Voulant étudier l’ancien régime et y pénétrer jusqu’au cœur pendant les deux siècles qui ont précédé la Révolution française, un homme éminent et regrettable à tant de titres, M. de Tocqueville disait : « Pour y parvenir, je n’ai pas seulement relu les livres célèbres que le xviiie siècle a produits ; j’ai voulu étudier beaucoup d’ouvrages moins connus et moins dignes de l’être, mais qui, composés avec peu d’art, trahissent encore mieux peut-être les vrais instincts du temps. » Le Journal de d’Argenson est un de ces ouvrages que devait rechercher M. de Tocqueville ; l’art y est aussi absent qu’on peut le désirer, l’instinct y respire.
Deux ou trois siècles plus tôt, il eût fait un moine de cette espèce et de cet acabit-là.
Un autre témoin fort digne d’être écouté à son sujet, Dutens, un esprit sérieux et solide, le premier éditeur complet de Leibnitz, Anglais d’adoption et de jugement, qui avait visité les principales Cours d’Europe et qui avait en soi bien des termes de comparaison, a parlé de ce prince dans le même sens que le président Hénault : « M. le prince de Conti était l’un des plus aimables et des plus grands hommes de son siècle : il avait la taille parfaitement belle (il dérogeait par là notablement à la race des Conti, qui avait la bosse héréditaire), l’air noble et majestueux, les traits beaux et réguliers, la physionomie agréable et spirituelle, le regard fier ou doux, suivant l’occasion ; il parlait bien, avec une éloquence mâle et vive, s’exprimait sur tous les sujets avec beaucoup de chaleur et de force ; l’élévation de son âme, la fermeté de son caractère, son courage et sa capacité sont assez connus en Europe pour que je me dispense d’en parler ici.
Le rôle de spectateur désintéressé était évidemment le meilleur ; c’était celui de l’abbé Legendre : « Tant que dura, dit-il, cette comédie dont je connaissais les acteurs, le plaisir que j’avais les après-dîners d’en apprendre les scènes nouvelles aidait à me délasser du travail sérieux du matin. » Quelques années après, lors de la querelle des Anciens et des Modernes, qui s’émut à l’occasion du poème du Siècle de Louis le Grand, lu par Perrault à l’Académie, en 1687, M. de Harlay ne pensa plus à rétablir la paix et l’union parmi ses confrères ; mais il s’amusa à faire traiter devant lui la question ; il fit plaider le pour et le contre par deux avocats d’office qu’il désigna : Martignac, ancien précepteur de son neveu, et l’abbé de La Vau.
Mme d’Albany était, je le répète, une personne de son siècle ; sa forme d’esprit, si agréablement revêtue dans la jeunesse, était surtout modérée, judicieuse, capable d’expérience en avançant, et même positive.
L’auteur vient de parler des vexations et des procédés brutaux qu’il eut à essuyer de la part des Prussiens dans son domaine d’Alsace, à Brumath ; cela le conduit à une réflexion fort sage : « De ces excès, dit-il, dont aucune armée n’est innocente, soit qu’ils empruntent de la main lourde et de l’intelligence lente des Autrichiens un caractère de petitesse et de détail, à la fois étouffant et solennel ; soit que la demi-civilisation du Russe leur imprime une fourberie raffinée ou une violence sauvage ; soit que le Prussien y mette sa hauteur et sa prétention ; soit enfin que la malice et la moquerie rendent insupportables les ingénieux tourments que le Français sait infliger à ses victimes, je ne veux tirer qu’une conséquence : c’est que la guerre, quelquefois si légèrement commencée, laisse aux intérêts et aux amours-propres des plaies qu’un siècle cicatrise à peine. « C’est grand pitié que de la guerre : je croy que si les sainctz du paradis y allaient, en peu de temps ils deviendraient diables », dit Claude Haton en 1 553 déjà. » 1815 vient renflammer les plaies et aggraver tous les maux.
On s’en fait une assez triste opinion, et malgré son savoir, son vaste magasin de connaissances, traversées par un mouvement d’idées incontestable, on se demande s’il était autre chose, dans son siècle, qu’un infatigable moulin à conversation, — infatigable à coup sûr, mais aussi parfois très fatigant.
Quand je considère cette disposition toujours croissante à une mélancolie aride et sombre, l’avenir m’effraye ; de quelque côté que je tourne les yeux, je ne vois qu’un horizon menaçant ; de noires et pesantes nuées s’en détachent de temps en temps et dévastent tout sur leur passage ; il n’y a plus pour moi d’autre saison que la saison des tempêtes… » Ici se trahit le contemporain et le compatriote de René ; et quand je parle de René et d’Oberman à propos de La Mennais, ce ne sont pas des influences qui se croisent ni des reflets qui lui arrivent de droite ou de gauche : c’est une sensibilité du même ordre qui se développe sur son propre fond, mais qui hésite encore, qui se cherche et n’a pas trouvé son accent ; c’est un autre puissant malade, enfant du siècle, qui, dans la crise qu’il traverse et avant de s’en dégager, accuse quelques-uns des mêmes symptômes et rencontre, pour les rendre, quelques expressions flottantes dans l’air et qui se font écho.
Le résultat atteint, et à peine sorti d’un régime d’ambition et de conquête, il put vite s’apercevoir qu’il allait avoir affaire à des opposants d’un autre genre, et non pas les moins opiniâtres ni les moins dangereux : il retrouvait sur son chemin, après vingt-cinq ans, comme au premier jour, l’entêtement dans le passé, les préventions personnelles et l’humeur, l’ornière de la routine, les hauteurs du droit divin, un favoritisme exclusif et inintelligent, la méconnaissance de l’esprit d’un siècle.
Jomini écrivit à l’instant à l’Empereur une lettre dont on n’a pas le texte, mais dont le sens était « qu’ayant pris la carrière des armes dans l’espoir qu’un jour il mériterait la bienveillance du plus grand capitaine du siècle, et qu’ayant eu l’honneur de lui être attaché pendant plus d’un an, il ne pouvait continuer à servir dans la position que l’on venait de lui faire, et qu’il demandait à se retirer dans ses foyers. » — Je continue avec le récit du colonel Lecomte : « Le dimanche suivant, Jomini se rendit à Fontainebleau pour assister à la réception d’usage et à la messe, espérant avoir une solution.
La passion immortelle, qui a été chantée, romancée et déplorée des deux parts avec tant d’éclat, et qui est désormais entrée dans la poésie du siècle, venait de naître et s’éclairait, au début, d’une lune clémente.
Il souffrait de ce mal vague qui est celui du siècle, et qui se compliquait pour lui des circonstances particulières d’une position gênée.
Les philosophes se servirent de ces idées des peuples pour sanctifier de bonnes lois par le sceau de la religion, et le polythéisme, rendu sacré par le temps, embelli du charme de la poésie et de la pompe des fêtes, favorisé par les passions du cœur et l’adresse des prêtres, atteignit, vers le siècle de Thémistocle et d’Aristide, à son plus haut point d’influence et de solidité. » XXXVI Après les deux romans d’Atala et de René, il en ébaucha un troisième : le Dernier des Abencérages ; mais, à l’exception de l’incomparable romance : Combien j’ai douce souvenance, ce roman, entièrement d’imagination, ne fut qu’un roman français sans vérité et sans succès, très-inférieur aux deux autres.
Les siècles ont passé sur ce livre six fois millénaire, et il brûle encore.
Quatre stèles de pierre confondraient les Olympiades de la glorieuse arène qu’elle a parcourue ; des parois interminables, couvertes de cartouches hiéroglyphiques, ne suffisent pas à dérouler les siècles et les dynasties de l’antique Égypte.
Saint-Évremond ne croit en rien à l’avenir, et toutes ses espérances, comme tous ses bonheurs, se terminent pour lui au moment prochain ou présent : « Je n’ai pas en vue la réputation, dit-il… je regarde une chose plus essentielle, c’est la vie, dont huit jours valent mieux que huit siècles de gloire après la mort… Il n’y a personne qui fasse plus de cas de la jeunesse que moi… Vivez ; la vie est bonne quand elle est sans douleur. » Lui, qui a si bien pénétré le génie des Romains, voilà pourtant ce qui lui a manqué peut-être pour être leur peintre durable et définitif ; il a laissé cet honneur à Montesquieu.
On dirait d’un médecin curieux qui décrit avec amour la maladie, cette maladie qu’il a toujours le plus désiré voir de près ; évidemment il aime mieux la voir que la guérir : Il paraît un peu de sentiment, dit-il en parlant du corps abattu de l’État, une lueur ou plutôt une étincelle de vie ; et ce signe de vie, dans les commencements presque imperceptible, ne se donne point par Monsieur, il ne se donne point par M. le Prince, il ne se donne point par les grands du royaume, il ne se donne point par les provinces ; il se donne par le Parlement, qui, jusqu’à notre siècle, n’avait jamais commencé de révolution, et qui certainement aurait condamné par des arrêts sanglants celle qu’il faisait lui-même, si tout autre que lui l’eût commencée.
Fiévée nie que ce soit là une exacte conséquence : « Il serait fort extraordinaire, dit-il, que quatorze siècles de monarchie ne puissent plus servir en France qu’à faire opposition même au gouvernement d’un seul. » Il montre qu’entre ce retour aux vrais principes de gouvernement et un retour à l’Ancien Régime, il y a toujours un énorme obstacle qui s’interpose, à savoir la masse d’intérêts créés par la Révolution.
(Il s’agit des découvertes de physique, qui, après s’être fait attendre durant des siècles, ont éclaté coup sur coup depuis Galilée jusqu’à Newton) : « On dirait que la nature a fait comme ces vierges qui conservent longtemps ce qu’elles ont de plus précieux, et se laissent ravir en un moment ce même trésor qu’elles ont conservé avec tant de soin et défendu avec tant de constance. » Et cette autre pensée encore, qui vient singulièrement dans un rapport de Montesquieu Sur l’usage des glandes rénales : « La vérité semble quelquefois courir au-devant de celui qui la cherche ; souvent il n’y a point d’intervalle entre le désir, l’espoir et la jouissance. » Montesquieu, comme académicien des sciences de Bordeaux, paya donc un léger tribut à la mode et à son admiration pour Fontenelle.
C’est de ce même Esprit des lois que le studieux Gibbon disait, en parlant de ses lectures : « Je lisais Grotius et Pufendorf ; … je lisais Barbeyrac ; … je lisais Locke et ses traités ; … mais mes délices, c’était de lire et de relire Montesquieu, dont l’énergie de style et les hardiesses d’hypothèses furent si puissantes pour éveiller et stimuler le génie du siècle. » Et Horace Walpole, parlant de l’ouvrage dans sa nouveauté, écrivait de même : « Je le considère comme le meilleur livre qui ait jamais été écrit, — au moins je n’ai jamais appris la moitié autant de tout ce que j’ai jamais lu.
En nommant ces deux-là, j’ai nommé deux grands inoculateurs dans l’ordre moral ou philosophique ; mais Bolingbroke en exil, et venu au début du siècle, n’a agi que sur quelques-uns, tandis que Franklin, venu tard, et à une époque de fermentation générale, opéra sur un grand nombre.
Parlant de la manière infructueuse et vaine dont se terminèrent les États généraux de 1614, il ajoute : Toute cette Assemblée n’eut d’autre effet sinon que de surcharger les provinces de la taxe qu’il fallut payer à leurs députés, et de faire voir à tout le monde que ce n’est pas assez de connaître les maux, si on n’a la volonté d’y remédier, laquelle Dieu donne quand il lui plaît faire prospérer le royaume et que la trop grande corruption des siècles n’y apporte pas d’empêchement.
xixe -xxe siècles, La Découverte, 2006, p. 31-33.
Enfin il l’a magistralement repris dans Terres vierges, sans un oubli de détail, avec une pénétration psychologique, une maturité d’art, qui mettent ce livre du petit nombre des romans supérieurs du siècle ; l’atrophie éclate avec tous ses symptômes définis ; elle mine peu à peu les conditions premières de la vie et finit par détruire fatalement l’organisme, qu’elle ravage.
Sans doute nous ne devons pas oublier que notre siècle a vu un grand système dont l’ambition a été précisément de réconcilier et d’absorber tous les systèmes passés dans une synthèse supérieure : c’est l’idéalisme hégélien.
On sait d’ailleurs qu’en France même, la pudibonderie… verbale ne remonte guère qu’à deux siècles et demi tout au plus.
Dans ce livre modeste et hardi, tout à la fois, des Horizons célestes, il est un passage d’une audacieuse nouveauté intitulé : « du Paradis qui ne fait pas peur », et dans lequel le Paradis du Dante ne tient pas plus, sous le regard de la femme, qui en veut un taillé à la mesure de son âme, que les plus vulgaires notions de ces paradis légendaires qui préoccupent depuis des siècles l’humanité, cette grande songeuse.
Parmi les trois ou quatre enfants gâtés (qui resteront marmots) de ce siècle gâté, et que la Fortune a pris par le menton pour les faire nager, M.
Cousin, nous allons le transporter dans un autre siècle ; nous gardons l’homme, nous refaisons les circonstances ; et l’homme, aidé par les circonstances, devient plus heureux et plus grand.
La seconde période s’ouvre, avons-nous dit, à la fin du siècle dernier. […] Dans ce siècle il est encore des expérimentateurs qui cherchaient le siège de la force vitale, le point où elle résidait et d’où elle étendait sa domination sur l’organisme tout entier. […] Dans certaines conditions, sa constitution reste invariable et elle restera ainsi pendant des mois, des siècles. […] Cependant, si l’on doit écarter de la science ces faits mal observés, on a constaté expérimentalement que des graines ont pu germer après plus d’un siècle. […] Les découvertes accomplies, à ce sujet, à la fin du siècle dernier, ont immédiatement placé en opposition la vie des plantes avec celle des animaux.
Je jure qu’avant de mourir j’aurai élevé à sa gloire une pyramide qui touchera le ciel, et où dans les siècles à venir les souverains verront, parce que le sentiment seul de la reconnaissance aura entrepris et exécuté, ce qu’ils auraient obtenu du génie si leurs bienfaits l’avaient cherché. […] Chaque siècle a son esprit qui le caractérise. […] Si le mouvement qui aujourd’hui fait chanceler la constitution avait eu lieu avant l’expulsion des Jésuites, l’affaire pourrait être terminée ; tous les tribunaux eussent été remplis en un clin d’œil de leurs affiliés et adhérents, et nous serions tombés dans une espèce de théocratie ; d’où il suit qu’en moins d’un siècle nous eussions rétrogradé vers un état de barbarie la plus absolue. […] Son nom est en honneur dans toutes les contrées et durera dans tous les siècles. […] Diderot, l’un des chefs les plus célèbres des philosophes de notre siècle, a échappé à la maladie dangereuse qu’il a essuyée à Neufchâtel [La Haye] ; il se porte actuellement très-bien.
Le philosophe eût pu venir plusieurs siècles plus tôt ; il aurait eu affaire à une autre philosophie et à une autre science ; il se fût posé d’autres problèmes ; il se serait exprimé par d’autres formules ; pas un chapitre, peut-être, des livres qu’il a écrits n’eût été ce qu’il est ; et pourtant il eût dit la même chose. […] Il y a, en effet, depuis des siècles, des hommes dont la fonction est justement de voir et de nous faire voir ce que nous n’apercevons pas naturellement. […] Or cette extension et ce travail de perfectionnement logique peuvent se poursuivre pendant des siècles, tandis que l’acte générateur de la méthode ne dure qu’un instant. […] En ce sens, l’Introduction à la médecine expérimentale est un peu pour nous ce que fut, pour le XVIIe et le XVIIIe siècles, le Discours de la méthode. […] Ravaisson aurait pu se contenter de passer en revue les travaux des philosophes les plus renommés du siècle.
Tout cela nous importe peu aujourd’hui ; le seul point qui nous touche historiquement, c’est cette demi-réforme tentée par les meilleures têtes de la Faculté d’alors, dont était Gui Patin, contre la tradition et la routine des remèdes mystérieux, merveilleux, irrationnels ; elle répondait assez bien aux autres demi-réformes analogues qu’avaient proposées, vers le commencement du siècle.
Il y avait eu un temps, au commencement du siècle, où les grandes dames avaient auprès d’elles leur bel esprit, puis un autre temps où elles avaient leur géomètre, puis leur philosophe ; vers la fin, quelques princesses avaient renchéri sur ces goûts de luxe et avaient voulu avoir leur théosophe.
Au lieu de cela, Gœthe, le plus grand des critiques modernes et de tous les temps (car il a profité des bénéfices de son siècle), est toujours resté pour nous un étranger, un demi-inconnu, une sorte de majestueuse énigme, un Jupiter-Ammon à distance dans son sanctuaire ; et tous les efforts qu’on fait, non pour le populariser (cela ne se pourra jamais), mais pour le naturaliser parmi nous, n’ont réussi jusqu’à présent qu’à demi.
Cette Rome dont la puissance a traversé tant de siècles. qui a tenu si longtemps le sceptre du monde, à quelle cause faut-il attribuer sa prodigieuse durée, si ce n’est peut-être à l’audacieuse, mais admirable confiance qui lui inspira de se saluer elle-même du nom de Ville éternelle ?
Voltaire, dont chaque mot compte quand il s’agit de peindre les hommes qu’il a connus et qu’il définit avec son heureuse précision, a dit de lui dans son Siècle de Louis XIV, en le rencontrant pour la première fois sous sa plume à l’assaut de Prague (1741) : « Le comte Maurice de Saxe, frère naturel du roi de Pologne, attaqua la ville.
Le siècle est de fer.
… Surtout préparez dans votre intérieur les moyens de tenir vos engagements… Pénétrez-vous bien de cette vérité, que, pour s’illustrer par une résistance honorable au siècle où nous vivons, un peuple peu nombreux doit opposer aux armées disciplinées et permanentes le courage du Spartiate.
Et dans le cas présent, au chapitre xxii du Siècle de Louis XIV, parlant des rivalités de la duchesse de Marlborough et de sa cousine milady Masham : « Quelques paires de gants d’une façon singulière, dit-il, qu’elle refusa à la reine, une jatte d’eau qu’elle laissa tomber en sa présence, par une méprise affectée, sur la robe de Mme Masham, changèrent la face de l’Europe. » Le grave Pascal n’avait pas pensé autre chose quand il a parlé du petit nez de Cléopâtre.
A la voix de la Fortune, Il n’ira point de Neptune Tenter les gouffres mouvants, Ni, sur la foi des étoiles, Livrer d’intrépides voiles A l’inconstance des vents… C’est de lui toute cette ode, qui a pour titre : les Goûts du Poëte, et qui est inspirée du Quem tu Metpomene semel, reste charmant de ton, de sobriété, de sens ferme et doux ; c’est de la bonne poésie du temps de Chaulieu, d’il y a vingt-cinq ans ou d’il y a un siècle.
La prudence exige de n’y compter qu’autant que les intérêts communs s’y trouvent, et l’expérience de tous les siècles apprend que ces liaisons de parenté sont souvent plus embarrassantes qu’utiles quand les intérêts sont naturellement opposés. » — Un des soins de M. de Ségur dans ses notes est de rejoindre, autant que possible, la morale et la politique, et de ne plus les vouloir séparer.
Octave Feuillet apparaissent alors comme de ravissants mensonges, et peut-être comme les plus gracieux qu’on ait imaginés en ce siècle pour bercer les âmes jeunes et enchanter les esprits innocents.
« Il faut arriver à ce que les valeurs moyennes admises par la presque totalité des hommes redeviennent toutes des parties intégrantes d’une même culture générale, il faut que le civilisé moderne, sans rien abandonner des merveilleux progrès techniques réalisés dans ce siècle, invente et développe en lui une culture spirituelle aussi exactement et nécessairement adaptée à sa civilisation matérielle que le furent jadis l’une à l’autre la culture spirituelle et matérielle de la Renaissance.
Et si même, il n’y avait ni interprète, ni dictionnaire, si les Allemands et les Français, après avoir vécu des siècles dans des mondes séparés, se trouvaient tout à coup en contact, croit-on qu’il n’y aurait rien de commun entre la science des livres allemands, et celle des livres français ?
L’influence d’un esprit qui lui est apparu, non certes sans raison, comme un des plus vastes de ce siècle, et dont c’est la théorie desséchante que cette exclusive royauté de la sensation, — nous parlons de M.
Selon ces beaux récits, qui ont charmé des siècles, l’homme ne trouve sur la terre que l’épreuve ; cela est tout simple, il aura un jour la vie éternelle ; mais l’animal, qui n’a point de place dans l’éternité, est toujours récompensé ici-bas de ce qu’il fait pour le bien ; car enfin il faut que Dieu soit juste.
Part à deux, mais non part égale : car, à cette vie jumelle, Spiegel apporte son travail, sa gaieté, son dévouement, et Frantz ne met que ses songes creux, ses chimères, ses aspirations à la fortune et la fainéantise voluptueuse du grand homme incompris qui déclame contre l’ineptie de son siècle, les mains dans ses poches.
Avec Béranger resté fidèle à son rôle, c’est l’esprit du siècle qui triomphe, et qui a bon marché, à la longue, des récalcitrants.
Goethe est, avec Cuvier, le dernier grand homme qu’ait vu mourir le siècle.
J’avais eu l’idée, après avoir montré le parfait langage du siècle de Louis XIV dans sa fleur et son élégance dernière chez la plus charmante élève de Mme de Maintenon, après avoir considéré le style du xviiie siècle dans sa plénitude de vigueur et d’éclat chez Jean-Jacques Rousseau, d’aborder aussitôt la langue révolutionnaire chez l’homme qui passe pour l’avoir maniée avec le plus de verve et de talent, chez Camille Desmoulins.
C’est ainsi que parlait et pensait sur lui-même, avec une simplicité touchante, ce grand évêque, l’oracle de son siècle et le plus élevé des hommes par le talent.
Lui, selon l’expression de son père, qui le jugeait très bien cette fois, il avait « des manières nobles et le faste des habits en un siècle de mode dépenaillée ».
M. de Maistre, tout au contraire, pensait que, dans les choses humaines, la Providence y va et par quatre et par mille chemins ; et pour lui, il n’hésite pas à le dire, si la Coalition triomphait au complet, il verrait dans la destruction de la France « le germe de deux siècles de massacres, la sanction des maximes du plus odieux machiavélisme, l’abrutissement irrévocable de l’espèce humaine, et même, ce qui vous étonnerait beaucoup, une plaie mortelle à la religion : mais tout cela exigerait un livre ».
Mais, trente ans environ après sa fondation, lorsqu’une jeune et hardie littérature se fut produite sous Louis XIV, que les Boileau et les Racine, les Molière et les La Fontaine eurent véritablement régénéré les lettres françaises et la poésie, l’Académie se trouva un peu arriérée et surannée, et elle resta telle, plus ou moins, durant les trente-cinq dernières années du siècle.
De là un déluge de plaisanteries sur la religion ; l’un citait une tirade de La Pucelle ; l’autre rappelait ces vers philosophiques de Diderot… La conversation devient plus sérieuse ; on se répand en admiration sur la Révolution qu’avait faite Voltaire, et l’on convient que c’est là le premier titre de sa gloire : « Il a donné le ton à son siècle, et s’est fait lire dans l’antichambre comme dans le salon. » Un des convives nous raconta, en pouffant de rire, que son coiffeur lui avait dit, tout en le poudrant : « Voyez-vous, monsieur, quoique je ne sois qu’un misérable carabin, je n’ai pas plus de religion qu’un autre.
M. de Humboldt, dans le voyage aux régions équinoxiales qu’il entreprit au commencement de ce siècle avec son ami le botaniste Bonpland, et qui est une date mémorable dans la science, a reconnu en mainte rencontre cette vérité intime et pittoresque de Bernardin et le charme pénétrant de ses observations naturelles : Que de fois, dit le savant voyageur, nous avons entendu dire à nos guides dans les savanes de Venezuela ou dans le désert qui s’étend de Lima à Truxillo : « Minuit est passé, la Croix commence à s’incliner !
Enfin, vers la fin du siècle, Haller introduisit avec conscience et d’une manière régulière l’expérimentation physiologique.
Le moins classique après lui semblait la Fontaine ; et voyez après deux siècles ce qui, pour tous deux, en est advenu.
Il est remarquable que la France a perdu, sur la fin du dernier siècle, trois beaux talents à leur aurore : Malfilâtre, Gilbert et André Chénier ; les deux premiers sont morts de misère, le troisième a péri sur l’échafaud.
Si vous me dites que cette froideur d’imitation étoit une manière de ces siècles, je vous demanderai pourquoi cette manière n’étoit pas générale ?
Or voici que, enfin, un siècle après Kant, cette solution vient d’être trouvée !
Des mesures libérales comme celle de Caracalla ne doivent donc pas faire illusion ; il ne pouvait opérer par décret un nivellement général ; mille habitudes sociales, installées par les siècles au plus profond de l’esprit romain, juraient avec les idées égalitaires.
La réaction était d’ailleurs à ce point dépourvue de nuances qu’elle apparaissait proprement inique ; fille légitime, elle, de cette inintelligence même que l’on jugeait bon de reprocher à des hommes en leurs limites entièrement originaux ; qui ont retrouvé, ressuscité l’art de tout un siècle, et de ce siècle à la seule mention duquel certains détracteurs des Goncourt entrent en état d’abjection ; qui annexèrent le Japon à notre culture, et qui ont soumis nos habitudes visuelles à des exercices d’assouplissement et de précision singulièrement profitables. […] J’avoue ne plus la suivre quand se demandant si sa poésie survivra aux siècles, elle répond : « Je n’ose l’affirmer ».
Il a marché avec le siècle. […] Les vices changent à chaque siècle en même temps que les vertus.
Rien n’est comparable à ce tableau en relief dans toutes les œuvres didactiques de l’antiquité et des siècles modernes. […] C’est le Phidias de la parole, sept siècles avant le Phidias du ciseau.
Le siècle a fait des pas. […] Les uns, tels que les romanciers du siècle de Louis XIV, Télémaque, les œuvres de Mlle de Scudéry, la Princesse de Clèves, etc., débordent dans le large lit des aventures fabuleuses et des poèmes épiques.
Il écrivait bien des siècles après eux et dans un style fort différent. […] Excepté qu’il est plus sérieux, Hérodote a beaucoup de rapport avec l’auteur du Siècle de Louis XIV.
La Fortune des Rougon parut en 1869 dans le Siècle ; La Curée, en 1870 : ces dates prouvent clairement que l’auteur n’est pas venu donner le coup de pied de l’âne au gouvernement que la France a renversé. […] XIX e Siècle, 21 janvier.
19 octobre Un mot qui dit tout sur les juifs, qui éclaire leur fortune, leur puissance, leur rapide ascension, en ce siècle d’argent. […] Ici c’est Chantilly, là Champlâtreux, plus loin Luzarches, un nom de site champêtre à la mode dans les romans de la fin du dernier siècle, tout comme Salency, et pour venir ici, on passe par l’Ile-Adam, devant la terrasse peinte dans le joli tableau d’Olivier, qui est à Versailles.
Le roman expérimental se donne donc comme une conséquence de l’évolution scientifique du siècle ; il continue et complète la physiologie, qui elle-même s’appuie sur la chimie et la physique ; substitue à l’étude de « l’homme abstrait », de « l’homme métaphysique » l’étude de l’homme naturel, « soumis aux lois physico-chimiques et déterminé par les influences du milieu » ; le roman expérimental, en un mot, est la littérature de notre âge de science comme la littérature classique et romantique correspondait à un âge de scolastique et de théologie69. […] Dans son Voyage en Italie, devant les chefs-d’œuvre des siècles anciens, Taine s’écrie » : Que de ruines et quel cimetière que l’histoire !
Je ne pus trouver dans mes souvenirs aucun jeu d’enfant auquel ces paroles pussent convenir. » [Le « célèbre Sume, lege de saint Augustin » (plus exactement d’ailleurs « tolle lege »), c’est-à-dire « Prends, lis » renvoie à la scène du jardin de Milan à la fin du livre VIII des Confessions (XII, 28-30), où Augustin fait le récit de la crise finale qui le mène à se convertir et à ne plus rechercher « ni épouse, ni rien de ce qu’on espère dans ce siècle » (Œuvres de Saint Augustin, ed. […] Quand Egger présente cette fiction comme une « anecdote historique », qui « nous apprend comment fut conçu l’un des plus fins chefs-d’œuvre de la poésie française » à partir de ce premier vers improvisé, il suit la toute récente Biographie d’Alfred de Musset (Paris, Lemerre, 1877, p. 149) où Paul de Musset, « parallèlement au récit d’Emmeline et peut-être un peu d’après ce récit » (« Pléiade », note p. 794), raconte la liaison de Musset avec Mme Jaubert dans le temps qu’il écrivait les Confessions d’un enfant du siècle et applique à l’auteur l’aventure du jeu amoureux déclenché dans la nouvelle par les stances « A Ninon ».]
La question est de savoir si un philosophe Paul, vivant à la même époque que Pierre ou, si vous aimez mieux, plusieurs siècles auparavant, eût pu, connaissant toutes les conditions dans lesquelles Pierre agit, prédire avec certitude le choix que Pierre a fait. […] C’est pourquoi, dans une durée psychologique de quelques secondes, il pourra faire tenir plusieurs années, plusieurs siècles même de temps astronomique : telle est l’opération à laquelle il se livre quand il dessine à l’avance la trajectoire d’un corps céleste ou qu’il la représente par une équation.
Mais son effort, qui s’est prolongé pendant un si grand nombre de siècles, n’a pas abouti, comme celui des philosophes grecs, à la connaissance indéfiniment développable que fut déjà la science hellénique. […] Mais moi, qui l’aperçois du dehors, et qui fixe mon attention sur la ligne parcourue, je me dis qu’il a d’abord fallu franchir la première moitié de l’intervalle, puis la moitié de l’autre moitié, puis la moitié de ce qui reste, et ainsi de suite : je pourrais continuer pendant des milliards de siècles, jamais je n’aurai épuisé l’énumération des actes en lesquels se décompose à mes yeux le mouvement que vous sentez indivisible.
Le quartier général est devant l’imprimerie Vallée, le palais lépreux du siècle. […] Là-dessus, quelqu’un compare Jules Simon à Cousin, et c’est l’occasion pour Renan de faire l’éloge du ministre — très bien, — du philosophe — je m’abstiens pour cause, — mais encore du littérateur et de le proclamer le premier écrivain du siècle. — Nom de Dieu ! […] Les langues de ce siècle sont si diverses et si contraires. Moi je lui jette : « Tout très grand écrivain de tous les temps ne se reconnaît absolument qu’à cela, c’est qu’il a une langue personnelle, une langue dont chaque page, chaque ligne est signée, pour le lecteur lettré, comme si son nom était au bas de cette page, de cette ligne, et avec votre théorie vous condamnez le xixe siècle, et les siècles qui vont suivre, à n’avoir plus de grands écrivains. » Renan se dérobe, ainsi qu’il en a l’habitude dans les discussions, se rejette sur l’éloge de l’Université, qui a refait le style, qui, selon son expression, a opéré le castoiement de la langue, gâtée par la Restauration, déclarant que Chateaubriand écrit mal.
Lassay a pour nous cet avantage, précisément parce qu’il n’est qu’un homme de société et un amateur, non un auteur, de nous représenter au juste le ton de distinction et de bonne compagnie du xviie siècle, et la langue parlée que ce siècle finissant transmit au xviiie .
Personne ne possédait mieux et ne citait plus volontiers, ne mettait plus souvent à contribution dans ses notes la littérature française du second ordre, le menu des auteurs et poètes du XVme siècle.
Je ne puis rencontrer cela qu’en écrivant l’histoire, en m’attachant à une époque dont le récit me serve d’occasion pour peindre les hommes et les choses de notre siècle, et me permettre de faire de toutes ces peintures détachées un tableau.