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2028. (1902) Le critique mort jeune

Les cheveux m’envoyaient des odeurs énervantes, Pareilles à l’éther qu’aspire un patient, Je perdais peu à peu de mes forces vivantes Et les yeux transperçaient mon cœur inconscient… dans son roman de « Sixtine », d’une forme qu’un excès de raffinement rend pénible, il racontait la plaisante et commune aventure de la jolie femme, de l’intellectuel hésitant et du cavalier qui sait cueillir les occasions mûres : intrigue simple et qui importe moins que les motifs qu’elle fait naître. […] Monneron, comme il se plaît lui-même à le dire, est un vivant exemple de la libre accession de tous aux plus hauts emplois. […] Tel est le sec résumé d’un roman très vivant où l’on présume que le drame est ardent et riche et que l’idylle fleurit. […] Ce roman, qui ne cesse jamais d’être attachant, vivant et dramatique, devient ainsi une sorte de somme des idées contre-révolutionnaires, c’est-à-dire — et M. 

2029. (1864) Histoire anecdotique de l’ancien théâtre en France. Tome I pp. 3-343

Vivant sous l’empire des idées poussées au fanatisme religieux le plus déplorable, il ne sacrifie pas aux passions du jour. […] Brinon (Pierre), conseiller au Parlement de Normandie, auteur vivant à la même époque que les deux précédents, montra plus de goût. […] Tout ce qui sort de la coulisse n’est-il pas à l’état de pastel vivant ? […] Il est vrai que ce bon public français, toujours le même, ne pouvait voir dans la coulisse un brave homme vannant de l’avoine, et qu’il ignorait aussi que le pauvre animal, objet de son admiration, était à jeun et ne soupait qu’après avoir fourni son emploi avec l’instinct que donnent à tout être vivant la faim et la soif. […] Admiré des plus grands princes, jalousé par un grand ministre, estimé des plus grands hommes du siècle, il fut l’objet des hommages les plus spontanés et les plus délicats de son vivant ; sa mort fut un deuil général, et bien longtemps après qu’il fut descendu dans la tombe, sa mémoire, ainsi que nous allons le dire, fut honorée dans la personne de ses descendants.

2030. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « M. de Fontanes »

Il voyait beaucoup les gens de lettres à la mode, Barthe, Rivarol ; il dînait chaque semaine chez le chevalier de Langeac, son ami (encore aujourd’hui vivant), qui les réunissait. […] Ce qui augmenta sa considération de son vivant ne saurait servir également sa gloire. […] Le lendemain, il semblait mieux ; après quelques courtes alternatives, dans l’intervalle desquelles on le retrouva plus vivant d’esprit et de conversation que jamais, l’apoplexie le frappa le mercredi soir.

2031. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Benjamin Constant et madame de Charrière »

. — On pardonne bien des choses à un mort, et l’on ne pardonne rien aux vivants. […] Je rouvre mon âme à toutes les impressions, je veux redevenir confiant, crédule, enthousiaste, et faire succéder à ma vieillesse prématurée, qui n’a fait que tout décolorer à mes yeux, une nouvelle jeunesse qui embellisse tout et me rende le bonheur. » Ces reprises heureuses, ces secousses de printemps passent vite ; ils retombent, et la fin de cette année 1792 ne nous le livre pas dans une disposition plus vivante, plus ranimée : il continue de s’analyser en tous sens et de se dénoncer lui-même. […] Un des premiers désirs de Benjamin Constant, à son adolescence, fut de voyager seul, à pied, vivant au jour le jour comme Jean-Jacques Rousseau ; mais il y avait entre l’illustre Genevois et le gentilhomme vaudois cette différence, que celui-ci trouvait à peu près partout, grâce à son nom et au crédit de sa famille, des bourses ouvertes et un accueil que le pauvre Jean-Jacques ne put jamais rencontrer au début de sa carrière.

2032. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Appendice. »

Je regarde des Barbares tatoués comme étant moins anti-humains, moins spéciaux, moins cocasses, moins rares que des gens vivant en commun et qui s’appellent jusqu’à la mort Monsieur !

2033. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Chateaubriand — Chateaubriand, Mémoires »

Dans ce salon, qu’il faudrait peindre, où tout dispose à ce qu’on y attend, dont la porte reste entr’ouverte sur le monde qui y pénètre encore, dont les fenêtres donnent sur le jardin clos et sur les espaliers en fleur d’une abbaye, on a donc lu les Mémoires du vivant le plus illustre, lui présent.

2034. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « DES MÉMOIRES DE MIRABEAU ET DE L’ÉTUDE DE M. VICTOR HUGO a ce sujet. » pp. 273-306

Béranger, le poëte, me disait un jour qu’une fois que les hommes, les grands hommes vivants, étaient faits types et statues (et il m’en citait quelques-uns), il fallait bien se garder de les briser, de les rabaisser pour le plaisir de les trouver plus ressemblants dans le détail ; car, même en ne ressemblant pas exactement à la personne réelle, ces statues consacrées et meilleures deviennent une noble image de plus offerte à l’admiration des hommes.

2035. (1862) Cours familier de littérature. XIV « LXXIXe entretien. Œuvres diverses de M. de Marcellus (2e partie) » pp. 5-63

C’est le cours le plus complet et le plus vivant de l’archipel grec et ionien qu’un disciple d’Homère ait fait faire à la génération présente.

2036. (1867) Cours familier de littérature. XXIV « CXLIVe entretien. Mélanges »

Ledru-Rollin, chef des journalistes radicaux, et ayant, malgré ses amis, reconnu en lui des facultés de parole et des puissances de conception très-grandes avec des intentions non déguisées contre le socialisme subversif, notre ennemi commun, j’avais conçu pour lui une secrète estime, et je n’étais pas loin d’espérer que le concours d’un homme aussi bien doué ne pût être, sous une forme ou sous une autre, très-utile à la république ; depuis, il suivit légèrement une émeute sans portée qu’il devait répudier courageusement ou conduire ; il se réfugia en Angleterre par une fausse porte, mais il parut de ce jour-là se retirer de la politique, et il vécut en mort de ses souvenirs, de ses regrets et peut-être de son mépris pour les vivants.

2037. (1824) Observations sur la tragédie romantique pp. 5-40

car je m’y méprends toujours ; et de plus, il y a si peu de différence entre elle et le Banquo que vous m’avez montré vivant, que j’hésite d’abord à dire si c’est elle ou lui qui se met à table.

2038. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre III. Les grands artistes classiques — Chapitre IV. Racine »

Autour de ces deux personnages, Burrhus, un honnête homme, dans une situation fausse, assez souple pour être vivant, et un coquin, Narcisse, bas, plat, intrigant, qui joue de son maître à merveille en semblant lui obéir.

2039. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre cinquième »

Le témoignage que se rend Malherbe, devançant le jugement que Boileau devait porter de lui, et donnant de son vivant la mesure de sa renommée, est de ceux dont Montaigne a dit126 : « je ne veulxpas que, de peur de faillir du costé de la presomption, un homme se mescognoisse pourtant, ny qu’il pense estre moins que ce qu’il est… C’est raison qu’il veoy en ce subject, comme ailleurs, ce que la vérité luy présente ; si c’est César, qu’il se trouve hardiement le plus grand capitaine du monde. » L’histoire doit recueillir ces éloges que les poëtes font d’eux-mêmes car, selon que la postérité les a confirmés ou démentis, c’est la punition de l’erreur qui a égaré les uns, ou la consécration de la vérité qui a inspiré les autres.

2040. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre septième. »

Parmi les auteurs de Mémoires, il faut noter les deux frères Du Bellay, famille d’excellents esprits, vivant dans les grandes affaires de la première moitié du siècle et, qui les racontent, l’un dans de simples Mémoires, à la façon des chroniqueurs ses devanciers155, l’autre dans des histoires un peu fastueusement taillées sur le patron de Tite-Live, avec une certaine ambition pédantesque qui dans ce temps-là n’était pas d’un mauvais exemple156 : le Loyal serviteur, un inconnu, peut-être un des secrétaires de Bayard dont il a raconté la vie dans une chronique pleine de grâce, de facilité et de naturel, où l’admiration, au lieu d’être banale, comme dans Froissart, est toujours sentie et justifiée ; petit ouvrage charmant, du même caractère que les écrits de Marguerite de Valois, un fruit de l’esprit français touché par le premier souffle de la Renaissance157.

2041. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre quinzième. »

Il n’eut pas même la curiosité de savoir ce qu’on pensait de ce travail, et il n’en fit rien paraître de son vivant.

2042. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre VI. Premiers pas hors de Saint-Sulpice  (1882) »

Je sais que jamais un vrai grand homme n’a pensé qu’il fût grand homme, et que, quand on broute sa gloire en herbe de son vivant, on ne la récolte pas en épis après sa mort.

2043. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1856 » pp. 121-159

» * * * — Un gendre introduit près de son beau-père qu’on vient d’embaumer, et s’étonnant de le trouver plus grand que de son vivant.

2044. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1858 » pp. 225-262

C’est un Italien, au passé inconnu, vivant autrefois à Londres où il tirait de connaissances, à peu près tous les jours, de quoi risquer quelques schellings dans les maisons de jeu de la populace.

2045. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre III. Le théâtre est l’Église du diable » pp. 113-135

Elles-mêmes elles étaient comme autant de chroniques vivantes et moqueuses qu’on applaudissait avec transport.

2046. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre III. Des Livres nécessaires pour l’étude de l’Histoire sacrée & ecclésiastique. » pp. 32-86

Mais vivant au milieu de payens qui haïssoient & méprisoient sa nation, il diminue autant qu’il peut la foi que l’on doit aux miracles ; & quand il parle de certains effets d’une Providence extraordinaire de Dieu dans la conduite de son peuple, il ajoute à son récit qu’on peut croire de ces merveilles ce qu’on en jugera à propos.

2047. (1913) La Fontaine « VII. Ses fables. »

Il y a des fables où les animaux sont des prétextes, et pas autre chose, et où, sous le nom de lion, il faut entendre le roi, sous le nom de loup, le hobereau cruel et tyrannique de campagne, ou — car il y a cela aussi — l’homme absolument indépendant et vivant la vie libre et sauvage.

2048. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « II. M. Capefigue » pp. 9-45

Capefigue avait, il y a bien longtemps, promis un historien à la France, et c’est cet historien possible autrefois et tué sur pied de son vivant, qu’on est tenté de regretter plus que jamais en lisant Madame de Pompadour.

2049. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XIX. M. Cousin » pp. 427-462

Cousin, de se faire une idée vivante et précise du genre de beauté de Mme de Longueville, et cependant c’est le greffier de ses beautés et de ses charmes !

2050. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Μ. Ε. Renan » pp. 109-147

Ernest Renan n’a jamais eu aucune des qualités robustes, vaillantes et vivantes, qui distinguent l’écrivain supérieur et inné.

2051. (1898) Les personnages de roman pp. 39-76

Qui pourrait ne pas trouver qu’il est beau d’étudier une intelligence aux prises avec les problèmes les plus vivants qui soient ; la dépense prodigieuse d’énergie que suppose une affaire prospère ; la lutte contre la concurrence, et les angoisses, et l’orgueil des triomphes rapides ; l’obéissance d’un personnel nombreux aux ordres d’un seul homme ; ces milliers d’industries, qui sont autant de petits États dans l’État, ayant chacun sa politique extérieure et intérieure, sa dynastie, ses drames ?

2052. (1906) Les idées égalitaires. Étude sociologique « Deuxième partie — Chapitre II. La qualité des unités sociales. Homogénéité et hétérogénéité »

Nous n’oublions pas que ces « unités sociales » sont des hommes, — des êtres vivants, bien plus, des êtres pensants, — et que leurs façons d’être, de vivre et de penser, ne sauraient être indifférentes aux sociétés qu’ils composent.

2053. (1908) Esquisses et souvenirs pp. 7-341

La ville indigène est encore très vivante. […] La faim et la maladie s’abattent sur les êtres vivants ; l’homme voit sa huche vide et son âtre éteint. […] Et les passants disent en les voyant : — Regardez-les, les pauvres amoureux : Dieu n’a pas voulu qu’ils s’embrassent vivants et ils s’embrassent morts. […] — Ma mère, si ma femme est vivante, quelle punition mérites-lu ? — Mon fils, si ta femme est vivante, coupe-moi la tête.

2054. (1765) Articles de l’Encyclopédie pp. 3665-7857

Les héros célébrés par Sophocle & par Euripide étoient morts ; le sage calomnié par Aristophane étoit vivant : on loue les grands hommes d’avoir été ; on ne leur pardonne pas d’être. […] Boileau a eu raison, s’il n’a regardé comme indigne de Moliere que le sac où le vieillard est enveloppé : encore eût-il mieux fait d’en faire la critique à son ami vivant, que d’attendre qu’il fût mort pour lui en faire le reproche. […] L’auteur de l’esprit des lois est le critique dont l’Histoire auroit besoin dans cette partie : nous le citons quoique vivant ; car il est trop pénible & trop injuste d’attendre la mort des grands hommes pour parler d’eux en liberté. […] Phedre apprend que Thesée est vivant. […] C’est donc au peintre à composer des productions & des accidens de la nature un mélange plus vivant, plus varié, plus touchant que ses modeles.

2055. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Essai sur Talleyrand (suite et fin.) »

Il prit la main refroidie de celui qui, vivant, lui avait témoigné tant d’attentions et de bienveillance, et qui avait dit un jour de lui et de sa fortune rapide, en réponse à quelqu’un qui prononçait le mot de parvenu : « Vous avez tort, il n’est point parvenu ; il est arrivé. » Les funérailles furent célébrées en grande pompe le 22 mai, à l’église de l’Assomption.

2056. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamartine — Lamartine, Jocelyn (1836) »

Le Sommeil t’a donné son pouvoir sur les songes, Mémoire ; tu les fais vivants et les prolonges : Ce que tu sais aimer est-il donc loin de nous ?

2057. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre premier. La structure de la société. — Chapitre IV. Services généraux que doivent les privilégiés. »

Tandis qu’en Allemagne et en Angleterre le régime féodal conservé ou transformé compose encore une société vivante, en France son cadre mécanique n’enserre qu’une poussière d’hommes.

2058. (1861) Cours familier de littérature. XII « LXIXe entretien. Tacite (2e partie) » pp. 105-184

— Il tombe enfin percé de coups, et la populace l’outrage après sa mort avec la même lâcheté qu’elle l’avait adoré vivant.

2059. (1862) Cours familier de littérature. XIV « LXXXIIIe entretien. Considérations sur un chef-d’œuvre, ou Le danger du génie. Les Misérables, par Victor Hugo (1re partie) » pp. 305-364

VIII On peut changer de devoirs dans la vie, selon le temps, qui commande rudement aux vivants d’autres destinées qui sont des devoirs aussi, mais il ne faut pas répudier notre destinée initiale.

2060. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CXIe entretien. Mémoires du cardinal Consalvi, ministre du pape Pie VII, par M. Crétineau-Joly (3e partie) » pp. 161-219

Je l’ai connu peu d’années avant sa fin ; le portrait que je fais de ses années pleines et mûres serait certainement le portrait vivant de ses premières.

2061. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CXIVe entretien. La Science ou Le Cosmos, par M. de Humboldt (3e partie) » pp. 365-427

. — Mais le premier de cette famille humaine, l’ancêtre de l’univers, vivant, pensant, aimant, qui lui avait donné la vie ?

2062. (1867) Cours familier de littérature. XXIII « cxxxive Entretien. Réminiscence littéraire. Œuvres de Clotilde de Surville »

ceste que, si loing, de touz les feulx embrases, Moinz pouvoiz-tu qu’embler vivante aux cieulx ?

2063. (1892) Boileau « Chapitre I. L’homme » pp. 5-43

Outre qu’il était difficile de voir et d’écrire la vérité sur Louis XIV de son vivant, on n’avait pas en France au xviie  siècle une idée fort juste des qualités et des devoirs de l’historien : quelques bénédictins savaient seuls alors ce qu’il faut de science, de critique et de détachement pour en bien faire le métier.

2064. (1841) Matinées littéraires pp. 3-32

. — De la vie et des formes variées que présentent les êtres vivants, soit végétaux, soit animaux ; — Examen des phénomènes physiques et chimiques qui résultent de l’existence des êtres organisés. — Application de ces connaissances à l’hygiène publique et à l’éducation particulière.

2065. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 septembre 1886. »

La plupart ces symphonies (4, 5, 6) me sont d’une vaine rumeur intolérable ; les premiers morceaux de la symphonie en la m’indiffèrent : la symphonie en fa est un merveilleux divertissement trop prolongé ; la symphonie avec chœurs, une production de forme indécise, un essai plutôt qu’une œuvre vivante.

2066. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 15 décembre 1886. »

Tel est le vivant mais grossier épisode qui est devenu, dans Rheingold, la belle scène du rachat de Freia, avec ce cri si touchant de Fasolt : « Je vois encore briller l’œil de la douce déesse ! 

2067. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — CHAPITRE VI »

Ce ne sont plus pour moi des êtres vivants, ce sont des marionnettes à tout faire, qu’on peut, à sa guise, repeindre et rajuster derrière la coulisse.

2068. (1904) En méthode à l’œuvre

Et, toute supérieure mentalité poétique ne sera entièrement vivante et expressive qu’autant qu’elle percevra et reproduira, en même temps, toutes les images des sens associées et intermuantes qu’elle traduit en phénomènes de conscience…   Or, l’instrumentation-Verbale (au point où nous en sommes et avant de la montrer tout à l’heure unie aux émotions et aux idées), prétend, en déterminant aux mots le timbre, la hauteur, l’intensité et la direction, à la réintégration de la valeur phonétique en la langue.

2069. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1855 » pp. 77-117

Ces immobilités paralysées, ce geste refroidi, cette fixité, ce silence du regard, cette tournure pétrifiée, ces mains pendues au bout des bras, ces tignasses noires et ballantes, ces cheveux d’ivrognes, dépeignés sur le front des hommes, ces cils de crin enfermant l’œil des femmes, ce blanc morbide et azuré des chairs, ce quelque chose de mort et de vivant, de pâle et de fardé, qu’ont ces déterrés de l’histoire dans ces oripeaux raides, tout cela trouble et inquiète comme une résurrection macabre.

2070. (1856) Cours familier de littérature. II « IXe entretien. Suite de l’aperçu préliminaire sur la prétendue décadence de la littérature française » pp. 161-216

C’est plus encore, c’est la France elle-même incarnée avec toutes ses misères, ses imperfections, ses vices et ses qualités d’esprit dans un seul homme ; en sorte que notre goût, ou si l’on veut notre faiblesse pour la nature diverse, sensée, raisonnable, universelle de notre pays, se trouve satisfait et flatté dans ce Protée moderne, et que notre admiration pour ce résumé vivant, spirituel, multiple de la France est une espèce de patriotisme de notre esprit, qui contemple et qui aime sa patrie intellectuelle dans ce représentant presque universel de la nation littéraire.

2071. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Notes et éclaircissements. [Œuvres complètes, tome XIII] »

» “Mais ma seule consolation dans ces misères a été de vous voir sans cesse, et de contempler dans votre visage l’image vivante et le portrait fidèle de mon mari mort : consolation qui a commencé dès votre enfance, lorsque vous ne saviez pas encore parler, qui est le temps où les pères et les mères reçoivent plus de plaisir de leurs enfants.

2072. (1833) De la littérature dramatique. Lettre à M. Victor Hugo pp. 5-47

Tous les auteurs vivants qui avaient illustré la scène se sont vus abandonnés.

2073. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Victor Hugo »

Mais son succès (sans contradicteurs de son vivant) ajoute à son bonheur, — au bonheur littéraire d’un homme qu’on pourrait appeler le Polycrate, tyran de Samos, de la littérature… Le succès des IIIe et IVe volumes de La Légende des Siècles, quand ils parurent, sembla compléter sa destinée.

2074. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « Émile Zola »

« un digne bourgeois, vivant sagement dans son coin ».

2075. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre vii »

… » met d’une manière vivante sous nos yeux le sentiment de ceux qui tiennent leur terre pour un sanctuaire et reçoivent leur loi des morts qu’ils révèrent.

2076. (1922) Durée et simultanéité : à propos de la théorie d’Einstein « Chapitre VI. L’espace-temps à quatre dimensions »

Nous pouvons évoquer des êtres plats, vivant sur une surface, se confondant avec elle, ne connaissant que deux dimensions d’espace.

2077. (1870) La science et la conscience « Chapitre II : La psychologie expérimentale »

Nous ne savons pas de noms plus justement connus dans les annales de la psychologie contemporaine que les noms de Maine de Biran, Jouffroy, Damiron, Garnier et d’autres encore portés par des philosophes vivants.

2078. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre second. De la sagesse poétique — Chapitre III. De la logique poétique » pp. 125-167

L’allemand, qui est une langue héroïque, quoique vivante, reçoit tous les mots étrangers en leur faisant subir une transformation.

2079. (1765) Articles de l’Encyclopédie pp. 11-15754

Cela fait voir que la prononciation des lettres est sujette à variation dans les Langues mortes, comme elle l’est dans les Langues vivantes. […] Si vous considérez le corps en tant que figuré, il est évident que vous ne le regardez pas comme lumineux, ni comme vivant, vous ne lui ôtez rien : ainsi il seroit ridicule de conclurre de votre abstraction, que ce corps que votre esprit ne regarde que comme figuré, ne puisse pas être en même tems en lui-même étendu, lumineux, vivant, &c. […] Tel est l’homme : il est un être vivant, capable de sentir, de penser, de juger, de raisonner, de vouloir, de distinguer chaque acte singulier de chacune de ces facultés, & de faire ainsi des abstractions. […] Voilà des pratiques que le seul bon usage peut apprendre ; & ce sont-là de ces finesses qui nous échappent dans les langues mortes, & qui étoient sans doute très-sensibles à ceux qui parloient ces langues dans le tems qu’elles étoient vivantes. […] Donat qui a commenté Térence dans le tems que la langue latine étoit encore une langue vivante, dit sur ce passage que Térence a parlé selon l’usage ; & que s’il a dit unam, une, au lieu de quamdam, certaine, c’est que telle étoit, dit-il, & que telle est encore la maniere de parler.

2080. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « M. DAUNOU (Cours d’Études historiques.) » pp. 273-362

Daunou, ne s’est vite couronnée de ce concert florissant d’éloges auxquels sa modestie échappait de son vivant. […] Il se méfiait de la parole vivante.

2081. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — Chapitre V. Swift. » pp. 2-82

Au contraire, les partis anglais furent toujours des corps compacts et vivants, liés par des intérêts d’argent, de rang et de conscience, ne prenant les théories que pour drapeau ou pour appoint, sortes d’États secondaires qui, comme jadis les deux ordres de Rome, essayaient légalement d’accaparer l’État. […] Quant à notre cité de Dublin, on pourra y disposer des abattoirs dans les endroits les plus convenables ; pour les bouchers, nous pouvons être certains qu’il n’en manquera pas ; cependant je recommanderai plutôt d’acheter les enfants vivants, et d’en dresser la viande toute chaude au sortir du couteau, comme nous faisons pour les cochons à rôtir.

2082. (1898) Manuel de l’histoire de la littérature française « Livre II. L’Âge classique (1498-1801) — Chapitre premier. La Formation de l’Idéal classique (1498-1610) » pp. 40-106

Il est vrai que, de l’exercice de cette liberté même, et de ce fond d’individualisme, une autre idée se dégage, que l’on peut appeler l’idée maîtresse de la Renaissance, et une idée dont les étrangers eux-mêmes conviennent que François Rabelais a été la vivante incarnation : c’est l’idée de la bonté ou de la divinité de la Nature. […] Les Odes, les Hymnes et les Poèmes. — Que ce sont les Odes et les Hymnes qui ont fondé de son vivant la réputation de Ronsard. — Les contemporains s’y sont-ils mépris ?

2083. (1855) Louis David, son école et son temps. Souvenirs pp. -447

Sur la droite, en entrant, au-delà des figures de plâtre et des élèves qui dessinaient d’après elles, s’élevait un poêle de fonte dans un renfoncement, et un peu au-delà, mais du même côté, régnait une large table soutenue par quatre poteaux de deux pieds de haut, sur laquelle on plaçait le modèle vivant. […] Donner une apparence, une forme parfaite à sa pensée, c’est être artiste ; on ne l’est que par là… Enfin je fais de mon mieux, et j’espère arriver à mes fins. » Le maître, dont chaque parole avait été écoutée avec la plus religieuse attention, se mit en devoir de corriger le travail des dessinateurs d’après le modèle vivant. […] Plusieurs tableaux de peintres vivants et célèbres alors37 achevaient de décorer les différentes pièces, où tout d’ailleurs indiquait le goût de la maîtresse du logis pour les arts, et ses habitudes élégantes.

2084. (1765) Articles de l’Encyclopédie pp. 7172-17709

Si elle est vivante, la mobilité perpétuelle de l’usage empêche qu’on ne puisse l’assigner d’une maniere fixe ; ses oracles n’ont qu’une vérité momentanée.

2085. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « L’abbé Fléchier » pp. 383-416

Dans le Mémoire de quelques gens de lettres vivants en 1662, dressé par ordre de M. 

2086. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « M. DE LA ROCHEFOUCAULD » pp. 288-321

Il y a une certaine forme et comme un certain costume des idées contemporaines de notre jeunesse, qui s’efface plus ou moins en vivant et en causant, mais qui reparaît sitôt que nous écrivons : cela nous date plus que tout.

2087. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Charles Labitte »

Nous livrons le brillant programme à remplir à quelques-uns de nos jeunes vivants ; mais nul, on peut l’affirmer, ne saura exploiter dans toute leur abondance les ressources que Charles Labitte y embrassait déjà.

2088. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre quatrième. La propagation de la doctrine. — Chapitre I. Succès de cette philosophie en France. — Insuccès de la même philosophie en Angleterre. »

Chez Diderot, ce fil est coupé ; il ne parle point par la bouche de ses personnages, ils ne sont pas pour lui des porte-voix ou des pantins comiques, mais des êtres indépendants et détachés, à qui leur action appartient, dont l’accent est personnel, ayant en propre leur tempérament, leurs passions, leurs idées, leur philosophie, leur style et leur âme parfois, comme le Neveu de Rameau, une âme si originale, si complexe, si complète, si vivante et si difforme, qu’elle devient dans l’histoire naturelle de l’homme un monstre incomparable et un document immortel.

2089. (1866) Cours familier de littérature. XXII « CXXIXe entretien. Fior d’Aliza (suite) » pp. 129-192

CCXLIX Donc il faut le tromper pour le sauver ; je lui dirai : Fuis, je t’en ai préparé les moyens pour la nuit où tu seras mis seul en chapelle et je vais te rejoindre ; ce n’est pas même un mensonge, car, morte ou vivante, je le rejoindrai bientôt.

2090. (1869) Cours familier de littérature. XXVII « CLXIIe entretien. Chateaubriand, (suite.) »

« Ainsi les maîtres de la lyre Partout exhalent leurs chagrins ; Vivants, la haine les déchire, Et ces dieux que la terre admire Ont peu compté de jours sereins.

2091. (1895) Histoire de la littérature française « Seconde partie. Du moyen âge à la Renaissance — Livre I. Décomposition du Moyen âge — Chapitre I. Le quatorzième siècle (1328-1420) »

Il y eut certainement au xiie  siècle une prédication en langue vulgaire, active, vivante, puissante, qui entraînait grands et petits à la croisade, peuplait les cloîtres, jetait des villes entières à genoux, et dans tous les excès de la pénitence.

2092. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Mme Desbordes-Valmore » pp. 01-46

Je ne les comprends pas, du moment que la postérité de Marceline est éteinte, et que nul vivant ne peut plus être atteint directement par la divulgation de la chute qu’elle fit en l’an 1808 ou 1809.

2093. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1878 » pp. 4-51

Je pensais, malgré moi à ce sommeil de mon frère, en face de moi, en chemin de fer pour Vichy, où j’avais vu un instant, sur son visage de vivant, son visage de mort.

2094. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Edgar Allan Poe  »

Sur le fond ténébreux d’une demeure somptueuse et muette, se profilent les traits pâles de l’incestueux l’époux de Morella, croyant reconnaître en sa fille l’âme transfuse de celle qu’il n’avait su aimer vivante ; la lutte folle de Ligéia contre la mort, la douleur somnolente de son amant et sa fantastique rêverie dans la longue nuit, où il crut voir la forme immatérielle de la décédée se glisser dans le corps tiède de lady Rowena ; Roderick Usher, peureux d’avoir peur, les mains nues, la voix trémulante, dardant de tous côtés son regard trop aigu, égaré par la délicatesse de ses sens, l’esprit sursautant, vacillant et défaillant, au point de succomber dans un spasme d’effroi, en cette mystérieuse nuit, dont la description demeure inoubliable.

2095. (1913) La Fontaine « VIII. Ses fables — conclusions. »

Qu’il ait omis le nom de La Fontaine, c’est tout naturel ; il n’a mis, dans l’Art poétique, aucun nom d’homme vivant ; il allait de soi qu’il ne nommât pas La Fontaine.

2096. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « M. Taine » pp. 305-350

Il n’a pensé qu’à montrer et convaincre, et il a convaincu… Il a apporté, non pas à poignées, mais à brassées, une si grande somme de témoignages, irrécusables, vivants et saignants encore, qu’il n’est pas de tribunal au monde, obligé de prononcer d’après cette universalité de témoignages, qui ne sentît pénétrer dans son âme l’entassement d’éclairs et la foudre lentement formée de la plus puissante, de la plus lumineuse conviction !

2097. (1919) L’énergie spirituelle. Essais et conférences « Chapitre VI. L’effort intellectuel »

C’est, pour le romancier ou le dramaturge, une thèse à développer en événements, un sentiment, individuel ou social, à matérialiser en personnages vivants.

2098. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre quatrième. La connaissance des choses générales — Chapitre II. Les couples de caractères généraux et les propositions générales » pp. 297-385

Après cette élimination énorme, il ne restera qu’un petit nombre de caractères communs, la circulation double, la circonscription des poumons par une plèvre, la propriété de pondre ses petits vivants ; c’est ce groupe entier ou un élément de ce groupe, entre autres le dernier, qui est visiblement l’accompagnement cherché ; en effet, il accompagne inséparablement la possession des mamelles. — Soit maintenant un conséquent connu et bien dégagé, la sensation de son94. […] À ce sujet, deux écoles originales et encore vivantes font deux réponses opposées.

2099. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « M. FAURIEL. —  première partie  » pp. 126-268

Seulement un petit nombre de personnes commencent à dire tout bas que Manzoni est le meilleur des poëtes italiens vivants ; les autres pensent suffisamment le louer en le qualifiant un poëte au-dessus du commun et un prosateur estimable, sans parler de ceux qui le croient ou affectent de le croire un beau talent fourvoyé. » Les choses, à cet égard, se passèrent bien mieux que Visconti ne l’augurait ; le mouvement des esprits en faveur de la nouvelle école se prononça avec rapidité. […] Je me rappelle encore, après treize ans, nos promenades du soir, qui se prolongeaient en été sur une grande partie des boulevards extérieurs, et durant lesquelles je racontais, avec une abondance intarissable, les détails les plus minutieux des chroniques et des légendes, tout ce qui rendait vivants pour moi mes vainqueurs et mes vaincus du xie siècle, toutes les misères nationales, toutes les souffrances individuelles de la population anglo-saxonne, et jusqu’aux simples avanies éprouvées par ces hommes morts depuis sept cents ans et que j’aimais comme si j’eusse été l’un d’entre eux. » A ces récits de l’éloquent et sympathique historien pour les Anglo-Saxons vaincus, Fauriel pouvait répondre par d’autres récits non moins attachants sur ses pauvres vaincus du Midi, sur ces Aquitains toujours écrasés et toujours résistants, toujours empressés de renaître à la civilisation au moindre rayon propice de soleil. […] Charlemagne, de son vivant, avait donné Louis le Débonnaire à l’Aquitaine comme roi particulier, et le pays, toujours prompt, se réparait déjà sous le gouvernement de ce jeune roi, qui en avait assez adopté d’abord les mœurs et l’esprit.

2100. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Les nièces de Mazarin et son dernier petit-neveu le duc de Nivernais. Les Nièces de Mazarin, études de mœurs et de caractères au xviie  siècle, par Amédée Renée, 2e éd. revue et augmentée de documents inédits. Paris, Firmin Didot, 1856. » pp. 376-411

Le duc de Nivernais était, en effet, plus propre que personne à servir d’exemple ; à une époque où l’on se piquait avant tout d’être, non pas féroce, mais ce qu’on appelait un homme aimable et même un petit-maître, et en l’étant lui-même, il n’avait rien négligé de ce qui orne intérieurement l’esprit, il se préparait à devenir insensiblement raisonnable ; il savait toutes les langues vivantes, il lisait les auteurs étrangers et en tirait des imitations faciles ; il ne songeait qu’à embellir, à égayer honorablement une grande et magnifique existence, et, sans le savoir, il ménageait à son âme des consolations imprévues pour son extrême vieillesse, dans la plus violente crise sociale qui ait assailli les hommes civilisés.

2101. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre quatrième. La propagation de la doctrine. — Chapitre II. Le public en France. »

Aujourd’hui, refroidie et sur le papier, elle enlève et séduit encore ; qu’était-ce alors qu’elle sortait vivante et vibrante de la bouche de Voltaire et de Diderot ?

2102. (1861) Cours familier de littérature. XI « LXIe entretien. Suite de la littérature diplomatique » pp. 5-79

Que la Toscane, pays le plus mûr pour la liberté, parce qu’il a été mûri par les institutions de Léopold Ier, s’affranchisse d’une dynastie qu’elle aime, mais qu’elle suspecte, et se donne les lois de son ancienne république, nous devons regarder avec respect cette résolution spontanée de Florence, et empêcher qu’une intervention autrichienne ne vienne contester ce mouvement de vie dans une terre toujours vivante.

2103. (1862) Cours familier de littérature. XIV « LXXXIVe entretien. Considérations sur un chef-d’œuvre, ou Le danger du génie. Les Misérables, par Victor Hugo (2e partie) » pp. 365-432

« Une pierre était là, l’évêque s’y assit ; l’exorde fut ex abrupto . » Les poètes seuls posent ainsi les figures : ce qu’on appelle poésie n’est que la reproduction vivante et colorée de la vérité.

2104. (1867) Cours familier de littérature. XXIII « cxxxviie entretien. Un intérieur ou les pèlerines de Renève »

J’ai fait quelques vers médiocres dans ma jeunesse, et cette célébrité de jeune homme m’ayant appelé à de hautes dignités, dans un âge plus mûr j’ai conquis la bienveillance du pays en vivant et en parlant à l’écart des partis passionnés pour ou contre la révolution de 1830 ; et le jour ayant sonné, et la France périssant dans l’hésitation, j’ai vu l’anarchie sanguinaire prête à s’emparer du pouvoir et j’ai proclamé la souveraineté des peuples et la République conservatrice de la société.

2105. (1868) Cours familier de littérature. XXVI « CLIVe entretien. Madame de Staël. Suite »

Dieu soit béni, cependant, pour le secours qu’il nous prépare encore dans cet instant ; nos paroles seront incertaines, nos yeux ne verront plus la lumière, nos réflexions qui s’enchaînaient avec clarté, erreront, isolées, sur de confuses traces ; mais l’enthousiasme ne nous abandonnera pas, ses ailes brillantes planeront sur notre lit funèbre, il soulèvera les voiles de la mort, il nous rappellera ces moments où, pleins d’énergie, nous avions senti que notre cœur était impérissable, et nos derniers soupirs seront peut-être comme une noble pensée qui remonte vers le ciel. » Tel est ce livre, le résumé vivant de la pensée d’un grand esprit, que l’étude approche de la sainteté, l’explosion éclatante d’une âme chargée par une longue vie et prête à s’évanouir dans sa lumière.

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