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1731. (1888) Petit glossaire pour servir à l’intelligence des auteurs décadents et symbolistes « Petit glossaire »

matutinus, matinal ou matineux (spécialisée en indication d’habitude). — Ce mot nouveau était nécessaire pour désigner l’aspect très vierge d’un acte.

1732. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Proudhon » pp. 29-79

X Elle est là toute, en effet, dans ces pages : instincts, passions, habitudes, double empreinte de l’esprit et de la volonté, puissances et impuissances !

1733. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Victor Hugo »

Hors cette légèreté d’un instant, cet oubli de la sévérité de son état, expliqué peut-être par les anciennes habitudes militaires et d’homme du monde, le cardinal Rodrigue Borgia reste, dans l’histoire du R.

1734. (1814) Cours de littérature dramatique. Tome II

Les auteurs se laissent aisément persuader ce qui les flatte : ils ont l’habitude de mettre toutes leurs démarches sur le compte de leurs amis ; cependant une faute n’en est pas moins grave parce qu’un ami nous l’a conseillée. […] Chaque tragédie que l’on fait est un nouveau trait de lumière sur le mérite de Racine : cet homme écrase l’art en l’élevant trop haut, et l’habitude de voir ses chefs-d’œuvre est la mort de toutes les nouveautés. […] Accoutumée dès l’enfance à sacrifier ses plus chers penchants à l’impitoyable raison, elle en avait conservé l’habitude sur le trône : au lieu de prétendre que tout pliât sous ses volontés, elle se fit toujours un devoir de céder aux vœux et à l’opinion de la plus saine partie du public ; et cette conduite n’était que l’inspiration de son bon esprit et de sa prudence naturelle.

1735. (1853) Histoire de la littérature française sous la Restauration. Tome I

Il en résulte que, les idées venant à changer, une lutte s’établit entre la constitution idéale et écrite et la constitution réelle qui se compose des aptitudes et des habitudes de la nation, de ses croyances religieuses, de ses antécédents historiques, de sa tradition politique, de son génie et des nécessités fondamentales que ses qualités, ses défauts, l’étendue, la forme, la situation de son territoire sur la carte, le caractère de sa population, lui imposent. […] Le livre de Cabanis, sur les Rapports du physique et du moral ; l’Idéologie, de Destutt de Tracy ; les Signes, de M. de Gérando ; le Traité de l’habitude, de M.  […] Maine de Biran qui, dans son traité de l’Influence de l’habitude sur la faculté de penser, publié en 1802, n’avait fait qu’appliquer la doctrine physiologique de Cabanis, qui a cherché à expliquer matériellement la pensée, commence, dans sonMémoire sur la décomposition de la pensée, écrit en 1805, à entrevoir qu’il y a une substance intelligente, distincte de l’organisme, et qui a son activité propre. […] Les idées de mademoiselle de Meulan, les habitudes de son style, tout se retrouvait imité, reproduit avec une scrupuleuse fidélité dans ce remarquable travail, qu’on aurait dit écrit sous sa dictée. […] Déjà, dans les dernières années de l’ancienne monarchie, Ducis, cet esprit vigoureux, avait imité le théâtre de Shakspeare sur notre scène, et si le traducteur d’Hamlet duRoi Léar et de Macbeth, pour se conformer aux habitudes de notre littérature dramatique et aux idées de son temps, avait rogné les ongles et les serres du vieil aigle britannique, un grand acteur65, en étudiant ses rôles dans l’original, lui rendait par son jeu une partie de ce que le traducteur lui ôtait.

1736. (1892) Essais sur la littérature contemporaine

France en perdit ce jour-là jusqu’au goût d’atticisme, — ou plutôt d’alexandrinisme, — dont il se pique d’habitude. […] Engagés qu’ils sont encore dans les habitudes de l’école qui les a précédés, ils ne savent pas s’abstraire d’eux-mêmes ; ils ont ce culte ou cette superstition du moi, qui fut jadis, comme l’on sait, la religion du romantisme ; et toute leur crainte, où beaucoup de vanité se mêle à beaucoup d’enfantillage, est que nous ne confondions les titres de M.  […] C’est pour soi, mais c’est aussi pour les autres qu’on écrit et qu’on parle ; et, assurément, nous ne devons ni leur sacrifier, ni déguiser pour eux ce que nous croyons être la justice et la vérité, mais nous devons les leur présenter d’une manière qui ne heurte pas trop rudement leurs oreilles, leurs habitudes, et leurs préjugés. […] Rien que pour prendre possession du matériel de la langue, du vocabulaire ou de la syntaxe élémentaire, du mécanisme de la déclinaison ou de la règle du que retranché, il y fallait plus que de la mémoire ; et l’esprit de l’enfant, obligé de sortir de lui-même et de ses habitudes, s’élargissait en se dépaysant, s’assouplissait en s’exerçant, se fortifiait en se développant. […] Une « habitude de penser hautement » ; une constante préoccupation « de faire choix des choses », « de les embellir », de « les rectifier » ; la nature « vue comme elle est » et montrée « comme elle n’est pas » ; ou plutôt « rapportée, réduite et subordonnée à l’homme » si ce sont là des traits, et les traits essentiels de l’art de Léonard et de Raphaël, ce sont bien ceux aussi de notre littérature classique, de la tragédie de Racine ou de la fable de La Fontaine.

1737. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre IV. L’âge moderne. — Chapitre I. Les idées et les œuvres. » pp. 234-333

De ce caractère naquit une théorie, sa théorie de l’art, toute spiritualiste, qui, après avoir révolté les habitudes classiques, finit par rallier les sympathies protestantes, et lui gagna autant de partisans qu’elle lui avait suscité d’ennemis1219. […] J’oublie nos façons françaises insouciantes, notre habitude de laisser couler la vie.

1738. (1899) La parade littéraire (articles de La Plume, 1898-1899) pp. 300-117

Aussi, pourrons-nous aisément nous expliquer pourquoi les nouveaux mouvements d’art et de pensée sont d’habitude si peu compris par les critiques de nos gazettes et des revues austères. […] Mon cher Deschamps, Je n’ai point pour habitude de donner la réplique à mes adversaires.

1739. (1899) Arabesques pp. 1-223

Albert Samain et même quelquefois M. de Régnier, malgré son art congelé d’habitude à cinquante degrés sous zéro. […] Mallarmé, ses habitudes ne changent point : il va toujours, avec une sûreté de flair prodigieuse, jusqu’au fond de l’ordure ou jusqu’aux extrêmes limites de l’aberration. […] Toute émotion en harmonie avec l’habitude d’esprit du penseur est assimilée, fermente, se transforme en élément d’art ou de science.

1740. (1890) Journal des Goncourt. Tome IV (1870-1871) « Année 1871 » pp. 180-366

Un tir incessant, dont la fumée se rabattant sur les maisons de la plaine, et les montrant toutes grises, fait du coteau, dans l’indécision et le vague, comme l’étagement d’une ville d’ardoise, d’où s’élanceraient des feux et des détonations de cratères… Au milieu de cette rage de l’artillerie, l’habitude est tellement prise de vivre au bruit du canon, parmi les crachats de la fonte, et chacun a fait conquête d’une telle insouciance, que je vois des jardiniers gazonner tranquillement, à côté d’ouvriers reposant des grillages, avec la quiétude des printemps passés. […] C’est le sujet pour Berthelot, d’exécuter, ainsi qu’il en a l’habitude, un historique ingénieux, un historique de la disparition du rat primitif de l’Europe, entièrement dévoré au xve et au xvie  siècles par le surmulot, qui lui-même est en train d’être mangé, à l’heure présente, par le rat scandinave. […] Elle est là, se plaignant, avec des éclats de voix, du théâtre qui a pris l’habitude de ne plus payer que les premiers rôles, du théâtre qui donnait à Berton 300 francs par soirée dans Le Marquis de Villemer… Je n’ai pas vu de corps d’état où la revendication de l’argent se fasse avec plus de violence que chez les acteurs et les actrices.

1741. (1716) Réflexions sur la critique pp. 1-296

Car on travailleroit en vain pour désabuser de vieux sçavans de l’espece de culte où ils sont accoûtumez pour Homere ; tout nôtre espoir est dans une génération nouvelle, dans une génération qui n’ait point encore fléchi sous les autoritez, qui n’ait pas crié pendant trente ou quarante ans au miracle ; et qui par la longue habitude de se passionner ainsi, n’ait pas pris une espece d’engagement contre la raison. […] J’aurois plus de foi là-dessus, à des esprits naturels et simplement cultivez par ce qui s’est fait de meilleur dans nôtre siecle ; qu’à ces sçavans qui par la longue habitude d’admirer tout dans les anciens, et par trop de déférence aux autoritez, se sont fait, pour ainsi dire, un goût d’emprunt, et tout-à-fait étranger à la raison. […] Je ne leur conseillerai pas comme ésope d’aller jetter leur pierre à un plus puissant que moi, qui pousseroit la reconnoissance plus loin ; je leur dirai plûtôt sérieusement de commencer par m’épargner moi-même, de peur de contracter une habitude injuste et dangereuse à l’égard des autres.

1742. (1873) Molière, sa vie et ses œuvres pp. 1-196

Elle fêta Molière comme d’habitude, au bruit des bombes que lançaient sur Paris les compatriotes de Lessing, de Schiller et de Goethe. […] De là cette habitude des oraisons et, je le répète, des conférences. […] Mais je pense aussi qu’il faut entretenir dans les lettres le culte de ces gloires passées et l’habitude de les étudier.

1743. (1929) Critique et conférences (Œuvres posthumes III)

Il en vint, tant l’habitude de s’appesantir (ce qui n’est autre au fond que de s’appuyer) sur les choses, est pour l’esprit un don providentiel, il en vint, à force d’obstinées réflexions et de souffrance bien acceptée, à tirer de ce minime supplice, comme les forts savent le faire de tous les supplices, toute une philosophie qu’il serait ridicule de résumer en ce court essai, mais dont voici du moins les lignes essentielles : Tu ressembles, dis-tu, à cette pendule ; tu lui ressembles trop ou plutôt pas assez. […] D’où ce confinement, en résumé peu pénible, mais absolu quand même, et, Malgré l’habitude Qu’on en peut avoir, ennuyeux. […] Ernest Delahaye, a été mal inspiré peut-être, — qu’il nous permette de le lui dire en toute amitié, — par les habitudes tyranniques contractées dans l’enseignement, en donnant à son bel ouvrage ce titre et cette destination étroitement pédagogiques.

1744. (1860) Cours familier de littérature. IX « LIIe entretien. Littérature politique. Machiavel » pp. 241-320

Comment de tels peuples n’auraient-ils pas contracté l’habitude d’osciller, comme leurs grands patriotes, d’une servitude à une autre servitude ?

1745. (1863) Cours familier de littérature. XV « LXXXVe entretien. Considérations sur un chef-d’œuvre, ou le danger du génie. Les Misérables, par Victor Hugo (3e partie) » pp. 5-79

ces ruptures-là sont irrévocables, — elle se trouva absolument isolée, avec l’habitude du travail de moins et le goût du plaisir de plus.

1746. (1869) Cours familier de littérature. XXVII « CLVIIIe Entretien. Montesquieu »

Les influences des lois et leurs causes sont dans les mœurs, dans les habitudes, dans les territoires, dans les terres, dans les mers, dans les circonstances, dans les religions, dans les ambitions, dans les grands hommes des peuples qui les communiquent à leurs nationaux et à leur temps.

1747. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre III. Les grands artistes classiques — Chapitre III. Molière »

Dans ses œuvres les plus considérables, dans le Chevalier à la mode et les Bourgeoises de qualité il a plaisamment mis en scène le nivellement social que produit l’argent, en dépit des préjugés héréditaires et des habitudes invétérées : l’équilibre maintenu par le prestige de la qualité, et de ce chef, le mendiant ou l’escroc titré reprenant l’avantage sur la bourgeoisie, qui se demande parfois si ce qu’on lui vend, amour ou nom, vaut bien les bons écus qu’elle lâche ; enfin, l’ascension obstinée de tout ce qui a gagné ou volé, vers la noblesse, vers les offices et les alliances qui décrassent.

1748. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre sixième. La volonté — Chapitre troisième. La volonté libre »

« Le cœur a ses raisons que la raison ne connaît pas », la passion aussi, et l’habitude, et le caractère.

1749. (1856) Cours familier de littérature. I « VIe entretien. Suite du poème et du drame de Sacountala » pp. 401-474

Un autre chambellan leur décrit en ces termes l’abattement du prince : « Le roi n’eut pas plutôt jeté les yeux sur ce fatal anneau, que, la mémoire lui revenant tout à coup, il se rappela le mariage qu’il avait secrètement contracté avec Sacountala, s’accusa de l’avoir repoussée avec tant de cruauté et d’injustice, et, depuis ce temps, il est livré au plus amer repentir ; il a les plaisirs en horreur ; il se refuse, contre son habitude, à recevoir chaque jour les hommages de son peuple.

1750. (1914) Boulevard et coulisses

Ils voudraient d’une main brusque couper les liens qui nous y rattachent, abolir les habitudes et les traditions qu’il nous a léguées, et alors nous entraîner avec eux à l’aventure, dans leur rêve, vers un avenir qu’ils ignorent et qu’ils avouent eux-mêmes ignorer.

1751. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre X : De la succession géologique des êtres organisés »

Du reste, que les espèces ainsi supplantées par d’autres, mieux adaptées aux conditions locales, appartiennent à la même classe ou à des classes distinctes, néanmoins il se peut toujours que quelques-uns des vaincus survivent et se perpétuent longtemps, grâce à des habitudes particulières, ou grâce à ce qu’ils habitent quelque contrée distante et isolée où ils ont échappé à la concurrence de leurs ennemis.

1752. (1855) Préface des Chants modernes pp. 1-39

Les Juifs ont mieux aimé crucifier Jésus-Christ que de changer leurs habitudes.

1753. (1919) L’énergie spirituelle. Essais et conférences « Chapitre V. Le souvenir du présent et la fausse reconnaissance »

Elle bouleverse toutes nos habitudes.

1754. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — Chapitre III. La Révolution. »

Collins, Tindal, Bolingbroke sont leurs docteurs ; la corruption des mœurs, l’habitude des trahisons, le choc des sectes, la liberté des discussions, le progrès des sciences et la fermentation des idées semblent dissoudre le christianisme. « Point de religion, disait Montesquieu, en Angleterre. […] —  « Premièrement, j’examinerai la nature de ce vice et ce en quoi il consiste ; secondement, je considérerai jusqu’où s’étend la défense qui nous est faite de nous y livrer ; troisièmement, je montrerai le mal de cette habitude tant dans ses causes que dans ses effets ; quatrièmement, j’ajouterai quelques considérations supplémentaires pour en détourner les hommes ; cinquièmement, je donnerai quelques règles et directions qui serviront à l’éviter et à le guérir827. » Quel style !

1755. (1848) Études sur la littérature française au XIXe siècle. Tome III. Sainte-Beuve, Edgar Quinet, Michelet, etc.

Les mots soulignés, remarque Rambert (4e édition, p. 347), sont écrits en chiffres, selon l’habitude de Vinet, quand il s’agit de détails intimes. […] Plusieurs ont traversé, ou traverseront encore avec labeur, ce moment critique, où tout, on le croirait, étant fait, tout semble encore à faire ; où les illusions mondaines sont dissipées, le besoin de la vérité profond et sincère, les éléments de cette vérité présents, ses conséquences pressenties, avouées, aimées, ses aspects recherchés avec prédilection, ses jugements acceptés, appliqués, elle-même devenue la pente de l’esprit, un instinct de l’âme ; enfin où le besoin de l’honorer et de la répandre domine et fléchit la vie entière ; et où, toutefois, le combat continue dans la victoire, non plus contre un obstacle vivant et vivace, mais contre un obstacle mort, contre l’impression subsistante d’une vie entière, contre des habitudes qui ne sont plus suivies, mais dont le pli est resté, contre tout le poids du passé, du passé qui est notre vrai présent, et qui s’accumule tout entier sur le point même où nous vivons. […] En vain chez sa fille innocente, L’ennui s’émeut parfois d’une compagne absente, Et l’habitude aimée agite son lien : La mère, elle, est sans plainte et ne regrette rien. […] Parce que ces hommes, lentement évidés par l’habitude de la spéculation, ne sentent pas le besoin de Dieu, ils auraient tort de s’imaginer que d’autres ne le sentent pas ; il faut, au contraire, qu’ils reconnaissent que ce besoin est le plus constant, le plus universel, le plus inextinguible de la nature humaine, et que, dans toutes les histoires où la religion paraît, si ce n’est pas le seul, c’est le premier qu’il faut supposer. […] En effet, le dogme chrétien que nous avons signalé n’est pas seulement (si l’on veut bien nous permettre ici le langage de l’école) actuellement présent dans une foule de déclarations scriptuaires qui le placent au centre de tout le système ; il est, ainsi que nous l’avons dit, virtuellement partout, partout pour un esprit philosophique et attentif ; et l’on ne peut assez admirer que des hommes qui possèdent à un degré rare l’habitude et le talent de l’analyse, en cette unique occasion l’appliquent si mal, ou plutôt en fassent si peu d’usage.

1756. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Ma biographie »

Un portrait de son père, une miniature peinte en 1791 nous le représente avec des yeux bleus, le nez fort et fin qui, vu de profil, doit être recourbé, la narine bien ouverte ; la bouche, qui devait être grande, est fermée comme par une habitude naturelle : les deux lèvres, sans être serrées et plutôt souriantes, relevées dans les coins, forment une ligne fine et longue sur laquelle la lèvre supérieure seule a un peu de relief et de contour, marqués par une légère teinte rose.

1757. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Charles Nodier »

Un nouveau cercle d’habitudes se forma.

1758. (1859) Cours familier de littérature. VIII « XLVIIe entretien. Littérature latine. Horace (1re partie) » pp. 337-410

…… Après que chacun de nous a bu à sa soif, l’entretien se ravive ; nous causons, non pas sur nos voisins pour en médire, ni sur les propriétés pour les envier, ni sur le talent plus ou moins merveilleux du danseur Lepos ; nous nous entretenons sur des sujets qui nous intéressent davantage, et qu’il n’est pas sage d’ignorer : si le bonheur de l’homme consiste dans la richesse ou dans la vertu ; si le mobile de la véritable amitié est l’intérêt ou l’estime, etc… » Puis le poète, pour diversifier l’entretien, introduit dans le dialogue son voisin Cervius, qui a l’habitude de conter les vieux apologues populaires ; Cervius, à propos des richesses de leur autre voisin, un certain Abellius, le propriétaire du plus vaste domaine de la vallée d’Ustica, récite en vers inimitables, même par La Fontaine, la fable du Rat de ville et du Rat des champs.

1759. (1860) Cours familier de littérature. IX « XLIXe entretien. Les salons littéraires. Souvenirs de madame Récamier » pp. 6-80

J’ai pu les écouter, les comprendre, les admettre jusqu’où elles étaient admissibles, mais je n’ai point laissé le doute entrer dans mon cœur. » XXX On voit par ce passage, écrit bien longtemps après son enfance, que la foi de cette jeune fille était tempérée comme son âme, et que la religion fut toute sa vie une douce habitude de ses sens plutôt qu’une passion de son intelligence.

1760. (1861) Cours familier de littérature. XI « LXIVe entretien. Cicéron (3e partie) » pp. 257-336

Cicéron définit ensuite avec la même justesse toutes les passions qui affligent l’homme, et il distingue la passion, qui n’est qu’un mouvement instantané, du vice, qui est une habitude d’infirmité ou de dépravation de l’âme.

1761. (1862) Cours familier de littérature. XIV « LXXXIe entretien. Socrate et Platon. Philosophie grecque (1re partie) » pp. 145-224

« Voilà le seul mal que je redoute et que je veux éviter ; tellement que, si vous me disiez en ce moment : — Socrate, nous rejetons l’accusation d’Anytus et nous te renvoyons absous, mais c’est à la condition que tu cesseras de philosopher, et, si l’on découvre que tu retombes dans tes habitudes de discuter sur les choses divines, tu mourras !

1762. (1866) Cours familier de littérature. XXI « CXXIIe entretien. L’Imitation de Jésus-Christ » pp. 97-176

Une mauvaise habitude vous arrêtera, mais vous la vaincrez par une meilleure.

1763. (1866) Cours familier de littérature. XXI « CXXIIIe entretien. Fior d’Aliza » pp. 177-256

Léopold, quoique frère de l’empereur d’Autriche, et empereur ensuite lui-même, avait inoculé le goût et l’habitude des gouvernements libres à l’Italie ; il y avait été le précurseur de la révolution et de la tolérance administrative et religieuse descendues du trône sur les sujets.

1764. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre neuvième »

L’habitude de mentir n’est qu’un calcul malhonnête pour tromper les gens ou pour s’en faire estimer plus qu’on ne vaut.

1765. (1913) Les antinomies entre l’individu et la société « Chapitre II. L’antinomie psychologique l’antinomie dans la vie intellectuelle » pp. 5-69

« Elle diminue l’indécision, l’inconséquence et la divergence de nos desseins quelconques en rattachant à des motifs extérieurs celles de nos habitudes intellectuelles, morales et pratiques qui émanèrent d’abord de sources purement intérieures22. » La science multiplie les actes de foi nécessaires à la vie sociale.

1766. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre VIII. La littérature et la vie politique » pp. 191-229

Mais elle implique, pour tous les citoyens ou du moins pour une partie privilégiée d’entre eux, le droit et l’habitude d’exprimer leur opinion sur les objets d’intérêt général, et par suite des conflits, une lutte entre les différentes convictions.

1767. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 mai 1885. »

Les plus parfaits chanteurs, les plus grands exécutants, — si intéressés d’habitude, et pour cause — oublieront, cette fois, tous engagements, lucres et bénéfices, pour le seul honneur d’exprimer, gratuitement, quoi ?..

1768. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1860 » pp. 303-358

Entre ceux qui restent, l’on se met à causer théâtre, et Flaubert de blaguer un peu grossement, ainsi qu’il en a l’habitude : « Le théâtre n’est pas un art, s’exclame-t-il, c’est un secret… et je l’ai surpris chez les propriétaires du secret.

1769. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1884 » pp. 286-347

Au matin, l’impression est navrante dans la sereine indifférence de la nature, et le joyeux éveil de toutes les bêtes de la maison, qu’il aimait tant : les oies, les canards, les poules, la chèvre, et quand je descends prendre une tasse de café dans la salle à manger, son joli petit chat blanc vient prendre position sur le collet de ma jaquette, ainsi qu’il avait l’habitude de le faire, pendant le déjeuner de son maître.

1770. (1894) Journal des Goncourt. Tome VII (1885-1888) « Année 1886 » pp. 101-162

Mercredi 3 février Armand Baschet, ainsi qu’il en avait l’habitude, était allé vivre quelques jours à Blois, pour la fête de sa mère, sa mère, une femme de 80 ans passant son existence dans son lit.

1771. (1856) Cours familier de littérature. I « IIIe entretien. Philosophie et littérature de l’Inde primitive » pp. 161-239

Mais l’instinct machinal de l’habitude l’emporta sur la nature, qui répugnait au meurtre.

1772. (1856) Cours familier de littérature. II « VIIIe entretien » pp. 87-159

Il était dans la nature que ces foules convoquées dans les temples, au pied de ces tribunes, y prissent l’habitude d’un certain discernement des choses d’esprit ; qu’un orateur leur parût supérieur à un autre ; qu’un langage leur fût fastidieux, un autre langage sympathique ; qu’elles s’entretinssent en sortant du temple des impressions qu’elles avaient reçues ; que leur intelligence et leur oreille se façonnassent insensiblement à la langue, aux idées, à l’art de ces harangues sacrées, et qu’entrées sans lettres dans ces portiques de la philosophie des prédicateurs chrétiens, elles n’en sortissent pas illettrées.

1773. (1857) Cours familier de littérature. III « XIVe entretien. Racine. — Athalie (suite) » pp. 81-159

Puis, voyant à ses yeux humides qu’il avait été ému plus que d’habitude : « La tragédie de monsieur est donc bien touchante », lui demanda-t-elle avec hésitation, « puisqu’elle te fait pleurer ? 

1774. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « III. M. Michelet » pp. 47-96

Lui, qui a essayé d’écrire l’histoire de la Révolution française, l’histoire prise dans son esprit et dans son idée, a bientôt perdu la tête à cette hauteur d’abstraction, et il est retombé dans les habitudes de l’idolâtrie personnelle.

1775. (1929) La société des grands esprits

Nous avons malheureusement pris l’habitude de traduire les εἴδη d’Aristote par formes et celles de Platon par idées2. […] Si dans l’antiquité les théories athéniennes venaient par terre, à travers la Béotie, beaucoup de pélerins suivaient la voie du golfe et de Krissa, dont les habitants avaient même, paraît-il, l’habitude de les rançonner. […] Les hommes d’aujourd’hui ont trop à faire, ils ont trop pris l’habitude d’aller vite ; et la production nouvelle monte toujours, submergeant les ouvrages anciens. […] Le hasard du voisinage aidant, c’est bien l’amour de la liberté qui le rendit catholique : Jean-Jacques prit de bonne heure l’habitude du paradoxe et ne la perdit jamais. […] Ajoutons qu’un artiste producteur, ne s’intéressant d’habitude qu’à son œuvre ou à son esthétique et à ce qui s’y rapporte, souffre de cette indifférence olympienne un peu plus souvent que le simple critique.

1776. (1901) Des réputations littéraires. Essais de morale et d’histoire. Deuxième série

Qui sait si, dans un autre milieu, avec des habitudes d’esprit différentes, je n’aurais pas trouvé naturel ce qui confond aujourd’hui ma raison et ma conscience ? […] Jamais le public n’accepte sans résistance ce qui heurte ou étonne tant soit peu ses habitudes. […] » Guyau lui-même, qui pourtant n’a pas l’habitude de parler pour ne rien dire, déclare qu’il préfère quelquefois, en matière d’art, le jugement de la foule aux appréciations des critiques de profession, par cette raison, dit-il, « que la foule n’a pas de personnalité qui résiste à l’artiste »31. […] Savons-nous si ces formes choquantes qui heurtent notre goût, dérangent nos habitudes, ne sont pas le premier essai et le germe d’un art qui fleurira demain ?

1777. (1907) Propos littéraires. Quatrième série

Inutile de dire qu’il naîtrait de lui-même, qu’il naîtrait des habitudes des coreligionnaires, lesquelles deviendraient des observances, dès que la nouvelle religion aurait pris force. […] Il faut revenir un peu à ces habitudes-là : Au début, ô Kami, tous les enfants étaient naturels et personne ne songeait à mépriser une jeune fille parce qu’elle était mère. […] Au lieu d’être dans le sous-sol, comme en Angleterre, les domestiques étant toujours à deux pas de vous, jusqu’au moment vespertinal où ils vont au rapport chez M. le concierge… C’est encore un ennui cela… « Il y a aussi cette habitude d’être logé par étages, au lieu d’être logé par petites maisonnettes. […] Il met un énorme effort de volonté à jouer un rôle qui, même comme rôle, n’est pas dans les habitudes de sa race. […] Je dirais à la manière de De Maistre : « Ils danseront sur nos tombes », si cette allure n’était pas contraire à leurs habitudes.

1778. (1891) La bataille littéraire. Quatrième série (1887-1888) pp. 1-398

me paraissent être les instruments d’une modification possible de nos habitudes littéraires. […] De la pièce je n’ai pas voulu parler, trouvant d’assez mauvais goût l’habitude prise maintenant de divulguer les secrets des autres, quand ces autres ont le malheur d’être des auteurs dramatiques. […] À vivre continuellement dans l’église, à lire les vieux missels, la Légende dorée de Voragine, la jeune fille, inconsciemment, a pris l’habitude du merveilleux, elle a senti voler autour d’elle comme des visions, les miracles l’ont charmée comme des contes de fée, et son âme voyageuse semble la quitter parfois pour suivre ces saintes et ces saints jusque dans la lumière de leur gloire. […] À cause des baisers qu’elle seule savait, qu’elle seule lui donnait, qu’il n’osait pas demander à d’autres ; à cause des suppliciants plaisirs qui l’avaient d’abord épouvanté, et dont, peu à peu, elle lui avait fait une exécrable et délicieuse habitude.

1779. (1914) L’évolution des genres dans l’histoire de la littérature. Leçons professées à l’École normale supérieure

En effet, ce n’est plus assez qu’un portrait soit ressemblant, ou vivant ; on veut qu’il agisse, pour ainsi dire ; et qu’avec les traits de l’original il en rappelle les occupations, les habitudes, les entours, — la page héroïque ou mémorable de sa biographie. […] Car la « critique des défauts » a au moins cet avantage qu’elle nous met à même de les éviter ; mais la « critique des beautés » a cet inconvénient qu’elle nous invite à les imiter, ce qui n’en produit d’habitude qu’une assez méchante parodie. […] Ce sont les cours de Villemain qui paraissent lui avoir indiqué sa véritable voie, en lui procurant en même temps les moyens d’y pousser plus avant que Villemain lui-même ; et les linéaments de la critique biographique, encore un peu brouillés, comme je vous l’ai dit, dans l’œuvre de Villemain, se dessinent avec netteté dans un article sur Pierre Corneille, daté de 1828 : En fait de critique et d’histoire littéraire, il n’est point, ce me semble, de lecture plus récréante, plus délectable, et à la fois plus féconde en enseignements de toute espèce que les biographies bien faites des grands hommes : non pas les biographies minces et sèches, les notices exiguës et précieuses, où l’écrivain a la pensée de briller, et dont chaque paragraphe est aiguisé en épigramme — il songe peut-être à Villemain lui-même, et certainement à Suard, à d’Alembert, à Fontenelle, — mais de larges, copieuses, diffuses histoires de l’homme et de ses œuvres : entrer en son auteur, s’y installer, le produire sous ses aspects divers ; le faire vivre/se mouvoir et parler, comme il a dû faire ; le suivre en son intérieur et dans ses mœurs domestiques aussi avant que l’on peut ; le rattacher par tous côtés à cette terre, à cette existence réelle, à ces habitudes de chaque jour dont les grands hommes ne dépendent pas moins que nous autres.

1780. (1782) Essai sur les règnes de Claude et de Néron et sur la vie et les écrits de Sénèque pour servir d’introduction à la lecture de ce philosophe (1778-1782) « Essai, sur les règnes, de Claude et de Néron. Livre premier. » pp. 15-203

Ce qu’il a écrit à M. de Malesherbes, il me l’a dit vingt fois : « Je me sens le cœur ingrat ; je hais les bienfaiteurs, parce que le bienfait exige de la reconnaissance, que la reconnaissance est un devoir ; et que le devoir m’est insupportable. » « Mais pourquoi cette habitude de dix-sept ans, dans la cellule d’un moine qu’on méprise ?  […] Cette femme, en qui d’ailleurs l’ambition et l’habitude du crime132 avaient étouffé ce reste de pudeur, le dernier sacrifice des femmes perdues, et presque toujours la consommation de leur perversité, projette de captiver le cœur de son fils (voyez TACIT., ibid.) […] Il est un silence qui peut déconcerter le plus déterminé scélérat, surtout lorsqu’il est soutenu du regard imposant d’un père, d’un ami, d’un instituteur, d’un ministre, d’un personnage de grande autorité, à l’aspect duquel le cœur a pris l’habitude de tressaillir. […] Le scélérat par caractère et par habitude, Anicet167, s’avoue lui-même coupable du crime ; on y joint celui de la révolte. […] Ensuite ce prince, disposé par caractère174 et exercé par habitude à voiler sa haine sous de fausses caresses, approche sa joue de la joue de Sénèque, et l’embrasse.

1781. (1864) Histoire anecdotique de l’ancien théâtre en France. Tome I pp. 3-343

Les théâtres portatifs sur lesquels on représentaient d’habitude les Farces, finirent par inquiéter les acteurs qui avaient remplacé les Confrères de la Passion, et l’on verra les réclamations qui furent portées par eux, sous Louis XIII2. […] Pendant la période de 1710 à 1799, la Comédie-Française, devenue la première scène du monde, introduisit d’importantes et très-utiles améliorations dans ses habitudes intérieures. […] Apollon avait l’habitude de mettre derrière son oreille une plaque jaune destinée à représenter le soleil. […] Avec quelle stupéfaction eux, qui avaient l’habitude de n’admettre les acteurs à l’honneur de leur parler qu’avec une politesse rigide, avec quelle stupéfaction ne verraient-ils pas le sans-gêne, le sans-façon, la manière d’être des artistes du dix-neuvième siècle vis-à-vis leur public ? […] C’est au comte de Lauraguais qu’on dut ce changement radical dans les habitudes du théâtre.

1782. (1902) La politique comparée de Montesquieu, Rousseau et Voltaire

Dans une République, même aristocratique, mais surtout démocratique, il n’y a pas de crainte, sauf dans le cas où la République prend l’habitude d’obéir à un homme ; mais alors elle n’a de république que le nom ; il n’y a pas d’honneur au sens que Montesquieu donne à ce mot, puisqu’il n’y a ni roi aux yeux de qui on ait à se distinguer, ni de caste (c’est vrai en démocratie et on verra plus loin que l’aristocratie telle que l’entend Montesquieu est très proche de la démocratie), ni de caste aux yeux de laquelle on ait à se montrer à ses avantages. […] Rousseau veut donc dire que la nation essaye dans les fonctions de juges ceux dont elle veut savoir si elle en fera des magistrats élus, des « consuls », proconsuls, etc. ; et donc les juges seront élus par le peuple. — Certes, ainsi créés, ils seront indépendants du côté du pouvoir ; mais ils ne le seront pas du côté du peuple, et ce sera, non seulement leur intérêt et leur habitude toute naturelle, mais ce sera comme leur devoir d’épouser les passions populaires que si souvent ils semblent avoir pour mission de combattre et de réprimer. […] Le Parlement de Paris et la plupart des Parlements de province prirent l’habitude de rendre des arrêts contre les évêques qui exigeaient des mourants l’acceptation de la Bulle. […] Le clergé ultramontain avait repris l’habitude des billets de confession et du refus de sacrements. […] Montesquieu, par suite de tous ses principes et de toutes ses habitudes, partisan d’une magistrature indépendante, cette indépendance fût-elle due à la vénalité des charges ; — Rousseau, partisan d’une magistrature qui dépende du peuple et qui soit tenue de lui obéir ou de lui plaire ; — Voltaire, partisan d’une magistrature qui ne soit que l’agent du gouvernement et l’exécutrice de ses volontés : telle nous apparaît être la pensée de nos trois penseurs sur cet objet.

1783. (1730) Des Tropes ou des Diférens sens dans lesquels on peut prendre un même mot dans une même langue. Traité des tropes pp. 1-286

Je fus plus touché de voir tout d’un coup les murailles ruinées de Corinthe, que ne l’étoient les corinthiens même, ausquels l’habitude de voir tous les jours depuis longtems leurs murailles abatues avoit aporté le calus de l’anciéneté. […] Le gout par raport aux viandes dépend beaucoup de l’habitude et de l’éducation : il en est de même du gout de l’esprit : les idées exemplaires que nous avons reçues dans notre jeunesse nous servent de règle dans un age plus avancé ; telle est la force de l’éducation, de l’habitude, et du préjugé.

1784. (1814) Cours de littérature dramatique. Tome I

Nous avons laissé le docte rédacteur des feuilletons du Journal de l’Empire dans un village aux environs de Paris ; pour se dérober aux poursuites dirigées contre lui, il changea de nom, prit les habits d’un paysan et contracta les modestes habitudes de son nouvel état, qui convenaient d’ailleurs à la modicité de sa fortune : sa détresse fut telle, qu’il fut obligé de solliciter une place de maître d’école pour apprendre à lire à de petits enfants. […] Il n’y a que la nation française qui prétende admirer pendant cinquante ans les mêmes phrases musicales, et imposer à une troisième génération les chants qui ont fait l’admiration de leurs aïeux, sans tenir aucun compte des changements qui ont dû s’opérer dans les mœurs, les goûts et les habitudes. […] Là, il se serait convaincu que le goût que les Italiens ont pour la musique est la suite nécessaire de leur climat, de leurs habitudes, et de l’adresse que les entrepreneurs de spectacles ont toujours de procurer au public des plaisirs sans fatigue. […] Cet intérêt me paraît bien supérieur au pathétique ordinaire : il est surtout bien plus d’accord avec la morale ; car l’habitude de s’attendrir au théâtre sur les crimes des passions, ne peut, à la longue, que favoriser les passions et familiariser avec les crimes. […] L’habitude des émotions fortes rend presque insensible à des impressions plus douces : le vin le plus exquis est insipide pour un palais émoussé par des liqueurs spiritueuses ; le joueur s’ennuie dans la société la plus agréable ; il regrette les secousses que donnent à son âme les chances de la fortune.

1785. (1882) Hommes et dieux. Études d’histoire et de littérature

Était-ce juste impatience de sortir de la vie, ou servilité machinale, ou habitude de la mort ? […] Elle n’avait pas seulement l’orgueil de la Déesse dont elle portait le nom redoutable, elle en eut aussi l’activité virile, les habitudes matinales, la passion pour la chasse, le goût des eaux glacées où elle se plongeait au fort de l’hiver. […] Mme de Sévigné raconte ce mystérieux incident et les paroles extraordinaires qu’il arracha à Louis XIV, d’habitude si secret et si contenu. […] Tout en lui devient historique : son tempérament, ses habitudes, ses infirmités, son entourage, ses maîtresses, le genre de vie sérieux ou frivole, dissipé ou solitaire, que lui impose le cérémonial.

1786. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « M. Littré. »

Herschell, fils de l’illustre astronome, sur l’Étude de la philosophie naturelle, un très bel article tout animé du souffle newtonnien et où il s’inspirait du génie des sciences (14 février 1835), frappa pourtant et devait frapper Carrel ; arrivant ce jour-là au National, et voyant Littré qui traduisait ses journaux allemands, selon son habitude, au bout de la table de la rédaction dans le salon commun : « Mais vous ne pouvez rester dans cette position, lui dit-il, vous êtes notre collaborateur.

1787. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Alfred de Vigny. »

Je me rappelle que, quelques instants avant la séance, M. de Vigny en costume, mais ayant gardé la cravate noire, « par un reste d’habitude militaire », disait-il, rencontra dans la galerie de la Bibliothèque de l’Institut, et au milieu de la foule des académiciens, Spontini, également en grand costume et affublé de tous ses ordres et cordons74 ; il alla à lui les bras ouverts et lui dit d’un air rayonnant : « Spontini, caro amico, décidément l’uniforme est dans la nature. » Ce mot, qui de la part d’un autre eût été une plaisanterie, n’en était pas une pour lui et eût pu s’appliquer à lui-même.

1788. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Deuxième partie. — L’école critique » pp. 187-250

Schlegel la contredit, seulement pour n’en pas perdre l’habitude ; Jean-Paul l’écoute, et oublie l’une après l’autre toutes ses métaphores ; Hegel, sans le savoir, s’instruit à son école.

1789. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre VI. La poésie. Tennyson. »

. —  Les habitudes. —  En quoi Tennyson convient à un pareil monde. —  Le monde en France. —  La vie parisienne. —  Les plaisirs. —  La représentation. —  La conversation. —  La hardiesse d’esprit. —  En quoi Alfred de Musset convient à un pareil monde. —  Comparaison des deux mondes et des deux poëtes.

1790. (1858) Cours familier de littérature. V « XXXe entretien. La musique de Mozart (2e partie) » pp. 361-440

Mozart, comme Rossini, ayant l’habitude de composer de tête ses plus grands morceaux, les gardait très longtemps dans sa mémoire, et, lorsqu’il se mettait à écrire, il ne faisait guère que copier.

1791. (1858) Cours familier de littérature. VI « XXXVIe entretien. La littérature des sens. La peinture. Léopold Robert (1re partie) » pp. 397-476

Le brigandage, dans ce pays de sève surabondante, est une habitude intermédiaire entre l’héroïsme et le crime ; des héros oisifs sont bien près de se faire brigands.

1792. (1860) Cours familier de littérature. X « LVe entretien. L’Arioste (1re partie) » pp. 5-80

L’habitude de professer donne souvent un pédantisme à la parole et une impériosité au geste, qui révoltent au premier abord ; l’homme n’aime pas à vivre avec les oracles.

1793. (1861) Cours familier de littérature. XI « LXIIe entretien. Cicéron » pp. 81-159

On lui obéit ; il attend sans pâlir ses assassins ; il appuie son coude sur son genou, soutient son menton dans sa main, comme c’était son habitude de corps quand il méditait en repos dans le sénat ou dans sa bibliothèque, et, regardant d’un œil intrépide Hérennius et Popilius, il leur évite la peine de l’arracher de sa litière, et leur tend la gorge comme un homme qui, en allant au-devant du coup, va au-devant de l’immortalité.

1794. (1862) Cours familier de littérature. XIV « LXXXe entretien. Œuvres diverses de M. de Marcellus (3e partie) et Adolphe Dumas » pp. 65-144

Nos penchants étaient nés de notre solitude, Et notre amour venait de cinq ans d’habitude,         Cinq ans de travail et d’ennuis.

1795. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CVe entretien. Aristote. Traduction complète par M. Barthélemy Saint-Hilaire (3e partie) » pp. 193-271

L’objet du huitième est sa nourriture et les lieux qu’il habite ; le neuvième traite de ses mœurs, s’il est possible d’user de cette expression ; Aristote y dit quelles sont les habitudes des différents animaux ; avec qui d’entre eux ils vivent réciproquement, soit en société, soit en guerre ; comment ils pourvoient à leur conservation et à leur défense.

1796. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CXe entretien. Mémoires du cardinal Consalvi, ministre du pape Pie VII, par M. Crétineau-Joly (2e partie) » pp. 81-159

Le cardinal Erskine, très souffrant depuis longtemps, s’était rendu à Saint-Cloud la veille, ayant un pied dans la tombe, comme on a l’habitude de le dire.

1797. (1865) Cours familier de littérature. XX « CXIXe entretien. Conversations de Goethe, par Eckermann (1re partie) » pp. 241-314

Son adieu fut encore plus amical que d’habitude, et il me donna rendez-vous au surlendemain pour un nouvel entretien.

1798. (1890) L’avenir de la science « XV » pp. 296-320

Les énormes fautes de critique que l’on commet d’ordinaire en appréciant les œuvres des premiers âges viennent de l’ignorance de ce principe et de l’habitude où l’on est de juger tous les âges de l’esprit humain sur la même mesure.

1799. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « VII »

Il aurait désiré que Don Juan et les Noces de Figaro ne fussent représentés en Allemagne qu’en langue italienne et par des Italiens (X, 132)ak ; il attribuait la décadence du chant dans sa patrie à cette habitude de représenter des opéras traduits de l’italien et du français (IV, 265).

1800. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « VIII »

On fera même bien de remarquer à cette occasion, combien pernicieuse est l’habitude d’employer si souvent en parlant de Wagner les expressions telles que : idées théoriques, système, école, forme définitive de l’art.

1801. (1891) Journal des Goncourt. Tome V (1872-1877) « Année 1872 » pp. 3-70

Il me conte l’habitude qu’il a prise, de dessiner, de peindre en plein air, debout, et cela, pendant huit ou dix heures, disant qu’assis, il retient sa respiration, penché qu’il est sur son travail, tandis que tout droit dans la campagne, il respire à pleins poumons.

1802. (1891) Journal des Goncourt. Tome V (1872-1877) « Année 1874 » pp. 106-168

La princesse faisait, demi couchée sur un grand divan, l’espèce de sieste réfléchissante, qu’elle a l’habitude de faire, tous les jours, à la tombée de la nuit.

1803. (1894) Journal des Goncourt. Tome VII (1885-1888) « Année 1887 » pp. 165-228

Grelet, qui déjeunait avec nous, a parlé du corps des femmes japonaises, de l’exquise délicatesse de leur buste et de leur gorge, mais signalait chez toutes l’absence des hanches et du reste, et l’inclinaison en dedans de leurs jambes et de leurs pieds, par l’habitude qu’elles ont de se traîner à terre.

1804. (1864) William Shakespeare « Première partie — Livre II. Les génies »

Ces dames romaines avaient l’habitude, tout en causant avec leurs amants, d’enfoncer des épingles d’or dans les seins des esclaves persanes ou gauloises qui les coiffaient.

1805. (1894) Textes critiques

De Chaudet (ordre alphabétique car, fors des connus, nul nom ne saille, et ceux-là par habitude on en parle moins) le Champ de Blé Noir, par un brûlant soir d’orage ; les cônes du blé couvent le feu des charbonniers.

1806. (1885) La légende de Victor Hugo pp. 1-58

Au lieu d’embourser son mécompte et de contenir son indignation comme s’était son habitude, il s’oublia et se jeta impétueusement dans l’opposition.

1807. (1767) Salon de 1767 « Peintures — La Grenée » pp. 90-121

Cela vient apparemment de ce que mon imagination s’est assujetie de longue main aux véritables règles de l’art, à force d’en regarder les productions ; que j’ai pris l’habitude d’arranger mes figures dans ma tête comme si elles étoient sur la toile ; que peut-être je les y transporte, et que c’est sur un grand mur que je regarde, quand j’écris ; qu’il y a longtems que pour juger si une femme qui passe est bien ou mal ajustée, je l’imagine peinte, et que peu à peu j’ai vu des attitudes, des groupes, des passions, des expressions, du mouvement, de la profondeur, de la perspective, des plans dont l’art peut s’accommoder ; en un mot que la définition d’une imagination réglée devroit se tirer de la facilité dont le peintre peut faire un beau tableau de la chose que le littérateur a conçu.

1808. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XVIII. J.-M. Audin. Œuvres complètes : Vies de Luther, de Calvin, de Léon X, d’Henri VIII, etc. » pp. 369-425

À lire l’ouvrage de Keith, écrivain protestant qui fait concorder le récit biblique avec les mœurs actuelles de la Palestine, on dirait que la Bible a été écrite d’hier ; rien n’est changé dans l’aspect des lieux, dans les habitudes des personnages, dans les coutumes, les superstitions de ces peuples primitifs que Keith a visités ; mêmes fêtes, mêmes repas, et c’est cette ressemblance qu’il nous faut saisir après lui. » Les deux amis devaient sans doute en tirer d’autres conséquences.

1809. (1817) Cours analytique de littérature générale. Tome III pp. 5-336

Si vous répandez sur les matières littéraires les clartés de votre simple raison, et si vous n’en jugez que par un tact d’habitude, vos discours ne semblent pas assez fondés en principes, et l’on vous demande de classer les objets avec plus de méthode. […] comment raconter à de faibles mortels… Notons en passant une légère inadvertance du traducteur, que l’habitude de nos idées et de nos rimes a entraîné à nommer ici mortels, des êtres alors exempts du trépas sur une terre vierge et innocente. […] Par cela seulement, ne serions-nous pas fondés à croire qu’ils se sont fait des préceptes de leurs propres exemples, et qu’ils ont pris leurs habitudes et les hasards de leur goût pour des principes ? […] Nous n’avons pas besoin de revenir à ces principes élémentaires, prenons seulement en main les deux flambeaux dont nous avons l’habitude de nous éclairer, l’Épître d’Horace à Pison, et l’Art poétique de Boileau : quelques traits de la lumière qu’ils jettent répandront des clartés suffisantes sur l’objet de notre examen, et nous les verrons s’étendre et reluire à mesure que se développera l’étendue de la règle par les applications de ses exemples.

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