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1336. (1902) La formation du style par l’assimilation des auteurs

On peut mal lire et sentir profondément les beautés d’une œuvre. […] La sensation qu’on peut avoir d’une œuvre dépend de la continuité de la lecture. […] Voulez-vous savoir si une œuvre est bonne ? […] Œuvres posthumes. […] Je criai de ravissement : Voilà mon œuvre.

1337. (1910) Propos de théâtre. Cinquième série

L’œuvre, qui est fortement et adroitement intriguée, de quoi je ne dis point de mal, du reste, c’est l’œuvre que l’auteur fait amoureusement, au lieu de la subir passionnément. Shakespeare subit son œuvre. […] Sa visée ne dépasse pas l’œuvre à faire. […] C’est une œuvre très charitable. […] Lélia avait paru une œuvre satanique.

1338. (1897) La vie et les livres. Quatrième série pp. 3-401

On peut, ici, juger l’ouvrier par l’efficacité de l’œuvre. […] La nature, dit-elle, a beaucoup travaillé pour cette œuvre. […] Ce n’était que le commencement de l’œuvre sainte. […] On a toujours une tendance à trouver ses œuvres meilleures ou moins bonnes qu’elles ne sont. […] Je crois pourtant que cette belle œuvre mérite mieux que l’estime des spécialistes.

1339. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Horace Vernet (suite et fin.) »

Il y a un moment dans la vie de l’artiste où, muni de toute sa science et riche de tous ses matériaux, fort de son entière expérience et encore en possession de toute sa force, mais pressentant qu’elle pourrait bien faiblir un jour et lui échapper, il se lance à fond de train, se déploie, s’abandonne avec fureur et sans plus de réserve comme s’il voulait s’épuiser et laisser son âme dans son œuvre : c’est le moment décisif, c’est celui qui, dans une grande bataille rangée, décide et achève la victoire. […] Je suis franc, le côté faible d’Horace en critique d’art s’y trahit : « Je ne connais pas, dit-il, l’histoire de ce grand artiste ; mais, à juger de sa vie privée par ses œuvres, il ne devait pas avoir les goûts fort élevés. […] Je remarque, au milieu de ces récits animés, deux passages qui expriment l’opinion d’Horace Vernet sur la critique qui, pendant ce temps-là, était à l’œuvre et le traitait assez mal en France. […] Ce tableau symbolique, qui, de son espèce, est unique dans l’œuvre d’Horace Vernet, ne saurait être qualifié qu’une singularité et une erreur. […] Cette préférence se marque volontiers encore dans l’opinion des étrangers, et tout récemment Landseer, le célèbre peintre anglais, se trouvant à une réunion d’artistes et d’amateurs, disait : « Les tableaux de Vernet l’emportent sur ceux de tous ses rivaux, parce qu’en dehors de leur propre mérite, ils ne procèdent que de lui-même et de l’observation de la nature ; chez tous les autres peintres, et dans toutes leurs œuvres sans exception, vous trouverez toujours une réminiscence de quelque ancien maître. » Mais à côté du miel, la piqûre : Horace Vernet, ainsi apprécié des étrangers, souffrit d’autant plus des préférences françaises hautement déclarées en faveur de M. 

1340. (1892) Boileau « Chapitre V. La critique de Boileau (Suite). Les théories de l’« Art poétique » (Fin) » pp. 121-155

Car, dans ces œuvres, il faut connaître les originaux, pour les reconnaître, et elles n’ont d’intérêt que si l’on brise la forme d’art, qui cache la vérité au lieu de la traduire. […] Le poète fait son œuvre avec des mots : la technique, pour lui, c’est donc d’abord le maniement de la langue. […] Des préceptes qui ont rapport aux genres, les uns sont purement formels, et se rattachent ainsi à la versification ; ce sont les conventions qui lient et soutiennent les genres, et limitent la liberté du poète dans le choix ou la disposition des mètres, et dans les dimensions et proportions de l’œuvre. […] La science des artistes s’est étendue, l’intelligence du public s’est raffinée ; les uns cherchent à susciter, l’autre aime à ressentir des impressions plus complexes, qui doivent se fondre sans se confondre, et laisser subsister l’unité esthétique de l’œuvre. […] Qu’on médite ce petit morceau, et l’on verra que si l’élégance et la noblesse consistent essentiellement à donner à l’œuvre poétique un caractère esthétique et littéraire, qui fait que jamais elle n’est vulgaire, même en exprimant les vulgarités de la nature, le sublime est le degré suprême de la beauté : mais ce degré, c’est tout simplement, pour transposer dans notre langage l’idée de Boileau, c’est l’intensité expressive d’un mot, d’un tour, qui réalise en perfection l’effet voulu et prévu par l’artiste.

1341. (1862) Notices des œuvres de Shakespeare

Une telle œuvre, conçue par un si jeune homme, n’est-ce pas déjà le plus singulier exemple de la précocité du génie ? […] Pressé à ce qu’il paraît par les ordres d’Élisabeth, il n’avait d’abord donné de cette comédie qu’une espèce d’ébauche qui fut cependant représentée pendant assez longtemps, telle qu’on la trouve dans les premières éditions de ses œuvres, et qu’il n’a remise que plusieurs années après sous la forme où nous la voyons maintenant. […] Ce qu’il y a de bien positif, c’est que cette pièce fut écrite avant 1598, car Meres la cite dans cette même année parmi les œuvres de Shakspeare. […] En 1623, c’est-à-dire sept ans après la mort de Shakspeare, parut la première édition complète de ses œuvres. […] Ainsi l’aventure de Simpcox est absolument hors d’œuvre ; celle de l’armurier et de son apprenti ne se rattache que faiblement au sujet, et les pirates qui mettent Suffolk à mort ne se rattachent en rien au reste de l’intrigue.

1342. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Malherbe et son école. Mémoire sur la vie de Malherbe et sur ses œuvres par M. de Gournay, de l’Académie de Caen (1852.) » pp. 67-87

Mémoire sur la vie de Malherbe et sur ses œuvres par M. de Gournay, de l’Académie de Caen (1852.) […] Dans ses œuvres rares, difficiles, toujours remaniées, qu’il prise haut, mais qu’il n’estima jamais assez terminées pour en publier lui-même le recueil, il semble avoir cherché surtout à donner des exemples d’une nouvelle et meilleure manière de faire : on dirait qu’il n’a voulu que changer le procédé et remonter l’instrument plutôt que d’en user largement lui-même. […] Il y aurait quelque chose de mieux : quand on réimprime ses Œuvres on devrait y ajouter les stances de Racan Sur la retraite, son ode À Bussy, sa Consolation sur la mort de M. de Termes, et aussi l’ode de Maynard À Alcippe, quatre pièces de plus en tout, et l’on aurait droit de dire : Voilà ce que Malherbe a fait ou fait faire, voilà l’œuvre de Malherbe au complet dans sa première sève et sa floraison.

1343. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Roederer. — I. » pp. 325-345

Aujourd’hui le fils du comte Roederer a pensé que le plus digne hommage à rendre à la mémoire de son père était de recueillir ses œuvres, en les présentant sous la même forme d’une demi-publicité qui leur laissât un caractère d’amitié et de famille. Ces Œuvres ne comprendront pas moins de sept ou huit volumes. […] Viendront ensuite les œuvres politiques proprement dites, notamment la Chronique des cinquante jours, qui est devenue comme une partie intégrante de l’histoire de la Révolution. […] C’est ainsi qu’il jugeait, pour l’avoir vue à l’œuvre, la démocratie en elle-même, organisée par en bas, aux vingt-six mille clubs, aux vingt millions de têtes.

1344. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Une petite guerre sur la tombe de Voitture, (pour faire suite à l’article précédent) » pp. 210-230

Balzac usa quelquefois de la faveur de Voiture en Cour, et le mit en mouvement pour faire arriver de ses œuvres sous les yeux du cardinal de Richelieu ou du cardinal Mazarin : Voiture, qui savait les difficultés et avait du tact, se prêtait à ces démarches autant qu’il fallait, et rien de plus. […] Balzac, qui ne mourut que quatre ans après, eut tout le temps de voir et de méditer ces œuvres d’un rival et, selon lui, d’un disciple. […] En un mot, la pièce me parut si belle que je ne consultai pas longtemps sur ce sujet ; je crus d’abord, sans m’en conseiller qu’à moi-même, qu’un ouvrage également avantageux à deux si excellents hommes ne se devait point cacher, et que n’y allant pas moins, à le mettre au jour, de la gloire de M. de Balzac, à qui il s’adresse, que de l’honneur de mon parent, pour qui il est fait, je devais, pour la satisfaction de tout le monde, faire un présent au public de l’apologie de M. de Voiture ainsi que j’avais fait de ses œuvres. […] Reprenons nous-même les pièces dans leur ordre, la dissertation de Girac sur les œuvres de Voiture, la défense qu’y opposa Costar, la réponse de Girac, et, sans nous enfoncer dans les profondeurs de cette querelle où les in-quarto s’accumulèrent et qui finit par des monceaux d’injures, tirons-en quelques vérités littéraires, de celles qui intéressent l’histoire des deux grandes renommées.

1345. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Mémoires de Malouet (suite.) »

Il se consacra tout entier à l’œuvre qui devait remplir la seconde moitié de sa vie, et que depuis la première édition (1770) il ne cessa de retravailler par lui-même ou par d’autres : singulière et périlleuse manière de l’améliorer. […] Raynal se laisse monter la tête par Diderot, au point de lui livrer son œuvre chérie, de l’aliéner comme une matière de librairie, comme un pur canevas, pour qu’il y insère des tirades d’un certain genre ! […] Thiers, dans son Histoire de la Révolution, œuvre de sa jeunesse, n’a point échappé entièrement à ce genre d’illusion. […] Le grand mal qui a été fait est l’œuvre de tous, sauf les crimes, qui appartiennent à quelques-uns.

1346. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « GRESSET (Essai biographique sur sa Vie et ses Ouvrages, par M. de Cayrol.) » pp. 79-103

Un écrivain a fleuri et brillé en son temps ; il est mort ; le goût public a changé ; sa renommée a vieilli et a pâli ; on le cite encore à la rencontre, on a de lui une ou deux pièces qui seules survivent au reste des œuvres oubliées ; il semble que tout soit dit sur son compte : et voilà subitement qu’un homme arrive, littérateur ou non de métier, mais ayant au cœur je ne sais quelle étincelle littéraire, et cet homme un matin se consacre à cette mémoire défunte, la réchauffe, la restaure, s’applique de tout point à la rehausser. […] Pourtant il se maintiendra toujours à son rang littéraire, comme une des œuvres les plus honorables dans ce genre de la comédie mitigée et de l’épître morale, dont le mérite, lorsqu’il est universellement goûté par l’élite d’une nation, donne la mesure certaine d’une qualité de civilisation bien polie et bien délicate35. […] — Gresset se trompe, il n’est pas si coupable36 Un vers heureux et d’un tour agréable Ne suffit pas ; il faut de l’action, De l’intérêt, du comique, une fable, Des mœurs du temps un portrait véritable, Pour consommer cette œuvre du démon ! […] Le siècle dans l’intervalle avait changé ; les grandes œuvres philosophiques s’étaient produites, et la mode elle-même tournait au sérieux.

1347. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Œuvres de Barnave, publiées par M. Bérenger (de la Drôme). (4 volumes.) » pp. 22-43

Œuvres de Barnave, publiées par M.  […] C’est en 1843, c’est-à-dire cinquante années juste après la mort de Barnave, qu’ont paru ses Œuvres très authentiques recueillies par la piété d’une de ses sœurs, Mme de Saint-Germain, aidée des soins de M.  […] Ici, dans ces Œuvres, c’est l’homme au contraire qu’on saisit, c’est la nature et la qualité de l’esprit encore plus que celle du talent, c’est la personne morale. […] S’il fallait nommer à distance, parmi les membres de cette grande Assemblée, l’orateur qui la représenterait le plus fidèlement depuis le premier jusqu’au dernier jour, dans sa continuité et sa tenue d’esprit, dans sa capacité, dans son éclat, dans ses fautes, dans son intégrité aussi et dans l’œuvre de sa majorité saine, ce ne serait ni Mirabeau, trop grand, trop corrompu, enlevé trop tôt, qu’on devrait choisir, ni Maury, le Mirabeau de la minorité, ni La Fayette, trop peu éloquent, ni d’autres ; ce serait, pour l’ensemble de qualités qui expriment le mieux la physionomie de l’Assemblée constituante, ce jeune député du Dauphiné, Barnave.

1348. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Le Brun-Pindare. » pp. 145-167

Le Brun, de son vivant, ne recueillit point ses œuvres ; il ne publia jamais ses odes et poésies qu’en feuilles détachées. […] Il respire dans cette pièce un profond sentiment de la justice que la postérité accorde aux œuvres durables et aux monuments élevés avec lenteur : Flatté de plaire aux goûts volages, L’Esprit est le dieu des instants. […] » Quand on n’a lu que ces quelques strophes de Le Brun, on s’explique peu la stérilité générale de son œuvre, l’avortement de tant de hauts desseins, et on a besoin d’en chercher les raisons autre part encore que dans son talent. […] Lorsque Ginguené, ami de Le Brun dans tous les temps, se chargea de faire le recueil des Œuvres du poète, il trouva, dit-on, dans les papiers jusqu’à dix épigrammes contre lui-même, et il s’y piqua : ce qui ne l’empêcha point d’accomplir très fidèlement sa mission d’éditeur.

1349. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Montesquieu. — II. (Fin.) » pp. 63-82

Ces suicides des Caton, des Brutus, lui inspirent des réflexions où il entre peut-être quelque idolâtrie classique et quelque prestige : « Il est certain, s’écrie-t-il, que les hommes sont devenus moins libres, moins courageux, moins portés aux grandes entreprises qu’ils n’étaient lorsque, par cette puissance qu’on prenait sur soi-même, on pouvait, à tous les instants, échapper à toute autre puissance. » Il le redira jusque dans L’Esprit des lois, à propos de ce qu’on appelait vertu chez les anciens : « Lorsqu’elle y était dans sa force, on y faisait des choses que nous ne voyons plus aujourd’hui, et qui étonnent nos petites âmes. » Montesquieu a deviné bien des choses antiques ou modernes, et de celles même qu’il avait le moins vues de son temps, soit pour les gouvernements libres, soit pour les guerres civiles, soit pour les gouvernements d’empire ; on ferait un extrait piquant de ces sortes de prédictions ou d’allusions prises de ses œuvres. […] Le public voit les choses plus dans leur ensemble, et quand il y a un souffle supérieur et une haute empreinte dans une œuvre, il suppose à l’auteur de la raison sur tous les points, et il se prête à l’impulsion qu’il en reçoit. […] Tout cela dit, il reste l’œuvre de génie : des chapitres comme ceux d’Alexandre et de Charlemagne consolent de tout. […] Prenons L’Esprit des lois pour ce qu’il est, pour une œuvre de pensée et de civilisation.

1350. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Œuvres de Frédéric le Grand (1846-1853). — I. » pp. 455-475

À côté de l’édition monumentale des Œuvres du grand Frédéric, ordonnée par le gouvernement prussien et dirigée par M.  […] J’ai déjà parlé ailleurs55 des Œuvres historiques de Frédéric qui sont justement classées à la tête des meilleures histoires modernes. […] Preuss, qui préside à la publication de cette œuvre royale et nationale tout ensemble, me faisait l’honneur de m’écrire, il y a quelque temps, « qu’il y travaille avec enthousiasme ». […] Aujourd’hui, en m’occupant de la Correspondance de Frédéric selon l’ordre où elle se déroule à nous dans les Œuvres complètes, je m’attacherai surtout à montrer en lui les sentiments du cœur et de l’âme, tels qu’il les avait dans la jeunesse et qu’il les garda jusque sur le trône, au moins tant que ses premiers amis vécurent.

1351. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre X. »

Il faudrait donc le supposer là tout à fait inférieur à lui-même, et croire que cette partie de son œuvre se serait, du vivant même de l’antiquité grecque, abaissée dans l’ombre et n’aurait pas duré même jusqu’aux lettrés romains, qui, dès le temps de Scipion et d’Ennius, s’étaient si fort occupés de la poésie de la Grèce, et ne cessaient de traduire et d’imiter son théâtre ? […] Le poëte tragique, en particulier, était à l’aise et suffisamment inspiré, dans cette vaste enceinte et cette infinie variété de la représentation tragique, telle que l’esprit la concevait alors, pouvant essayer tous les spectacles, depuis les splendeurs des rois jusqu’à la mendicité des bannis, depuis la terreur la plus éloquente jusqu’à la bouffonnerie, depuis la majesté d’Agamemnon et le délire religieux de Cassandre jusqu’à la fureur d’Oreste et au sommeil des Euménides trompées par Apollon, depuis les Choéphores jusqu’au Cyclope, Le poëte tragique, avec cette fécondité d’un art nouveau, multipliait ses œuvres pour les grandes fêtes de chaque année ; mais il ne s’exerçait pas ailleurs et pour une moindre occasion que les Panathénées et que la Grèce accourue dans Athènes. […] Les frères d’Eschyle, les deux guerriers dignes de son nom par leur courage, comme son courage à lui-même était digne de son génie, le pressaient un jour d’écrire un hymne à l’honneur d’Apollon ; il leur répondit « que la chose était faite dès longtemps, et pour le mieux, par le poëte Tynnichos ; que si à l’œuvre de celui-ci il opposait maintenant une œuvre nouvelle et sienne, elle aurait même fortune que les statues récentes des dieux, en présence de leurs statues antiques : c’est-à-dire que celles-là, rudes et simples, sont réputées divines, et que les autres, plus jeunes et travaillées avec plus d’art, sont admirées, mais qu’elles ont moins du dieu en elles. » Devant Eschyle, son ancien de si peu d’années, Pindare dut raisonner de même ; et, content de sa gloire lyrique renouvelée sous tant de formes, liée à tant de faits royaux et domestiques, il n’avait pas à essayer cette autre gloire du théâtre élevée si haut dans Athènes.

1352. (1874) Premiers lundis. Tome I « A. de Lamartine : Réception à l’Académie Française »

La renommée des œuvres fut prompte à mûrir durant l’absence du poète ; la postérité commença vite pour lui : on le relut avec larmes et délices ; son nom devint cher et familier à tous ; on se montra presque facile à reconnaître le génie de celui qui était absent et qu’on ne voyait plus. […] Or, il arrive souvent que les hommes de génie qui commencent les révolutions dans l’art se lassent sitôt que leur œuvre individuelle est achevée ; il arrive qu’un matin ils ressentent pour eux-mêmes un soudain besoin de repos et désespèrent volontiers : que d’autres puissent jamais aller plus loin.

1353. (1823) Racine et Shakspeare « Chapitre III. Ce que c’est que le Romanticisme » pp. 44-54

Ce que c’est que le Romanticisme Le romanticisme est l’art de présenter aux peuples les œuvres littéraires qui, dans l’état actuel de leurs habitudes et de leurs croyances, sont susceptibles de leur donner le plus de plaisir possible. […] Un procureur incrédule se donne les œuvres de Bourdaloue magnifiquement reliées ; et dit : cela convient, vis-à-vis des Clercs.

1354. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Quatrième partie. Élocution — Chapitre VI. De l’emploi des figures et de la condition qui les rend légitimes : la nécessité »

Et dans la critique littéraire, quand on a comparé ses auteurs aux aigles, aux lions, aux papillons, aux abeilles, aux prairies émaillées de fleurs, aux montagnes abruptes, aux clairs ruisseaux, aux torrents furieux, quelle idée a-t-on donné aux lecteurs de leur talent et de leurs œuvres ? […] Chez tous nos grands écrivains, dans leurs œuvres les plus parfaites, les figures ont bien ce caractère.

1355. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Pronostics pour l’année 1887. »

Il paraît que j’ai commis d’énormes oublis, et que l’année littéraire a été bien meilleure et plus fertile en œuvres originales que je n’avais cru. […] Et le théâtre   On nous annonce Francine, l’œuvre d’un jeune, si jeune qu’on ne peut guère deviner ce qu’il nous réserve, celui-là.

1356. (1898) Inutilité de la calomnie (La Plume) pp. 625-627

Gide a composé cette œuvre incertaine et brillante. […] Jammes, tiède, désolé, mélancolique et innocent, il faudrait peut-être opposer toute une légion d’âmes rayonnantes : Jean Viollis, Gasquet, Magre et Paul Souchon, près de Montfort, si pur, si frais ; de Maurice Le Blond, si lucide ; de ce suave Michel Abadie, de qui l’œuvre illustre en nos rêves, demeure encore si inconnue !

1357. (1888) La critique scientifique « Appendice — Plan d’une étude complète d’esthopsychologie »

3° Composition : (Des paragraphes et des œuvres. […] Vérification de ces explications sur la série des ouvrages : elles sont d’autant plus exactes que ces œuvres sont le moins appliquées à rendre la réalité.

1358. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 2, de l’attrait des spectacles propres à exciter en nous une grande émotion. Des gladiateurs » pp. 12-24

On rafinoit même sur les instrumens meurtriers que ces malheureux devoient mettre en oeuvre pour s’entretuer. […] Antiochus qui formoit de grands projets, et qui mettoit en oeuvre pour les faire réussir le genre de magnificence qui est propre à concilier aux souverains la bienveillance des nations, fit venir de Rome à grands frais des gladiateurs pour donner aux grecs amoureux de toutes les fêtes un spectacle nouveau.

1359. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 33, de la poësie du stile dans laquelle les mots sont regardez en tant que les signes de nos idées, que c’est la poësie du stile qui fait la destinée des poëmes » pp. 275-287

L’écrivain le plus austere, celui qui fait la profession la plus serieuse de ne mettre en oeuvre pour nous persuader que la raison toute nuë, sent bientôt que pour nous convaincre il nous faut émouvoir, et qu’il faut pour nous émouvoir mettre sous nos yeux par des peintures les objets dont il nous parle. […] Telles sont, par exemple, les figures que met en oeuvre le carme auteur du poëme de la Magdelaine, qui forment souvent des images grotesques, où le poëte ne devroit nous offrir que des images serieuses.

1360. (1900) Taine et Renan. Pages perdues recueillies et commentées par Victor Giraud « Renan — III »

Nous pensons qu’à côté de l’œuvre il y a l’homme.‌ […] Avec un langage ecclésiastique, dont ses dernières œuvres sont d’ailleurs plus fortement marquées que sa correspondance de séminariste, M. 

1361. (1907) L’évolution créatrice « Introduction »

Là résident certaines puissances complémentaires de l’entendement, puissances dont nous n’avons qu’un sentiment confus quand nous restons enfermés en nous, mais qui s’éclairciront et se distingueront quand elles s’apercevront elles-mêmes à l’œuvre, pour ainsi dire, dans l’évolution de la nature. […] A la différence des systèmes proprement dits, dont chacun fut l’œuvre d’un homme de génie et se présenta comme un bloc, à prendre ou à laisser, elle ne pourra se constituer que par l’effort collectif et progressif de bien des penseurs, de bien des observateurs aussi, se complétant, se corrigeant, se redressant les uns les autres.

1362. (1858) Du vrai, du beau et du bien (7e éd.) pp. -492

Avec les années, nous corrigerons, nous tâcherons d’agrandir et d’élever notre œuvre. […] En effet, pour goûter les œuvres de l’imagination, ne faut-il pas en avoir soi-même ? […] De là une œuvre originale et propre à l’homme, une œuvre d’art. […] La nature est l’œuvre de Dieu ; l’homme est donc le rival de Dieu. […] Le sens commun est déposé dans ses œuvres.

1363. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre troisième. L’esprit et la doctrine. — Chapitre III. Combinaison des deux éléments. »

Qu’elle l’avoue ou qu’elle l’ignore, la raison n’est qu’un subalterne, un orateur, un metteur en œuvre, que la religion et la monarchie font travailler à leur service. […] Tant que la raison se réduit à cet office, son œuvre est celle d’un conseiller d’État, d’un prédicateur extraordinaire que ses supérieurs envoient en tournée et en mission dans le département de la philosophie et de la littérature. […] Les antiques institutions perdent leur prestige divin ; elles ne sont plus que des œuvres humaines, fruits du lieu et du moment, nées d’une convenance et d’une convention. […] » Otez ces digues, œuvres de la tyrannie et de la routine ; la nature délivrée reprendra tout de suite son allure droite et saine, et, sans effort, l’homme se trouvera, non seulement heureux, mais vertueux415. […] Il est admis, non seulement qu’en elle-même la tradition est fausse, mais encore que par ses œuvres elle est malfaisante, que sur l’erreur elle bâtit l’injustice et que par l’aveuglement elle conduit l’homme à l’oppression.

1364. (1859) Cours familier de littérature. VII « XXXIXe entretien. Littérature dramatique de l’Allemagne. Le drame de Faust par Goethe (2e partie) » pp. 161-232

Assistons à la dernière partie de son œuvre, et laissons son divin génie le louer mieux que nous. […] VI Une telle œuvre était plus qu’un homme ; c’était tout à la fois l’épopée, le drame, la raison et le surnaturel de l’esprit et du cœur humain. […] Je lis dans une des premières lettres de Schiller, qui devint plus tard l’ami de Goethe, ce mot qui exprime son impression à l’aspect d’un seul fragment de cette œuvre : « Je désire passionnément lire ce qui n’est pas encore publié de Faust, car je vous confesse que ce que j’en ai vu est pour moi le torse d’Hercule. » Schiller n’avait lu encore, selon toute apparence, que les grandes contemplations métaphysiques de Faust et de Méphistophélès dans les montagnes ; s’il avait lu les scènes pastorales, naïves, déchirantes, de la séduction de Marguerite et de ses amours à la fenêtre devant la lune, Schiller aurait ajouté au torse d’Hercule le torse de Vénus. […] Je n’ai plus ni assez de liberté d’esprit ni assez de fraîcheur de palette pour recommencer cette œuvre d’épopée professionnelle ; mais Victor Hugo, ce Goethe de la France, pourrait, dans les loisirs de l’exil et de la mer, surpasser Herman et Dorothée de toute la hauteur de son génie épique. […] Sa foi se serait plus justement appelée polythéisme que panthéisme, c’est-à-dire qu’il reconnaissait et qu’il adorait la Divinité dans toutes ses œuvres sans la confondre avec ses œuvres : sorte de paganisme sans idolâtrie, qui adorait la puissance divine dans la puissance matérielle des éléments, mais qui dans l’élément adorait l’impulsion divine et non l’élément lui-même.

1365. (1862) Cours familier de littérature. XIII « LXXVIIIe entretien. Revue littéraire de l’année 1861 en France. M. de Marcellus (1re partie) » pp. 333-411

On résume en un clin d’œil sa vie et ses œuvres ; on se demande : Qu’avons-nous perdu ? […] Nous allons retrouver ces trois fécondes années dans ses souvenirs, dans ses traductions et dans ses œuvres. […] Son fils, le roi actuel de Piémont, hérita de son ambition et de sa valeur comme soldat ; il fut le premier de ces princes qui préparèrent des armées et des alliances à la révolution radicale d’Italie, pour y renverser des papautés, des nationalités et des trônes, et qui posèrent ainsi la question indécise : Lesquels seront les dupes, après l’œuvre confuse, des rois ou des peuples ? […] L’œuvre qui se continue aujourd’hui en Italie est encore en partie l’œuvre des carbonari d’Espagne en 1820. […] L’un écrivit ses Mémoires d’outre-tombe, qui ne sont que l’écho trop âpre des passions de sa vie, un Saint-Simon personnel, chargeant la postérité de ses petites vengeances ; l’autre se contenta d’amuser les loisirs de sa vie retirée par des éruditions curieuses, par des souvenirs historiques, et par des traductions d’œuvres secondaires qui méritèrent bien de ses contemporains, mais qui ne donnèrent pas à son nom toute la célébrité que ses travaux méritent.

1366. (1863) Cours familier de littérature. XVI « XCIIe entretien. Vie du Tasse (2e partie) » pp. 65-128

Auguste ne traita pas Virgile avec plus de libéralité quand ce poète voulut aller en Grèce et en Troade pour polir ses œuvres. […] parce qu’ils furent plus complets, parce que cette même supériorité pondérée d’intelligence, qui leur servit à créer leurs œuvres, leur servit aussi à affronter, à supporter ou à vaincre les difficultés de la vie. […] La faveur dont il paraissait jouir auprès de la comtesse, et celle que lui continuait, malgré son inconstance apparente, la douce Léonora, redoublèrent contre lui la jalousie et la haine de ses ennemis, surtout du célèbre poète Guarini, son rival en poésie pastorale, auteur du Pastor Fido, œuvre égale à l’Aminta du Tasse. […] Le Tasse néanmoins, consterné d’une publicité qui lui dérobait les bénéfices de son œuvre, et qui la faisait circuler avant la dernière perfection qu’il y apportait encore, parut accuser injustement la cour de Ferrare de connivence ou d’indifférence dans cette affaire. […] Le Tasse reconnaît lui-même plus tard, dans deux passages de ses œuvres, écrits hors des États de Ferrare (huitième et dixième volume de ses lettres), que le duc de Ferrare, dans cette circonstance, lui montra l’affection « non d’un maître, mais d’un frère et d’un père ».

1367. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Victor Hugo. Les Contemplations. — La Légende des siècles. »

Hémistiches alternés et pondérés, balance exactement équilibrée, périodes mesurées, sévérités rythmiques, splendeur de vocabulaire, majesté d’images, voilà les caractères essentiels, grands et profonds, qui ont toujours distingué le vers, dans les œuvres lyriques ou dramatiques de tous les âges. […] Parce qu’elles sont prises dans leur œuvre ;             Ô sort ! […] Pour ces raisons, il est essentiellement Moyen Age, comme l’ont prouvé d’ailleurs ses œuvres les plus énergiques, Hernani, ce drame féodal, Notre-Dame de Paris, Les Burgraves, etc., et comme La Légende des siècles vient de le prouver avec plus d’éclat que jamais. […] Hugo est le seul qui prouve encore par de longues œuvres qu’il n’a pas renoncé à la poésie, cette grande Abandonnée du temps. […] Il est resté fidèle, vaillant, infatigable, fécond de cette fécondité tenace qui est un signe, — le signe de la souveraineté dans la vocation créatrice, — et pour cette raison il est peut-être le seul qui puisse aujourd’hui nous donner, après les fortes œuvres, le pur chef-d’œuvre qui est le dernier mot d’un homme ou d’un siècle.

1368. (1891) Politiques et moralistes du dix-neuvième siècle. Première série

C’est la matière de votre œuvre qui a changé. […] De Maistre a achevé son œuvre ; elle est complète, mais il faut bien la lire tout entière. […] L’histoire des idées de 1780 à 1817 est dans ses œuvres. […] Prises ainsi, ces œuvres sont singulièrement attachantes. […] Ils mettaient bien déjà, quoi qu’ils fissent, leurs sentiments dans leurs œuvres ; mais ils faisaient des œuvres apparemment impersonnelles, et parlaient, par exemple, sous le nom d’un personnage de tragédie.

1369. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Variétés littéraires, morales et historiques, par M. S. de Sacy, de l’Académie française. » pp. 179-194

Lisant sans autre but que de s’instruire et de se charmer, de revenir à la source de la juste éloquence et des pensées salutaires, il n’a guère pris la plume en littérature que pour exprimer ce sentiment vif, l’amour et le goût des bonnes et vieilles œuvres. […] N’est-il pas touchant de voir un homme qui a usé sa vie dans le spectacle et l’examen des débats, et, s’il l’avait voulu, des intrigues politiques, avoir conservé une telle fraîcheur, une telle innocence d’impressions, une telle fleur d’âme ; se complaire à de pareilles questions et avoir l’idée de se les poser, en même temps que le zèle et l’espoir d’y ramener les autres : « Croyez-moi, s’écrie-t-il à propos de Bossuet et dans sa religion pour ce grand homme, ne vous figurez jamais en avoir fini avec ces œuvres parfaites. Elles sont, si la comparaison est permise, comme les œuvres mêmes de la nature et de Dieu : c’est une matière infinie d’étude et de contemplation. » M. de Sacy, certes, a ses défauts, et je puis dire qu’ayant habituellement suivi une tout autre voie, une tout autre méthode que la sienne en critique littéraire, j’y suis sensible, à ces défauts, comme il doit l’être aux miens : il a ses redites, il a ses longueurs ; il a des excès de louange sans nuances à l’égard de certaines personnes ; il a des humilités soudaines par lesquelles il se dérobe et s’interdit presque le droit de juger en des cas où il serait sans doute très compétent : voilà les inconvénients de sa manière et qui sont presque des conséquences de ses vertus.

1370. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Parny poète élégiaque. » pp. 285-300

Pour cela, je limite mon sujet comme les présents éditeurs eux-mêmes ont limité le choix des œuvres, comme Fontanes demandait qu’on le fît dès 1800 ; je laisse de côté le Parny du Directoire et de l’an VII, le chantre de La Guerre des dieux : non que ce dernier poème soit indigne de l’auteur par le talent et par la grâce de certains tableaux ; mais Parny se trompa quand il se dit, en traitant un sujet de cette nature : La grâce est tout ; avec elle tout passe. […] Un critique spirituel et sensé le remarquait à propos de la musique d’Auber, en parlant d’un de ses derniers opéras qui avait fort réussi : « Pour remporter ce succès avec une œuvre si élégante et si claire, un style si aimable et si charmant, il a fallu, disait-il, un très grand talent et un très grand bonheur ; car aujourd’hui, par la pédanterie qui court, par les doctrines absurdes qu’on voudrait accréditer, par l’ignorance et l’outrecuidance de quelques prétendus savants, la clarté, la grâce et l’esprit sont un obstacle plutôt qu’un avantage… Le beau mérite que d’entendre et d’admirer ce que tout le monde admire et comprend !  […] Ne confondons pas, pour déprécier l’une ou l’autre, des inspirations si inégales d’haleine, des œuvres d’un genre et d’un ordre tout différent.

1371. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre premier. La structure de la société. — Chapitre I. Origine des privilèges. »

Celui-ci est d’autant plus précieux qu’il peut s’élargir : pour que la petite patrie féodale devienne la grande patrie nationale, il suffit maintenant que toutes les seigneuries se réunissent entre les mains d’un seul seigneur, et que le roi, chef des nobles, pose sur l’œuvre des nobles la troisième assise de la France. […] Au dedans, dès le douzième siècle, le casque en tête et toujours par chemins, il est le grand justicier, il démolit les tours des brigands féodaux, il réprime les excès des forts, il protège les opprimés13, il abolit les guerres privées, il établit l’ordre et la paix : œuvre immense qui, de Louis le Gros à saint Louis, de Philippe le Bel à Charles VII et à Louis XI, de Henri IV à Louis XIII et à Louis XIV, se continue sans s’interrompre jusqu’au milieu du dix-septième siècle, par l’édit contre les duels et par les Grands Jours14. […] En fait d’œuvres littéraires modernes, l’état de l’âme croyante au moyen âge a été parfaitement peint par Henri Heine dans le Pèlerinage à Kevlaar, et par Tourguenef dans les Reliques vivantes.

1372. (1911) La valeur de la science « Première partie : Les sciences mathématiques — Chapitre I. L’intuition et la logique en Mathématiques. »

I Il est impossible d’étudier les Œuvres des grands mathématiciens, et même celles des petits, sans remarquer et sans distinguer deux tendances opposées, ou plutôt deux sortes d’esprits entièrement différents. […] Si nous relisons les Œuvres des anciens, nous serons tentés de les classer tous parmi les intuitifs. […] Dans celle vaste construction, dont chaque pièce, pourtant, est due à l’intuition, nous pouvons encore aujourd’hui sans trop d’efforts reconnaître l’œuvre d’un logicien.

1373. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XIII. Dernière semaine de Jésus. »

Il se prit peut-être à douter de son œuvre. […] L’amour de son œuvre l’emporta. […] Par un travers fort ordinaire dans les fonctions actives, il en sera venu à mettre les intérêts de la caisse au-dessus de l’œuvre même à laquelle elle était destinée.

1374. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des pièces de théâtre — Préface du « Roi s’amuse » (1832) »

Le Roi s’amuse, in Œuvres complètes de Victor Hugo. […] Vous avez d’un côté l’homme et son œuvre ; de l’autre le ministère et ses actes. […] Quand cela sera fait, quand il aura rapporté chez lui, intacte, inviolable et sacrée, sa liberté de poëte et de citoyen, il se remettra paisiblement à l’œuvre de sa vie dont on l’arrache violemment et qu’il eut voulu ne jamais quitter un instant.

1375. (1864) William Shakespeare « Deuxième partie — Livre IV. Critique »

Il donne à l’art ses ordres, dans les limites de son œuvre, bien entendu. […] Shakespeare, dans son œuvre, est chez lui. […] L’œuvre de Shakespeare est absolue, souveraine, impérieuse, éminemment solitaire, mauvaise voisine, sublime en rayonnement, absurde en reflet, et veut rester sans copie.

1376. (1854) Préface à Antoine Furetière, Le Roman bourgeois pp. 5-22

On y voit Furetière accusé d’avoir prostitué sa sœur pour se mettre en état d’acheter la charge de procureur fiscal de l’abbaye de Saint-Germain-des-Prés ; il y est dit qu’il se déshonora dans ce poste par des prévarications et qu’il s’y fit le protecteur déclaré des filous et des filles publiques ; on y raconte comment il abusa de sa charge pour escroquer, par une manœuvre qui, selon le vocabulaire moderne, serait qualifiée de chantage, le bénéfice d’un jeune abbé ; enfin, retournant une plaisanterie de Furetière contre lui-même, l’auteur prétend que le Roman Bourgeois, — ce détestable ouvrage — a été dédié par lui au bourreau, comme au seul patron digne d’une telle œuvre. […] Quant à l’allusion reconnue aux amours de Fouquet, ce n’est rien qu’un épisode pour ainsi dire hors d’œuvre que Furetière a joint à son récit afin d’amorcer la curiosité par le scandale. […] Peut-être Furetière avait-il l’intention de compléter quelque jour son œuvre, et, après nous avoir montré la bourgeoisie plaideuse, la bourgeoisie pédante, la bourgeoisie vivant d’aventures, de nous faire voir la bourgeoisie marchande, usurière, etc.

1377. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XV. M. Dargaud » pp. 323-339

Parmi les réimpressions d’un temps assez stérile en œuvres, le livre sur Marie Stuart de M.  […] En présence des œuvres fortes, des œuvres suées par les hommes de labeur et d’étude, la Critique a parfois de singulières mollesses !

1378. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « De Stendhal »

De Stendhal Œuvres posthumes, avec une Introduction par P.  […] Pas de dédoublement de l’homme et de l’auteur, rien, en un mot, de ce qu’on trouve parfois dans ces délicieux recueils qu’on appelle des Correspondance, et cependant, malgré cela, malgré la déception, malgré cet esprit connu et d’autant plus connu qu’il se distingue par une de ces physionomies qu’on n’oublie plus quand une fois on les a regardées, la Correspondance de Stendhal a le charme inouï de ses autres œuvres, — ce charme qui ne s’épuise jamais et sur la sensation duquel il est impossible de se blaser. […] On le voit, nous ne transigeons pas sur les nombreux défauts de fond et de forme qu’une étude sévère nous a fait apercevoir dans les œuvres d’un homme qui, littérairement, pour se faire remarquer, aurait mangé des araignées comme l’athée Lalande et, religieusement, qui niait Dieu comme lui.

1379. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Eugène Fromentin ; Maxime du Camp »

Supposez que le plus intéressant, le plus plein et le plus brillant sans contredit des voyageurs du xixe  siècle, le marquis de Custine, n’eût pas pris pour une vocation la paresse trop aristocratique et l’inquiétude trop troublante de son esprit, et qu’il nous eût donné moins de Voyages, nous aurions des œuvres sévères, creusées et profondes comme ce génie dépensé sur les chemins était capable d’en produire, et cela ne vaudrait-il pas mieux que les quelques belles pages au-dessus desquelles surnage, déjà obscurément, son nom ? […] Les observations qu’on est allé faire à la course, ces impressions qu’on a quémandées à des pays traversés et le plus souvent entrevus, si elles ne sont pas de vaines poussières soulevées par les pas de celui qui les rapporte au logis, qu’on les utilise et qu’on les localise dans des œuvres déterminées d’art, de poésie ou d’histoire, — rien de mieux sans doute. […] Je ne juge aujourd’hui ni ses œuvres ni son talent.

1380. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « Lamartine »

La foule, aidée par le temps, agit comme cette mère : elle achève l’œuvre du poète, elle fait des vérités de ses erreurs. […] Irons-nous, après cela, chicaner Lamartine sur la chronologie de ses œuvres ou sur celle de ses sentiments ? […] Toute son œuvre, du commencement à la fin, en est pénétrée. […] Le malheur, c’est que c’est seulement d’en bas que nous pouvons, nous, voir l’œuvre de Dieu. […] Il ne semble point que son œuvre marque un moment nécessaire (ou qui soit démontré tel après coup) dans le développement de notre lyrisme.

1381. (1885) La légende de Victor Hugo pp. 1-58

Mais pour raconter la scène, il attendit que les conseils de guerre eussent terminé leur œuvre de répression ; il était alors exilé. — Victor Hugo reste toujours le même, au milieu des circonstances les plus diverses : pendant la restauration légitimiste, il insulte Napoléon, qui l’enthousiasme, pendant la réaction bourgeoise, il calomnie les insurgés, dont il admire les actes de délicate probité. […] Le lendemain de la mort de Robespierre, les grammairiens et les puristes reprirent la férule arrachée de leurs mains et se mirent à l’œuvre pour expulser les intrus et réparer les brèches de la langue du xviiie  siècle, ouvertes par les sans-culottes. […] Si l’on ne connaissait sa piété filiale, on s’étonnerait qu’il ne se soit jamais occupé de sauver de l’oubli les œuvres « remarquables » de son père, lui qui a recueilli et si précieusement conservé ses moindres excréments littéraires, que pour leur péché d’hugolâtrie, Messieurs Vacquerie, Meurice et Lefebvre sont condamnés à publier, sinon à lire. […] C’était à un poète peu favorisé de la fortune et non à une œuvre patriotique que le don devait appartenir ». […] « Il n’y a pas d’œuvre plus sublime, peut-être, que celle que font ces âmes (les religieuses).

1382. (1907) L’évolution créatrice « Chapitre III. De la signification de la vie. L’ordre de la nature et la forme de l’intelligence. »

La science positive, en effet, est oeuvre de pure intelligence. […] Aucune d’elles, prise à part, n’a de réalité objective : elle est l’œuvre d’un savant qui a considéré les choses d’un certain biais, isolé certaines variables, appliqué certaines unités conventionnelles de mesure. […] Et si c’est une science profonde qui est à l’œuvre, comment comprendre l’influence exercée sur la Matière sans forme par cette forme sans matière ? […] Mais cette complication est l’œuvre de l’entendement, cette incompréhensibilité est son oeuvre aussi. […] La matière divise effectivement ce qui n’était que virtuellement multiple, et, en ce sens, l’individuation est en partie l’œuvre de la matière, en partie l’effet de ce que la vie porte en elle.

1383. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Étienne de La Boétie. L’ami de Montaigne. » pp. 140-161

Léon Feugère, qui s’est fait si honorablement connaître par ses publications sur le xvie  siècle, a donné en 1845 une Étude sur la vie et les ouvrages de La Boétie ; l’année suivante il publiait les Œuvres complètes de La Boétie (traités, traductions, poésies latines et françaises), recueillies et réunies pour la première fois36, et il mettait ainsi à la portée de tous ce qui n’était jusque-là que la curiosité et le partage de quelques-uns. […] Ses œuvres d’ailleurs n’étaient point tellement rares qu’on ne pût les trouver en les cherchant, et la peine qu’on prend en ce cas est déjà du plaisir. […] Feugère a fait une suite d’études consciencieuses et très recommandables, qu’il ne faut point séparer des publications complètes ou partielles qu’il donne des œuvres de ces vieux auteurs. […] Comme c’est du véritable La Boétie, déjà homme fait, que je veux m’occuper ici, j’ai hâte de me débarrasser de ce premier traité soi-disant politique, qui est comme sa tragédie de collège, La Servitude volontaire ou Le Contr’un, œuvre déclamatoire, toute grecque et romaine, contre les tyrans, et qui provoque à l’aveugle le poignard des Brutus.

1384. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Théophile Gautier. »

Je n’irai pas chercher dans les œuvres en prose, dans les romans de Théophile Gautier, son autobiographie précise : il pourrait la récuser, et trop d’art s’y mêle à tout moment à la réalité pour qu’on ose se servir sans beaucoup de précaution de cette clef-là. […] Il y aura plus tard, à dix ans de là, vers 1843, une Bohême littéraire qui a aussi produit ses œuvres et qui a eu sa folle et libre moisson, la Bohême de Murger. […] Je ne puis ni ne veux éluder le livre de prose de Théophile Gautier que je considère comme capital dans son œuvre, et qui recèle une physiologie morale toute singulière, Mademoiselle de Maupin, qu’il mit deux ans à composer et qu’il publia en 1836. […] Son recueil de Poésies publié en 1845, par tout ce qu’il contient, et même avant le brillant appendice des Émaux et Camées, est une œuvre harmonieuse et pleine, un monde des plus variés et une sphère.

1385. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « DE LA LITTÉRATURE INDUSTRIELLE. » pp. 444-471

En général pourtant, surtout en France, dans le cours du xviie et du xviiie  siècle, des idées de libéralité et de désintéressement s’étaient à bon droit attachées aux belles œuvres. […] Si en traitant, par exemple, avec chaque membre de la Société, un éditeur se trouvait avoir affaire à une Société plus réellement propriétaire de ses œuvres à quelques égards que lui-même, ce serait un inconvénient, une entrave, une vraie servitude. […] Sa lettre sur la propriété littéraire, que nous avon déjà indiquée, est faite par ce genre d’excès pour remettre les choses au vrai point de vue : elle ne tend à rien moins qu’à proposer au Gouvernement d’acheter les œuvres des dix ou douze maréchaux de France, à commencer par celles de l’auteur lui-même qui s’évalue à deux millions, si j’ai bien compris. […] Déjà on l’a vue à l’œuvre dans cette entreprise gigantesque qui s’intitulait l’Europe littéraire, une autre fois dans la Chronique de Paris renouvelée, une autre fois et plus récemment dans la presse à quarante francs.

1386. (1913) Les antinomies entre l’individu et la société « Chapitre VIII. L’antinomie économique » pp. 159-192

En se solidarisant, les animaux, les sauvages, les civilisés accomplissent des œuvres qu’ils ne seraient pas arrivés à produire s’ils étaient restés isolés. […] Dans son propre intérêt, et dans celui de l’œuvre qu’il veut mener à bien, l’individu doit s’associer. […] La notion étroite de justice égalitaire viciera les évaluations des mérites et des œuvres. […] Sans doute, ici, l’individu comprend la nécessité de se subordonner à l’œuvre commune.

1387. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Alexandre Dumas fils — CHAPITRE XIV »

Telles sont les œuvres pies de ce laboratoire en travail. […] Et puis n’y a-t-il pas un contraste presque comique entre l’idéalisme du personnage et la férocité de son œuvre ? […] Claude refuse, voulant rester seul maître de son oeuvre, et il laisse Cantagnac discuter, en tête-à-tête avec sa femme, la vente de cette maison qui représente l’apport de sa dot. […] Sa morale ne peut s’isoler de son développement ; elle doit être dans le cœur même de l’œuvre, et se répandre au-dehors, d’elle-même, naturellement, sans effort.

1388. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Biographie de Camille Desmoulins, par M. Éd. Fleury. (1850.) » pp. 98-122

C’est à nous qui existons, qui sommes maintenant en possession de cette terre, à y faire la loi à notre tour. » Mais, comme on n’est jamais en pleine possession de cette terre, et qu’il n’y a jamais table rase complète, il faut chasser ceux qui tardent trop à nous céder la place et qui nous gênent : c’est l’œuvre qu’entreprend Camille dans son journal et à laquelle il ne cesse de se dévouer cyniquement, en décriant tout ce qui a vertu, lumières et modération dans l’Assemblée constituante, et en démolissant jour par jour cette Assemblée dans l’ensemble de ses travaux comme dans chacun de ses membres influents. […] Je pourrais citer encore la page suivante de ce numéro 5 du Vieux Cordelier, laquelle est plus irréprochable pourtant, et réellement éloquente : elle commence par ces mots : « Occupons-nous, mes collègues, non pas à défendre notre vie comme des malades… » C’est même la seule vraiment belle de ce Vieux Cordelier, qui, dans la plus désastreuse des crises où ait passé une grande nation, mérite assurément de rester comme un signal généreux de retour et de repentir, mais qui n’obtiendra jamais place parmi les œuvres dont peut s’honorer l’esprit humain. Cette place est réservée aux œuvres saines, à celles qui sont pures de ces amalgames étranges et de ces indignités de pensée comme de langage, à celles où le patriotisme et l’humanité ne souffrent aucune composition avec les hommes de sang, et ne se permettent point, comme passeport et comme jeu, de ces goguettes de Régence et de Directoire ; aux œuvres dans lesquelles la conscience morale plus encore que le goût littéraire n’a pas à s’offenser et à rougir de voir Loustalot et Marat, par exemple, grotesquement, impudemment cités entre Tacite et Machiavel d’une part, et Thrasybule et Brutus de l’autre.

1389. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « V. M. Amédée Thierry » pp. 111-139

Mais, quoique en se fermant, l’œil de son esprit ait vu probablement l’aurore du jour qui lui avait, toute sa vie, manqué, ses œuvres et son talent portèrent la peine de cette indigence. […] Sa grande valeur est d’être peintre, d’avoir sinon le style de l’histoire, au moins un très remarquable style d’histoire, ce style par lequel, en toutes choses, les œuvres durent, car on recommence l’histoire, on peut la recommencer cinquante fois sous d’autres arcs de lumière, avec des aperçus ou des documents de plus, mais on a beau la refaire, on la relit toujours quand elle est littérairement écrite ! […] Après la révolution de 1830, quand (on peut le dire) on avait, dans des œuvres que tout le monde connaît, remué, pour ainsi parler, la couleur à la pelle, un grand historien, sans être pour cela un débauché de couleur, pouvait faire donner à la couleur tout ce qu’elle pouvait donner, lorsqu’il s’agissait de peindre et de ressusciter le temps le plus épique de notre histoire ! […] Et on le verra mieux, nous l’espérons, quand, dans notre second volume d’historiens, nous examinerons l’œuvre entière de M. 

1390. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Philarète Chasles » pp. 147-177

Ce n’est plus le critique qui ne voyait que la beauté dans les choses humaines, esthétique par-dessus tout ; que le piquant, le neuf, l’inattendu réjouissait et enthousiasmait dans les œuvres de la pensée, et qui se moquait bien du reste ! […] — mais la bonté dans les œuvres et les petits services que la bonté peut rendre à l’humanité, comme si la beauté montrée aux hommes, en élevant leurs âmes, ne leur en rendait pas un très grand ! […] Enfin, ce n’est pas Chasles non plus qui a inventé de nier les opinions monarchiques de Balzac, et qui n’a pas vu le premier, dans ses œuvres, son éclatant catholicisme. […] Les Critiques ou les Juges jugés (Les Œuvres et les Hommes, t. 

1391. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Pommier. L’Enfer, — Colifichets. Jeux de rimes. »

Enfin, on n’a vu ni grandement, ni profondément dans cette œuvre, et l’on a cru voir ! […] L’inspiration ne monte pas par degrés, comme une sève, dans l’œuvre de M.  […] L’œuvre divine se consomme. […] Excepté une ou deux strophes trop dantesques dirigées contre les papes, et qui font tache dans l’œuvre éblouissante, nous n’en voudrions rien effacer.

1392. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « I — L’art et la sexualité »

Je crois au contraire que toutes les œuvres où éclatent la couleur, la nouveauté, la richesse et la variété, — toutes qualités du génie — ont eu pour auteurs des êtres vivant et sentant, en intime et sensuel contact avec le monde, dépourvus de la crainte de s’y mêler largement et d’y renouveler sans cesse leur vitalité par des sensations intégralement et réellement vécues. Toute œuvre forte est un rayon de réalité, un prolongement de réalité, une réalité elle-même. […] Puisque vous n’atteignez dans vos œuvres aucun sens général et positif de la vie, que ses richesses et ses couleurs, ses millions de formes et ses ardeurs, ses printemps et ses hivers, vous sont inconnus et même odieux, je ne vois pas que le travail accompli par le plus simple ouvrier de fabrique soit inférieur à vos précieux produits. […] Voici de quelle façon ce docteur de l’infécondité appelle l’attention du public sur son œuvre : « Depuis plus de cinq mille ans, l’humanité cherche en vain la solution des grands problèmes de l’univers, le problème de l’existence d’un dieu personnel, celui de la survivance de l’âme après la mort, celui des causes de la souffrance qui est dans le monde, et de ses remèdes etc.

1393. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « TABLE » pp. 340-348

. — Vente de ses œuvres. — Influence de la fortune sur les mœurs littéraires. — Balzac, messer milione. […] Cousin. — L'éclectisme. — Port-Royal de mode à Paris. — Œuvres de Nicole avec une Introduction de M.

1394. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Victor Hugo — Note »

Ce sont pourtant (si l’on y ajoute deux anciens et tout premiers articles sur les Odes et Ballades insérés dans le Globe à la date des 2 et 9 janvier 1827), ce sont les seuls morceaux critiques que j’aie écrits expressément à l’occasion de ses œuvres. […] … Ce qui est certain, c’est que quand je considère aujourd’hui tout l’ensemble de l’œuvre étonnante de Victor Hugo, dans laquelle il a mis de plus en plus hardiment et fait sortir tout ce qu’il avait en lui de force, de qualités et de défauts, en les poussant jusqu’au bout et à outrance, je sens combien je suis demeuré timide à son égard et insuffisant comme critique : j’en suis resté avec lui très en arrière, à l’autre versant de la montagne, sans doubler le sommet et sans redescendre les dernières pentes si déchirées et si rapides.

1395. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Études sur Blaise Pascal par M. A. Vinet. »

Vinet lui-même, considéré dans son œuvre et dans sa vie, qu’il offrait en quelque sorte l’image d’un Pascal réduit et modéré, d’un Pascal plus aisément circoncis dans ses essors et dans ses désirs, mais dont le centre moral était le même et dont le cœur était comme taillé sur le cœur de l’autre. […] Vinet n’est que le premier de ceux qui paraîtront successivement, et qui nous offriront les Œuvres complètes du savant et pieux auteur.

1396. (1897) La crise littéraire et le naturisme (article de La Plume) pp. 206-208

En cette occasion, le symbolisme fut attaqué avec violence par les nouveaux écrivains, qui critiquaient moins les poètes et les personnalités qui s’en dégagèrent que les stériles principes et les rares œuvres de cette époque inféconde. […] Les œuvres de Platon, de Descartes, constituent un témoignage irréfutable de ce principe.

1397. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre IX. Beltrame » pp. 145-157

« Parmi les soggetti, les sujets, sortis de mon débile cerveau, dit-il, c’est celui qui a été le plus généralement accepté par les comédiens, le plus applaudi du roi de France, des princes de Savoie et d’Italie et de tout le monde. » Elle continua à servir de canevas pour la comédie improvisée, ainsi qu’on peut s’en assurer, du reste, par une analyse de ce canevas, différent de la pièce en plus d’un point, que Cailhava a publiée25 et qu’il a donnée à tort pour l’analyse de l’œuvre même de Beltrame. […] L’Inavertito n’est pas la seule œuvre de Niccolo Barbieri.

1398. (1911) La valeur de la science « Deuxième partie : Les sciences physiques — Chapitre IX. L’avenir de la Physique mathématique. »

Nous n’aurons donc qu’à passer la main aux expérimentateurs, et en attendant qu’ils aient tranché définitivement le débat, à ne pas nous préoccuper de ces inquiétants problèmes, et à continuer tranquillement notre œuvre comme si les principes étaient encore incontestés. […] En attendant, je crois que les théoriciens, se rappelant l’expérience de Michelson, peuvent escompter un résultat négatif, et qu’ils feraient œuvre utile en construisant une théorie de l’aberration qui en rendrait compte d’avance.

1399. (1920) La mêlée symboliste. I. 1870-1890 « Le lyrisme français au lendemain de la guerre de 1870 » pp. 1-13

Ce grand xixe  siècle, momentanément interrompu, doit reprendre et reprendra son œuvre, et son œuvre c’est le progrès par l’idéal.

1400. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre premier. Prostitués »

Nulle œuvre intellectuelle ne produira un grain de blé. […] Il fallut des esclaves pour qu’il y eût des « hommes libres », affranchis de toute œuvre servile.

1401. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des romans — Préfaces de « Han d’Islande » (1823-1833) — Préface d’avril 1823 »

Han d’Islande, texte établi par Gustave Simon, in Œuvres complètes de Victor Hugo. […] Il lui reste à remercier les huit où dix personnes qui ont eu la bonté de lire son ouvrage en entier, comme le constate le succès vraiment prodigieux qu’il a obtenu ; il témoigne également toute sa gratitude à celles de ses jolies lectrices qui, lui assure-t-on, ont bien voulu se faire d’après son livre un certain idéal de l’auteur de Han d’Islande ; il est infiniment flatté qu’elles veuillent bien lui accorder des cheveux rouges, une barbe crépue et des yeux hagards ; il est confus qu’elles daignent lui faire l’honneur de croire qu’il ne coupe jamais ses ongles ; mais il les supplie à genoux d’être bien convaincues qu’il ne pousse pas encore la férocité jusqu’à dévorer les petits enfants vivants ; du reste, tous ces faits seront fixés lorsque sa renommée sera montée jusqu’au niveau de celles des auteurs de Lolotte et Fanfan ou de Monsieur Botte, hommes transcendants, jumeaux de génie et de goût, Arcades ambo ; et qu’on placera en tête de ses œuvres son portrait, terribiles visu formæ , et sa biographie, domestica facta .

1402. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des recueils poétiques — Préface des « Feuilles d’automne » (1831) »

Les Feuilles d’automne, in Œuvres complètes de Victor Hugo. […] Ici se présente une objection d’une autre espèce : — Sans contredit, dans le moment même le plus critique d’une crise politique, un pur ouvrage d’art peut apparaître à l’horizon ; mais toutes les passions, toutes les attentions, toutes les intelligences ne seront-elles pas trop absorbées par l’œuvre sociale qu’elles élaborent en commun, pour que le lever de cette sereine étoile de poésie fasse tourner les yeux à la foule ?

1403. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Edmond About » pp. 63-72

Ceux-là même qui ont dans le génie ce don charmant de force éthérée qui enlève tous les sujets avec un souffle, ne lancent pas l’œuvre légère, ne soufflent pas leur bulle étincelante tous les jours ! […] La Grèce contemporaine semble vouloir appartenir, ou par le ton ou par le sujet, à cette catégorie distinguée et restreinte des livres légers qui, réussis, sont des œuvres exquises, mais dont on peut dire, comme de certains verres : « On en casse beaucoup avant d’en faire un. » Avec l’invention des chemins de fer, tout livre de voyage est menacé de devenir prochainement une impertinence.

1404. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Topffer »

Necker et autres esprits supérieurs qui ont trouvé leurs lettres de grande naturalité dans leurs œuvres, mais il diffère infiniment de ses célèbres compatriotes, gens lourds, empâtés et gauches dans leur génie, quelque brillants qu’ils soient, et qui ont tous un peu de goitre quelque part, même Rousseau. […] Ces voyages, distribués en trois parties : — la Grande-Chartreuse, — le Mont-Blanc, — et Gênes, — ont donc l’intérêt d’une œuvre mûre dans laquelle les triples facultés de Topffer battent ce plein après lequel peut-être il n’y a plus qu’un commencement de reflux, dans le talent comme dans la mer.

1405. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Comte de Gramont »

Chère toujours à la race sans idées et sans cœur des païens de la fantaisie, cette école, qui a trouvé sa colonne d’Hercule dans le dernier livre (Émaux et Camées) de Gautier, — le seul de ses enfants posthumes dont le vieux Ronsard se sentirait de l’orgueil, — cette école pourrait réclamer Gramont comme un des poètes de sa pléiade, mais, tout esclave qu’il en est par le plus large côté de ses œuvres, il lui échappe cependant, et, en résumé, il vaut mieux qu’elle. […] Enivré qu’il ait été par la Renaissance et cette poésie moderne qui s’efforce depuis plus de vingt ans d’en réverbérer les rayons, le noble auteur des Chants du Passé (nous l’avons déjà dit) revient, vers la fin de son recueil, à cette simplicité mâle que la vérité chrétienne, embrassée définitivement par notre âme, communique non seulement aux œuvres du cœur, mais aux productions de l’esprit.

1406. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre IX. »

On remarque encore que les seuls chants d’Anacréon parvenus jusqu’à nous n’ont été nulle part imités par Horace, ce qui laisse douter si ce sont les mêmes qu’on connaissait à Rome, et si nous n’avons pas seulement l’œuvre d’une époque plus récente, et la tradition affaiblie plutôt que l’inspiration du vieillard de Téos. […] Nul doute cependant qu’il n’ait fait aussi des hymnes, ce qui suffit pour expliquer l’épithète de « sérieuses et graves » donnée par Julien à quelques œuvres du poëte de Téos.

1407. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre I. Les origines. — Chapitre III. La nouvelle langue. » pp. 165-234

. —  Diminution du sérieux dans les mœurs, dans les écrits et dans les œuvres d’art. —  Besoin d’excitation. —  Situations analogues de l’architecture et de la littérature. […] On est capable d’extraire dans chaque objet, paysage, situation, personnage, les traits spéciaux et significatifs, pour les amasser, les ranger et en composer une œuvre artificielle qui surpasse l’œuvre naturelle par sa pureté et son achèvement. […] Sous cette contrainte on cesse de penser ; car qui dit pensée dit effort inventif, création personnelle, œuvre agissante. […] Quelles œuvres le monde peut-il encore produire ? […] Sur ce point, il est intarissable : on lui attribue deux cent cinquante et un poëmes ; la poésie ainsi entendue devient une œuvre mécanique ; on compose à la toise.

1408. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des pièces de théâtre — Préface de « Cromwell » (1827) »

Cromwell, in Œuvres complètes de Victor Hugo. […] on composerait une bien belle œuvre de tout ce que leur souffle aride a séché dans son germe. […] Comme Dieu, le vrai poëte est présent partout à la fois dans son œuvre. […] L’œuvre artificielle de ces hommes-là, quelque talent qu’ils aient d’ailleurs, n’existe pas pour l’art. […] Il ignore cet art de souder une beauté à la place d’une tache, et il n’a jamais pu rappeler l’inspiration sur une œuvre refroidie.

1409. (1856) Cours familier de littérature. II « Xe entretien » pp. 217-327

À les entendre, le dix-neuvième siècle était la lie des siècles, l’homme, cette œuvre éternellement jeune de Dieu, à chaque génération, se rapetissait dans ses mains. […] Il mourut à l’œuvre. L’œuvre a péri avec l’ouvrier. […] Son indolence l’empêchait de produire lui-même des œuvres achevées, mais il était capable de tout ce qu’il admirait. […] Je ne parlerai point de ses œuvres de peur d’offenser mes dieux d’enfance ou de blesser les siens.

1410. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. VILLEMAIN. » pp. 358-396

Villemain, nourri de l’histoire, de l’antiquité et des littératures modernes, de plus en plus attentif à n’asseoir son jugement des œuvres que dans une étude approfondie de l’époque et de la vie de l’auteur, et en cela si différent des critiques précédents qui s’en tiennent à un portrait général au plus, et à des jugements de goût et de diction, ne diffère pas moins des autres appliqués et ingénieux savants ; sa manière est libre en effet, littéraire, oratoire, non asservie à l’investigation minutieuse et à la série des faits, plus à la merci de l’émotion et de l’éloquence. […] Villemain, son art et son œuvre dans un sens aussi vrai qu’on le peut dire des poëtes. […] J’en finis avec ces chicanes qui ne portent, on le voit, que sur des détails très-secondaires dans le développement et l’œuvre si riche de M. […] (Note de 1836.) — Les Œuvres de Victorin Fabre ont depuis été publiées en effet, et j’ai écrit à cette occasion deux articles qui résument toute ma pensée à son égard (Revue de Paris, 11 juin 1844 et 8 février 1845). […] Villemain me parait assez exactement appartenir à cette classe d’orateurs que Cicéron caractérise, à divers endroits de ses œuvres de rhétorique, par ces expressions : « Tenues, acuti, omnia docentes et dilucidiora facientes, subtili quadam et pressa oratione limati,… faceti, florentes etiam et leviter ornati,… in narrando venusti.

1411. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE KRÜDNER » pp. 382-410

Voilà, en effet, Mme de Krüdner, telle qu’elle aurait dû venir pour remplir toute sa destinée, pour ne pas être seulement un romancier charmant et bientôt une illuminée qui fit sourire, pour ne pas manquer, comme il lui est arrivé, cette seconde partie de son rôle et d’une vie qu’elle avait voulu rendre sans réserve à Dieu, à la charité, à l’œuvre de la sainte parole, au salut et au renouvellement du monde. […] Je lisais l’autre jour, dans un recueil inédit de pensées : « La faculté poétique n’est autre chose que le don et l’art de produire chaque sentiment vrai, en fleur, selon sa mesure, depuis le lys royal et le dahlia jusqu’à la pâquerette. » Ce qui est dit là de la poésie, à proprement parler, peut s’appliquer à toute œuvre créée et composée, où l’idée du beau se réfléchit. […] Pas une œuvre d’elles qu’on puisse lire autrement que par curiosité, pour savoir les modes de la sensibilité de nos mères. […] Un jour, en 1815, à quelqu’un qui la venait voir dans la soirée à l’heure de sa prière elle disait : « De grandes œuvres s’accomplissent ; tout Paris jeûne… » Et cet ami, qui sortait du Palais-Royal où il avait vu tout le monde dîner, ne put la détromper comme il aurait voulu. […] Œuvres complètes, tome XII, édition de M.

1412. (1860) Cours familier de littérature. X « LVIIe entretien. Trois heureuses journées littéraires » pp. 161-221

Qu’il lui jette la première pierre, celui qui n’a jamais désespéré de ce triste monde, et qui n’a jamais replié son manteau pour partir avant l’heure, en emportant ailleurs son œuvre méconnue ici, et en disant à ses contemporains : « Je vous méprise, adieu ; voilà mon œuvre, jugez-moi !  […] Cette doctrine, qui ne contredit aucune de ses doctrines chrétiennes, et qui agrandit le Créateur en agrandissant son œuvre, est une vérité vieille comme le monde, et qui ressemble à une audace, tant le monde moderne semble l’avoir oubliée. […] Les montagnes du Forez, cette Auvergne du Midi, berceau de son enfance, les scènes de la vie agricole, vrai cadre de toute poésie, les fenaisons, les moissons, les vendanges, les semailles, les mille impressions douces, fortes, tendres, tristes, rêveuses, qui montent au cœur de l’homme agreste dont le goût n’est pas encore blasé par la vie artificielle des cités, tous ces évangiles des saisons qui chantent Dieu par ses œuvres dans le firmament comme dans l’hysope, sont les textes de ces délicieuses compositions. […] Vous saurez, comme nous, malgré la loi commune, Porter le cœur toujours plus haut que la fortune, Un cœur qui dans sa foi jamais ne se dément ; Et, de votre œuvre, à vous, quel que soit l’instrument, Ou le fer, ou la plume à mes doigts échappée, Tout sera dans vos mains noble comme l’épée.

1413. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série «  Leconte de Lisle  »

C’est qu’il offre à ses dévots des œuvres parfaites, où les gens du métier trouvent un plaisir sans mélange : presque jamais un sentiment personnel au poète n’y éclate dont la sincérité, l’originalité ou l’expression puisse être contestée, qui semble, suivant les jours, insuffisant ou démesuré, ni qui détourne l’attention des mystères savants de la forme. […] N’ayez crainte : son imagination, après sa superbe, l’a sauvé du suicide ; et le voici qui commence, à travers le temps et l’espace, la revue des apparences, œuvre de Maya. […] Après Marathon et Salamine, une sorte de joie héroïque les transporte, et leur génie s’épanouit en œuvres confiantes et superbes. […] Je n’ai insisté que sur les parties principales de l’œuvre de M.  […] Ainsi se tiennent les éléments de l’œuvre de M. 

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