de littérature. VII « XLe entretien. Littérature villageoise. Apparition d’un poème épique en Provence » pp. 233-312

C’est ce pays qui a fait le poème : on peint mal ce qu’on imagine, on ne chante bien que ce que l’on respire. […] Quelques notes mal étouffées d’amour qui s’ignore commencent à tinter à son insu dans la voix de l’enfant. […] Puis ils s’assirent sur le talus, l’un près de l’autre se mirent, un petit moment se regardèrent, et voici comment parla le jeune homme aux paniers : XIII « “Vous êtes-vous point fait de mal, Mireille ! […] ” — Mais elle, avec un tremblement qu’elle ne peut arrêter : « “Je ne me suis pas, dit-elle, fait de mal, nenni !

1802. (1863) Cours familier de littérature. XVI « XCVIe entretien. Alfieri. Sa vie et ses œuvres (1re partie) » pp. 413-491

Je trouvais bien quelquefois que cette belle langue italienne où le si suona était bien rude et bien martelée, que cela ne ressemblait guère ni à la délicieuse et claire harmonie du Tasse, ni à l’amoureuse et rieuse mélodie de l’Arioste, ni à l’énergie nationale, sensée et abondante de Machiavel ; que cet effort continu de l’écrivain, en tendant l’esprit du lecteur, lui donnait plus de peine que de plaisir ; que les banalités rhétoriciennes, quand on les pressait bien dans la main, ne laissaient que des cailloux mal polis dans l’esprit ; que Dieu avait fait de la facilité la vraie grâce de l’élocution, et que tout ce qui était difficile n’était pas réellement beau. […] Mais j’avais maintenant huit ans de plus, j’avais vu, bien ou mal, presque toute l’Europe, et l’amour de la gloire, qui était entré dans mon âme, cette passion pour l’étude, cette nécessité d’être ou de me faire libre pour devenir un intrépide et véridique auteur, étaient autant d’aiguillons qui me faisaient passer outre, autant de raisons qui me criaient dans le fond de mon cœur que sous la tyrannie c’est déjà bien assez, si ce n’est trop, de vivre seul, et que jamais, pour peu que l’on y songe, il ne faut y être ni mari ni père. […] Mais je m’y étais à peine établi tant bien que mal, pour essayer d’y séjourner un mois, qu’une circonstance nouvelle m’y fixa, et pour ainsi dire m’y enferma pour bien des années. […] Aussitôt qu’il aété descendu de carrosse pour entrer dans le cul-de-sac de l’Opéra, M. de Vaudreuil, major du régiment des gardes, lui a dit qu’il était chargé de l’ordre du roi pour l’arrêter, et, dans le moment même, six sergents aux gardes, qui étaient en habits bourgeois, l’ont saisi par les deux bras et par les deux jambes et l’ont enlevé de terre ; on lui a jeté et passé sur-le-champ un cordon de soie, qui lui a embrassé et serré les deux bras… Il s’est, dit-on, un peu trouvé mal ; on l’a passé ainsi par la porte du fond du cul-de-sac qui rend dans la cour des cuisines du Palais-Royal ; on l’a mis dans un carrosse de remise dans lequel M. de Vaudreuil l’a accompagné.”

1803. (1888) Journal des Goncourt. Tome III (1866-1870) « Année 1868 » pp. 185-249

3 janvier Par une neige, qui vous fait frissonner pour les mal vêtus de la misère à Paris, nous sommes à cet hôtel des Champs-Élysées, insolent de lumières, fulgurant de la flambée des lustres et de la pourpre de ses tentures, par les volets ouverts. […] Et pendant l’accouchement dans cette hutte, la hutte abominable des civilisations, le singe d’un joueur d’orgue, juché dans la fente d’une planche du baraquement mitoyen, imitant et parodiant les cris et les jurons colères de la femme en mal d’enfant, et pissant par cette fente, sur le dos du mari qui ronfle. […] Plus de sommeil, plus d’appétit, l’estomac barré, l’anxiété dans toute la boîte digérante, le corps mal en train, épeuré de la minute qui va venir, et peut le faire absolument malade. […] Mal à l’aise et ne pouvant dormir de toute la nuit, et ayant comme une oreille douloureuse dans le creux de l’estomac, je fabriquais, dans mon insomnie, un conte sinistre, un conte à ajouter à l’œuvre de Poë.

1804. (1864) William Shakespeare « Première partie — Livre II. Les génies »

Job commence le drame, et il y a quarante siècles de cela, par la mise en présence de Jéhovah et de Satan ; le mal défie le bien, et voilà l’action engagée. […] Isaïe prend corps à corps le mal, qui, dans la civilisation, débute avant le bien. […] C’est une espèce de bouche du désert parlant aux multitudes, et réclamant, au nom des sables, des broussailles et des souffles, la place où sont les villes ; parce que c’est juste ; parce que le tyran et l’esclave, c’est-à-dire l’orgueil et la honte, sont partout où il y a des enceintes de murailles ; parce que le mal est là, incarné dans l’homme ; parce que dans la solitude il n’y a que la bête, tandis que dans la cité il y a le monstre. […] Ce n’est pas seulement le méchant qui se lamente dans cette apocalypse, c’est le mal.

1805. (1857) Cours familier de littérature. III « XVIIe entretien. Littérature italienne. Dante. » pp. 329-408

Il s’était formé, de ses débris mêlés aux dialectes vulgaires des provinces romaines et de la Gaule méridionale, une langue usuelle, imparfaite, flottante, diverse, par laquelle on s’entendait tant bien que mal dans la conversation, mais sans pouvoir y graver ses pensées dans cette forme solide, convenue et uniforme, seule langue avec laquelle on puisse construire des monuments de style. […] Pour me soulager de cette obsession d’un mal inconnu et pour retremper mes nerfs irrités dans un air moins imprégné de sel et de soufre que l’air de la mer et du Vésuve, je cédai au conseil du vieux Cottonio, l’Esculape presque séculaire de Naples, et je partis pour Rome. […] » Alors aussi, quoique protégé par le souvenir de Béatrice, sa sensibilité elle-même résistait mal aux séductions d’autres beautés. […] Le christianisme alors, en Italie, à Florence surtout, se dégageait mal de la philosophie platonique, avec laquelle il sembla un moment prêt à se confondre sous les Médicis.

1806. (1906) La nouvelle littérature, 1895-1905 « Deuxième partie. L’évolution des genres — Chapitre III. Le roman » pp. 135-201

Pour peu qu’on revienne aux belles et saines traditions de l’époque où l’on saluait l’apparition du Bouscassié et de la Fête Votive de saint Bartholomée-Porte-Glaive de Cladel, où l’on aimait véritablement le sol que l’on décrivait, le roman retrouvera une beauté simple, sans procédés et pourra éveiller en nous la curiosité de notre France que nous connaissons mal. […] VIII. — Le roman lyrique C’est de tous les genres le plus mal défini… Jocelyn, les chansons de Bilitis, et le Visage Émerveillé sont des romans lyriques qui ne se ressemblent guère. […] X. — Le roman exotique Nous connaissons mal notre littérature coloniale, et nous ignorons à quel point elle est abondante. […] Transformée, « civilisée », cette jeune paysanne reprend conscience d’elle-même et devenue « indulgente » pour la beauté des autres, admiratrice même de cette beauté et par conséquent délivrée du souci d’être mal jugée, indépendante enfin, armée d’une conception de l’honneur plus personnelle et plus fière que celle qui lui était imposée, elle connaît des bonheurs insoupçonnés, une quiétude profonde et douce.

1807. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Massillon. — II. (Fin.) » pp. 20-37

Massillon, dès ce temps-là, montre que, sans avoir vu les Childe-Harold et les René, et tant d’autres illustres dégoûtés à leur suite, il en savait sur leur mal aussi long que personne, et qu’il en avait appris le secret de Job et de Salomon, sinon de lui-même. […] Massillon, par cette portion de son Petit Carême, inaugure cette politique, dont Louis XV sans doute ne sut point profiter à temps, mais qui, dès qu’on voulut l’appliquer en réalité, réussit, comme on l’a vu, si mal à Louis XVI, à Malesherbes, à ces hommes excellents et trop confiants par là même en l’excellence générale de la nature.

1808. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Nouvelles lettres de Madame, mère du Régent, traduites par M. G. Brunet. — II. (Fin.) » pp. 62-79

J’ai vu prendre plus de mille cerfs, et j’ai fait aussi des chutes graves ; mais sur vingt-six fois que je suis tombée de cheval, je ne me suis fait mal qu’une seule. » Elle s’était démis le coude ce jour-là. […] Elle n’était pas, sur le chapitre de la comédie, de l’avis de Bossuet, de Bourdaloue et des autres grands oracles religieux d’alors ; elle devançait l’opinion de l’avenir et celle des moralistes plus indulgents : À l’égard des prêtres qui défendent la comédie, écrivait-elle assez irrévérencieusement, je n’en parlerai pas davantage : je dirai seulement que, s’ils y voyaient un peu plus loin que leur nez, ils comprendraient que l’argent que le peuple dépense pour aller à la Comédie n’est pas mal employé : d’abord, les comédiens sont de pauvres diables qui gagnent ainsi leur vie ; ensuite la comédie inspire la joie, la joie produit la santé, la santé donne la force, la force produit de bons travaux ; la comédie est donc à encourager plutôt qu’à défendre.

1809. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Léopold Robert. Sa Vie, ses Œuvres et sa Correspondance, par M. F. Feuillet de Conches. — I. » pp. 409-426

Quoi qu’il en soit, j’ai un caractère trop inquiet, un caractère mal fait, je puis dire, qui m’empêche d’avoir ce contentement que tant d’autres auraient à ma place. […] Ce n’est point sur sa fin et sur ce douloureux mystère de sa mort (insondable secret et qui nous échappe) que j’ai dessein aucunement de m’arrêter, c’est bien sur ses pensées et ses maximes de conduite et d’art, quand il était un artiste plein de courage, d’application, de mélancolie déjà et de souffrance sans doute, mais aussi de lutte et de résistance au mal, ayant de l’avenir et, en soi, un croissant désir du mieux, — avant le vertige et avant l’abîme.

1810. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Ramond, le peintre des Pyrénées — III. (Fin.) » pp. 479-496

Ramond en appelait volontiers de Buffon jugeant des glaciers à Montbard, à Buffon s’il avait lui-même vu les montagnes ; mais là où il s’écartait de ses idées, il le définissait encore avec respect « ce grand homme par qui, tous tant que nous sommes, nous raisonnons bien ou mal d’histoire naturelle et de géologie ». […] Ce manuscrit, avec beaucoup d’autres papiers, contenant le fruit de quinze années de travaux assidus, fut pillé et détruit en 1814 par les Cosaques : « C’est venir de bien loin, remarquait-il avec une douce plainte, pour faire du mal à un homme qui n’en veut à personne. » Les Voyages au Mont-Perdu me semblent le plus classique des deux ouvrages de Ramond.

1811. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Charron — II » pp. 254-269

Charron n’entre en rien dans cette intelligence et cette explication vraiment philosophique de l’humanité, qui, pour la mieux comprendre, en suivrait d’abord les directions générales et en reconnaîtrait les vastes courants : il prend l’homme au rebours et dans ses écarts ; il l’observe malade, infirme, le voit toujours en faute, dans une sottise continuelle, dans une malveillance presque constante : « La plupart des hommes avec lesquels il nous faut vivre dans le monde, dit-il quelque part, ne prennent plaisir qu’à mal faire, ne mesurent leur puissance que par le dédain et injure d’autrui. » De ce qu’il y a certains cas où les sens se trompent et ont besoin d’être redressés, il en conclut que ce qui nous arrive par leur canal n’est qu’une longue et absolue incertitude. […] Ils ont, pense-t-il, plusieurs choses pareilles et communes, et ont aussi des différences, mais non pas si fort éloignées et dispareilles qu’elles ne se tiennent : l’homme n’est du tout au-dessus, ni du tout au-dessous. » Il fait une cote mal taillée, et voilà une sorte d’égalité établie.

1812. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Henri IV écrivain. par M. Eugène Jung, ancien élève de l’École normale, docteur es lettres. — I » pp. 351-368

Cette méfiance de la comtesse nous revient dans presque toutes les lettres du roi, qui est surtout occupé à la rassurer sur le chapitre de la fidélité : (1er mars 1588) J’ai reçu une lettre de vous, ma maîtresse, par laquelle vous me mandez que ne me voulez mal, mais que vous ne vous pouvez assurer en chose si mobile que moi. […] C’est un mal bien douloureux que le domestique.

1813. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Santeul ou de la poésie latine sous Louis XIV, par M. Montalant-Bougleux, 1 vol. in-12. Paris, 1855. — I » pp. 20-38

Santeul, le poète latin si fier de ses vers, si heureux de les réciter en tous lieux ou de les entendre de la bouche des autres, et qui aimait encore mieux qu’on dît du mal de lui que si l’on n’en avait rien dit du tout ; Santeul, qui dans une de ses plus grosses querelles écrivait à l’abbé Faydit, qui l’avait attaqué sur son épitaphe d’Arnauld : Je fais le fâché par politique, mais je vous suis redevable de ma gloire ; vous êtes cause qu’on parle de moi partout, et presque autant que du prince d’Orange ; vous avez rendu mes vers de l’épitaphe de mon ami plus fameux que l’omousion du concile de Nicée ; ceux des autres poètes sur le même sujet sont demeurés ensevelis avec le mort, faute d’avoir eu comme moi un Homère pour les prôner et les faire valoir ; — Santeul, qui était si fort de cette nature de poète et d’enfant qui tire vanité de tout, serait presque satisfait en ce moment. […] De quels maux est accablé notre Apollon !

1814. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Œuvres de Voiture. Lettres et poésies, nouvelle édition revue, augmentée et annotée par M. Ubicini. 2 vol. in-18 (Paris, Charpentier). » pp. 192-209

Et par exemple, une des premières lettres est à Mlle de Bourbon (depuis duchesse de Longueville) ; elle était indisposée, et on lui avait envoyé Voiture pour la divertir : mais il était en rêverie ce jour là, où elle était difficile à distraire : elle dit qu’il y avait fort mal réussi et qu’il n’avait jamais été si peu plaisant. Là-dessus grande colère de ces dames, de Mme et de Mlle de Rambouillet et de leurs amies, qui le veulent punir d’avoir si mal répondu à leur attente en une telle occasion.

1815. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Sénecé ou un poète agréable. » pp. 280-297

Il y a des jours où il se figure qu’il est guéri de ce mal du pays, et qu’il vit en philosophe au milieu de ses champs, sur les bords de cette belle Saône. […] Il se compare à Clément Marot, poète et valet de chambre également, et qui s’est mal trouvé en Cour des accusations et calomnies de ses ennemis ; mais Sénecé n’a pas d’ennemis, il n’a pas été calomnié ; à lui, il ne lui est arrivé qu’un accident bien simple : une mort de reine l’a dégagé d’une domesticité honorifique, d’une chaîne dorée ; il est retombé dans son ordre et dans sa classe : c’est assez pour son malheur, pour son incurable ennui, car le bonheur le plus souvent dépend pour nous de ce premier cadre idéal dans lequel l’imagination, dès la tendre jeunesse, s’est accoutumée à placer et à découper la perspective flatteuse de la vie.

1816. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Le duc de Rohan — III » pp. 337-355

Nous ne pourrions qu’être fastidieux en insistant longuement sur les détails de cette triste affaire, si brillamment commencée et si mal finie, et en essayant de chercher le fil de ce labyrinthe dans lequel se voyait plongé sans ressource le duc de Rohan. […] D’alléguer qu’on lui avait mandé de Paris qu’on le voulait arrêter, c’était un dire, lequel, s’il était public, n’était pas vrai ; s’il était secret, il ne l’avait pu savoir… Bref, c’était lui-même qui se jugeait coupable ; ce que nous avons marqué pour fautes passaient pour crimes d’État en son opinion, qui, ayant de très grandes lumières des choses du monde, savait assez connaître ce qui était bien ou mal.

1817. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Œuvres de Frédéric-le-Grand Correspondance avec le prince Henri — I » pp. 356-374

Il se plaint de ne point trouver en lui une ouverture et des sentiments correspondants aux siens, d’y rencontrer plutôt des méfiances ou des timidités : « Mon cher frère, vous me connaissez bien mal, puisque vous croyez que je ne pense pas à vous ; mais ce n’est pas d’aujourd’hui que vous me faites de pareilles injustices, et je remarque de reste que vous n’avez aucune confiance en moi (août 1744). » Il le traite d’ailleurs avec amitié, essaie de l’enhardir en causant librement avec lui par lettres, et se promet de l’initier aux affaires dès qu’il aura quelque intervalle de liberté. […] Mes généraux sont inexcusables, ou de vous avoir mal conseillé, ou d’avoir souffert que vous preniez d’aussi mauvais partis.

1818. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « La princesse des Ursins. Ses Lettres inédites, recueillies et publiées par M. A Geffrot ; Essai sur sa vie et son caractère politique, par M. François Combes » pp. 260-278

Il me siérait mal de parler de la capacité que je crois avoir pour un tel emploi ; ainsi, madame, c’est encore à vous à me faire valoir par les endroits que vous trouverez moins défectueux dans ma personne. […] Malgré la vie de forçat que je mène, je me porte bien, madame ; Dieu veuille que mon sang ne s’échauffe point trop, et que cela ne fasse point renaître le mal que vous savez qui me faisait tant de peur autrefois !

1819. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Journal d’Olivier Lefèvre d’Ormesson, publié par M. Chéruel » pp. 35-52

Il dut, pour se disculper d’un reproche qu’il méritait si bien, contribuer de mille écus pour la rançon du prévôt des marchands, Marteau, arrêté à Blois, et s’engager encore pour d’autres sommes plus considérables, au risque de voir sa maison, si nette auparavant, s’embrouiller pour une si mauvaise cause ; mais « de deux maux, nous dit son fils, il choisit le moindre ; autrement on l’eût chassé de Paris, pillé ses meubles et confisqué ses biens ». […] Il faut qu’ils craignent, ajoute l’honnête d’Ormesson, que recevant si mal une grâce de Dieu, il les en punisse.

1820. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Mémoires de Mme Elliot sur la Révolution française, traduits de l’anglais par M. le comte de Baillon » pp. 190-206

Celles qui sont à la Force ne savent point pour combien de temps, et la ci-devant princesse (de Lamballe) est sans femme de chambre, elle se soigne elle-même : pour une personne qui se trouve mal devant un oumard en peinture, c’est une rude position. — On ne voit pas une belle dame dans les rues ; je roule cependant avec mon cocher qui chatouille les lanternes de Paris avec son chapeau. […] Le roi en a mal usé toute sa vie avec lui ; mais il est son cousin, et il feindra une maladie pour rester chez lui, samedi, jour de l’appel nominal qui doit décider du sort du roi. » — « Alors, monseigneur, dis-je, je suis sûre que vous n’irez pas à la Convention mercredi ; je vous en prie, n’y allez pas. » Il répondit qu’il n’irait certainement pas, qu’il n’en avait jamais eu le projet, et il me donna sa parole d’honneur qu’il ne s’y rendrait pas ce jour-là, ajoutant que, quoique, selon lui, le roi eût été coupable en manquant de parole à la nation, rien ne pourrait le contraindre, lui, son parent, à voter contre Louis XVI.

1821. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Madame Swetchine. Sa vie et ses œuvres publiées par M. de Falloux. »

Je veux citer cette page très belle et vraiment touchante : il vient d’être question de la mort : « La vieillesse aussi, dit-elle, est un mal irréparable : rien ne peut faire qu’on remonte le cours des ans ; mais, comme toutes les situations sans éclat, elle renferme des compensations puissantes et un charme secret, connu seulement de ceux qui s’exercent à le goûter. […] « J’ai souvent pensé, dit-elle, que c’était par le cœur qu’on ne s’ennuyait jamais, les deux héros de l’ennui, M. de Chateaubriand et Benjamin Constant, m’ayant mise sur la voie de cette vérité en démontrant sibien que ce n’est pas l’esprit qui sauve d’un tel mal. » On trouve son compte avec elle par bien des pensées de ce genre, même quand on ne la suit pas dans ses plus hautes régions Enfin, sans tant épiloguer sur les mots, ceux qui se livreront à cette lecture, dussent-ils comme moi rester à mi-chemin de la sympathie, y gagneront au moins une vue intéressante sur une nature de femme très rare et très distinguée, qui fait le plus grand honneur au monde aristocratique où elle a vécu.

1822. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Des prochaines élections de l’Académie. »

Il raisonne en effet très volontiers, — pas mal et quelquefois bien sur les matières politiques et historiques qui sont dans le courant habituel des salons, — pas très bien ni très finement sur les matières littéraires, soit celles du jour, soit celles d’autrefois. […] Il n’est pas si aisé qu’on le croirait de prouver à des académiciens politiques et hommes d’État comme quoi il y a, dans les Fleurs du Mal, des pièces très remarquables vraiment pour le talent et pour l’art ; de leur expliquer que, dans les petits poèmes en prose de l’auteur, le Vieux Saltimbanque et les Veuves sont deux bijoux, et qu’en somme M. 

1823. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Madame de Staël. Coppet et Weimar, par l’auteur des Souvenirs de Mme Récamier »

C’est une étrange manière que de faire des accaparements de tout, même d’infortune. » Ceci se rapporte à ce malheur exagéré sans doute, mais si réel puisqu’il était moralement ressenti, à ce mal de Paris et de l’exil qui agitait et torturait Mme de Staël, même dans un beau lieu et sous de magnifiques ombrages. […] Le moment où Sismondi trouvait la conversation de Coppet moins agréable et trop personnelle était celui où Mme de Staël, dans le paroxysme de la souffrance, écrivait à Mme Récamier cette lettre éperdue et comme délirante qui révèle toute l’étendue et la singularité de son mal : « Je suis plongée dans une espèce de désespoir qui me dévore ; ne faut-il pas que je tente d’y échapper ?

1824. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Histoire de Louvois et de son administration politique et militaire, par M. Camille Rousset. »

Par mesure de prudence, les magistrats avaient eu soin de laisser sans poudre les canons du rempart, afin d’ôter aux mauvaises têtes, s’il y en avait, le moyen de commencer un jeu qui aurait mal fini pour la population tout entière. […] Il est bon qu’il fasse retirer ces billets — là tout doucement des corps de garde sans faire de bruit. » (Et au sujet des visites dans les hôpitaux) : « Elle est fort louable de faire cela, et si elle y trouve quelque chose de mal, elle me fera plaisir de m’en avertir ; mais il ne faut voir que l’hôpital du roi et n’aller que rarement dans celui de la ville, à moins qu’elle ne sût qu’il y eût quelque catholique auquel on refusât de donner les assistances spirituelles, auquel cas il serait fort à propos d’en avertir. » Louvois, l’approbateur, sinon l’inventeur des dragonnades, qui, dans les années suivantes, allait être si dur et si impitoyable pour les Protestants du cœur du royaume, anciens et bons Français, se montrait ici prudent et politique à l’égard d’une cité luthérienne, nouvellement française.

1825. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « M. Émile de Girardin. »

Certes, M. de Girardin eut alors un sentiment très-vrai de la situation, des divers moments et comme des divers accès par où le mal allait empirant chaque jour, et lorsque le 24 février éclata, il était en règle, il avait poussé d’avance tous les cris d’alarme ; on l’avait même vu, dans la séance du 14 février 1843, après un vote de la majorité qui qualifiait la minorité avec injure, déposer sur le bureau du président sa démission de député et signifier sa sortie de la Chambre jusqu’à de nouvelles élections générales : il donnait pour motif qu’il ne voyait pas de place possible entre une majorité intolérante qui s’égarait, et une opposition inconséquente qui allait on ne sait où. […] Il a présenté et renouvelé sous toutes les formes son fameux argument en faveur de l’impunité, à savoir l’innocuité ; — c’est-à-dire, selon lui, que la presse ne fait qu’un mal imaginaire ; qu’il n’est que de laisser dire et contredire pour tout neutraliser, que cette puissance que s’attribue le journal n’est qu’une vanterie et un lieu commun ; que tous ces tyrans de l’opinion ne sont que des mouches du coche.

1826. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Jean-Bon Saint-André, sa vie et ses écrits. par M. Michel Nicolas. »

Il s’adressa dans sa haute et froide impartialité à toutes les nuances, à toutes les couleurs d’opinions qui s’étaient dessinées depuis 1789 jusqu’au 18 brumaire, sans en exclure aucune, au côté droit comme au côté gauche des diverses Assemblées qui s’étaient succédé : il convenait pourtant que les Constituants lui donnaient plus de mal que d’autres à réduire et à employer ; les Conventionnels lui en donnèrent moins : ils avaient été amenés à comprendre mieux que les premiers que la liberté n’est pas tout, que le salut public doit passer même avant les principes, et que dans la vie des nations il y a telle chose qu’on ne saurait supprimer, le gouvernement avec ses nécessités à certaines heures. […] Un jour son collègue s’étant trouvé mal en chaire après son exorde, Jean-Bon prit sa place immédiatement, et sur le plan même que le collègue venait de tracer, il fit un discours des mieux accueillis.

1827. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Méditations sur l’essence de la religion chrétienne, par M. Guizot. »

si la personne atteinte d’un mal lent et mortel lui est particulièrement chère, il suit la mort dans ses progrès, il la voit venir à coup sûr, fatale, irrémédiable ; il sait le néant des illusions, des espérances ; il ne manque cependant à aucun des soins, à aucune des sollicitudes, tout en sachant et en se prédisant presque à heure fixe, et montre en main, le terme funèbre que tous ses soins ne reculeront pas. […] Cette chambre est mal meublée, ou plutôt très inégalement meublée.

1828. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Observations sur l’orthographe française, par M. Ambroise »

Ainsi, pour le mot lyrique par exemple, dont le sens ne se borne plus à des pièces d’opéra, comme du temps de Quinault ou de M. de Jouy, mais qui comprend et embrasse, selon les meilleurs critiques, tout un vaste ensemble de poésie intime ou personnelle et d’épanchements de l’âme, en regard et à côté des genres épique et dramatique : il faudra, bon gré, mal gré, tenir compte de ces progrès de l’Esthétique, comme on dit. […] Didot et dont il faut qu’il fasse son deuil, l’un des plus vifs est sur ce mot même d’orthographe : en effet il n’y eut jamais de mot plus mal formé.

1829. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. PROSPER MÉRIMÉE (Essai sur la Guerre sociale. — Colomba.) » pp. 470-492

Le bain des femmes est mal orné, il ne lui convient pas. — « Je veux le bain des hommes, » dit-elle. […] Elle se compare dans sa plainte au rossignol qui a perdu ses petits ; elle s’écrie à qui la veut consoler : « Insensé qui peut oublier ses parents morts de la male mort !

1830. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre I. La littérature pendant la Révolution et l’Empire — Chapitre II. L’éloquence politique »

On comprendrait mal sa domination, si on ne voyait l’appui qu’elle trouva dans sa parole : à cet égard, l’éloquence a été pour lui ce qu’elle était pour les chefs des démocraties anciennes635 . […] « Soldats, vous êtes nus, mal nourris… Soldats, je suis content de vous… Soldats, nous n’avons pas été vaincus. » On est secoué et pris.

1831. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre I — Chapitre quatrième »

Cette théologie est sans compassion ; elle accable l’homme par la brièveté de ses jugements sommaires, à la différence de la religion, qui découvre d’une main maternelle toutes les plaies du cœur qu’elle va guérir, et qui montre, à côté des ravages du mal originel, les ressources de la nature rachetée. […] Ils ne connaissent point le passé, ou ils le connaissent encore plus mal que les clercs ; ils pensent dans un lieu et dans un temps, avec une raison qui n’a pas de traditions qui ne sait pas qu’elle est la raison universelle.

1832. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « Stéphane Mallarmé » pp. 146-168

Charles Cros disait : « Mallarmé est un Baudelaire cassé, dont les morceaux n’ont jamais pu se recoller. » Ne prenons la boutade que pour ce qu’elle vaut, mais avouons que Mallarmé est resté sous l’empire de Baudelaire et que son œuvre, comme on l’a dit, n’est qu’un appendice édulcoré des Fleurs du Mal. […] Paul Valéry, elle est plausible, Hugo n’avait-il pas émis la prétention de modeler son œuvre sur l’univers et n’est-ce pas l’éternel conflit du bien et du mal qui s’y joue, qui lui avait suggéré son procédé de l’antithèse ?

1833. (1890) L’avenir de la science « V »

Reconnaissons d’abord que, s’il en est ainsi, c’est là un mal incurable, nécessaire, et dont il ne faut accuser personne. […] De murmurer contre elle et de perdre patience, il est mal à propos, et les orthodoxes sont vraiment plaisants dans leurs colères contre les libres penseurs, comme s’il avait dépendu d’eux de se développer autrement, comme si l’on était maître de croire ce que l’on veut.

1834. (1890) L’avenir de la science « XVI »

Chez nous, toute connaissance est antithétique : en face du bien, nous voyons le mal ; en face du beau, le laid ; quand nous affirmons, nous nions, nous voyons l’objection, nous nous roidissons, nous argumentons. […] On prenait tant bien que mal les institutions ou les dogmes et on se les accommodait à sa guise.

1835. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXXVI » pp. 413-441

Si jamais il n’est plus jeune, et qu’il cesse d’être amoureux, il ne sera plus la même chose. » C’était donc la sollicitude maternelle qui disposait mal madame de Sévigné pour les premiers ouvrages de Racine ; Andromaque fut la première de ses pièces qu’elle vit avec faveur, tant que son fils fut amoureux de l’actrice. […] La Champmeslé y aurait fait mal au cœur. » Si Voltaire avait eu le loisir de lire madame de Sévigné, avec l’application qu’on est en droit d’exiger d’écrivains moins occupés qui parlent d’elle, il aurait vu que les préventions de cette femme illustre, préventions qui n’ont pas été jusqu’à méconnaître le mérite de Racine et à lui préférer Pradon, tenaient à un principe moral d’une nature fort supérieure aux préceptes du goût en littérature.

1836. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Éloges académiques de M. Pariset, publiés par M. Dubois (d’Amiens). (2 vol. — 1850.) » pp. 392-411

N’entendez-vous pas d’ici les murmures flatteurs qui durent accueillir ce passage contre les unions mal assorties ? […] Il semblait croire pourtant que l’avenir, un avenir très lointain, réparerait pour l’humanité tous les maux du présent ; il combinait dans une certaine mesure le désabusement et la chimère.

1837. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Œuvres de Mme de Genlis. (Collection Didier.) » pp. 19-37

Sa réputation a gardé quelque chose d’équivoque et de mal défini. […] La mère de Mme de Genlis, qui faisait tant bien que mal des vers (toute cette famille avait pour premier don la facilité), avait composé un opéra-comique qu’on joua à Saint-Aubin, et dans lequel la jeune comtesse de Lancy (la future Genlis) eut le rôle de l’Amour : Je n’oublierai jamais, dit-elle, que dans le prologue mon habit d’Amour était couleur de rose, recouvert de dentelle de point parsemée de petites fleurs artificielles de toutes couleurs ; il ne me venait que jusqu’aux genoux ; j’avais des petites bottines couleur de paille et argent, mes longs cheveux abattus et des ailes bleues.

1838. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Patru. Éloge d’Olivier Patru, par M. P. Péronne, avocat. (1851.) » pp. 275-293

J’aurais bien plus de sujet de m’en plaindre ; mais quand rois, reines, princes et princesses ne me feront que de ces maux-là, je ne m’en plaindrai jamais. […] Songe que nous n’avons pas comme toi un bréviaire bien payé, quoique mal récité.

1839. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « De la retraite de MM. Villemain et Cousin. » pp. 146-164

Quoi qu’en aient dit des gens mal informés, qui la peignent telle qu’elle a pu être aux Carmélites et à Port-Royal, elle possédait, je ne puis en douter en regardant les portraits authentiques qui sont sous mes yeux, ce genre d’attraits qu’on prisait si fort au xviie  siècle, et qui, avec de belles mains, avait fait la réputation un peu usurpée d’Anne d’Autriche. […] C’est lui qui est l’ambitieux, c’est lui qui est l’intrigant ; c’est lui qui erre de parti en parti à tort et à travers… » À lui donc tout le mal et tous les torts, à elle tout le bien et surtout le mérite du retour chrétien et du repentir ; car le philosophe éclectique, tant accusé, se montre simplement chrétien et sans aucune malignité d’analyse dans ces études toutes littéraires.

1840. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « La reine Marguerite. Ses mémoires et ses lettres. » pp. 182-200

Quand elle parle de Bussy d’Amboise, elle contient mal son admiration pour ce brave cavalier, et l’on croit sentir, à l’abondance de la louange, que son cœur déborde ; mais voilà tout. […] Au milieu de cela, elle était aimée : « Le 27 du mois de mars (1615), dit un contemporain, mourut à Paris la reine Marguerite, le seul reste de la race de Valois, princesse pleine de bonté et de bonnes intentions au bien et repos de l’État, qui ne faisait mal qu’à elle-même.

1841. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Beaumarchais. — I. » pp. 201-219

En me disant avec onction de recourir à Dieu, seul dispensateur des biens et des maux, il me faisait sentir plus vivement le peu de justice et de secours que je devais désormais espérer des hommes. […] Je crois que tu nous as donné les biens et les maux en mesure égale ; je crois que ta justice a tout sagement compensé pour nous, et que la variété des peines et des plaisirs, des craintes et des espérances, est le vent frais qui met le navire en branle et le fait avancer gaiement dans sa route.

1842. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Franklin. — III. Franklin à Passy. (Fin.) » pp. 167-185

Assistant à une séance de lycée ou d’académie, où l’on faisait des lectures, et entendant mal le français déclamé, il se dit, pour être poli, qu’il applaudirait toutes les fois qu’il verrait Mme de Boufflers donner des marques de son approbation ; mais il se trouva que, sans le savoir, il avait applaudi plus fort que tout le monde aux endroits où on le louait lui-même. […] Ils ont de certaines frivolités, mais qui ne font de mal à personne.

1843. (1867) Le cerveau et la pensée « Chapitre V. Le génie et la folie »

De même, si je travaille trop, je me donne un mal de tête ! […] Pourvu qu’il rencontre un mal nerveux quelconque dans la famille d’un homme de génie, aussitôt il y voit une prédisposition héréditaire ; et remarquez à quel point il élargit le cercle des phénomènes dont il s’agit.

1844. (1912) L’art de lire « Chapitre VIII. Les ennemis de la lecture »

Octave Feuillet ; pour le même motif et par contre, l’amour-propre de bien des lecteurs regimbe contre Octave Feuillet et dit en grondant : « Cet auteur se donne bien du mal pour me faire entendre qu’il a plus de délicatesse que moi. […] Continuons de lire La Bruyère ; il connaît la question ; il est homme qui a fait un livre et qui a désiré très vivement être lu et qui était assez intelligent pour comprendre, mieux encore que tout autre chose, les raisons qu’on pouvait avoir de ne le lire point ou de le lire mal : « Ceux qui par leur condition se trouvent exempts de la jalousie d’auteur ont, ou des passions, ou des besoins qui les distraient ou les rendent froids sur les conceptions d’autrui ; personne presque, par la disposition de son esprit, de son cœur et de sa fortune, n’est en état de se livrer au plaisir que donne la perfection d’un ouvrage. » Et c’est-à-dire qu’un des ennemis de la lecture, c’est la vie même.

1845. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Michelet »

À coup sûr, s’il y a quelque atténuation possible au mal de son livre présent, elle sera dans cette prêtrise inattendue de Michelet, se révélant si joliment comme le Saint-Cyran de la direction conjugale et le Fénelon d’un nouvel amour ! […] Le désastre a été complet, et c’est tout Michelet que cette conduite, c’est tout Michelet, qui n’est jamais satisfait que quand il a faussé son talent, abusé outrageusement de son idée, tout tué sous lui de ce qui l’aurait fait vivre et durer, et gâté jusqu’au mal qu’il veut faire.

1846. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Lettre sur l’orthographe » pp. 427-431

L’idée donc me paraît excellente ; et je me figure très bien une personne, une femme élégante, qui fait son courrier dans son boudoir devant témoins, pendant qu’on jase autour d’elle, et qui ne serait pas fâchée de pouvoir se fixer sur l’exacte orthographe d’un mot, sans se lever toutefois et se déranger, sans déceler son doute, sans avoir recours même au plus portatif et au plus maniable des dictionnaires : elle n’a, maintenant, qu’à tourner d’une main négligente et comme par distraction son papier ; elle a l’air, tout au plus, de chercher le quantième du mois, et son œil est tombé précisément sur le mot qui faisait doute et qu’elle avait mal mis.

1847. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Sur le Louis XVI de M. Amédée Renée » pp. 339-344

Un inconvénient des longs régimes tout à fait déplorables et scandaleux comme l’était celui de Louis XV, c’est de faire croire que le remède est trop facile et qu’il suffit de supprimer la cause du mal pour entrer et marcher dans le bien.

1848. (1874) Premiers lundis. Tome I « Fenimore Cooper : Le Corsaire Rouge »

Tantôt faible et mal nouée, tantôt tourmentée et obscure, presque toujours invraisemblable, on dirait, à la voir se dérouler péniblement, tourner et revenir sur elle-même, qu’elle a été conçue après coup, et que les accidents de sa marche ont été prévus et commandés dans un dessein étranger.

1849. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Quatrième partie. Élocution — Chapitre VIII. De la clarté et des termes techniques »

Si votre lecteur ignore le sens du mot dont vous vous servez, si ce mot n’évoque pas en autrui l’idée qui pour vous lui tient par un rapport nécessaire et universel, la propriété de votre expression ne lui donne pas la clarté, et dans ce cas, trop de justesse nuit : on se fait mieux entendre en parlant improprement, Ovide exilé parmi les Scythes disait : « C’est moi qui suis le barbare ici, puisque je ne me fais pas comprendre. » La plus belle harangue en beau langage latin ne valait pas alors pour lui trois mots de jargon scythe tant bien que mal assemblés, plus ou moins écorchés.

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