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1535. (1929) La société des grands esprits

Au sud passe la route actuelle, d’où l’on a vue sur le profond ravin de Pleistos et sur le mont Kirphis. […] Un valet qui sert les vices de son maître pèche s’il veut favoriser le mal, non, s’il n’a en vue que le gain. […] Le régime moderne a voulu suivre les vues de ce grand homme, et les a réalisées au moins en partie. […] Il l’emporte par la culture, la raison, la hauteur de vues et le vrai libéralisme intellectuel, non moins que par le génie créateur. […] Les vues philosophiques les plus importantes sont parfois dues à des savants ou à des littérateurs.

1536. (1881) Études sur la littérature française moderne et contemporaine

Louis XVI voit le péril et s’effraye ; mais le pauvre sire n’est point de taille à se mesurer contre un pareil adversaire ; sa vue se trouble, sa tête se perd, il ne sait ce qu’il fait. […] Albert Mérat excelle à produire avec l’harmonie prestigieuse des mots l’illusion des choses ; il semble, à première vue, qu’une idée habite ses sonnets si élégamment construits. […] Les vers et les doctrines qui font le plus de bruit mettent ce défaut en vue et réclament pour les qualités qui le rachètent une admiration que le goût national n’est pas disposé à leur accorder. […] Jamais le vertige ne l’a saisi, jamais le brouillard n’a troublé sa vue. […] Lorsque, assis sur un trône, il fit défiler sous ses yeux la longue suite des prisonniers, la vue de l’infortunée reine Sibylle, femme de Guy de Lusignan, lui fut un spectacle pénible.

1537. (1836) Portraits littéraires. Tome I pp. 1-388

La vue se réjouirait à manier l’histoire comme les rayons de la lumière. […] C’est une sorte d’omniscience qui éblouit d’abord et qui trouble la vue. […] Les premières lignes qui s’offrent à la vue ne sont pas toujours les meilleures. […] Elle a toujours en vue l’âme de ceux qui l’écoutent. […] En vue des années qui vont suivre, il sentira défaillir son courage et regrettera l’extase qu’il avait à peine espérée.

1538. (1895) Nos maîtres : études et portraits littéraires pp. -360

Dès lors nous avons été les esclaves du monde, et la vue de ce monde, où nous avons engagé nos intérêts, a cessé désormais de nous être un plaisir. […] Ainsi l’art des sensations a, dès le début, été l’art plastique de la vue. […] Il a pu, à ce prix, atteindre le but qu’il avait en vue : traduire des idées, et suggérer en même temps les émotions de ces idées. […] Et peut-être, la clientèle me venant, aurais-je fait fortune à ce métier : car je comprenais vraiment à vue d’œil, et pouvais traduire sans embarras les passages les plus difficiles. […] Il y a tant de choses bonnes à voir et qu’ils n’ont pas vues : les lacs, les montagnes, les rivières, les villes et les campagnes, la mer et les bateaux, le ciel et les étoiles !”

1539. (1730) Des Tropes ou des Diférens sens dans lesquels on peut prendre un même mot dans une même langue. Traité des tropes pp. 1-286

On ne doit donc se servir de tropes que lorsqu’ils se présentent naturèlement à l’esprit ; qu’ils sont tirés du sujet ; que les idées accessoires les font naitre ; ou que les bienséances les inspirent : ils plaisent alors, mais il ne faut point les aler chercher dans la vue de plaire. […] vue se dit au propre de la faculté de voir, et par extension de la manière de regarder les objets : ensuite on done par métaphore le nom de vue aux pensées, aux projets, aux desseins : avoir de grandes vues, perdre de vue une entreprise, n’y plus penser. […] visu est au propre par raport à Argus, à qui la fable done cent yeux ; et il est au figuré par raport à Despautère : l’auteur de l’épitaphe a voulu parler de la vue de l’esprit. […] Il faut que les histoires dont on tire ensuite des allégories aient été composées dans la vue de l’allégorie ; autrement les explications allégoriques qu’on leur done ne prouvent rien ; et ne sont que des aplications arbitraires dont il est libre à chacun de s’amuser come il lui plaît, pourvu qu’on n’en tire pas des conséquences dangereuses. […] Parodie signifie à la lettre un chant composé à l’imitation d’un autre, et par extension on done le nom de parodie à un ouvrage en vers, dans lequel on détourne dans un sens railleur des vers qu’un autre a faits dans une vue diférente.

1540. (1926) La poésie de Stéphane Mallarmé. Étude littéraire

On l’a vue récemment lire le Lac de Lamartine dans la posture du valet de chambre, du groom et du plongeur, quand à la porte de tels numéros ils occupent d’un œil le trou suggestif de la serrure. […] Ainsi peut-être ne conçoit-il point la clarté comme une solitaire et froide vue de l’esprit lucide, mais comme un délice d’intelligence active : manière aussi de désigner une simple écorce en la netteté superficielle. […] Des antécédents, ou plutôt des concordances, à la forme mallarméenne vue sous cet angle, nous les demanderons mieux à la poésie classique. […] Mais il existe fréquemment chez Mallarmé une correspondance entre les images de la vue et celles de l’ouïe. […] Pareillement, à chacune de ses vues subtiles sur le théâtre, le lustre fournit une métaphore, et je crois bien qu’il en est chez lui, pendeloques de cristal, une dizaine.

1541. (1929) Amiel ou la part du rêve

Que sera le Journal, sinon une géographie du monde intérieur, des vues de mer, les éphémérides du bord pendant la découverte d’un pays où l’équipage ne débarque jamais ? […] Mais en 1850 il passa, pour des raisons d’ordre académique, à la chaire maîtresse, bien en vue, celle de philosophie. […] Ce pays de Tendre, il se déployait sous l’œil inquisiteur de Genève, comme la plaine vue des terrasses derrière la rue des Granges. […] Amiel songe qu’il n’aurait qu’à vouloir, qu’à presser, pour obtenir une vue nouvelle sur l’univers. « Il est dur, dit-il (au Journal, bien entendu, et rien qu’à lui), d’ignorer les charmes de la possession. » Oui, mais… Mais les chaînes ? […] Depuis que Philine a été vue dans l’escalier d’Amiel, qu’on les rencontre qui se promènent à la Prairie, le professeur est réputé le Lovelace de la ville haute.

1542. (1898) Introduction aux études historiques pp. 17-281

Nous l’avons entreprise, au commencement de l’année scolaire 1896-1897, en vue d’avertir les étudiants nouveaux de la Sorbonne de ce que les études historiques sont et doivent être. […] Distinguons le cas de l’historien qui classe des documents vérifiés en vue d’une œuvre historique, et celui de l’érudit qui compose un « regeste ». […] On s’imagine reconnaître à première vue si un auteur est sincère ou si un récit est exact. […] La science est une connaissance objective fondée sur l’analyse, la synthèse, la comparaison réelles  ; la vue directe des objets guide le savant et lui dicte les questions à poser. […] Il ne faut l’employer qu’en s’entourant de précautions pour ne jamais perdre de vue le danger.

1543. (1889) Impressions de théâtre. Troisième série

Si le cœur y était…, nous voyons d’ici la scène..Je l’ai vue, moi, en 1852. […] comme il était en colère Pour m’avoir vue hier seule dans vos bosquets ! […] Comment s’accordent en lui deux passions si contraires à première vue ? […] Le défilé va recommencer des pièces cent fois vues, même lorsqu’elles sont nouvelles. […] Là, il a rencontré Clotilde, il l’a vue souvent, il s’est plu dans sa compagnie.

1544. (1904) Propos littéraires. Deuxième série

Quelle vue splendide de l’avenir ! […] Il les sent inaccessibles à notre vue faible, et il aime à les sentir ainsi. […] Alexandre Dumas ; mais c’est un caveant grammatici qu’il faut ne point perdre de vue dans une étude comme celle-ci. […] Dupuy et Stapfer, dirigera autrement ses vues et mettra, comme forcément, l’Hugo de 1830 sur un autre plan que nos deux historiens actuels. […] Ceux qui l’ont vue sont très satisfaits qu’on la leur résume et qu’on précise leurs souvenirs.

1545. (1907) Propos de théâtre. Quatrième série

Il ne l’a pas vue ! […] Les amateurs voudront l’avoir vue. […] » Rideau. — Un des meilleurs actes que je sache, malgré ses défauts et peut-être la meilleure fin d’acte que j’aie jamais vue. […] Nous ne l’avons pas vue depuis le premier acte. […] Tout le premier acte donc paraît combiné en vue d’un dénouement heureux par-delà des traverses et des aventures douloureuses.

1546. (1881) La parole intérieure. Essai de psychologie descriptive « Chapitre VI. La parole intérieure et la pensée. — Second problème leurs différences aux points de vue de l’essence et de l’intensité »

Cette vue superficielle sur la nature de la pensée servira de point de départ à notre étude, et nous commencerons par l’exposer : Malgré l’intimité si remarquable de leur union, la parole intérieure paraît n’être en nous que le vêtement le plus extérieur de cette chose subtile et cachée que nous appelons la pensée ; celle-ci va toujours accompagnée d’un faisceau d’images plus ou moins effacées et de sources diverses qui lui constituent comme un second vêtement plus intime encore, dont aucun artifice ne saurait la dégager. […] Ce qui est vrai, c’est que, au sein d’un groupe quelconque de phénomènes analogues, il y a toujours un élément dont l’intensité se trouve prépondérante ; cette prépondérance ne peut que s’accroître avec le temps : car l’esprit, pressé de passer d’une idée à une autre, est disposé à reconnaître un groupe à la vue d’un de ses éléments ; au premier qui se présente bien distinct, il donne un court instant d’attention, et, le groupe lui étant désormais suffisamment connu, il passe bien vite au groupe suivant ; ce partage inégal de l’attention a pour conséquence de renforcer les états les plus vifs aux dépens des autres, c’est-à-dire de séparer de plus en plus nettement la pensée en états-signes et états signifiés. […] Une intelligence subitement privée de la parole intérieure ne serait pas pour cela réduite à l’impuissance, mais seulement gênée, désorientée, comme par l’absence d’un organe utile par lui-même et dont elle avait appris à ne se passer jamais ; tel un homme subitement privé de la vue, ou bien un aveugle qui vient de perdre son bâton ; tel un peuple inopinément frappé par la mort de l’homme d’état qui possédait toute sa confiance et dans les mains duquel il avait concentré tous les pouvoirs. […] Chez un homme privé de la vue comme de l’ouïe, un langage intérieur composé d’images tactiles remplira le même office ; l’exemple de Laura Bridgmann en est une preuve décisive284. […] L’antécédent est une sensation distincte, mais non pas remarquée spécialement (la vue d’une herbe touffue) ; cette sensation provoque une idée interprétative très faible (l’idée d’une source probable), qui provoque à son tour un mouvement musculaire, par lequel l’idée, tout à l’heure inaperçue, est révélée.

1547. (1857) Réalisme, numéros 3-6 pp. 33-88

Nous le serons toujours, hommes de l’Occident, subtils et légers raisonneurs, tant que nous n’aurons pas d’une vue plus simple et plus compréhensive embrassé la raison des choses. Être enfant, c’est ne saisir la vie que par des vues partielles. […] Il ne se contente que des vues philosophiques qui ramènent tout savoir relatif à un savoir absolu, et qui affermit dans l’esprit humain, toute expérience en la basant sur le nécessaire. […] Aussi arrive-t-il souvent que la préoccupation de l’idéal sans limite lui fait perdre de vue le cas limité de l’application. […] Il prétend ne semer et ne planter qu’en vue du Tout et de l’éternité, oubliant ainsi que le Tout n’est que le cercle complet des individus, et l’éternité qu’une somme de moments.

1548. (1863) Cours familier de littérature. XVI « XCIVe entretien. Alfred de Vigny (1re partie) » pp. 225-319

Parmi les hommes qui m’ont écouté, les uns ont applaudi la composition des trois drames suspendus à un même principe, comme trois tableaux à un même support ; les autres ont approuvé la manière dont se nouent les arguments aux preuves, les règles aux exemples, les corollaires aux propositions ; quelques-uns se sont attachés particulièrement à considérer les pages où se pressent les idées laconiques, serrées comme les combattants d’une épaisse phalange ; d’autres ont souri à la vue des couleurs chatoyantes ou sombres du style ; mais les cœurs ont-ils été attendris ? […] « Cet homme est toujours aimé, toujours compris, toujours en vue ; comme il est léger et ne pèse à personne, il est porté dans tous les bras où il veut aller ; c’est l’aimable roi du moment, tel que le dix-huitième siècle en a tant couronnés. — Cet homme n’a nul besoin de pitié. […] Il a surtout besoin d’ordre et de clarté, ayant toujours en vue le peuple auquel il parle, et la voie où il conduit ceux qui croient en lui. […] — Jusqu’ici je l’avais toujours vue partir avant son maître ; il lui fallait un frein, et cette nuit c’est l’éperon qu’il lui faut. — Ah !

1549. (1856) Cours familier de littérature. II « Xe entretien » pp. 217-327

Il regarda par-dessus la haie et crut reconnaître ma mère, qu’il avait vue avant son mariage, chez ma grand’mère à Paris au Palais-royal et à Saint-Cloud. […] L’éclair prolongé qui me l’avait montré le déroba, en s’éteignant, à ma vue. […] Je n’oublierai jamais l’expression divine de ses traits ; c’était l’air serein de la puissance et du génie. » XX Ces trois figures de Chateaubriand, de madame de Staël, de lord Byron, vues à mon premier regard sur la vie, augmentaient déjà beaucoup à mes yeux le groupe d’esprits plus ou moins immortels que chaque temps présente à la postérité. […] « Je me connais en hommes ; j’ai quatre-vingts ans, je vois plus loin que ma vue ; vous aurez un grand rôle dans les événements qui succéderont à ceci.

1550. (1903) Articles de la Revue bleue (1903) pp. 175-627

Si je me reporte à son Testament poétique, je remarque en effet que toutes ses idées sur le vers, le rythme, la prose, la versification (que je ne peux pas discuter en détail ici, comme il le faudrait, faute de place) partent d’une vue fondamentale, essentielle, que M.  […] Qu’on relise la plupart des poèmes de Shelley et sa très belle Défense de la Poésie, l’entretien de Goethe avec Falk après les funérailles de Wieland, le monologue de Conrad de Mickiewicz, ou qu’on fasse appel à la correspondance et aux œuvres de Victor Hugo à la fin de sa vie, on verra que tous quatre, avec les seules différences que pouvait faire naître leur originalité propre, ont témoigné à ce sujet d’une remarquable similitude de vues. […] * *   * S’il est définitivement établi, comme tout paraît le démontrer, qu’il ne peut pas y avoir une science, mais des sciences, et que ces sciences, loin de conduire l’homme à une vision d’ensemble de l’univers, lui fournissent au contraire continuellement des points de vue nouveaux sur le Réel dans des ordres de connaissance différents, les hommes risquent de perdre toute vue synthétique sur l’ensemble des choses, les sciences allant vers la diversité et non vers l’unité. […] Chacune d’elles voyait un aspect différent d’une même réalité, et chacune, partant d’un point de vue incomplet, aucune n’arrivait à une vue synthétique sur l’ensemble des choses.

1551. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Histoire du Consulat et de l’Empire, par M. Thiers. Tome xviii » pp. 84-92

quelle vue sympathique, non systématique, sur tout ce qui tient au cœur de la nation et s’y rattache par quelque fibre profonde !

1552. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Les poëtes français. Recueil des chefs-d’œuvre de la poésie française »

Il n’a manqué aux deux recueils de poésies qu’il a publiés en 1854 et 1855 que peu de chose, et je ne sais quel rayon venu à propos, pour être plus en vue et pour attirer l’attention.

1553. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « George Sand — George Sand, Indiana (1832) »

La belle Noun a fait sensation dans le pays, dans les bals champêtres du village voisin ; un jeune monsieur des environs, M. de Ramière, l’a vue, s’est mis en avant, a fait arriver ses aveux brûlants à ce cœur inflammable et crédule ; depuis ce jour, Noun est sa conquête ; il lui a sacrifié un voyage à Paris qu’il devait faire ; il la vient visiter de nuit, par-dessus les murs du parc, au risque de se casser le cou : il va venir ce soir-là même ; mais le factotum, ancien sergent, a prévenu le colonel que des voleurs de charbon s’introduisent depuis plusieurs nuits, qu’on a saisi des traces, et qu’il est prudent de surveiller.

1554. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « George Sand — George Sand, Lélia (1833) »

J’attribue à la rapidité de l’exécution ce surcroît de talent qui, d’après ma conjecture, vient au secours de la pensée primitive et la perd bientôt de vue en allant au delà.

1555. (1874) Premiers lundis. Tome I « J. Fiévée : Causes et conséquences des événements du mois de Juillet 1830 »

Fiévée fidèle à son rôle d’infatigable observateur politique ; le voilà après ces brusques événements qui ont ébranlé bien des esprits réputés solides, et déconcerté quelques rares intelligences ; le voilà avec la même netteté de vue, la même finesse pénétrante que devant ; toujours oblique, prenant les questions de côté avec des solutions détournées, imprévues, mais vraies ; d’une ironie mordante quoique un peu froide ; paradoxal et positif ; logique au fond et décousu dans la forme ; faisant volontiers aboutir une idée générale à une anecdote qu’il aiguise ; visant au bon sens, aux chiffres, et malgré cela, spirituel par moments jusqu’à la subtilité.

1556. (1874) Premiers lundis. Tome II « Jouffroy. Cours de philosophie moderne — I »

Cette vue est empruntée au système philosophique de Hegel.

1557. (1875) Premiers lundis. Tome III « L’Ouvrier littéraire : Extrait des Papiers et Correspondance de la famille impériale »

On nous apprend à aimer le beau, l’agréable, à avoir de la gentillesse en vers latins, en compositions latines et françaises, à priser avant tout le style, le talent, l’esprit frappé en médailles, en beaux mots, ou jaillissant en traits vifs, la passion s’épanchant du cœur en accents brûlants ou se retraçant en de nobles peintures ; et l’on veut qu’au sortir de ce régime excitant, après des succès flatteurs pour l’amour-propre et qui nous ont mis en vue entre tous nos condisciples, après nous être longtemps nourris de la fleur des choses, nous allions, du jour au lendemain, renoncer à ces charmants exercices et nous confiner à des titres de Code, à des dossiers, à des discussions d’intérêt ou d’affaires, ou nous livrer à de longues études anatomiques, à l’autopsie cadavérique ou à l’autopsie physiologique (comme l’appelle l’illustre Claude Bernard) !

1558. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Conclusion » pp. 355-370

On fera toujours de la critique avec ses goûts personnels ; c’est la plus ancienne manière et la plus commode à première vue, celle qui nécessite le moins d’études préalables.

1559. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Deuxième partie. Invention — Chapitre V. Des personnages dans les récits et dans les dialogues : invention et développement des caractères »

Vous ne devez pas perdre de vue que la nature et l’intensité des causes étant altérées, les effets ne devront pas rester les mêmes en nature et en intensité : c’est affaire d’observation, de tact et de temps, pour apprendre à y maintenir une exacte correspondance.

1560. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — R — Régnier, Henri de (1864-1936) »

De l’aspect accidentel des choses, il étend sa vue à tout ce qui, dans le temps et dans l’espace, réjouit d’amour ou poigne d’angoisse l’âme tragique et douce de l’humanité.

1561. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre II. La commedia dell’arte » pp. 10-30

Nous n’oserions décider quel acteur de son temps Callot a eu en vue dans ce dessin.

1562. (1890) L’avenir de la science « IX »

Mais leur vue est courte et bornée, en ce qu’ils ne s’aperçoivent pas que la polymathie est la condition de la haute intelligence esthétique, morale, religieuse, poétique.

1563. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre X. Prédictions du lac. »

Un élément communiste entrait dans toutes ces sectes, également mal vues des Pharisiens et des Sadducéens.

1564. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Deuxième partie. Ce qui peut être objet d’étude scientifique dans une œuvre littéraire — Chapitre III. L’analyse externe d’une œuvre littéraire » pp. 48-55

Il en est de relatives à la vue, qui nous révèle la lumière et le mouvement.

1565. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des pièces de théâtre — Préface de « Ruy Blas » (1839) »

On peut prendre plusieurs vues d’une idée comme d’une montagne.

1566. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Abailard, et saint Bernard. » pp. 79-94

Il entra dans sa situation & dans ses vues, & l’assura que le pape ne manqueroit point de lui rendre justice.

1567. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Fontenelle, et le père Baltus. » pp. 2-16

« A la vue des chrétiens, le Saturne d’Alexandrie ne laissoit pas de faire venir, les nuits, dans son temple, telle femme qu’il lui plaisoit de nommer par la bouche de Tirannus son prêtre.

1568. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Première Partie. Des Langues Françoise et Latine. — De la langue Françoise. » pp. 159-174

Leur fureur de vouloir afficher l’esprit aux dépens du bon-sens & du stile avoit même été jouée sur le théâtre ; & de plus, il avoit paru dès 1660 un ouvrage sous ce titre : le grand Dictionnaire des précieuses, ou la Clef de la langue des ruelles : mais cette démence n’avoit pas encore été portée au point où l’on l’a vue depuis.

1569. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre XVII. Morale, Livres de Caractéres. » pp. 353-369

Il y a plusieurs choses bien vues dans ce livre ; mais il y a aussi des paradoxes & quelques-unes de ces opinions modernes que tout le monde n’adopte pas.

1570. (1799) Jugements sur Rousseau [posth.]

Rousseau ne soit pas praticable, quoiqu’elle n’aboutisse qu’à former une espèce de sauvage très instruit et très éclairé, les réflexions de l’auteur sur ce grand sujet renferment quantité de vues profondes et utiles, dont on peut tirer beaucoup d’avantages pour une éducation moins imaginaire.

1571. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Le Christianisme en Chine, en Tartarie et au Thibet »

… Et quelle notion prise dans ce Christianisme, repoussé par la Chine, empêcherait d’admettre aujourd’hui l’impossibilité d’une conversion à laquelle on a résisté pendant des siècles, et cette vue d’un châtiment, pour les peuples qui n’ont pas, comme les individus, d’autre monde pour expier leurs fautes, sans laquelle l’ordre croule et l’Histoire ne se comprend plus !

1572. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Pélisson et d’Olivet »

Peut-être Livet (c’est presque d’Olivet, par le nom du moins,) attend-il d’être académicien à son tour pour reprendre l’histoire de l’Académie de 1700 jusqu’à nos jours ; mais, s’il attend cela, nous n’aurons qu’une histoire dans le genre et le goût de celles qu’il a rééditées, c’est-à-dire sans vue, sans profondeur et sans vérité.

1573. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Paul de Saint-Victor » pp. 217-229

ce ne sera pas la faute d’une supériorité trop évidente pour ne pas échapper aux vues basses d’un temps qui ne regarde plus qu’à ses pieds.

1574. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Le cardinal Ximénès »

Depuis le premier quart du xixe  siècle, toute protestante qu’elle est, on l’a vue rendre hommage au catholicisme, et, cela, dans la personne d’hommes discutés ou suspectés par l’opinion au sein des nations catholiques.

1575. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « W.-H. Prescott » pp. 135-148

lui, Prescott, le protestant de vue et le nihiliste religieux d’opinion, convient, avec une bonne foi impartiale des plus élevées, que le Concile de Trente a beaucoup influé sur la moralité du clergé catholique, et que ce fut la vraie, la seule nécessaire Réformation… Ici, je défie de dire mieux.

1576. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Camille Desmoulins » pp. 31-44

oui, je ne connais que trop ces natures dangereusement sensibles, qu’une notion morale, qu’une vue d’impartialité et de justice n’arrête jamais sur la pente de leur exécrable sensibilité, et, pour mon compte, je n’y crois pas et je n’en veux plus !

1577. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Silvio Pellico »

Assurément, un souffle qui n’est pas celui de la bouche d’un homme a passé dans le livre des Prisons, sur cette giroflée jaune du mur d’un captif que toute l’Europe a respirée, les yeux en larmes ; mais ce souffle ne s’est purifié, il n’est devenu complètement pur que dans cette Correspondance, très infime de tout : de vue, de pensée, de passion, d’éloquence et même d’événements, et que cependant il faut lire pour savoir quelle saine et adorable chose le Christianisme peut faire… avec rien !

1578. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XXVII. Silvio Pellico »

Assurément un souffle qui n’est pas celui de la bouche d’un homme a passé dans le livre des Prisons, sur cette giroflée jaune du mur d’un captif que toute l’Europe a respirée, les yeux en larmes ; mais ce souffle ne s’est purifié, il n’est devenu complètement pur que dans cette correspondance très infime de tout, de vue, de pensée, de passion, d’éloquence et même d’événements, et que cependant il faut lire pour savoir quelle saine et adorable chose le christianisme peut faire… avec rien !

1579. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Francis Lacombe »

Et, à ce propos, nous finirons par une vue que nous n’aurons pas besoin de recommander aux hommes de gouvernement.

1580. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Chastel, Doisy, Mézières »

Schmidt et Chastel sur cette question du paupérisme qui est la grande question des sociétés modernes, lesquelles tuent l’âme au profit du corps, et n’ayant osé accepter non plus la solution catholique du travail de Martin Doisy (la seule solution qui puisse exister jamais en Économie politique), l’Académie, avec cette grandeur de pressentiment, cette haute divination de critique qui entraîne vers les œuvres fortes, se tourna vers le livre de Mézières vanté par Villemain, et, y reconnaissant tout ce qu’elle aime en fait de tranquillité d’aperçu et de vues grandes comme la main, elle lui décerna la couronne.

1581. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Charles Didier » pp. 215-226

Serait-ce, par hasard, un piédestal mieux en vue pour sa modestie ?

1582. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Duranty » pp. 228-238

Tels sont les mérites, fort saillants à la première vue, de M. 

1583. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre V. »

C’est bien la nuit, sous le ciel brillant de la Grèce, mais dans l’austère canton de Lacédémone et en vue des pics blancs et glacés du Taygète :                                                       O ubi campi, Sperechiusque, et virginibus bacchata Lacænis Taygeta !

1584. (1885) Le romantisme des classiques (4e éd.)

Il faut évidemment qu’on sente, qu’on retrouve, qu’on admire toujours la nature dans l’art, mais vue, interprétée et restituée d’une certaine façon par le génie particulier de l’artiste. […] Ainsi, on ne doit pas perdre de vue que l’auteur de Mélite était un jeune avocat rouennais de vingt-trois ans, s’appelant d’un nom encore inconnu et assez bizarre, M.  […] Aujourd’hui, ces vers singuliers sont, à première vue, des énigmes. […] Par conséquent, on en revient toujours à se demander comment elle a pu quitter dans un tel instant le rempart et la vue du combat. […] Sans cesse offre à mes yeux cette vue importune Que, qui m’en donne trois, peut bien m’en ôter une ; Qu’il n’a qu’à l’entreprendre et peut tout ce qu’il veut.

1585. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome III pp. -

Le lieutenant de police le fit garder à vue, à la représentation d’un certain opéra. […] A la vue de cette ébauche, frère Matthieu se sentit tout embrasé. […] Ils furent chacun autant de soleils dont les rayons immenses blessoient continuellement la vue des cordeliers. […] Il détournoit la vue, & trembloit de s’y précipiter. […] Homme trop peu connu & trop peu estimé, qui avoit d’excellentes vues sur le gouvern

1586. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Delille »

Dans la littérature latine, les poèmes de la Pêche, de la Chasse, les descriptions sans fin de villes, de fleuves et de poissons, qu’on retrouve si souvent chez Ausone, n’ont plus rien de cette beauté de peinture, de ces hautes vues et pensées, dont Lucrèce et Virgile avaient fait la principale inspiration de leurs poèmes. […] Sa vue s’affaiblissait déjà ; ce soleil lumineux et cette blancheur des murailles du Levant lui causaient plus de souffrance que de joie. […] Enfant, j’ai connu le manoir où en 1813, pour charmer les vacances d’automne, on avait dans le grand salon un jeu de solitaire, un orgue avec des airs nouveaux ; on apportait quelquefois une optique pour voir les insectes ou les vues des capitales.

1587. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Deuxième partie. — L’école critique » pp. 187-250

Il est dépendant, au contraire, et de la manière la plus complète, dépendant non de telle ou de telle notion particulière, mais de l’intelligence même d’Uranie, de son intelligence tout entière, avec sa richesse de connaissances et sa largeur de vues, mais aussi avec ses préjugés, son ignorance, sa faiblesse, son humanité enfin et ses sottises. […] Pour décider si une chose est belle ou ne l’est pas, nous n’en rapportons pas la représentation à son objet au moyen de l’entendement et en vue d’une connaissance, mais au sujet et au sentiment du plaisir ou de la peine, au moyen de l’imagination. […] C’est l’intelligible que le goût a en vue.

1588. (1858) Cours familier de littérature. VI « XXXIe entretien. Vie et œuvres de Pétrarque » pp. 2-79

« Trois fois, au milieu de la nuit, la porte de ma chambre fermée, je l’ai vue devant mon lit avec une contenance assurée réclamant son serviteur : la peur glaçait mes membres ; mon sang abandonnait mes veines pour se retirer dans le cœur. […] Un jour qu’elle passait auprès de son poète, insensible en apparence à sa vue : « Ô Pétrarque », lui dit-elle à voix basse et d’un accent de reproche mélancolique, « que vous avez été bientôt las de m’aimer !  […] En la quittant, je cherchai dans mon âme une force contre les catastrophes que j’aurais à éprouver ; ses regards avaient une expression indéfinissable que je ne leur avais jamais vue avant, j’eus de la peine à ne pas pleurer ; quand l’heure fut venue où il fallait absolument qu’elle se retirât du cercle, elle jeta sur moi un coup d’œil si doux, si honnête et si tendre, que je me sentis rempli d’émotion, d’espoir et de terreur. » Qui peut dire, après avoir lu ces lignes, que Pétrarque n’était à l’égard de Laure qu’un poète ?

1589. (1858) Cours familier de littérature. VI « XXXVIe entretien. La littérature des sens. La peinture. Léopold Robert (1re partie) » pp. 397-476

L’un est l’art de multiplier les impressions de l’âme par les sons ; l’autre est l’art de multiplier les impressions de l’âme par la vue, par les formes, par les couleurs, par les illusions que le dessin des contours, l’ombre et la lumière, les teintes, les nuances imitées de la nature font sur les yeux. […] La Béatrice de Dante, la Laure de Pétrarque et tant d’autres n’étaient-elles pas de cette famille d’apparitions, qui brillent et qui meurent pour laisser, à ceux qui les ont vues les premiers, des rêves célestes et ineffaçables dans la mémoire ? […] Cette scène-là, il l’a vue cent fois ; elle est entrée dans son imagination avec la lumière des plages de Terracine, avec le grincement de la guitare sous les oliviers, avec les visages et les costumes qu’il a depuis six ans sous les yeux.

1590. (1860) Cours familier de littérature. IX « LIIIe entretien. Littérature politique. Machiavel (2e partie) » pp. 321-414

La république française, gouvernée alors par un dictateur à vue droite mais courte, au lieu de se borner à offrir un asile sûr et respectueux au pontife, intervint à main armée pour la souveraineté temporelle du pape à Rome. […] Le Piémont insatiable a tenu peu de compte de cette Lombardie achetée au prix de ce sang français ; il a convoité à l’instant, malgré les vues contraires de la France, les États neutres de l’Italie. […] Ici nous n’en sommes pas réduits à conjecturer ; nous pouvons affirmer avec certitude l’opinion de Machiavel sur les vrais intérêts de sa patrie, car ses opinions sur la nature de la constitution fédérale qui convient à l’Italie sont toutes écrites d’avance dans les considérations lumineuses et anticipées sur la nature des choses de son temps et des temps futurs ; la politique tout expérimentale de Machiavel n’était que de la logique à longue vue ; la logique est le prophète infaillible des événements à distance : le génie est presbyte.

1591. (1862) Cours familier de littérature. XIV « LXXXe entretien. Œuvres diverses de M. de Marcellus (3e partie) et Adolphe Dumas » pp. 65-144

— Oui, sans doute, répondit Christopoulos, et une fois par hasard, à la vue du présent, je suis disposé à regretter notre rustique passé. […] « Elle dit, et donne ses ordres à ses suivantes aux beaux cheveux : « “Arrêtez-vous, mes compagnes ; pourquoi fuyez-vous à la vue d’un homme ? […] Médite la parole divine, ne la perds jamais de vue ; dirige vers elle toute la force intellectuelle de l’âme.

1592. (1863) Cours familier de littérature. XVI « XCVIe entretien. Alfieri. Sa vie et ses œuvres (1re partie) » pp. 413-491

L’entrée de Capo di China, par les Études et la rue de Tolède, me présenta cette ville comme la plus riante et la plus peuplée que j’eusse encore vue jusque-là, et demeurera toujours présente à ma mémoire. […] « Avant mon départ pour Londres, l’ambassadeur m’ayant offert de me présenter à la cour de Versailles, j’acceptai, curieux de voir une cour plus grande que celles que j’avais vues jusque alors, quoique parfaitement désabusé à l’égard des unes et des autres. […] Étrangère de haute distinction, il n’était guère possible de ne la point voir et de ne pas la remarquer, plus impossible encore, une fois vue et remarquée, de ne pas lui trouver un charme infini.

1593. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CVe entretien. Aristote. Traduction complète par M. Barthélemy Saint-Hilaire (3e partie) » pp. 193-271

Seulement, Aristote a poussé beaucoup plus loin les déductions sévères de la science ; et il a substitué un système profond et solide à des vues restées un peu indécises, toutes grandes qu’elles étaient. […] Ainsi Aristote, voulant faire connaître la nature des animaux, se propose d’abord l’examen des parties de leur corps, comme le premier objet qui frappe la vue : et, après avoir donné des définitions générales de ces parties, après avoir distingué différentes espèces parmi les animaux, à raison de la variété de leurs formes extérieures, il expose dans les quatre premiers livres tout le détail des parties de leur corps. […] L’étendue du génie d’Aristote se montre par la généralité de ses vues ; celle de ses connaissances, par la multiplicité des exemples qu’il rapporte successivement.

1594. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CXe entretien. Mémoires du cardinal Consalvi, ministre du pape Pie VII, par M. Crétineau-Joly (2e partie) » pp. 81-159

« Ces raisons, que Cacault développa avec autant d’éloquence que de franchise et de bonne foi, me parurent, à première vue, avoir un très grand poids. […] Je lui exposai les motifs qui nous obligeaient, bien qu’à nos risques et périls, à observer cette conduite, et je l’assurai que l’accomplissement de mes devoirs était ce que je voulais et devais avoir en vue plus que tout autre. […] « Pour éviter un si grand péril, j’insinuai avec dextérité aux ministres qu’il y en avait beaucoup parmi nous qui ne savaient pas la langue, et qu’on ne pouvait pas minuter cette lettre à l’impromptu ; qu’il fallait d’abord combiner les opinions, et que, dans cette vue, on l’écrirait le matin suivant.

1595. (1868) Cours familier de littérature. XXV « CXLVIe entretien. Ossian fils de Fingal, (suite) »

Nous vîmes son sang autour de lui : tous nos guerriers restent muets, accablés de douleur : tous détournent la vue et pleurent. […] Demain, le chasseur, qui m’a vue dans toute ma beauté, reviendra : ses yeux me chercheront dans la prairie que j’embellissais : ses yeux ne m’y trouveront plus. » Ainsi l’on viendra dans ces lieux prêter en vain l’oreille pour entendre la voix d’Ossian ; elle sera éteinte. […] quand ressentirai-je la joie que j’éprouvai à la première vue de l’aimable fille des étrangers, de la belle Moïna ? 

1596. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre I — Chapitre troisième »

La critique historique a fait, de nos jours, une belle conquête : c’est cette vue d’après laquelle l’unité de la France, depuis l’origine de la monarchie, n’aurait fait que des progrès et des pas en avant. […] D’où nous est venue cette vue si profonde et si lumineuse sur la suite de notre histoire politique, sinon du magnifique spectacle de la France une et homogène, et, comme on l’a dit avec force, devenue une personne ? […] Nul n’y pouvait lire cent vers de suite sans y rencontrer, soit une vue hardie, soit un doute, soit une explication sur le point vif de ses opinions, soit simplement quelque détail conforme à son tour d’esprit.

1597. (1909) De la poésie scientifique

Mais la nouveauté caractéristique est que la succession d’images, selon Mallarmé, n’est plus hétéroclite et hasardeuse, et qu’en valeurs analogiques très proches, répétons-le, les images de très près associées s’élèvent logiquement de la sensation cause d’émotivité, pour concourir à suggérer (non à décrire) les idées qui étaient en vue. […] Gustave Kahn précisait ses vues, en l’Avant-propos à la réédition de ses premiers Poèmes. . […] Gustave Kahn a créé une évidente indétermination Rythmique  qu’entre autres apercevait M* Albert Mockel… Or, l’on a reproché au « Symbolisme » de manquer du sens, moderne et général, de la Vie… Fondé pour la plupart des « Symbolistes » et des plus en vue, chez qui la poursuite musicale et rythmique ne laissa place à des préoccupations d’Idée, et dont les œuvres se présentent comme des illustrations de leurs recherches en la prosodie et l’analogie Symbolique, ce reproche tombe dès qu’il s’agit de Verhaeren et de Viélé-Griffin.

1598. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Troisième Partie. De la Poësie. — III. Le Poëme épique, ou l’Épopée. » pp. 275-353

Il croyoit parvenir adroitement à faire pancher la balance du côté des anciens, lorsqu’il auroit fait connoître une traduction en vers du premier livre de l’Iliade ; mais elle étoit détestable, & lorsqu’on l’eut vue, on ne voulut plus de lui pour arbitre. […] Elle se moque d’un héros qui s’occupe d’amour, lorsqu’il devroit avoir la tête remplie des grandes vues que les dieux ont sur lui ; qui, dans le temps que la reconnoissance vouloit qu’il s’attachât à Carthage, prétexte leurs ordres pour aller s’établir dans tel coin de la terre plutôt que dans tel autre, & trahit une reine qui s’est livrée à lui, & l’a comblé de biens pour devenir le ravisseur d’une femme promise à un autre prince. […] La guerre contre les Latins, qui ont raison de défendre leur pays, le projet du mariage d’Énée avec Lavinie qu’il n’a jamais vue, ne peuvent réchauffer le sujet.

1599. (1857) Cours familier de littérature. IV « XXIIIe entretien. I. — Une page de mémoires. Comment je suis devenu poète » pp. 365-444

Grâce à cette situation suburbaine, il participe de trois côtés à la vue, à l’air libre, à la solitude de la campagne. […] Il me gardait seulement à vue comme le chevrier garde le chevreau qu’on lui a confié et qu’il doit ramener au bercail. […] Cet Homère des oiseaux gagne sa vie à chanter, et compose ses plus beaux airs après avoir perdu la vue.

1600. (1903) La renaissance classique pp. -

On pourrait croire que le spectacle de la concurrence enragée de nos voisins, que la vue de ces grandes cités modernes, affairées et bruyantes, percées d’avenues somptueuses, décorées de coûteux édifices grâce à l’argent qu’on nous a volé jadis ou qu’on extorque à notre industrie agonisante, — on pourrait croire que tout cela va s’imposer d’abord à l’attention et aux réflexions du voyageur désœuvré. […] Tous les vrais aristocrates d’une nation se reconnaissent à première vue, d’où qu’ils viennent. […] … Ô ma France, nulle part je ne t’ai vue si belle que dans ces lieux où tu triomphais sous tes justes maîtres !

1601. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — Chapitre I. La Restauration. »

Nul ne recherche ou souhaite que ce qui lui est agréable. « Nul ne donne qu’en vue d’un avantage personnel. » — Pourquoi les amitiés sont-elles des biens ? […] Amoureuse dès la première vue de Fidelio, qu’elle prend pour un jeune homme, elle se pend à son cou, « l’étouffe de baisers » ; puis dans l’obscurité elle tâtonne pour le trouver en disant : « Où sont tes lèvres ?  […] Il n’a plus le sentiment ou la vue de l’ensemble ; il a le tact et l’observation des parties. […] Il est composé comme le premier et en vue du premier. […] Le décor change à chaque mouvement et à vue.

1602. (1853) Portraits littéraires. Tome I (3e éd.) pp. 1-363

Mais l’Avis aux Français offre un ensemble assez développé pour nous permettre de caractériser les vues politiques d’André Chénier. […] n’a-t-il jamais détourné sa vue des malheureux ? […] Souvent il l’a vue s’attendrir sur la souffrance et panser les plaies du pauvre ; le ciel, en lui rendant la santé, a voulu, sans doute, récompenser sa pitié généreuse, et l’encourager dans son œuvre sainte. […] D’ailleurs il se rencontre parmi les femmes qui se livrent pour le seul plaisir de se livrer, qui ne peuvent expliquer leur abandon par aucune vue intéressée, des caractères qui rappellent celui de Manon. […] Elle ordonne sa vie en vue du bien, et soumet à cette règle austère tous les mouvements de sa pensée.

1603. (1856) Réalisme, numéros 1-2 pp. 1-32

On fait des œuvres en vue du public, pour le frapper, l’émouvoir, connaître son sentiment, le remuer ; et on veut supprimer le public quoique ou parce qu’il est désintéressé. — On l’interroge, mais on voudrait qu’il fût complaisant. […] Ainsi l’homme ordinaire soulève mille idées contre une ou deux qu’agite la vue de l’autre, et qui sont celles de la difficulté et de la santé. […] Vous avez vu, certes, les qualités du romancier américain ; vous les avez vues toutes, depuis la « sobriété d’expressions et la justesse d’images au moyen desquelles il nous impressionne avec un événement, comme s’il était réellement arrivé » jusqu’à « la simplicité, la naïveté de son talent ». […] Dans l’opéra on jouit par l’ouïe et par la vue ; de plus, l’action explique la musique qui pour bien des gens a besoin d’être expliquée. […] L’architecture est à la vue ce que la musique est à l’ouïe.

1604. (1890) Journal des Goncourt. Tome IV (1870-1871) « Année 1871 » pp. 180-366

On ne voit rien, la vue est arrêtée, au-delà du rempart, par un épais brouillard, dans l’opacité blanche duquel s’entendent de formidables détonations. […] Il ne dîne aujourd’hui qu’une vieille habituée, que j’y ai vue, pendant tout le temps du siège. […] Fatigué du spectacle de la rue, de la vue des gardes nationaux toujours saouls, de la canaille en plein épanouissement, je me sauve au Jardin des Plantes. […] Rien de sacrilège dans l’attitude de ces hommes, dont beaucoup, en entrant, portent instinctivement la main à leur casquette, et ne la laissent qu’à la vue des chapeaux qui sont sur les têtes. […] À Saint-Denis, des casques prussiens, et tout le long du chemin de Saint-Gratien, à tout coin, la vue de l’envahisseur.

1605. (1902) Le critique mort jeune

Langlois ont pu censurer quelques méprises historiques, mais qui n’en est pas moins un ouvrage d’érudition agréable à lire, rempli de curieux détails, où les vues originales abondent. […] Imaginez le libéralisme de Benjamin Constant coupé, à doses plus ou moins fortes, du positivisme de Comte, de la doctrine autoritaire de Bonald et des vues à la fois traditionnelles et réformatrices de Fénelon. […] (« Qu’un poète d’intelligence essentiellement désorientée puisse rencontrer des idées magnifiques, dominer de ses vues de vastes et émouvants aspects de l’humanité, de l’histoire ou de la nature, comment l’admettre ? […] Cependant on s’efforçait de cacher à Jacquette des mystères dont elle riait sous cape et qu’elle tenait pour choses très naturelles, les ayant vues pratiquées par tout le monde, elle et sa poupée exceptées. […] Fermons les yeux sur ce qui blesse notre vue, conseille l’un, c’est la condition du bonheur. — Lâche et incertaine félicité, ripostent les exhortateurs.

1606. (1889) Les artistes littéraires : études sur le XIXe siècle

Vue de près, sa gaieté même manque souvent de franchise ; elle apparaît extérieure et superficielle ; on sent qu’il se force à la joie, mais qu’au fond de son âme une invincible tristesse le poursuit et l’étreint. […] À première vue ils possédaient le don le plus précieux que le ciel puisse octroyer à des poètes et à des artistes, et ils le possédaient avec précision et profondeur. […] Mais ne perdons pas de vue que le premier terme doit demeurer toujours le but suprême à atteindre, tandis que le second ne sera qu’un moyen, variable à l’infini, tantôt à peu près inutile, tantôt beaucoup plus nécessaire. […] où est seulement la possibilité d’un de ces drames aux proportions immenses, d’une de ces épopées si hautes, qu’à travers l’éloignement des siècles et les cataclysmes des civilisations, l’humanité ne les perd pas de vue ? […] Rien, à première vue ; rien, excepté ce don indéfinissable que la nature dispense à ses élus, excepté un défaut peut-être.

1607. (1910) Propos littéraires. Cinquième série

On a dit de Froissart : « Les choses matérielles semblent être nées le jour où il les a vues. » Les lieux communs avaient la même fraîcheur aux yeux d’Hugo que les choses matérielles aux yeux de Froissart. […] Sa vie fut très pleine, continuellement agitée et l’une des plus tristes, en somme, que l’on ait vues. […] En même temps que tout ce qui se rattache à Jeanne, même de très loin, nous est montré, Jeanne ne quitte jamais le champ de votre vue et en occupe toujours le centre. […] Cinquante ans d’amitié ou il n’y a eu qu’une querelle, c’est la plus belle amitié qu’ait vue la terre. […] La vue en est pénible.

1608. (1782) Essai sur les règnes de Claude et de Néron et sur la vie et les écrits de Sénèque pour servir d’introduction à la lecture de ce philosophe (1778-1782) « Essai, sur les règnes, de Claude et de Néron. Livre premier. » pp. 15-203

Déjà Messaline est à la portée de la vue (TACIT. […] in Nerone, cap. ix)  : les sénateurs s’assemblaient dans le palais, et Agrippine, à la faveur d’une porte dérobée, couverte d’un voile, entendait leurs délibérations sans être vue (Id. ibid. […] On apprend que l’impératrice est sauvée, et l’on se disposait à l’aller féliciter, lorsqu’à la vue d’un bataillon armé et menaçant, la foule se disperse. […] Mais de peur que la vue des cruelles angoisses qui l’excédaient ne brisât l’âme de son épouse et que le spectacle du tourment de cette femme ne lui arrachât un mouvement d’impatience, il lui persuada de se retirer dans un autre appartement. […] Il semble que le rappel d’exil ne fait pas beaucoup d’honneur à l’exilé. » Ce n’est pas à Sénèque, c’est à la sagacité d’Agrippine, c’est à ses vues que le rappel du philosophe ne fait pas infiniment d’honneur.

1609. (1856) Le réalisme : discussions esthétiques pp. 3-105

À force de discuter sur l’art, ou plutôt sur la direction à lui donner, on en vient à perdre pour ainsi dire de vue cette question préalable : — Qu’est-ce que l’art ? […] » L’égoïsme est à l’amour ce que la cécité est à la vue. […] Non seulement l’historien des Bourgeois de Molinchart, dont la vue ne pénètre pas au-delà de l’écorce extérieure des choses, reproduit dans toute leur sécheresse glaciale les événements de la rie réelle, il n’en voit encore qu’une partie et la moins digne d’attention. […] Goudall la permission de les abréger : 1º Quitter la vue d’un arbre. 2º Ne savoir à quoi occuper son temps. 3º Ces choses ne peuvent être comprises que notées. 4º Il se mourait de trouver un cœur. 5º Des pommes de terre en robe de chambre qu’il avait fait cuire. 6º Un lit révèle les sentiments de ceux qui l’habitent. 7º Sonder à fond le creux de son amour. […] Quant à l’appréciation d’un tableau, par exemple, ne faut-il pas distinguer les gens qui ont la vue claire et ceux qui ont la jaunisse ; les gens qui aiment à se lécher les lèvres en caressant de l’œil la Mlle Maupin de M. 

1610. (1869) Philosophie de l’art en Grèce par H. Taine, leçons professées à l’école des beaux-arts

Regardez les Vues et Paysages de M. de Stackelberg ; partout la pierre nue ; de petites rivières, des torrents laissent entre leur lit demi-desséché et le roc stérile une bande étroite de sol productif, Hérodote opposait déjà la Sicile et l’Italie du Sud, ces grasses nourrices, à la maigre Grèce « qui en naissant eut la pauvreté pour sœur de lait. » En Attique notamment, le sol est plus maigre et plus léger qu’ailleurs ; des oliviers, de la vigne, de l’orge, un peu de blé, voilà tout ce qu’il fournit à l’homme. […] La mer y entre par une infinité de golfes, d’anfractuosités, de creux, de dentelures ; si vous regardez les vues que rapportent les voyageurs, une fois sur deux, même dans l’intérieur des terres, vous apercevez sa bande bleue, son triangle ou son demi-cercle lumineux à l’horizon. […] De la Grèce à l’Asie Mineure les îles sont posées comme des pierres sur un gué ; par un temps clair, un navire qui fait ce trajet a toujours la côte en vue. […] Tous s’élancent du premier coup aux plus hautes conclusions ; c’est un plaisir que d’avoir des vues d’ensemble ; ils en jouissent et ne songent que médiocrement à construire une bonne route solide ; leurs preuves se réduisent le plus souvent à des vraisemblances. […] En ce temps-là un navire de guerre n’est qu’un bateau de cabotage, contient tout au plus deux cents hommes et ne perd guère de vue les côtes.

1611. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Horace Vernet (suite et fin.) »

. — « Monsieur Vernet, lui dit solennellement le peintre, en les recevant, ce pinceau et cette palette seront transmis à mes enfants comme mes titres de noblesse. » On ajoute que l’enseigne s’est vue longtemps rue Dauphine. […] De ce que tu te reconnais en eux à première vue, de ce que tu les aimes d’instinct, de ce que, toi et eux, vous vous entendez sans apprentissage et sans effort, de ce qu’ils sont de la maison enfin, ce n’est pas du tout une raison pour les moins considérer et les faire descendre dans ton estime.

1612. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Vaugelas. Discours de M. Maurel, Premier avocat général, à l’audience solennelle de la Cour impériale de Chambéry. (Suite et fin.) »

. — Il compare encore ces écrivains uniquement élégants, qui prennent tant de peine aux mots, aux nombres, et si peu à la pensée, à ceux « qui s’amusent à cribler de la terre avec un grand soin pour n’y mettre ensuite que des tulipes et des anémones » ; belles fleurs, il est vrai, agréables à la vue, mais de peu de durée et de nul rapport. […] Poitevin me fait l’honneur de m’attribuer cette phrase, sans doute pour l’avoir vue citée dans quelqu’un de mes écrits, et il la signe tout uniment de mon nom.

1613. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Chateaubriand — Chateaubriand, Mémoires »

comme il s’enorgueillirait de sa propre vue et de son aspect inexorable ! […] Quand René jette ses regards sur une foule, sur ce désert d’hommes comme il l’a appelé, il peut s’écrier sans crainte, ainsi que s’écriait l’infortuné dans l’Essai à la vue des petites lumières des faubourgs : La, j’ai des frères !

1614. (1863) Cours familier de littérature. XV « LXXXVIe entretien. Considérations sur un chef-d’œuvre, ou le danger du génie. Les Misérables, par Victor Hugo (4e partie) » pp. 81-143

Lequel des deux a la vue plus grande ? […] Depuis bien longtemps je ne vous ai plus vue.

1615. (1892) Boileau « Chapitre V. La critique de Boileau (Suite). Les théories de l’« Art poétique » (Fin) » pp. 121-155

Connaissance et respect de la langue, pureté, correction, éviter les tours vicieux, les termes impropres, ne jamais s’accorder un barbarisme ou un solécisme même en vue d’un effet à produire : on ne doit pas s’étonner que Boileau impose ces lois à un écrivain ; cela équivaut à exiger d’un peintre la connaissance du dessin. […] N’oublions point surtout que Boileau n’a pas vu dans le vers un ingénieux mécanisme, où l’on assemble les difficultés pour les vaincre, ni l’agréable instrument d’un jeu d’esprit littéraire ; jamais il n’en a perdu de vue la valeur artistique, et toutes les lois auxquelles il l’a soumis ne sont pas à elles-mêmes leur fin, mais sont les moyens de produire la cadence expressive, qui procure à l’oreille un plaisir conforme au sentiment dont les mots saisissent l’âme.

1616. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre I. La littérature pendant la Révolution et l’Empire — Chapitre IV. Chateaubriand »

Ainsi se forma, dans l’effroi de ce père farouche, dans l’ennui de cette vie vide, dans l’amitié de cette sœur mal équilibrée, ainsi se forma le Chateaubriand qui séduisit le monde : incapable de choisir une action limitée, mais aspirant à tous les modes de l’action en vue d’obtenir tous les modes de la sensation, fuyant le réel mesquin ou blessant pour s’enchanter de rêves grandioses et doucement amers, évitant surtout d’approfondir, d’analyser, ne demandant à la nature que des apparences où il pût loger ses fantaisies, timide, orgueilleux, mélancolique, éternellement inassouvi et las. […] Mais, la part faite aux erreurs de goût et de logique, il reste assez de vues originales et fécondes dans ces deux parties du Génie du Christianisme, pour faire du livre une date dans l’histoire de la critique et des doctrines esthétiques.

1617. (1889) Les premières armes du symbolisme pp. 5-50

Quand les hommes parlent de Beauté, ils entendent, non pas précisément une qualité, comme on le suppose, mais une impression ; bref, ils ont justement en vue cette violence et pure élévation de l’âme — non pas de l’intellect, non plus que du cœur — qui est le résultat de la contemplation du Beau ». […] Le premier en France, il eut les vues d’un historien.

1618. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre deuxième »

Il parle quelque part des gens qui, de son temps, notaient des offenses à Dieu et au roi dans ses follastries joyeuses, et qui « interprètent, dit-il, ce que, à poine (sous peine) de mille foys mourir, si autant possible estoyt ne vouldroys avoir pensé comme qui · pain interprète pierre ; poisson, serpent ; oeuf, scorpion. » Nul doute que Rabelais n’ait eu en vue les hommes et les abus de son temps, et que, s’il a songé à son amusement, ses contemporains n’en aient fait les frais mais qu’il y a loin de là à faire la guerre à outrance à son siècle, comme l’a dit je ne sais lequel de ses Œdipe ! […] Ces grandes pensées sur l’éducation, sur la paix et la guerre, sur la justice, sur les lois, sur les devoirs des princes ; ces vues si justes et si élevées sur les rapports qui lient les hommes dans une société bien réglée, sont autant de nouveautés dans la littérature française.

1619. (1911) La morale de l’ironie « Chapitre IV. L’ironie comme attitude morale » pp. 135-174

L’attitude ironique morale dérive naturellement de la vue des mensonges et des contradictions du monde, des sociétés, des individus. […] La politique contemporaine en France m’en fournirait, je crois des exemples, et j’en trouverais parmi les hommes d’État les plus en vue et non les moins actifs de ces dix dernières années.

1620. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Août 1886. »

(Cette étude avait été entreprise en vue du drame parlé, un moment projeté, de Frédéric Barberousse)as. […] 2e partie : Traductions ; arrangements ; portraits ; vues ; divers.

1621. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre XII, les sept chefs devant Thèbes. »

Sa vue s’étend de ce haut sommet sur les tentes et sur les mouvements de l’ennemi. […] Mais la vue de son affreuse pâture la fit reculer, un dégoût indigné souleva son cœur.

1622. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Monsieur de Latouche. » pp. 474-502

Deschamps, ce qu’il y avait de finesse de vues, de distinction de plaisanteries, quand M. de Latouche disait le plan des scènes de certains détails improvisés. […] Dans les lettres que Carlin écrit de Paris, c’est moins l’acteur de la Comédie italienne qui parle, que M. de Latouche lui-même jugeant et persiflant les coteries littéraires de 1826, se moquant de l’alexandrin consacré : « En France, écrit Carlin, ces longues choses à qui je ne sais quel Alexandre a donné son nom, sont toujours terminées par des rimes : cela tient lieu de pensées. » Toute cette partie du livre se ressent, à première vue, de la querelle classique et romantique, de même qu’une grande part aussi est faite aux préoccupations antijésuitiques du moment.

1623. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre deuxième. Le génie, comme puissance de sociabilité et création d’un nouveau milieu social »

L’œuvre d’art proprement dite, loin d’être, un simple jeu, marque le moment où le jeu devient un travail, c’est-à-dire une réglementation de l’activité spontanée en vue d’un résultat extérieur ou intérieur à produire22. […] En un mot, c’est toujours la réussite rare et précieuse, c’est le coup de défavorable qui fait gagner la partie.Un sociologiste remarquable par l’originalité des vues et la finesse de l’esprit, M. 

1624. (1809) Quelques réflexions sur la tragédie de Wallstein et sur le théâtre allemand

Mais en France, où l’on ne perd jamais le public de vue, en France, où l’on ne parle, n’écrit et n’agit que pour les autres, les accessoires pourraient bien devenir le principal. […] Buttler, cherchant à faire partager à Isolan son projet d’assassinat, ne pouvait, sans absurdité, s’étendre avec complaisance sur la bassesse et l’avidité de ceux qu’il avait choisis pour remplir ses vues.

1625. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « II. M. Capefigue » pp. 9-45

La société du xviiie  siècle, à laquelle il eût résisté, s’il ne l’avait vue que dans les doctrines de ses philosophes, l’a enivré de sa propre ivresse, de ses manières, de son esprit et jusque de ses costumes, et le grave historien a écouté le chant de la trompeuse Sirène qui, depuis, l’a fait si tristement naufrager ! […] Comme les femmes tombées qu’on a le malheur d’adorer, il ne l’a plus vue, cette époque, il ne l’a plus comprise, il ne l’a plus jugée, et devant elle il a perdu toute raison et même tout libre arbitre.

1626. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Michelet » pp. 167-205

Au milieu de ces erreurs et même de ces folies, ornées et passementées d’un talent devenu plus rare et plus souvent interrompu, il y a cependant moins d’erreur complète et compacte, moins d’erreur radicale, d’une seule pièce, que dans ce livre de l’Amour, où tout est faux, intégralement faux jusqu’à l’axe, puisqu’en vue du seul plaisir physiologique on y change la destination hiérarchique de la femme et on y bouleverse l’organisme de la famille, fait de main divine. […] C’est la dernière ressource plutôt, et c’est aussi la dernière pâture d’une passion qu’on a vue croître depuis longtemps dans Michelet, et bien avant qu’il fût question pour lui de physiologie et d’études d’amphithéâtre.

1627. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « Octave Feuillet »

indépendamment des opinions, des vues et de la conclusion de l’auteur, qu’il soit pour ou contre son héros, qu’il le tue sous la société ou qu’au contraire il tue la société sous lui. […] La marquise de Talyas, furieuse de voir sa triste marionnette d’amant aller d’elle, qu’il aimait tout à l’heure, à la femme qu’il n’aimait pas, sans transition, sans hésitation, sans la conscience du plus petit reproche, — la marquise de Talyas, outrée d’une si odieuse, d’une si froide, d’une si infâme infidélité, est, par vengeance, sur le point d’avouer son coupable amour à son mari, et de lui livrer les lettres qui la déshonorent et qui lui feront tuer son amant, après qu’elle-même se sera tuée, — la marquise de Talyas, ce monstre athée, corrompu, silencieux, beau et énigmatique comme la Joconde, se métamorphose tout à coup, foudroyée par la vue du sang qu’elle a versé, et rend les lettres, qui devaient tout perdre, à la fiancée de son amant : « C’est mon cadeau de noces », lui dit-elle.

1628. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XXI. »

La saison avancée, les pertes des alliés, et surtout la politique secrète de Philippe II, docilement respectée du jeune vainqueur quand la vue de l’ennemi n’entraînait plus son courage, ne laissèrent pas les chrétiens user de leur succès comme ils auraient dû, assaillir à coups pressés l’empire ottoman, et lui reprendre du moins sa récente conquête. […] « Fabius, si les pleurs n’offusquent tes regards, promène ta vue attentive sur ces longues allées détruites ; vois ces marbres et ces arcs de triomphe abattus ; vois ces statues superbes qu’a renversées Némésis, couchées dans la poussière, et les maîtres qu’elles représentent, enterrés dans un profond oubli.

1629. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Mémoires de l’impératrice Catherine II. Écrits par elle-même, (suite et fin.) »

On dit qu’à la Révolution, elle fit retirer le buste de Voltaire qui était dans sa galerie, et qu’on le mit à quelque autre endroit moins en vue.

1630. (1874) Premiers lundis. Tome I « Victor Hugo : Odes et ballades — II »

Mais, sensible et ardent comme il est, la vue d’une belle conception le met hors de lui ; il s’élance pour la saisir, et s’il ne l’a pas enlevée du premier coup à son gré, il revient sur ses traces, s’agite en tous sens et se fatigue longuement autour de la même pensée, comme autour d’une proie qui lui échappe.

1631. (1874) Premiers lundis. Tome II « Alexis de Tocqueville. De la démocratie en Amérique. »

Pleins d’un amour sincère pour la patrie, ils sont prêts à faire pour elle de grands sacrifices : cependant la civilisation trouve souvent en eux des adversaires ; ils confondent ses abus avec ses bienfaits, et dans leur esprit l’idée du mal est indissolublement unie à celle du nouveau. » Cette absence de lien entre les opinions et les goûts, entre les actes et les sentiments, entre l’énergie des désirs et la justesse des vues, ce divorce trop habituel entre les convictions chrétiennes restantes et les sympathies de l’avenir, toute cette confusion morale attriste le jeune philosophe et lui semble un symptôme presque unique dans l’histoire.

1632. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre I. Les origines du dix-huitième siècle — Chapitre II. Précurseurs et initiateurs du xviiie  siècle »

Il y avait pourtant déjà des vues bien fines, une solide indépendance de jugement sous la délicatesse épigrammatique des Dialogues des Morts (1683).

1633. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Édouard Rod »

On est tenté, à première vue, de ne pas plaindre du tout M. 

1634. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre XVIII. Gentils conteurs » pp. 218-231

Après des recherches variées, subtiles et infructueuses, je retrouve sur ma cheminée, bien en vue, un papier égaré, et, si j’ai l’imagination d’Allan Poë je combine La Lettre volée.

1635. (1890) L’avenir de la science « Sommaire »

Vue partielle et claire.

1636. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXII » pp. 222-236

Mademoiselle rapporte que la reine ne voulut point croire l’imputation faite à madame de Montespan, l’attribua à madame d’Armagnac, et néanmoins crut à la calomnie qui regardait madame de Montausier, celle de seconder les vues du roi, et lui en témoigna son mécontentement.

1637. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — T. — article » pp. 326-344

Les métaphores, les phrases prétendues substantielles, les réflexions prodiguées y font perdre de vue l'objet principal.

1638. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre cinquième. Principales idées-forces, leur genèse et leur influence — Chapitre premier. L’idée force du monde extérieur »

Deuxième moment : même appétition ; autres modifications, — par exemple une morsure jointe à la vue d’une gueule ouverte — ; ce qui donne la distinction du même et de l’autre, conséquemment de l’un et du plusieurs, ainsi que la distinction du volontaire et de l’involontaire.

1639. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « VII »

Nous l’avons dit, il n’y a et il ne peut y avoir qu’une méthode : transposer ce que l’on observe, mettre à profit les choses vues ; étudier surtout par quels procédés les grands auteurs ont réalisé cet effort ; s’assimiler enfin autant que possible leurs procédés de description vraie, pour les appliquer à vos peintures de convention.‌

1640. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XIII. Mme Swetchine »

Il seyait à cette pure femme de n’être vue que dans le jour respectueux du souvenir de quelque grande amitié qui répondait pour elle, comme celle de Joseph de Maistre, par exemple, ou dans la lumière, émue et rougissante, dont les quelques gouttes tremblent d’une manière si charmante, dans ce peu de pages qu’elle nous a laissées.

1641. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Les Kœnigsmark »

Malgré ce titre qui nous prévient et auquel l’auteur a ajouté ces mots : Épisode de l’Histoire du Hanovre, pour qu’on ne pût pas s’y tromper, est-ce vraiment de l’histoire dans sa notion pure et respectée que ce livre sans gravité, sans profondeur, sans vue morale ?

1642. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Joseph de Maistre »

Car Joseph de Maistre, ce n’est pas la féodalité comme nous l’avons vue mourir dans les derniers gentilshommes de l’ancienne monarchie, c’est quelque chose de plus et de mieux.

1643. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Quitard »

Du reste, malgré la justesse de la vue première : — faire une histoire des proverbes qui fût l’histoire des mœurs perdue par de l’expression retrouvée, — et malgré des travaux pleins d’intérêt, mais qui ne sont, après tout, que des préliminaires, cette histoire qui l’a tenté Quitard ne l’a pas faite néanmoins avec son Dictionnaire et son Étude.

1644. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « La révocation de l’Édit de Nantes »

Il se fût demandé ce qu’était l’Europe au moment où Louis XIV risqua ce coup d’État qui l’a frappé lui-même devant une trop sévère et trop légère postérité, et si cet esprit, qui avait la vue et qui avait la position pour bien voir, ne discernait pas très bien ce qui allait éclater entre la vieille France catholique et l’Europe protestante soulevée par la Hollande et par l’Angleterre, et soulevée à propos de toutes les questions !

1645. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Gustave III »

Ainsi, il vendit des biens d’Église, et devint distillateur et marchand d’eau-de-vie dans les proportions d’un monopole immense, pour faire vivre dans leur luxe effréné ceux-là que Léouzon-Leduc appelle hardiment ses mignons… L’un des plus comiques de ces spectacles fut sa coquetterie avec les Francs-Maçons et le prétendant d’Angleterre, qui était grand-maître de l’Ordre, auquel, dans des vues de conquête politique, il voulut succéder ; et surtout ce fut sa réclamation, comme Maçon, de la Livonie, qui avait jadis, comme on sait, appartenu aux Templiers… Extravagant, mais d’une extravagance qui passait comme un coup de vent, il rêva tour à tour qu’il prendrait la Norvège, qu’il confisquerait le Danemark, qu’il entamerait la Russie ; et il intrigua, brouilla, remua, mais stérilement, dans le sens de tous ces rêves, lesquels n’eurent de réel qu’une superbe bataille navale qu’il gagna lui-même en personne, — belle inutilité de plus !

1646. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Madame de Maintenon » pp. 27-40

Assurément, aux yeux de qui sait discerner et sait conclure, l’histoire de la maison de Saint-Cyr, du temps de Louis XIV et de madame de Maintenon, telle que Lavallée nous la raconte, est une vue, prise par un côté nouveau, sur l’esprit et les mœurs du grand siècle, saisis, comme au plus frais et au plus pur de leur source, dans l’âme des jeunes filles qui y étaient élevées et dans l’éducation qu’on leur donnait.

1647. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Lettres d’une mère à son fils » pp. 157-170

… Et s’il n’y est pas, s’il ne peut pas être en ces quelques lettres sur des points si peu nombreux, quand il fallait tant en toucher, y a-t-il, au moins, dans ce livre, la grande vue qui couvre tout de son illumination féconde et qui, à force de lumière, nous empêche de rien regretter ?

1648. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Abailard et Héloïse »

Je lui demanderai la permission d’en prendre deux ou trois dans sa cassolette ; car on ne me croirait peut-être pas non plus si je parlais de ces parfums inconnus qu’on n’apprécie bien que quand on les a respirés : « À la vue d’un pareil sentiment, — (nous avons dit ce qu’il était, ce sentiment), — ne semble-t-il pas que l’Amour lui-même a passé devant nous — (bienheureuse hallucination !) 

1649. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XIX. Abailard »

« À la vue d’un pareil sentiment (nous avons dit ce qu’il était, ce sentiment) ne semble-t-il pas que l’Amour lui-même a passé devant nous (bienheureuse hallucination !)

1650. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « M. Léon Aubineau. La Vie du bienheureux mendiant et pèlerin Benoît-Joseph Labre » pp. 361-375

Une vie pareille — vue de par-dehors — ne se raconte pas ; car l’incomparable beauté en est tout intérieure.

1651. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Gérard Du Boulan »

Son Alceste est faux, ridiculement faux ; mais le xviie  siècle, dont il le fait l’expression dans une de ses plus méprisables manifestations, mais le xviie  siècle est, dans son livre, regardé d’une vue nette et courageusement jugé.

1652. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « Ferdinand Fabre »

L’auteur du Tigrane a dû vivre parmi les prêtres à quelque époque que ce soit de sa vie, car il en parle tous les langages comme s’il les avait appris, et il en exprime les faiblesses — plus ou moins honteuses — comme s’il les avait vues de ses propres yeux… Assurément, il a le mépris intelligent du clergé français assez médiocre dans sa masse flottante, ne croyant, là comme ailleurs, qu’à l’individualité et qu’à l’exception ; mais pourtant il ne hait point le prêtre comme un autre observateur et un autre artiste, Stendhal, qui fut aussi toute sa vie magnétisé par le sublime type du prêtre, la seule grande poésie, avec le soldat, qui soit restée à notre misérable temps.

1653. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « Catulle Mendès »

Mais qu’il ait du succès ou qu’il n’en ait pas, que le livre périsse par les défauts que j’ai signalés ou par ses qualités, parfois plus dangereuses que les défauts quand on vise le succès pour l’atteindre, ce livre n’en sera pas moins la preuve faite, avec une précision qu’on n’avait jamais vue, de cette chose très curieuse et très rare parmi tant d’imitations impuissantes : — c’est qu’un fragment de la personnalité d’un homme soit entré et se soit incrusté si profondément dans la personnalité d’un autre homme… Chemise de Nessus qui ne l’a pas fait souffrir !

1654. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « Eugène Sue » pp. 16-26

ce changement à vue, si bien exécuté, peint tout M. 

1655. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre IX. Suite des éloges chez les Grecs. De Xénophon, de Plutarque et de Lucien. »

On trouve dans tous les deux la même douceur de style, les mêmes grâces, des vues de politique profondes, l’amour des lois et des hommes, un goût de vertu sans effort, et ce naturel touchant qui gagne la confiance du lecteur et le persuade sans le fatiguer.

1656. (1882) Essais de critique et d’histoire (4e éd.)

Aussitôt, de leur côté, les hommes de Chirisophos, ayant entendu la trompette, gravirent la route qui était en vue. […] Il faut qu’il connaisse de longue vue votre visage ; sinon, vous êtes un mécontent. […] Mais le vrai paratonnerre fut son ambition, instruite par la vue des choses. […] Ce talent consiste d’abord dans la vue exacte et entière des objets absents. […] C’est à ce prix qu’est le génie ; uniquement et totalement englouti dans l’idée qui l’absorbe, il perd de vue la mesure, la décence et le respect.

1657. (1898) Politiques et moralistes du dix-neuvième siècle. Troisième série

Cela tient à ce qu’il a la vue la plus confuse du mouvement littéraire auquel il assiste. […] — C’est là une vue profonde. […] Sainte-Beuve ne réussit jamais à se perdre entièrement de vue. […] Le fait devient une vue de l’esprit. » D’accord, et il en est plus intéressant ; mieux vu, c’est autre chose. […]  » — Vue très pénétrante et qui nous livre un trait de caractère de Sainte-Beuve, en même temps qu’un des secrets de son esprit.

1658. (1765) Articles de l’Encyclopédie pp. 7172-17709

Voici un latinisme régulier dont le développement peut encore amener des vues utiles : neminem reperire est id qui velit. […] Pour ce qui regarde les idiotismes irréguliers, il faut, pour en pénétrer le sens, discerner avec soin l’espece d’écart qui les détermine, & remonter, s’il est possible, jusqu’à la cause qui a occasionné ou pû occasionner cet écart : c’est même le seul moyen qu’il y ait de reconnoître les caracteres précis du génie propre d’une langue, puisque ce génie ne consiste que dans la réunion des vues qu’il s’est proposées, & des moyens qu’il a autorisés. […] S’il est facile de ramener à un nombre fixe de chefs principaux les écarts qui déterminent les différens idiotismes, il n’en est pas de même de vues particulieres qui peuvent y influer : la variété de ces causes est trop grande, l’influence en est trop délicate, la complication en est quelquefois trop embarrassante pour pouvoir établir à ce sujet quelque chose de bien certain.

1659. (1884) Propos d’un entrepreneur de démolitions pp. -294

L’égalité démocratique prise du plus bas possible devait, selon mes vues, réaliser un niveau social tel qu’il ne restât plus sous le soleil que les Bourbeux et les Croupissants. […] Je n’avais en vue que Rodolphe Salis et je ne voulais parler que de lui. […] Donato dédaigne de représenter la science, il la sert par amour, comme Jacob servait Laban, en vue d’épouser ses filles convenablement dotées. […] Je ne parlerais pas tant de ce négociant si je n’avais en vue que lui seul. […] D’ailleurs, j’ai surtout en vue l’armée française qu’on outrage impunément et que j’aime avec passion, comme l’une des plus grandes écoles du sacrifice qui se soient vues sur cette planète où la guerre est d’institution divine.

1660. (1924) Intérieurs : Baudelaire, Fromentin, Amiel

Ce matérialisme de confessionnal est mis en valeur par Baudelaire avec autant de sincérité et d’angoisse, et c’est une vue bien simpliste de parler ici de mystification macabre. […] Là seulement ses études s’organiseront en vue d’une œuvre définie, seront soutenues par une inspiration constante et conduites par une idée directrice. […] Tout y est bien disposé en vue d’un tableau, et d’un tableau classique, d’un paysage historique pris dans la tradition qui va de Poussin à René Ménard. […] Il s’agit ici de donner à la fois la sensation, le sentiment, l’idée de la terre vue sous un aspect d’évanescence, comme de l’être diminué qui reflue vers le néant. […] Elle prend une vue claire de cette existence dévastée, de cette nature si bien douée qui désormais va se consumer inutile et se perdre obscurément.

1661. (1898) Impressions de théâtre. Dixième série

L’Évasion est, à première vue, et était certainement dans la pensée de l’auteur, une pièce à thèse. […] Voilà huit ans qu’il n’a vu sa femme, bien qu’ils habitent tous deux sous le même toit, Et voilà huit ans que les deux sœurs ne se sont vues. […] Quand je l’y aurai vue, j’achèverai, si je puis, cette définition éparse de son talent, et je tâcherai de conclure. […] Geoffroy a déjà, en critique, des vues plus nettes et plus vraies que Fénelon ou que Perrault ; mais ce ne sont toujours que des « vues. » Il se contente de les indiquer. […] À première vue, État paraît une entité ; et le tort fait à l’État semble donc moins grave que le tort fait à une personne.

1662. (1880) Une maladie morale : le mal du siècle pp. 7-419

Jouet de mille terreurs, de mille illusions des sens, il ne pouvait supporter la société des humains. « A la vue de quelques personnes de mon voisinage, a-t-il dit dans le préambule de l’Arcadie, je me sentais tout agité, je m’éloignais, je me disais souvent : je n’ai cherché qu’à bien mériter des hommes ; pourquoi est-ce que je me trouble à leur vue ? […] Contre les chagrins que lui inspirait la vue des événements qui désolaient alors l’Europe, il ne trouvait en lui-même aucun remède. […] L’un trouve des adoucissements dans la vue de la nature ; pour l’autre, elle n’est qu’un objet d’indifférence. […] Il supportera donc la vie, mais il ne peut plus soutenir la vue de Valérie : la prudence, l’honneur lui ordonnent de la fuir. […] Quelle triste vue aussi du monde, et de l’humanité dans la Contemplation qui a pour titre : Melancholia, dans laquelle il parcourt les misères de chaque état !

1663. (1914) En lisant Molière. L’homme et son temps, l’écrivain et son œuvre pp. 1-315

Certaines scènes, comme celles d’Harpagon avec Mariane et avec son fils, comme celle dite « de la cassette » au cinquième acte, sont les plus comiques que l’on ait jamais vues sur aucun théâtre. […] C’est pour cela qu’il a été l’ennemi des fameuses régies, ou plutôt qu’il les a prises, et cela est une vue extrêmement juste, à mon avis, pour des avertissements d’un caractère tout négatif. […] Quand il parlait de l’art d’apprivoiser les règles, Corneille était ingénieux aussi, mais avait une vue moins précise. […] On le voit bien à ce que s’il aime par méchanceté, comme nous venons de le voir, la vue de la douleur des autres le ramène aussi à l’amour. […] Elle s’est vue elle-même dans toutes les héroïnes des aventures d’amour, et transportant cette mentalité dans la vie réelle, elle n’a vu quoi que ce fût qui ne fût un roman dont elle était le personnage principal et homme qui ne fût amoureux d’elle.

1664. (1933) De mon temps…

Contre le Symbolisme naissant, il avait maintenu levé le drapeau du Parnasse dont il avait été un des tenants en vue, dont il avait écrit la légende et dont il appliquait strictement la doctrine, en disciple respectueux et fervent de Leconte de Lisle et de Théodore de Banville. […] Que de visites dans les musées, que d’arrêts devant les primitifs, dont la vue le plongeait en une sorte d’exaltation intérieure ! […] Il émet des vues hardies sur toutes choses et les soutient avec une ingénieuse subtilité. […] Forain avait dû à cette dure période de sa vie une vue amère de l’existence, mais il y avait fait l’expérience de son énergie et de sa ténacité. […] Forain, il faut bien le dire, travaillait un peu pour la galerie, tandis que Degas n’avait en vue que sa satisfaction personnelle.

1665. (1896) Le livre des masques

L’Aube pâle s’est vue à des eaux mornes Et les faces du soir ont saigné sous les flèches Du vent mystérieux qui rit et qui sanglote. […] Comme Châteaubriand, son frère de race et de gloire, Villiers fut l’homme du moment, d’un moment solennel ; tous deux, avec des vues et sous des apparences diverses, recréèrent pour un temps l’âme de l’élite : de l’un naquit le catholicisme romantique et ce respect des traditionnelles vieilles pierres ; et de l’autre, le rêve idéaliste et ce culte de l’antique beauté intérieure ; mais l’un fut encore l’orgueilleux aïeul de notre farouche individualisme ; et l’autre encore nous enseigna que la vie d’autour de nous est la seule glaise à manier. […] Mais tout cela est raconté dans Paludes, histoire, comme on sait, « des animaux vivant dans les cavernes ténébreuses et qui perdent la vue à force de ne pas s’en servir » ; c’est aussi, avec un charme plus familier que dans le Voyage d’Urien, un peu de l’histoire ingénue d’une âme très compliquée, très intellectuelle et très originale. […] Son génie naturel fait de sensibilité, d’ironie, d’imagination et de clairvoyance, il avait voulu le nourrir de connaissances positives, de toutes les philosophies, de toutes les littératures, de toutes les images de nature et d’art ; et même les dernières vues de la science semblent lui avoir été familières. […] S’il fallait, ce qui est bien inutile, s’exprimer plus clairement, on dirait que, de l’avis de quelques-uns, qui en valent peut-être beaucoup d’autres, toute l’histoire littéraire n’est, rédigée par des professeurs selon des vues éducatives, qu’un amas de jugements presque tous à casser et que, en particulier, les histoires de la littérature française ne sont que le banal catalogue des applaudissements et des couronnes échus aux plus habiles ou aux plus heureux.

1666. (1824) Ébauches d’une poétique dramatique « Conduite de l’action dramatique. » pp. 110-232

Les narrations du passé importunent ordinairement, parce qu’elles gênent l’esprit de l’auditeur, qui est obligé de charger sa mémoire de ce qui est arrivé plusieurs années auparavant, pour comprendre ce qui s’offre à sa vue. […] La surprise qui naît du retour d’un héros qu’on croyait tué dans un combat ; L’apparition d’un spectre qui vient révéler des crimes secrets, comme dans Hamlet et dans Sémiramis ; La vue d’un personnage qu’on croyait tué à l’instant, et dont le meurtrier même venait de raconter la mort, comme l’apparition d’Assur, au cinquième acte de Sémiramis ; celle du duc, au quatrième acte de Venceslas ; celle de Mélicerte, au cinquième acte d’Ino ; Une confidence que fait un personnage à son ennemi, qu’il ne connaît pas pour tel, comme le projet d’assassiner Mélicerte, confié à Ino sa propre mère ; L’aveu que Monime fait à Mithridate de son amour pour Xipharès : Seigneur, vous changez de visage ; Les reconnaissances, lorsqu’un personnage dit à un autre une chose qui produit un effet contraire à ce qu’il attendait ; ainsi, quand Azéma veut empêcher Arsace de descendre dans la tombe de Ninus, en lui disant qu’Assur l’attend pour l’y sacrifier, Arsace s’écrie avec transport : Tout est donc éclairci, etc. […] Le concours de tous ces sentiments forme un caractère si passionné et si raisonnable tout ensemble, que, malgré la terreur dominante de la pièce, on sent encore une espèce de joie à la vue d’une héroïne en qui la passion et le devoir ne sont qu’un même sentiment. […] En effet, quelle terreur salutaire peut produire la vue d’un Œdipe, qui, sans le savoir, sans le vouloir, sans l’avoir mérité, tombe dans des malheurs et dans des crimes qui me font dresser les cheveux d’horreur. […] Cet enthousiasme momentané qui élève et transporte l’âme à la vue d’une belle action ou d’un beau sentiment, est devenu parmi nous un des puissants moyens de la tragédie.

1667. (1868) Curiosités esthétiques « V. Salon de 1859 » pp. 245-358

Legros et Amand Gautier possèdent la foi comme l’entend l’Eglise, mais très-certainement ils ont eu, en composant chacun un excellent ouvrage de piété, la foi suffisante pour l’objet en vue. […] « Un jour, ayant passé l’Ister vers son embouchure et étant un peu écarté de la troupe des chasseurs, je me trouvais à la vue des flots du Pont-Euxin. […] S’il est aveugle, c’est l’enflure de sa joue de cochon qui lui bouche la vue. […] Jadin, qui jusqu’ici avait trop modestement, cela est évident maintenant, limité sa gloire au chenil et à l’écurie, a envoyé une splendide vue de Rome prise de l’Arco di Parma. […] Christophe n’est pas de ces artistes faibles en qui l’enseignement positif et minutieux de Rude a détruit l’imagination), et qui, vue en face, présente au spectateur un visage souriant et mignard, un visage de théâtre.

1668. (1848) Études sur la littérature française au XIXe siècle. Tome III. Sainte-Beuve, Edgar Quinet, Michelet, etc.

Et cette nouvelle n’a été écrite qu’en vue d’une seule personne et pour la lui faire lire, et pour lui en faire agréer et partager le sentiment. […] Toutefois, il y a, au moment décisif de la conversion, dans le moment qui la consomme, une vue distincte du grand mystère de piété : « Dieu manifesté en chair ». […] Mais ces caprices des âmes usées, en qui toute la vie a passé en vue, toute la sensibilité en réflexion ; ces exceptions, ces accidents, bons à noter pour mémoire, ne sont pas le véritable objet de l’art, subordonné sans doute à la société, mais non aux mille et mille sinuosités où l’âme peut amuser son ennui. […] Mais il faut du moins se retirer, s’enfermer dans cette solitude que la présence sentie de Dieu crée autour de l’homme ; il faut le silence, le recueillement, la vue du ciel, pour aimer ; il faut une vie sérieuse et austère, pour aimer ; pour aimer, il faut avoir appris à se haïr.

1669. (1894) Études littéraires : seizième siècle

Commynes a fait la guerre, non sans plaisir même, comme il le confesse, il l’a vue sans cesse, il a compté et il compte encore dans ses Mémoires ce qu’elle coûte ; et il la déteste. […] Il n’en reste pas moins que ses vues sur ce point sont justes pour son temps et même pour les siècles suivants, et ne sont pas sans avoir pour l’homme politique la valeur d’un véritable principe dirigeant. […] Les batailles où il a assisté, les pays qu’il a traversés, les villes qu’il a vues, les hommes avec qui il a causé, voilà son livre. […] Le bréviaire de Frère Jean nous apprend « qu’en la Révélation », je ne sais laquelle, « fut comme chose admirable, vue une femme ayant la lune sous les pieds. » Que signifiait ce symbole ? […] C’est, tout compensé, une des vies les plus heureuses qu’on ait vues, surdité à part ; et du Bellay lui a prouvé en vers très spirituels que c’était encore un avantage.

1670. (1925) Comment on devient écrivain

L’écrivain qui veut faire du roman ne doit donc perdre de vue ni les romans de Balzac ni les romans de Flaubert. […] Ses prétentions philosophiques ne lui font jamais perdre de vue l’intérêt et le récit. […] Carmen et Colomba sont des œuvres, et la Prise de la redoute un modèle à ne pas perdre de vue. […] Les historiens français ne perdent jamais tout à fait de vue cette nécessité. […] A première vue, la plupart des articles de journaux semblent parfaitement bien écrits.

1671. (1809) Tableau de la littérature française au dix-huitième siècle

On se plaît à voir une âme supérieure animant par la grandeur de ses vues la méditation des règles textuelles qui nous gouvernent. […] De la sorte, elle prend l’habitude de considérer par les applications les choses qui doivent être vues par le principe. […] Le peu de flexibilité de son esprit nuisit aussi beaucoup à la finesse et à la profondeur de ses vues. […] Il aurait cru se fausser le jugement et se fasciner la vue s’il eût essayé de partager ou même de concevoir les sentiments de ses devanciers. […] Nous avons cru qu’il serait curieux de lire les vues fines et profondes que madame de Staël a jetées, tout en passant, sur ce sujet.

1672. (1925) Feux tournants. Nouveaux portraits contemporains

À chaque escale, Gourmont, le soir, descendait dans une auberge, encouragé par l’air, le calme, les oiseaux. « Flaubert qui passa presque toute sa vie les yeux fixés sur la Seine, écrivit alors Gourmont, ne semble pas l’avoir vue comme il eût dû la voir selon toutes ses grâces et toutes ses fraîcheurs. […] Green, historien du peuple anglais, il insiste sur la largeur de vues, sur l’hospitalité qu’offre l’anglicanisme aux divergences dogmatiques. […] À Londres, dans une grande affaire de la City, tout jeune, et venant à peine de quitter le lycée Condorcet, il apprit à ne jamais perdre de vue ces réalités économiques qui échappent à tant d’écrivains et de journalistes à qui l’opinion s’abandonne. […] Unruh a toujours en vue la nature et la joie, il ne dirige jamais sa pensée et son action dans un sens artificiel. […] Ces vues d’un esprit français sur le monde, confirmées par des expériences de voyage et de politique, achèveront de donner à l’œuvre de Barrès son caractère goethien.

1673. (1803) Littérature et critique pp. 133-288

En excitant du haut de la tribune des orages trop dangereux, il a porté plus d’une fois des vues très sages et très élevées dans la législation. […] Mais, quand on veut tout observer du point le plus éminent, il faut bien connaître la portée de sa vue ; et, dans un vaste horizon, tout s’obscurcit ou se déplace, si elle manque de force, de précision et de netteté. […] Quelles différentes vues de l’humanité ! […] Ce sont de petits tableaux suspendus au pourtour d’un édifice, pour délasser la vue de l’élévation des dômes, en l’appelant sur des scènes de paysages et de mœurs champêtres. […] Les vues critiques de l’auteur, dans d’autres chapitres encore, me paraissent avoir les plus féconds résultats et la plus piquante nouveauté.

1674. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre premier. Ce que devient l’esprit mal dépensé » pp. 1-92

. — En même temps, il combat pour l’emploi des passions au théâtre, et il ne voit pas quel grand crime ce peut être que de s’attendrir à la vue d’une passion honnête. […] Personne ne l’avait trouvée, avant Molière ; Molière est le premier qui l’ait vue. […] Il paraît donc, et à sa vue, sans se douter de ses tortures, cet affreux parterre se met à rire. […] un esprit doué d’une vue plus fine et plus déliée ? […] Si vous voulez revoir mademoiselle Mars, vous qui l’avez vue, allez voir jouer, par une autre comédienne, Les Fausses Confidences, ou bien Le Jeu de l’amour et du hasard.

1675. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Molière »

En un mot, plus on avance dans le siècle dit de Louis XIV, et plus la littérature, la poésie, la chaire, le théâtre, toutes les facultés mémorables de la pensée, revêtent un caractère religieux, chrétien, plus elles accusent, même dans les sentiments généraux qu’elles expriment, ce retour de croyance à la révélation, à l’humanité vue dans et par Jésus-Christ ; c’est là un des traits les plus caractéristiques et profonds de cette littérature immortelle. […] Mais ce que je veux établir, et ce qui le caractérise entre ses contemporains de génie, c’est qu’habituellement il a vu la nature humaine en elle-même, dans sa généralité de tous les temps, comme Boileau, comme La Bruyère l’ont vue et peinte souvent, je le sais, mais sans mélange, lui, d’épître sur l’Amour de Dieu, comme Boileau, ou de discussion sur le quiétisme comme La Bruyère2. […] Dans les œuvres finies, au contraire, faites pour être vues de près, vingt fois remaniées et repolies, à la Miéris, à la Despréaux, à la La Bruyère, nous retrouvons la paresse de l’huile. […] De plus, en lisant convenablement le vers : Dans ce sac ridicule où Scapin l’enveloppe9 (car Molière en cette pièce jouait le rôle de Géronte, et par conséquent il entrait en personne dans le sac), on conçoit l’impression pénible que causait à Boileau cette vue de l’auteur du Misanthrope, malade, âgé de près de cinquante ans et bâtonné sur le théâtre.

1676. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre II. Le Roman (suite). Thackeray. »

Dans cette foule, deux hommes ont paru, d’un talent supérieur, original et contraire, populaires au même titre, serviteurs de la même cause, moralistes dans la comédie et dans le drame, défenseurs des sentiments naturels contre les institutions sociales, et qui, par la précision de leurs peintures, par la profondeur de leurs observations, par la suite et l’âpreté de leurs attaques, ont ranimé, avec d’autres vues et un autre style, l’ancien esprit militant de Swift et de Fielding. […] Assise au pied du lit, elle garde à vue la malade, la comble de potions, la réjouit de sermons terribles, et monte la garde à la porte contre l’invasion de l’héritier probable. […] Il insinue délicatement qu’il faudrait mener la malade au grand air. « La vue de son horrible neveu rencontré dans le parc, où l’on dit que le misérable se promène avec la complice endurcie de ses crimes, dit alors mistress Bute (laissant échapper le chat de l’égoïsme hors du sac de la dissimulation), lui causerait une telle secousse, que nous aurions à la rapporter dans son lit. […] Elle s’enthousiasme pour les jeunes filles qu’elle rencontre, elle ressent à leur vue une attraction magnétique, elle devient leur sœur, sauf à les mettre de côté demain, comme une vieille robe : nous ne commandons pas à nos sentiments, et rien n’est plus beau que le naturel.

1677. (1911) Lyrisme, épopée, drame. Une loi de l’histoire littéraire expliquée par l’évolution générale « Chapitre II. Vérification de la loi par l’examen de la littérature française » pp. 34-154

Dans le chapitre magistral qu’il intitule : « Vue générale du xvie  siècle », M.  […] Un ouvrage vraiment amusant et instructif par le mélange des erreurs et des vues perspicaces est le Traité du poème épique du père Le Bossu (permission 1674 ; réimpression 1708). […] Celui-ci commence par chercher sa voie, hésite, désespère ou prend courage, perd son but de vue ou pense le découvrir où il n’est pas, et, lorsque enfin il est “arrivé”, s’il se retourne pour considérer le passé, se rend compte avec étonnement que le résultat obtenu n’est point celui auquel il visait d’abord. […] Il y a dans cette introduction une vue d’ensemble, un peu confuse encore, évidemment juvénile, qui fait cependant bien augurer.

1678. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) «  Poésies inédites de Mme Desbordes-Valmore  » pp. 405-416

Quand la belle et brillante Delphine, Mme Émile de Girardin, fut enlevée avant l’heure, Mme Desbordes-Valmore, qui l’avait vue commencer et qui s’attendait si peu à la voir finir, eut un hymne de deuil digne de son noble objet, et dans lequel cependant elle prête un peu, je le crois, de sa mélancolie à l’éblouissante muse disparue ; mais le mouvement est heureux, le ton général est juste et d’une belle largeur : La mort vient de frapper les plus beaux yeux du monde : Nous ne les verrons plus qu’en saluant les cieux.

1679. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Madame Desbordes-Valmore. »

Remarquez que Lamartine ne connaissait qu’à peine et de loin seulement Mme Valmore ; mais la divination du génie est comme une seconde vue, et du premier coup d’œil il avait tout compris de cette existence, il avait tout exprimé en images vivantes et dans un tableau immortel : Ils n’ont, disais-je, dans la vie Que cette tente et ces trésors ; Ces trois planches sont leur patrie.

1680. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamartine — Note »

Lainé jeune, plus libéral que l’ancien, plus libéral que les ci-devant libéraux eux-mêmes, leur mettant sous les yeux à l’occasion et développant aux yeux de tous leurs inconséquences, leurs imprudences et leur manque de vue (comme il fit dans ce magnifique discours au sujet des cendres de Napoléon), — un M.

1681. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « quelque temps après avoir parlé de casanova, et en abordant le livre des « pèlerins polonais » de mickiewicz. » pp. 512-524

L’art qui médite, qui édifie, qui vit en lui-même et dans son œuvre, l’art peut se représenter aux yeux par quelque château antique et vénérable que baigne un fleuve, par un monastère sur la rive, par un rocher immobile et majestueux ; mais, de chacun de ces rochers ou de ces châteaux, la vue, bien qu’immense, ne va pas à tous les autres points, et beaucoup de ces nobles monuments, de ces merveilleux paysages, s’ignorent en quelque sorte les uns les autres ; or la critique, dont la loi est la mobilité et la succession, circule comme le fleuve à leur base, les entoure, les baigne, les réfléchit dans ses eaux, et transporte avec facilité, de l’un à l’autre, le voyageur qui les veut connaître.

1682. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre I. La préparations des chefs-d’œuvre — Chapitre IV. La langue française au xviie  »

Mais une des règles de Malherbe, et la plus claire, la plus bienfaisante aussi, est perdue de vue : l’usage du peuple (dans les régions de la France où la langue française est indigène ; ainsi, à Paris).

1683. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Stendhal, son journal, 1801-1814, publié par MM. Casimir Stryienski et François de Nion. »

C’est pour lui un moyen de se modifier, de se façonner peu à peu en vue d’un but déterminé.

1684. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — R — Richepin, Jean (1849-1926) »

Il a aussi gravé des eaux-fortes d’une attaque franche de curieuses vues de Paris, terrains vagues blancs de gravats et rôtis de soleil, va-et-vient pressé de la foule au travers des rues, où tremblotent des clartés vagues dans la brume, à la pointe de l’hiver.

1685. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre XXIV. Conférence sur la conférence » pp. 291-305

J’avais donc relu les pièces qu’on va représenter après mon départ, et, me souvenant du sang-froid, aussi de l’ardeur communicative, avec lesquels notre respecté doyen excelle à démontrer qu’au fond et malgré des différences intéressantes Athalie et Girodot, c’est toujours la même chose, vue là sous l’angle dramatique, ici sous le comique, que c’est une lutte semblable pour la puissance figurée là par le trône d’Israël, ici par la fortune d’un rentier, j’avais entrepris de vous transmettre des assurances analogues.

1686. (1890) L’avenir de la science « VI »

En face d’un public dont la plus grande partie veut être intéressée, il faut des aperçus, des vues ingénieuses, bien plus qu’une discussion savante.

1687. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Préface »

La candeur d’une enfant qui ignore sa beauté et qui voit Dieu clair comme le jour est la grande révélation de l’idéal, de même que l’inconsciente coquetterie de la fleur est la preuve que la nature se pare en vue d’un époux.

1688. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XXV. Mort de Jésus. »

À mesure que la vie du corps s’éteignait, son âme se rassérénait et revenait peu à peu à sa céleste origine. 11 retrouva le sentiment de sa mission ; il vit dans sa mort le salut du monde ; il perdit de vue le spectacle hideux qui se déroulait à ses pieds, et, profondément uni à son Père, il commença sur le gibet la vie divine qu’il allait mener dans le cœur de l’humanité pour des siècles infinis.

1689. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre II. Filles à soldats »

Vue du côté français, cette guerre de 1870 est une tragédie mal faite dont l’action multiple se dissémine insaisissable sur dix théâtres à la fois.

1690. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Renou » pp. 301-307

Il est plein d’invention, de chaleur, d’expression et de verve ; il trouve les plus beaux caractères de tête, sa scène est pleine de mouvement ; mais il est sec, il est dur, il est discord, et je ne me soucierais pas de posséder un de ses tableaux, je sens que la vue continuelle m’en chagrinerait.

1691. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XIV. L’auteur de Robert Emmet »

Je ne le dirai point, et c’est le meilleur tour à jouer peut-être à cette vanité de Galatée littéraire, qui fuit derrière les saules de ses livres pour être mieux vue… Elle les croit des flambeaux !

1692. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « La Paix et la Trêve de Dieu »

Il avait éjaculé la plus magnifique hiérarchie qu’aient vue les hommes.

1693. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XVII. Mémoires du duc de Luynes, publiés par MM. Dussieux et Soulier » pp. 355-368

Dangeau n’a donné de plaisir sérieux qu’aux ennemis de la vieille monarchie française qui l’ont vue, exactement reproduite, par ce sot compromettant, dans les dernières révérences qu’elle ait faites, dans les derniers menuets qu’elle ait dansés !

1694. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « M. Oscar de Vallée » pp. 275-289

Taine, ce foudre d’érudition, qui en finit, selon moi, avec toutes les histoires faites jusqu’ici sur la Révolution française et qui force à les recommencer ; mais il a sur le Jacobinisme, qui est la Révolution dans sa forme définitive et sa fatalité dernière, la même Vue droite, inflexible et perçante… Il est de même portée et il atteint au même point, — mais avec une flèche enflammée, avec la palpitation et la passion de l’éloquence en sus, et que M. 

1695. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « Xavier Eyma » pp. 351-366

Aborder avec un regard ferme cette Amérique éblouissante et surprendre le secret de tous les mirages avec lesquels elle dupe la pensée, voilà ce qui doit tenter tout homme qui se sent la vue d’un historien.

1696. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Balzac »

Et, cela étant reconnu et irréfragablement certain, la Critique n’a point ici à s’occuper du génie de Balzac, incontestable comme la lumière, ni de ses Œuvres, pour lesquelles, s’il était nécessaire de les analyser et de les juger, il faudrait l’étendue d’un Cours de littérature, mais elle va s’occuper de son âme, de sa personne morale, à Balzac, aperçue, soupçonnée à travers son génie, mais vue — et pour la première fois — dans le plein jour d’une Correspondance qui montre la plus magnifique nature dans sa complète réalité !

1697. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Benjamin Constant »

… » La beauté de Madame Récamier est insaisissable, et les récits qu’on en a faits à ceux qui ne l’ont pas vue sont comme les portraits qu’on en voit… C’est le camée des beautés du temps, commun à en devenir vulgaire : le camée de Pauline Borghèse, de Madame de Rovigo, de Madame de Custine, de Mademoiselle Georges, de Mademoiselle Mars.

1698. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « VII. Vera »

Les Mandarins seuls de la Philosophie se sont risqués et continueront de se risquer dans la logique d’Hegel, mais ils ont rapporté déjà et continueront de rapporter de leur accointance avec les œuvres du professeur de Berlin une méthode historique et des vues sur l’histoire qui pourraient très bien bouleverser le monde, sous prétexte de l’expliquer.

1699. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XXVIII. M. Flourens »

Non, il prit tout simplement et tout brutalement le cerveau, le découvrit, le disséqua, et, sous la pointe de ce scalpel, qui est le seul instrument de vérité pour les matérialistes, il montra que le cerveau était le siège exclusif de l’intelligence ; que l’ablation d’un de ses tubercules déterminait la perte du sens de la vue, mais que l’ablation d’un lobe laissait la sensation et détruisait seulement la perception.

1700. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « M. Jules Soury. Jésus et les Évangiles » pp. 251-264

Renan, avec son Jésus-Christ inventé, propret, poupin, gentillet, papilloté, adonisé, en vue des petites femmes qui ont toujours besoin de poupées, n’est que le Girondin de la chose ; M. 

1701. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « M. Athanase Renard. Les Philosophes et la Philosophie » pp. 431-446

Aux systèmes des philosophes dont il écrit la triste chronique, il oppose le sien, qui n’est pas un système, mais une vue générale et planant sur l’esprit humain… Le Dr Athanase Renard n’a point le bon sens étranglé de Reid, l’Écossais, étroit en philosophie comme en religion (le presbytérianisme), mais il a le bon sens dilaté d’un Gaulois, agrandi par l’idée catholique… La race vit et pense dans le Dr Athanase Renard, et c’est pour cela que je l’aime et que je l’estimé, moi qui crois à la race, et qu’en toute chose nous ne valons pas nos pères !

1702. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « L’abbé Maynard »

L’abbé Maynard n’a pas manqué de nous rappeler mille traits charmants de saint Vincent, de ce pauvre paysan des Landes, qui avait été berger dans son enfance, et que tout semblait avoir prédestiné à l’humilité la plus complète qu’on ait vue jamais parmi les hommes.

1703. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Victor Cousin »

Dans cette Introduction de 1828 à une Philosophie de l’histoire, nous n’avons pas trouvé une seule de ces vues qui révèlent tout à coup dans un homme, n’y en eût-il qu’une seule, la grande aptitude, la nette, l’incontestable supériorité.

1704. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Guizot »

La filiation terrible que je vois entre les Jacqueries protestantes et les Jacqueries des temps futurs (et pas si futurs), Guizot ne l’a pas vue du traversin sur lequel dormait sa vieillesse fortunée, mais la logique des principes posés étrangle, un jour ou l’autre, les subtilités des sophistes, et l’invention des deux Églises ne le sauvera pas !

1705. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Maurice de Guérin »

Le reste, et le reste est le tout, n’est que prose : lettres écrites à des amis, mais dans les premiers moments de la vie ; Memoranda, vues sur soi-même ; paysages bretons : admirable rendu de la nature par qui l’adore ; et, pour couronner cet ensemble, Le Centaure, qui n’est pas un fragment, mais un chef-d’œuvre complet et absolu, où pour la première et seule fois Guérin saisit son idéal et n’insulta pas sa pensée.

1706. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Gustave Rousselot  »

Elles n’ont rien de cette chose sans entrailles et sans horizon, de cette Chinoise d’éventail ou de paravent, aux petits détails microscopiques, à la description éternelle d’atomes, même dans la sphère du sentiment, et que nous avons vue se produire parmi nous depuis la mort du grand et idéal Lamartine.

1707. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « José-Maria de Heredia »

Mais le grand historien va peut-être surgir et éclater à son tour… José-Maria de Heredia nous annonce non plus des tableaux historiques, mais une histoire complète de la conquête du Mexique, et l’historien, qui est fait de hauteur de vue et de moralité, va-t-il planer ici sur la vie de sa couleur, et s’y dresser dans l’auguste attitude de cette double force nouvelle ?

1708. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « M. Théodore de Banville »

La vue du sang versé lui a tourné le sien.

1709. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Alfred de Vigny »

Le plan des joues, dans ce portrait, est abbatial, et on y regrette la main, cette main que j’ai vue plus tard maigrie par la souffrance, et d’une transparence plus grande que la crosse d’agate de la petite canne qu’il portait, en ses derniers jours, même pour traverser son salon, et qui, pour la beauté, était une main d’Évêque grand seigneur.

1710. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Malot et M. Erckmann-Chatrian » pp. 253-266

Ses Victimes d’amour, — titre tragique et presque grandiose dans sa simplicité, — ne sont-elles que les mêmes victimes que nous avons vues tant de fois égorgées, de la même manière et avec le même couteau, ou, sacrificateur inspiré, M. 

1711. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Armand Pommier » pp. 267-279

L’intérêt humain du roman a expiré, perdu dans la curiosité pathologique d’un descripteur de phénomènes inouïs, qui, s’ils contractaient un jour l’éternelle clarté de la certitude, en nous donnant (comme c’est la prétention des esprits qui les interprètent), l’abolition de toute distance, la transparence des corps et la vue immédiate des âmes, changeraient toutes les conditions des œuvres humaines, d’un seul coup, et chasseraient jusque du souvenir les littératures.

1712. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « Gogol. » pp. 367-380

Et l’a-t-il peint ainsi parce qu’il l’a vue ainsi, — car les peintres ont parfois des organes dont ils sont les victimes, — ou parce qu’elle est véritablement ainsi, cette Russie, au fond si peu connue, cette steppe en toutes choses, cette platitude indigente, immense, infinie, décourageante, et qui est partout dans les mœurs russes, dans les esprits, dans les caractères ?

1713. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre iv »

Celui qui marche devant nous est assez grand pour que nous ne le perdions pas de vue.

1714. (1903) La vie et les livres. Sixième série pp. 1-297

Le golfe de Sorrente, la baie d’Amalfi enchantaient sa vue. […] Je les ai vues à toute heure du jour et de la nuit. […] Toutes les images de l’invasion et tous les spectres de la défaite sont encore présents à sa vue. […] Le royaume de Cecil Rhodes s’étend à vue d’œil. […] Il ne semble même pas les avoir vues.

1715. (1854) Nouveaux portraits littéraires. Tome II pp. 1-419

Alors il se prenait à douter du témoignage de ses yeux ; cette pâleur dont la vue l’avait enivré lui apparaissait comme un rêve indigne d’arrêter un instant son attention. […] De même que le soleil avec ses puissants rayons fait sur-le-champ disparaître toute autre étoile, ainsi ma vue te paraît maintenant moins belle, parce qu’une lumière plus éclatante m’efface. […] Ta vision, qui s’appuie à une telle hauteur, nous enivre de plus en plus ; personne ne l’a vue encore assez souvent pour n’y pas trouver une beauté nouvelle. […] Eschyle, Sophocle, Euripide, ont tellement absorbé sa pensée, qu’il semble avoir perdu de vue le poète de Stratford. […] Il n’a pas mesuré les forces de son esprit, il en abuse ; sa vue se trouble, son esprit perd la notion du monde réel et se laisse emporter dans les régions apocalyptiques.

1716. (1895) Impressions de théâtre. Huitième série

Et il nous a plu de nous la figurer jolie, distinguée, charmante dans ses affectations même ; et c’est ainsi que Mlle Barlet l’a vue et réalisée. […] La conception de Racine est toute différente, presque contraire : c’est Phèdre qui est son personnage central et favori, et voici comment il l’a d’abord vue. […] Arnauld parlait en théologien et sur la seule lecture de la pièce, il ne l’avait pas vue. […] Mais ce qui dépasse infiniment en pathétique l’action racontée ou vue, c’est l’action devinée. […] On les y a vues « truquer », carrément.

1717. (1922) Nouvelles pages de critique et de doctrine. Tome I

Ce faisant, il a satisfait les deux sentiments développés en lui par l’éducation, — j’ai essayé de montrer comment, — le goût de l’énergie et une vue cruelle de la vie humaine. […] Mais une vue dure et sèche du réel se devine à travers cette phraséologie, dont Balzac s’est moqué cruellement dans son Prince de la Bohème. […] De ses plongées dans la sensualité, il a rapporté une expérience qui lui a donné une vue plus intense, j’allais dire plus âcre des arrière-fonds de la parade humaine. […] Telle est, résumée dans un schéma trop superficiel, la vue des choses qui se dégage de votre thèse. […] Votre méthode, dans cet enseignement, procédait de votre vue générale du monde.

1718. (1912) Pages de critique et de doctrine. Vol I, « I. Notes de rhétorique contemporaine », « II. Notes de critique psychologique »

L’autre était une vue de la littérature, considérée comme une psychologie vivante. […] C’est aussi une vue du destin humain. […] Elle l’altère en vue d’un effet total à produire, qui sera la supériorité de tel ou tel principe sur tel autre. […] Conclure du particulier au général, tel est le sophisme de toutes les fables construites en vue d’une démonstration. […] La joue un peu amaigrie, voluptueuse, vue de trois quarts, fait ressortir l’ampleur du front, large, puissant, royal.

1719. (1929) Les livres du Temps. Deuxième série pp. 2-509

Cet aristocratisme, à première vue, semble étrangement radical. […] Il y a encore dans cet ouvrage des vues générales sur l’architecture, que M.  […] Cette vue est confirmée par une théorie de M.  […] Et le vieux roi, qui ne peut plus supporter la vue de Bethsabé en deuil, sera désormais obsédé de remords. […] Ils ne racontent que des choses vues et n’esquissent, à l’aide de ces éléments, aucune étude d’histoire, de psychologie ethnique ou de politique internationale.

1720. (1920) Impressions de théâtre. Onzième série

Presque toujours, à première vue, il semble avoir raison, parce qu’il démontre tout ce qu’il avance. […] Orgon est furieux parce que la jeune fille est pauvre ; mais, au reste, il ne la connaît pas, il ne l’a jamais vue. […] Reinach peut-il être à ce point convaincu de l’originalité des vues de Diderot ? […] Mais Xantippe l’a vue : — Bon appétit, Myrrhine ! […] Mlle Laurent-Rouault (Suzanne, dans le Demi-Monde), déjà vue.

1721. (1914) L’évolution des genres dans l’histoire de la littérature. Leçons professées à l’École normale supérieure

Avec cela, s’il y a de bonnes choses dans les Réflexions, il n’y en a pas d’excellentes ; et non seulement Boileau ne défend pas toujours les anciens et ses doctrines par les meilleures raisons, mais il n’a pas toujours une vue très nette et très sûre du fond de la question. […] Dormi et quand ce fameux Essai sur la poésie dramatique — où, passant la plume sur la mémoire de Molière, il prétendait qu’après l’Ecole des femmes et Tartufe, la véritable comédie était toujours à créer, — quand ils contiendraient plus d’idées justes et de vues ingénieuses ou fécondes que je n’y en saurais reconnaître, ils auraient toujours, et ils ont eu surtout pour les contemporains, ce grand tort de servir de préface, ou de commentaire apologétique, au Fils naturel ou au Père de famille. […] Née, pour ainsi dire, dans les bibliothèques des érudits de la Renaissance, nous l’avons vue grandir pendant deux cent cinquante ans, et prendre insensiblement conscience de son objet. Philologique d’abord, puis exégétique et apologétique, pour ainsi dire, nous l’avons vue devenir dogmatique avec Boileau, mondaine avec Perrault, esthétique avec Voltaire ou Diderot, historique enfin avec Laharpe. […] Il se pourrait, depuis une cinquantaine d’années, que l’on eût un peu perdu de vue ces considérations.

1722. (1923) Au service de la déesse

Quand quelqu’une m’avait donné dans la vue, je m’en allais à elle. […] Hæckel avoue que « jusqu’à présent » aucune génération spontanée n’a été vue. […] La guerre, il l’a vue ; et, dans ses deux livres de poèmes, il en a donné la somme intelligible et importante. Mais il l’a vue avec ses yeux et il l’a vue selon son âme. […] Pour le prévoir, ne perdez pas de vue la continuité française : et préservez-la.

1723. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome IV pp. -328

Ils ne perdoient pas Quesnel un moment de vue. […] On n’a point en vue non plus tant d’ex-jésuites & d’exoratoriens que les académies se sont fait gloire de recevoir. […] Il portoit à ces pères une affection extrême ; il les nommoit de tous ses voyages, entroit dans toutes leurs vues, s’informoit de l’état de leurs missions. […] Il sembloit que ceux que l’auteur avoit en vue fussent des hommes frappés d’anathème, & qu’on leur fît faire amende honorable aux yeux de la nation & de toute l’Europe. […] Il marqua le genre d’étude qui leur convient, les livres qui leur sont nécessaires, les vues qu’ils ont à se proposer, en s’appliquant aux sciences.

1724. (1923) Critique et conférences (Œuvres posthumes II)

Des idylles savoureuses de nature réelle et parfois bizarrement, mais précieusement vue ; des descriptions vertigineuses vraiment géniales, le Bateau Ivre, les Premières Communions, chef-d’œuvre à mon gré d’artiste, parfois bien réprouvable pour mon âme catholique, les Effarés que dans l’Edition Nouvelle des Poésies Complètes 1, une main pieuse, sans doute, mais, à mon sens lourde et bien maladroite, en tous cas, a « corrigés » dans plusieurs passages, pour des fins antiblasphématoires bien inattendues, mais que voici intégralement dans leur texte exquis et superbe ! […] J’ai spécialement en vue, et je finirai par là, un article inqualifiable sur Edgar Quinet, où l’illustre écrivain est traité comme le dernier des cuistres. […] Shakespeare, à première vue de gens de vue courte, l’antithèse de Racine, ce Shakespeare tant vilipendé de Voltaire, qui l’avait nommé de tous les noms, « sauvage ivre », « ignorant », etc. […] En effet, l’art violent ou délicat prétendait régner presque uniquement dans les précédents, et il devient dès lors possible de discerner des vues naïves et vraies sur la nature, matérielle et morale.

1725. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — chapitre VII. Les poëtes. » pp. 172-231

C’est lui qui détruit l’ancien drame, abaisse le nouveau, appauvrit et détourne la poésie, produit l’histoire correcte, agréable, sensée, décolorée et à courtes vues. […] Il marque tout dans le vol du faisan, le frou-frou de son essor, « ses teintes lustrées, changeantes, —  sa crête de pourpre, ses yeux cerclés d’écarlate, —  le vert si vif que déploie son plumage luisant, —  ses ailes peintes, sa poitrine où l’or flamboie1121. » Il a la plus riche provision de mots brillants pour peindre les sylphes qui voltigent autour de son héroïne, « lumineux escadrons dont les chuchotements aériens semblent le bruissement des zéphyrs, —  et qui, ouvrant au soleil leurs ailes d’insectes, —  voguent sur la brise ou s’enfoncent dans des nuages d’or ; —  formes transparentes dont la finesse échappe à la vue des mortels, —  corps fluides à demi dissous dans la lumière, —  vêtements éthérés qui flottent abandonnés au vent, —  légers tissus, voiles étincelants, formés des fils de la rosée, —  trempés dans les plus riches teintes du ciel, —  où la lumière se joue en nuances qui se mêlent, —  où chaque rayon jette des couleurs passagères, —  couleurs nouvelles qui changent à chaque mouvement de leurs ailes1122. » Sans doute ce ne sont point là les sylphes de Shakspeare ; mais à côté d’une rose naturelle et vivante, on peut encore voir avec plaisir une fleur en diamants, comme il en sort des mains d’un joaillier, chef-d’œuvre d’art et de patience, dont les facettes font chatoyer la lumière et jettent une pluie d’étincelles sur le feuillage de filigrane qui les soutient. […] Il est amateur du réel ; il a l’imagination précise, il n’aperçoit pas les objets en gros par des vues générales, mais un à un, chacun avec tous ses contours et tous ses alentours, quel qu’il soit, beau ou laid, sale ou propre.

1726. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CIIIe entretien. Aristote. Traduction complète par M. Barthélemy Saint-Hilaire (1re partie) » pp. 5-96

. — Cela ne me surprend pas », dis-je à mon tour : « il y a du grec dans cette intelligence, et de la philosophie dans ce courage. » III Nous nous perdîmes de vue pendant quelque temps ; je m’informai avec anxiété de lui ; j’appris que, retiré dans un petit jardin de légumes au milieu d’un faubourg de la banlieue de Meaux, résidence de Bossuet, Barthélemy Saint-Hilaire, après avoir refusé ce qu’on le conjurait d’accepter comme gage de son silence, vivait à Meaux du travail de ses mains dans une hutte de son jardin, et nourrissait sa vieille tante de quatre-vingt-six ans des carottes et des pommes de terre cultivées par lui. […] « Sa législation paraît, au reste, n’avoir en vue qu’un État peu étendu, puisque tous les artisans doivent y être la propriété de l’État, sans y former une classe accessoire de citoyens. […] Ceci même répond à une objection que l’on met en avant et qu’on répète souvent comme fort grave : on demande si, dans le cas que nous avons supposé, le législateur qui veut établir des lois parfaitement justes doit avoir en vue l’intérêt de la multitude ou celui des citoyens distingués.

1727. (1866) Cours familier de littérature. XXI « CXXIe entretien. Conversations de Goethe, par Eckermann (3e partie) » pp. 5-96

La Henriade n’est qu’une chronique en bons vers que j’ai vue en soixante ans seulement grandir et déchoir sans gloire et sans mémoire ; Candide et ses autres romans sont des facéties à peine philosophiques ; Jeanne d’Arc, qu’on ne lit plus, est une mauvaise plaisanterie que son cynisme n’empêche pas d’être fade ; ses Annales de l’Empire et ses Mœurs des nations sont des ouvrages d’érudition laborieuse et de spirituelle critique, les commentaires de l’esprit humain écrit par un ennemi des moines et du moyen âge. […] Rien ne le gêne, rien ne resserre ou n’abaisse le vol de sa pensée ; les grandes vues qui vivent en lui s’échappent toujours sans restrictions, sans vaines considérations. — C’était là un vrai homme ! […] J’avais là devant moi un homme parfait dans sa pleine beauté, et mon enthousiasme à cette vue me fit un instant oublier que l’esprit immortel avait abandonné une pareille enveloppe.

1728. (1867) Cours familier de littérature. XXIV « CXXXIXe entretien. Littérature germanique. Les Nibelungen »

L’âme de la belle Kriemhilt fut affligée à leur vue. […] car naguère encore nous vous avons vue joyeuse. […] À cette vue, le roi Gunther se prit à gémir.

1729. (1893) Du sens religieux de la poésie pp. -104

* *   * L’avoisinement idéal de la poésie écrite et de la philosophie en face de la science, qui reste nettement séparée de l’une comme de l’autre, nous expliquerait peut-être, — si l’explication par l’outil semblait insuffisante, — pourquoi l’esprit moderne a pris l’habitude d’exiger de la littérature plus que des autres arts, desquels il ne réclame, du moins d’abord, qu’une satisfaction de la vue et de l’ouïe. […] Toujours, au contraire, et partout, sous les divers visages qu’elle emprunte ainsi que de délicieux masques, nous l’avons vue immuable en sa réalité profonde, c’est-à-dire dans le sentiment de son idéal divin. […] Et la vue s’ennuie au long d’interminables avenues, droites comme des colonnes de chiffres et bordées d’hôtels qui seraient bien disparates s’ils n’avaient pour trait d’union un égal mauvais goût.

1730. (1856) Jonathan Swift, sa vie et ses œuvres pp. 5-62

Mais il sent avec désespoir que plus il déchire ses habits plus il ressemble à Pierre, « car de loin, dit Swift, dans l’obscurité, ou pour les personnes qui ont la vue basse, rien de plus semblable à des parures que des haillons ». […] Ce que Lucrèce appelle les Postscenia vitæ, voilà le théâtre où Swift nous conduit et nous enferme, et la vue prolongée de cette moitié de la réalité nous remplit d’horreur et de pitié sur nous-mêmes. […] Une vue complète de la nature, de ses lois, de son tranquille et immense empire, réduit à leur juste valeur les agitations du monde, sans les avilir, par le seul rapprochement de leur mobile petitesse et de l’ensemble des choses.

1731. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre cinquième. Principales idées-forces, leur genèse et leur influence — Chapitre quatrième. L’idée du temps, sa genèse et son action »

Par là on introduit en nous une perpétuelle « vicissitude » dont les tronçons décousus échappent à tout lien de souvenir, une féerie de changements à vue qui est une série d’annihilations et de créations : chaque pensée meurt au moment où elle naît, tout est toujours nouveau en nous, et la conception de la durée se trouve impossible. […] Voir notre Introduction à la Genèse de l’idée de temps de Guyau : « Que cet animal se heurte à un objet et se blesse, la vue de l’objet, en reparaissant, ressuscitera l’image de la douleur, et l’animal fuira sans avoir besoin de concevoir une douleur comme future, ni l’image actuelle de la douleur comme en succession par rapport à une douleur passée. […] Or, une représentation qui ne peut être donnée que par un seul objet est une intuition. » Kant veut dire que nous ne généralisons pas des successions diverses et détachées que nous aurions vues ; mais cela tient à ce que nous comblons les vides de notre expérience par un effet d’optique analogue à celui qui nous fait combler les vides de l’espace.

1732. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre VI » pp. 394-434

Image éternellement changeante, et toujours la même, variable à l’infini, et toujours reconnaissable, une fois qu’on l’a vue. […] De plus anciens que nous, raconteront la vie et le combat de mademoiselle Mars ; nous autres, qui étions plus jeunes qu’elle (aujourd’hui ce n’est pas beaucoup dire), nous l’avons vue à son zénith, et toute parée et toute éclatante des roses de sa couronne épanouie ! […] les imprudents, les insensés et les gens à courte vue !

1733. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Quelques documents inédits sur André Chénier »

Pars avant son retour ; Lève-toi ; pars, adieu ; qu’il n’entre, et que ta vue Ne cause un grand malheur, et je serais perdue !  […] Cet article, postérieur de dix années au précédent, achève et complète notre vue sur le poète ; l’étude approfondie n’a fait que vérifier notre premier idéal.

1734. (1861) Cours familier de littérature. XII « LXIXe entretien. Tacite (2e partie) » pp. 105-184

Le vieux roi de Rome, Tarquin, avait consacré ce temple pour obtenir la protection des Dieux dans la guerre contre les Sabins ; il en avait jeté les fondements, plutôt dans la vue de notre future grandeur, que dans les proportions encore si modiques du peuple romain ; ensuite Servius Tullius, avec le concours de nos alliés, et Tarquin le Superbe, avec les dépouilles de Suessa, avaient construit ses murailles ; mais la gloire d’élever ce chef-d’œuvre était réservée à la liberté. » XXI Les Vitelliens, vainqueurs au Capitole, égorgent les partisans de Vespasien, surpris dans le temple. […] Il aimait Poppée, et il voulait à tout prix l’épouser, contre les vues d’Agrippine, sa mère.

1735. (1862) Cours familier de littérature. XIII « LXXVIe entretien. La passion désintéressée du beau dans la littérature et dans l’art. Phidias, par Louis de Ronchaud (1re partie) » pp. 177-240

Ils se disent à eux-mêmes : Voilà quelqu’un qui n’a pas les mêmes objets que nous en vue dans ses sorties à travers nos rues et nos places publiques ; voilà un étranger à nos intérêts d’ici-bas, voilà le feu sacré qui passe et qui nous coudoie sans nous voir. […] C’est ainsi que je connus son nom, son talent et sa personne, et qu’à première vue je devins, à son insu, son ami.

1736. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CXIVe entretien. La Science ou Le Cosmos, par M. de Humboldt (3e partie) » pp. 365-427

Des personnes pourvues d’une bonne vue pouvaient distinguer cette étoile pendant le jour, même en plein midi, quand le ciel était pur. […] Il y a bien des arbustes et des arbres fleuris, mais ils échappent à la vue.

1737. (1892) Boileau « Chapitre I. L’homme » pp. 5-43

En ce temps-là, dès qu’on avait franchi la porte Montmartre, on se trouvait en pleine campagne, au milieu des courtilles et des jardins, devant le paysage que Regnard apercevait de ses fenêtres : … Les yeux satisfaits S’y promènent au loin sur de vastes marais ; C’est là qu’en mille endroits laissant errer ma vue, Je vois croître à plaisir l’oseille et la laitue ; C’est là que dans son temps des moissons d’artichauts Du jardinier actif secondent les travaux, Et que de champignons une couche voisine Ne fait, quand il me plaît, qu’un saut dans ma cuisine. […] Gilbert de Voisins, quand les enfants, « le tintamarre des nourrices et des servantes », forcent notre vieux garçon de poète à déloger, il va occuper, toujours au cloître Notre-Dame, dans la maison du chanoine Lenoir, « une chambre au premier étage, ayant vue sur la terrasse qui donne sur l’eau ».

1738. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série «  Leconte de Lisle  »

II Lorsque André Chénier composait ses divins pastiches d’Homère et de Théocrite, il faisait sans y songer ce que personne n’avait fait avant lui, non pas même les poètes de la Pléiade, qui ne comprenaient qu’à demi la pure antiquité et ne la saisissaient point d’une vue directe. […] Il croise comme deux palmiers d’or ses vénérables cuisses ; deux cygnes l’éventent de leurs ailes et un açvatha l’abrite de ses palmes ; me les Védas bourdonnent sur ses lèvres, des forêts de bambous verdoient à ses reins, des lacs étincellent dans ses paumes et son souffle fait rouler les mondes qui jaillissent de lui pour s’y replonger ; si bien que sa vue délecte les sens en même temps que son immensité fatigue et dépasse le plus vaste essor du rêve et que son essence exerce la pensée jusqu’à l’engloutir et l’annihiler.

1739. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XIV. La littérature et la science » pp. 336-362

Cette projection hardie des vues de l’esprit peut, c’est trop évident, n’être qu’une équipée aventureuse de la fantaisie ; elle peut aboutir au chimérique, à l’impossible, si elle est en contradiction avec des vérités dûment éprouvées. […] Quand la littérature en est là, elle revient brusquement à l’idéal, à la passion, à l’amour ardent de la vie et de la beauté, et la science fait, non pas banqueroute, comme le croient et le crient les gens à courte vue, mais une retraite momentanée hors des territoires usurpés où elle prétendait commander.

1740. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 15 décembre 1886. »

Les journaux de musique nous initièrent aux premiers essais à l’aide desquels Wagner tentait l’exposition de ses vues esthétiques. […] Les changements de direction entraînent presque toujours un remaniement de la troupe et, comme conséquence, des études longues et laborieuses chaque fois qu’il est question de reprendre certains ouvrages en vue desquels les interprètes nouveaux ne sont guère préparés.

1741. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Alexandre Dumas fils — Chapitre X »

Eh bien, à première vue, il n’est pas haïssable du tout, ce Jean Giraud, parvenu, il est vrai, mais bon diable et bon enfant, s’il en fût jamais. […] Passe pour Franklin et Fulton — des génies de manufacture ; — mais que Raphaël, Machiavel et Shakespeare aient travaillé en vue du salaire, là est l’erreur et le paradoxe.

1742. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre troisième. Le souvenir. Son rapport à l’appétit et au mouvement. — Chapitre premier. La sélection et la conservation des idées dans leur relation à l’appétit et au mouvement. »

Il en est de même dans le domaine de la vue, quand nous venons de regarder un objet brillant et que le nerf optique continue de vibrer. […] C’est pourquoi, dans le champ de la vue, après avoir été positives, elles deviennent négatives. 2° Les sensations récurrentes, comme la vision soudaine d’un objet examiné au microscope il y a une heure, sont des vibrations qui se reproduisent sans stimulus extérieur et sans que l’organe du sens soit affecté. 3° Les hallucinations sont des sensations véritables, quoique maladives, et ne sont pas seulement, comme on le répète sans cesse, des images intenses ; tout au moins est-il très probable, ainsi que Ward le soutient, qu’elles enveloppent quelque sensation pathologique qui sert de centre à tout le reste.

1743. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1855 » pp. 77-117

Pendant que, de son cabinet de toilette, la vue de cette femme me cherche, le mari, de sa chambre à lui, où il passe une partie de ses journées, penché sur la barre de sa fenêtre, fixe, des heures entières, un pavé de la cour, toujours le même. […] Dans l’après-midi on trouvait presque toujours, tenant compagnie à Valentin, le peintre Hafner, le naturiste coloriste, le maître des champs de choux violets, l’original artiste à l’aspect de caporal prussien, et déjà ivre depuis le déjeuner, et qui, le menton calé sur sa canne, en la pose que j’ai vue à l’oncle Shandy, dans une vieille illustration du roman de Sterne, regardait vaguement travailler son ami jusqu’à l’heure du dîner.

1744. (1913) La Fontaine « VI. Ses petits poèmes  son théâtre. »

Une chose gêne cet heureux et ce tout-puissant, une feuille de rose est dans son lit de sybarite qui, pourtant, est un sybarite très revenu : la chaumière et les trois tilleuls de Philémon et Baucis gênent sa vue, gênent la perspective qu’il a sur l’étendue des flots ; et, ce qui lui est singulièrement reproché, du reste, ce qui est considéré comme sa dernière faute, presque son dernier crime, quelque chose du moins entre la faute et le crime, il fait abattre les tilleuls et la chaumière. […] D’abord votre présence ayant frappé ma vue, Pied à terre aussitôt j’ai mis avec eux tous ; Vous nous avez reçus bras-dessus, bras-dessous.

1745. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « VII. M. Ferrari » pp. 157-193

cette théorie, parfaitement impuissante, a vainement essayé de donner la loi des faits, que les vues faibles prennent pour le dévergondage du hasard, et, désespérée de ne pouvoir la dégager, cette loi entrevue, a fermé les yeux, s’est assise par terre et a proclamé la fatalité. […] Elle n’existerait pas, si nous n’étions pas nous-mêmes à ce moment des révolutions d’Italie où se sont élevés de nouveaux révolutionnaires dont cette histoire renverse les vues avec une cruelle ironie et décontenance les projets.

1746. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « Émile Zola »

Il ne fallait ni tant de beauté, ni tant de poésie… Son abbé Mouret n’eût plus ôté alors ce petit prêtre nerveux, ce chétif enfant qu’il fallait montrer imbécillisé par le séminaire, halluciné par l’oraison, et préparé à la faute de l’amour d’une femme par l’amour de la Vierge divine trop contemplée sur son autel… Il fallait que sa faute, à lui, fût facile et rapidement faite, pour humilier davantage la grandeur surnaturelle du sacerdoce devant les réclamations animales de la chair et les tyrannies de la nature Il fallait enfin que le prêtre, malade hier, et guéri aujourd’hui, s’enivrât assez à la première vue des cheveux et de la peau d’une fillette pour glisser dans ses bras, tout naturellement, un jour de sa convalescence… Est-ce assez misérable, tout cela ? […] Zola est tombé de la bourgeoisie dans le peuple, non en vue du peuple et par amour du peuple, mais parce qu’il trouvait dans ce milieu du peuple des faubourgs bas et corrompu, humainement et socialement infect, le baquet d’effroyable glaise qu’il a pétrie dans son livre… Certes !

1747. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre vii »

Ces vues n’ont rien de neuf et je les cite pour faire connaître à quel type d’âme se rattache Joseph Hudault, mais ici il arrive à une observation qui sort proprement de son expérience et qu’il faut retenir :‌ Je me suis convaincu qu’aujourd’hui on ne peut faire passer une idée morale, un bon conseil, qu’avec un accroissement de bien-être. […] Pour donner une vue sur ces « laboratoires », je pourrais décrire le puissant foyer dont Paul Déroulède était toute la flamme et vous introduire dans la Ligue des Patriotes 18 ou bien vous présenter le petit monde groupé par la piété alsacienne, lorraine et austrasienne dans les Marches de l’Est de mon ami Georges Ducrocq.

1748. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Correspondance de Voltaire avec la duchesse de Saxe-Golha et autres lettres de lui inédites, publiées par MM. Évariste, Bavoux et Alphonse François. Œuvres et correspondance inédites de J-J. Rousseau, publiées par M. G. Streckeisen-Moultou. — I » pp. 219-230

Le toucher, qui semble nous être donné pour corriger notre vue, nous trompe lui-même en mainte occasion.

1749. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « À M. le directeur gérant du Moniteur » pp. 345-355

le coquin a du talent » ; après Catherine, on pourra dire : « mais il a de l’esprit. » — Les défauts, quoique moindres, sont encore ceux des précédentes études, et je donnerai derechef pour conseil général à l’auteur : éteindre des tons trop bruyants, détendre çà et là des roideurs, assouplir, alléger sa langue dans les intervalles où le pittoresque continu n’est aucunement nécessaire ni même naturel ; se pacifier par places sans se refroidir au cœur ; garder tout son art en écrivant et s’affranchir de tout système ; — ne jamais perdre de vue que, parmi les lecteurs prévenus et à convertir, il y a aussi des malins et des délicats, et ne pas aller donner comme par un fait exprès sur les écueils qu’ils ont notés de l’œil à l’avance et où ils vous attendent.

1750. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Chateaubriand, jugé par un ami intime en 1803 » pp. 2-15

« Je me suis convaincu depuis longtemps », m’écrivait à ce sujet un étranger qui sait à merveille notre littérature, « que, pour presque tout le monde, la vérité dans la critique a quelque chose de fort déplaisant ; elle leur paraît ironique et désobligeante ; on veut une vérité accommodée aux vues et aux passions des partis et des coteries. » Et, pour me consoler, cet étranger, qui est Anglais, ajoutait qu’une telle disposition à se révolter contre une entière vérité et sincérité de critique appliquée à de certains hommes et à de certains noms consacrés, était poussée plus loin encore en Angleterre qu’en France, où l’amour des choses de l’esprit est plus vif et fait pardonner en définitive plus de hardiesse et de nouveauté, quand on y sait mettre quelque façon.

1751. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Dübner »

Léon Renier, indique le plus en vue et le plus récent des travaux de Dübner.

1752. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Appendice — II. Sur la traduction de Lucrèce, par M. de Pongerville »

Il avait gardé des études de sa jeunesse l’expression lucrétienne : elle lui revenait quelquefois ; la vue des astres froids (gelidis a stellis axis) l’impressionnait toujours.

1753. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Béranger — Béranger, 1833. Chansons nouvelles et dernières »

La Restauration, en effet, provoquait haine, risée par contraste, indignation guerrière, accord passionné en vue d’un prochain espoir.

1754. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Des soirées littéraires ou les poètes entre eux »

Il y a bien des années déjà, Charles Nodier et Victor Hugo en voyage pour la Suisse, et Lamartine qui les avait reçus au passage dans son château de Saint-Point, gravissaient, tous les trois ensemble, par un beau soir d’été, une côte verdoyante d’où la vue planait sur cette riche contrée de Bourgogne ; et, au milieu de l’exubérante nature et du spectacle immense que recueillait en lui-même le plus jeune, le plus ardent de ces trois grands poëtes, Lamartine et Nodier, par un retour facile, se racontaient un coin de leur vie dans un âge ignoré, leurs piquantes disgrâces, leurs molles erreurs, de ces choses oubliées qui revivent une dernière fois sous un certain reflet du jour mourant, et qui, l’éclair évanoui, retombent à jamais dans l’abîme du passé.

1755. (1874) Premiers lundis. Tome I « Walter Scott : Vie de Napoléon Bonaparte — I »

Mais il a compris la chose en auteur qui veut allonger son livre, et non le composer : c’est pourquoi il a entassé dans son Introduction force anecdotes, bons mots, récits de détails, exposés de doctrines religieuses ou politiques, sarcasmes croisés contre les philosophes et les papistes ; nulle part, il n’a placé ces vues générales qui caractérisent l’historien et révèlent en lui l’intelligence de son sujet.

1756. (1874) Premiers lundis. Tome I « Alexandre Duval de l’Académie Française : Charles II, ou le Labyrinthe de Woodstock »

Que de réputations commencées l’on a vues ainsi, depuis dix ans, tour à tour passer et doucement s’éteindre !

1757. (1875) Premiers lundis. Tome III « M. Troplong : De la chute de la République romaine »

Les Romains de la fin de la République avaient des institutions qui mettaient en jeu les mêmes facultés, les mêmes passions que nous avons vues à l’œuvre ; ils assistaient à des révolutions analogues ; les caractères soumis aux mêmes épreuves prenaient les mêmes formes ; et, en se transportant parmi eux au siècle de Cicéron, on pourrait, au premier abord, se croire encore parmi nous.

1758. (1861) La Fontaine et ses fables « Deuxième partie — Chapitre III. Les dieux »

Les poètes ont pleuré à la vue d’un fleuve, ou d’une forêt immobile ; ils ont senti, comme les anciens prêtres de leur race, la vie sourde qui remplit ces êtres tranquilles.

1759. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « Armand Silvestre »

Silvestre semble à première vue plus extraordinaire et est, en réalité, encore plus simple.

1760. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Baudelaire, Œuvres posthumes et Correspondances inédites, précédées d’une étude biographique, par Eugène Crépet. »

On raffine sur les sensations ; on en crée presque de nouvelles par l’attention et par la volonté ; on saisit des rapports subtils entre celles de la vue, celles de l’ouïe, celles de l’odorat (ces dernières surtout ont été recherchées de Baudelaire) ; on se délecte du monde matériel, et, en même temps, on le juge vain, — ou abominable  C’est encore, en amour, l’alliance du mépris et de l’adoration de la femme, et aussi de la volupté charnelle et du mysticisme.

1761. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « Anatole France, le Lys rouge »

Je revenais de l’albergo… J’étais inondé d’une joie céleste que votre vue m’a fait perdre.

1762. (1920) La mêlée symboliste. I. 1870-1890 « La Plume » pp. 129-149

Vous restez une minute cloué sur le seuil, suffoqué par le bruit, la chaleur et la fumée ; un spectacle étrange s’offre à la vue : un long boyau coudé de maçonnerie est rempli d’une humanité exaltée et grouillante.

1763. (1882) Qu’est-ce qu’une nation ? « II »

Toute conscience gauloise avait péri dès le IIe siècle de notre ère, et ce n’est que par une vue d’érudition que, de nos jours, on a retrouvé rétrospectivement l’individualité du caractère gaulois.

1764. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre I. Place de Jésus dans l’histoire du monde. »

Ce mélange confus de claires vues et de songes, cette alternative de déceptions et d’espérances, ces aspirations, sans cesse refoulées par une odieuse réalité, trouvèrent enfin leur interprète dans l’homme incomparable auquel la conscience universelle a décerné le titre de Fils de Dieu, et cela avec justice, puisqu’il a fait faire à la religion un pas auquel nul autre ne peut et probablement ne pourra jamais être comparé.

1765. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXXI » pp. 338-354

Mes premières vues m’y auraient peut-être conduite ; mais vous vous souviendrez, s’il vous plaît, que vous voulez que je demeure à la cour, et que je la quitterai dès que vous me le conseillerez… J’ai bien fait votre cour sur les soins que vous avez de nos enfants et sur les dessins que vous avez imaginés pour les fables d’Ésope ; vous êtes fort bien avec eux.

1766. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXXIII » pp. 378-393

Je me consume de chagrins et de veilles, je sèche à vue d’œil, et j’ai des vapeurs mélancoliques. » Cette lettre fournit matière à réflexion.

1767. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre V. Chanteuses de salons et de cafés-concerts »

La seconde contient « quelques vues générales sur les sources où le poète puise une inspiration digne de son rôle social et de son art ».

1768. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre III, naissance du théâtre »

Blasés par l’habitude héréditaire de longs siècles sur les alternatives régulières qui flétrissent et renouvellent la nature, nous pouvons à peine comprendre les sensations d’une race encore neuve, à la vue des phénomènes que ramène le cours des saisons.

1769. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre septième. Les altérations et transformations de la conscience et de la volonté — Chapitre premier. L’ubiquité de la conscience et l’apparente inconscience »

Shraeder enlève à des pigeons leurs hémisphères ; après trois ou quatre jours, les pigeons ont recouvré la vue ; en marchant ou en volant, ils évitent tous les obstacles : parmi divers perchoirs, ils choisissent toujours le plus commode ; montés très haut, ils descendent de perchoir en perchoir, en suivant le meilleur chemin, avec l’exacte notion des distances.

1770. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1852 » pp. 13-28

Il nous fait traverser les grandes pièces du rez-de-chaussée, décorées de peintures sur les murs représentant des vues locales : la porte d’Auteuil en 1802.

1771. (1902) L’humanisme. Figaro

Je n’en sais rien, ni vous non plus ; mais je proclame que si nous quittons pour toujours, dans un dernier soupir, ceux que nous aimons ou qui nous aiment, la vie n’est qu’une plate comédie qui ne vaut pas la peine d’être jouée ni vue.

1772. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — L’abbé d’Aubignac, avec Ménage, Pierre Corneille, Mademoiselle de Scudéri et Richelet. » pp. 217-236

L’auteur avoit en vue la gloire du théâtre François, l’espérance d’être utile aux jeunes poëtes, de développer le germe des talens dramatiques.

1773. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre II : La littérature — Chapitre I : Une doctrine littéraire »

Nous transportons ces vues dans la littérature et dans les beaux-arts ; nous pensons que c’est l’initiative individuelle qui a trouvé le beau, que l’idéal n’est passé dans la réalité et n’est devenu sensible que par la création libre des grands artistes et des grands écrivains, dont chacun lui a donné la couleur de son âme.

1774. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre second. Philosophie. — Chapitre premier. Astronomie et Mathématiques. »

« Il ne trouvait rien effectivement, dit le savant auteur de sa vie, qui lui parût moins solide que de s’occuper de nombres tout simples et de figures imaginaires, comme si l’on devait s’en tenir à ces bagatelles, sans porter la vue au-delà.

1775. (1811) Discours de réception à l’Académie française (7 novembre 1811)

Nous l’avons vue choisir ses personnages parmi les individus de conditions différentes, qui tendaient sans cesse à se confondre ; ne peut-elle pas aujourd’hui se diriger vers le but opposé, et les hommes forcés de reprendre leur rang sont-ils moins dignes de ses pinceaux, que les hommes tourmentés du désir de quitter leur place ?

1776. (1818) Essai sur les institutions sociales « Addition au chapitre X de l’Essai sur les Institutions sociales » pp. 364-381

Je ne puis m’abstenir de remarquer surtout que ni les uns ni les autres n’avaient en vue d’expliquer le fameux texte des xii Tables.

1777. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XVIII. Souvenirs d’une Cosaque »

Quand elle veut tuer son frère pour sa peine de l’avoir vue pâlir, les pistolets, n’étaient pas dans les fontes de la selle.

1778. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XX. Mme Gustave Haller »

L’analyse la plus attentive et la plus patiente se perdrait dans cet enchevêtrement d’incidents que rien n’explique, si ce n’est le train des choses, — ce hasard des circonstances, qui peuvent très bien exister — c’est vrai, — aussi bêtes ou aussi étranges que cela, dans la vie, mais qui, dans une œuvre littéraire, n’ont pas le droit de se montrer dans leur bêtise ou leur étrangeté natives, comme dans la vie, puisque l’art, c’est la vie arrangée, sublimée par l’intelligence, en vue d’obtenir un effet quelconque de puissance, de pathétique et de beauté !

1779. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XXI. Mme André Léo »

Mme André Léo n’a, elle, de charité que pour l’orgueil de l’ouvrier qu’elle développe autant qu’elle le peut… et dont, partout, dans tous ses ouvrages, depuis un Mariage scandaleux, qui est une mésalliance, jusqu’aux Désirs de Marinette et Double Histoire, elle aiguise les haines et encourage les mépris contre la Bourgeoisie, en vue des soulèvements qui, demain, vont éclater… Elle chauffe à outrance cette marmite au pétrole, qui peut tout brûler, avec l’air de n’y pas toucher, cette innocente, réfugiée à Genève !

1780. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XXIV. Mme Claire de Chandeneux »

On n’a eu que la peine de l’y porter, — et les premiers jours qu’on l’y a vue, elle y a été regardée avec l’œil rond d’une foule badaude, qui fait une plaisanterie morne et puis, qui s’en va… Le vieux xixe  siècle, — car le voilà vieux, — ressemble au vieux célibataire, qui souffre qu’une femme soit tout chez lui et s’y permette tout.

1781. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Odysse Barot »

Mais c’est là une vue erronée : la littérature et les arts, et ceux qui en écrivent l’histoire, n’ont point à se préoccuper de l’émancipation définitive de l’humanité.

1782. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Le colonel Ardant du Picq »

Ce colonel, à longue vue toujours comme s’il était devant l’ennemi, ne se borne pas aux détails d’un métier qu’il adore et qu’il veut rendre plus puissant par des combinaisons nouvelles.

1783. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Rigault » pp. 169-183

Je suis sûr que les oies romaines, les sots capitolins, criaient toujours quand il passait… Horace est de la famille de La Fontaine ; mais un parent pauvre, car il n’a pas la naïveté, cette scélératesse de l’innocence, cette perle qu’on n’avait pas vue avant La Fontaine et qu’on n’a pas revue depuis !

1784. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Louis Vian » pp. 373-387

Mais c’était à sa mort, et toute sa vie, qui fut correcte et respectueuse pour les choses religieuses4, bafouées alors qu’elles étaient par la Philosophie, il n’eut jamais assez de ferveur pour que la foi éveillât la tendresse en son âme, qui, de nature et d’admiration, allait au Stoïcisme, — cette religion des Secs, — comme à la plus belle chose qu’on eût vue jamais parmi les hommes !

1785. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « La Grèce antique »

Prenons garde, toutefois, à une confusion qui pourrait avoir lieu dans l’appréciation de l’immense niaiserie que Lerminier a si bien vue.

1786. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Les Femmes d’Amérique » pp. 95-110

Le divorce, que Bellegarrigue, dans son style mécanique, appelle un mariage à soupape, pour l’opposer au mariage en cul-de-sac, ainsi qu’il nomme ignoblement la sainte indissolubilité du mariage contracté, en vue des enfants, pour l’éternité, devant Dieu.

1787. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Madame de Montmorency » pp. 199-214

… Dans ce fouillis de gloire qu’on appelle les Montmorency, il doit y avoir, si on fait l’histoire de chaque tombe, bien de hautes vertus, de fières et chastes physionomies de femmes, de destinées sublimes de grandeur et de simplicité, qu’on pourrait nommer aussi : Madame de Montmorency, comme l’héroïne de Renée, et qu’on ne distinguerait pas, à la première vue, sous ce nom collectif porté comme un pavois par soixante générations, et qui nous brouille tout de sa splendeur.

1788. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Les Femmes et la société au temps d’Auguste » pp. 293-307

Voici peut-être ce qui s’est passé… Le dilettante littéraire rassasié, dégoûté de cette vieille histoire romaine racontée par des copistes et des professeurs, et de l’éternelle sensation théâtrale qu’elle nous cause, a voulu se donner un petit quart d’heure de plaisir en la descendant, sans cérémonie, de son socle, et en la racontant comme il la voyait dans les vaporeux souvenirs de ses lectures, dans les raisonnements et quelquefois les rayonnements de son cerveau ; car c’est là surtout qu’il l’a vue.

1789. (1880) Goethe et Diderot « Note : entretiens de Goethe et d’Eckermann Traduits par M. J.-N. Charles »

Gœthe, ce préparateur de conversation, comme on est préparateur de chimie, qui avait toujours préparé les siennes, ne disait pas un mot, ne faisait pas un geste, si ce n’est en vue des futurs souvenirs d’Eckermann et des Entretiens que ce dernier ne manquerait pas d’écrire.

1790. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « M. H. Wallon » pp. 51-66

Mais cette étrange et surnaturelle grandeur du Saint dans le Roi, on ne l’a vue qu’une fois, et cela n’a jamais recommencé.

1791. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « M. le vicomte de Meaux » pp. 117-133

Seulement, il fallait s’y prendre comme l’Église, et, au xvie  siècle, le Pouvoir politique était tombé dans les mains de princes exceptionnellement abominables, qui, n’ayant ni sa vue surnaturelle des choses, ni la fermeté de sa justice tempérée de miséricorde, ne pouvaient pas agir comme elle.

1792. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Alexandre de Humboldt »

Dans son Asie centrale, dans son Voyage aux régions équinoxiales, dans son Atlas géographique et physique et son Examen critique de l’histoire de la géographie du nouveau continent aux xve et xvie  siècles, dans ses Vues des Cordillières et ses Plantes équinoxiales, dans son Essai politique sur Cuba et son Tableau de la Nature, etc., même dans ses ouvrages d’observation particulièrement botanique, il ne fut jamais qu’un voyageur, parlant passionnément de ses voyages, et à ce point qu’on peut se demander ce qu’il aurait eu à nous dire s’il n’avait pas voyagé, et pensé s’il n’avait pas vu ?

1793. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Le roi Stanislas Poniatowski et Madame Geoffrin »

… M. de Mouy n’en convient pas et n’en conviendra jamais ; mais Fontenelle, qui à vue d’œil reconnaissait les femmes par lesquelles l’amour avait passé, Fontenelle, comme moi, l’aurait dit et en aurait juré.

1794. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Nicolas Gogol »

Et l’a-t-il peinte ainsi parce qu’il l’a vue ainsi, — car les peintres ont parfois des organes dont ils sont les victimes, — ou parce qu’elle est véritablement ainsi cette Russie, au fond, si peu connue, cette steppe en toutes choses, cette platitude indigente, immense, infinie, décourageante, qu’il nous présente dans les mœurs russes, dans les esprits, dans les caractères ?

1795. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XVII. Saint-Bonnet »

Daniel, c’est qu’à part l’identité du sujet, nous ne connaissons pas d’ouvrage qui montre mieux la justesse des vues de M. 

1796. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XVIII. Lacordaire »

Ne l’avait-on pas vue nommer des évêques pour une seule oraison funèbre et des avocats pour des plaidoiries, malheureusement plus nombreuses ?

1797. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XXI. Philosophie positive »

Comte ; Cabanis, Broussais et le docteur Gall, le docteur Gall surtout, dont directement il procède, et auquel il emprunte son système de petites boîtes numérotées sur le crâne, pour mettre là-dedans les facultés de l’âme qu’il y a vues probablement, ce grand observateur qui n’invente rien, et pas même sa philosophie !

1798. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XXIV. Alexandre de Humboldt »

Dans son Asie centrale, dans son Voyage aux régions équinoxiales, dans son Atlas géographique et physique, et son Examen critique de l’histoire de la géographie du Nouveau continent aux quinzième et seizième siècles, dans ses Vues des Cordillières et ses Plantes équinoxales, dans son Essai politique sur Cuba et son Tableau de la nature, etc., même dans ses ouvrages d’observation particulièrement botanique, il ne fut jamais qu’un voyageur, parlant passionnément de ses voyages, et à ce point qu’on peut se demander ce qu’il aurait eu à nous dire, s’il n’avait pas voyagé, et pensé, s’il n’avait pas vu ?

1799. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XXIX. M. Eugène Pelletan »

Nous, nous commençons par Dieu l’histoire de toutes choses, et cette vue-là simplifie tout.

1800. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Lacordaire. Conférences de Notre-Dame de Paris » pp. 313-328

J’oserai le dire : Mirabeau sera, un jour, réduit à peu de chose, quand on se mettra résolument en face de ses œuvres oratoires et qu’on n’aura plus la vue offusquée et la tête courbée par les événements de son siècle.

1801. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « L’abbé Christophe »

Ni le Hussitisme et ses guerres d’un fanatisme si sauvage, ni le Condottierisme qui déchire et se partage l’Italie, ni les exploits de Huniade et de Scanderbeg contre les Turcs, inspirés par l’héroïque mais mourant esprit des Croisades, n’ont la gravité désastreuse de ce concile de Bâle où la Révolution, comme les temps modernes l’ont vue depuis, sophistique, bavarde, ergoteuse, n’ayant à la bouche que cet insolent et menaçant mot de réforme qui a fini par titrer le protestantisme, est entrée dans l’Église pour descendre de cette cime du monde et s’étendre dans le monde entier, et de religieuse se faire politique sans pour cela cesser d’être religieuse, — les communards et les athées de ce temps ne le prouvent-ils pas ?

1802. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Xavier Aubryet et Albéric Second » pp. 255-270

Ce qui distingue particulièrement et toujours davantage son genre de talent, lequel se développe dans le sens de ses premiers ouvrages et de sa native personnalité, c’est l’éclat à tout prix et l’aperçu à tout prix, et pour les avoir, à tout prix, il met souvent à la vérité des atournements pour lesquels elle n’est point faite, et il va même parfois jusqu’à la renverser la tête en bas, pour la montrer par où on ne l’avait pas vue encore.

1803. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Prosper Mérimée. » pp. 323-336

Mérimée fut de la première levée romantique, et à dater de son théâtre de Clara Gazul, — une suite de romans dialogués plutôt que de drames, — il devint immédiatement un des esprits les plus en vue et dont la Critique espéra davantage.

1804. (1868) Curiosités esthétiques « VIII. Quelques caricaturistes étrangers » pp. 421-436

Il y a dans l’idéal baroque que Brueghel paraît avoir poursuivi, beaucoup de rapports avec celui de Grandville, surtout si l’on veut bien examiner les tendances que l’artiste français a manifestées dans les dernières années de sa vie : visions d’un cerveau malade, hallucinations de la fièvre, changements à vue du rêve, associations bizarres d’idées, combinaisons de formes fortuites et hétéroclites.

1805. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXXVI. Des éloges académiques ; des éloges des savants, par M. de Fontenelle, et de quelques autres. »

Il consiste presque toujours dans des allusions fines, ou à des traits d’histoire connus, ou à des préjugés d’état et de rang, ou aux mœurs publiques, ou au caractère de la nation, ou à des faiblesses secrètes de l’homme, à des misères qu’on se déguise, à des prétentions qu’on ne s’avoue pas ; il indique d’un mot toute la logique d’une passion ; il met une vertu en contraste avec une faiblesse qui quelquefois paraît y toucher, mais qu’il en détache ; il joint presque toujours à un éloge fin une critique déliée ; il a l’air de contredire une vérité, et il l’établit en paraissant la combattre ; il fait voir ou qu’une chose dont on s’étonne était commune, ou qu’une dont on ne s’étonne pas était rare ; il crée des ressemblances qu’on n’avait point vues ; il saisit des différences qui avaient échappé ; enfin, presque tout son art est de surprendre, et il réussit presque toujours.

1806. (1888) La vie littéraire. Première série pp. 1-363

Il rendit notamment la vue à un aveugle et la vie à la jument d’un prêtre. […] La justice éternelle, je ne l’ai vue, pour ma part, que sur la toile fameuse de Prud’hon. […] L’originalité y est mieux vue, plus respectée que chez nous. […] Les frères Lenain, Millet, Bastien-Lepage l’ont vue. […] Il ne faut pas perdre de vue que, si M. 

1807. (1905) Pour qu’on lise Platon pp. 1-398

Pensez-vous que quand il chantait sur la lyre, il eût en vue le bien ?… Ne jugez-vous pas que toute espèce de chant sur la lyre et toute composition dithyrambique ont été inventées en vue du plaisir ? […] La vue de la beauté donne à l’âme l’eurythmie nécessaire. […] La philosophie générale et les vues sur le système du monde ? […] Il ne faut pas faire du bon — ce qu’on appelle bon — en vue de l’agréable ; il faut faire de l’agréable en vue du bon.

1808. (1891) La vie littéraire. Troisième série pp. -396

Schnoudi était sujet à des crises de larmes : il pleurait si abondamment qu’on craignait qu’il n’en perdit la vue. […] À première vue, les tables tournantes, les esprits frappeurs, les médiums typtologues ne semblent pas fournir un sujet bien intéressant d’étude. […] La terre s’est vue jetée comme un grain de poussière dans l’espace, ignorée, perdue. […] Il loue le Seigneur qui l’a éprouvé en lui ôtant la vue. […] Ce qui restait du foie du poisson rendit la vue au vieux Tobie.

1809. (1892) La vie littéraire. Quatrième série pp. -362

Elles vous donnent une vue plus pénétrante et vous permettent d’examiner certains phénomènes plus exactement. […] Plus spontané, plus rapide, tout en intuitions soudaines, James était admirable pour la hardiesse et la variété des vues. […] Bien qu’il n’eût ni la prudence ni la vue claire de César, César l’estimait comme son meilleur lieutenant. […] Mais il suffit d’une vue générale sur l’histoire des mathématiques pour reconnaître la grande place qu’y tient l’œuvre de M.  […] Ces idées vues à distance sont comme des sœurs qui se ressemblent et ne se reconnaissent pas.

1810. (1902) Symbolistes et décadents pp. 7-402

. — C’était ma distraction avec la vue de la mer, le passage hebdomadaire d’un steamer au large, et la vue d’indigènes qui péchaient dans des claies, avec des tridents mythologiques. […] Cette vue a un peu contribué, ainsi que certaines des théories d’antan de Paul Adam, à entacher le symbolisme, pour certains, de mysticisme occultiste. […] Parfois, l’écrivain s’attarde à cette quasi-impossibilité de lutter avec des mots contre les couleurs et les lignes (les couleurs et les lignes étant vues comme des directions intellectuelles de sa pensée). […] En somme, la marque de cette poésie serait d’être purement intuitive et personnelle, en opposition aux formes traditionnelles, qui sont simples car déjà vues, claires parce qu’explicatives. […] Au premier abord il est navré de la vue de ces dénuements.

1811. (1895) Hommes et livres

Dans ce travail, jamais on ne détache sa vue de l’œuvre : on revient à l’homme toutes les fois qu’il le faut, on n’y reste pas, on ne s’y perd pas. […] Faguet, qu’à côté du critique il y a dans Montesquieu un politique positif, ayant des vues susceptibles d’application, un programme arrêté. […] Les vues originales, fécondes, larges y abondent, à travers les témérités bizarres d’une fausse physiologie. […]  » Que dites-vous de ces vues ? […] Et le seigneur Manuel Ordonnez, qui, dès sa jeunesse, n’ayant en vue que le bien des pauvres, s’y est attaché avec un zèle infatigable !

1812. (1922) Gustave Flaubert

Les vues étaient découvertes sur la campagne et la ville, et l’on vivait dans la familiarité du fleuve où Flaubert aimait accomplir de grands exploits de nageur. […] Flaubert l’avait perdu de vue depuis le collège. […] Depuis son voyage d’Italie, la Tentation de saint Antoine, telle qu’il l’avait vue dans le tableau de Breughel, le hantait. […] La vue de sa personne troublait la volupté de cette méditation. […] « Quand il allait au Jardin des Plantes, la vue d’un palmier l’entraînait vers des pays lointains.

1813. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Troisième partie. — L’école historique » pp. 253-354

Mais les véritables continuateurs de son œuvre furent les savants qui enfermèrent leur pensée dans le cercle des objets que l’expérience peut atteindre, et qui agrandirent ce cercle, considérant la philosophie non comme ne vue anticipée des choses que nous ne connaissons pas, mais comme une vue d’ensemble sur toutes celles que nous connaissons. […] Qui ne sait que le goût, par l’étroitesse native de ses vues et par son impuissance à rien comprendre sans une lente, lente éducation est condamné à se contredire misérablement d’une nation à la nation voisine, et d’un siècle au siècle suivant ? […] Elle s’échauffait aux cris des soldats et des chefs, au cliquetis des épées, à la vue du sang, à l’héroïsme stoïque des blessés, à l’insultante joie des vainqueurs.

1814. (1928) Les droits de l’écrivain dans la société contemporaine

Aussi les protestations des écrivains restent vaines lorsque les marchands d’autographes citent dans un catalogue, rédigé en vue d’une vente publique, quelques phrases d’une lettre privée. […] Une lettre missive n’a été établie qu’en vue d’être donnée, sans distinction entre son corps et son âme. […] C’est probablement là le point de vue légal, et il serait urgent de nous concerter en vue d’une action commune contre la pratique qui consiste à se passer de l’autorisation de l’auteur. […] Ce qui si souvent empêche de les attraper, c’est qu’on croit les avoir déjà vues dans les livres.

1815. (1853) Histoire de la littérature française sous la Restauration. Tome I

La révolution française ne le surprit donc pas ; il l’avait vue venir, il l’attendait. […] Mais il est admirable pour les vues d’ensemble. […] Cette grande vue éclaire toute la philosophie, et elle a même une plus vaste portée que ne l’a pensé M. de Bonald lui-même. […] On l’a vue se reproduire avec une périodicité qui a un caractère monotone et fatal. […] Qui peut pénétrer les vues de la Providence ?

1816. (1873) Molière, sa vie et ses œuvres pp. 1-196

Il faut retourner sans cesse à la source pour nous rafraîchir la vue et la mémoire. […] L’une est en face de la porte et donne du côté de la rue Montpensier ; celle-là avait vue sur le jardin du Palais-Royal, dont la verdure n’était pas encore masquée par les galeries. […] L’impression que nous cause la vue de ce misérable homme assis dans un fauteuil entre deux fraters en robe noire et un apothicaire à nez de corbin est vraiment sinistre. […] Mais il savait que la mère avait d’autres vues, qu’il aurait de la peine à déranger. […] C’est une admirable toile, d’une remarquable intensité de vie, et qu’on n’oublie pas dès qu’on l’a vue.

1817. (1875) Revue des deux mondes : articles pp. 326-349

Quelquefois un mot, un souvenir, la vue d’un événement, éveillent en nous une douleur profonde. […] Il faut donc empêcher que l’esprit, trop absorbé par le connu d’une science spéciale, ne tende au repos ou ne se traîne terre à terre, en perdant de vue les questions qui lui restent à résoudre. […] Cette vue qui consiste à considérer les propriétés vitales comme des espèces d’entités métaphysiques qu’on ne définit pas clairement, mais qu’on oppose aux propriétés physiques ordinaires, a entraîné sans doute la recherche dans les mêmes erreurs que les autres théories vitalistes. […] Il étudia certains cristaux et les soumit à des mutilations qu’il a vues se réparer très rapidement et très régulièrement. […] Il importe de ne pas perdre de vue ces deux phases du travail physiologique.

1818. (1814) Cours de littérature dramatique. Tome III

Les flatteurs et les intrigants savent toujours se parer de beaux prétextes : si on les en croit, ils n’ont jamais que des vues nobles et pures ; c’est toujours le zèle, l’amitié, la reconnaissance qui les inspirent. […] Sophocle a prudemment supposé qu’Égisthe est absent : cette absence produit plusieurs bons effets ; elle motive la liberté des plaintes d’Électre ; elle facilite la vengeance d’Oreste ; elle épargne au spectateur la vue d’un misérable à qui l’on ne peut rien faire dire de bon. […] « Considérez, dit l’historien, quels mouvements, quelle agitation excite dans tous les esprits la vue de cette mère désespérée, qui, levant le poignard sur son propre fils, qu’elle croit être l’assassin de ce même fils, s’écrie : Tu n’échapperas pas au coup mortel que je vais te porter ! […] Par où l’on voit que la confidente Isménie a vu beaucoup de choses, mais qu’elle n’a pas beaucoup de manières pour dire qu’elle les a vues. […] Or donc, cette Mélanide proscrite, déshéritée par sa famille qu’elle a déshonorée, a perdu de vue le marquis, et pendant dix-huit ans n’en a reçu aucune nouvelle.

1819. (1890) Le massacre des amazones pp. 2-265

En voici une, par exemple, qui s’appelle la Nature et l’Amour, et qui chante, non sans charme parfois, la nature vue par des yeux heureux. […] Les œuvres féminines de quelque valeur sont courtes, ou expriment dans un désordre de conversation des choses vues, ou disent l’âme de l’auteur. Dès que l’œuvre exige une vue d’ensemble, un effort de synthèse, la femme y est inégale. […] On retrouve ici le vieux parent, perdu de vue pendant des années, qui revient en mendiant et, touché du bon cœur des siens, s’empresse de mourir en leur laissant le gros héritage. […] Devant ces puissances énormes on n’a plus qu’un devoir descriptif, et on tremble en essayant de les faire connaître à qui ne les a point vues.

1820. (1902) Le chemin de velours. Nouvelles dissociations d’idées

Il faut à notre sensibilité une toute petite lumière dans le lointain, parmi les arbres qui bordent notre vue. […] Les parfums aussi bien que l’odeur ou la vue du sang, le bruit et la chaleur, le travail intellectuel et le travail musculaire, le repos et la fatigue, l’ivresse et l’abstinence, les sensations les plus contradictoires favorisent l’essor sexuel. […] Pour la plupart des hommes, toute idée adventice écartée rigoureusement, la vue de ce marbre est agréable, parce qu’elle évoque le désir, soit directement, soit selon le sexe, par contre évocation. […] Ce qui nous semble la vérité n’est qu’une manière de voir les choses ; relativement aux choses, une manière d’être vues. […] D’autre part, je tiens à l’honneur d’avoir été le premier à annoncer au grand public ces vues nouvelles de la science, qui auront logiquement une magnifique fécondité de conséquences.

1821. (1910) Victor-Marie, comte Hugo pp. 4-265

Si j’ai fait à Halévy cette offense que je n’ai point vue, je lui en demande pardon. […] Cléone Et qu’est-ce que sa vue a pour vous de funeste ? […] Pauline Sauvez-vous d’une vue à tous les deux funeste. […] Tel est généralement leur point de vue, leur propre point, leur angle de vue, leur côté de voir, et mon Dieu c’est assez naturel. […] Il était secrètement tourmenté de cette idée, de cette vue, de cette connaissance qu’il avait de lui-même. —  Quelques lecteurs pourront s’étonner ([seconde] préface) — qu’on ait osé mettre sur la scène une histoire si récente.

1822. (1897) Aspects pp. -215

Tandis que d’Axa trimardait en Europe et en Asie, un certain Carnot, homme en vue, avait été poignardé par suite d’un contrecoup assez — logique. […] Il ne choisissait pas les sujets de ses poèmes ; il était inapte à disposer froidement les parties d’une œuvre en vue d’un idéal préconçu ; l’objectif l’émouvait peu. […] Mû par un rêve ambitieux, il médite les déductions les plus imprévues à extraire d’un sujet mais le détail l’absorbe tellement qu’il perd aussitôt de vue le sujet lui-même. […] Il peint grossement mais, en général, il garde une vue nette des ensembles et il ne se perd pas trop dans cette recherche affolée du détail qui est la caractéristique du style de décadence. […] Jullien, que nos œuvres doivent être faites en vue d’intéresser, d’émouvoir tout le monde.

1823. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « L’abbé Fléchier » pp. 383-416

Durant quatre mois pleins, depuis le 25 septembre 1665, jour d’arrivée à Clermont, jusqu’au 4 février suivant, jour du départ, la maison de M. de Caumartin fut un centre de réunion et pour MM. des Grands Jours, et pour les principaux de la ville, et même pour ceux de la noblesse qui se rassurèrent à la fin jusqu’à venir affronter la vue des terribles juges. […] On voit de l’autre les montagnes d’Auvergne fort proches, qui bornent la vue si agréablement, que les yeux ne voudraient point aller plus loin, car elles sont revêtues d’un vert mêlé qui fait un fort bel effet, et d’ailleurs d’une grande fertilité… Fléchier en chaque occasion aura de ces descriptions de la nature, descriptions un peu maniérées et qui empruntent volontiers aux choses des salons, au cristal, à l’émeraude, à l’émail, leurs termes de comparaison et leurs images : toutefois, sous l’expression artificielle, on retrouve un certain goût et un sentiment fleuri de la nature.

1824. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « MÉLEAGRE. » pp. 407-444

Il est arrivé ainsi, au grand regret et déplaisir déjà de Fénelon en son temps, que la langue française poétique s’est vue graduellement appauvrir, dessécher et gêner à l’excès, qu’elle n’a jamais osé procéder que suivant la méthode la plus scrupuleuse et la plus uniforme de la grammaire 118, que tout ce qui est droit, licence et gaieté concédée aux autres poésies, a été interdit à la nôtre, et qu’on n’a fait presque nul usage, en cette voie, des conformités naturelles premières qu’on se trouvait avoir par un singulier bonheur avec la plus belle et la plus riche des langues, conformités que, deux siècles et demi après Henri Estienne, Joseph de Maistre retrouvait, proclamait hautement à son tour119, et qui tiennent en bien des points à la conformité même du caractère et du génie social des deux nations. […] Méléagre a beaucoup vécu dans les ports, dans les îles, en vue des flots ; il affectionne dans ses amours les images maritimes.

1825. (1863) Cours familier de littérature. XVI « XCIe entretien. Vie du Tasse (1re partie) » pp. 5-63

Heureusement pour lui, le duc d’Urbin, qui estimait son caractère et son talent, apprit par hasard son passage à travers ses États ; il l’arrêta à Pesaro et lui donna l’hospitalité dans une maison de campagne située sur les collines qui entourent la ville, où les prairies, les bois, les eaux et la vue de la mer Adriatique, formaient un horizon inspirateur pour le poète fatigué des vicissitudes du sort. […] Cependant, ajoute Manso, il ne parlait pas en public, devant les princes ou devant les académies avec autant de force, d’assurance et de grâce dans l’accent, qu’il y avait de perfection dans le style et dans les pensées, peut-être parce que son esprit, trop recueilli dans ses pensées, portait toutes ses forces au cerveau, et n’en laissait pas assez pour animer le reste de son corps ; néanmoins, dans toutes ses actions, quelque chose qu’il eût à dire ou à faire, il découvrait à l’observateur le moins attentif une grâce virile et une mâle beauté, principalement dans sa contenance, qui resplendissait d’une si naturelle majesté qu’elle imposait, même à ceux qui ne savaient pas son nom et son génie, l’admiration, l’étonnement et le respect. » Manso dit que Torquato avait la vue courte et faible par la continuelle lecture à laquelle il se livrait sans repos, et même par celle de sa propre écriture prodigieusement fine et souvent illisible.

1826. (1866) Cours familier de littérature. XXII « CXXVIIIe entretien. Fior d’Aliza (suite) » pp. 65-128

À ma vue, quelque chose remua sous un tas de chaînes et se leva de la paille, sur son séant, en tendant deux bras enchaînés vers le jour et vers moi. […] Lorsque je fus arrivée à la dernière loge, dont le pilier du cloître empêchait la vue aux autres, j’appelai à voix basse Hyeronimo et je lui dis rapidement ce que m’avait dit longuement la maîtresse des prisons, afin que, si c’était pour lui la mort, la voix qui la lui annonçait la lui fît plus douce, et que, si c’était la vie, la parole qui la lui apportait la lui fît plus chère.

1827. (1895) Histoire de la littérature française « Seconde partie. Du moyen âge à la Renaissance — Livre I. Décomposition du Moyen âge — Chapitre I. Le quatorzième siècle (1328-1420) »

Son affaire, c’est d’écouter les preux raconter leurs prouesses ; sa méthode, c’est d’amener les gens à lui faire voir les choses et de les faire voir comme il les a vues. […] Il n’est pas seulement pittoresque, il est dramatique : il a le don de nous intéresser aux actions, toute tendresse et sympathie mises à part, par cette anxiété et suspension d’attente que nous cause toujours la vue d’une action qui se fait sous nos yeux.

1828. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre cinquième »

Quel spectacle, et que j’aime à m’y reposer de la vue de cet autre grand esprit, esclave de son siècle pour en être applaudi, qui tour à tour se faisait le complaisant des préjugés du parterre ou faisait du parterre le complaisant de sa vanité ! […] La critique peut parler sévèrement des tragédies médiocres, en les comparant à l’idéal ; mais dans sa sévérité pour l’œuvre, elle doit faire sentir son estime pour l’ouvrier, et ne jamais perdre de vue ce qu’il faut de mérite même pour ne pas réussir, et tout ce qui sépare le talent de produire du talent de juger.

1829. (1890) L’avenir de la science « XXIII »

Il en est ainsi du respect : le respect est naturel chez les simples, les superficiels s’en défendent avec une fatuité très comique ; il renaît chez les sages par une vue supérieure. […] Cet élément peut s’effacer dans les faits vulgaires de l’intelligence ; mais, comme il se trouve indubitablement dans les faits de l’âme exaltée, c’est une raison pour conclure qu’il se trouve en tous ses actes ; car ce qui est à un degré est à tous les autres ; et, d’ailleurs, l’infini se manifeste bien plus énergiquement dans les faits de l’humanité primitive, dans cette vie vague et sans conscience, dans cet état spontané, dans cet enthousiasme natif, dans ces temples et ces pyramides, que dans notre âge de réflexion finie et de vue analytique.

1830. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, le 8 décembre 1885. »

L’opéra était purement une splendeur ; de belle musique, riche de toutes les richesses instrumentales et vocales, des danses, des cortèges, des décorations gaies à la vue ; assemblement de tous les luxes, l’opéra véritablement était le séjour de plaisir d’où venait l’émotion très commode d’une vie vague et très bonne. […] — dans la vue divinement punissante de la tombe doit se plonger, à lui, Amfortas, le gardien pécheur du Sanctuaire, nous sommes préparés : y aura-t-il à sa rongeante souffrance d’âme une rédemption ?

1831. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre VIII, les Perses d’Eschyle. »

C’est un tumulte d’impressions contraires, pareil à ces ouvertures de tragédies lyriques où des changements à vue de sonorité éclairent et assombrissent tour à tour l’orchestre orageux. […] Ce sombre Éden des voluptés du maître séquestre ses Èves, il ne donne sur aucune vue du dehors.

1832. (1830) Cours de philosophie positive : première et deuxième leçons « Deuxième leçon »

Sans avoir aucunement en vue le progrès des connaissances scientifiques, elle les considère dans leur état présent pour en déduire les applications industrielles dont elles sont susceptibles. […] En effet, le but principal que l’on doit avoir en vue dans tout travail encyclopédique, c’est de disposer les sciences dans l’ordre de leur enchaînement naturel, en suivant leur dépendance mutuelle ; de telle sorte qu’on puisse les exposer successivement, sans jamais être entraîné dans le moindre cercle vicieux.

1833. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Chapitre V : Règles relatives à l’explication des faits sociaux »

Nous nous servons du mot de fonction de préférence à celui de fin ou de but, précisément parce que les phénomènes sociaux n’existent généralement pas en vue des résultats utiles qu’ils produisent. […] « La science de la sociologie, dit-il, part des unités sociales, soumises aux conditions que nous avons vues, constituées physiquement, émotionnellement et intellectuellement, et en possession de certaines idées acquises de bonne heure et des sentiments correspondants70. » Et c’est dans deux de ces sentiments, la crainte des vivants et la crainte des morts, qu’il trouve l’origine du gouvernement politique et du gouvernement religieux71.

1834. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « M. Taine » pp. 305-350

… Ils ne l’avaient pas vue où elle était. […] Elles ne sont pas souillées et déformées sous leurs pas en tombant du ciel en terre ; ils ne les ont pas vues se changer dans leurs mains en hideuses caricatures.

1835. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « Alphonse Daudet »

C’est un poète et un peintre de terroir comme tous les peintres et les poètes pénétrants, la loi étant de ne bien peindre que les choses qu’on a vues, qui se sont enfoncées en nous dès l’enfance, et dans lesquelles nous avons fait boire nos premiers regards. […] … Les choses racontées ou dramatisées dans cette œuvre d’art sont-elles vues dans une vérité qui n’est pas uniquement la vérité de l’art ?

1836. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Histoire de la Restauration, par M. Louis de Viel-Castel » pp. 355-368

Un des plus en vue, et qui se prodiguait sur toute question avec une facilité de parole dont il usait et abusait complaisamment, était M. 

1837. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « De la poésie en 1865. »

Des anciens poëtes, depuis longtemps célèbres, qui sont restés en vue ou qui reparaissent sur la scène, je ne dirai rien, ni de M. de Laprade, lequel, dit-on, reprend son vol vers les hauteurs et se renouvelle ; ni de M. 

1838. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Victor Hugo — Victor Hugo, Les Chants du crépuscule (1835) »

Dans la pièce xxxiii, sur une vue d’église le soir, il montre l’orgue silencieux : La main n’était plus là qui, vivante et jetant Le bruit par tous les pores, Tout à l’heure pressait le clavier palpitant Plein de notes sonores, Et les faisait jaillir sous son doigt souverain Qui se crispe et s’allonge, Et ruisseler le long des grands tubes d’airain Comme l’eau d’une éponge.

1839. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Lettres de Rancé abbé et réformateur de la Trappe recueillies et publiées par M. Gonod, bibliothécaire de la ville de Clermont-Ferrand. »

Voilà, Monsieur, la pensée la plus naturelle et la plus utile que puisse nous donner la vue du plus superbe de tous les tombeaux. » Sur quoi l’abbé Nicaise, en vrai littérateur qu’il est, s’empare des paroles mêmes de Rancé pour en faire un nouvel enrichissement à son tombeau et à sa dissertation ; il n’a garde de laisser tomber de si magnifiques pensées sans en profiter comme auteur, sinon comme homme.

1840. (1874) Premiers lundis. Tome II « Mémoires de Casanova de Seingalt. Écrits par lui-même. »

A cette vue, Casanova convient qu’il eut peur, et que son premier mouvement fut d’éloigner son amie ; mais elle, qui, d’ordinaire, avait peur de la moindre couleuvre, ne craignant rien à cette heure et en ce moment, continuait : « Son aspect me ravit, te dis-je, et je suis sûre que cette idole n’a de serpent que la forme, ou plutôt que l’apparence. » Et elle redoublait de bonheur et d’oubli.

1841. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Seconde partie. De l’état actuel des lumières en France, et de leurs progrès futurs — Chapitre VII. Du style des écrivains et de celui des magistrats » pp. 543-562

Les ouvrages purement littéraires, s’ils ne contiennent point cette sorte d’analyse qui agrandit tous les sujets qu’elle traite, s’ils ne caractérisent pas les détails, sans perdre de vue l’ensemble ; s’ils ne prouvent pas en même temps la connaissance des hommes et l’étude de la vie, paraissent, pour ainsi dire, des travaux puérils.

1842. (1861) La Fontaine et ses fables « Première partie — Chapitre III. L’écrivain »

Aucune de ces deux vues ne nuit à l’autre : elles se suivent sans s’effacer.

1843. (1858) Cours familier de littérature. V « Préambule de l’année 1858. À mes lecteurs » pp. 5-29

Lorsque, après la révolution de 1830, que j’avais vue avec douleur, je voulus entrer dans les assemblées publiques pour y défendre à la tribune, selon mes forces, non cette révolution, mais la liberté, un poète fameux alors, tombé depuis, relevé aujourd’hui par sa noble résipiscence, écrivit contre moi une satire sous le titre de Némésis.

1844. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre IV. Guerres civiles conflits d’idées et de passions (1562-1594) — Chapitre I. Les mémoires »

Il y a dans cet inventeur des rustiques figulines un philosophe qui jette des vues profondes auxquelles nul ne fait attention, et que la postérité s’étonnera de rencontrer chez lui, quand le progrès de la science y aura lentement ramené les hommes : ainsi cette grande idée, liée à tout un système de la nature, en même temps qu’elle est la base de l’agriculture scientifique, cette idée que, les plantes empruntant au sol les aliments qui les accroissent, pour entretenir la fécondité de la terre, il faut lui rendre l’équivalent de ce que les récoltes lui enlèvent.

1845. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre III. Le naturalisme, 1850-1890 — Chapitre I. Publicistes et orateurs »

Mais c’étaient là de trop grandes vues.

1846. (1925) Méthodes de l’histoire littéraire « I. Leçon d’ouverture du Cours d’éloquence française »

Car malgré son enthousiasme de collégien pour les rythmes larges et les sonorités cuivrées du style de Taine, Larroumet, dès qu’il réfléchit, se détourna de la philosophie systématique que construit la littérature, et préféra la souplesse désossée de Sainte-Beuve, le style à mille faces qui réfléchit tous les rapports des choses, la phrase au développement onduleux qui en dessine la mobilité vivante, l’information curieuse et l’induction aiguë qui ne substituent jamais des vues de l’esprit à l’observation du réel.

1847. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre VII. Maurice Barrès et Paul Adam » pp. 72-89

(Après tout, il n’est point si glorieux de rassasier les hères dont la vue offusque.

1848. (1911) La valeur de la science « Deuxième partie : Les sciences physiques — Chapitre VIII. La crise actuelle de la Physique mathématique. »

Cette fois la physique expérimentale a été plus fidèle aux principes que la Physique Mathématique ; les théoriciens en auraient fait bon marché afin de mettre en concordance leurs autres vues générales ; mais l’expérience s’est obstinée à le confirmer.

1849. (1890) L’avenir de la science « Préface »

Vers 1700, Newton avait atteint des vues sur le système du monde infiniment supérieures à tout ce qu’on avait pensé avant lui, sans que ces incomparables découvertes eussent le moins du monde influé sur l’éducation du peuple.

1850. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Deuxième partie. Ce qui peut être objet d’étude scientifique dans une œuvre littéraire — Chapitre IV. Cause immédiate d’une œuvre littéraire. L’auteur. Moyens de le connaître » pp. 57-67

Alcan, éditeur) et les vues originales de M. 

1851. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « De la question des théâtres et du Théâtre-Français en particulier. » pp. 35-48

Après 1814, la Comédie-Française eut à peine un instant d’éclipse ; durant toute la Restauration, nous l’avons vue briller du plus vif et du plus pur éclat.

1852. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « M. de Montalembert orateur. » pp. 79-91

Une circonstance singulière le mit en vue dès 1831.

1853. (1913) Le bovarysme « Quatrième partie : Le Réel — IV »

Cette loi de contrariété bovaryque s’exerce donc encore ici, qui oppose à la volonté consciente des hommes et à leurs desseins prémédités une volonté secrète et plus forte, au profit de laquelle est exploitée une énergie suscitée en vue d’une autre fin.

1854. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre cinquième. La Bible et Homère. — Chapitre IV. Suite du parallèle de la Bible et d’Homère. — Exemples. »

« Son fils bien-aimé l’admire, et se hâte de détourner sa vue, dans la crainte que ce ne soit un Dieu.

1855. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Beaufort » pp. 308-316

Je sais bien que cette femme qui appelle son berger en est bien éloignée pour en être entendue ou vue ; que le son d’un cor de chasse parviendrait à peine à ce groupe qu’on a placé sur un bout de rocher, car en s’arrêtant quelque temps devant ce morceau, on sent que la scyne est devant ce morceau, on sent que la scène est très-étendue, très-profonde ; que toutes ces figures sont grises et que le paysage est sans vigueur.

1856. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Chapitre I : Qu’est-ce qu’un fait social ? »

Sans doute, il peut y avoir intérêt à réserver le nom de morphologiques aux faits sociaux qui concernent le substrat social, mais à condition de ne pas perdre de vue qu’ils sont de même nature que les autres.

1857. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre VII. Les hommes partagés en deux classes, d’après la manière dont ils conçoivent que s’opère en eux le phénomène de la pensée » pp. 160-178

D’autres sont placés sur les limites des deux mondes, leur vue les embrasse tous les deux ; ils prêtent tour à tour l’appui d’une haute métaphysique aux idées anciennes et aux idées nouvelles.

1858. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XXII. La comtesse Guiccioli »

Dans ce livre écrit par une femme qui doit tout savoir de l’homme dont elle parle, puisqu’elle l’aima et en fut aimée, il n’y a pas même une vue, une pensée, une observation sur cet homme qui puisse ajouter à ce que nous en savons.

1859. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « L’Empire Chinois »

La Philosophie de Confucius, ce bâton flottant du fleuve Bleu ou Jaune, vue de près, fait pitié de trivialité morale.

1860. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Le comte Gaston de Raousset-Boulbon »

Ce plan hardi de s’emparer de la Sonora, d’insurger le pays outré, presque révolté, n’en pouvant plus, et d’y établir un gouvernement quelconque, n’apparut, ne se forma et ne se clarifia dans son esprit que quand il eut vu le pays dont il était question et dont il nous a laissé, dans des pages magnifiquement rapides et caractérisées, une vue qui simplifie et justifie tous les projets.

1861. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Léon XIII et le Vatican »

Et il doit se connaître mieux que personne aux tressaillements profonds et menaçants qui l’annoncent… Louis Teste — comme tout le monde le sait — est un des écrivains les plus en vue du Paris-Journal.

1862. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « M. Fustel de Coulanges » pp. 15-32

C’est, en effet, la destinée des écrivains plus forts que leur temps, de lui faire retourner la tête vers une œuvre qu’il n’avait pas vue, quoiqu’elle fût sous ses yeux.

1863. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Le père Augustin Theiner »

Et en vain nous répéterait-il (ce qu’il nous dit si haut dans son histoire) qu’il n’a eu en vue, quand il l’a entreprise, que la justice et la vérité.

1864. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Gustave Flaubert » pp. 61-75

Cet homme de tempérament et de tournure, qui a l’usage des femmes perdues, et qui n’est qu’un vrai drôle au fond, a trouvé la femme du médecin jolie, et à la première vue, à une séance de Comices agricoles, il lui débite toutes les bêtises et toutes les vulgarités dont se compose cette chose facile, dont les hommes devraient être moins fiers : la séduction.

1865. (1902) La formation du style par l’assimilation des auteurs

Des vingt navires qui composent la flotte d’Énée, le plus grand nombre est dispersé ; les uns sont jetés contre des brisants, les autres vont échouer sur les côtes d’Afrique, dans, les syrtes et les bancs de sable ; un des vaisseaux périt à sa vue. […] Nous venons de voir que les auteurs à imiter sont ceux qui ont fait la description vivante, vue et circonstanciée. […] En peignant les savanes d’Amérique, Chateaubriand nous a ravis par des images qu’on n’avait pas vues ailleurs De même Bernardin de Saint-Pierre dans Paul et Virginie. […] D’abord on décompose la perception ; on sépare, on distingue celle de la vue et celle de l’ouïe ; on met d’un côté le feuillage de l’autre le chant de l’oiseau, bien que dans la réalité on ait perçu en même temps le feuillage et la chanson. […] La vue d’un tombeau n’apprend-elle donc rien ?

1866. (1901) Des réputations littéraires. Essais de morale et d’histoire. Deuxième série

du trouble de la vue qui devait m’égarer. […] Quant aux curiosités naturelles, montagnes, vallées, lacs, torrents, cascades, ce sont des choses bientôt vues et qui ne me séduisent pas autrement. […] Cette vue n’est probablement pas la plus juste. […] Voilà pourquoi, hors de l’horizon étroit de leur propre talent, où ils peuvent avoir, au contraire, des vues plus profondes que personne, les artistes sont, en général, d’assez mauvais critiques, si la critique a pour condition première la souplesse qui peut et qui sait pénétrer dans la diversité des âmes et des esprits. […] Jean Bodin, jurisconsulte et moraliste français, précurseur de Montésquieu, a rempli les six livres de sa République de vues ingénieuses et profondes, auxquelles il ne manque qu’une forme digne d’elles.

1867. (1863) Causeries parisiennes. Première série pp. -419

Cette publication de l’Inferno est, sans contredit, une des plus belles, — si ce n’est la plus belle, — qu’ait vue l’année 1861. […] Pareille chose s’était déjà vue et se verra sans doute encore ; mais la suite du procès a révélé un si singulier état de choses dans ce petit coin de la France, le procureur impérial, M.  […] Fould, l’article embellissement de Paris aurait disparu momentanément des journaux, ou que les vues de la Commission municipale auraient subi du moins quelques modifications. […] Quelques volumes de vers, jeunes, chaleureux et incorrects, éclos au pays latin, me paraîtraient d’un meilleur augure que toute la prose que j’ai vue ces jours-ci dans les journaux. […] On ne perd pas de vue un seul instant le théoricien socialiste ; c’est lui qui raconte, c’est lui qui décrit, c’est lui qui parle par la bouche de son évêque, de son forçat, de sa fille perdue.

1868. (1923) Nouvelles études et autres figures

Mais nous l’avons vue reparaître avec Jean-Jacques Rousseau. […] Ma vue fut éblouie au point que je crus devenir aveugle. Je fermai les yeux par une inspiration divine et, quand je les eus fermés, Dieu m’octroya une vue nouvelle dans mon cœur. […] Il conseillera à Keats de venir par bateau, car « la France n’est pas digne d’être vue ». […] En ce temps-là l’histoire n’avait pour lui de sens et de poésie que vue du haut de la monarchie et de la religion.

1869. (1896) Impressions de théâtre. Neuvième série

Ce que Carmosine aime en don Pèdre, c’est, je l’ai dit, l’image idéale que la vue de don Pèdre lui a suggérée. […] Au fond, ils n’aiment pas cet enfant, dont la vue leur est désagréable. […] Ordonnez d’avance à votre cocher de s’en aller au bout d’une demi-heure, s’il ne vous a pas vue redescendre ; sonnez, entrez. […] Vue sous un autre angle, la guerre est le réveil et le triomphe de l’antique brutalité humaine. […] Et il y a un autre malheur : c’est qu’il n’est pas toujours facile, à première vue, de distinguer celles qui ressemblent à la « rose d’automne », de M. 

1870. (1864) Physiologie des écrivains et des artistes ou Essai de critique naturelle

Ajoutez-y l’élévation des vues et la grandeur des horizons, ce sera du génie. […] Comme circonstance atténuante, rappelons et ne perdons pas de vue qu’en ces temps d’idolâtrie monarchique, la flatterie et la courtisanerie étaient dans l’air, et que tout le monde les respirait sans s’en douter. […] Quelques années plus tard, éclatèrent en lui, comme d’elles-mêmes, cette puissance de conception et de travail, cette grandeur et cette singularité d’esprit qui semblent avoir besoin de pareils organes. » La mort tout à coup vue de près — démonta cette machine si frêle. […] Le très spirituel docteur, dans cette thèse hyperbolique, côtoie des abîmes et parfois y tombe ; mais il ouvre des vues. […] Belle vue, Meudon, le Val-Fleuri, ont eu ses premiers pas et ses premiers amours.

1871. (1891) Impressions de théâtre. Cinquième série

Là-dessus, changement à vue ; Helmer ouvre ses bras à sa femme ; la malfaisante poupée est redevenue la poupée amusante et adorable. […] Il se pourra d’ailleurs que quelques-unes des raisons qui l’empêchent d’être bonne soient les mêmes que celles qui, vues par un autre côté, la rendent intéressante. […] une colère tempérée et clairvoyante) à une indulgence railleuse et même, vers la fin, à une vue de la situation plus satisfaisante encore pour sa vanité : « … Pauvre petite ! […] Ce jeune moine refuse de tuer la reine, parce qu’il aime une femme qu’il a vue un jour à la fenêtre d’un couvent et qui lui donne des rendez-vous la nuit, en tout bien tout honneur. […] demande-t-elle d’une voix subitement altérée. — Je ne sais pas ; je ne l’ai jamais vue que le soir. — Elle est spirituelle ?

1872. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Malherbe »

Demogeot enfin, le dernier et non le moins bien préparé, profitant des travaux des autres et des siens propres (car il est auteur d’un fort bon Précis sur notre histoire littéraire), vient aujourd’hui étendre, diversifier ses vues et renouveler avec esprit, avec vivacité et savoir, une matière qui n’est pas encore épuisée. […] Représentons-nous-en bien, par une vue rapide, les accidents et comme les cascades diverses. […] » Mais Malherbe, qui ne perdait jamais sa présence d’esprit ni la vue du positif, lui répondit « qu’il se promettait qu’elle le ferait mettre en la capitulation », c’est-à-dire qu’elle le traiterait dès lors comme un des guerriers qui consentaient à mettre bas les armes moyennant finances.

1873. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre I. Le Roman. Dickens. »

Nous ne voulons pas qu’il se sépare de sa conscience et perde de vue la pratique. […] Ce sont des maladies ; si on se contente de les maudire, on ne les connaîtra pas ; si l’on n’est physiologiste, si l’on ne se prend pas d’amour pour elles, si l’on ne fait pas d’elles ses héros, si on ne tressaille pas de plaisir à la vue d’un beau trait d’avarice comme à la vue d’un symptôme précieux, on ne peut dérouler leur vaste système et étaler leur fatale grandeur.

1874. (1881) Le naturalisme au théatre

Seulement, la passion elle-même est absente, et le pêle-mêle des opinions vient uniquement du manque complet de vues d’ensemble. […] Doit-on toujours citer le théâtre de Shakespeare, où les changements à vue étaient simplement indiqués par des écriteaux ? […] Elle avait rencontré en France de tels obstacles, de telles mauvaises volontés, qu’elle s’était vue forcée d’aller créer le rôle à Londres. […] De là, cette pose continue, ce gonflement du comédien qui a le besoin irrésistible de se mettre en vue. […] Paris semble croire qu’une telle aventure, fort ordinaire, ne s’était jamais vue.

1875. (1836) Portraits littéraires. Tome II pp. 1-523

Comme il a frayé rarement avec les familles vraiment opulentes, comme il a eu tous les jours sous les yeux le spectacle de la pauvreté patiente, luttant par le travail contre les besoins sans cesse renaissants, il compte sur la reconnaissance de la femme qu’il a choisie, il espère qu’elle ne perdra jamais de vue le néant d’où elle est partie, le rang où elle est montée, et que la peur de l’ingratitude lui défendra l’infidélité. […] Surpris par le grand seigneur auquel il s’est confié si ingénument, sommé de sortir et de ne plus reparaître dans la maison de dona Florinde, il ne se demande pas pourquoi elle s’est enfuie à la seule vue de ce mystérieux personnage ; il la suit en défiant la colère de son rival. […] La haine qui se venge si cruellement ne doit-elle pas souhaiter la vue de sa victime ? […] Il y a dans ce morceau des vues ingénieuses et très habilement présentées sur l’histoire de la langue française dans les trois derniers siècles. […] Je n’aperçois pas la connexion intime qui unit ces idées, si toutefois ce sont des idées, à la date qui les a vues naître.

1876. (1814) Cours de littérature dramatique. Tome I

L’esprit de parti l’avait changé en juge sévère ; mais ses critiques, pour être passionnées, n’étaient pas toujours injustes : il avait l’adresse de les renfermer dans des vues littéraires : pour leur donner plus de valeur, il en déguisait habilement la source ; et pouvait-il d’ailleurs méconnaître la cause des succès de ses feuilletons ? […] Nous avons souligné cette dernière phrase parce qu’elle est une preuve de l’instinct improvisateur qui faisait deviner à Geoffroy les choses même qu’il n’avait jamais vues : qu’aurait dit le rédacteur des feuilletons s’il eût resté quelque temps en Italie ? […] Un grand avantage de cette espèce de drame, c’est d’épargner aux spectateurs la vue de ces grimaces, de ces convulsions, de ces mouvements épileptiques auxquels un acteur a recours pour exprimer les passions violentes et les atrocités théâtrales ; on est ému, attendri, sans qu’il en coûte presque d’effets aux malheureux comédiens, qui souvent dans les autres pièces, haletants, couverts de sueur, hurlant jusqu’à extinction de voix, ne parviennent, après s’être bien épuisés, qu’à fatiguer et rebuter les auditeurs. […] Ce n’est pas précisément pour tromper que Dorante ment, c’est pour s’amuser ; aucune vue d’intérêt, aucun motif odieux ne souille ses mensonges ; c’est un travers de l’esprit plutôt qu’un vice du cœur : l’étourderie, l’amour-propre, la galanterie, la fougue d’une imagination folle, l’entraînent continuellement dans ces narrations romanesques qui sont autant de tours d’esprit dont il est très vain. […] Le Commentaire de Voltaire est un composé bizarre de vues solides et de minuties puériles, d’excellents principes et de plaisanteries indécentes, d’observations fines et de chicanes injustes, de protestations d’estime et de preuves de malveillance.

1877. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre I. Les origines. — Chapitre II. Les Normands. » pp. 72-164

Ces hommes voient la chose ou l’action en elle-même, et s’en tiennent à cette vue. […] Il a pris le manoir de quelque Saxon tué, et s’y est établi avec ses soldais et ses camarades, leur donnant des terres, des maisons, des péages, à charge de combattre sous lui et pour lui, comme hommes d’armes, comme maréchaux, comme porte-bannières ; c’est une ligue en vue du danger. […] Il cite une île où « les gens sont hauts de dix-huit ou trente pieds de haut, et non vêtus, fors de peaux de bêtes  » ; puis une autre île « où il y a moult diverses femmes et cruelles, qui ont pierres précieuses dedans les yeux, et ont telle vue que si elles regardent un homme par dépit, elles le tuent seulement du regard comme fait un coq basilic. » Le bonhomme conte, et puis c’est tout ; le doute et le bon sens n’ont guère de place encore dans ce monde. […] Par les tailles, la gabelle, les impôts sur le vin, les logements des gens de guerre, elles sont réduites à l’extrême misère. « Vous les avez vues en voyageant… Elles sont si appauvries et détruites, qu’elles ne peuvent presque pas vivre : ils boivent de l’eau, ils mangent des pommes avec du pain bien brun fait de seigle.

1878. (1848) Études critiques (1844-1848) pp. 8-146

Cet homme-là, Hassan, Rolla ou Franck n’aime en vérité que lui-même et ne se perd pas un instant de vue. […] Pas une aspiration, pas une plainte, pas un cri, et, qui pis est, pas une forme que vous n’ayez déjà vue, revue et quittée dans maint et maint volume. […] Tous deux probablement éprouveraient à la vue l’un de l’autre cette sympathique hilarité, dont Cicéron a touché quelques mots. […] Il ne l’avait pas vue depuis l’embrasement, aussi lui semble-t-elle fort changée.

1879. (1837) Lettres sur les écrivains français pp. -167

Sue trouve. une médaille d’argent dorée, sur laquelle il lit : à m. eugène sue, La marine française reconnaissante Et plus bas, une petite ligne imperceptible, qui semblait à première vue un trait de guillochage, et qui cependant portait cette petite conclusion à l’affaire : De ce qu’il ne fait pas l’histoire de la marine. […] On me parlait un jour, à Bruxelles, d’un ci-devant jeune homme d’Anvers, qui, amoureux de la première chanteuse du théâtre, passait plusieurs fois par jour sous ses fenêtres, en prenant soin de mettre en arrivant, et de retirer, lorsqu’il était hors de vue, les gants beurre-frais qui pouvaient servir des mois entiers à ce bizarre manège. […] Luchet, qui n’avait pas perdu de vue son affaire. […] Drouineau, après un moment de conversation, il s’enfuyait tout effrayé à la vue du terrible animal qui, un moment couché dans un coin, se levait brusquement et s’approchait familièrement du visiteur trop épouvanté pour s’arrêter à l’examen des imperfections de la bête. […] Mais combien d’autres choses encore j’ai vues, j’ai devinées, j’ai apprises, dans cette atmosphère agitée où j’ai vécu deux mois !

1880. (1886) Le naturalisme

Qui ne l’a appelée bien des fois en se faisant violence et qui, s’il mérite le nom d’homme, ne l’a vue obéir à l’appel ? […] Il semble à première vue, que de tels éléments doivent composer un livre ennuyeux, savant peut-être, mais de peu d’intérêt ; quelque chose d’analogue aux romans archéologiques qu’écrit Ebers. […] Or, pour acquérir ce savoir, il n’est pas nécessaire d’y perdre sa vue, il suffit de lire quelques articles de revue et une douzaine de volumes de la Bibliothèque scientifique internationale. […] Je ne crois pas que ce soit de la prose que la symphonie descriptive, que le poème paradisiaque qui fait un tiers de la Faute de l’abbé Mouret, et où le même burin ferme qui grava dans le métal le style canaille des Halles et des Faubourgs de Paris, sculpta les formes splendides de la riche végétation qui croît dans cette serre vue en rêve, s’y multiplie et en brise les barrières en embaumant l’air. […] La Fortune des Rougon avec son amoureux duo d’adolescents ; la Curée avec sa superbe serre d’hiver, ses intérieurs somptueux poétisés par l’art et par le luxe ; Une page d’amour avec ses cinq descriptions de la même ville, vue tantôt aux rougeoiements du crépuscule, tantôt à la lueur de l’aube, descriptions qui sont un pur caprice de compositeur, une série de gammes ascendantes destinées à montrer l’agilité des doigts et la puissance du clavier ; enfin, même Nana et l’Assommoir dans certaines pages, prouvent l’inclination de Zola à faire beau artificieusement en dominant le vulgaire, le laid et l’horrible du sujet.

1881. (1925) Portraits et souvenirs

Il y a douze ans, au moment de sa mort, qu’on n’eût pas élevé à Leconte de Lisle le monument dont la vue m’a suggéré ces quelques réflexions, n’y aurait-il pas toujours droit aujourd’hui ? […] On eut ainsi ce spectacle singulier d’un homme discret et infiniment distingué, d’un artiste d’irrécusable probité et de haute valeur, vilipendé et outragé parce qu’il lui plaisait de composer à l’écart des poésies quelque peu énigmatiques et dont le sens, toujours subtil, précis et profond, ne se révélait pas à première vue. […] A sa vue, il y eut une exclamation de surprise. […] Aux murs, des toiles de Guardi ou de Longhi offrent à la vue des scènes de la vie vénitienne, et les personnages des tableaux, s’ils descendaient de leurs cadres, retrouveraient autour deux les meubles, les objets, et jusqu’aux moindres brimborions qui leur furent familiers. […] Lucien Corpechot et aux chapitres élégants et substantiels où il nous montre ce que fut, chez divers peuples de divers époques, le jeu magnifique et charmant qui consisté à disposer les arbres, les fleurs et les eaux en vue d’une satisfaction esthétique, aussi bien en Perse qu’à Rome ou à Byzance.

1882. (1940) Quatre études pp. -154

Les moins habiles d’entre les romantiques ressemblent à ces ténors d’opéra qui, sur la scène, vivent et meurent sans jamais perdre de vue le chef d’orchestre. […] Victor Hugo, philosophant sur le monde, essaye d’en donner une explication rationnelle et de montrer comment il s’organise en vue d’une rédemption, en vue d’un progrès. […] Les forêts qui s’étendent sur les flancs du Latmos, les ombrages cachés dans des régions où jamais l’homme ne pénétra, les pelouses parées pour recevoir solennellement la lumière de l’aube, ne suffisent pas à Endymion : il s’enfonce sous la terre, où il s’enchante de mille visions étranges et belles ; il s’engage dans les profondeurs sous-marines, que personne n’a jamais vues qu’en rêve. […] Il arrive à l’inconnu ; et quand, affolé, il finirait par perdre l’intelligence de ses visions, il les a vues ! […] La statue qu’il imagine, et qu’il doue successivement de tel et tel sens, est d’abord toute passive ; elle est, par l’odorat, odeur de rose, d’œillet, de jasmin, de violette ; par l’ouïe, elle est l’écho de tous les sons ; par le goût, elle est saveur, douce ou piquante ; par la vue, elle est pourpre ou azur.

1883. (1928) Quelques témoignages : hommes et idées. Tome II

Une telle biographie fait comprendre quelle vue superficielle représente cette apothéose du mécanisme proclamée ou déplorée par ceux qui n’aperçoivent pas la continuation du travail spirituel exercé sur les âmes et par les âmes dans le monde religieux. […] Demain, ce sera le tour d’un autre, moi par exemple, puis vous, et ainsi toujours. » Cette vue sinistre était encore la sienne dans ses derniers jours. […] Certes, il ne perd pas de vue son programme de chroniqueur social, si fermement posé dans sa Préface générale, mais il essaie de l’accommoder au goût du temps pour les péripéties sensationnelles de Monte-Cristo ou du Juif errant. […] Cette vue si juste lui a fait écrire dans Sibylle un émouvant essai de psychologie catholique auquel je ne connais pas d’analogue. […] Il contient une trentaine d’aquarelles exécutées de main de maître, qui représentent des plans et des vues extérieures ou intérieures du château et des bâtiments annexes dont plusieurs n’existent plus.

1884. (1862) Notices des œuvres de Shakespeare

Que deviendront, loin de notre vue, cet Antonio, ce Sébastien, si prompts à concevoir le dessein du crime, cet Alonzo, si facilement et légèrement accessible à tous les sentiments ? […] Elle y joint de plus d’être une femme, c’est-à-dire sans prévoyance, sans généralité dans les vues, n’apercevant à la fois qu’une seule partie d’une seule idée, et s’y livrant tout entière sans jamais admettre ce qui pourrait l’en distraire et l’y troubler. […] Il lie conversation avec la duègne, qui lui découvre tout, lui vante la constance de son ancienne maîtresse, et prépare la réconciliation qu’achève la vue de Nicuola elle-même. […] Pandosto furieux tourna toute sa vengeance contre la reine, l’accusa publiquement d’adultère, la fit garder à vue pendant sa grossesse, et, dès qu’elle fut accouchée, il envoya chercher l’enfant dans la prison, le fit mettre dans un berceau et l’exposa à la mer pendant une tempête. […] Nous ne devons donc point, pour juger le mérite de ces grands hommes, perdre de vue les règles qui étaient prescrites aux poëtes de leur siècle.

1885. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Les nièces de Mazarin et son dernier petit-neveu le duc de Nivernais. Les Nièces de Mazarin, études de mœurs et de caractères au xviie  siècle, par Amédée Renée, 2e éd. revue et augmentée de documents inédits. Paris, Firmin Didot, 1856. » pp. 376-411

Une des premières lettres du duc de Nivernais au comte de Choiseul (bientôt duc de Praslin), chargé des Affaires étrangères, est pour lui présenter une description fidèle de l’état des partis et de l’opinion (24 septembre 1762) : Comme, par la constitution de ce pays-ci, l’état respectif des partis est la seule boussole qui puisse nous guider dans la négociation présente quant au fond et quant à la forme, je vais, dans cette lettre, avoir l’honneur de vous transmettre toutes les connaissances locales, que j’ai prises avec autant de soin que de diligence, des intérêts, des vues, des forces desdits partis ; et j’ose me persuader que ce détail pourra vous servir utilement pour apprécier au juste les discours du plénipotentiaire anglais (à Versailles), qui doivent, si je ne me trompe pas, servir de preuve à mes observations, comme mes observations leur serviront de clef et d’éclaircissement. […] Le jour particulier que j’ai eu en vue (18 mai 1763), Mme de Boufflers, fatiguée d’une partie de campagne qu’elle avait faite la veille, ne put revenir pour cette nouvelle fête, et Mme d’Usson seule y était.

1886. (1869) Cours familier de littérature. XXVII « CLVIIe Entretien. Marie Stuart, (Reine d’Écosse). (Suite et fin.) »

Je n’accepte cette place (en montrant) sur le gradin inférieur du siège des juges, que comme chrétienne qui s’humilie ; ma place est là, dit-elle en tendant la main vers le dais, je suis reine dès le berceau, et le premier jour qui m’a vue femme m’a vue reine ! 

1887. (1869) Cours familier de littérature. XXVIII « CLXVIe entretien. Biographie de Voltaire »

Frappé de cette vue, il éprouva plus qu’il n’avait éprouvé jusque-là la poésie de la nature inanimée. […] Cependant quel objet se présente à ma vue !

1888. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre I. La préparations des chefs-d’œuvre — Chapitre II. Attardés et égarés »

Il est remarquable que dans le matériel de la pastorale il a laissé toutes les machines qui servent à faire des changements à vue de passions, à créer ou détruire l’amour instantanément. […] Les vraies précieuses — que Molière a visées et atteintes à travers les autres, — c’étaient Mme de Rambouillet, Mme de Sablé, Mme de Longueville, Mme de Maure, et le monde précieux a été l’école où se sont formés les Bussy et les La Rochefoucauld, les Sévigné et les La Fayette, les Maintenon et les Ninon, c’est-à-dire les plus exquis exemplaires de la société française dans la seconde moitié du siècle : voilà ce qu’il ne faut pas perdre de vue pour bien juger la préciosité.

1889. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre II. La première génération des grands classiques — Chapitre III. Pascal »

C’est dans cette dissipation mondaine qu’il rencontre et fréquente des libertins, tels que Desbarreaux et Miton : mais l’homme qui eut alors sur lui le plus d’influence, ce fut le chevalier de Méré341, un fat de beaucoup d’esprit et d’une intelligence singulièrement pénétrante, qui lui fournit le principe de quelques-unes de ses vues les plus profondes. […] On l’a repris aussi d’avoir confondu casuistes et jésuistes, comme si tous les ordres religieux n’avaient pas leurs casuistes : le fait est vrai ; mais il est vrai aussi que les autres ordres sont perdus au sein de l’Église ; les jésuites existent à part, forment un parti, ayant unité de vues et d’ambition, et la casuistique leur a été plus propre qu’à personne ; ils ne l’ont ni créée les premiers, ni seuls employée ; mais elle n’a été qu’un accident ailleurs, elle a été chez eux une méthode de domination.

1890. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — H — Hugo, Victor (1802-1885) »

. — Choses vues, 1re série (1887). — Toute la lyre (1888). — Amy Robsart ; Les Jumeaux (1889). — En Voyage ; Alpes et Pyrénées (1890). — Dieu (1891). — Toute la lyre, 2e série (1893) […] — Correspondance, tome Ier, de 1815 à 1835 (1896). — Les Années funestes, 1852 à 1870 (1898). — Choses vues, 2e série (1899). — Le Post-Scriptum de ma vie (1901).

1891. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre III. Le Petit Séminaire Saint-Nicolas du Chardonnet (1880) »

Le Traité des Études de Rollin est un livre plein de vues larges auprès du cercle de pieuse médiocrité où s’enfermaient par devoir ces maîtres exquis. […] Saint-Nicolas fut sous sa direction une maison tout ecclésiastique, peu nombreuse, n’ayant en vue que la cléricature, un séminaire par anticipation ouvert aux seuls sujets qui se destinaient à l’état ecclésiastique, et où le côté profane des études était tout à fait négligé.

1892. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 novembre 1886. »

Dans ces articles, de justes et claires explications du système Wagnérien, et des vues intéressantes sur les œuvres. […] Mais l’auteur a-t-il créé ce chef-d’œuvre en déduction directe de ses théories et de ses vues sur l’art ?

1893. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — Chapitre III »

Il faut le voir chiffrer, à première vue, le mariage que lui offre son client Roussel, vérifier l’addition, approuver le compte et l’inscrire sur le carnet de son cœur. […] A la vue de cette goutte de sang versée pour sa gloire, Caliste se révèle, son amour éclate, et elle ne comprend plus que celui qui s’est ainsi proclamé son chevalier s’entête à ne vouloir pas être son mari.

1894. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Troisième Partie. De la Poësie. — IV. La Poësie dramatique. » pp. 354-420

Son adversaire lui passe de n’avoir jamais eu que des vues aussi petites ; mais il ne veut pas qu’on juge également de tous les écrivains, dont plusieurs peuvent avoir un objet important comme celui d’éclairer les hommes & de les rendre meilleurs, de servir le prince & la patrie. […] Quand il porte une vue générale sur la comédie ancienne & moderne, il trouve la différence à notre désavantage.

1895. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Victor Hugo. Les Contemplations. — La Légende des siècles. »

Hugo dans le simple, comme le volume suivant a tous ses défauts dans le solennel : seulement ces défauts y apparaissent dans des proportions qu’on ne leur avait encore vues nulle part. […] Dans les nouvelles poésies qu’il nous donne, ce lyrique éternel, même en hexamètres, il y a des accroissements de talent, des approfondissements de manière, des choses enfin que nous n’avions pas vues encore dans M. 

1896. (1870) La science et la conscience « Chapitre IV : La métaphysique »

Chapitre IV : La métaphysique S’il est une science qui soit de nature à contredire les enseignements de la conscience, c’est cette spéculation supérieure qu’Aristote appelait philosophie première, qui a reçu depuis le nom de métaphysique, et qui, sous un titre quelconque, restera dans le domaine de la pensée humaine, tant que celle-ci aura le souci des vues générales et des conceptions synthétiques. […] Il ne serait pas plus difficile de faire voir comment l’économie politique, si cette lumière lui manque, perd de vue l’homme et sa haute destinée, c’est-à-dire le but final où tend tout ce mouvement de la production et la distribution de la richesse.

1897. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Mémoires et journal de l’abbé Le Dieu sur la vie et les ouvrages de Bossuet, publiés pour la première fois par M. l’abbé Guettée. — I » pp. 248-262

L’abbé Le Dieu, dans cet ouvrage, se soigne, et il écrit comme en vue du public ; son style a de la facilité, du développement, des parties heureuses : on sent l’homme qui a vécu avec Bossuet et qui en parle dignement, avec admiration, avec émotion.

1898. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Parny poète élégiaque. » pp. 285-300

J’admets pourtant que si un peu de science nous éloigne, beaucoup de science nous ramène au sentiment des beautés ou des grâces domestiques ; et alors l’élégie de Parny, vue à son heure, est, en effet, une des productions de l’esprit français qui mérite d’être conservée comme spécimen dans l’immense herbier des littératures comparées.

1899. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Mémoires de l’impératrice Catherine II. Écrits par elle-même, (suite.) »

En entrant ce jour-là, elle fut frappée à la vue d’un gros rat qu’il avait fait pendre avec tout l’appareil du supplice.

1900. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « De la poésie en 1865. (suite.) »

Il appliquait cette vue éthérée à l’abbaye de Haute-Combe, nouvellement restaurée alors, et aux moines qui y vivaient.

1901. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « L’abbé Prevost et les bénédictins. »

Ce feu, cette vivacité que Jordan lui avait vue à Londres vingt ans auparavant, avait sans doute diminué avec l’âge ; les fatigues d’une vie nécessiteuse, et tour à tour agitée ou abandonnée ; devaient à la longue se faire sentir et produire des sommeils.

1902. (1902) L’observation médicale chez les écrivains naturalistes « Chapitre III »

« Après les cauchemars, les hallucinations de l’odorat, les troubles de la vue, la toux sèche, réglée de même qu’une horloge, les bruits des artères et du cœur et les suées froides ; surgirent les illusions de l’ouïe, ces altérations qui ne se produisent que dans la dernière période du mal. » La déchéance s’accentue.

1903. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section première. Des passions. — Chapitre II. De l’ambition. »

Dans les situations communes de la vie, on se fait illusion sur son propre mérite ; mais un sentiment actif fait découvrir à l’ambitieux la mesure de ses moyens, et sa passion l’éclaire sur lui-même, non comme la raison qui détache, mais comme le désir qui s’inquiète ; alors, il n’est plus occupé qu’à tromper les autres, et pour y parvenir, il ne se perd pas de vue ; l’oubli d’un instant lui serait fatal, il faut qu’il arrange avec art ce qu’il sait, et ce qu’il pense, que tout ce qu’il dit ne soit destiné qu’à indiquer ce qu’il est censé cacher : il faut qu’il cherche des instruments habiles, qui le secondent, sans trahir ce qui lui manque, et des supérieurs pleins d’ignorance et de vanité, qu’on puisse détourner du jugement par la louange ; il doit faire illusion à ceux qui dépendent de lui par de la réserve, et tromper ceux dont il espère par de l’exagération.

1904. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section première. Des passions. — Chapitre III. De la vanité. »

Les critiques, qui suivent nécessairement les éloges, détruisent la sorte d’illusion à travers laquelle toutes les femmes ont besoin d’être vues.

1905. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre III. Le naturalisme, 1850-1890 — Chapitre II. La critique »

Vinet855, un Suisse, un protestant, a mêlé de fortes préoccupations morales à l’étude des œuvres littéraires : esprit grave, solide, ingénieux, fécond en idées et en vues sur toutes les parties de notre littérature qui posent le problème moral ou religieux.

1906. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Joséphin Soulary »

I À première vue, il est heureux pour un poète d’avoir fait un jour un sonnet, une pièce d’anthologie, que tout le monde connaît et récite.

1907. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « « L’amour » selon Michelet » pp. 47-66

Voici peut-être la vue la plus originale et la plus féconde du livre de Michelet : « L’Amour n’est pas une crise, un drame en un acte.

1908. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — L — Lamartine, Alphonse de (1790-1869) »

Le drame est assez splendide et assez pathétique pour n’avoir pas à craindre l’analyse ; les ombres ne sont pas des taches ; la réalité, en un si noble sujet, ne détruit pas l’harmonie ; et la vérité, même vue de près, est encore l’idéal.

1909. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — V — Verlaine, Paul (1844-1896) »

Il ne choisissait pas les sujets de ses poèmes ; il était inapte à disposer froidement les parties d’une œuvre en vue d’un idéal préconçu ; l’objectif l’émouvait peu.

1910. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre III. La commedia dell’arte en France » pp. 31-58

Les acteurs français ne pouvaient lutter avec ces étrangers : « La comédie telle que ceux-ci la jouaient, dit Brantôme, était chose que l’on n’avait encore vue et rare en France, car, par avant, on ne parlait que des farceurs, des conards de Rouen, des joueurs de la Bazoche et autres sortes de badins. » Ce qui devait offrir surtout un vif attrait, c’était la présence d’actrices élégantes jouant les rôles féminins, tandis que les rôles de femmes étaient tenus chez nous par des hommes.

1911. (1913) Les antinomies entre l’individu et la société « Chapitre XIII. Conclusions » pp. 271-291

Ibsen définit l’héroïsme non par une supériorité morale (point du vue chrétien) mais par une supériorité de force (énergie, intrépidité, intelligence).

1912. (1842) Essai sur Adolphe

En vue des années qui vont suivre, il sentira défaillir son courage, et regrettera l’extase qu’il avait à peine espérée.

1913. (1911) La valeur de la science « Première partie : Les sciences mathématiques — Chapitre I. L’intuition et la logique en Mathématiques. »

Cette vue d’ensemble est nécessaire à l’inventeur ; elle est nécessaire également à celui qui veut réellement comprendre l’inventeur ; la logique peut-elle nous la donner ?

1914. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XXI. Dernier voyage de Jésus à Jérusalem. »

Cette vue frappait d’admiration les étrangers ; au lever du soleil surtout, la montagne sacrée éblouissait les yeux et paraissait comme une masse de neige et d’or 963.

1915. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXV » pp. 259-278

Il me paraît présumable qu’elle ne les avait pas entendues sans émotion ; déjà la vue du roi l’avait frappée et peut-être disposée à un sentiment profond.

1916. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXVI » pp. 279-297

Une telle passion ne perd jamais de vue le but qu’elle veut atteindre, elle marche toujours ; sans se presser, mais sans se détourner ; elle sait attendre, mais ne néglige rien ; elle n’avance pas toujours d’un pas égal, mais ne recule jamais.

1917. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Alexandre Dumas fils — Chapitre XI »

Le grand-oncle de la maison, qui s’est épris de lui à première vue, veut l’investir, en l’adoptant, de son titre de marquis et de son nom d’Orgebac.

1918. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Journal de la campagne de Russie en 1812, par M. de Fezensac, lieutenant général. (1849.) » pp. 260-274

Le spectacle de l’incendie de Moscou et des scènes de désolation qui s’y mêlèrent l’avait affecté douloureusement : détournant la vue des malheurs qu’il ne pouvait soulager, il eut à cœur de corriger du moins ceux qui étaient à sa portée, et de s’acquitter de tous les devoirs utiles.

1919. (1864) William Shakespeare « Deuxième partie — Livre IV. Critique »

L’école, c’est la résultante des pédantismes ; l’école, c’est l’excroissance littéraire du budget ; l’école, c’est le mandarinat intellectuel dominant dans les divers enseignements autorisés et officiels, soit de la presse, soit de l’état, depuis le feuilleton de théâtre de la préfecture jusqu’aux Biographies et Encyclopédies vérifiées, estampillées et colportées, et faites parfois, raffinement, par des républicains agréables à la police ; l’école, c’est l’orthodoxie classique et scolastique à enceinte continue, l’antiquité homérique et virgilienne exploitée par des lettrés fonctionnaires et patentés, une espèce de Chine soi-disant Grèce ; l’école, c’est, résumées dans une concrétion qui fait partie de l’ordre public, toute la science des pédagogues, toute l’histoire des historiographes, toute la poésie des lauréats, toute la philosophie des sophistes, toute la critique des magisters, toute la férule des ignorantins, toute la religion des bigots, toute la pudeur des prudes, toute la métaphysique des ralliés, toute la justice des salariés, toute la vieillesse des petits jeunes gens qui ont subi l’opération, toute la flatterie des courtisans, toute la diatribe des thuriféraires, toute l’indépendance des domestiques, toute la certitude des vues basses et des âmes basses.

1920. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Bossuet, et Fénélon. » pp. 265-289

Elle se tenoit longtemps à l’église, moins pour invoquer son amour (c’est le nom qu’elle donnoit à Jésus-Christ), que pour être vue de son amant dans le seigneur.

1921. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre V : La religion — Chapitre I : Philosophie religieuse de M. Guizot »

Il y aura un quatrième volume, consacré aux questions de critique et d’exégèse, mais il ne changera rien évidemment à l’ensemble des vues de M. 

1922. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Jules Janin » pp. 137-154

À l’heure de la vie où l’on est frivole et où l’homme tient à relever ses avantages extérieurs par les soins de la mise et les détails de la toilette, à une époque où tant de gens de lettres affectaient d’être des Beaux, parmi les de Musset, les Roger de Beauvoir, les Roqueplan, les Sue, qui furent des dandies, des gants jaunes, des furieux (un mot du jargon de la mode du temps), Janin, très à la mode par l’esprit et par le talent et très en vue, Jules Janin, qui n’était pas sans beauté alors, ne pensait point à la faire valoir, cette beauté, par les ressources que la mode offre à la coquetterie.

1923. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Madame Récamier »

Pour nous, Madame Récamier, vue dans Jean-Jacques Ampère, dans le père Ballanche., ce Platon-Jocrisse, « qui ne donne pour rivale à Madame Récamier que l’humanité », dit Madame Lenormant avec une jocrisserie égale à la sienne, dans Camille Jordan et tous les autres de cette nichée, revêt de singulières apparences.

1924. (1922) Durée et simultanéité : à propos de la théorie d’Einstein « Chapitre V. Les figures de lumière »

Ne perdant jamais de vue ce point, suivons la variation de notre figure de lumière.

1925. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre premier. Des principes — Chapitre premier. Table chronologique, ou préparation des matières. que doit mettre en œuvre la science nouvelle » pp. 5-23

. — Ptolémée Philadelphe s’étonnant qu’aucun poète, aucun historien n’eût fait mention des lois de Moïse, le juif Démétrius lui répondit que ceux qui avaient tenté de les faire connaître aux Gentils, avaient été punis miraculeusement, tels que Théopompe qui en perdit le sens, et Théodecte qui fut privé de la vue. — Aussi Josèphe ne craint point d’avouer cette longue obscurité des Juifs, et il l’explique de la manière suivante : Nous n’habitons point les rivages ; nous n’aimons point à faire le négoce et à commercer avec les étrangers.

1926. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre VI. »

Cela m’a fait tressaillir le cœur de t’avoir vue, et il ne me vient plus de voix ; mais ma langue est liée ; et sous le tissu éteint de la peau je sens circuler une flamme.

1927. (1829) Tableau de la littérature du moyen âge pp. 1-332

À cette vue, les fidèles multiplient leurs bonnes œuvres, et espèrent le jardin céleste et les robes de soie. […] Je ne dis pas, messieurs, que toutes ces raisons soient entrées dans l’esprit des peuples du moyen âge ; elles étaient cependant plus contemporaines que les vues d’intérêt commercial alléguées par Robertson. […] La croisade a été, pour ainsi dire, une merveille au-dessus de l’imagination des hommes qui l’ont vue, qui en ont été les acteurs et les témoins. […] Ce n’est pas un historien ; c’est un homme qui dit la chose qu’il a faite ou qu’il a vue, avec la plus grande simplicité de langage, comme il l’a faite, comme il l’a vue. […] Ces premières vues qui sortent de la littérature du moyen âge ne tiennent pas à l’art.

1928. (1882) Autour de la table (nouv. éd.) pp. 1-376

C’est l’image qui se déplace d’une magnifique apparition des choses, grandement évoquée, et qui fait descendre la vue sur des objets trop petits pour la satisfaire, ou trop vulgaires pour l’intéresser. […] Il est certain que je ne l’avais jamais vue si belle et si vivante. […] Je l’assurai de ce dont j’étais pénétré ; c’est que la Providence ne s’occupait pas de nous en vue de notre satisfaction personnelle, mais en vue de notre utilité pour ses vues générales, et qu’il fallait la remercier de nous placer dans les conditions où nous pouvions la seconder. […] Manfred. — Tu n’as aucune raison de le craindre ; mais sa vue peut frapper de paralysie ton corps vieux et débile ; Je te le répète, retire-toi. […] Ce n’était pas le besoin de se mettre en vue ; pas plus dans les salons littéraires qu’aux champs ou dans la rue, il n’aimait à se faire remarquer.

1929. (1883) Essais sur la littérature anglaise pp. 1-364

La vue d’une corde, d’une courroie, d’un cordon leur met immédiatement en tête la pensée de pendre quelqu’un, un mari, une femme, surtout un roi. […] Nous savons aujourd’hui parfaitement que Shakespeare n’est pas une apparition isolée et qu’il occupe simplement le centre d’une grande littérature poétique, une des plus abondantes et des plus originales que le monde ait vues. […] On conçoit vraiment, sans beaucoup d’imagination, qu’elle lui fit mal la vue de cet acier qui avait été si cruel à sa famille. […] Toutes ses impressions d’enfance se résumaient dans cette antipathie nerveuse que lui inspirait la vue des armes ; on pouvait y lire l’horreur de la guerre civile et le souvenir de l’échafaud de Fotheringay. […] La vie amène chaque jour mille complications auxquelles nous ne songions pas, et il arrive souvent qu’une chose conçue en vue d’un but déterminé nous sert à une autre fin, nous sert même quelquefois à une double fin.

1930. (1905) Propos de théâtre. Deuxième série

En vue d’ensemble, la grande dépression est vers le milieu du dix-huitième. […] Il a des changements à vue et des virements de bord incomparables. […] Par conséquent, lorsque nous le voyons s’éprendre à première vue de la petite Blanche Duquênoy, nous nous disons : « Comment donc ! […] Pas un instant de crainte ; pas le moindre signe d’incertitude ; pas un remords ; je l’ai vue se prêter sans aucune répugnance à cette longue horreur. […] Or, je vous demanderai si la fille qui complote avec deux scélérats est bien la femme suppliante que nous avons vue aux pieds de son mari.

1931. (1905) Études et portraits. Portraits d’écrivains‌ et notes d’esthétique‌. Tome I.

C’est, à mon avis, une des preuves les plus frappantes de la hauteur de vues d’Alfred de Vigny que d’avoir deviné cette valeur poétique du symbole. […] Et ne croyez pas qu’il y eût là un procédé ajusté en vue d’un certain effet. […] Comment la vue toujours plus présente du tombeau rapproché ? […] » Il y a une vue profonde dans la vieille théorie de la rhétorique vulgaire qui distribue la littérature en un certain nombre de genres. […] Il y a une vue générale des choses qui s’impose même aux plus indépendants, et par suite une psychologie collective que M. 

1932. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre II. Le théâtre. » pp. 2-96

. —  Je veux avoir pour maîtresse cette céleste Hélène que j’ai vue ces derniers jours, —  afin que de ses suaves caresses elle éloigne, sans en rien laisser, —  ces pensées qui me détournent de mon vœu. » — Divine Hélène, fais-moi immortel avec un baiser. —  Ses lèvres sucent mon âme, mon âme s’en va. —  Viens, Hélène, viens, rends-moi mon âme, —  j’habiterai là, le ciel est sur tes lèvres. —  Tout est boue qui n’est pas Hélène. » — « Ô mon Dieu, je voudrais pleurer, mais le démon retient mes larmes55. […] Et qu’est-ce que cette vue, si ce n’est la sympathie, la sympathie imitative, qui nous met à la place des gens, qui transporte leurs agitations en nous-mêmes, qui fait de notre être un petit monde, capable de reproduire le grand en raccourci ? […] Son frère lui envoie une bande de fous qui gambadent, et hurlent, et divaguent lugubrement autour d’elle, horrible vue capable de renverser la raison, et qui est comme un avant-goût de l’enfer. […] Le plus grand des observateurs, Stendhal, tout imprégné des mœurs et des idées italiennes et françaises, est stupéfait à cette vue.

1933. (1899) La parade littéraire (articles de La Plume, 1898-1899) pp. 300-117

La seconde, c’est de créer peu à peu, pour ceux-ci, un public vibrant, intelligent, de l’initier à des idées nouvelles, à des modes nouveaux d’expression, c’est de cingler sa curiosité, c’est d’éduquer ses sens et d’éclairer sa vue, c’est de façonner les oreilles des hommes, comme de belles coupes très pures, qui puissent recueillir les ondes les plus divines, ou qui soient dignes d’enclore encore le riche vin des rythmes. […] Le spectacle d’un marbre taillé l’émeut davantage que la vue d’un homme qui marche. […] La vue d’un homme qui s’apprête à boire, d’une femme qui sourit, d’une maisonnette qui s’égaye aux roses feux du jour, tout cela les enchante. […] L’aventure est toujours pareille, elle a eu lieu à chaque mouvement d’art et d’idée, et nous l’avons vue se produire hier à propos de M. 

1934. (1888) Impressions de théâtre. Première série

et je soutiens la vue De ce sacré soleil dont je suis descendue ! […] Durant quatre actes sur cinq, Bajazet est gardé à vue. […] Mais la mort, comme j’ai dit, il n’en a point peur ; il la connaît ; il vit avec elle ; depuis qu’il est au monde, il l’a vue assise à son chevet. […] La clairière des fées, la retraite de Titania, la vue d’Athènes au dernier tableau, sont comme des rêves réalisés, surtout si on regarde en fermant les yeux à demi. […] Au lieu des nymphes aux contours précis qui ne sont que des symboles gracieux, et que les anciens poètes ont inventées et n’ont point vues, voici les fées, les sylphes et les lutins, de petites créatures fuyantes, lunaires, qui peut-être vivent réellement dans les fourrés pleins de palpitations obscures, qu’on croit avoir vues et qu’on a vues, qui sait ?

1935. (1898) Essai sur Goethe

La première page que j’ai lue dans son œuvre me fit sien pour la vie ; et, quand j’eus achevé sa première pièce, je restai comme un aveugle de naissance qui a recouvré la vue en un instant, grâce à une main miraculeuse. […] Rappelez-vous les hymnes de Klopstock, les dithyrambes de Gleim ou de Fritz Jacobi, le ton des lettres de Goethe lui-même à quelques-uns de ses amis et à son amie — qu’il n’avait jamais vue — Auguste de Stolberg. […] En vain Eléonore et la princesse s’efforcent-elles de l’apaiser : il feint d’entrer dans leurs vues, il se prête au jeu d’une réconciliation, il écoute les sages avis d’Antonio et répond avec une apparente cordialité : la méfiance demeure dans son cœur. […] Mais Goethe s’était hâté de perdre de vue son modèle authentique : il traçait, selon sa fantaisie, le portrait idéal du Prince et, comme il était poète de cour, il émaillait sa description d’allusions aimables et de compliments flatteurs. […] Un homme de cinquante-huit ans, oublieux des quarante années qui le séparent d’une très jeune fille qu’il a vue grandir, n’offre point un beau spectacle : la passion qu’il éprouve, quelque sincère qu’elle soit ou quelque art qu’on mette à la décrire, aurait plus de chances de faire sourire que de faire pleurer.

1936. (1782) Essai sur les règnes de Claude et de Néron et sur la vie et les écrits de Sénèque pour servir d’introduction à la lecture de ce philosophe (1778-1782) « Essai, sur les règnes, de Claude et de Néron. Livre second » pp. 200-409

Elle a perdu subitement la vue : mais une chose incroyable et vraie, c’est qu’elle ignore qu’elle est aveugle, et ne cesse de prier son conducteur de la déloger d’une maison où l’on ne voit goutte. […] Où est-il, le mortel chéri dont la vue dissipait la tristesse de mon front, dont le sein recevait le dépôt de mes inquiétudes ? […] tu as envoyé à Polybe la plus grande des douleurs, à l’exception de la perte de César. » « Polybe est dans le deuil ; Polybe est dans la tristesse, et il jouit de la vue de César !  […] J’ai donné la préférence à celui-ci, non comme au plus beau, mais comme au plus analogue à nos vues. […] Lorsqu’un aristarque le louera de quelques avantages dans sa lutte avec Sénèque, et lui accordera des vues énergiques et même profondes, pourrait-il, en conscience, accepter cet éloge ?

1937. (1894) Critique de combat

Ne va pas prendre un dilettante du pessimisme, un adepte de la manière rosse pour un médecin qui scrute le mal en vue d’y apporter un remède ! […] Or nous cherchons en vain dans vos ouvrages des vues nettes sur les mesures qui peuvent acheminer vers la solution de la question sociale. […] C’est cette vue exclusive que je condamne. […] Il y a des vues neuves et même justes dans cet essai de critique psychologique et scientifique. […] Des choses vues et des échappées dans le rêve !

1938. (1896) Les Jeunes, études et portraits

Elle s’est réformée suivant les vues des penseurs du Conseil municipal. […] Voudrait-il par hasard qu’un chirurgien s’évanouît à la vue du sang et que l’émotion fit trembler la main de l’opérateur ? […] Le temps n’était-il pas venu de reposer notre vue sur des images moins pénibles ? […] L’esprit est fait d’observation, d’une vue nette et précise des choses, d’une aptitude à découvrir dans toutes les opinions et dans toutes les coutumes la part d’exagération et de mensonge. […] Mais en même temps la vue de l’enfant né de la faute lui est intolérable.

1939. (1898) Émile Zola devant les jeunes (articles de La Plume) pp. 106-203

C’est à cause de ces écrivains que l’on a pris une vue aussi restreinte, aussi mesquine du naturalisme. […] Désormais, de savoir que Juliette ou Elvire eussent pu devenir mères, cela ne nous offensera nullement, et la vue de la grossesse elle-même ne nous apparaîtra plus, j’en suis sûr, comme un spectacle antiesthétique. […] Mais, voyez-vous, mon cher critique, on l’a dit excellemment, — et c’est la sagesse des poètes qui l’affirme : Il n’y a que de beaux vers et de mauvais vers, — il n’y a que de bons et de mauvais écrivains que l’on reconnaît à leur don d’exprimer la vie, créée en eux, reflétée, ou vue simplement à travers leur tempérament particulier, — car les idées évoluant selon l’ombre ou la lumière des âges sont communes à tous les hommes, et le génie se révèle par l’empreinte qu’il laisse au front des mots choisis pour les formuler !

1940. (1888) Journal des Goncourt. Tome III (1866-1870) « Année 1866 » pp. 3-95

Alors je suis entré dans une maison, et je me suis senti transporté, comme par des changements à vue, de pièce en pièce, où des spectacles extraordinaires m’étaient donnés. […] » * * * — Les antipathies sont un premier mouvement et une seconde vue. […] Un petit pavillon ; dedans une femme que je n’aurais jamais vue et qui ressemblerait à un portrait que j’aurais vu dans un musée.

1941. (1911) Visages d’hier et d’aujourd’hui

Il fut amoureux du Nyza, fille de Glaucos, pour l’avoir vue, près d’une vasque de marbre, jeter du pain à ses colombes. […] Et il fallut grimper sur l’impériale, l’abbé Duchesne réclamant le grand air marin, la douce vue de la campagne bretonne et tout cet amusement d’une gaie promenade. […] bien, l’historien de l’Église a vu l’Église qui, malgré tout, triomphait ; il l’a vue, en définitive, plus forte que tous ses ennemis épars ou conjurés ; il l’a vue chancelante et qui ne tombait pas, mourante et qui ne mourait pas ; il l’a vue invincible : et, quand il eut à écrire les origines chrétiennes, c’est, sans l’avoir voulu, mais après l’avoir constaté, le poignant prélude d’une pérennité qu’il entreprenait. […] La finesse de votre vue permet que vous aperceviez la multiplicité des attributs qui rendent chaque chose un peu laide et surtout ravissante. […] Il les a vues différentes entre elles, plus ou moins gaies, plus ou moins effarées, plus ou moins gentilles, mais toutes, si je ne me trompe, soumises à leur sensibilité.

1942. (1884) La légende du Parnasse contemporain

Dis, te souvient-il de la tragédie Que nous avons vue un soir ? […] Orphée a été déchiré par les Ménades ; que pouvaient-elles faire de cet être incomplet qui inspirait assez de respect pour qu’on n’osât pas le mêler aux fêtes de l’ivresse, pas assez pour qu’on les interrompît à sa vue ? […] Car voici bien longtemps, voici Bien longtemps que je ne l’ai vue ! […] S’il lui arrive de peindre des choses qu’il a vues, il se gardera bien des tons violents. […] Il l’a vue.

1943. (1853) Portraits littéraires. Tome II (3e éd.) pp. 59-300

Barbier, et que l’auteur s’était proposé de sonder courageusement cette plaie profonde et saignante dont la seule vue suffit pour contenir l’orgueil de l’aristocratie anglaise ; nous nous étions trompé. […] Les poètes ont en vue l’expression de la beauté, tandis que les historiens se proposent la réalité, et les philosophes la vérité. […] Parce que Tacite s’est proposé de raconter, mais non d’inventer ; parce qu’il n’avait en vue que l’expression de la réalité, parce que la réalité la plus belle n’est pas un poème complet. […] La tragédie, en effet, chez quelque nation qu’on la prenne, en Grèce, en Italie ou en France, n’a en vue que la passion. […] Il pratique la volonté sur une échelle effrayante ; mais il ne perd jamais de vue un point quelconque de sa volonté pour se préoccuper étourdiment du point suivant.

1944. (1891) Esquisses contemporaines

La vue sérieuse de l’univers donne l’épouvante. […] Il croit au rôle et à la tâche de l’humanité sur la terre, et la vue du mal ne le laisse pas indifférent. […] Car, il faut le reconnaître, les choses sont vues de si haut et conduites si loin, le discours est mené avec un tel dédain des raisonnements intermédiaires, la connaissance des questions préalables est tellement supposée par l’auteur, que son livre ne s’adresse naturellement qu’à une élite assez restreinte de lecteurs : à ceux auxquels une intelligence très ouverte permet de goûter une manière d’écrire plus intuitive qu’analytique, très suggestive, et qui préféreront à l’enseignement du manuel la causerie géniale d’un maître écrivain et d’un maître penseur. […] Ce dernier, après une explication orageuse avec le pasteur Merle d’Aubigné, lui écrivit une lettre où il complétait l’exposition des vues auxquelles il était arrivé. […] La discussion, loin d’ébranler Scherer, le confirma dans ses vues.

1945. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. RODOLPHE TÖPFFER » pp. 211-255

Les cinq qu’il a publiées111 ont eu grand succès auprès des amateurs et connaisseurs ; je n’en pourrais donner idée à qui ne les a pas vues. […] Mais, au milieu des jeux folâtres et au sortir du bain qu’il prend en s’ébattant dans une petite anse, voilà tout d’un coup qu’à la vue d’un débris, ou, pour parler net, d’une carcasse de cheval étendue sur le sable, l’idée obscure de la mort se pose à lui pour la première fois : un vague frisson l’a saisi pour tout le reste du jour.

1946. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « PARNY. » pp. 423-470

Enfin, nous citerons encore la riche peinture de cette même vue d’après nature, par M. […] Je souhaite que celui-ci remplisse vos vues.

1947. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre IV. L’âge moderne. — Conclusion. Le passé et le présent. » pp. 424-475

On n’en a pas l’idée tant qu’on ne l’a pas vue. […] On n’imagine point, quand on ne l’a point vue, cette fraîcheur, cette innocence ; beaucoup d’entre elles sont des fleurs, des fleurs épanouies ; il n’y a qu’une rose matinale, avec son coloris fugitif et délicieux, avec ses pétales trempés de rosée, qui puisse en donner l’idée ; cela laisse bien loin la beauté du Midi et ses contours précis, stables, achevés, arrêtés dans un dessin définitif ; on sent ici la fragilité, la délicatesse et la continuelle poussée de la vie ; les yeux candides, bleus comme des pervenches, regardent sans songer qu’on les regarde ; au moindre mouvement de l’âme, le sang afflue aux joues, au col, jusqu’aux épaules, en ondées de pourpre ; vous voyez les émotions passer sur ces teints transparents comme les couleurs changer sur leurs prairies ; et cette pudeur virginale est si sincère, que vous êtes tenté de baisser les yeux par respect.

1948. (1863) Cours familier de littérature. XV « LXXXVe entretien. Considérations sur un chef-d’œuvre, ou le danger du génie. Les Misérables, par Victor Hugo (3e partie) » pp. 5-79

C’est une de ces scènes faites de rien, mais décrites avec la minutie savante de Meissonnier, et vues avec l’œil d’une mère, scènes à l’aide desquelles Hugo grave pour l’éternité dans l’œil et dans la mémoire de son lecteur une rencontre dont il veut qu’on se souvienne. […] Fantine avait tout de suite perdu de vue Favourite, Zéphine et Dahlia ; le lien brisé du côté des hommes s’était défait du côté des femmes ; on les eût bien étonnées, quinze jours après, si on leur eût dit qu’elles étaient amies ; cela n’avait plus de raison d’être.

1949. (1863) Cours familier de littérature. XV « LXXXVIIe entretien. Considérations sur un chef-d’œuvre, ou le danger du génie. Les Misérables, par Victor Hugo (5e partie) » pp. 145-224

Elle se dit qu’elle n’était sûre de rien, que se perdre de vue, c’était se perdre ; et l’idée que Marius pourrait bien lui revenir du ciel, lui apparut, non plus charmante, mais lugubre. […] « Dès qu’ils ne furent plus en vue, l’aîné se coucha vivement à plat ventre sur le rebord arrondi du bassin, et, s’y cramponnant de la main gauche, penché sur l’eau, presque prêt à y tomber, étendit avec sa main droite sa baguette vers le gâteau.

1950. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre II. L’époque romantique — Chapitre III. La poésie romantique »

C’est ce que vous trouverez encore dans cette Neuvième Époque de Jocelyn qui, à elle seule, serait un des plus beaux poèmes de notre langue : l’épisode des Laboureurs n’est pas un tableau de la vie rustique, c’est une ode magnifique au travail, distribuée largement en six couplets d’alexandrins, qui alternent avec des strophes lyriques ; la continuité sereine et forte du travail champêtre est partagée par le poète en six moments, où son regard se pose sur l’effort des hommes ; et, embrassant d’une vue leur œuvre, son âme s’envole aussitôt dans la méditation ou la prière. […] Lisez l’admirable début de Moïse, toute la Terre Promise vue du Nébo.

1951. (1831) Discours aux artistes. De la poésie de notre époque pp. 60-88

Mais tirer de la vue des forêts et des montagnes une inspiration créatrice, donner à l’habitation où les hommes se réunissent pour adorer le Dieu infini quelque chose de l’aspect de ces sublimes montagnes, et élever des temples qui s’harmonisent avec nos grands végétaux comme les petits temples de la Grèce s’harmonisaient avec les lentisques et les orangers, voilà l’art. […] Sa vue perçante saisit les lignes des montagnes et l’harmonie compliquée d’une cathédrale du Moyen-Âge.

1952. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre quatrième »

Il avait borné ses vues, c’est lui qui l’a dit, à la recherche de tout ce qui peut contribuer à la félicité temporelle de la vie. […] Si je regarde celles des Pensées qui touchent à la société, aux gouvernements, à la justice, aux grands, Pascal voit plus loin que Descartes, dont la politique est de s’accommoder de ce qui est établi ; plus loin que Bossuet, qui bornait ses vues à la monarchie absolue tempérée par des lois fondamentales.

1953. (1890) L’avenir de la science « X » pp. 225-238

Mais nous aurons la vue dogmatique de la nature humaine, nous plongerons dans l’Océan au lieu de nous baigner agréablement sur ses bords, et nous en rapporterons les perles primitives. […] La vue d’un Levantin excite en moi un sentiment des plus pénibles, quand je songe que cette triste personnification de la stupidité ou de l’astuce nous vient de la patrie d’Isaïe et d’Antar, du pays où l’on pleurait Thammouz, où l’on adorait Jéhovah, où apparurent le mosaïsme et l’islamisme, où prêcha Jésus !

1954. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 14 mars 1885. »

Qu’ils parlent de la nuit et du jour, de la syllabe « et », de mille choses invisibles, par eux vues, un même sentiment les tient ravis, l’amour cruel et fatal, et si doux chez le héros puissant, plus fougueux chez la reine, et plus lascif. […] Avouons que le poète a merveilleusement saisi le sens profond de l’époque et supérieurement concentré ses vues.

1955. (1856) Cours familier de littérature. II « XIe entretien. Job lu dans le désert » pp. 329-408

XV Encore, si le jour et l’heure de cette mort étaient connus et fixés d’avance, quelque courte que fût la vie, on pourrait prendre ses mesures, on proportionnerait ses pas à l’espace qui reste, on pourrait régler ses pensées sur son horizon ; on n’aurait pas de longues espérances pour un jour de durée, ni de courtes vues pour de longues années ; on pourrait aimer, travailler, construire à l’heure ; on pourrait resserrer ou élargir son sort à la mesure de son temps. […] « Petit charbon tombé d’un foyer de comète « Que sa rotation arrondit en planète, « Qui du choc imprimé continue à flotter, « Que mon œil oublierait aux confins de l’éther « Si, des sables de feu dont je sème ma nue, « Un seul grain de poussière échappait à ma vue ?

1956. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre X : De la succession géologique des êtres organisés »

., dont les vues générales aboutissent pourtant logiquement à de semblables conclusions. […] Enfin, lors même que les quelques espèces fossiles qui sont communes au vieux monde et au nouveau seraient retranchées de l’ensemble, le parallélisme général des autres formes successives de l’organisation, pendant les périodes paléozoïques et tertiaires, serait cependant évident à première vue et suffirait pour établir la corrélation des diverses formations.

1957. (1870) La science et la conscience « Chapitre III : L’histoire »

Si cette science nouvelle en est restée avec Vico à des vues fort incomplètes, comme par exemple la loi des ricorsi, qui fait tourner l’humanité dans un même cercle, au lieu d’en montrer le développement progressif à travers la série de cercles analogues qu’elle parcourt, c’est que son érudition n’est encore ni assez étendue ni assez exacte. […] Michelet, ne s’en est tenu à cette vue superficielle de la réalité.

1958. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Lettres sur l’éducation des filles, par Mme de Maintenon » pp. 105-120

C’est pendant sa maladie et sa convalescence en 1686, que le roi entre de plus en plus dans l’idée de Saint-Cyr, qu’il la prend à cœur, l’adopte tout entière et se l’approprie magnifiquement : Dieu sait, écrivait Mme de Maintenon en octobre 1686 à l’une des dames de Saint-Louis, Dieu sait que je n’ai jamais pensé à faire un aussi grand établissement que le vôtre, et que je n’avais point d’autres vues que de m’occuper de quelques bonnes œuvres pendant ma vie, ne me croyant point obligée à rien de plus, et ne trouvant que trop de maisons religieuses ; moins j’ai eu de part à ce dessein et plus j’y reconnais la volonté de Dieu, ce qui me le fait beaucoup plus aimer que si c’était mon ouvrage : il a conduit le roi à cette fondation, comme vous l’avez su, lui qui, de son côté, ne veut plus souffrir de nouveaux, établissements.

1959. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Les Chants modernes, par M. Maxime du Camp. Paris, Michel Lévy, in-8°, avec cette épigraphe. « Ni regret du passé, ni peur de l’avenir. » » pp. 3-19

À la fin d’une tournée en Écosse, et après en avoir noté en vers les principales circonstances pittoresques, le poète des lacs, revenant au monde du dedans et maintenant à l’esprit sa prédominance vivifiante, disait pour conclusion : Il n’y a rien de doux comme, avec les yeux à demi baissés, de marcher à travers le pays, qu’il y ait un sentier tracé ou non, tandis qu’une belle contrée s’étend autour du voyageur sans qu’il s’inquiète de la regarder de nouveau, ravi qu’il est plutôt de quelque douce scène idéale, œuvre de la fantaisie, ou de quelque heureux motif de méditation qui vient se glisser entre les belles choses qu’il a vues et celles qu’il verra.

1960. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Fanny. Étude, par M. Ernest Feydeau » pp. 163-178

Sa tristesse et sa distraction se dissipèrent : elle ne résista plus au charme secret que répandait dans son âme la vue du bonheur que je lui devais ; et quand nous sortîmes de table, nos cœurs étaient d’intelligence comme si nous n’avions jamais été séparés.

1961. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Histoire du Consulat et de l’Empire, par M. Thiers (tome xviie ) » pp. 338-354

Au milieu des plus formidables difficultés et dans une situation extrême, la netteté des vues, leur promptitude, leur multiplicité (chaque jour et chaque heure en demandant de nouvelles), l’à-propos et la perfection de l’exécution avec des moyens tels quels, tronqués et insuffisants ; le nerf et la vigueur dans leur dernière précision, une célérité qui suppléait au nombre ; une vigilance de tous les instants ; l’infatigable prodigalité de lui-même ; non seulement la constance, cette vertu des forts, mais l’espérance, ce rayon de la jeunesse, tout cela lui était, je ne dirai pas revenu (car tout cela appartenait de tout temps à sa nature), mais rendu au complet et à la fois, s’était renouvelé, réexcité en lui, et se couronnait d’une suprême flamme.

1962. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Le général Joubert. Extraits de sa correspondance inédite. — Étude sur sa vie, par M. Edmond Chevrier. — I » pp. 146-160

Mais il y a ceci de particulier en Joubert, que s’il fait la guerre avec tant d’ardeur, il a en vue la paix.

1963. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Lettres de Madame de Sévigné »

Vous vous étiez fait votre Sévigné chérie, vous la vouliez telle pour toujours que vous l’aviez vue une première fois : y rien changer vous semblait une inconvenance et presque un sacrilège.

1964. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Campagnes de la Révolution Française. Dans les Pyrénées-Orientales (1793-1795) »

Dans l’histoire des guerres comme dans celle des littératures, il y a des moments et des heures plus favorisées ; le rayon de la gloire tombe où il lui plaît ; il éclaire en plein et dore de tout son éclat certains noms immortels et à jamais resplendissants : le reste rentre peu à peu dans l’ombre et se confond par degrés dans l’éloignement ; on n’aperçoit que les lumineux sommets sur la grande route parcourue, on a dès longtemps perdu de vue ce qui s’en écarte à droite et à gauche, et tous les replis intermédiaires : et ce n’est plus que l’homme de patience et de science, celui qu’anime aussi un sentiment de justice et de sympathie humaine pour des générations méritantes et non récompensées, ce n’est plus que le pèlerin de l’histoire et du passé qui vient désormais (quand par bonheur il vient) recueillir les vestiges, réveiller les mémoires ensevelies, et quelquefois ressusciter de véritables gloires.

1965. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Mémoire de Foucault. Intendant sous Louis XIV »

— Notre Foucault, fils aîné de cet original, qui avait pourtant, au milieu de toutes, ses rugosités, des coins de tendresse, fut parfaitement élevé, en vue des offices publics et des bienfaits du roi.

1966. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « M. Octave Feuillet »

Jeune, on lit tout naturellement les romans de sa jeunesse ; on en lit à tort et à travers, on lit tout : mur, on peut ne pas perdre de vue et suivre encore avec intérêt ce genre agréable chez ceux qui mûrissent avec nous et qui ne font que continuer.

1967. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Don Quichotte. »

» Plus de quarante ans après, lorsque Cervantes eut fait la première partie de Don Quichotte et qu’un intrus s’avisa de la continuer en voulant lui ravir sa gloire, ce continuateur pseudonyme eut la malheureuse pensée d’insulter non-seulement à la vieillesse du noble et original écrivain, mais encore à son infirmité, à sa blessure, et de dire, en parlant au singulier de sa main et avec intention, « qu’il avait plus de langue que de mains. » Sur quoi Cervantes, dans la préface de la seconde partie de Don Quichotte, répliqua : « Ce que je n’ai pu m’empêcher de ressentir, c’est qu’il m’appelle injurieusement vieux et manchot, comme s’il avait été en mon pouvoir de retenir le temps, de faire qu’il ne passât point pour moi, ou comme si ma main eût été brisée dans quelque taverne, et non dans la plus éclatante rencontre qu’aient vue les siècles passés et présents, et qu’espèrent voir les siècles à venir.

1968. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Les cinq derniers mois de la vie de Racine »

Mais l’obstacle qu’elle trouvait à ce bonheur parfait dans le sacrifice la détermina autrement et lui permit d’entrer dans les vues de son père.

1969. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Mémoires du comte Beugnot »

Ceux qui ne l’aimaient pas, ceux qui prétendaient qu’il avait tourné trop tôt casaque au régime qu’il avait servi, et qu’il faisait trop aisément bon marché de cette sorte de pusillanimité plus en vue chez lui que chez d’autres, allaient jusqu’à dire que « c’était l’âme d’Arlequin dans le corps d’Alcide (ou d’Achille). » Je remarquerai simplement que M. 

1970. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Le comte de Clermont et sa cour, par M. Jules Cousin. (Suite.) »

« Il arrive au vieux Louvre, nous dit M. de Luynes, sans être attendu, et il entre dans une salle sans savoir où il était ; il reconnaît que c’est l’Académie des Sciences ; il sort au plus tôt et arrive enfin à l’Académie française ; il prend place auprès de l’abbé Alary ; le directeur, qui est M. de Saint-Aignan, n’y était point. » Collé, qui nous complète, dit que Mirabaud présidait ce jour-là ; il tenait du moins le bureau en qualité de secrétaire perpétuel : à la vue du soudain confrère qui faisait son apparition, il ne quitta point le fauteuil pour le lui donner.

1971. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Sur la reprise de Bérénice au Théâtre-Français »

Il y a moins de désaccord qu’on ne le supposerait, entre les vues de la jeunesse et celles de la maturité.

1972. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Léonard »

Il s’agit de pénétrer ses vues, de s’assurer que le secours, si on le donne, sera bien affecté à l’emploi promis.

1973. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre XVII. De la littérature allemande » pp. 339-365

Mais je n’en connais point qui renferme une peinture plus frappante et plus vraie des égarements de l’enthousiasme, une vue plus perçante dans le malheur, dans cet abîme de la nature, où toutes les vérités se découvrent à l’œil qui sait les y chercher.

1974. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre I. Littérature héroïque et chevaleresque — Chapitre IV. Poésie lyrique »

Cet homme de Schopenhauer, « qui n’aurait été conduit ni par son expérience personnelle, ni par des réflexions suffisamment profondes, jusqu’à reconnaître que la perpétuité des souffrances est l’essence même de la vie ; qui au contraire se plairait à vivre, qui dans la vie trouverait tout à souhait ; qui de sens rassis consentirait à voir durer sa vie telle qu’il l’a vue se dérouler, sans terme, on à la voir se répéter toujours ; un homme chez qui le goût de la vie serait assez fort pour lui faire trouver le marché bon, d’en payer les jouissances au prix de tant de fatigues et de peines dont elle est inséparable », cet homme-là ne se répandrait guère en chants lyriques ; et cet homme-là, c’est nous.

1975. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre III. Les grands artistes classiques — Chapitre V. La Fontaine »

En son léger et clair langage d’homme du monde, il a laissé couler dans quelques pièces et dans quelques lettres une fine tristesse, sans éclat et sans espoir, dont l’emplissaient la vue de la vanité des choses, le sentiment de l’irrévocable passé, de son être, tout entier ; pour jamais écoulé, et par ces douces sensations même où il aspirait.

1976. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre VIII. Les écrivains qu’on ne comprend pas » pp. 90-110

A-t-on en vue les joyeusetés néologiques si savoureuses de Romain Coolus ou de Raoul Ponchon ?

1977. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXXII » pp. 355-377

Le bâtiment s’élève à vue d’œil.

1978. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Raphaël, pages de la vingtième année, par M. de Lamartine. » pp. 63-78

L’auteur, en essayant d’appliquer à son héros le type de beauté du grand peintre d’Urbin, a oublié une seule chose ; c’est que la première, la souveraine impression que fait sur nous la vue d’une figure de Raphaël, est une impression de pureté virginale et de chasteté.

1979. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Marie-Antoinette. (Notice du comte de La Marck.) » pp. 330-346

Bien qu’elle ne vît jamais toute l’étendue de ces inconvénients, elle en aperçut pourtant quelque chose ; elle sentait que là où elle cherchait le repos et le délassement du rang suprême, elle retrouvait encore une obsession intéressée, et quand on lui faisait remarquer qu’elle témoignait souvent trop de préférence à des étrangers de distinction qui passaient en France, et que cela pouvait lui nuire auprès des Français : « Vous avez raison, répondait-elle avec tristesse, mais ceux-là du moins ne me demandent rien. » Quelques-uns des hommes qui, admis dans cette intimité et cette faveur de la reine, étaient obligés à plus de reconnaissance et de respect, furent les premiers à parler d’elle avec légèreté, parce qu’ils ne la trouvaient pas assez docile à leurs vues.

1980. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Pensées de Pascal. Édition nouvelle avec notes et commentaires, par M. E. Havet. » pp. 523-539

Havet, sur un seul point, et montrer comment, malgré tous les changements survenus dans le monde et dans les idées, malgré la répugnance que causent de plus en plus certaines vues particulières à l’auteur des Pensées, nous sommes aujourd’hui dans une meilleure position pour sympathiser avec Pascal qu’on ne l’était du temps de Voltaire ; comment ce qui scandalisait Voltaire dans Pascal nous scandalise moins que les belles et cordiales parties, qui sont tout à côté, ne nous touchent et ne nous ravissent.

1981. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Monsieur Walckenaer. » pp. 165-181

Patin, a discuté dans trois articles du Journal des savants 21 plusieurs des vues et des explications du biographe.

1982. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre IV : La philosophie — II. L’histoire de la philosophie au xixe  siècle — Chapitre I : Rapports de cette science avec l’histoire »

Sans doute les événements extérieurs ont un éclat qui frappe tous les yeux ; mais pour ceux qui aiment la pensée, quel plus grand événement qu’une grande idée, une vue originale sur la nature des choses ?

1983. (1824) Notes sur les fables de La Fontaine « Livre douzième. »

Mademoiselle de Montpensier, qui ne la connaissait pas, qui même ne l’avait jamais vue, dit, dans ses Mémoires, que le « marquis de Lafare et nombre d’autres passaient leur vie chez une petite bourgeoise, savante et précieuse, qu’on appelait madame de la Sablière. » Cela veut dire seulement, en style de princesse, que madame de la Sablière avait de l’esprit et de l’instruction, qu’elle voyait bonne compagnie à Paris, et n’avait pas l’honneur de vivre à la cour.

1984. (1876) Du patriotisme littéraire pp. 1-25

Cependant cette France qu’André Chénier célébrait en vers larges et mélodieux, ce n’était encore que la France extérieure en quelque sorte, vue et décrite à la surface, le corps de la France qu’il appartient au poète d’admirer et de faire admirer, mais qui n’est pas la France tout entière.

1985. (1899) Psychologie des titres (article de la Revue des Revues) pp. 595-606

Et l’on pourrait croire que ce sont des brochures écrites sérieusement et en vue d’édifier les fidèles, si le témoignage de Pellisson2 n’était là pour affirmer que ce furent de simples parodies.

1986. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XIX. Mme Louise Colet »

Mme Colet, sur la fin de sa vie, s’accrocha à l’histoire ; et comme on suspend une robe à un clou, suspendit sa médiocrité à des événements contemporains, qui allaient la mettre en vue, puisqu’ils étaient contemporains.

1987. (1911) Lyrisme, épopée, drame. Une loi de l’histoire littéraire expliquée par l’évolution générale « Chapitre III. Contre-épreuve fournie par l’examen de la littérature italienne » pp. 155-182

Il est à première vue l’expression monumentale du moyen âge de Florence et de la théologie ; il est davantage encore, et les Italiens le savent bien, le poète de la nation italienne et de l’humanité

1988. (1936) Réflexions sur la littérature « 6. Cristallisations » pp. 60-71

Quand il veut faire travailler à Pauline La logique de Condillac, lui faire apprendre par coeur L’art poétique de Boileau, dont il dira ensuite pis que pendre, ses conseils partent évidemment d’un fonds moins important, moins vraiment stendhalien que lorsqu’il veut lui faire prendre, en 1805, l’habitude d’analyser les personnes qui l’entourent (« l’étude est désagréable, mais c’est en disséquant des malades que le médecin apprend à sauver cette beauté touchante ») ou lorsqu’il contracte dans ses premières relations montaines l’aptitude à traduire par une algèbre psychologique les valeurs les unes dans les autres (" notre regard d’aigle voit, dans un butor de Paris, de combien de degrés il aurait été plus butor en province, et, dans un esprit de province, de combien de degrés il vaudrait mieux à Paris. " ) c’est à cette époque que Stendhal s’accoutume (héritier ici de Montesquieu qui ne paraît point, je crois, dans ses lectures) à rattacher instantanément un trait sentimental à un état social, à mettre en rapport par une vue rapide le système politique d’un pays avec ses façons de sentir.

1989. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre XIV. »

Enfin un curieux témoignage à la gloire de ce vieux poëte de la république, c’est le brillant abréviateur de l’histoire romaine, le flatteur de l’empire, Velléius Paterculus, écrivant, à une des dates mémorables de son récit : « Dans le cours de cette même époque169, parurent les rares génies d’Afranius dans la comédie romaine, de Pacuvius et d’Accius dans la tragédie, d’Accius élevé jusqu’à l’honneur de la comte paraison avec les Grecs, et digne de se faire une si grande place parmi eux qu’il soit presque impossible de ne pas reconnaître, chez eux plus de perfection, et chez lui plus de verve. » Alors même que cet éloge expressif était arraché au bon goût de Velléius, l’éclat du siècle d’Auguste, l’urbanité nouvelle et aussi les précautions politiques de son règne avaient, selon toute apparence, bien éloigné de la mémoire et de la vue des spectateurs romains les drames de la vieille école.

1990. (1856) Articles du Figaro (1855-1856) pp. 2-6

Non seulement l’historien des Bourgeois de Molinchart, dont la vue ne pénètre pas au-delà de l’écorce extérieure des choses, reproduit dans toute leur sécheresse glaciale les événements de la vie réelle, il n’en voit encore qu’une partie et la moins digne d’attention. […] J’ouvre au hasard, et je rencontre les phrases suivantes : « Julien ne pouvait quitter la vue de ces arbres qui étaient sous sa fenêtre. […] Malgré cela, la galerie du foyer de l’Odéon est bien loin d’être aujourd’hui ce que nous nous souvenons de l’avoir vue il y a plusieurs années : quelque chose comme la capitale de la Béotie de la palette, une sorte d’exutoire de toutes les immondices d’atelier, à l’usage des rapins excommuniés des expositions publiques. […] Je n’ai d’ailleurs en vue, dans cette courte esquisse, que le personnel féminin du second théâtre français ; voilà le musée dont je m’institue le cicérone, et je veux bien déclarer par avance, mais sous bénéfice d’examen, que le talent de ces dames ne brille pas d’un moindre éclat que leur beauté. […] À l’heure des évanouissements tragiques, tombe-t-elle dans les bras de madame Dessains, le parterre la perd de vue : les bras de sa confidente la suppriment complètement.

1991. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre VI. Milton. » pp. 411-519

Il avait perdu la vue, volontairement, en écrivant, quoique malade, et malgré la défense des médecins, pour justifier le peuple anglais contre les invectives de Saumaise. […] Si dans cet acte, le plus consommé de son zèle et de sa maturité, nul âge, nulle diligence, nulle preuve antérieure de capacité ne peut l’exempter de soupçon et de défiance, à moins qu’il ne porte toutes ses recherches méditées, toutes ses veilles prolongées, toute sa dépense d’huile et de labeur sous la vue hâtive d’un censeur sans loisir, peut-être de beaucoup plus jeune que lui, peut-être de beaucoup son inférieur en jugement, peut-être n’ayant jamais connu la peine d’écrire un livre, —  en sorte que, s’il n’est pas repoussé ou négligé, il doive paraître à l’impression comme un novice sous son précepteur, avec la main de son censeur sur le dos de son titre, comme preuve et caution qu’il n’est pas un idiot ou un corrupteur, —  ce ne peut être qu’un déshonneur et une dégradation pour l’auteur, pour le livre, pour les priviléges et la dignité de la science464. » Ouvrez donc toutes les portes ; que le jour se fasse, que chacun pense et jette sa pensée à la lumière ! […] Il me semble la voir comme un aigle qui revêt son héroïque jeunesse, qui allume ses yeux inéblouis dans le plein rayon du soleil, qui arrache les écailles de ses paupières, qui baigne sa vue longtemps abusée à la source même de la splendeur céleste, pendant que tout le ramas des oiseaux craintifs et criards, et aussi ceux qui aiment le crépuscule, voltigent à l’entour, étonnés de ce qu’il veut faire, et, dans leurs croassements envieux, tâchent de prédire une année de sectes et de schismes467. » C’est Milton qui parle, et, sans le savoir, c’est Milton qu’il décrit. […] Sont-ce là « les choses que l’œil n’a point vues, que l’oreille n’a point entendues, que le cœur n’a point rêvées ? 

1992. (1938) Réflexions sur le roman pp. 9-257

Elle l’altère en vue d’un effet total à produire, qui sera la supériorité de tel principe sur tel autre. » Seulement, M.  […] Phrase personnelle, illogique certes dans un roman qui veut être tout objectif, mais combien précieuse ouverture sur l’idéal d’art en vue duquel l’expérience précise et actuelle n’est qu’un moyen ! […] Une géographie et une cartographie de marins ne ressemblent pas du tout à une géographie et à une cartographie de terriens : les vues de côtes et les vues de continents ne se raccordent que lorsqu’on a compris (voyez Bérard) l’optique des unes et des autres. […] Marcel Proust, qui ont trouvé de nouvelles formes, ne les ont pas vues dans cette direction. […] Derrière le rideau de son parloir nous ne voyons pas plus Geneviève que son père ne l’a vue : qui sait si elle n’a pas emporté son désespoir dans la mort ?

1993. (1854) Causeries littéraires pp. 1-353

Ernest, mon mari… il me trahit pour une péronnelle que vous avez peut-être vue à la première représentation de Sophie Cruvelli, éblouissante de diamants… « la comtesse. […] On cherche parfois en vertu de quelle loi providentielle ou politique la société s’est vue tout à coup transportée des sphères les plus riantes de la civilisation, de l’intelligence et du goût, au penchant des plus sombres abîmes. […] nous sommes tous distingués. » Cette guerre aux supériorités de l’esprit, que nous avons vue se renouveler sous nos yeux, est le dernier mot des démagogies triomphantes, et le châtiment des intelligences supérieures qui ont préparé leur triomphe. […] Tout à coup (mais ici j’ai honte d’être forcé d’abréger ce prestigieux récit) M. de Narbonne se jette brusquement dans la voiture la main appuyée sur son front large et chauve, et comme repassant d’une seule vue intérieure tout ce qu’il venait d’entendre : « Quel homme ! […] On est entre Bedlam et le Panthéon. » C’est qu’en effet la conversation qui venait de se terminer, et que le narrateur nous rapporte d’après d’indélébiles souvenirs, avait ressemblé à ces cimes alpestres d’où la vue, fascinée, éperdue, est tour à tour attirée vers le ciel et vers les abîmes, et où l’on ne sait pas si l’on va s’élever jusqu’aux astres ou se précipiter dans un gouffre.

1994. (1765) Articles de l’Encyclopédie pp. 11-15754

Du Marsais Articles de l’Encyclopédie Compilation établie à partir de l’édition numérisée de l’ARTFL A A, a & a s.m. (ordre Encyclopéd. Entend.

1995. (1887) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Troisième série pp. 1-326

Il est vrai que l’on ne voit pas bien de quel prince Pascal eût pu songer à faire l’éducation ; que Nicole ne dit point que Pascal eût « une vue » sur cet objet, mais bien « des vues » sur le sujet, ce qui n’est pas tout à fait la même chose ; et qu’enfin cette note « jusqu’ici presque inaperçue », M.  […] Dans le même avant-propos où Nicole nous a parlé des vues de Pascal sur l’éducation d’un prince, il s’étonne que, parmi les papiers de Pascal, on n’ait rien trouvé qui « regardât expressément cette matière ». […] Ce n’est pas l’avoir vue que de l’avoir vue sur terre ; l’eau agitée est bien plus favorable à sa beauté. […] La vue est charmante, les jardins tels que je les aime. […] De la littérature on l’a vue passer dans les mœurs.

1996. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre quatrième. La connaissance des choses générales — Chapitre III. Le lien des caractères généraux ou la raison explicative des choses » pp. 387-464

. — Vues des historiens. — Théorie générale de l’évolution. — Lacunes. — Progrès journalier qui les remplit. — La formation d’un composé s’explique par les propriétés de ses éléments et par les caractères des circonstances antécédentes. — L’intermédiaire explicatif est le même dans ce cas et dans les cas précédents. […] Mais cette fonction elle-même est déterminée par les autres qui contribuent avec elle à un effet total ; d’où il suit que les organes se déterminent les uns les autres en vue d’un effet total. […] Mais ces molécules, personne ne les a vues ni ne peut les voir ; on ignore leur forme, leur poids, leur distance, leur situation mutuelle, la grandeur des forces attractives et répulsives qui les maintiennent en équilibre, l’amplitude et la vitesse des vibrations qu’on leur suppose autour d’un centre d’oscillation supposé.

1997. (1894) Journal des Goncourt. Tome VII (1885-1888) « Année 1885 » pp. 3-97

Il peint les choses lui tombant sous la vue, des hommes, des femmes, des paysages, des étoffes, que sais-je, mais, il va très peu chercher les motifs de sa palette dans les bouquins. […] Puis il se met à immoler Lamartine au profit d’Hugo, parlant de son enfermement dans ses idées, du rigorisme de ses principes, de sa maladroite conduite, qui lui a fait une vieillesse maussade, solitaire, tandis que la conduite d’Hugo lui a valu les funérailles, que nous avons vues. […] Chez moi, cette mémoire n’a rien du ressouvenir des choses réellement vues, c’est plutôt comme la réminiscence de choses rêvées.

1998. (1895) Journal des Goncourt. Tome VIII (1889-1891) « Année 1891 » pp. 197-291

Et à propos de la révolution opérée dans les esprits, Daudet cite ce fait curieux, c’est qu’autrefois la classe chic des humanités françaises était la classe de rhétorique, la classe des professeurs en vue et des élèves destinés à un grand avenir, tandis que depuis la guerre avec l’Allemagne, c’est la classe de philosophie qui possède les intelligences du moment, et les professeurs faisant du bruit, comme Burdeau. […] Les amours des chats étant extérieurs ne leur tombent pas sous la vue, tandis qu’on craint que la grossesse, la mise bas, la maternité des chattes, puissent éveiller la curiosité de l’amour chez ces femmes. […] Du reste, le marchand oriental a toujours été un peu cachottier de ses choses à vendre, et peu désireux de les laisser voir, sachant que les choses vues par trop de monde, perdent une partie de leur valeur.

1999. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Ma biographie »

Il vint nous demander à tous, qui étions déjà plus ou moins en vue, de lui prêter concours, et c’est ainsi que j’entrai à la Revue des Deux Mondes, où je devins l’un des plus actifs bientôt et des plus utiles coopérateurs. […] Sainte-Beuve nous a souvent raconté dans quelles circonstances il avait fait connaissance de l’un de ses oncles paternels : c’était la première personne qu’il avait vue en arrivant à Paris, en 1818.

2000. (1861) Cours familier de littérature. XI « LXVe entretien. J.-J. Rousseau. Son faux Contrat social et le vrai contrat social (1re partie) » pp. 337-416

Que devins-je à cette vue ? […] Quelle infaillibilité de vues que ses hallucinations !

2001. (1865) Cours familier de littérature. XX « CXVIIe entretien. Littérature américaine. Une page unique d’histoire naturelle, par Audubon (1re partie) » pp. 81-159

Schœlcher et au gouvernement rallié à mes vues, finit par l’abolir ; elle eut seulement le tort de trop économiser sur l’indemnité, mais, malgré cette parcimonie de vertu, elle n’eut qu’à se féliciter de son courage. […] Il a passé les nuits à la belle étoile, au pied de l’arbre qui logeait dans ses rameaux le peuple dont il venait étudier les mœurs et que jamais il n’a perdu de vue.

2002. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 mai 1885. »

Car, maintenant, les apparences extérieures avaient, devant lui, complètement disparu, non parce que la cécité lui avait caché leur vue, mais parce que la Surdité les avait, à jamais, éloignées de ses oreilles. […] À celui qui aurait pu, alors, voir Beethoven avec l’œil d’un Tirésias, quel extraordinaire prodige eut été révélé : la vue d’un Univers s’étendant sous l’Homme — le Moi profond de l’Univers et de l’Homme !

2003. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 juillet 1885. »

Si Dante, pour nous faire concevoir les béatitudes des dernières sphères du paradis en même temps que leur beauté, compara les chœurs des âmes bienheureuses groupées et pressées en innombrables multitudes, aux feuilles d’une rose s’inclinant toutes vers le même centre, nous oserons peut-être dire, ne pouvant traduire que par une autre image l’impression laissée par ce chant qu’on croirait descendre des mystérieuses hauteurs de l’Empyrée, qu’elle ressemble à l’ascétique ivresse que produirait sans doute en nous la vue de ces fleurs mystiques des célestes séjours, qui sont tout âme, toute divinité, et répandent un frémissant bonheur autour d’elles. […] 3° Bayreuth (histoire du théâtre de Richard Wagner à Bayreuth), par Edouard Dujardin, avec la vue intérieure du théâtre de Bayreuth.

2004. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « VI »

Le théâtre ordonnait pour la perception d’un spectacle l’usage de toutes les facultés humaines, un morcellement du travail sensationnel ; mais la vue, seule sollicitée, dès lors accaparant la majorité des forces sensitives de l’être, combien puissante serait-elle à percevoir ce qu’elle perçoit de la vie ! […] Donc Siegfried achevé ; des pages purement musicales à côté des pages combinées de disparates éléments en vue d’un drame anecdotique.

2005. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre premier. La sensation, dans son rapport à l’appétit et au mouvement — Chapitre premier. La sensation »

Au contraire, quand il s’agit, 3° de différences entre deux sensations de différentes classes, comme la vue et l’ouïe, la différence des impressions ne constitue pas elle-même une représentation distincte et particulière de différence. […] Bien loin que le mouvement suffise à tout expliquer sans la sensation, qui ne serait ainsi qu’une lumière surajoutée, le plus probable, d’après les indications tirées de la psychologie, c’est que l’élément sensationnel existe déjà jusque dans les mouvements qui semblent les plus insensibles ; que la sensation distincte, au lieu de se produire à côté et à part du mouvement, dans je ne sais quel monde de purs reflets, est la simple accumulation et amplification de ce qui existait déjà dans le processus réel et intime des choses : le mouvement n’en est que la forme extérieure, la traduction pour les sens de la vue et du toucher.

2006. (1886) Quelques écrivains français. Flaubert, Zola, Hugo, Goncourt, Huysmans, etc. « Gustave Flaubert. Étude analytique » pp. 2-68

Le pessimisme que provoquait en lui la nostalgie du beau et la vue d’êtres et d’objets sans noblesse, se compliquait de celui qui affecte tous les artistes, l’acuité » pour ressentir la souffrance que cause l’excès général et délicat de la sensibilité, le pessimisme sociologique, « l’indignation » à propos de tout que donne aux grandes intelligences la vue de la bêtise se passant d’eux pour se mal conduire, la lassitude qu’implique chez l’artiste moderne sa vie d’être inutile, spolié de tout, intérêt humain4.

2007. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « III. M. Michelet » pp. 47-96

Michelet réduirait l’un des plus grands hommes de l’Histoire de France, et celui-là précisément dont la vie fut le plus navrée, car la toute-puissance n’en cache qu’aux vues faibles les humiliations, les dévouements et les douleurs ! VI Malheureusement, les vues faibles sont un peu tout le monde en histoire, et M. 

2008. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Edgar Poe »

C’est la chose la plus merveilleuse que vous ayez jamais vue. » Tout accoutumé qu’il fût aux excentricités de son ami Legrand, Poe fut frappé de l’exaltation de sa parole quand il parla de ce scarabée, que Jupiter, aussi exalté que son maître, disait, dans son langage de nègre : « être d’or, d’or massif, dedans et tout, excepté les ailes », et qui pesait autant que s’il avait été de métal. […] À cette vue, Legrand, ému, arracha le papier des mains de son ami, l’enferma sous clef et tomba dans une rêverie inexplicable, que Poe, effrayé, n’osa pas troubler en l’interrogeant.

2009. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Le Roman de Renart. Histoire littéraire de la France, t. XXII. (Fin.) » pp. 308-324

— Et comment l’avez-vous vue ?

2010. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Marivaux. — II. (Fin.) » pp. 364-380

Tous ceux qui ont vu et connu Mme Balletti, dite au théâtre et dans la société Silvia, ont parlé d’elle comme parlent de Mlle Mars ceux qui l’ont vue à quinze ans : « Action, voix, esprit, physionomie, maintien, et une grande connaissance du cœur humain », Silvia possédait tout cela.

2011. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Sénac de Meilhan. — I. » pp. 91-108

La surface en est fort étendue : il y a des idées positives et d’un homme d’administration, il y a des vues d’homme politique et de philosophe : ce qui paraît manquer, c’est le lien exact et la cohésion de toutes ces parties.

2012. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Le président Jeannin. — III. (Fin.) » pp. 162-179

Il se préparait à aller jouir du repos en sa maison de Montjeu près d’Autun, et d’où l’on a une des plus belles vues sur la ville et le pays, lorsqu’il mourut à Paris, le 31 octobre 1622. disent toutes les biographies ; cependant, comme il y a des lettres de lui qu’on présente comme datées des deux premiers mois de 1623, j’incline à croire que la vraie date de sa mort est des derniers jours de février ou peut-être de mars de cette même année.

2013. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Journal du marquis de Dangeau — I » pp. 1-17

La Bruyère en fait un type de toute l’espèce : « Un Pamphile est plein de lui-même, ne se perd pas de vue, ne sort point de l’idée de sa grandeur, de ses alliances, de sa charge, de sa dignité ; il ramasse, pour ainsi dire, toutes ses pièces, s’en enveloppe pour se faire valoir.

2014. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « La Divine Comédie de Dante. traduite par M. Mesnard, premier vice-président du Sénat et président à la Cour de cassation. » pp. 198-214

Lié à l’Italie par des amitiés illustres, en commerce familier avec des hommes tels que Monti et Manzoni, il s’initia par eux aux beautés de Dante (car encore une fois il faut un initiateur quand on aborde Dante à première vue) ; mais il joignit à ces indications exquises du goût italien tout un lent accompagnement de preuves, de faits et d’inductions convergentes, qui remettaient Dante en action et debout au milieu de son siècle, non plus comme une singularité ni comme une bizarrerie, mais bien au contraire comme un résumé plein d’harmonie et comme un merveilleux couronnement.

2015. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Œuvres inédites de P. de Ronsard, recueillies et publiées par M. Prosper Blanchemain, 1 vol. petit in-8°, Paris, Auguste Aubry, 1856. Étude sur Ronsard, considéré comme imitateur d’Homère et de Pindare, par M. Eugène Gandar, ancien membre de l’École française d’Athènes, 1 vol. in-8°, Metz, 1854. — II » pp. 76-92

Il y a des tons qui crient et que ne suffisent pas à racheter d’agréables vers, tels que ceux-ci : Quant à moi, j’aime mieux ne manger que du pain Et boire d’un ruisseau puisé dedans la main, Sauter ou m’endormir sur la belle verdure, Ou composer des vers près d’une eau qui murmure… Mais, quelques vers plus haut, il était question d’un crocheteur qui, rien qu’à l’entendre nommer, me gâte cette vue champêtre.

2016. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Tallemant et Bussy ou le médisant bourgeois et le médisant de qualité » pp. 172-188

Même à l’époque de la corruption commencée, ils avaient la mesure des grandes choses et la vue nette des plus belles ; ils avaient Virgile sous les yeux, et Homère à l’horizon.

2017. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Divers écrits de M. H. Taine — II » pp. 268-284

Il a écrit quelque part, à propos de Saint-Simon et de ses excès de passion, de fureur pittoresque et d’explosion parfois risible ou terrible dans l’intimité : « C’est à ce prix qu’est le génie ; uniquement et totalement englouti dans l’idée qui l’absorbe, il perd de vue la mesure, la décence et le respect.

2018. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Correspondance de Buffon, publiée par M. Nadault de Buffon » pp. 320-337

Il est de niveau avec les grands sujets qui s’offrent à sa vue, mais il aime peu à se baisser pour cueillir des fleurs.

2019. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Correspondance de Voltaire avec la duchesse de Saxe-Golha et autres lettres de lui inédites, publiées par MM. Évariste, Bavoux et Alphonse François. Œuvres et correspondance inédites de J-J. Rousseau, publiées par M. G. Streckeisen-Moultou. — II » pp. 231-245

» Il résolut alors de tout faire pour connaître celui dont la vue était un gage d’estime auprès de celle qu’il aimait : il s’informe, il court rue Plâtrière, monte au quatrième et frappe.

2020. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « M. Biot. Essai sur l’Histoire générale des sciences pendant la Révolution française. »

Biot s’en prend à quelques fausses vues qui ont été la source de fausses beautés dans les écrits de Bernardin de Saint-Pierre et de Chateaubriand.

2021. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « M. de Pontmartin. Les Jeudis de Madame Charbonneau » pp. 35-55

Je ne savais pas, je l’avoue, M. de Pontmartin en si piètre état et en si mauvaise posture ; je le croyais sur un meilleur pied dans tous ses mondes ; il me semblait qu’il avait, littérairement, une réputation assez en rapport avec ses mérites, qu’il n’avait pas grand-chose à demander de plus ; et quant à l’Académie, son désir ou son regret aujourd’hui avoué, j’estimais à vue de pays que, du train dont nous y allons et pour peu que nous mourions encore, il avait chance d’y arriver à son tour, — après M. 

2022. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Souvenirs de soixante années, par M. Etienne-Jean Delécluze »

Il n’a ni élévation de style, ni gravité de ton, ni noblesse ou élégance de formes, ni rien de ce dont il parle sans cesse en des termes qui jurent souvent avec le fond ; mais il a dans quelques parties une vérité naïve, un peu gauche, un peu distraite ou inexpérimentée, la sincérité non pas du pinceau (il n’a pas de pinceau), mais du crayon, de la plume ; il a le croquis véridique pour les choses, qu’il sait et qu’il a vues en son bon temps et de ses bons yeux ; il copie honnêtement, simplement, et un sentiment moral, touchant ou élevé, comme on le verra, peut sortir quelquefois de cette suite de détails minutieux dont pas un ne tranche ni ne brille.

2023. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Daphnis et Chloé. Traduction d’Amyot et de courier »

Cette panique, qui peut tenir à l’effroi des imaginations frappées autant qu’à la réalité même, cette espèce de bacchanale universelle de la nature physique, telle qu’à la rigueur elle peut paraître à des gens ivres et être vue à travers le vertige, est décrite avec une vraie verve d’orgie.

2024. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « La Grèce en 1863 par M. A. Grenier. »

, tous ses maîtres lui avaient dit et répété bien des fois, avant de partir, ce que Pline le Jeune disait à un de ses amis qui était envoyé de Rome pour être quelque chose comme préfet à Sparte ou à Athènes : « Souviens-toi bien et ne perds pas un moment de vue que c’est en Grèce que tu vas, et au cœur de la plus pure Grèce, là où d’abord la civilisation, les lettres, toute culture, celle même du blé, passent pour être nées… Respecte les dieux fondateurs et instituteurs de toutes ces belles choses, et jusqu’au nom des dieux.

2025. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Poésies, par Charles Monselet »

C’est un bon vivant, qui a fait de bonnes études et qui a ce qu’on appelle en rhétorique du goût, mais fermé ou indifférent à toute idée de progrès, à toute vue élevée, neuve, et qui sort de la routine.

2026. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « De la poésie en 1865. (suite.) »

Il entra, dès lors, dans un ordre de considérations le plus antirévolutionnaire possible : il eut des théories et des perspectives sur l’avenir des nations catholiques ou protestantes, des vues historiques aussi vagues et aussi fausses peut-être qu’auparavant ; il prophétisa encore, et en sens inverse.

2027. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « De la poésie en 1865. (suite et fin.) »

Chez lui l’entrain du débit cachait les ficelles, et rien, à première vue, ne trahissait trop la fatigue.

2028. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Le comte de Gisors (1732-1758) : Étude historique, par M. Camille Rousset. »

Il n’avait pas seulement du courage, il avait du coup d’œil, des idées, du brillant ; il séduisait à première vue.

2029. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Œuvres choisies de Charles Loyson, publiées par M. Émile Grimaud »

. — Delavigne, confiné dans son art, ne s’intéressait qu’aux vers et y bornait sa vue : Loyson s’intéressait à tout130.

2030. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Préface »

Sainte-Beuve, personnages en vue et des plus respectables, des esprits d’élite en effet (si c’est là ce qui a pu servir à autoriser la satire et la calomnie de s’être attachées à leur nom dès le lendemain), aimaient à se retrouver quelquefois chez lui à dîner : c’était comme un terre-à-terre à une extrémité de Paris, quasiment à la barrière, où le milieu d’un quartier populaire et sain influe, malgré soi, jusque dans les habitations bourgeoises ; on s’y sentait bien réellement éloigné de toute contrainte gênante et de toute étiquette cérémonieuse.

2031. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Millevoye »

De tous les jeunes poëtes qui ne meurent ni de désespoir, ni de fièvre chaude, ni par le couteau, mais doucement et par un simple effet de lassitude naturelle, comme des fleurs dont c’était le terme marqué, Millevoye nous semble le plus aimé, le plus en vue, et celui qui restera.

2032. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre III. Poésie érudite et artistique (depuis 1550) — Chapitre II. Les tempéraments »

On songea enfin d’autant moins à se retourner vers Ronsard qu’il était inutile : Malherbe, puis Corneille réalisaient le meilleur des vues de Ronsard, et du jour où ce qu’il avait de bon fut acquis et dépassé, les excès seuls et les défauts de son œuvre comptaient pour le public.

2033. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre IV. Guerres civiles conflits d’idées et de passions (1562-1594) — Chapitre 2. La littérature militante »

Aux fantaisies historiques d’Hotman sur la royauté élective et la souveraineté des Etats, il opposa la théorie de la monarchie française, héréditaire, absolue, responsable envers Dieu du bonheur public ; avec une nette vue de l’état réel des choses, il vit dans l’Etat la famille agrandie, et dans l’absolutisme royal l’image amplifiée de la puissance paternelle.

2034. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre I. La préparations des chefs-d’œuvre — Chapitre III. Trois ouvriers du classicisme »

Descartes ne perd jamais de vue que les passions de l’âme sont accompagnées de modifications physiologiques, qui se traduisent par certaines contractions ou au contraire certaines détentes de certains muscles, en d’autres termes par une sorte de mobilisation partielle ou générale des organes en vue de certains effets.

2035. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre IV. Les tempéraments et les idées (suite) — Chapitre I. La lutte philosophique »

N’ayant point encore une grande notoriété, il s’associa un mathématicien déjà illustre, membre de l’Académie des sciences, Dalembert, qui, dans une Préface fameuse et, en somme, médiocre, donna une classification des sciences, avec une vue d’ensemble de leur genèse successive et de leurs principaux progrès.

2036. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre IV. L’heure présente (1874) — Chapitre unique. La littérature qui se fait »

Sa puissance, on l’a vue, le jour où il a coupé en pleine floraison le succès de M. 

2037. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « Oscar Wilde à Paris » pp. 125-145

Il s’interrompit à la vue d’Oscar Wilde et, par révérence pour ce dernier, nous fit place à ses côtés.

2038. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre V. Premiers aphorismes de Jésus. — Ses idées d’un Dieu Père et d’une religion pure  Premiers disciples. »

La vue, moins grandiose qu’à Nazareth, s’étend sur toute la plaine et est bornée de la manière la plus pittoresque par les montagnes de Nazareth et les collines de Séphoris.

2039. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Lettres de Mme de Graffigny, ou Voltaire à Cirey. » pp. 208-225

On a aussi, un jour de faveur, la vue de la chambre des bains et du cabinet de toilette qui s’y tient, « dont le lambris est vernissé d’un vert céladon clair, gai, divin, sculpté et doré admirablement… Non, il n’y a rien de si joli, s’écrie Mme de Graffigny ; tout ce séjour est délicieux et enchanté.

2040. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Légendes françaises. Rabelais par M. Eugène Noël. (1850.) » pp. 1-18

Nous avons d’avance dans une vue et une gaieté de génie ce que plus tard Jean-Jacques étendra dans l’Émile en le systématisant, et Bernardin de Saint-Pierre dans ses Études de la nature en l’affadissant.

2041. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Les regrets. » pp. 397-413

Le grand malheur des révolutions fréquentes et périodiques auxquelles notre France s’est vue sujette depuis quarante ans, a été de faire de vastes coupes réglées dans les générations qui formaient la tête de la société, de les déposséder presque en masse du pouvoir en un seul jour, et de donner aux générations survenantes le caractère d’une conquête et d’une invasion.

2042. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Ducis. » pp. 456-473

Voici quelques pensées que j’extrais des lettres écrites par lui dans sa vieillesse : Je suis auprès de mes consolateurs, de vieux livres, une belle vue et de douces promenades.

2043. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Franklin. — II. (Suite.) » pp. 149-166

Franklin est revenu souvent sur cette vue de la mort, et toujours d’une manière douce et presque riante.

2044. (1889) Méthode évolutive-instrumentiste d’une poésie rationnelle

  Ces choses dites rapidement, qu’il me soit permis de montrer que cette forme nouvelle de l’expression de l’idée, l’Instrumentation poétique, enferme et perd en elle tous les modes d’art : Elle est l’éloquence, évidemment : plastique pour la variété la plus ordonnée des rythmes : picturale, parce que (nous avons négligé de le dire au long) le moins de hasard a été établi aussi pour la coloration à attribuer aux voyelles, que la généralité des vues maintenant, c’est un fait scientifique, distingue nettement de telle ou telle couleur : musicale parce qu’elle est le sens enfin trouvé du langage, qui, scientifiquement, est musique, et qu’elle est l’immatérialité des instruments de la musique proprement dite : Elle est, au gré de la pensée qui la conduit et la mesure, la plus complète et intime possibilité de mouvement intellectuellement exprimé.

2045. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Th. Dostoïewski »

Le nu délabrement des galetas, les maisons sordides, où sur l’ombre puante des escaliers claquent des portes pendantes, les entrées subites d’inconnus par des seuils béants, les cafés lumineux où, sous le jet des gaz et la vapeur traînante des alcools, s’exacerbe la virulence des maniaques, les hôtels borgnes qui logent entre des draps froids les dormeurs d’une dernière nuit, la toux hoquetante des phtisiques, le souffle nocturne du vent dans des cimes pliantes, — sont les vues et les bruits dont le caractère vaguement redoutable emplit encore d’appréhension des lieux plus sûrs, les rues, les appartements, les bureaux.

2046. (1824) Ébauches d’une poétique dramatique « Observations générales, sur, l’art dramatique. » pp. 39-63

C’est une attention de tous les instants, à mettre si bien toutes les circonstances à leur place, qu’elles soient nécessaires où on les met, et que d’ailleurs elles s’éclaircissent et s’embellissent toutes réciproquement ; à tout arranger pour les effets qu’on a en vue, sans laisser apercevoir de dessein ; de manière enfin que le spectateur suive toujours une action et ne sente jamais un ouvrage : autrement l’illusion cesse, et on ne voit plus que le poète au lieu des personnages.

2047. (1765) Essais sur la peinture pour faire suite au salon de 1765 « Paragraphe sur la composition ou j’espère que j’en parlerai » pp. 54-69

Ceux-ci regardent les premiers comme des têtes étroites, sans idées, sans poésie, sans grandeur, sans élévation, sans génie, qui vont se traînant servilement d’après la nature qu’ils n’osent perdre un moment de vue.

2048. (1860) Ceci n’est pas un livre « Une croisade universitaire » pp. 107-146

Ne te drape plus dans un manteau de gravité qui dérobe imparfaitement la vue de ton pet-en-l’air ; il y a des trous larges comme la main dans ce manteau.

2049. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre V. Mme George Sand jugée par elle-même »

Je défie qu’on me montre dans Mme Sand une seule de ces grandes images qu’on n’a pas vues encore.

2050. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « M. Maurice Rollinat »

Ni Baudelaire, ni Poe, n’ont souffert plus continûment de ce vague mystérieux qui, tout vague qu’il soit, oppresse l’âme comme l’objet le plus lourd et le plus physique, et auquel le visionnaire préférerait la vue nette et positive de l’enfer.

2051. (1900) Le lecteur de romans pp. 141-164

Et, par là, son devoir est tout autre que celui des parents, qui est de préserver l’enfant de la vue du mal.

2052. (1890) La bataille littéraire. Troisième série (1883-1886) pp. 1-343

— Tout le monde dit le contraire et, sans aller plus loin, moi qui ai assez bonne vue, j’aperçois là sur ton bureau une lettre d’académicien dont je connais l’écriture. […] dit-il à la vue d’un grenadier russe, étendu sur le ventre, la face contre terre, la nuque noircie et les bras déjà raidis par la mort. […] Lucie, droite, telle qu’il l’avait vue à la gare, devant le guichet, regardait comme si elle n’avait pas compris. […] Sa vie, pauvre et solitaire, allait par de mauvais chemins ; misère, maladie, tout lui donnait sur le monde des vues noires ; ses nerfs d’épileptique lui étaient déjà de cruels ennemis. […] Je vous assure, maman, que je vous ai vue manger davantage.

2053. (1895) Nouveaux essais sur la littérature contemporaine

Il en a plusieurs en vue, — trois ou quatre à la fois, — mais qui croirait que les mères de ces demoiselles « regardent sa bourse plus que sa figure » ? […] Pour de nombreuses raisons, que l’on nous pardonnera de ne pas rechercher, l’exégèse biblique était demeurée jusqu’ici négative ; elle s’était contentée de faire valoir des motifs de doute ; elle n’avait pas essayé de substituer une vue synthétique nouvelle de l’histoire d’Israël à cette « histoire sainte » qu’elle avait renversée. […] Les cohanim de Jérusalem, de Béthel n’ont été en rien supérieurs à ceux du reste du monde ; souvent même l’œuvre essentielle d’Israël a été retardée, contrariée par eux. » Si je n’oserais affirmer que cette vue sur le prophétisme appartienne en propre à M.  […] On reconnaît sans doute ici non seulement les idées de Darwin ou de Malthus, mais celles aussi de Joseph de Maistre, et, à ce propos, — si nous avons négligé de signaler plus haut la ressemblance ou l’analogie de quelques-unes des vues de M.  […] Car, j’ai tâché de le montrer, cette vue de la guerre n’est pas conforme à la vérité de l’histoire.

2054. (1906) La rêverie esthétique. Essai sur la psychologie du poète

Toutes les images qui vous apparaîtront seront des réminiscences de choses vues, des rappels de la réalité. […] Nous reposons notre vue sur les choses avec béatitude. […] On s’attendrit sur la fleur qui va s’épanouir ; et c’est en effet une chose qui prête à la rêverie : la vue d’un enfant au berceau, de ce petit être qui s’ouvre peu à peu à la vie consciente, qui commence à s’avancer, souriant et indécis, vers ses mystérieuses destinées, est un objet de contemplation autrement poétique. […] Sa fonction n’est pas de nous représenter les choses telles qu’elles sont, ou telles qu’elles nous apparaissent vues du dehors : un miroir y suffirait. […] Dans la fièvre de rénovation qui a pris depuis vingt ou trente ans nos versificateurs, que de formes nouvelles nous avons vues apparaître !

2055. (1914) Une année de critique

N’attendez pas de lui cette délectation que procure la vue d’une œuvre bien « finie », le spectacle du merveilleux équilibre de la perfection ; car l’ouvrier ne vous a point convié à un spectacle, mais en quelque sorte à une collaboration. […] Présentée par leur main, la petite statuette dont la vue nous avait fait éprouver l’aiguillon exquis de la beauté, perd tout son charme. […] C’est la vue de ces arbres sans doute, qui fit dire à l’un de nous que le meilleur moyen de commémorer le nom de Maurice de Guérin serait de fixer une plaque de marbre, une simple plaque sur un arbre, dans Paris. […] Henry Bidou indique très heureusement, cette littérature le conduit d’un idéalisme exaspéré à des vues réalistes sur la vie. […] On y sent trop l’artifice, le labeur accompli en vue du trait qui vient, typographiquement, à la fin d’un morceau, mais qui, dans la réalité, en précéda et en commanda la composition.

2056. (1910) Rousseau contre Molière

Je ne vois pas quel grand crime c’est de s’attendrir à la vue d’une passion honnête et c’est un haut degré de vertu que cette pleine insensibilité où ils veulent faire monter notre âme. […] Elle maudit Rome ; elle la souhaite détruite ; elle souhaite la mort de tous les Romains et mourir de plaisir après l’avoir vue ; elle abhorre Rome, elle exècre l’idée de patrie, elle abomine le sentiment patriotique. […] Une société qui se réglerait sur Molière ne serait pas ridicule, ne serait pas sotte, serait d’assez bon sens ; mais serait la plus plate des sociétés qu’on eût jamais vue. […] Elle ne peut souffrir du tout la vue d’un jeune homme ; mais elle n’est point plus ravie, dit-elle, que lorsqu’elle peut voir un beau vieillard avec une barbe majestueuse. […] Or, en se plaçant à ce point de vue, en ne perdant pas de vue le « principe », les idées et sentiments de Rousseau ne sont point si incohérents qu’ils en ont l’air.

2057. (1859) Critique. Portraits et caractères contemporains

Scribe, sa grâce et son bon mot, son aimable fantaisie et sa piquante observation se montrent en mille gaietés douces et charmantes, et ce théâtre nouveau qui s’élève sur les ruines de l’ancienne tragédie, à savoir Hernani, Marion Delorme, Marie Tudor, Roméo et Juliette, Othello, Chatterton, et Balzac tout entier, ce grand Balzac qui les a fait revivre et parler, ces belles dames de la Restauration, et qui les a mieux vues et mieux comprises que Louis XVIII lui-même ne les a vues. […] Tout cela est net, vif et bien dit, et très vrai. — Du bal Musard, notre chevalier passe à la chambre des députés, et, à la vue des hommes nouveaux de la France, il ne peut contenir son ironie et son mépris. […] Une autre fois, en vue du pont Royal, la musique passait, suivie de ces beaux gardes du corps. […] Eh bien, cette femme qui vient de disparaître dans l’ essence des essences , pour parler comme saint Thomas d’Aquin lui-même, elle poussait, au plus haut degré, cet art de la divination à première vue. […] À coup sûr, elle ne connaissait pas cette enfant, elle ne l’avait jamais vue ; mais une mère est la mère de toutes les jeunes filles qui ont l’âge de sa fille, — à plus forte raison une grand-mère ; — elle a transporté sa tendresse une génération au-delà, et elle ne demande pas mieux que d’aimer, de protéger, de secourir.

2058. (1898) Ceux qu’on lit : 1896 pp. 3-361

Deux amis d’enfance, Pierre et Olivier, se sont perdus de vue presque dès la sortie du collège et le hasard fait, lorsqu’ils se retrouvent, que l’un ait été et que l’autre soit l’amant d’une même femme, mariée à un grand seigneur étranger. […] Coindre a ornée de charmantes vues d’une grande fidélité. […] » Et, en effet, dans les nombreux repas que nous prenions souvent ensemble, je l’ai toujours vue faisant semblant de porter à sa bouche d’imperceptibles morceaux de viande qu’elle n’y introduisait même pas. […] » À peine eut-il réprimé par ce regard expressif l’impression qu’il avait vue se manifester sur mes traits, que lui-même il est heurté, entraîné, renversé par une multitude effarée. […] Dès que l’escorte est en vue, elles se précipitent à la rencontre de la jeune fille, l’enlèvent de sa selle, la conduisent dans sa nouvelle demeure, s’installent avec elle dans une pièce où elles lui tiennent compagnie jusque vers le milieu de la nuit.

2059. (1883) Le roman naturaliste

Et les ont-ils vues seulement ! […] il ne les a pas vues. Mais quand il les aurait vues, quelle serait cette manie de ne regarder l’humanité que par ses plus vilains côtés ? […] La belle description, — car elle est belle, quoique fantastique, — du lever du soleil sur Carthage, vue du faubourg de Mégara, au premier chapitre du livre, en est un bon exemple. […] Plus il sera fidèle, comme dans l’Éducation sentimentale, et moins nous prendrons plaisir à la vue des images qu’il reflétera.

2060. (1929) Dialogues critiques

Entre eux, il y a certes des contrastes qui frappent à première vue, qui retiennent même toute l’attention des badauds ou des techniciens, mais qui s’atténuent en profondeur. […] Quant au critique des œuvres contemporaines, il doit pareillement avoir ou acquérir la largeur de vues, se montrer libéral et compréhensif, rendre justice à tous les talents, même aux plus divers et à ceux qui s’inspirent des convictions les plus séparées par des abîmes ou par des nuances (la nuance est plus grave, d’après Capus).

2061. (1859) Cours familier de littérature. VII « XXXVIIe entretien. La littérature des sens. La peinture. Léopold Robert (2e partie) » pp. 5-80

C’est cette félicité de l’humanité naïve, laborieuse, opulente de peu, qu’il avait rêvée, qu’il avait vue, et qu’il voulait reproduire en un groupe, comme une image complète du bonheur terrestre, comme l’hymne sans mots de la création. […] « Les lettres de la princesse que j’ai vues, dit le frère de Léopold, étaient empreintes d’un intérêt constant, qui pouvait provenir seulement de l’estime pour le talent et pour le caractère de Léopold.

2062. (1859) Cours familier de littérature. VII « XXXVIIIe entretien. Littérature dramatique de l’Allemagne. Le drame de Faust par Goethe » pp. 81-160

La vue donnait sur les jardins de nos voisins et sur une plaine fertile, qu’on découvrait par-dessus les murs de la ville. […] « Mon père avait suspendu, dans la salle d’entrée, une collection de vues de Rome, gravée par quelques habiles prédécesseurs de Piranese, qui avaient une entente merveilleuse de l’architecture et de la perspective.

2063. (1859) Cours familier de littérature. VII « XLe entretien. Littérature villageoise. Apparition d’un poème épique en Provence » pp. 233-312

… Mais, dès qu’elles t’ont vue, ô Magali, vois les étoiles, comme elles ont pâli !  […] Dans l’obscurité, assis sur une pierre, et muet comme la nuit, des mamelles gonflées celui-ci exprimait le bon lait chaud ; le lait, jaillissant à longs traits, s’élevait dans les bords écumeux de la seille, à vue d’œil.

2064. (1860) Cours familier de littérature. X « LVe entretien. L’Arioste (1re partie) » pp. 5-80

qu’elle me parut embellie et épanouie par les trois années d’absence et de veuvage qui s’étaient écoulées depuis que je l’avais vue pour la première fois ! […] « Ta fille est seule coupable de la mort de mon frère, dit-il un jour au roi, devant toute la cour ; la preuve de son impudicité, qu’il a vue de ses propres yeux, lui a transpercé le cœur, lui qui aimait Ginevra plus qu’on aime la vie. » Alors il raconta la scène nocturne et trompeuse du balcon.

2065. (1861) Cours familier de littérature. XI « LXIIe entretien. Cicéron » pp. 81-159

Si mes concitoyens, prévenus d’injustes soupçons, me haïssaient comme ils te haïssent, j’aimerais mieux me priver de leur vue que d’avoir à soutenir leurs regards irrités ; et toi, quand une conscience criminelle t’avertit que depuis longtemps ils ne te doivent que de l’horreur, tu balances à fuir la présence de ceux pour qui ton aspect est un cruel supplice ! […] Il navigua quelque temps indécis en vue du rivage ; puis, rappelé encore par on ne sait quelles pensées, il ordonna à ses rameurs de le ramener à sa maison de campagne de Gaëte, qu’il avait quittée le matin.

2066. (1867) Cours familier de littérature. XXIII « cxxxve entretien. Histoire d’un conscrit de 1813. Par Erckmann Chatrian »

Tout était prêt ; mes bas et mes souliers bien cirés se trouvaient au pied du lit ; je n’avais qu’à m’habiller, et, malgré cela, le froid que je sentais à la figure, la vue de ces vitres et le grand silence du dehors me donnaient le frisson d’avance. […] Cela nous réjouit la vue, et Catherine dit : « Assieds-toi là, Joseph, contre la fenêtre, que je te voie bien.

2067. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre sixième »

Marquer ces progrès et cette marche insensible de l’attrait qu’on ne s’avoue pas à la passion qu’on déclare ; mettre sans inconvenance une fille de condition en face d’un valet qui lui fait une déclaration d’amour ; nous faire consentir qu’elle écoute ce valet et qu’elle réponde de façon à ne pas le désespérer et à ne pas l’encourager ; la retenir dans le naturel et la vérité, entre la raison qui lui montre le péril, et le penchant secret qui le lui dérobe, fuyant et s’avançant à demi, retirant les paroles échappées, fermant son cœur presque en même temps qu’elle l’entr’ouvre, c’est un vrai tour de force de l’art, ou tout simplement une vérité de cœur humain vue avec simplicité, en un jour de veine heureuse, non par le Marivaux bel esprit, entêté du fin 54 et ne voyant dans Voltaire que « la perfection des idées communes », mais par le Marivaux homme de bien et doux, naturel à force de candeur, et peut-être à son insu. […] Collin a toujours en vue la peinture d’un caractère, et c’est à sa louange ; mais l’objet à peindre lui échappe.

2068. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre cinquième. Principales idées-forces, leur genèse et leur influence — Chapitre cinquième. Genèse et action des principes d’identité et de raison suffisante. — Origines de notre structure intellectuelle »

L’expérience, d’ailleurs, apprend à l’animal que des changements qui paraissaient d’abord indifférents, comme la simple vue d’un autre animal, ont été suivis d’autres changements douloureux, tel qu’un coup de dent reçu. […] Quant à la « conscience », assurément elle ne peut se réduire à un mécanisme abstrait et purement géométrique ; il y a donc dans l’univers quelque chose qui rend possible la conscience et la sensation, il y a place dans le monde pour le sentiment et pour la pensée ; mais nous ne savons rien a priori des conditions qui rendent possibles la conscience et, la sensation ; nous ne pouvons affirmer a priori que la nature agit comme nous sous une idée, sous l’idée du tout, conséquemment en vue d’une cause finale.

2069. (1888) Journal des Goncourt. Tome III (1866-1870) « Année 1868 » pp. 185-249

Par une porte on entrevoit la bibliothèque, les rayons de bois blanc, le désordre de gros livres brochés, roulés et empilés à terre, des outils d’érudition moyenâgeuse et orientale, des in-quarto de toutes sortes, au milieu desquels un fascicule d’un lexique japonais, et sur une petite table les épreuves de Saint Paul qui dorment, et, par les deux fenêtres, une immensité de vue, une de ces forêts de verdure cachées dans les murs, et la pierre de Paris, le vaste parc Galliera, cette ondulation de têtes d’arbres que dominent des bouts de bâtisses religieuses, des dômes, des clochers, et qui mettent là un peu de l’horizon pieux de Rome. […] Nous voilà, je crois, propriétaires d’une maison que nous avons vue par hasard, ces jours-ci, au Parc des Princes, une maison bizarre, presque cocasse, ressemblant à une petite maison d’un sultan de Crébillon fils, mais qui nous a charmés, ensorcelés par son originale étrangeté !

2070. (1888) Journal des Goncourt. Tome III (1866-1870) « Année 1869 » pp. 253-317

Nous allons au télégraphe pour envoyer une dépêche, rue de Courcelles, et il me dit cette chose bizarre, c’est qu’un moment avant le choc, il avait eu le pressentiment de l’accident ; seulement, par une transposition de vue fraternelle, c’était moi qu’il avait vu blessé, et blessé à l’œil. […] … Elle a eu une invitation à la Cour, je l’ai vue à un bal des Tuileries… Ah !

2071. (1894) Journal des Goncourt. Tome VII (1885-1888) « Année 1887 » pp. 165-228

La mort la plus simplement détachée de la vie que j’aie vue, oui, une en allée de l’existence, comme s’il s’agissait d’un déménagement. […] Jeudi 2 juin Lu dans Le Figaro, un extrait des Choses vues de Hugo, extrait dans lequel, il me semble, avec une certaine fierté, reconnaître une très grande parenté, dans la vision des choses, avec celle de mon Journal.

2072. (1864) William Shakespeare « Première partie — Livre II. Les génies »

Cette vue le rend terrible. […] Jean, après avoir assisté à la souffrance du Christ, finit par souffrir pour son compte ; la souffrance vue le fait apôtre, la souffrance endurée le fait mage ; de la croissance de l’épreuve résulte la croissance de l’esprit.

2073. (1856) Cours familier de littérature. II « VIIe entretien » pp. 5-85

De temps en temps, du haut d’une colline, une échappée de vue me laissait entrevoir au fond d’un bassin de verdure les dômes resplendissants mais encore lointains de Florence. […] En peu de minutes d’entretien, encourageant de son côté, timide du mien, je me sentis aussi à l’aise devant elle que si je l’avais vue tous les jours. « M. de Santilly me mande que vous écrivez des vers », me dit-elle en souriant de ma jeunesse et de ma confusion. « Vous êtes sans doute curieux de visiter la chambre et la bibliothèque du grand homme que l’Italie a perdu.

2074. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre IX : Insuffisance des documents géologiques »

Depuis 1845 que j’ai publié mes vues sur ce sujet, j’ai suivi avec soin les progrès de la géologie, et j’ai été surpris de voir comment les auteurs, en traitant de telle ou telle grande formation, arrivaient tous les uns après les autres à conclure qu’elle s’était produite pendant une époque d’affaissement. […] Le Chameau et le Cochon, le Cheval et le Tapir sont aujourd’hui des formes parfaitement distinctes pour tous et à première vue ; mais, si nous intercalons entre eux les divers quadrupèdes fossiles qui ont été découverts dans les familles auxquelles ces genres appartiennent, ces animaux se trouvent rattachés les uns aux autres par des liens de transition déjà assez serrés.

2075. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Mézeray. — I. » pp. 195-212

On n’a peut-être pas assez rendu justice à son bon sens, à ses vues, à ses recherches ; sa vieille couleur du moins a parlé de loin et a souri ; il a été respecté de ceux qui savent peindre, de M. 

2076. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Gabrielle d’Estrées. Portraits des personnages français les plus illustres du XVIe siècle, recueil publié avec notices par M. Niel. » pp. 394-412

Parmi les noms amoureux et chéris, Gabrielle d’Estrées est devenue un des plus populaires ; elle l’était peu en son temps, et, bien qu’elle fût aussi aimée, aussi bien vue en cour qu’une femme dans sa position pouvait l’être, elle n’avait pas également la voix de la bourgeoisie de Paris et du peuple.

2077. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Froissart. — I. » pp. 80-97

Il comprit à première vue qu’il n’y avait que la prose qui pût suffire à embrasser ainsi et à porter à l’aise tous ces événements, et, malgré la facilité tout ovidienne qu’il avait à rimer, il se garda bien d’imiter Philippe Mouskes, l’évêque de Tournai, et d’aller emprisonner sa Chronique dans des rimes.

2078. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « M. Daru. Histoire de la république de Venise. — III. (Suite et fin.) » pp. 454-472

Lui-même il a résumé, mieux que je ne pourrais le faire, toute sa vie considérée selon cet ordre littéraire continu, et dans laquelle la politique, vue en arrière, ne lui paraissait presque plus avoir été qu’un accident : J’ai trouvé, disait-il, dans l’étude des lettres, au bout d’une vie déjà longue et traversée par bien des événements, un grand charme, une grande utilité, souvent de grandes consolations.

2079. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Madame Dacier. — II. (Fin.) » pp. 495-513

La traduction de l’Iliade par Mme Dacier, publiée en 1711, amena une des guerres littéraires les plus vives et les plus curieuses qu’on ait vues, et comme il s’en produit quelquefois en France quand les esprits sont reposés et qu’on n’a rien de mieux à faire.

2080. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Maucroix, l’ami de La Fontaine. Ses Œuvres diverses publiées par M. Louis Paris. » pp. 217-234

Maucroix renonça dès lors à toute vue d’ambition ; le chœur, le préau à onze heures, et son jardin, voilà désormais le cercle habituel de sa vie.

2081. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Léopold Robert. Sa Vie, ses Œuvres et sa Correspondance, par M. F. Feuillet de Conches. — I. » pp. 409-426

Ce n’est pas ici le lieu d’examiner si Raphaël, même en les ayant vues ainsi réunies, eût cherché à exprimer les figures juives avec ce caractère marqué et absolu que leur voit et que leur veut Léopold Robert.

2082. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Journal du marquis de Dangeau — II » pp. 18-35

On ferait tout un chapitre impartial, équitable, convaincant de vérité, et sans injure pour personne : De la révocation de l’Édit de Nantes et de ses suites, étudiées dans le journal de Dangeau, c’est-à-dire considérées à la Cour et vues de Versailles comme dans un miroir.

2083. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Charron — II » pp. 254-269

C’est ainsi qu’en d’autres passages, il présente la philosophie comme l’aînée de la théologie, de même que la nature est l’aînée de la grâce ; ce qui ne peut être dit raisonnablement que d’une philosophie capable d’atteindre d’elle-même, et par une pleine vue, à des principes que la théologie viendrait ensuite confirmer ou couronner.

2084. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Santeul ou de la poésie latine sous Louis XIV, par M. Montalant-Bougleux, 1 vol. in-12. Paris, 1855. — I » pp. 20-38

Une journée de Santeul, vue dans son cadre, et sauf le hasard du détail, dut ressembler à presque toutes les autres.

2085. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Œuvres de Voiture. Lettres et poésies, nouvelle édition revue, augmentée et annotée par M. Ubicini. 2 vol. in-18 (Paris, Charpentier). » pp. 192-209

À tous coups ils me perdaient de vue et m’envoyaient plus haut que les aigles ne peuvent monter, etc.

2086. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Le duc de Rohan — I » pp. 298-315

Rohan, qui y admire l’arsenal et qui en dénombre l’artillerie (370 pièces de fonte), ajoute : « Ils n’ont point de canon de batterie : leur raison tient fort du roturier ; car, à ce qu’ils disent, ils ne veulent attaquer personne, mais seulement se défendre. » Venise le saisit vivement par son originalité d’aspect, son arsenal, sa belle police, ses palais, ses tableaux même et ses bizarres magnificences : Pour le faire court, dit-il, si je voulais remarquer tout ce qui en est digne, je craindrais que le papier me manquât : contente-toi donc, ma mémoire, de te ressouvenir qu’ayant vu Venise, tu as vu un des cabinets de merveilles du monde, duquel je suis parti aussi ravi et content tout ensemble de l’avoir vue, que triste d’y avoir demeuré si peu, méritant non trois ou quatre semaines, mais un siècle, pour la considérer à l’égal de ce qu’elle mérite.

2087. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « La Margrave de Bareith Sa correspondance avec Frédéric — II » pp. 414-431

Elle était évidemment une personne des plus distinguées, spirituelle, naturelle, piquante, capable de satire, encore plus capable d’affection, tendrement dévouée à son frère, et l’égalant au besoin par la fermeté du caractère et le stoïcisme des résolutions : dans une des crises les plus extrêmes où se soient vues des personnes de leur rang, elle a fait acte de vigueur et de sacrifice ; si Frédéric avait fini violemment alors, elle serait indubitablement morte avec lui ; elle avait de l’âme d’une Porcia ou d’une Roland.

2088. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Charles-Victor de Bonstetten. Étude biographique et littéraire, par M. Aimé Steinlen. — II » pp. 435-454

Le matin, en s’éveillant dans son cabinet, mon ami jouissait de la belle vue ; puis il travaillait jusqu’à une heure avant le dîner qu’il passait le plus souvent à se promener seul avec moi.

2089. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Œuvres complètes d’Hyppolyte Rigault avec notice de M. Saint-Marc Girardin. »

Ainsi pour la thèse de Rigault : la Faculté ne s’était jamais vue à pareille fête. — Cela se passait en décembre 1856.

2090. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Le Poëme des champs par M. Calemard de Lafayette. »

Nous redisions ces mots, descendant le sentier, Pensifs, loin de la vue auguste et solennelle, Et nous trouvions la vie, oh !

2091. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « M. Ernest Renan »

Et lorsque le professeur s’est levé en terminant, on se lève avec lui en foule, on sort plein d’instruction, de vues neuves, de désirs d’explication, de besoins de réponse, de controverses animées et bruyantes qui se prolongent longtemps, mais en se félicitant tous que la liberté du haut enseignement, en tant qu’elle dépend de l’équité d’un auditoire, soit consacrée chez nous par un rare exemple et dans une de ses branches les plus élevées.

2092. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Mémoire de Foucault. Intendant sous Louis XIV »

Les conversions Il faut convenir que l’histoire est difficile à écrire et que le vrai, à distance, est bien délicat à démêler au milieu des témoignages les plus divers et, à première vue, contradictoires.

2093. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Corneille. Le Cid. »

Mais le cercle s’est élargi, la vue s’est fort étendue depuis eux en dehors des horizons purement français : Shakspeare a grandi, Goethe s’est élevé, la connaissance des littératures étrangères a découvert les sources et permis de juger avec la dernière exactitude la quantité et la valeur des emprunts.

2094. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Histoire de la littérature anglaise par M. Taine. »

Il a causé, disserté, avec des amis de son âge, avec des artistes, des médecins ; il a échangé, dans de longues conversations à deux, des vues infinies sur le fond des choses, sur les problèmes qui saisissent et occupent de jeunes et hautes intelligences : il n’a pas assez vu les hommes eux-mêmes des diverses générations, des diverses écoles et des régimes contraires, et ne s’est pas rendu compte, avant tout, du rapport et de la distance des livres ou des idées aux personnes vivantes et aux auteurs tout les premiers.

2095. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Méditations sur l’essence de la religion chrétienne, par M. Guizot. »

À cette vue, le sage, tel que je le dépeins, demeure attristé, non étonné, et ne sait point de réponse.

2096. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamennais — Lamennais, Affaires de Rome »

Nous ne le perdons pourtant point de vue encore ; mais, à travers cette vue, il est simple que le souvenir du passé tienne une grande place. 

2097. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamartine — Lamartine, Recueillements poétiques (1839) »

Sans avoir aucune autorité pareille, ne serait-il donc pas permis à ceux qui ne sont, qui ne veulent être que littérateurs et poètes, qui croient ainsi servir le monde à leur manière et y remplir leur humble rôle, qui s’y attachent d’autant plus que la vue des intrigues présentes leur donne plus fort la nausée ; à ceux qui écoutent avec bonheur la voix de M. de Lamartine s’élever un moment avec pureté du milieu des récriminations, et qui regrettent qu’elle n’y soit qu’une trêve, ne leur serait-il pas permis de lui demander qu’il leur laissât au moins la dignité de leur silence en politique ?

2098. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. PROSPER MÉRIMÉE (Essai sur la Guerre sociale. — Colomba.) » pp. 470-492

Je ne répondrais pas pourtant que, dans la dernière vue sur Sylla abdiquant et mourant, il n’y ait un coin de perspective à travers lord Byron.

2099. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Mathurin Regnier et André Chénier »

C’est une vue essentiellement logique qui nous mène à joindre ces noms, et parce que, des deux idées poétiques dont ils sont les types admirables, l’une, sitôt qu’on l’approfondit, appelle l’autre et en est le complément.

2100. (1902) L’observation médicale chez les écrivains naturalistes « Chapitre IV »

Mais l’érudition ne suffit même pas à l’ampleur de vues de M. 

2101. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Seconde partie. De l’état actuel des lumières en France, et de leurs progrès futurs — Chapitre II. Du goût, de l’urbanité des mœurs, et de leur influence littéraire et politique » pp. 414-442

Les paroles tout à la fois vulgaires et féroces produisent, à quelques égards, le même effet que la vue du sang : lorsqu’on s’habitue à les prononcer, les idées qu’elles retracent deviennent plus familières.

2102. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre troisième. L’esprit et la doctrine. — Chapitre I. Composition de l’esprit révolutionnaire, premier élément, l’acquis scientifique. »

Transformation de l’histoire  Voltaire  La critique et les vues d’ensemble  Montesquieu  Aperçu des lois sociales.

2103. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre II. Les formes d’art — Chapitre IV. Le roman »

Diderot pense, déclame, argumente, s’abandonne à son imagination fougueuse et cynique, verse pêle-mêle les vues ingénieuses, profondes, fécondes, sur la littérature, la société, la morale, les effusions ardentes d’une sensibilité lyrique, les impiétés énormes et les obscénités froidement dégoûtantes.

2104. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Pierre Loti »

Les gens du peuple, les esprits simples adorent les romances qui leur parlent de choses qu’ils n’ont point vues, de lagunes et de gondoles, ou qui leur présentent un Orient de vignettes avec caravanes, minarets et yatagans.

2105. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre I — Chapitre quatrième »

On est lié au Rédempteur par la corde, quand, sous le trouble d’une forte sensation, on ne cesse pas néanmoins d’avoir en vue son honneur et la mémoire de la promesse.

2106. (1911) La valeur de la science « Troisième partie : La valeur objective de la science — Chapitre XI. La Science et la Réalité. »

Si l’on en croyait Tolstoï, les savants feraient ce choix au hasard, au lieu de le faire, ce qui serait raisonnable, en vue des applications pratiques.

2107. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « La génération symboliste » pp. 34-56

Les vues de la jeunesse en étaient brouillées d’autant plus que tout ce qui se passait autour d’elle contribuait à élargir la fissure et à empirer le gâchis.

2108. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « Stéphane Mallarmé » pp. 146-168

Ma vue avait affaire à des silences qui auraient pris corps.

2109. (1886) De la littérature comparée

Ce sont ces règles de la végétation humaine que l’histoire à présent doit chercher ; c’est cette psychologie spéciale de chaque formation qu’il faut faire ; c’est le tableau complet de ces conditions propres qu’il faut aujourd’hui travailler à composer. » Je voudrais pouvoir, Messieurs, vous montrer comment l’illustre critique a poursuivi son programme, comment il a développé et élargi sa méthode dans sa Philosophie de l’art, comment il a osé aborder les problèmes les plus compliqués de l’esthétique, ceux de la production de l’œuvre d’art et de l’idéal dans l’art, en « naturaliste », selon sa propre expression, et « méthodiquement », en vue « d’arriver non à une mode, mais à une loi ».

2110. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre VI. Pour clientèle catholique »

Mais, parce que Le Disciple est un livre sincère, parce que la pensée inepte et mille fois répétée de la responsabilité de l’écrivain y est devenue un profond sentiment bourgeois, la lecture en reste intéressante et humiliante, comme la vue d’une lâcheté éperdue, comme le spectacle d’une terreur verte et bégayante de Joseph Prudhomme.

2111. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Alexandre Dumas fils — Chapitre XIII »

Voilà un homme qui se dégrise et qui se refroidit à vue d’œil.

2112. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Mémoires de Philippe de Commynes, nouvelle édition publiée par Mlle Dupont. (3 vol. in-8º.) » pp. 241-259

En un mot, Commynes est tellement moderne par les idées et par les vues, qu’on pourrait assigner en le lisant (ce qui est bien rare pour les auteurs d’une autre époque) la place qu’il aurait tenue à coup sûr dans notre ordre social actuel, et sous les divers régimes que nous avons traversés depuis 89.

2113. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Des lectures publiques du soir, de ce qu’elles sont et de ce qu’elles pourraient être. » pp. 275-293

On ne se douterait pas, à la première vue, qu’il y ait autant d’ouvriers dans l’auditoire ; la plupart, en effet, ont quitté la blouse par un sentiment d’amour-propre pour eux-mêmes, et aussi d’égard et de respect pour les choses qu’ils viennent entendre et pour celui qui les lit.

2114. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Œuvres de Mme de Genlis. (Collection Didier.) » pp. 19-37

En outre, j’avais un commerce de lettres très suivi avec une dame que j’avais vue à…, etc., etc.

2115. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Mémoires et correspondance de Mallet du Pan, recueillis et mis en ordre par M. A. Sayous. (2 vol. in-8º, Amyot et Cherbuliez, 1851.) — II. » pp. 494-514

Pellenc, je définirai Mallet du Pan un Pellenc énergique, d’une trempe supérieure, qui n’a pas peur, qui, consulté par les cabinets, dit ce qu’il pense, mais aime encore mieux le dire à tous, au public, exhalant sa pensée, ses vues, son indignation d’honnête homme et d’homme sensé, sans quoi il est condamné à ce qu’il a appelé lui-même le « tourment du silence ».

2116. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Le surintendant Fouquet. (Article Fouquet, dans l’Histoire de Colbert, par M. P. Clément.) 1846. » pp. 294-312

Son frère, l’abbé Fouquet, qui l’aida à ses débuts, était un homme actif, intrigant, dévoué à Mazarin : les défauts de la famille se démasquaient en ce frère impétueux, et qui se montrait propre à tout : dans les autres membres ils se présentaient sous forme plus spécieuse et plus décente, et les projets, les vues aventureuses affectaient un air de supériorité et de grandeur, qui apparaît d’abord dans le surintendant dont nous parlons, et qu’on revit plus tard dans MM. de Belle-Isle, ses petits-fils.

2117. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Armand Carrel. — III. (Suite et fin.) » pp. 128-145

Il faudrait dégager çà et là, extraire brièvement de bonnes vues historiques ou des élans oratoires qui sont enterrés dans des questions mortes aujourd’hui.

2118. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « De la retraite de MM. Villemain et Cousin. » pp. 146-164

Cousin voulait moins encore exposer quelques doctrines consolantes et désirables pour l’esprit humain, et nous énumérer les ambitieuses chimères des philosophes, que faire prévaloir à son tour une école de plus, laquelle, au milieu de ses vues supérieures, avait aussi sa part d’ambition et de chimère.

2119. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Franklin. — III. Franklin à Passy. (Fin.) » pp. 167-185

Cet homme positif n’avait rien qui décourageât de l’utopie ; il y conviait plutôt par les nouveautés et les facilités de vue qu’il semblait ouvrir du côté de l’avenir.

2120. (1864) William Shakespeare « Deuxième partie — Livre III. Zoïle aussi éternel qu’Homère »

Les deux crânes se heurtèrent ; une étincelle, point faite pour être vue par ces hommes, s’échangea sans doute de la tête qui avait fait le Dictionnaire philosophique à la tête qui avait fait le Contrat social et les réconcilia.

2121. (1912) Le vers libre pp. 5-41

Il y avait parmi eux des poètes en nombre mais aussi des orientalistes qui faisaient venir le mince fascicule jusqu’en des chancelleries d’Extrême-Orient et des jeunes hommes en le lisant se délassaient de la vue des cartons verts dans les ministères ; les autres vivaient à l’École normale ou s’intéressaient à notre effort entre deux cours des Hautes Études ou de la Sorbonne.

2122. (1912) L’art de lire « Chapitre VIII. Les ennemis de la lecture »

Qui veut apprendre à connaître réellement quelque chose de nouveau, que ce soit un homme, un événement, un livre, fait bien d’adopter cette nouveauté avec tout l’amour possible, de détourner résolument sa vue de ce qu’il y trouve d’hostile, de choquant, de faux, même de l’oublier, si bien qu’à l’auteur d’un livre, par exemple, on donne la plus grande avance et que, d’abord, comme dans une course, on souhaite, le cœur palpitant, qu’il atteigne son but.

2123. (1868) Rapport sur le progrès des lettres pp. 1-184

C’est déjà quelque chose de n’avoir pas à lire tant d’ouvrages pour y recueillir peut-être à grand’peine un très petit nombre de renseignements utiles, de vues heureuses. […] Je comprends l’admiration de Diderot, qui avait une vue si lucide de l’avenir, et l’admiration de Walter Scott, le maître des maîtres, pour Samuel Richardson. […] Sa vue est excellente, il le sait si bien qu’il ne prend pas toujours la peine de regarder attentivement les objets. […] Les amis de l’art ne perdent pas de vue ces courageux combattants, chez qui tout a son intérêt : la défaite comme la victoire. […] En lisant cette pièce, assurément fort bien faite, nous pensions à une esquisse de Turner que nous avons vue à Londres et qui représentait un convoi de chemin de fer s’avançant à toute vapeur sur un viaduc, par un orage épouvantable.

2124. (1927) André Gide pp. 8-126

Et le vieux roi, qui ne peut plus supporter la vue de Bethsabé en deuil, sera désormais obsédé de remords. […] André Gide a les vues qui conviennent à son caractère. […] C’était encore un des avantages de la privation de la vue surtout pour les femmes.

2125. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — chapitre VI. Les romanciers. » pp. 83-171

En effet, ce n’est point de sa réputation que de Foe est soigneux ; il a d’autres vues en tête ; nous ne les devinons pas, nous autres écrivains : c’est que nous ne sommes qu’écrivains. […] Nul en ce siècle ne l’a égalé pour ces conceptions détaillées et compréhensives qui, ordonnant en vue d’un but unique les passions de trente personnages, enchevêtrent et colorent les fils innombrables de toute la toile pour faire ressortir une figure, une action et une leçon. […] Je ne savais guère la minette1078 qu’il avait en vue ; mais ce sera le plus mauvais gibier qu’il ait levé de sa vie.

2126. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre III. La critique et l’histoire. Macaulay. »

Celle de Bacon a produit des observations, des expériences, des découvertes, des machines, des arts et des industries entières. « Elle a allongé la vie, elle a diminué la douleur, elle a éteint des maladies ; elle a accru la fertilité du sol ; elle a enlevé la foudre au ciel ; elle a éclairé la nuit de toute la splendeur du jour ; elle a étendu la portée de la vue humaine ; elle a accéléré le mouvement, anéanti les distances ; elle a rendu l’homme capable de pénétrer dans les profondeurs de l’océan, de s’élever dans l’air, de traverser la terre sur des chars qui roulent sans chevaux, et l’océan sur des navires qui filent dix nœuds à l’heure contre le vent. » L’une s’est consumée à déchiffrer des énigmes indéchiffrables, à fabriquer les portraits d’un sage imaginaire, à se guinder d’hypothèses en hypothèses, à rouler d’absurdités en absurdités ; elle a méprisé ce qui était praticable ; elle a promis ce qui était impraticable, et, parce qu’elle a méconnu les limites de l’esprit humain, elle en a ignoré la puissance. […] On sent qu’il ne croit rien sans raison ; que, si on révoquait en doute l’un des faits qu’il avance ou l’une des vues qu’il propose, on verrait arriver à l’instant une multitude de documents authentiques et un bataillon serré d’arguments convaincants. […] La vue des habits rouges qui approchaient inquiéta un peu la population de la vallée.

2127. (1904) Zangwill pp. 7-90

Ce meurtre fait en vue d’une nécessité absolue parut devoir être dissimulé par des guirlandes et une cérémonie. […] « Les savants positivistes auront toujours une difficulté capitale contre ce que vous venez de dire, et aussi contre plusieurs des vues que nous ont développées Philalèthe et Théophraste. […] Il a fallu la vue intérieure des caractères, la précision, l’énergie, la tristesse anglaise, la fougue, l’imagination, le paganisme de la Renaissance pour produire un Shakespeare.

2128. (1898) Manuel de l’histoire de la littérature française « Livre II. L’Âge classique (1498-1801) — Chapitre premier. La Formation de l’Idéal classique (1498-1610) » pp. 40-106

« Si nous sentons un plaisir singulier à écouter ceux qui retournent de quelque lointain voyage, racontant les choses qu’ils ont vues en pays étranges, les mœurs des hommes, la nature des lieux et si nous sommes quelquefois si ravis d’aise et de joie que nous ne sentons point le cours des heures en oyant deviser un sage, disert et éloquent vieillard, quand il va récitant les aventures qu’il a eues en ses verts et jeunes ans combien plus devons-nous sentir d’aise et de ravissement de voir en une belle, riche et véritable peinture, les cas humains représentés au vif. » Ainsi s’exprime-t-il dans la préface de ses Vies parallèles ; et on ne saurait mieux indiquer ce que ses Vies contiennent d’enseignements, ou, comme nous dirions aujourd’hui, de « documents » sur l’homme. […] Un but aussi est indiqué, que l’on ne touchera pas tout de suite, mais que l’on ne perdra plus de vue. […] 2º L’Homme et l’Écrivain. — Celui-ci aussi, comme Bodin déjà, et comme Palissy, quoique dans un autre genre, est un « observateur ». — Sa carrière militaire ; — mais qu’il ne faut pas prendre son surnom de Bras de fer pour un témoignage de son énergie ; — et qu’il y a eu du politique dans ce soldat. — Les scrupules de conscience d’un capitaine protestant ; — comparaison de Montluc et de La Noue ; — supériorité morale du second. — Les Discours politiques et militaires. — Ils sont l’ouvrage de ses prisons. — Curieux rapports entre Bodin, Palissy et La Noue. — Division des discours de La Noue : Discours militaires proprement dits [11, 13, 14, 15, 16, 17, 18]. — Comparez la manière dont il y parle de la guerre avec une page célèbre des Soirées de Saint-Pétersbourg. — Discours politiques [1, 4, 6, 12, 20, 21, 22] ; — Comparez les vues politiques de La Noue et le « grand dessein « d’Henri IV. — Mais les plus intéressants pour l’histoire des idées sont les Discours moraux [5, 3, 5, 6, 7, 10, 19, 23, 24, 25] et parmi ceux-ci, les Discours 23, sur la pierre philosophale ; 6, contre les Amadis ; et 24, contre les Épicuriens ; — La Noue précurseur de Bossuet [Maximes sur la comédie] dans son Discours contre les Amadis ; — et de Rousseau dans son Discours contre les Épicuriens. — C’est dire de lui qu’il est surtout un « moraliste ». — La composition dans les Discours de La Noue ; — le tour oratoire ; — la fermeté de la langue et du style ; — la passion patriotique. — Succès des Discours. — Quelques mots des Mémoires de La Noue. — Sa mort au siège de Lamballe.

2129. (1880) Goethe et Diderot « Diderot »

Toutes les opinions, au contraire, qui peuvent sortir du tronc d’idées morales dressé avec tant de vigueur dans les critiques d’art de Diderot, en sortent de toutes parts et s’y épanouissent. « Quand — dit-il quelque part — une composition a toute l’expression dont elle est susceptible, elle est toujours assez pittoresque… » Vue superbe, d’un spiritualisme péremptoire, qui ne tient plus à la préoccupation de la moralité dans l’art mais à une esthétique intellectuelle plus forte que Diderot, en Diderot, et qui donnait à son inconséquence une persévérance et une unité que l’inconséquence ordinaire ne connaît pas. […] … Dans ces lettres à mademoiselle Volland j’ai bien cherché un mot profond, une page éclatante, une vue sur quoi que ce soit de ce que Diderot y regarde, et je n’ai rien trouvé qui puisse sauver du mépris ce volume de Correspondance, qui n’est pas le dernier encore, et qui ne peut être pardonné par la Critique, serait-il suivi d’un chef-d’œuvre ! […] Et ces trois choses terribles qui s’y agitaient ont été vues aussi nettement par Villemain que j’ai essayé moi-même de les montrer, en ce travail dont voilà la vérité appuyée par un esprit qui n’a pas la même manière de regarder, et qui voit pourtant la même chose que le mien.

2130. (1890) Dramaturges et romanciers

C’est cette doctrine longtemps tenue pour vulgaire, flétrie même de quolibets odieux et déclarée incapable d’enfanter rien de beau et de grand, que nous avons vue de nos jours s’élever à des hauteurs que peu de philosophies ont atteintes, et se déployer dans l’art, dans la critique, dans l’explication de la nature avec une vigueur et un éclat peu communs. […] Feuillet, voici, je suppose, en quels termes il s’exprimerait : « À l’époque où l’auteur de Dalila entra dans la vie, la société française n’était plus ce qu’on l’avait vue dans les années qui suivirent la révolution de 1830. […] Le grand défaut des pièces de Victorien Sardou, c’est qu’elles sont toujours construites en vue d’amener une scène capitale, avant laquelle le drame n’est pas, et après laquelle il n’est plus. […] Nous n’avons pas à entrer dans l’analyse de cette œuvre, que tout Paris a vue à l’heure présente. […] depuis que j’existe, j’ai vu l’État en danger je ne sais combien de fois, et, quant à l’Église, je ne l’ai jamais vue une seule minute hors de danger. » Nous aussi, depuis que nous existons, nous entendons dire que la jeunesse n’existe plus.

2131. (1903) Propos de théâtre. Première série

On avouera qu’ainsi étendue, c’est-à-dire vue tout entière, la question devient tout à fait curieuse, surprenante et inquiétante. […] La muse du drame indien ne perd jamais de vue le cadran solaire, dans le dessein où elle est d’accrocher une amplification descriptive à chaque heure du jour. […] Pauline parque Polyeucte ; elle le coud à son péplum ; elle ne veut pas qu’il s’éloigne d’elle de plus d’une encablure ; elle ne veut pas le perdre un seul instant de vue. […] Voilà une vue très juste. […] C’est sa manière de compenser, si je puis dire, ou bien plutôt d’illustrer, son bon sens ferme, sa vue nette et précise des passions humaines dans leur exacte réalité.

2132. (1932) Le clavecin de Diderot

Virginie Tahar, professeur agrégé de lettres modernes, Allocataire moniteur à Paris-Est Marne-la-Vallée À André Breton et Paul Éluard Lénine, dans Matérialisme et Empiriocriticisme, constate, dès l’introduction, que : Diderot arrive presque aux vues du matérialisme contemporain, d’après lesquelles, les syllogismes ne suffisent pas à réfuter l’idéalisme, car, il ne s’agit pas, en l’occurrence, d’arguments théoriques a. […] Ainsi, un égocentrisme à courtes vues décide les individus à l’individualisme, les nations au nationalisme. […] Ces enfants qui n’ont droit, en fait de couleurs, qu’à celles de la Vierge Marie, peuvent, sans abus de confiance métaphorique, signifier tout ce qu’il entre de restrictif dans l’idée de vocation, puisqu’elle est non la chance d’aller à quelque point de nouvelles vues, par un chemin modeste, mais l’interdiction de regarder hors de ce chemin, qui, d’ailleurs, se termine toujours en cul-de-sac. […] Crime et châtiment, le crime en vue du châtiment.

2133. (1898) La poésie lyrique en France au XIXe siècle

À l’automne suivant, Lamartine revint au lac où il attendait celle qu’il y avait vue l’année d’avant. […] Et cette ombre dont nous parle ici Alfred de Musset, ce n’est pas seulement une vision, ou plutôt ce n’est pas seulement une fiction, mais Musset l’a vue réellement ; c’est une sorte de cauchemar auquel il a été en proie, c’est sa tristesse, c’est lui-même qui s’est apparu, qui a pris forme et corps devant lui. […] Je ne crois pas qu’il y ait de tableau qui soit plus évocateur de choses vues. […] J’ai essayé, comme vous l’avez vu, de vous donner une vue d’ensemble de la poésie lyrique en France, au xixe  siècle.

2134. (1864) Le roman contemporain

D’autres l’avaient vue venir, parce qu’ils avaient mieux surveillé les sources où les révolutions s’élaborent. […] Paul Féval a fait sans doute aussi des romans-feuilletons à grand spectacle, avec changement de décorations à vue, et ses Mystères de Londres et son Fils du Diable, titres imprimés pendant si longtemps en lettres gigantesques sur toutes les murailles de Paris, rentrent dans la catégorie des romans que recherchent les journaux. […] Paul Féval l’a vue. […] Nous étions jeunes, toujours gais, quelquefois riches… Munis du silence complaisant des autorités voisines, nous invitions tous les locataires distingués de l’impasse, et nous avions une collection d’attachés d’ambassade en habits bleus à bouton d’or, de jeunes conseillers d’État, de référendaires en herbe, dont la nichée d’hommes déjà sérieux, mais encore aimables, se développait dans ce pâté de maisons en vue des Tuileries et des ministères voisins… Mais je viens de faire vibrer une corde sombre ; notre palais est rasé. […] À la vue du magnifique paysage qui se déroule devant les yeux de la jeune fille, des larmes lui échappent, et avec ses larmes son secret.

2135. (1907) Jean-Jacques Rousseau pp. 1-357

. — Le plus simple était d’ailleurs, à première vue, de présenter d’abord sa vie, puis ses ouvrages. […] Que devins-je à cette vue ! […] Irréprochable dans un poste assez en vue, je méritai, j’obtins l’estime de la République, celle de tous les ambassadeurs avec qui nous étions en correspondance, et l’affection de tous les Français établis à Venise. […] Que ce livre ait eu un tel retentissement et une telle influence, voilà une des plus fortes démonstrations qu’on ait vues de la bêtise humaine. […] Cette comédie nous découvre mieux qu’aucune autre la véritable vue dans laquelle Molière a composé son théâtre.

2136. (1910) Propos de théâtre. Cinquième série

Les Indiens de la baie d’Hudson se bridèrent de rire à la vue d’une boussole. Les femmes d’un roi nègre à la vue des menus objets d’art qu’on leur apportait en présent furent saisies d’une hilarité orageuse. […] Bérénice est un personnage très important dans Bérénice, et qu’il ne faut jamais perdre de vue. […] Or, le sacrifice au devoir, le sacrifice en vue du devoir à accomplir, c’est excellemment l’affaire de Corneille. […] La dernière que j’ai vue date de plus de quinze ans.

2137. (1905) Études et portraits. Sociologie et littérature. Tome 3.

Une vue métaphysique, c’est-à-dire non démontrée scientifiquement, nous fait seule concevoir la totale unité du cosmos. […] L’homme vraiment supérieur aux autres hommes, celui que la nature fait naître pour remplir ses vues sur la société, s’élève toujours de lui-même et malgré tous les obstacles à la place que la nature lui assigne. […] Il s’évanouit, pour nous montrer à l’œuvre des nations en train d’agir, comme toutes les nations ont agi de tout temps, d’après des lois d’inégalité et des principes de tradition, en vue d’un avenir de combat. […] Qui n’a admiré, dans les conversations avec Eckermann, les pages où l’auteur de Faust développe ses vues de demi-savant, mais si ingénieuses, sur les métamorphoses des plantes, sur l’unité de plan dans la création ? […] Il justifiait ses critiques par des vues toujours ingénieuses et neuves, souvent profondes.

2138. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Sully, ses Économies royales ou Mémoires. — II. (Suite.) » pp. 155-174

Les gens de finances qui redoutaient en lui un collègue vigilant et qui pressentaient un maître, l’attaquèrent d’abord et essayèrent de le miner comme un homme qui, n’étant pas du métier, n’avait que des vues brusques et des saillies impétueuses, peu sujettes à discussion ; ce n’était qu’un soldat, disait-on, « qui ne s’était jamais mêlé que de porter une arquebuse et d’endosser un harnais ».

2139. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Mézeray. — II. (Fin.) » pp. 213-233

Nous nous imaginons toujours volontiers nos ancêtres comme en étant à l’enfance des doctrines et dans l’inexpérience des choses que nous avons vues ; mais ils en avaient vu eux-mêmes et en avaient présentes beaucoup d’autres que nous avons oubliées.

2140. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Le prince de Ligne. — I. » pp. 234-253

Il y en a un sur le choix des semences aux environs des parcs ; le prince suppose toujours qu’ils ne sont point enclos de murailles et que la vue s’étend à l’entour par des éclaircies bien ménagées : il soigne alors les nuances diverses des semences dans les plaines, et veut assortir « le petit vert du lin, le mêlé, le tacheté du sarrasin, le petit jaune du blé, le gros vert de l’orge, et bien d’autres espèces que, dit-il, il ne connaît pas encore », toutes ensemble faisant le fond du tableau et qui deviennent le plaisir des yeux.

2141. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) «  Œuvres de Chapelle et de Bachaumont  » pp. 36-55

quelle grande vue des horizons et des contours !

2142. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « De la poésie de la nature. De la poésie du foyer et de la famille » pp. 121-138

Après avoir relevé la fadeur et le vague des tons, quelques beaux vers perdus dans une foule de vers communs, la vie champêtre vue de trop loin, regardée de trop haut, sans étude et sans connaissance assez précise, il se demande comment M. de Saint-Lambert, qui passe une partie de sa vie à la campagne, n’a pas mieux vu, n’a pas mieux saisi et rendu tant de scènes réelles, de circonstances familières et frappantes : Pourquoi M. de Saint-Lambert n’a-t-il pas trouvé tout cela avant moi ?

2143. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « II » pp. 21-38

Ce sont là de détestables sentiments, en même temps qu’un détestable système et une fausse vue des véritables intérêts qui importent le plus aux hommes réunis en société.

2144. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Correspondance inédite de Mme du Deffand, précédée d’une notice, par M. le marquis de Sainte-Aulaire. » pp. 218-237

L’attitude de Mme de Choiseul était d’accord avec la vérité : elle resta bien sincèrement, bien tendrement éprise de l’homme dont elle était glorieuse, dont elle disait que ce n’était pas seulement le meilleur des hommes, que « c’était le plus grand que le siècle eût produit », et de qui elle écrivait un jour avec une ingénuité charmante : « Il me semble qu’il commence à n’être plus honteux de moi, et c’est déjà un grand point de ne plus blesser l’amour-propre des gens dont on veut être aimé. » Elle eut fort à s’applaudir de l’exil de Chanteloup et fut seule peut-être à en savourer pleinement les brillantes douceurs ; elle y voyait surtout le moyen de garder plus près d’elle l’objet de son culte, et, sinon de le reconquérir tout entier, du moins de le posséder, de le tenir sous sa main, de ne le plus perdre de vue un seul jour.

2145. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Le journal de Casaubon » pp. 385-404

La vue de cette Église bien ordonnée rendit un peu de repos à son esprit inquiet : surtout personne ne le tourmentait plus sur sa foi : il cessa d’être, comme il disait, sur le tranchant du rasoir.

2146. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Œuvres de Maurice de Guérin, publiées par M. Trébutien — II » pp. 18-34

. — Mon Dieu, fermez mes yeux, gardez-moi de voir toute cette multitude dont la vue soulève en moi des pensées si amères, si décourageantes.

2147. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Maurice et Eugénie de Guérin. Frère et sœur »

C’était le premier qui s’offrît à ma vue ; je le méprisai.

2148. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Charles-Quint après son abdication, au monastère de Saint-Just »

Mais d’autre part, depuis qu’on a pu lire les lettres nombreuses écrites en ce même temps par les personnes de l’entourage de Charles-Quint, les consultations à lui adressées sur toutes les affaires politiques de l’Europe et les réponses, on a un double jour ouvert sur la pensée du grand solitaire ; il n’a plus été possible de dire avec Robertson : « Les pensées et les vues ambitieuses qui l’avaient si longtemps occupé et agité étaient entièrement effacées de son esprit ; loin de reprendre aucune part aux événements politiques de l’Europe, il n’avait pas même la curiosité de s’en informer. » Et sans faire de lui le moins du monde un ambitieux qui se repent, ni sans accuser les bons moines d’avoir falsifié la vérité parce qu’ils en ont ignoré la moitié, on est arrivé à voir le Charles-Quint réel, naturel, non légendaire, partagé entre les soins qu’il devait encore au monde et à sa famille, traité et considéré par elle comme une sorte d’empereur consultant, et en même temps catholique fervent, Espagnol dévot et sombre, tourné d’imagination et en esprit de pénitence aux visions de purgatoire ou d’enfer, et aux perspectives funèbres.

2149. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Histoire de Louvois par M. Camille Rousset. Victor-Amédée, duc de Savoie. (suite et fin.) »

Madame Royale (ainsi nommait-on la duchesse mère qui prit en main la Régence) tint toute la première, à l’égard de son fils, une ligne de conduite très peu maternelle : elle aimait le pouvoir, elle ne haïssait pas le plaisir, elle ne songea point à élever son fils en vue d’un prochain partage et exercice de l’autorité ; elle le traita avec froideur, avec roideur, non en mère française, mais en mettant sans cesse l’étiquette entre elle et lui.

2150. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « M. Émile de Girardin. »

Une pensée généreuse de progrès et d’amélioration sociale qu’il ne perdait jamais de vue le lui disait non moins nettement : car cet homme, qui parut de bonne heure si mêlé et si plongé dans les affaires, avait son but, sa visée supérieure et constante.

2151. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Le comte de Clermont et sa cour, par M. Jules Cousin. »

L’inconvénient pour les personnages en vue, c’est que leurs puérilités, comme leurs moindres fredaines, s’affichent et que tout leur est compté : on ne sait trop qui est le plus aux aguets, de la flatterie ou de la satire.

2152. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « JASMIN. » pp. 64-86

Paul, tu l’as vue ?

2153. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « UN FACTUM contre ANDRÉ CHÉNIER. » pp. 301-324

Celui qui demain va mourir sent un regret à quitter la vie que consolait sous les barreaux une vue si charmante, mais il exprime ce regret à peine, et son émotion prend encore la forme d’une pensée légère, de peur de jeter une ombre sur le jeune front souriant94.

2154. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE DURAS » pp. 62-80

Donner l’affection à ceux qui ne la sentent pas, c’est vouloir donner la vue aux aveugles, l’ouïe aux sourds.

2155. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre premier. La structure de la société. — Chapitre II. Les privilèges. »

. — Voilà les droits féodaux : pour nous les représenter par une vue d’ensemble, figurons-nous toujours le comte, l’évêque ou l’abbé du dixième siècle, souverain et propriétaire de son canton.

2156. (1861) Cours familier de littérature. XII « LXVIIIe entretien. Tacite (1re partie) » pp. 57-103

Tacite raconte la sédition des prétoriens à la vue d’Othon, en homme qui a vu les émotions populaires et les défections soldatesques.

2157. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Quatrième partie. Élocution — Chapitre IV. Des figures : métaphores, métonymies, périphrases »

Si je jette la vue devant moi, quel espace infini où je ne suis pas !

2158. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Henry Rabusson »

On peut croire, à première vue, qu’il procède de l’auteur de Monsieur de Camors : il s’en faut du tout au tout.

2159. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre IV. Ordre d’idées au sein duquel se développa Jésus. »

Il lui fallut un renouvellement complet, une révolution prenant le globe à ses racines et l’ébranlant de fond en comble, pour satisfaire l’énorme besoin de vengeance qu’excitaient chez lui le sentiment de sa supériorité et la vue de ses humiliations 153.

2160. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre X. Les sociales »

Bergeret, vous les prenez donc pour « des énergies précieuses », les basses avidités ouvertes vers les misérables et fangeux royaumes qui sont de ce monde — Votre intelligence vive, alerte, capable de tout comprendre successivement, inégale à la vue synthétique qui seule donne la sérénité, hésite entre Spinoza qui put tirer de ses richesses intérieures un univers harmonieux et le pauvre Napoléon dont l’Europe conquise ne remplissait pas le vide décidément incurable.

2161. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « M. de Féletz, et de la critique littéraire sous l’Empire. » pp. 371-391

À mesure qu’ils s’éloignèrent de leur point de départ de 1800, ils perdirent de leur utilité d’action et de leur netteté de vue ; ils avaient eu besoin d’une crise décisive qui les éclairât, et ils tâtonnèrent un peu quand survinrent des complications nouvelles.

2162. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Les Confessions de J.-J. Rousseau. (Bibliothèque Charpentier.) » pp. 78-97

La vue de la campagne, la succession des aspects agréables, le grand air, le grand appétit, la bonne santé que je gagne en marchant, la liberté du cabaret, l’éloignement de tout ce qui me fait sentir ma dépendance, de tout ce qui me rappelle à ma situation, tout cela dégage mon âme, me donne une plus grande audace de penser, me jette en quelque sorte dans l’immensité des êtres pour les combiner, les choisir, me les approprier à mon gré, sans gêne et sans crainte.

2163. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Florian. (Fables illustrées.) » pp. 229-248

Il y eut jusqu’à trois personnes qui purent croire qu’Estelle était faite à leur image, qu’elles étaient à la fois la muse et le modèle qu’avait eu en vue la galanterie du peintre.

2164. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Madame de Maintenon. » pp. 369-388

La jeune Indienne, comme on la nommait à cause de son voyage d’Amérique, fut très remarquée à première vue, et elle ne perdait pas à l’examen.

2165. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « L’abbé Barthélemy. — I. » pp. 186-205

Et ailleurs, un jour qu’allant à une noce, elle lui avait apparu dans une magnifique robe de satin bleu, toute rehaussée d’or et de diamants, il la compare à la reine des fées : « C’est la plus jolie petite raisonnable et aimable Titania que vous ayez jamais vue.

2166. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Marguerite, reine de Navarre. Ses Nouvelles publiées par M. Le Roux de Lincy, 1853. » pp. 434-454

Dès le matin, la compagnie se rassemblera dans la chambre de Mme Oisille pour assister à sa leçon morale, et de là ira entendre la messe ; puis on dînera à dix heures ; après quoi, s’étant retiré chacun en sa chambre pour ses affaires particulières, on se réunira sur le pré à midi : Et s’il vous plaît que tous les jours, depuis midi jusques à quatre heures, nous allions dedans ce beau pré, le long de la rivière du Gave, où les arbres sont si feuillés que le soleil ne saurait percer l’ombre ni échauffer la fraîcheur ; là, assis, à nos aises, dira chacun quelque histoire qu’il aura vue ou bien ouï dire à quelque homme digne de foi.

2167. (1899) Esthétique de la langue française « Le vers libre  »

Le poète, qui se croyait tenu à de certaines règles typographiques, s’est dégagé de ces règles et aussi de la rime obligatoire ; au lieu de chercher, par la rime, à donner l’illusion qu’il perpétuait la tradition de l’alexandrin, il se libère et d’un usage absurde et du souci de duper l’oreille ; maintenant il coupe le vers, non plus au commandement du nombre Douze, mais quand le sens s’y prête, d’accord avec un rythme secret et propre à dire une émotion particulière ; s’il use de la rime ou de l’assonance, c’est en vue soit de renforcer le rythme, soit de donner à la pensée une signification plus musicale.

2168. (1897) Préface sur le vers libre (Premiers poèmes) pp. 3-38

Son historique de la question est d’ailleurs exact, et il a vu la différence entre le vers libéré, verlainien, et le vers libre fort nettement, s’il s’est un peu borné en sa nomenclature des poètes participant au premier de ses mouvements, assez parents tous deux pour que le groupe symboliste avec ses aînés admirés et tels prosateurs fût suffisamment uni quelque temps par une similitude momentanée de vues ; les idées d’affranchissement et de complexité plus grande prêtant le terrain commun.

2169. (1889) Émile Augier (dossier nécrologique du Gaulois) pp. 1-2

La maison existe encore, attirant le regard mélancolique de ceux qui l’ont vue habitée par ses premiers hôtes.

2170. (1824) Discours sur le romantisme pp. 3-28

Pour ne parler que de la France, ces productions, généralement nobles et décentes sous Louis XIV, devinrent licencieuses et impies sous la Régence ; ensuite, sauf de glorieuses exceptions qui s’offrent à la pensée de tous, futiles et affectées pendant le long règne de Louis XV, elles semblèrent se régénérer, avec les mœurs publiques et privées, dans les années trop peu nombreuses du règne de son infortuné successeur ; et enfin, nous les avons vues, durant les jours de nos discordes civiles, partager la fortune diverse des partis, et suivre les phases variées du corps social, tantôt abjectes et furibondes, tantôt sublimes et dévouées, ici célébrant les épreuves de la vertu, et là consacrant les triomphes du crime.

2171. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Xavier Aubryet » pp. 117-145

Dans les appréciations souvent exquises de son livre de Chez nous et chez nos voisins, il y a beaucoup de choses que je crois vues avec des yeux qui feraient honneur à un aigle ou à un lynx, mais il y en a d’autres aussi sur lesquelles j’oserais discuter.

2172. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Saint-Bonnet » pp. 1-28

Une tête de la force de celle de l’auteur pourrait peut-être, sous ce bloc d’idées si nettement équarri, appréhender leurs développements et leurs conséquences, vues à travers cette langue si strictement condensée, cet autre bloc de cristal, dense et transparent à la fois.

2173. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « J. de Maistre » pp. 81-108

Mais les Fragments sur la Russie, qui ont suivi la Correspondance diplomatique datée de Turin, nous redonnèrent, eux, du de Maistre pur, dans la radicale beauté de sa pensée et dans la simplicité de ce style, unique de transparence, qui est comme la vue immédiate de l’idée elle-même… Enfin, voici une publication, — qui n’est peut-être pas encore la dernière, — et qui prouve autant que toutes les autres l’inépuisabilité de ce génie qu’on croyait posséder tout entier, et qui repart en jets inattendus de publicité quand on se disait qu’il n’y avait plus rien à attendre de la source cachée, semblable à un puits artésien qui se remettrait à jaillir à mesure qu’on ôterait les pierres qui le couvrent.

2174. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre iii »

Je ne redoute pas la mort ; je l’ai vue et je la vois encore de trop près en ce moment.

2175. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre II : M. Royer-Collard »

Je viens de voir la forêt ; un peintre l’eût vue mille fois mieux.

2176. (1858) Du roman et du théâtre contemporains et de leur influence sur les mœurs (2e éd.)

Si elle avait produit des théories étranges dans le domaine de l’art, on ne l’avait point vue du moins se faire, dans le domaine de la morale, l’apôtre de doctrines corruptrices. […] Ce n’est pas seulement la vue de l’iniquité qui les indigne. […] Elles ont fait plus : on les a vues courir aux spectacles les plus honteux, applaudir à l’insolente apothéose du vice ; on les a vues élever de leurs mains un piédestal aux héros du crime, et poser des couronnes sur le front des courtisanes amoureuses. […] Ne dirait-on pas qu’il y a des temps où, à défaut de la conscience devenue muette, le sentiment même de leur propre conservation n’avertit plus les sociétés humaines, et où leur vue troublée n’aperçoit plus l’abîme ? […] Jamais peut-être pareille fureur ne s’était vue depuis la décadence de la société païenne.

2177. (1902) La politique comparée de Montesquieu, Rousseau et Voltaire

Voici ses principaux arguments pour et contre : « On veut empêcher les frères nommés Jésuites d’enseigner la jeunesse et de remplir les vues de nos rois qui les ont admis à ces fonctions. […] Elle est ce par quoi Montesquieu prévoyait les constitutions les plus éloignées de celle qu’il avait en vue et leur donnait leur règle. […] C’est une vue très juste, en ce sens que, sauf des cas très rares, il ne peut pas y avoir de société sans propriété, ni de propriété, en état de civilisation, sans écart de plus en plus sensible entre les conditions et les fortunes, et c’est du même amour pour la simplicité, la frugalité et l’égalité que Rousseau déteste la propriété, la société et la civilisation. […] Mais il n’a pas assez développé cette vue pour qu’il y ait lieu de faire autre chose que la signaler. […] Mahomet « eut » lui aussi des vues très saines et lia bien son système politique ; et tant que la forme de gouvernement subsista sous les califes ses successeurs, ce gouvernement fut exactement un, et bon en cela.

2178. (1899) Arabesques pp. 1-223

Il ressemble à ces aveugles d’Écosse dont la vue merveilleuse perçait les murs, franchissait l’espace, atteignait les secrets par une révélation prophétique, et qui trébuchaient contre la première pierre du chemin. » C’est assez exact. […] C’est ce que Nietzsche entend par le Retour Éternel, et voici comment il explique cette vue sur la fatalité : « Tous les états que ce monde peut atteindre, il les a déjà atteints, et non pas seulement une fois, mais un nombre infini de fois. […] En outre, il ne faudrait pas s’étonner si de cet échange de vues pacifiques, il résultait une guerre générale. […] Il suffit, pour cela, de ne pas perdre de vue que ces sentiments ne s’imposent pas et que, seuls, en possèdent la notion ceux qui n’en usent pas avec une arrière-pensée de lucre ou de vanité, mais qui en affirment d’un cœur désintéressé la beauté, la vérité, à la face du monde abominable où nous croupissons. […] Les lois promulguées contre les Anarchistes, les conférences internationales vouées à la recherche d’un moyen de les anéantir n’aboutiront qu’à de nouvelles persécutions, à quoi répondront de nouvelles violences. — L’Anarchie, c’est l’idée de révolte consciente en vue d’un idéal de bonheur universel.

2179. (1893) Alfred de Musset

La poésie s’éveillait en lui si vite, que c’était plus rapide qu’un printemps ; c’était une aurore, qui grandissait à vue d’œil et dont les premières clartés le plongeaient dans des ravissements inoubliables. […] » Le critique (il signe F.) s’excuse ensuite auprès de ses lecteurs « de traîner leur vue sur les poésies de M. de Musset », et il analyse le volume avec de grandes marques de dégoût. […] Sept ans s’étaient écoulés depuis qu’il avait parcouru ces bois avec George Sand, dans la jeune ferveur de leurs amours, et la vue des lieux témoins de son bonheur versait dans son âme une douceur inattendue. […] Depuis deux ans, sans que jamais peut-être vous ayez su mon existence, vous n’êtes pas sortie ou rentrée, votre ombre tremblante et légère n’a pas paru derrière vos rideaux, vous n’avez pas ouvert votre fenêtre, vous n’avez pas remué dans l’air, que je ne fusse là, que je ne vous aie vue ; je ne pouvais approcher de vous, mais votre beauté, grâce à Dieu, m’appartenait comme le soleil à tous ; je la cherchais, je la respirais, je vivais de l’ombre de votre vie. […] Il y a au mur un guichet fort commode, par lequel on lui passe sa nourriture, et il s’en trouve bien, car il a le meilleur visage du monde, et il engraisse à vue d’œil. » Rosemberg a si peu de rancune qu’il engraisse !

2180. (1932) Les idées politiques de la France

On conçoit que la question religieuse, vue du château vaudois des Necker, comporte une idée de la séparation des Églises et de l’État. […] Composés en grande partie d’hommes jeunes, cultivés, ils ont tenté, sur une assez grande échelle, une alliance avec l’intelligence, recruté une jeunesse à l’École normale, organisé et contrôlé une presse, fourni des suggestions en vue d’une société des producteurs, des chefs d’entreprise et des professions libérales. […] Le nationalisme, cela signifie la politique vue sous l’angle des intérêts, des droits et de l’idéal de la nation. […] Il est une cause qu’on a mal vue, parce qu’elle a fonctionné en haut, chez les chefs, au moyen des cadres, et qu’elle a agité les comités électoraux bien plus que les électeurs. […] Ce ne serait là d’ailleurs qu’une vue assez théorique, des croisements ayant depuis longtemps brouillé ces pistes.

2181. (1913) Les livres du Temps. Première série pp. -406

Une vue philosophique si profonde suffit à démontrer le génie de ce Flaubert, qu’on a longtemps pris pour un humble styliste. […] Avec un peu d’entraînement, on arrive à le déchiffrer presque à première vue. […] Elle rend la vue à l’enfant de cette sœur qui lui a crevé les yeux. […] Dans sa Vue générale de l’Histoire de l’Europe, M.  […] On a souvent remarqué que Flaubert resta toute sa vie un romantique ; mais ce n’est pas assez dire, et ce n’est encore qu’une vue relativement superficielle.

2182. (1908) Après le naturalisme

Nous ne demandons du reste qu’à définir davantage les vues que nous n’avons qu’indiquées. […] Ce que l’homme a acquis et qui le fait homme, c’est la coodification des méthodes élémentaires de la vie originaire, avec une vue sur soi, mais bornée à ce seul regard intérieur. […] Mais ce qui lui manque n’enlève rien à la véritable signification qu’elle a pour nous, au rôle que lui commandait l’esprit du haut de ses vues humanitaires.

2183. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre quatrième. La connaissance des choses générales — Chapitre II. Les couples de caractères généraux et les propositions générales » pp. 297-385

Qu’est-ce à dire, sinon qu’à défaut de la vue claire vous avez le sentiment confus de cette soudure, et que la jonction existe entre les deux membres de votre pensée, sans que vous puissiez montrer précisément les points de jonction ? […] Non seulement l’expérience faite avec les yeux ou avec l’imagination n’est qu’un indice, mais de plus cet indice, en certains cas, peut manquer ; tout à l’heure, ni avec l’œil externe, ni avec l’œil interne, je ne pouvais suivre le prolongement des deux parallèles au-delà d’une certaine distance ; pareillement, on peut citer telle figure, le myriagone régulier, que je n’ai jamais vue tracée, que par l’imagination je ne puis tracer, et sur laquelle pourtant je puis porter avec clarté des jugements certains. […] En tous ces cas, les propositions nécessaires s’appliquent, et les données réelles ont la soudure intrinsèque que Kant et Mill leur déniaient. — De là des conséquences très vastes, et une vue sur le fonds de la nature, sur l’essence des lois, sur la structure les choses qui s’oppose à celles de Mill et de Kant.

2184. (1893) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Cinquième série

Son œuvre entière, vue d’assez haut, n’est qu’une apologie de la religion chrétienne par le moyen de la Providence. […] Si cette idée se retrouve partout dans l’Histoire des variations ; si c’est elle peut-être qui en fait l’âme diffuse ; si Bossuet n’y perd pas une occasion de la remettre en lumière, ne pourrons-nous donc pas dire avec raison qu’il se montre toujours, là, comme ailleurs, le philosophe ou le théologien de la Providence et le ministre, pour ainsi parler, des vues de son Dieu sur le monde ? […] Genre de traduction nouvelle des faits par les faits, des faits savants par les faits vulgaires ; et, tandis que ces analogies et ces traductions, mieux encore que les télescopes, ouvrent à notre vue l’immensité des cieux, les cieux abaissés, pour ainsi dire, à la voix de Fontenelle, exécutent devant lui leurs mouvements et leurs lois, comme la pendule de sa cheminée, dont il touche tous les ressorts. […] Mise ainsi tout à fait en vue, Mlle de la Force essaya d’en profiter pour faire ce qu’on appelle une fin, et elle jeta son dévolu sur un riche jeune homme, M. de Brion, fils d’un conseiller au parlement de Paris. […] Mais, si l’on veut bien prendre la peine seulement de la lire, et, après l’avoir lue, si l’on songe que les jansénistes, en dépit de toutes les bulles et de tous les anathèmes, ont toujours énergiquement refusé de se séparer du corps de l’Église, on s’apercevra d’une chose que les contemporains, plus intéressés que nous dans la question, ont sans doute encore mieux vue.

2185. (1891) Enquête sur l’évolution littéraire

C’est pourquoi je juge prudent, en offrant mon enquête à une catégorie de lecteurs plus rassise et exigeante, de leur expliquer les conditions imparfaites dans lesquelles j’ai dû la mener, et par là de lui ouvrir des vues sur les résultats qu’elle se proposait et qu’elle n’a pu qu’incomplètement atteindre. Si, au lieu d’informations recueillies au jour le jour, sous la pression et selon les hasards de l’actualité, j’avais voulu classer, en vue d’un livre de documentation rigoureuse, les forces littéraires de ce temps, j’aurais eu à choisir entre deux méthodes d’investigation : ou consulter les auteurs sans leur faire connaître l’opinion de leurs confrères, ou les consulter en communiquant à chacun les résultats d’ensemble. […] D’autre part, il se produit peut-être aussi, dans la littérature, une autre évolution, dont les Goncourt auraient eu la vue prophétique lorsque, en 1856, après une lecture d’Edgar Poë, ils écrivaient : « C’est la révélation de quelque chose dont la critique n’a point l’air de se douter : de l’imagination à coups d’analyse. […] Mais je connais de jeunes hommes qui entrent dans mes vues. […] La dive Beauté, que les mortels n’ont encore vue qu’avec les braves yeux de l’éphémère foi dans le temple abstrait de la chimère, les Magnifiques l’inviteront ici-bas le plus notablement possible.

2186. (1885) L’Art romantique

Que de choses éclairées j’aurais pu voir et que je n’ai pas vues !  […] Sur le cercle, elle tourne, et sa rapidité la rend invisible ; dans la glace, vue à travers la fenêtre tournante, elle est immobile, exécutant en place tous les mouvements distribués entre les vingt figures. […] Car nous devons remarquer que, bien que celui-ci n’ait été un littérateur décidément en vue qu’après la publication de Mademoiselle de Maupin, son premier recueil de poésies, bravement lancé en pleine révolution, date de 1830. […] Nul n’a mieux su que lui exprimer le bonheur que donne à l’imagination la vue d’un bel objet d’art, fût-il le plus désolé et le plus terrible qu’on puisse supposer. […] Liberté et fatalité sont deux contraires : vues de près et de loin, c’est une seule volonté.

2187. (1814) Cours de littérature dramatique. Tome II

À peine a-t-il pu voir Hermione ; et la seule fois qu’il l’a vue, ce n’était pas comme une amante à laquelle il voulait plaire, c’était comme une ennemie qu’il voulait poignarder. […] La veuve d’Hector feint d’accepter la condition ; mais elle a bien d’autres vues : elle prétend sauver son fils, sans qu’il lui en coûte rien ; elle prétend donner un père à son fils sans donner la mère ; elle médite une supercherie qui tend à frustrer Pyrrhus du prix de son bienfait ; car à peine aura-t-elle épousé le fils d’Achille, qu’elle a dessein de se tuer pour conserver le titre de veuve d’Hector. […] Je m’étonne que dans l’édition des Œuvres diverses de La Fontaine, donnée par Maucroix, et dans toutes celles que j’ai vues, on ait inséré des pauvretés telles que la comédie de Climène, les opéras de Daphné, d’Astrée, de Galatée, qui sont tout ce qu’il y a de plus insipide au monde, et qu’on n’y ait pas mis de fort jolies pièces, telles que la Coupe enchantée ; Ragotin, ou le Roman comique ; le Veau perdu et retrouvé.

2188. (1930) Le roman français pp. 1-197

Tenez en vue tous ces traits et dites maintenant si, même après la grande guerre, qui semble avoir détruit moins radicalement l’ancienne Allemagne monarchique, aristocratique, absolutiste, que ce qui subsistait chez nous de grandes propriétés rurales, un roman tel que Les Paysans n’a pas encore l’air d’avoir été écrit hier. […] Un style clair, au contraire, n’employant que les mots les plus usuels, et qu’on dirait maigre, si l’on ne distinguait, à première vue, qu’il est vigoureux, musclé comme le fut ce Normand solide, un peu vulgaire d’aspect, qu’une de ses amies — elles furent nombreuses — appela « un taureau triste ». […] Où donc trouvera-t-on des vues plus exactes et dégagées de toute passion que dans celui sur Napoléon au début du Lys rouge, dans ceux de l’abbé Lantaigne, et de M.  […] Elle seule pouvait décrire la guerre telle qu’elle est, vue par une escouade de pauvres hommes presque anonymes. […] Essayant de découvrir « le fond » de Proust et de Gide, il écrit : « Par un curieux paradoxe, il se trouve que, dans tous les volumes écrits “à la recherche du temps perdu”, c’est la sensibilité qui paraît, à première vue, tenir une place essentielle.

2189. (1911) Études pp. 9-261

Puis tantôt, il le perd de vue et l’invoque plaintivement dans l’obscurité de l’univers. […] Aussi est-il partout au plus loin ; avec une intelligence admirable il s’écarte, il se sépare un peu trop du centre, il feint de l’oublier, il le perd de vue ; mais c’est ainsi qu’il lui garde toute la forme attachée. […] Tu es la femme députée au Dieu terrible, afin que, l’ayant vue, elle est si pitoyable qu’il ne puisse plus nous refuser sa miséricorde. […] Déjà la plupart des champs étaient vides où la vue plus inespérément s’étendait325. […] Nous l’avons suivie pendant le long développement de sa solitude : nous l’avons vue devenir heureuse, changer sa crainte en volupté, mais sans renoncer à sa défense et à son repliement.

2190. (1911) Nos directions

Glaucos Pour toi donc, maître, j’ai pensé : Ô belle fille blonde Vous m’avez plu dès que je vous ai vue Plus qu’aucune chose qui soit au monde, Je vous épouserais demain — ce soir Si vous n’adoriez Saturne et Cybèle Ou si j’adorais Vénus sans y croire Donc selon mon strict devoir De bon chrétien. […] Il suffit que leurs vues concordent. […] Ce sera nécessairement par le moyen extérieur d’une parole non pas objective et glacée, abstrait constat de l’émotion, mais vibrante elle aussi, mobile… Et tout lyrique élan s’arrête, si le poète perd de vue ce principe primordial. […] Vildrac et Duhamel91 J’aurais répondu tout spécialement à l’article impartial de Michel Arnauld92 sur le Vers Français 23 si d’abord il ne m’eût donné satisfaction de principe presque complète, si d’autre part, dans une étude qui parut au même moment24, je n’avais précisé mes vues et prévenu plusieurs de ses objections. […] Il n’est pas un de nos aînés vers-libristes, je parle de ceux qui ont réalisé, qui ait consenti systématiquement à un pareil sacrifice : chez eux le vers blanc reste exceptionnel, en vue d’un effet très précis.

2191. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Gabriel Naudé »

Après tant de nouveautés que l’âge des derniers parents avait vues sortir, on arrivait aisément à se persuader qu’il n’y avait plus qu’une seule découverte et qu’une seule merveille qui en méritât le nom. […] Composé, on le voit, en vue d’un patron, comme la plupart de ses autres écrits, celui-ci du moins nous traduit la plus chère des pensées de l’auteur, sa véritable et intime passion.

2192. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre III. Ben Jonson. » pp. 98-162

Il s’échappa, s’engagea comme volontaire dans l’armée des Pays-Bas, tua et dépouilla un homme en combat singulier, à la vue des deux armées. […] Quand nous pensons une chose, nous autres hommes ordinaires, nous n’en pensons qu’une portion ; nous en voyons un aspect, quelque caractère isolé, parfois deux ou trois caractères ensemble ; pour ce qui est au-delà, la vue nous manque ; le réseau infini de ses propriétés infiniment entre-croisées et multipliées nous échappe ; nous sentons vaguement qu’il y a quelque chose au-delà de notre connaissance si courte, et ce vague soupçon est la seule partie de notre idée qui nous représente quelque peu le grand au-delà.

2193. (1859) Cours familier de littérature. VIII « XLVIe entretien. Examen critique de l’Histoire de l’Empire, par M. Thiers (3e partie) » pp. 249-336

À cette vue, les grenadiers à cheval de la garde, conduits par le général Lepic, l’un des héros de l’armée, s’élancent à leur tour pour seconder les efforts de Murat. […] « Pendant ce temps, il avait lancé sur Lisbonne son principal lieutenant, Masséna, pour aller porter à l’armée anglaise le coup mortel ; et, jugeant au frémissement du continent qu’il fallait garder des forces imposantes au Nord, il formait une vaste réunion de troupes sur l’Elbe, ne consacrait plus dès lors à l’Espagne que des forces insuffisantes, laissait Masséna sans secours perdre une partie de sa gloire, permettait que d’un lieu inconnu, Torrès-Védras, surgît une espérance pour l’Europe exaspérée, qu’il s’élevât un capitaine fatal pour lui et pour nous ; puis, n’admettant pas que la Russie, enhardie par les distances, pût opposer quelques objections à ses vues, il reportait brusquement ses pensées, ses forces, son génie, au Nord, pour y fixer la guerre par un de ces grands coups auxquels il avait habitué le monde et beaucoup trop habitué son âme ; abandonnant ainsi le certain, qu’il aurait pu atteindre sur le Tage, pour l’incertain, qu’il allait chercher entre le Dniéper et la Dwina !

2194. (1864) Cours familier de littérature. XVII « Ce entretien. Benvenuto Cellini (2e partie) » pp. 233-311

Quelques personnes qui l’ont vue ne peuvent douter de ce miracle. […] « Quoique le duc eût été témoin de l’approbation de notre excellente école, cela ne l’empêcha pas de dire qu’il était bien aise que j’eusse obtenu cette petite satisfaction, parce qu’elle m’exciterait à l’achever ; mais que ma statue étant tout à fait découverte et vue de tous les côtés, on y trouverait des défauts qu’on n’avait point aperçus, et que je devais m’armer de patience.

2195. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « Figurines »

Seulement, c’est là une vérité que nous avons assez vue, et des vérités un peu différentes sont en train de nous attirer davantage. […] Il a de très larges vues d’historien et de belles pénétrations.

2196. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 juin 1886. »

J’aurais à me procurer le consentement des autorités communales ; et il ne faut pas perdre de vue qu’ici il ne s’agit pas d’une entreprise théâtrale de commerce : les représentations ne seront données que pour des invités et pour les patrons de l’œuvre ; aucune place ne sera vendue. » II — Annonce des Fêtes 12 mai 1871 « La pièce de Fête, l’Anneau du Nibelung, doit être représentée, sous ma direction spéciale, en quatre soirées consécutives, et cela trois fois, en trois semaines consécutives. […] A la vue de cette destinée flétrie, brisée sur la terre comme un jonc foulé, et refleurissant dans le Ciel comme un lys splendide, nous sentons palpablement pour ainsi dire, comment en se perdant, on se sauve : si forte est la puissance du religieux élan renfermé dans le morceau final, formant l’Épilogue de la pièce.

2197. (1857) Cours familier de littérature. IV « XXIe Entretien. Le 16 juillet 1857, ou œuvres et caractère de Béranger » pp. 161-252

Il a en vue surtout, et il le manifeste par son refrain tantôt grivois, tantôt patois, tantôt soldatesque, l’ouvrier du faubourg, le paysan du village, le soldat, le sergent, la cantinière de la caserne ; il affecte, en chantant, l’accent, les mœurs, le costume, le geste, les gallicismes intentionnels de ces classes particulières de la nation. […] La Clef du Caveau, que nous avons vue alors entre les mains de plusieurs de nos condisciples, devenus des chansonniers et des vaudevillistes, était un livre où se trouvaient notés, figurés et alignés, pour la faculté des débutants, tous les airs populaires sur la mesure desquels il fallait, comme sur le lit de Procuste, allonger ou raccourcir son génie quand on voulait écrire pour le Caveau.

2198. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome I « Bibliotheque d’un homme de goût. — Chapitre I. Des poëtes anciens. » pp. 2-93

Ses notes peuvent être utiles aux commençans, & il n’a eu qu’eux en vue. […] Ceux qui sont versés dans les deux langues, trouveront que la version est peu littérale, & que le traducteur se perd quelquefois de vue lui-même.

2199. (1753) Essai sur la société des gens de lettres et des grands

Des successeurs ou trop bornés ou trop despotiques, semblèrent négliger les vues sages de Charles V ; mais le mouvement imprimé subsista, quoique faiblement, jusqu’à François Ier, qui donna aux esprits engourdis et languissants une nouvelle impulsion, Ce prince fut, ou assez bien né pour aimer les savants, ou du moins assez habile pour les protéger ; car sans les aimer on les protège quelquefois, et l’intérêt ou la vanité les rend aisément dupes sur les motifs des égards qu’on a pour eux. […] On se tromperait néanmoins, si on avançait sans restriction que les récompenses mal distribuées découragent toujours les génies supérieurs : elles sont bonnes quelquefois à faire produire de grandes choses à ceux qui ne les obtiennent pas ; ils travaillent non dans l’espoir d’y parvenir, mais dans la vue de les mériter.

2200. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « III — Bossuet et la France moderne »

Les écoles protestantes fermées par autorité de justice, les temples démolis, les consciences pressurées, les enfants arrachés du foyer en vue d’un simulacre de conversion, les vexations, les insultes, les infamies, les persécutions en un mot, quoique non sanglantes jusque là, ne se comptèrent plus. […] Quelqu’étrange qu’il paraisse à première vue, le fait est là, sous nos yeux, indéniable et clair : Bossuet, à la tête de l’épiscopat français, fait chasser de France l’élite de la France, cinq cent mille de ses meilleurs citoyens.

2201. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « De l’état de la France sous Louis XV (1757-1758). » pp. 23-43

Et puis Bernis conclut par quelques mots, ou du moins il rend justice au génie, si plein de ressort, de la race française : « Il faudrait changer nos mœurs, s’écrie-t-il, et cet ouvrage, qui demande des siècles dans un autre pays, serait fait en un an dans celui-ci, s’il y avait des faiseurs. » Cette remarque est profondément vraie, en l’appliquant je ne dis pas aux mœurs, mais aux sentiments et à l’esprit de notre nation, qu’on a vue plus d’une fois se retourner tout d’un coup et en un instant sous une main puissante.

2202. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « William Cowper, ou de la poésie domestique (I, II et III) — III » pp. 178-197

Il a un côté presque hébraïque par la rigidité, par l’effroi, et de son bosquet et cabinet de verdure, en même temps qu’il aperçoit de loin les batteurs en grange à travers le feuillage, il lui arrive quelquefois d’avoir tout à coup une vue, une vision sur le Sinaï.

2203. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « I » pp. 1-20

Et Voltaire, ce même homme qui trébuchait ainsi dans le détail, reprenait ses avantages dès qu’il s’agissait d’ensemble ; il était de ces esprits fins et prompts qui devinent mieux qu’il ne connaissent, qui n’ont pas la patience de porter une démonstration un peu longue, mais qui enlèvent parfois tout d’une vue une haute vérité, et qui réussissent alors à l’exprimer de manière à ravir les savants eux-mêmes.

2204. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Madame Swetchine. Sa vie et ses œuvres, publiées par M. de Falloux. »

Il faut pourtant que j’ose dire pourquoi, à première vue, le centre d’influence de Mme Swetchine ne m’attirait pas.

2205. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « La comtesse de Boufflers. »

Les grâces inexprimables et délicates de votre caractère et de votre conversation, comme les douces notes d’un luth, sont perdues au milieu du tumulte du monde dans lequel je vous ai vue journellement engagée.

2206. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « La comtesse de Boufflers (suite.) »

Faisant équitablement et à vue de pays la balance des torts et admettant volontiers tous ceux de Rousseau, elle relève aussi ce qui est à reprendre dans le procédé de Hume, — et envers elle d’abord : « Quelque raison que vous me puissiez dire pour ne m’avoir pas instruite la première de l’étrange événement qui occupe à cette heure l’Angleterre et la France, je suis convaincue que par réflexion vous sentirez, si vous ne l’avez déjà senti, qu’il n’y en peut avoir de valable.

2207. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Lettres inédites de Michel de Montaigne, et de quelques autres personnages du XVIe siècle »

Vaillac surpris essaya de se justifier et de payer de paroles ; mais le maréchal, coupant court aux beaux semblants, lui dit que, s’il n’obéissait sur l’heure et n’ordonnait à ses officiers, et à sa femme qui était dedans, de lui ouvrir et rendre le château, il le ferait pendre haut et court à la vue du château même.

2208. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Dominique par M. Eugène Fromentin (suite et fin.) »

Dominique s’enivre de sa vue ; il ne se nourrit plus que d’une pensée unique, et, dans son reste d’enfance, il ne conçoit pas la moindre crainte pour l’avenir ; il ne s’est pas aperçu que parmi les objets de voyage qu’on déballait, près d’un bouquet de rhododendrons rapporté de quelque ascension lointaine et enveloppé avec soin, une carte d’homme s’est détachée, dont Olivier s’est emparé aussitôt, et qu’un nom inconnu a été prononcé pour la première fois : Comte Alfred de Nièvres.

2209. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Corneille. Le Cid(suite et fin.)  »

Dans l’auteur espagnol, on a une expédition de terre, le brillant départ de Rodrigue, son courtois et galant entretien avec l’infante qui rêve au balcon de son palais d’été, de jolies scènes, de jolis motifs ; on a même un léger grotesque, ce berger qui, à la vue des Maures ravageant la plaine, s’enfuit dans la montagne, au plus haut des rochers, et qui, le combat terminé, ayant assisté à la victoire de Rodrigue et aux grands coups d’épée dont il pourfend les infidèles, s’écrie : « Par ma foi !

2210. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Collé. »

Par la ressemblance ou le contraste, il nous suffit du nom de Béranger rapproché de celui de Collé, pour nous donner plus d’une vue et faire jaillir plus d’une étincelle.

2211. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Catinat (suite.). Guerre des Barbets. — Horreurs. — Iniquités. — Impuissance. »

» La guerre était décidée ; Catinat, qui n’a que son objet en vue, qui n’a d’yeux que par Louis XIV et par Louvois, s’en réjouit ; il écrivait, dès le 14 avril : « Toutes les allées et venues des ambassadeurs suisses n’ont point eu de succès ; le prince ne les écoute plus que pour leur dire que sa volonté paraît par son dernier édit.

2212. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Essai sur Talleyrand (suite.) »

. — Nous nous portons tous bien dans notre petit rayon ; mais quand nous voulons l’étendre, nous rencontrons des maladies dont ce pays-ci est plein, etc. » La révolution de juillet 1830 n’étonna point M. de Talleyrand, qui l’avait vue venir.

2213. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Madame Desbordes-Valmore. »

Dès qu’il l’eut vue, il lui porta un intérêt tout paternel, et touché de sa noble physionomie tout empreinte de mélancolie, il l’appelait « un petit roi détrôné ».

2214. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « M. de Sénancour — M. de Sénancour, en 1832 »

Mais  disons-le, si notre reproche sincère tombe en plein sur plusieurs écrits du respectable philosophe, les Libres Méditations, quoique rentrant dans sa même vue générale, échappent tout à fait au blâme, grâce à l’esprit de condescendance infinie et de mansuétude évangélique qui les a pénétrées.

2215. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « George Sand — Note »

. — J’avais, comme vous l’avez très-bien aperçu, commencé cette histoire de Saint-Julien dans d’autres vues, et les deux corps se joignaient fort mal.

2216. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « MME DESBORDES-VALMORE. (Les Pleurs, poésies nouvelles. — Une Raillerie de l’Amour, roman.) » pp. 91-114

Cette veine lactée s’est prolongée dans la poésie jusque vers 1820, où nous l’avons vue finir ; nous tous, en nous en souvenant bien, nous avons eu, adolescents, notre période de Florian et de Gessner ; nous réciterions avec charme encore la Pauvre Fille de Soumet.

2217. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. ALFRED DE MUSSET. » pp. 177-201

En s’appliquant à ces faits, pour leur imprimer le cachet de son génie, pour les tailler en diamants et les enchâsser dans un art très-ferme et très-serré, l’auteur n’a jamais songé, ce semble, à les rapporter aux conceptions générales, soit religieuses, soit politiques, dont ils n’étaient que des fragments ou des vestiges ; la vue d’ensemble ne lui sied pas ; il est trop positif pour y croire ; il croit au fait bien défini, bien circonstancié, poursuivi jusqu’au bout dans sa spécialité de passion et dans son expression matérielle ; le reste lui paraît fumée et nuage.

2218. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « GRESSET (Essai biographique sur sa Vie et ses Ouvrages, par M. de Cayrol.) » pp. 79-103

» Comment la vue seule de Paris et de ce monde qu’il avait une fois connu ne fit-elle point à Gresset cet effet-là ?

2219. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « UN DERNIER MOT sur BENJAMIN CONSTANT. » pp. 275-299

Et, pour prouver que je n’ai aucun parti pris après non plus qu’avant, je veux citer de lui une lettre encore, mais toute différente de celles qu’on connaît, une lettre fort simple en apparence, et qui a cela de remarquable à mon sens, qu’entre toutes les autres que j’ai vues, elle est la seule où il témoigne avoir un peu de calme et de contentement dans la tête et dans le cœur.

2220. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre cinquième. Le peuple. — Chapitre III »

» — « Le paysan annonce sans cesse que le pillage et la destruction qu’il fait sont conformes à la volonté du roi. » — Un peu plus tard, en Auvergne, les paysans qui brûlent les châteaux montreront « beaucoup de répugnance » à maltraiter ainsi « d’aussi bons seigneurs » ; mais ils allégueront que « l’ordre est impératif, ils ont des avis que « Sa Majesté le veut ainsi743 »  À Lyon, quand les cabaretiers de la ville et les paysans des environs passent sur le corps des douaniers, ils sont bien convaincus que le roi a pour trois jours suspendu les droits d’entrée744  Autant leur imagination est grande, autant leur vue est courte. « Du pain, plus de redevances, ni de taxes », c’est le cri unique, le cri du besoin, et le besoin exaspéré fonce en avant comme un animal affolé.

2221. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre V. Transition vers la littérature classique — Chapitre I. La littérature sous Henri IV »

Le seigneur du Pradel, qui ne perdit jamais de vue l’intérêt national dans sa laborieuse activité de propriétaire rural, et dont le livre fut un bienfait public, a mérité des statues, plutôt qu’une place dans notre histoire littéraire.

2222. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Jules de Glouvet »

Et ses paysages aussi sont, pour la plupart, des inventaires et n’arrivent que rarement à faire tableau : c’est la nature vue par un juge d’instruction qui a appelé le paysage « à comparoir ».

2223. (1890) La fin d’un art. Conclusions esthétiques sur le théâtre pp. 7-26

Puisque la sensibilité plus aiguë de l’artiste lui procure, dans la vie vécue ou vue, des admirations plus délicates et de plus parfaites contemplations, que va-t-il peiner pour réfléchir sur la toile, sur le papier ou sur le marbre, un reflet plus ou moins pâle de l’émotion déjà passée ?

2224. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre XX. La fin du théâtre » pp. 241-268

Puisque la sensibilité plus aiguë de l’artiste lui procure, dans la vie vécue ou vue, des admirations plus délicates et de plus parfaites contemplations, que va-t-il peiner pour réfléchir sur la toile, sur le papier ou sur le marbre, un reflet plus ou moins pâle de l’émotion déjà passée ?

2225. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. Herbert Spencer — Chapitre I : La loi d’évolution »

Il ne faut donc jamais perdre de vue que la science et la connaissance ordinaire sont de même nature et que l’une n’est que l’extension et la perfection de l’autre133.

2226. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre XI, les Suppliantes. »

Elle approche, elle croît à vue d’œil ; il distingue déjà ses mariniers noirs, ceints de pagnes blancs.

2227. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Lettres de Mlle de Lespinasse. » pp. 121-142

Les sentiments élevés, généreux, le patriotisme et la virilité des vues, se révèlent aussi en plus d’un endroit, et nous font apprécier la digne amie de Turgot et de Malesherbes.

2228. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Monsieur Théodore Leclercq. » pp. 526-547

en regardant de même d’autres mendiants qu’on rencontre dans le monde, au lieu de se laisser suffoquer à la vue des stratagèmes qu’ils inventent pour attirer aussi l’attention sur eux, il faut se dire tout simplement : C’est leur emplâtre ou leur jambe de bois.

2229. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Saint-Évremond et Ninon. » pp. 170-191

Saint-Évremond ne croit en rien à l’avenir, et toutes ses espérances, comme tous ses bonheurs, se terminent pour lui au moment prochain ou présent : « Je n’ai pas en vue la réputation, dit-il… je regarde une chose plus essentielle, c’est la vie, dont huit jours valent mieux que huit siècles de gloire après la mort… Il n’y a personne qui fasse plus de cas de la jeunesse que moi… Vivez ; la vie est bonne quand elle est sans douleur. » Lui, qui a si bien pénétré le génie des Romains, voilà pourtant ce qui lui a manqué peut-être pour être leur peintre durable et définitif ; il a laissé cet honneur à Montesquieu.

2230. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Le Brun-Pindare. » pp. 145-167

Un jour que, voulant reconduire une dame dans un escalier sombre, il s’aperçut qu’il avait trop présumé de son reste de vue, il improvisa à l’instant ces vers : Las !

2231. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Le maréchal Marmont, duc de Raguse. — I. » pp. 1-22

Le petit ouvrage qu’il publia en 1845, intitulé : l’Esprit des institutions militaires, et dont le maréchal Bugeaud disait que tout officier en devait avoir un exemplaire dans son porte-manteau, me le montra tel que ses amis me l’avaient fait entrevoir, mais avec une supériorité de vues et de lumières, une netteté d’exposition, une imagination même et une couleur de parole, tout un ensemble de qualités auxquelles bien peu certes auraient atteint parmi les maréchaux de l’Empire.

2232. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Montesquieu. — II. (Fin.) » pp. 63-82

Ces suicides des Caton, des Brutus, lui inspirent des réflexions où il entre peut-être quelque idolâtrie classique et quelque prestige : « Il est certain, s’écrie-t-il, que les hommes sont devenus moins libres, moins courageux, moins portés aux grandes entreprises qu’ils n’étaient lorsque, par cette puissance qu’on prenait sur soi-même, on pouvait, à tous les instants, échapper à toute autre puissance. » Il le redira jusque dans L’Esprit des lois, à propos de ce qu’on appelait vertu chez les anciens : « Lorsqu’elle y était dans sa force, on y faisait des choses que nous ne voyons plus aujourd’hui, et qui étonnent nos petites âmes. » Montesquieu a deviné bien des choses antiques ou modernes, et de celles même qu’il avait le moins vues de son temps, soit pour les gouvernements libres, soit pour les guerres civiles, soit pour les gouvernements d’empire ; on ferait un extrait piquant de ces sortes de prédictions ou d’allusions prises de ses œuvres.

2233. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Grimm. — II. (Fin.) » pp. 308-328

Mme d’Épinay, dans les derniers temps de sa vie, s’était vue atteinte dans sa fortune ; les réformes que M. 

2234. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Œuvres de Frédéric le Grand (1846-1853). — I. » pp. 455-475

Je me voue à tous les saints… Ce qui est plus fait pour intéresser en ces lettres, c’est de voir déjà percer le roi dans Frédéric par certaines questions politiques précises qu’il adresse à son ami : une lettre de lui, datée de Berlin 27 juillet 1737, contient une série de ces questions telles à première vue, qu’aurait pu les adresser un Bonaparte à cet âge.

2235. (1864) William Shakespeare « Première partie — Livre I. Shakespeare — Sa vie »

Un corridor pour entrée, au rez-de-chaussée, une cuisine, une serre et une basse-cour, plus un petit salon ayant vue sur le chemin sans passants et un assez grand cabinet à peine éclairé ; au premier et au second étage, des chambres, propres, froides, meublées sommairement, repeintes à neuf, avec des linceuls blancs aux fenêtres.

2236. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Henri Heine »

Ici, en sa qualité de poète, c’est-à-dire de voyant, il a vu et senti des choses qu’aucun critique n’avait jusqu’ici vues ou senties.

2237. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Ernest Hello » pp. 207-235

Dans les écrits que nous avons de lui, mêlés, à grandes doses, de lumière et d’ombre, sa supériorité n’existe pas toujours au même degré ; mais quand elle existe, elle est absolue, et nul, parmi les moralistes chrétiens qui retournent le cœur et l’esprit de l’homme dans leurs mains curieuses, n’a montré plus d’acuité que cet homme tyrannisé par ses facultés et préoccupé tellement de voir, que, pour lui, l’absence de seconde vue est le caractère irrémissible de ce qu’il haïssait le plus au monde, — la Médiocrité !

2238. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre v »

Elle m’aura élargi la vue (toute ma vie intérieure est devenue plus facile, plus large — large comme une avenue où j’aimerais voir aller et venir beaucoup de passants) — surtout en me montrant les effets que peuvent avoir sur les autres un visage égal, souriant, accueillant à n’importe quelle heure, et quelques bonnes paroles.‌

2239. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « II — L’inter-nationalisme »

Il existe, à première vue, entre les nations ce que nous nommerons des liens matériels, se subdivisant en une multitude d’éléments.

2240. (1919) L’énergie spirituelle. Essais et conférences « Chapitre III. “ Fantômes de vivants ” et “ recherche psychique ” »

Et tel paraît être, à première vue, le cas des faits qui intéressent la « recherche psychique », ou tout au moins de beaucoup d’entre eux.

2241. (1905) Promenades philosophiques. Première série

Il soutint noblement jusqu’au bout le rôle qu’il avait élu tout d’abord, par vue politique et par sentiment ; mais le grand désenchanté l’était de la religion comme du reste. […] Il y a des motifs anciens d’admirer qui portent plus volontiers au dédain ; c’est que peu à peu ils se sont tassés autour du chef-d’œuvre jusqu’à en voiler la vue. […] Les vues de Spencer sur l’origine expérimentale des vérités rationnelles sont généralement admises aujourd’hui, sans que toutes les objections que l’on peut faire à cette théorie soient encore résolues. […] Le travail est peut-être plus apparent chez Renoir ; plus courageux que Verlaine, il est doué d’une volonté plus ferme d’être en même temps neuf et sincère, de reproduire la vie telle qu’il l’a vue et sentie. […] Les toiles, vues de près, ressemblent à un torchon où on aurait essuyé des pinceaux.

2242. (1856) À travers la critique. Figaro pp. 4-2

Sainte-Beuve, en parlant de l’Histoire de l’Astronomie par Bailly, « que dans certaines vues de développement et de lointain qu’offre ce bel ouvrage, il y des parties qui, à les presser, se trouvent plutôt élégantes et spécieuses que solides. » Presser les parties d’une vue, d’un lointain, cela ne vous semble-t-il pas une hardiesse de langage un peu forte ? […] et quiconque avait entendu une seule fois cette mélodie errante dans les nues (un mot de Shakespeare) s’en souvenait, et, rentrant chez soi par le plus long chemin la chantait à son usage… « Le chemin que peut faire en vingt années une de ces œuvres souveraines… il n’y a que Berlioz qui le puisse dire… Or, il n’était pas là pour raconter ce grand triomphe d’Hérold après sa mort ; il n’a pas vu cette foule émue, attentive et reconnaissante qui saluait tantôt de ses transports, tantôt de ses larmes délicieuses ce génie et cette mémoire ; il ne l’a pas vue, il ne la racontera pas, et voilà son châtiment. » Jules Janin. […] Avec une vue de ce calibre, on devait voir le Demi-Monde, quand bien même l’auteur eût commis la distraction un peu forte qu’on lui reproche.

2243. (1898) La cité antique

C’est ici que les lois anciennes, à première vue, semblent bizarres et injustes. […] Aucun acte matériellement ou moralement impur ne devait être commis à sa vue. […] Si le sentiment de la force vive et de la conscience qu’il porte en lui avait inspiré à l’homme la première idée du divin, la vue de cette immensité qui l’entoure et qui l’écrase traça à son sentiment religieux un autre cours. […] Il semblerait à première vue qu’on eût pris à tâche d’établir un système de vexation contre l’étranger. […] Entre deux cités il pouvait bien y avoir alliance, association momentanée en vue d’un profit à faire ou d’un danger à repousser, mais il n’y avait jamais union complète.

2244. (1915) Les idées et les hommes. Deuxième série pp. -341

Aussi loin que je me la rappelle, je l’ai toujours vue avec des échafaudages. […] L’antiquité, vue ainsi, était le chef-d’œuvre, élaboré lentement, d’une longue pensée. […] Toute sa famille qu’il a vue, la Révolution l’a tourmentée. […] Cependant, il a vu quelques druidesses ; il les a vues dans l’île d’Ouessant. […] Avant cela, on l’a vue intrépide et, parfois, désagréablement.

2245. (1896) Les époques du théâtre français (1636-1850) (2e éd.)

Je ne crains pas, Messieurs, d’avoir exagéré l’originalité de ces vues de l’auteur de Rodogune sur l’emploi de l’histoire dans le drame, et je me reprocherais plutôt de ne pas l’avoir assez développée. […] Cette pourpre, et cet or… et tout ce que l’imagination, sans trahir la vérité, mais au contraire pour la fixer et pour l’éterniser, ajoute d’elle-même aux choses « qu’on n’a pas vues deux fois… » S’il n’a garde, Messieurs, de rejeter l’emploi de l’histoire, il n’est pas homme à dédaigner non plus les conseils des théoriciens : de Corneille même en ses Examens ; de son ami Boileau ; voire d’un La Mesnardière ou d’un abbé d’Aubignac53. […] C’est ce que Racine a très bien vu : qu’il ne s’agissait, pour s’accommoder de l’unité du jour ou de l’unité de lieu, que de trouver des sujets qui n’en fussent point eux-mêmes gênés, et qui pour cela, Messieurs, de moins en moins romanesques, fussent conséquemment, — pour les raisons que vous avez vues, — de plus en plus tragiques55. […] Et ne me dites pas qu’il n’y avait rien de plus facile ; que les beautés d’une œuvre s’aperçoivent et se sentent d’abord ; qu’un autre les eût vues comme lui ! […] Ce qu’ils ont de « plaisant » ou de « comique » ne frappe point la vue, n’apparaît pas même à la réflexion, et au contraire, plus on les connaît, moins on les trouve « ridicules » et surtout « risibles ».

2246. (1874) Histoire du romantisme pp. -399

Non-seulement nous faisions de la couleur locale dans nos vues et dans nos tableaux, mais nous en mangions. […] Venezia la bella, d’Alphonse Royer, est illustrée d’une vue de la place Saint-Marc, prise du large, avec la gondole de rigueur et le cadavre de jeune fille assassinée comme il convient. […] Le poète excelle dans ces vues prises de haut sur les idées, la configuration ou la politique d’un temps. […] comme il en savourait les qualités et quelle joie sincère et lumineuse à la vue d’une belle chose ! […] Le dernier rôle où nous l’ayons vue, c’est Marie-Jeanne, une autre Marie, car ce nom qui était le sien lui sied à merveille.

2247. (1906) Propos de théâtre. Troisième série

Le drame de Pixérécourt est plein d’incidents extraordinaires et plein de péripéties anormales ; il est terrible, et il est très précisément écrit en vue d’une grande leçon morale. […] Mme Dufrène a été meilleure que je ne l’ai jamais vue, vraiment pathétique, quoique avec un peu de monotonie de colombe blessée — mais quoi ? […] Il s’est fait la plus effroyable figure bassement sinistre qu’on ait jamais vue au théâtre. […]   De grâces et d’attraits je la trouve pourvue, Mais les défauts qu’elle a ne frappent point ma vue. […] Il y fait très bonne figure, et c’est une pièce digne d’être vue et revue.

2248. (1913) Les idées et les hommes. Première série pp. -368

L’auteur a « de l’amitié pour ceux qui racontent avec sincérité les choses qu’ils ont vues ». […] Les épisodes s’accumulent, sans qu’on sache très bien ce que l’auteur a en vue : et savons-nous ce que nous veut la vie ? […] Elle est, une fois, — mais sans qu’on l’ait vue, — une vieille reine, qui a le violent désir de régner seule, et sur un peuple de néant. […] Mais Pascal a écrit : « Le peu que nous avons d’être nous cache la vue de l’infini. » Et M.  […] Le regard saisit une large étendue ; et il examine chaque point du vaste décor sans perdre la vue de l’ensemble.

2249. (1920) Essais de psychologie contemporaine. Tome I

Tandis que les premiers s’étudient à considérer des formes vides de toute matière, les seconds tâchent de ne jamais perdre de vue la matière que les formes représentent. […] A la superstition, violente ou grossière, il essaye de substituer une vue de plus en plus idéale du surnaturel et de ses rapports avec ce monde. […] En revanche, les vues générales abondent, toutes ingénieuses, le plus souvent justes, et elles traduisent un constant effort pour dégager quelque loi naturelle des phénomènes moraux. […] — ont renouvelé notre vue théorique de l’univers et multiplié nos moyens d’action sur les forces naturelles. […] L’instruction publique s’organise en vue d’assurer à l’enseignement des sciences un triomphe sur l’enseignement des lettres.

2250. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre IV. L’âge moderne. — Chapitre I. Les idées et les œuvres. » pp. 234-333

« Si Satan, comme aux anciens jours, se présentait ici parmi les fils de Dieu, cette vue suffirait pour le renvoyer chez lui plein d’effroi1157. » — « Comme sa voix ronfle, et comme il cogne ! […] Quand il décrit sa petite rivière, sa chère Ouse, « qui tourne lentement dans la plaine unie parmi les spacieuses prairies çà et là tachées de bétail1196 », il la voit intérieurement, et chaque mot, chaque coupe, chaque son correspond à un changement de cette vue intérieure. […] Elles sont trop finement sensibles pour trouver une distraction dans le spectacle et la peinture de passions humaines1232. « Shelley s’en écartait instinctivement » ; cette vue « rouvrait ses propres blessures. » Il se trouvait mieux dans les bois, au bord de la mer, en face des grands paysages.

2251. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre sixième »

Malherbe les avait pressenties, et il paraît bien, par ses critiques de détail, que ce qu’il avait en vue, c’est la raison sous la forme du vrai. […] Certes, il a bien fait de laisser à ses censeurs ces vues de détail, qui ne sont pas compatibles avec la poésie, et d’avoir mieux aimé écrire de verve un poème vif et frappant, que languir sur un livre de théorie ingénieux et froid. […] S’ils ne les y ont pas vues, c’est que l’amour-propre leur a caché l’origine et la tradition de leurs pensées, et qu’ils ont cru inventer des principes, quand ils ne faisaient que tirer des conséquences.

2252. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Le cardinal de Bernis. (Fin.) » pp. 44-66

La conduite de Bernis dans quelques affaires délicates telles que le procès du cardinal de Rohan, où il fallut se prononcer entre sa propre cour et celle de Rome, quelques négociations de confiance et de famille dont il fut chargé, telles qu’une tentative de rapprochement entre le roi d’Espagne Charles III et son fils Ferdinand, roi des Deux-Siciles, et le voyage qu’il fut autorisé de faire à Naples dans cette vue, ne purent qu’accroître son autorité paisible et l’idée qu’on s’était formée de sa sagesse9.

2253. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Gui Patin. — I. » pp. 88-109

En avançant dans la lecture de Gui Patin, nous verrons qu’il n’avait point sans doute l’esprit philosophique et méthodique dans le sens général du mot ; il n’est point à cet égard de la famille de Descartes, il est de ces esprits à bâtons rompus, si je puis dire, et qui ne vont pas jusqu’au bout d’une conséquence ; mais il a tout ce que le bon sens à première vue saisit et appréhende, et il le rend avec des jets de verve, avec des éclats de causticité qui sont amusants.

2254. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Benjamin Constant. Son cours de politique constitutionnelle, ou collection de ses divers écrits et brochures avec une introduction et des notes, par M. Laboulaye »

Il eut horreur de 93, et, à son arrivée à Paris, il se lia avec les Talliénistes et les républicains le plus en vue à ce moment, avec Riouffe, Louvet, Chénier, Daunou.

2255. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Histoire de la Restauration par M. Louis de Viel-Castel. Tomes IV et V. (suite et fin) »

Sans jalousie aucune et sans un germe d’envie, sans personnalité offensante et dominante, préoccupé avant tout du but et de faire réussir les combinaisons qu’il estimait les plus sages et les seules possibles, il n’apportait dans les groupes où il figura aucune susceptibilité d’amour-propre, ni aucune de ces délicatesses nerveuses excessives que nous avons vues à d’autres politiques également habiles48, dont elles altéraient parfois l’excellent jugement.

2256. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Maurice comte de Saxe et Marie-Josèphe de Saxe, dauphine de France. »

Les jeunes et les vieilles y accourent de partout, dans des vues différentes pourtant ; et comme les hommes suivent ce bétail-là, il s’y fait un mouvement qui réjouit le spectateur bénévole. » Il aurait bien dû écrire ce bout de lettre en allemand. « Ce bétail-là ! 

2257. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Le général Jomini. [II] »

Auprès d’un général plus tacticien (un Soult, un Davout) Jomini eût moins réussi ; il eût été en surcroît ; il eût trouvé la position prise et aurait eu à lutter d’idées et de vues ; d’autre part, auprès d’un guerrier moins intelligent, il aurait pu être moins compris et moins écouté : Ney, par son mélange de fougue militaire et souvent de témérité, mais de coup d’œil aussi et d’esprit, pouvait avoir plus d’une fois besoin d’un bon conseil, et il était homme à en sentir aussitôt la valeur, à en profiter.

2258. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamartine — Lamartine »

Mais en y songeant mieux, revoyant sans fumée, D’une vue au matin plus fraîche et ranimée, Ce tableau d’un poëte harmonieux, assis  Au sommet de ses ans, sous des cieux éclaircis, Calme, abondant toujours, le cœur plein, sans orage, Chantant Dieu, l’univers, les tristesses du sage, L’humanité lancée aux Océans nouveaux…, — Alors je me suis dit : Non, ton oracle est faux ; Non, tu n’as rien perdu ; non, jamais la louange, Un grand nom, — l’avenir qui s’entr’ouvre et se range, —  Les générations qui murmurent : C’est lui ! 

2259. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. EUGÈNE SCRIBE (Le Verre d’eau.) » pp. 118-145

Vue en elle-même et prise indépendamment de la scène, l’auteur paraît en avoir assez médiocre souci.

2260. (1862) Cours familier de littérature. XIII « LXXVe entretien. Critique de l’Histoire des Girondins (6e partie) » pp. 129-176

Cette page, écrite dans un de ces moments d’enthousiasme plus poétique qu’historique où l’on s’élève si haut dans l’espace qu’on cesse de voir les sinistres détails d’un événement pour n’en considérer que l’ensemble (et l’homme à faible vue n’a pas le droit de s’élever ainsi jusqu’à ce point où l’on ne distingue plus que les résultats dans un désintéressement soi-disant sublime, mais en réalité coupable, du crime ou de la vertu), cette page, dis-je, est une des deux grandes fautes involontaires que j’aie à me reprocher dans ma carrière d’écrivain.

2261. (1869) Cours familier de littérature. XXVIII « CLXVIIIe entretien. Fénelon, (suite) »

Tout cela est d’un homme qui veut se mettre à couvert de Rome, sans avoir aucune vue du bien ! 

2262. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre II. Littérature bourgeoise — Chapitre I. Roman de Renart et Fabliaux »

Et lorsqu’ils ont à peine perdu de vue les créneaux de leur donjon ou le clocher de leur ville, pour peu qu’ils aient exterminé les provisions de quelques bonnes gens qui parfois en font la grimace, ils s’en reviennent comme s’ils avaient fait grand exploit et sauvé la chrétienté, criant outrée de tous leurs poumons !

2263. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre I. Renaissance et Réforme avant 1535 — Chapitre II. Clément Marot »

Mellin de Saint-Gelais172, qui fut après lui le plus en vue des poètes de cour, était son aîné : mais homme du monde, plus qu’écrivain, il ne recherchait pas la gloire littéraire ; il ne s’exposait pas volontiers au public.

2264. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre III. Les grands artistes classiques — Chapitre II. Boileau Despréaux »

Le consentement universel est signe pour lui de vérité : si trente siècles et dix peuples ont adoré Homère, c’est que ces siècles, ces peuples ont reconnu la nature dans Homère ; et il y a chance qu’elle y soit, si tant d’individus si différents de mœurs et de goût l’y ont vue.

2265. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « Anatole France »

Les histoires de grandes personnes, incomprises, incomplètement vues, comme des séries de scènes singulières qui ne se relient point entre elles, prennent des airs et des proportions de rêves.

2266. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Octave Feuillet »

M. de Camors mis à part, presque toutes ces figures s’effacent et se mêlent un peu après qu’on les a vues.

2267. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « La jeunesse du grand Condé d’après M. le duc d’Aumale »

D’abord elle est dirigée tout entière en vue du premier rôle qu’il doit jouer, et cette idée lui a toujours été présente, en sorte que sa fierté même a pu être intéressée à se plier aux rudes programmes qu’on lui imposait.

2268. (1902) L’œuvre de M. Paul Bourget et la manière de M. Anatole France

À ce souci, en même temps que son imagination s’est vue contrainte de rendre le sceptre, il a dû ramener tout un système de faits, non sans que bien des formes consacrées s’en modifiassent, qui n’y avaient peut-être pas un absolu avantage.

2269. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XI. La littérature et la vie mondaine » pp. 273-292

Au lieu de dire comme aurait pu le faire le premier venu : Je rencontre souvent le prince — on dira : « Ce demi-dieu borne incessamment ma vue ».

2270. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XII. La littérature et la religion » pp. 294-312

Et qu’on ne cite pas Jean-Jacques comme une exception ; Jean-Jacques, il faut toujours s’en souvenir, est un protestant qui a été catholique ; un genevois qui, dans la mystique Savoie, à l’âge où l’âme garde, comme une cire molle, toutes les impressions, a pris part aux solennités de l’Eglise romaine ; il a suivi le lent déroulement des processions sous les arceaux des cathédrales ; il a respiré la fumée enivrante de l’encens ; il a rempli ses yeux d’un spectacle doux à la vue et son cœur d’une doctrine plus tendre que forte, plus féminine que virile.

2271. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XVIII. Formule générale et tableau d’une époque » pp. 463-482

Ou bien de vastes généralisations comme celle qu’a essayée Bossuet, une vue à vol d’oiseau, à vol d’aigle, si l’on veut, des grandes révolutions qui se sont succédé dans le monde, rapide coup.

2272. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Biographie de Camille Desmoulins, par M. Éd. Fleury. (1850.) » pp. 98-122

Les Révolutions de France et de Brabant (1789-1791) ne sont qu’une longue et continuelle insulte à tous les pouvoirs publics qu’essaya d’instituer, ou de conserver en les régénérant, la première Constitution ; ce n’est qu’une diffamation le plus souvent calomnieuse de tous les hommes qui furent alors en vue, et que Camille Desmoulins ne louait et n’exaltait un moment que pour les ravaler ensuite et les avilir.

2273. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « L’abbé de Choisy. » pp. 428-450

Point d’ambition, point de vues : plus attentive à songer à ce qu’elle aimait qu’à lui plaire ; toute renfermée en elle-même et dans sa passion, qui a été la seule de sa vie ; préférant l’honneur à toutes choses, et s’exposant plus d’une fois à mourir, plutôt qu’à laisser soupçonner sa fragilité ; l’humeur douce, libérale, timide ; n’ayant jamais oublié qu’elle faisait mal, espérant toujours rentrer dans le bon chemin ; sentiments chrétiens qui ont attiré sur elle tous les trésors de la miséricorde, en lui faisant passer une longue vie dans une joie solide, et même sensible, d’une pénitence austère.

2274. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « La Grande Mademoiselle. » pp. 503-525

La première Fronde, celle de 1648, ne lui fournit pas l’occasion de s’émanciper encore, et son esprit se borna à donner cours à ses préventions qu’elle ne prenait pas la peine de dissimuler : « Comme je n’étais pas fort satisfaite de la reine ni de Monsieur dans ce temps-là, ce m’était un grand plaisir, dit-elle, que de les voir embarrassés. » Lorsque la reine et la Cour, sur le conseil du cardinal, quittèrent Paris pour Saint-Germain dans la nuit du 6 janvier 1649, elle se fit un devoir de les accompagner, bien qu’elle fût loin de partager leurs pensées et leurs vues : « J’étais toute troublée de joie de voir qu’ils allaient faire une faute, et d’être spectatrice des misères qu’elle leur causerait : cela me vengeait un peu des persécutions que j’avais souffertes. » La légèreté, le désordre et la cohue de cette cour de Saint-Germain sont peints à ravir par une personne aussi légère et frivole que pas une, mais qui est véridique et qui dit tout.

2275. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Mademoiselle de Scudéry. » pp. 121-143

Ce qui nous frappe chez elle à première vue, c’est qu’elle prend tous les personnages de sa connaissance et de sa société, les travestit en Romains, en Grecs, en Persans, en Carthaginois, et leur fait jouer quant aux principaux événements le même rôle à peu près qui leur est assigné dans l’histoire, tout en les faisant causer et penser comme elle les voyait au Marais.

2276. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Rivarol. » pp. 62-84

Voici quelques vues sur Paris et sur sa destination naturelle comme ville européenne, qui sentent assurément l’homme d’une civilisation très avancée, très amollie, et l’épicurien politique plus que le citoyen-soldat ; nous les livrons toutefois, fût-ce même à la contradiction de nos lecteurs, parce que les réflexions qu’elles présentent n’ont pas encore trop vieilli : Paris est-il donc une ville de guerre ?

2277. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Beaumarchais. — II. (Suite.) » pp. 220-241

Quelques jours après, c’était une lettre de lui qui courait et qu’on disait adressée à un duc et pair qui lui aurait demandé une petite loge grillée, d’où quelques femmes de la Cour voulaient voir la pièce sans être vues : Je n’ai nulle considération, monsieur le duc (disait Beaumarchais dans la lettre qui courait le monde), pour des femmes qui se permettent de voir un spectacle qu’elles jugent malhonnête, pourvu qu’elles le voient en secret ; je ne me prête point à de pareilles fantaisies.

2278. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Voltaire et le président de Brosses, ou Une intrigue académique au XVIIIe siècle. » pp. 105-126

Jamais esprit ne s’est transformé plus habilement, et ne s’est retourné plus vite à vue d’œil selon son intérêt.

2279. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre sixième. La volonté — Chapitre premier. Existence de la volonté »

Les modernes partisans de la sensation transformée profitent de ce que les sensations superficielles des cinq sens, ou du moins celles de la vue, de l’ouïe et du toucher, sont devenues aujourd’hui presque indifférentes, presque des sensations pures et en apparence passives, tandis que les sensations organiques et celles mêmes du goût ou de l’odorat enveloppent clairement émotion et réaction ; ils brouillent le tout et supposent des sensations isolément passives et indifférentes, qui, combinées, produiraient : 1° l’apparence de l’activité ou de la volonté, 2° la réalité du plaisir ou de la douleur.

2280. (1899) Esthétique de la langue française « Le cliché  »

A peine. « Expression tirée de l’Énéide, affirme un guide-âne populaire, et qui sert à faire entendre que la vue d’une grande infortune excite la pitié : les choses elles-mêmes arrachent des larmes.

2281. (1864) William Shakespeare « Deuxième partie — Livre I. Shakespeare — Son génie »

Ce sont là les formules de l’école ; mais c’est la grande question du contraste dans l’art vue par le petit côté.

2282. (1906) La nouvelle littérature, 1895-1905 « Première partie. Écoles et manifestes » pp. 13-41

L’art n’est plus, comme l’a promulgué le chef du naturalisme, la Nature vue à travers un tempérament, c’est la Nature elle-même qui se volatilise, se transverbe ou s’immobilise, selon que le musicien, le poète ou le peintre l’envisage.

2283. (1906) La nouvelle littérature, 1895-1905 « Deuxième partie. L’évolution des genres — Chapitre I. La critique » pp. 45-80

Marcel Ballot (Figaro) se manifeste assez hostile aux débutants, cependant il a de l’érudition un esprit clair, et néanmoins subtil, et il a osé des vues originales qu’on n’a pas assez remarquées.

2284. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Loutherbourg » pp. 258-274

Parmi eux, il y a peut-être un époux que sa femme attend avec impatience et qu’elle ne reverra plus ; un fils unique que sa mère a perdu de vue depuis longtemps et dont elle soupire en vain le retour ; un père qui brûle du désir de rentrer dans sa famille, et le monstre terrible qui veille dans la contrée perfide dont le charme les a invités au repos, va peut-être tromper toutes ces espérances.

2285. (1759) Réflexions sur l’élocution oratoire, et sur le style en général

Ainsi la clarté est l’apanage de notre langue, en ce seul sens qu’un écrivain français ne doit jamais perdre la clarté de vue, comme étant prête à lui échapper sans cesse.

2286. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « X. M. Nettement » pp. 239-265

Nul criterium déduit d’une doctrine première et fondamentale, et quand il s’agit de juger les grands faits intellectuels de l’époque, nulle vue profonde, mais un lieu commun d’une superbe venue, un lieu commun de dix-huit ans qui prend aujourd’hui dans ce gros livre solennellement sa robe prétexte et qui rencontre un autre lieu commun du même âge, lorsqu’il s’agit de juger les œuvres et les hommes.

2287. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Sainte-Beuve. Les Poésies de Joseph Delorme, Les Consolations, les Pensées d’août. »

Peut-être à votre vue elle a baissé la tête, Car, bien pauvre qu’elle est, sa naissance est honnête ; Elle eût pu, comme une autre, en de plus heureux jours, S’épanouir au monde et fleurir aux amours, etc.

2288. (1868) Curiosités esthétiques « VII. Quelques caricaturistes français » pp. 389-419

A première vue, le produit apparaît comme extraordinaire ; mais quand tout Monsieur Prudhomme a été dit, Henri Monnier n’avait plus rien à dire.

2289. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « I — L’art et la sexualité »

C’est en persévérant dans cette voie qu’il grandit peu à peu à sa propre vue, dans l’isolement et l’inimitié du tout.

2290. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXVIII. Des obstacles qui avaient retardé l’éloquence parmi nous ; de sa renaissance, de sa marche et de ses progrès. »

On voulut y suppléer en les multipliant, en les répétant, en attachant un très grand nombre de phrases accessoires à la phrase principale, en créant un faux style périodique, qui marchait toujours escorté de détails et de choses incidentes, qui, au lieu de se développer avec netteté, offusquait la vue par des embarras, et dans sa lenteur n’avait qu’une fausse gravité sans noblesse.

2291. (1925) Les écrivains. Première série (1884-1894)

Anémié par la sophistication des aliments qu’on offre à son esprit, écœuré par l’odeur que soufflent les soupiraux de toutes les cuisines littéraires, secoué de haut-le-cœur à la vue des purulences qui s’étalent, ne va-t-il point, le public, dilater ses poumons et demander au vent qui passe un parfum d’honnêteté ? […] Les Nuits d’hiver sont une série de nouvelles, à la manière de Tourgueneff, très pittoresques, très dramatiques, et toutes pleines d’observations sincères, curieuses, de vues modernes, avec un tour hardi de pensée. […] Fils d’un général d’Empire, Léopold-Sigisbert, comte Hugo, sa vue d’enfant fut frappée de tout l’éclat militaire de cette époque. […] Deux fois, il fut obligé de sortir de Paris, et il fut tellement irrité, tellement froissé, tellement outragé dans sa supériorité et dans son élégance maquillée de Parisien, par la vue odieuse des arbres, qui n’étaient pas en zinc, des fleurs qui n’étaient pas en papier, des mers qui n’étaient pas en percaline verte, des moissons, des horizons qui n’étaient pas peints à la détrempe sur des rouleaux de toile, qu’il se mit à invectiver la nature, à la cribler de pauvres sarcasmes, à la traiter enfin comme une vieille actrice qui a cessé de plaire aux avant-scènes. […] Et, pendant ce temps, un homme est là, à qui l’on a tout pris ; un homme est là, entre quatre murs, plus pesants à son crâne que les quatre cloisons d’une bière ; un homme est là, ignorant ce qu’on veut de lui, ce qui l’attend au-delà des murs, et qui, pour reposer sa vue de l’affreuse suggestion de malheur qui suinte des pierres de la geôle, n’a que le visage indifférent de ses gardiens et l’œil du juge.

2292. (1894) La bataille littéraire. Septième série (1893) pp. -307

Comme vous n’appartenez à aucune école, vous n’avez, pas le moindre parti pris et vous vous laissez aller, comme le premier venu, à toutes vos sensations, seulement ce premier venu a ici l’amour et l’habitude des choses de l’esprit, une vue claire, une remarquable faculté de synthèse et de concision, tout ce que doit avoir enfin celui qui a été nourri comme vous de la bonne moelle du dix-septième et du dix-huitième siècle. […] Les jours passent comme les hommes, et nous voici à la veille du coup d’État ; M. de Tocqueville nous donne un portrait écrit très détaillé du futur Empereur ; j’y copie ces lignes bien curieuses : En général, il était difficile de l’approcher longtemps et de très près sans découvrir une petite veine de folie, courant ainsi au milieu de son bon sens, et dont la vue, rappelant sans cesse les escapades de sa jeunesse, servait à les expliquer. […] Il s’agit en effet du livre si richement documenté, si plein de vues élevées sur l’art, que M. le comte Henri Delaborde, secrétaire perpétuel de l’Académie des Beaux-Arts, a publié l’an dernier, et qui résume l’histoire de cette Académie, depuis la fondation de l’Institut. […] Chacun tira de sa gibecière la viande qu’il avait apportée et tous se mirent à manger en silence, repaissant leur vue de la contemplation de leurs chers défunts. […] Sa gaîté tombe pourtant à la vue d’innombrables chariots de blessés et de morts ; on approche des champs de bataille.

2293. (1908) Promenades philosophiques. Deuxième série

  Cette constance, qui fait, de l’homme du bronze et de l’homme de la pierre, notre égal en génie, a même créé chez quelques philosophes l’illusion d’une certaine supériorité primitive : « Les hommes des premiers âges, dit Creuzer, étaient doués d’une vue merveilleuse de la nature même des choses, avaient un pouvoir de tout sentir, de tout comprendre. » Renan, qui cite cette opinion de l’auteur de la Symbolique, se faisait une idée analogue des temps primitifs, les supposait même régis par des lois particulières, « maintenant privées d’exercice29 ». […] Mais surtout, vue du point de vue philosophique, l’écriture est le premier grand effort d’analyse qui ait laissé dans l’histoire des traces sensibles, et peut-être le plus grand. […] En somme, la matière se compose toujours d’atomes, et ces atomes sont toujours indivisibles, tant qu’une nouvelle vue de l’esprit ne les aura, pas logiquement divisés. […] Mais cette vue, qui est la mienne, je ne pense pas qu’elle soit généralement admise ; les hommes, pour s’y plaire, sont encore trop imprégnés de religiosité. […] Les notions du divin, de l’idéal, du progrès seront toujours des appareils à gâcher le bonheur présent en vue d’un bonheur futur, également chimérique pour l’individu et pour l’espèce.

2294. (1890) Impressions de théâtre. Quatrième série

Cette lutte, Dieu seul l’a vue, mais je l’ai tout au moins soupçonnée… Voici les faits. […] Ma vue se trouble… Une sueur froide… Ô mon Dieu ! […] Et ce qui m’étonne un peu plus encore, c’est qu’ils aient eu cette constance enragée d’inscrire ainsi chaque nuit, en rentrant chez eux, les moindres choses vues et entendues. […] Seulement il fallait, pour cela, « repenser » tout le livre en vue du théâtre. […] Lorsque cet homme d’Etat, la tête éternellement renversée pour qu’elle soit mieux vue des étoiles, s’avance sur Vénus, et, d’une voix forte, lui jette : « Vive Monsieur Vulcain, Madame ! 

2295. (1891) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Quatrième série

Le Breton n’ait perdu de vue son véritable sujet, ne le dirai-je pas aussi ? […] Mais, cette exception faite, et de quelque côté que je tourne la vue, je ne vois plus que jansénistes, c’est-à-dire que poètes, qu’écrivains de toute sorte, que gens du monde, et que femmes, dont les croyances et les opinions semblent aussi voisines de celles de Pascal que distantes, au contraire, de celles de Descartes. […] Elle ne se repaît pas de ses grimaces, comme Harpagon de la vue de son or. […] Il ne perd pas sa matière de vue, mais elle lui échappe d’elle-même, et les « mains paternelles », selon son expression, lui en tombent de découragement : Bis pairiæ cecidere manus. […] C’est un publiciste, comme on dit aujourd’hui ; c’est un citoyen, comme on disait au xviiie  siècle : il travaille en vue du bien public, et non pas seulement, comme Buffon, pour la science.

2296. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Première partie. — L’école dogmatique — Chapitre premier. — Une leçon sur la comédie. Essai d’un élève de William Schlegel » pp. 25-96

Le poète marche rapidement et nous entraîne à sa suite vers un but qu’il ne perd pas de vue, et qu’il nous fait entrevoir de moment en moment. […] Mais il y a aussi de certaines faiblesses morales vues avec complaisance, caressées avec affection par le pécheur qui s’y abandonne.

2297. (1858) Cours familier de littérature. V « XXVIe entretien. Épopée. Homère. — L’Iliade » pp. 65-160

» À ces mots le magnanime Hector veut prendre son fils entre ses bras ; mais l’enfant, inquiet à la vue du geste de son père, se rejette en criant dans le sein de sa nourrice. […] Le héros, à cette vue, attendri de pitié, nomme Andromaque par son nom et lui parle en ces mots : « “Chère Andromaque, ne t’abandonne pas à un désespoir prématuré !

2298. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « Louis Veuillot »

Il ne lâche point la croix ; mais, du pied de la croix, il a, sur tout ce qui passe, des vues d’une ampleur souvent surprenante. […] S’il doit à l’intransigeance même de sa foi des vues profondes sur l’histoire contemporaine et des clairvoyances terribles sur les personnes, il lui arrive aussi de se tromper fâcheusement sur elles, de nous surfaire leur perversité, et de perdre, pour ainsi parler, la notion du vrai humain.

2299. (1879) À propos de « l’Assommoir »

 » Le passage souligné est la clef de tout le caractère : cette Nana, d’ailleurs, est la suite, le développement de la Nana que nous avons vue l’œuvre dans L’Assommoir : n’ayant pas assez de cœur pour être méchante, elle aurait peut-être pu prendre de la raison si elle s’était développée dans un autre milieu ; mais dans la boue où elle a poussé, elle a puisé toute une sève mauvaise  Un peu plus loin, dans les notes dont nous venons de citer quelques fragments, on peut lire cette phrase profonde : « Nana, c’est la pourriture d’en bas, l’Assommoir remontant et pourrissant les classes d’en haut. […] Elle communique avec un salon, qui nous ramène aux temps modernes, grâce aux murs couverts de tableaux tout actuels : une vue d’Aix signée par Guillemet ; des œuvres de Manet, de Monet, de Berthe Morizot, de Pissaro, de Cézanne  le terrible impressionniste.

2300. (1896) Journal des Goncourt. Tome IX (1892-1895 et index général) « Année 1893 » pp. 97-181

» Le hasard fait, que les exécutions, racontées hier, par Céard, reviennent dans la conversation, et Schwob décrit l’exécution d’Eyraud, qu’il a vue. […] Aujourd’hui, il me reste comme un souvenir de rêve de cette visite : le Flammarion avec sa tête de saint Jean-Baptiste, qu’offre dans un plat d’argent, la peinture italienne à Hérodiade, le monsieur qui a découvert la dernière planète, à la chevelure qui pourrait servir d’enseigne à la pommade du Lion, un jeune homme bancroche, qui nous est présenté par Flammarion, comme l’humain de toute la terre ayant la vue la plus longue.

2301. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre dixième. Le style, comme moyen d’expression et instrument de sympathie. »

Au premier abord, ne semblerait-il pas logique, toutes les fois qu’on accomplit un travail, de n’avoir en vue que le moyen de le faire vite et bien, en dépensant le minimum de force ? […] Voici la transposition d’une sensation auditive en sensation visuelle, d’une ondulation invisible de l’air en ondulation visible et, par ce moyen terme, la transformation d’une chose inanimée en une apparence d’être animé, de témoin vivant : « … Dans l’air moite et odorant de la pièce les trois bougies flambaient… ; et, coupant seul le silence, par l’étroit escalier un souffle de musique montait ; la valse, avec ses enroulements de couleuvre, se glissait, se nouait, s’endormait sur le tapis de neige263. » La transposition de sons en images pour la vue, et en images animées, a rendu célèbres les vers d’Hugo : Le carillon, c’est l’heure inattendue et folle Que l’on croit voir, vêtue en danseuse espagnole, Apparaître soudain par le trou vif et clair Que ferait en s’ouvrant une porte de l’air… 2° Transposition du sentiment en sensation.

2302. (1881) La parole intérieure. Essai de psychologie descriptive « Chapitre III. Variétés vives de la parole intérieure »

Jeanne reçoit donc, en vue du but spécial qu’il lui a été ordonné de poursuivre, une direction morale complète, qui semble ne l’abandonner jamais. […] Il n’a pas eu d’hallucinations de la vue, quoi qu’en ait dit M. 

2303. (1902) Les poètes et leur poète. L’Ermitage pp. 81-146

On peut lui préférer pour des raisons particulières, qui Lamartine, ou qui Verlaine, mais je ne crois point qu’on puisse nier, à cause de la diversité de ses vues, de l’ampleur de son verbe, de l’énormité de sa chaotique harmonie, la prépondérance en poésie du chantre de la Légende des Siècles. […] La pensée d’un siècle, vue dans son ensemble, présuppose la synthèse des individus qui l’exprimèrent ; or les artistes ne sont rien que les formes où se meut cette sève dont les obscures origines ont germé dans des mouvements plus anonymes encore.

2304. (1714) Discours sur Homère pp. 1-137

On peut conclure du moins de cette diversité de vues qu’on attribuë à Homere, que son dessein n’est pas évident ; et qu’après tant de sçavans qui n’ont pû s’accorder là-dessus, on doit craindre encore de s’y méprendre. […] Homere en ces endroits, a peint les hommes à la maniere de l’histoire, et non pas selon les vues du poëme. […] Les auteurs sacrés ont employé la narration simple : ils mêlent indifféremment dans les faits les petites et les grandes circonstances, quelquefois même les plus éloignées, comme les plus prochaines ; et quoi qu’elles eussent toutes leur utilité dans les vues de la sagesse éternelle qui inspiroit ces historiens, je crois qu’ils ne se mettoient pas eux-mêmes fort en peine ni des tours, ni de l’arrangement, ni du choix.

2305. (1882) Types littéraires et fantaisies esthétiques pp. 3-340

« Les lettres que Schiller m’a écrites sur Wilhelm Meister, disait-il, contiennent des vues et des idées de la plus haute importance ; mais cet ouvrage est au nombre des productions qui échappent à toute mesure ; moi-même, je n’en ai pas la clef. […] Ces intelligences-là, le pauvre esprit de système, qui est déjà mal à son aise, avec des génies d’ordre inférieur, ne sachant par où les saisir, les défigure à plaisir, les diminue pour les mesurer à sa taille, leur prête ses vulgarités, ses petitesses, ses vues bornées, par-dessus tout sa partialité. […] Le misanthrope avait voulu reposer son âme inquiète et aigrie par la vue de cette innocence et de cette candeur auxquelles il avait si souvent donné des louanges éloquentes où le regret avait tant de part. […] Nous ne savons rien de nos semblables, et nous ne savons presque rien de nous-mêmes, car heureusement les hommes n’ont pas la vue assez perçante et assez attentive pour se pénétrer et s’observer sérieusement. […] Cette force de sympathie consistait dans sa laideur, qui était une des plus réjouissantes, des plus burlesques, des plus exhilarantes que j’aie jamais vues.

2306. (1889) La bataille littéraire. Première série (1875-1878) pp. -312

Enfin, avec son porte-crayon, il indiqua dans les découpures d’une tache ovale un point noir, imperceptible, en ajoutant : « Voici. » Elle se pencha sur la carte ; ce réseau de lignes coloriées fatiguait sa vue, sans rien lui apprendre ; et Bourais, l’invitant à dire ce qui l’embarrassait, elle le pria de lui montrer la maison où demeurait Victor. […] Le troisième jour seulement, en s’éveillant le matin, la vue d’un mince filet de sang qui, de sa bouche, avait coulé sur sa barbe et l’oreiller rougi fit tressaillir ce délicat, cet élégant qui avait horreur de toutes les misères humaines, surtout de la maladie, et la voyait arriver sournoisement avec ses souillures, ses faiblesses et l’abandon de soi-même, première concession faite à la mort. […] La nature, qui eût bien pu se dispenser de le produire, semble s’être plu à entourer ce pauvre cœur aimant de laideurs et de gaucheries afin que tous, hommes et femmes, s’en éloignassent à première vue. […] Les larmes lui venaient aux yeux lorsqu’il chantait un Lied de Schubert ; mais à la vue d’un blessé ou d’un agonisant, il restait maître de lui-même comme l’empereur Auguste. […] Alors à sa vue le silence se faisait, on s’éloignait avec respect et attendrissement à l’aspect de ce monument vivant des plus grandes vicissitudes et des plus cruelles épreuves qu’il n’ait été jamais donné à un être humain de subir.

2307. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Froissart. — II. (Fin.) » pp. 98-121

Nous sommes comme Froissart ; cette variété de couleurs et de mouvement dans la plaine amuse la vue en attendant.

2308. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Nouvelle correspondance inédite de M. de Tocqueville (suite et fin.) »

Au sein d’une Chambre divisée en partis violents, Tocqueville juge admirablement l’ensemble d’une situation ; sortant des questions trop particulières, il généralise ses Vues, remonte aux causes du mal et disserte sur les mœurs publiques ; il considère à bout portant la crise qu’il a sous les yeux, non au point de vue pratique, mais au point de vue historique déjà.

2309. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Œuvres inédites de F. de la Mennais (suite et fin.)  »

Écoutez-moi, je ne le perdrai pas de vue un instant, et nos respectables dames auront soin de sa délicate santé. » Mais le ton change : la teinte va se rembrunir.

2310. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamennais — L'abbé de Lamennais en 1832 »

Tandis que pour cette tâche, en effet, M. de Bonald était trop purement métaphysicien, M. de Chateaubriand trop distrait et profane, M. de Maistre d’une lecture peu accessible et alors presque inconnu, voilà que s’élevait un théologien ardent, unissant la hauteur des vues au caractère pratique, écrivain, raisonneur et prêtre, empruntant à Port-Royal, aux gallicans et à Jean-Jacques les formes claires, droites et françaises de leur logique et de leur style, les emplissant par endroits d’une invective de missionnaire, catholique d’ailleurs en doctrine comme Du Perron et Bellarmin.

2311. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « UNE RUELLE POÉTIQUE SOUS LOUIS XIV » pp. 358-381

Observant autour d’elle et en elle l’humanité d’une vue un peu chagrine, elle envia tour à tour les moutons, les fleurs, les oiseaux, les ruisseaux, cette nature enfin qu’elle voyait trop peu.

2312. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « L’abbé Prévost »

Je n’aperçois que trop tous les jours de quoi je redeviendrois capable, si je perdois un moment de vue la grande règle, ou même si je regardois avec la moindre complaisance certaines images qui ne se présentent que trop souvent à mon esprit, et qui n’auroient encore que trop de force pour me séduire, quoiqu’elles soient à demi effacées.

2313. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Discours préliminaire » pp. 25-70

De la littérature dans ses rapports avec le bonheur On a presque perdu de vue l’idée du bonheur au milieu des efforts qui semblaient d’abord l’avoir pour objet ; et l’égoïsme, en ôtant à chacun le secours des autres, a de beaucoup diminué la part de félicité que l’ordre social promettait à tous.

2314. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Introduction »

L’homme qui se vouerait à la poursuite de la félicité parfaite, serait le plus infortuné des êtres ; la nation qui n’aurait en vue que d’obtenir le dernier terme abstrait de la liberté métaphysique, serait la nation la plus misérable ; les législateurs doivent donc compter et diriger les circonstances, et les individus chercher à s’en rendre indépendants ; les gouvernements doivent tendre au bonheur réel de tous, et les moralistes doivent apprendre aux individus à se passer de bonheur.

2315. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre troisième. L’esprit et la doctrine. — Chapitre IV. Construction de la société future »

Par nature, il est hostile aux associations autres que lui-même ; elles sont des rivales, elles le gênent, elles accaparent la volonté et faussent le vote de leurs membres. « Il importe, pour bien avoir l’énoncé de la volonté générale, qu’il n’y ait pas de société partielle dans l’État, et que chaque citoyen n’opine que d’après lui449. » Tout ce qui rompt l’unité sociale ne vaut rien », et il vaudrait mieux pour l’État qu’il n’y eût point d’Église  Non seulement toute Eglise est suspecte, mais, si je suis chrétien, ma croyance est vue d’un mauvais œil.

2316. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre cinquième. Le peuple. — Chapitre I »

À Lyon, il y a plus de vingt mille ouvriers en soie qui sont consignés aux portes ; on les garde à vue, de peur qu’ils ne passent à l’étranger. » À Rouen616 et en Normandie, « les plus aisés ont de la peine à avoir du pain pour leur subsistance, le commun du peuple en manque totalement, et il est réduit, pour ne pas mourir de faim, à se former des nourritures qui font horreur à l’humanité »  « À Paris même, écrit d’Argenson617, j’apprends que le jour où M. le Dauphin et Mme la Dauphine allèrent à Notre-Dame de Paris, passant au pont de la Tournelle, il y avait plus de deux mille femmes assemblées dans ce quartier-là qui leur crièrent : Donnez-nous du pain, ou nous mourrons de faim. » — « Un des vicaires de la paroisse Sainte-Marguerite assure qu’il a péri plus de huit cents personnes de misère dans le faubourg Saint-Antoine depuis le 20 janvier jusqu’au 20 février, que les pauvres gens expiraient de froid et de faim dans leurs greniers, et que des prêtres, venus trop tard, arrivaient pour les voir mourir sans qu’il y eût du remède. » — Si je comptais les attroupements, les séditions d’affamés, les pillages de magasins, je n’en finirais pas : ce sont les soubresauts convulsifs de la créature surmenée ; elle a jeûné tant qu’elle a pu ; à la fin l’instinct se révolte.

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