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887. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « M. Fiévée. Correspondance et relations avec Bonaparte. (3 vol. in-8º. — 1837.) » pp. 217-237

Par penchant et par habitude, il était encore plus homme de presse qu’il ne l’avait été de consultation et de cabinet : « Comme écrivain, disait-il, entre m’adresser au public ou à un souverain, fût-il dix fois plus élevé que la colonne de la place Vendôme, je n’hésiterai jamais à préférer le public ; c’est lui qui est notre véritable maître. » En laissant dans l’ombre les côtés faibles et ce qui n’est pas du domaine du souvenir, et à le considérer dans son ensemble et sa forme d’esprit, je le trouve ainsi défini par moi-même dans une note écrite il n’y a pas moins de quinze ans : Fiévée, publiciste, moraliste, observateur, écrivain froid, aiguisé et mordant, très distingué ; une Pauline de Meulan en homme (moins la valeur morale) ; sans fraîcheur d’imagination, mais avec une sorte de grâce quelquefois à force d’esprit fin ; — de ces hommes secondaires qui ont de l’influence, conseillers nés mêlés à bien des choses, à trop de choses, meilleurs que leur réputation, échappant au mal trop grand et à la corruption extrême par l’amour de l’indépendance, une certaine modération relative de désirs, et de la paresse ; — travaillant aux journaux plutôt par goût que par besoin, aimant à avoir action sur l’opinion, même sans qu’on le sache ; — Machiavels modérés, dignes de ce nom pourtant par leur vue froide, ferme et fine ; assez libéraux dans leurs résultats plutôt que généreux dans leurs principes ; — sentant à merveille la société moderne, l’éducation moderne par la société, non par les livres ; n’ayant rien des anciens, ni les études classiques, ni le goût de la forme, de la beauté dans le style, ni la morale grandiose, ni le souci de la gloire, rien de cela, mais l’entente des choses, la vue nette, précise, positive, l’observation sensée, utile et piquante, le tour d’idées spirituel et applicable ; non l’amour du vrai, mais une certaine justesse et un plaisir à voir les choses comme elles sont et à en faire part ; un coup d’œil prompt et sûr à saisir en toute conjoncture la mesure du possible ; une facilité désintéressée à entrer dans l’esprit d’une situation et à en indiquer les inconvénients et les ressources ; gens précieux, avec qui tout gouvernement devrait aimer causer ou correspondre pour entendre leur avis après ou avant chaque crise. […] » (27 mai). — « Quand on réfléchit sur le sort de toutes les constitutions, etc. » (6 juillet 1831). — Et précédemment : « Intervention morale » (9 novembre 1830). — « De la modération en politique » (21 novembre). — « Naïveté » (21 novembre), etc., etc.

888. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Paul-Louis Courier. — II. (Suite et fin.) » pp. 341-361

À cette éducation de collège, toute morale, toute vertueuse, il oppose les enseignements muets de Chambord, les chiffres d’une Diane de Poitiers, d’une comtesse de Châteaubriant : Quelles instructions, s’écrie-t-il, pour un adolescent destiné à régner ! […] Dans sa Pétition pour des villageois, qui est une pièce des plus achevées, il se pose tout à fait en vieux soldat laboureur, devenu bûcheron et vigneron, ami de la vieille gloire nationale ; et, quand ce jeune curé d’Azay ou de Fondettes, sorti du séminaire de Tours où il a été élevé par un frère Picpus, interdit la danse sur la place de l’endroit, Courier s’écrie : Ainsi, l’horreur de ces jeunes gens pour le plus simple amusement, leur vient du triste Picpus, qui lui-même tient d’ailleurs sa morale farouche. […] Courier, quelle que soit l’idée qu’on se fasse de sa personne morale et de ses qualités sociales, restera dans la littérature française comme un type d’écrivain unique et rare.

889. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Monsieur Michaud, de l’Académie française. » pp. 20-40

. ; Michaud avait de ces petits récits qui se terminaient par une morale pratique et fine, comme une fable de La Fontaine. […] Dans ses Lettres à Delille sur la pitié, qui accompagnaient l’édition du Printemps d’un proscrit (1803), on le trouve servant à sa manière et dans sa mesure la restauration morale du pouvoir. […] Michaud, que cette espèce d’enchantement politique, ce mobile des grandes actions, est une des merveilles de l’ordre social ; et plus nous sommes éloignés aujourd’hui de ces idées, plus nous devons en sentir le prix. » Passant à la morale, il y suivait les mêmes formes, les mêmes jeux de l’amour-propre, et reconnaissait qu’elle a, comme la politique, « ses rubans et sa broderie : ce sont les illusions, et je n’entends par illusion que la manière d’envisager les choses sous leurs formes les plus attachantes ».

890. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Montesquieu. — I. » pp. 41-62

La seule conclusion que j’en veuille tirer, c’est que, très supérieur à Fontenelle en talent et en manière d’écrivain, il était un peu de la même religion morale que lui. […] Dans cette vue que je me suis permise sur la nature morale de Montesquieu, et à laquelle a donné jour sa définition de la justice dans les Lettres persanes, loin de moi l’idée de diminuer la beauté sévère et humaine du caractère ! […] Toute cette partie sensuelle est sèche, et marque que Montesquieu n’avait toute son imagination que dans l’ordre de l’observation historique et morale.

891. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Henri Heine »

En effet, et pour ne pas toucher à la question morale qui, pourtant, double toutes autres questions littérairement, et au point de vue du talent seul, Heine a frappé et diminué le sien avec les opinions qu’il a fait régner sur sa vie. […] Il est de la race du grand poète, impie au stoïcisme, qui disait : « Je les attends, les plus enragés stoïques, à leur première chute de cheval. » Ce n’est qu’un épicurien, sentant trop la douleur pour la nier, — mais un épicurien de la Pensée, un voluptueux de l’Idéal et de la Forme, ayant la sensibilité nerveuse de la femme et l’imagination des poètes qui s’ajoute à cette sensibilité terrible… Et, dans les livres où il parle de ses souffrances avec une expression tout à la fois délicieuse et cruelle, il ne songe pas une minute à se poser comme un résistant de force morale et de volonté héroïque… En ces livres, parfumés de douleur, il n’est que ce qu’il a été toute sa vie, dans ses livres de bonheur et de jeunesse, — c’est-à-dire bien moins une créature morale qu’une charmante créature intellectuelle, intellectuelle jusqu’au dernier soupir.

892. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « X. Ernest Renan »

« Dites aux simples, dit-il de son ton protecteur, de vivre d’aspiration à la vérité, à la beauté, à la bonté morale, ces mots n’auront pour eux aucun sens. […] Taine, dont nous parlerons plus loin, a donnée de la Science et qui permettrait à toutes les deux de faire leur travail de destruction dans la plus complète sécurité et sans s’inquiéter de savoir s’il y a une morale, une société, des gouvernements, un foyer domestique, tout un ensemble de choses organisées autour de soi, à respecter, cette définition, qu’il est si important de faire admettre à tout le monde, est la grande affaire et le coup d’État actuel des philosophes. […] Renan, qui l’a continuée avec acharnement dans ses Études d’histoire religieuse, dans son Histoire comparée des langues sémitiques, dans ses Essais de critique et de morale ; et quoique dans ce premier livre, plus peut-être que dans les suivants, ce jeune serpent de la sagesse ait eu les précautions d’un vieux et les préoccupations de sa spécialité, cependant il est aisé de voir que la chimère philologique, le passage de la pensée au langage ou du langage à la pensée, les épluchettes des premières syllabes que l’homme-enfant ait jetées dans ses premiers cris, ne sont, en définitive, que des prétextes ou des manières particulières d’arriver à la question vraiment importante, la question du fond et du tout, qui est de biffer insolemment Moïse et de se passer désormais parfaitement de Dieu !

893. (1868) Curiosités esthétiques « VI. De l’essence du rire » pp. 359-387

Chose curieuse et vraiment digne d’attention que l’introduction de cet élément insaisissable du beau jusque dans les œuvres destinées à représenter à l’homme sa propre laideur morale et physique ! […] Il est certain, si l’on veut se mettre au point de vue de l’esprit orthodoxe, que le rire humain est intimement lié à l’accident d’une chute ancienne, d’une dégradation physique et morale. […] Le comique significatif est un langage plus clair, plus facile à comprendre pour le vulgaire, et surtout plus facile à analyser, son élément étant visiblement double : l’art et l’idée morale ; mais le comique absolu, se rapprochant beaucoup plus de la nature, se présente sous une espèce une, et qui veut être saisie par intuition.

894. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Alfred de Musset » pp. 364-375

La conscience qu’a Lorenzo d’avoir trop vu et trop pratiqué la vie, d’être allé trop au fond pour en jamais revenir, d’avoir introduit en lui l’hôte implacable qui sous forme d’ennui le ressaisira toujours et lui fera faire éternellement par habitude, par nécessité et sans plaisir, ce qu’il a fait d’abord par affectation et par feinte, cette affreuse situation morale est exprimée en paroles saignantes : « Pauvre enfant, tu me navres le cœur », lui dit Philippe ; et il ne sait que répéter, à toutes les explications et révélations profondes et contradictoires du jeune homme : « Tout cela m’étonne, et il y a dans tout ce que tu m’as dit des choses qui me font peine, et d’autres qui me font plaisir. » Je ne fais qu’effleurer le sujet. […]  » Aller dans tous les sens, jusqu’à extinction : terrible hygiène morale et physique.

895. (1874) Premiers lundis. Tome II « Thomas Jefferson. Mélanges politiques et philosophiques extraits de ses Mémoires et de sa correspondance, avec une introduction par M. Conseil. — I »

Jeunes gens qui voulons nous retremper et nous affermir dans l’intégrité politique, qui voulons espérer en l’avenir sérieux dont l’aspect momentanément se dérobe, qui sommes résolus à ne nous immiscer d’ici là à aucun mensonge, à ne signer aucun bail avec les royautés astucieuses, à ne jamais donner dans les manèges hypocrites des tiers-partis, faisons donc, pour prendre patience et leçon, ce salutaire voyage d’Amérique ; faisons-le dans Jefferson du moins ; étudions-y le bon sens pratique, si différent de la rouerie gouvernementale ; apprenons-y la modération, la tolérance, qui sied si bien aux convictions invariables, la rectitude, la simplicité de vues, qui, si elle s’abstient maintes fois, a l’avantage de ne jamais s’embarquer dans les solutions ruineuses ; apprenons-y, quelle que soit la vivacité de nos préoccupations personnelles sur certains points de religion, de morale, d’économie ou de politique, à ne prétendre les établir, les organiser au dehors que dans la mesure compatible avec la majorité des esprits : car la liberté et la diversité des esprits humains sont le fait le plus inévitable à la fois et le plus respectable qu’on retrouve désormais dans le côté social de toutes les questions. […] Appelons de tous nos efforts l’heure de cette majorité féconde et forte, plus conservatrice, plus morale, même dans les carrefours de nos grandes villes, que Jefferson ne paraissait le croire et qu’il n’y était autorisé de son temps ; agissons d’avance sur elle, attaquons-nous à elle pour qu’elle soit préparée.

896. (1874) Premiers lundis. Tome II « Chronique littéraire »

Quant aux devoirs qu’une manifestation de ce genre impose à celui qui en est l’objet, la constance morale et la loyauté qui, chez M.  […] Maurize le ton d’absolu dédain dont il traite les divers partis de ce qu’on appelle le mouvement, son cordial mépris pour tout ce qui est morale, politique, philosophie, pour tout ce qui a occupé jusqu’ici les plus grands hommes ?

897. (1874) Premiers lundis. Tome II « Chronique littéraire »

Cyprien est une de ces jeunes et ardentes âmes, comme Bucheille, que le mal social agite, dévore, mûrit ou tue avant le temps ; mais Cyprien est plus ferme que Bucheille ; sous son accent amer, sous sa parole un peu fatiguée, on sent l’énergie morale ; il vivra et trouvera à sa volonté intelligente quelque application digne d’elle. […] Stanislas Julien ; on y apprend mille jolis petits détails bizarres, tout en se pénétrant d’une excellente morale en action.

898. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre XV. De l’imagination des Anglais dans leurs poésies et leurs romans » pp. 307-323

Avant de donner une forme à Satan, il l’avait conçu immatériel ; il s’était représenté sa nature morale, avant d’accorder avec ce caractère sa gigantesque stature, et l’épouvantable aspect de l’enfer qu’il doit habiter. […] Ce sont les Anglais enfin qui ont fait des romans des ouvrages de morale, où les vertus et les destinées obscures peuvent trouver des motifs d’exaltation, et se créer un genre d’héroïsme.

899. (1823) Racine et Shakspeare « Chapitre premier. Pour faire des Tragédies qui puissent intéresser le public en 1823, faut-il suivre les errements de Racine ou ceux de Shakspeare ? » pp. 9-27

Le hasard a voulu que ce soit vous, Parisiens, qui soyez chargés de faire les réputations littéraires en Europe ; et une femme d’esprit, connue par son enthousiasme pour les beautés de la nature, s’est écrié, pour plaire aux Parisiens : « Le plus beau ruisseau du monde, c’est le ruisseau de la rue du Bac. » Tous les écrivains de bonne compagnie, non seulement de la France, mais de toute l’Europe, vous ont flattés pour obtenir de vous en échange un peu de renom littéraire ; et ce que vous appelez sentiment intérieur, évidence morale, n’est autre chose que l’évidence morale d’un enfant gâté, en d’autres termes, l’habitude de la flatterie.

900. (1861) La Fontaine et ses fables « Première partie — Chapitre IV. L’écrivain (suite) »

La Fontaine, comme les plus doctes, s’intéresse aux hautes idées qu’on agite autour de lui, lit Platon, discute contre Descartes, raisonne sur la morale des jansénistes, goûte Epicure et Horace, écrit d’avance24 « le Dieu des bonnes gens », et propose une morale.

901. (1888) Demain : questions d’esthétique pp. 5-30

Telle m’apparaît, Monsieur, la morale à déduire de l’histoire littéraire do nos trois derniers siècles. […] Cela est surtout évident à l’origine de toutes les littératures ; sans remonter jusqu’à l’Iliade et l’Odyssée qui sont des actes de foi, chez nous, durant ce XVIIe siècle dont je vous parlais, tandis que les orateurs sacrés conduisaient à leurs suprêmes conséquences les principes enfermés dans les dogmes, exprimaient des plus abstraites spéculations religieuses une psychologie, une morale et une politique chrétiennes, les poètes, par une rétroaction de rêve, faisaient rayonner la Croix sur les Idoles et christianisaient les fables do l’Antiquité.

902. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre VIII. Quelques étrangères »

La morale, dans ces lueurs d’orage, ne lui paraît plus la même qu’à l’aube de l’espérance et au soleil du bonheur. […] Elle me paraît suffisante à faire sentir la grave faute commise par Thomas Hardy en confiant à un personnage aussi flottant que Suzanne le soin de nous enseigner la vérité morale.

903. (1902) L’humanisme. Figaro

Avouerai-je d’ailleurs, pour lui donner raison en une certaine mesure, que l’humanisme, comme beaucoup de théories littéraires, pousse des rameaux jusque dans la morale et dans ce qu’il faut bien appeler, d’un mot barbare, la sociologie ? […] Il est, à lui tout seul, la justice, la morale, la vérité.

904. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des pièces de théâtre — Préface des « Burgraves » (1843) »

Poser de cette façon devant tous, et rendre visible à la foule cette grande échelle morale de la dégradation des races qui devrait être l’exemple vivant éternellement dressé aux yeux de tous les hommes, et qui n’a été jusqu’ici entrevue, hélas ! […] Ces idées germèrent dans son esprit, et il pensa qu’en disposant de la sorte les figures par lesquelles se traduirait sa pensée, il pourrait, au dénoûment, grande et morale conclusion, à son sens du moins, faire briser la fatalité par la Providence, l’esclave par l’empereur, la haine par le pardon.

905. (1811) Discours de réception à l’Académie française (7 novembre 1811)

Tour à tour naïve, tendre, morale, et guerrière, elle fait éclore les idées les plus riantes et les sentiments les plus élevés ; elle inspire l’amour, cimente l’amitié, frappe le ridicule, enflamme le courage ; enfin, est à la fois l’interprète du cœur et l’organe de l’esprit. […] Peut-être est-ce une erreur de prétendre que la comédie dirige les mœurs ; elle les suit, elle en reçoit l’influence, et devient en quelque sorte l’histoire morale, des nations.

906. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre premier. Mme de Staël »

Elle a fait plusieurs espèces de livres, soit des romans, comme Delphine et Corinne, soit des livres d’histoire et de politique, comme les Considérations sur la Révolution française, soit de philosophie morale, comme l’Influence des passions, soit de critique littéraire, mêlée de philosophie et de métaphysique, comme l’Allemagne ; et dans tous ces divers ouvrages, on trouve une écrivain d’un prodigieux talent. […] mais en philosophie morale, la question du bonheur individuel est toute la question pour elle !

907. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XVIII. Souvenirs d’une Cosaque »

Et voilà le reproche que je fais à ce livre tout d’abord, — sans préjudice des autres qui viendront après, — parce que les autres regarderont plus le temps où de pareils livres se publient, que la femme ou les femmes qui osent les publier… Je ne suis pas assez niaisement pédant pour parler morale à une Cosaque qui fait sauter son désir, — comme son cheval, — par-dessus toutes les barrières, sous lesquelles les autres femmes, qui ne sont pas Cosaques, coulent parfois subtilement le leur. Elle me répondrait superbement que la morale n’est qu’une hypocrisie, si elle n’est pas la liberté (je m’épargnerai cette vieille guitare) ; mais je lui dirai et je lui répéterai la chose qui devra le plus la toucher : c’est que précisément, dans le livre qu’elle vient de lancer, elle n’est point aussi Cosaque qu’elle se vante de l’être ; c’est que la tournure qu’elle se donne, en commençant son livre, n’est pas du tout la tournure qu’elle prend, en le publiant.

908. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XXI. Mme André Léo »

Les reins de son esprit sont soudés, et c’est l’institutrice qui se dégage avec le plus de netteté de tout l’ensemble de ses livres, à cette Enseignante, — il faut bien le dire, un peu cuistre, — qui professe l’instruction obligatoire et la morale indépendante et qui écrit des romans pour élargir, à la mesure d’un plus grand cercle, la petite classe qu’elle faisait peut-être autrefois, et pour, de cette manière, continuer son ancien et rogue plaisir de professer. […] Les romans de Mme André Léo sont certainement plus honnêtes que les libertinages de Mme Sand, mais leur morale ne vaut pas les petits livres du prêtre.

909. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Louis Vian » pp. 373-387

La grandeur absolue, en effet, qu’elle soit intellectuelle ou morale, implique dans ceux qui l’ont une largeur, une chaleur centrifuge et — j’ai l’air de faire une tautologie, — une magnanimité dans le cœur ou dans la pensée que Montesquieu ne connut jamais. […] La vie intellectuelle de Montesquieu le préoccupe autant que sa vie morale, sociale et physique.

910. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « La Grèce antique »

Ainsi, quand on l’oppose au nôtre, on peut résumer le monde grec dans une douloureuse infériorité : l’absence de la famille, entraînant nécessairement l’abaissement le plus honteux de la morale, le règne des courtisanes, etc., etc., et l’inhabileté constatée au grand art, le plus digne de la mâle raison de l’homme, la politique, l’art de gouverner. […] C’est à Lerminier qu’il faudrait appliquer ce mot, écrit par lui de Montesquieu « : Il a la passion de l’impartialité, mais c’est une passion contenue, surveillée, sûre de son désir et de son effort, moins une passion qu’un art réfléchi, calculateur et caché, qui va du rayonnement du Beau jusqu’au rayonnement, plus pur encore, de la Justice, par le fait de cette loi magnifique qui veut que toutes les vérités se rencontrent, à une certaine profondeur. » Nous avons dit qu’après avoir lu cette histoire il n’était plus possible de garder la moindre illusion sur la valeur morale et politique des Grecs, mais, en exprimant une telle opinion, nous n’avons point entendu parler des partis.

911. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « M. H. Wallon » pp. 51-66

Pour un être surnaturel et de cette splendeur morale divine, il semble qu’il ne suffise plus d’être juste, et que la justice serait l’enthousiasme ! […] Assurément, ce n’était pas merveille que les papes invoquassent dans leurs causes l’autorité morale de Saint Louis !

912. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XVII. Saint-Bonnet »

Ou n’a pas oublié sans doute que les prétentions en présence sur cette question de l’enseignement, c’étaient, d’une part, l’innocuité morale, des classiques et leur convenance littéraire, et de l’autre, le danger auquel ils exposent de jeunes esprits qui prennent leurs premiers plis et reçoivent les terribles premières impressions de la vie, — terribles, car ce sont peut-être les seules qui doivent leur rester ! […] Oui, cet observateur si fort sur la nature morale de l’homme, sur tout ce qui la trouble et l’altère, nous fait l’effet d’un grand médecin.

913. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XVI. Des sophistes grecs ; du genre de leur éloquence et de leurs éloges ; panégyriques depuis Trajan jusqu’à Dioclétien. »

Cet art, outre une imagination très vive et prompte à s’enflammer, supposait encore en eux des études très longues ; il supposait une étude raisonnée de la langue et de tous ses signes, l’étude approfondie de tous les écrivains, et surtout de ceux qui avaient dans le style, le plus de fécondité et de souplesse ; la lecture assidue des poètes, parce que les poètes ébranlent plus fortement l’imagination, et qu’ils pouvaient servir à couvrir le petit nombre des idées par l’éclat des images ; le choix particulier de quelque grand orateur avec qui leur talent et leur âme avaient quelque rapport ; une mémoire prompte, et qui avait la disposition rapide de toutes ses richesses pour servir leur imagination ; l’exercice habituel de la parole, d’où devait naître l’habitude de lier rapidement des idées ; des méditations profondes sur tous les genres de sentiments et de passions ; beaucoup d’idées générales sur les vertus et les vices, et peut-être des morceaux d’éclat et prémédités, une étude réfléchie de l’histoire et de tous les grands événements, que l’éloquence pouvait ramener ; des formules d’exorde toutes prêtes et convenables aux lieux, aux temps, à l’âge de l’orateur ; peut-être un art technique de classer leurs idées sur tous les objets, pour les retrouver à chaque instant et sur le premier ordre ; peut-être un art de méditer et de prévoir d’avance tous les sujets possibles, par des divisions générales ou de situations, ou de passions, ou d’objets politiques, ou d’objets de morale, ou d’objets religieux, ou d’objets d’éloge et de censure ; peut-être enfin la facilité d’exciter en eux, par l’habitude, une espèce de sensibilité factice et rapide, en prononçant avec action des mots qui leur rappelaient des sentiments déjà éprouvés, à peu près comme les grands acteurs qui, hors du théâtre, froids et tranquilles, en prononçant certains sons, peuvent tout à coup frémir, s’indigner, s’attendrir, verser et arracher des larmes : et ne sait-on pas que l’action même et le progrès du discours entraîne l’orateur, l’échauffe, le pousse, et, par un mécanisme involontaire, lui communique une sensibilité qu’il n’avait point d’abord. […] La fin de ce discours est une fiction moitié poétique et moitié morale, dans le goût de celles de Lucien.

914. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXXVI. Des éloges académiques ; des éloges des savants, par M. de Fontenelle, et de quelques autres. »

Pour la partie morale, Fontenelle a l’air d’un philosophe qui connaît les hommes, qui les observe, qui les craint, qui quelquefois les méprise, mais qui ne trahit son secret qu’à demi. […] De là ce style presque toujours à demi voilé, et toutes ces énigmes de morale, aussi ingénieuses que piquantes ; les lumières générales durent encore contribuer à ce style.

915. (1895) La vie et les livres. Deuxième série pp. -364

Mon opinion est que la règle morale et légale du mariage sera changée. […] Il est mort fidèle à lui-même, invinciblement dévoué à la beauté intellectuelle et morale. […] La morale, fondée sur la raison, s’affirmait dans sa vérité éternelle, sans mélange de fictions surnaturelles. […] D’où l’inquiétude morale, la tristesse, le pessimisme. […] Ce livre de morale capiteuse est un peu grisant.

916. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « XV » pp. 61-63

— Les deux feuilletons des Débats sur Cécily des Mystères de Paris ont révolté unanimement la morale publique.

917. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LXXXIV » pp. 337-339

Il faut toujours compter, quand on le juge, sa vertu, sa force morale, ce sentiment qui lui a fait jouer un grand rôle dans les crises politiques et dominer parfois les hommes les plus violents au seul nom de la patrie.

918. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — D — Désaugiers, Marc-Antoine-Madeleine (1772-1827) »

Hippolyte Babou Tonin Désaugiers n’est qu’un Boufflers d’arrière-boutique, un épicurien de comptoir ou de bureau, qui, de ses voyages en Amérique, n’a pas rapporté de plus belle découverte que la suivante : J’ai, par terre et sur l’onde, Visité l’étranger, Dans tous les coins du monde Où j’ai pu voyager J’ai vu boire et manger, qui, de son contact avec les événements et les hommes, n’a retiré, pour règle de sa vie, que cette maxime de philosophie et de morale : Aimons bien, buvons bien, mangeons bien.

919. (1894) Propos de littérature « Appendice » pp. 141-143

PHILOSOPHIE ET MORALE (Ch. 

920. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — B — article » pp. 198-200

Les réflexions excellentes répandues dans ce dernier Ouvrage, les sages préceptes de morale & de politique, les exemples bien choisis y peuvent faire oublier les fautes du style, & fournir des instructions à ceux qui voudront instruire les autres.

921. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — B — article » pp. 252-254

Ceux qui l’ont entendu ont donc raison de le regarder comme un Orateur dont la maniere n’appartient qu’à lui seul, qui, laissant aux autres le soin de prouver les dogmes de la Religion, se borne à un objet non moins estimable, & plus utile peut-être, celui d’en développer la morale, d’en faire aimer les devoirs & respecter l’autorité.

922. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — B — article » pp. 400-402

On a souvent essayé de transporter dans les Ouvrages de Morale ou de Philosophie, sa maniere de peindre & de s’exprimer.

923. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — C — article » pp. 418-420

On ne sauroit trop répéter à ceux qui s’engagent dans cette carriere, que la Scene lyrique est moins jalouse de la régularité, que de la pompe ; de la vraisemblance, que du merveilleux ; de la morale, que du sentiment.

924. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — J. — article » pp. 531-533

Versification leste, piquante, coupée avec une agréable variété : morale saine, ingénieuse, utile, & très-heureusement exprimée : fécondité d’invention dans les sujets, dans les tournures, dans les détails, dans les applications : imitations heureuses des graces ingénues de l’Auteur de Joconde : telles sont les richesses que la Muse de ce nouveau Fabuliste offre aux Amateurs de l’Apologue & du Conte, c’est-à-dire à toute espece de Lecteurs.

925. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — R. — article » pp. 42-44

Les Voyages de Cyrus ne méritent pas les mêmes éloges, mais donnent l’idée d’une érudition très-étendue, d’une morale judicieuse, & sont écrits d’un style dont la noblesse & le sentiment forment le caractere principal.

926. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — S. — article » pp. 180-182

Gusman d’Alfarache, le Diable Boiteux, les nouvelles Aventures de Dom-Quichotte, le Bachelier de Salamanque, ne valent pas Gilblas, pour l’invention & la conduite ; mais on y remarque partout le même ton de morale, la même adresse pour l’amener & la faire goûter, la même finesse de critique, le même badinage, la même raison, tout cela revêtu d’un style agréable & correct.

927. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — S. — article » pp. 219-221

Ils ont contribué à étendre les lumieres politiques, à éclairer sur les objets qui peuvent augmenter le bien général & diriger la Morale vers la pratique.

928. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — S. — article » pp. 253-255

Quoique le caractere de Spartacus soit susceptible du même reproche, que le développement de la Piece soit brusque, la versification rude & seche ; quoique la Comédie des Mœurs du temps soit écrite d'un ton plus maniéré que piquant, qu'elle ressemble, pour le fond, l'intrigue & la morale, à l'Ecole des Bourgeois de l'Abbé d'Allainval ; ces deux Pieces sont néanmoins préférables à bien d'autres qui n'ont eu pour elles qu'un moment de séduction, & n'ont plus reparu dès que les ressorts de la cabale qui les faisoit valoir ont été usés.

929. (1856) Le réalisme : discussions esthétiques pp. 3-105

Ce que la morale révèle à la conscience sous la forme de préceptes, l’esthétique a pour but de le montrer aux sens sous la forme d’images. […] La morale n’a-t-elle pas commencé par la défense de la chair humaine et de l’amour bestial ? […] Cette manière d’envisager la nature physique et colorée s’applique à la nature morale. […] C’est l’Antéchrist de la beauté physique et morale, et, depuis six ou sept ans qu’il fait de la propagande, jamais son zèle né s’est ralenti. […] Ceux-là du moins se faisaient pardonner leur laideur à force d’expression, quelquefois même de beauté morale.

930. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « Lamartine »

Et comme on voit, dans la Légende, l’humanité s’élever peu à peu à une morale plus pure, ainsi sans doute devait s’épurer, dans ses vies successives à travers les siècles, l’âme déchue dont le premier nom est Cédar, et le dernier, Jocelyn. […] L’espèce de violence morale qu’il lui fait n’est pas seulement odieuse : elle est inutile, au jugement même de l’orthodoxie catholique. » Ils ont mal lu. […] Mais j’avoue qu’elle me paraît, à moi, d’une philosophie peut-être profonde, et d’une extrême vraisemblance morale. […] Assurément un psychologue, comme Edgard Poë, aurait pu produire des combinaisons de souffrance morale et physique plus compliquées et plus profondes. […] Mais Spinoza lui-même a bien de la peine à en tirer une loi morale qui oblige… Et puis, au fond, on n’est pas bien sûr de comprendre.

931. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — A — Amiel, Henri Frédéric (1821-1881) »

Edmond Scherer Je ne sais à comparer au Journal d’Amiel, comme drame de la pensée, comme méditation à la fois religieuse et inquiète sur les mystères de l’existence, que les monologues de Maine de Biran, de Maurice de Guérin et d’Obermann ; mais Amiel dépasse, à mon avis, tous ces martyrs de la pensée ; il va bien plus au fond de tout ; sa philosophie spéculative est bien autrement vaste, sa psychologie morbide bien autrement curieuse, sa perplexité morale bien autrement pathétique.

932. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — X — Xanrof, Léon (1867-1953) »

C’est un ouvrage plein de philosophie où l’on admire en même temps l’enchaînement des crimes et la fatalité que rien n’élude… C’est par sa morale que M. 

933. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — B — article » pp. 249-251

Les Philosophes qui lui ont prodigué de si grands éloges, n’ont pas fait attention que, s’il paroît se prêter à quelques-unes de leurs idées dans ses Ouvrages historiques, il annonce des maximes bien opposées dans ses Sermons, où la Religion est présentée dans toute sa pureté, dès qu’il ne s’agit que de morale.

934. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — G — article » pp. 377-379

Des vûes excellentes, une grande connoissance dans la Littérature ancienne & moderne, étrangere & nationale, dans la Morale & la Politique, prouvent que cet Auteur a bien su choisir la matiere de ses lectures, qu’il les a bien digérées & en a tiré parti.

935. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — G — article » pp. 380-382

Une pénétration singuliere, & l’ardeur la plus opiniâtre pour l’étude, l’entraînerent de bonne heure à tous les genres du savoir. l’Astronomie, la Physique, les Mathématiques, la Métaphysique, la Morale, l’Histoire, fixerent tour à tour son application, & lui devinrent si familieres, que ses connoissances dans une seule de ses parties, suffiroient pour lui faire un nom.

936. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — J. — article » pp. 544-546

C’est ainsi qu’on parvient à cette prétendue élévation d’ame, ou plutôt à cette insouciance destructive de tout sentiment noble, & dans laquelle on ne s’endort avec complaisance, que parce que, n’écoutant que soi-même, on ne trouve pas de Contradicteurs : espece de mort morale, dont on ose faire une vertu sublime, tandis qu’elle anéantit toutes les vertus.

937. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — N. — article » pp. 412-415

On connoît encore de cet illustre Académicien, des Fables pleines de poésie, de délicatesse, & de morale, qui ne sont point imprimées, mais qui ont honoré autant qu’égayé les séances académiques, assez souvent dépourvues de ce double effet, quand les oracles de son portefeuille se taisent.

938. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre troisième. Histoire. — Chapitre VI. Voltaire historien. »

Renoncer à sa morale tendre et triste, ce serait renoncer au seul moyen nouveau d’éloquence que les anciens nous aient laissé.

939. (1862) Cours familier de littérature. XIV « LXXXIe entretien. Socrate et Platon. Philosophie grecque (1re partie) » pp. 145-224

Cette science-là, en effet, englobe et domine toutes les autres, parce qu’elle est la science de l’âme elle-même, la science de l’infini, la science de Dieu, la science de nos rapports avec l’Être des êtres, la science de notre origine, la science de notre vie morale, la science de notre fin ! […] C’est le dernier mot de la morale, comme la logique est le dernier mot de la raison. […] XXIII Nous avouons que cette philosophie, depuis la métaphysique jusqu’à la morale, en d’autres termes depuis le retour de l’âme immortelle en Dieu, type exemplaire et raison de tout, jusqu’à la morale, c’est-à-dire jusqu’aux abnégations, aux sacrifices, aux piétés, aux dévouements à la vérité, aux hommes et à Dieu qui purifient l’âme et la divinisent ; nous avouons que cette philosophie est aussi la nôtre, comme elle est celle de Cicéron et de Confucius, comme elle est en grande partie celle des philosophes chrétiens, indépendamment du dogme de la rédemption de l’homme par Dieu descendu du ciel pour tendre sa main à l’humanité. […] Elle gouverne tous les éléments dont on prétend qu’elle est composée, leur résiste pendant presque toute la vie, et les dompte de toutes les manières, réprimant les unes durement et avec douleur, comme dans la gymnastique et la médecine ; réprimant les autres plus doucement, gourmandant ceux-ci, avertissant ceux-là ; parlant au désir, à la colère, à la crainte, comme à des choses d’une nature étrangère : ce qu’Homère nous a représenté dans l’Odyssée, où Ulysse, se frappant la poitrine, gourmande ainsi son cœur : — Souffre ceci, mon cœur ; tu as souffert des choses plus dures. » On voit par cette citation, et par mille autres citations d’Homère dans la bouche de Socrate, que ce philosophe était bien éloigné de l’opinion sophistique de Platon proscrivant les poètes de la République, mais qu’au contraire Socrate regardait Homère comme le poète des sages, et comme le révélateur accompli de toute philosophie, de toute morale et de toute politique dans ses vers, miroir sans tache de l’univers physique, métaphysique et moral de son temps.

940. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XVI. La littérature et l’éducation publique. Les académies, les cénacles. » pp. 407-442

Les discussions passionnées sur l’éducation se produisent chez un peuple à tous les moments de crise morale, quand la société, lasse de ce qui existe, aspire à un ordre nouveau ; elles annoncent, elles marquent la fin d’un régime. […] A l’Oratoire, il fut déjà plus sérieux, plus grave ; à Port-Royal, il devint austère ; chez les calvinistes, l’habitude de chercher ou de mettre en tout écrit une intention morale ou édifiante fut si forte et si persistante que la littérature de la Suisse romande en a, de l’aveu même de ses représentants, gardé jusqu’à nos jours une allure prédicante. […] Mably écrit153 : « L’histoire de ces deux peuples est une grande école de morale et de politique. » Rollin dit à son tour154 : « Les Romains ont été regardés dans tous les siècles, et le sont encore aujourd’hui, comme des hommes d’un mérite extraordinaire et qui peuvent servir de modèles en tout genre dans la conduite et le gouvernement des États. » Marie-Joseph Chénier155 célèbre ces temps Où des républicains étaient maîtres du monde, Où le Tibre orgueilleux de leur porter son onde Admirait sur ses bords un peuple de héros. […] L’histoire romaine, froidement ramenée à un enchaînement serré de causes et d’effets, n’excite plus les mêmes enthousiasmes irréfléchis que présentée comme un traité de morale en action. […] En revanche, il a trop souvent honoré d’une complaisante indulgence des œuvres douceâtres qui, remplaçant le bon style par les bonnes intentions, auraient mérité des prix de découragement pour avoir porté près de la perfection l’art de rendre la morale ennuyeuse.

941. (1803) Littérature et critique pp. 133-288

Et que font aux vertus, à la morale, et par conséquent au bonheur qui n’existe point sans elles, toutes nos découvertes si vantées ? […] Quand la morale effrayée déplorait la perte du culte et des dogmes antiques, déjà leur rétablissement était médité par la plus haute sagesse. […] C’est par eux que le chrétien communique sans cesse avec le Ciel, et qu’il voit tous les préceptes de la morale sous des images sensibles. […] Elle choisit les Essais de Morale de Nicole. […] Comparez à cette morale si utile et si touchante les maximes d’éducation qu’a trop répandues le style véhément et passionné de J.

942. (1940) Quatre études pp. -154

Encore faut-il qu’on adopte une règle de vie, une morale ; qu’on abandonne le monde de la chair. […] Reste que le lyrisme romantique français se distingue de la poésie pure, en ce qu’il ne pense pas en fonction de la seule poésie, mais en fonction de la morale, de la politique, de l’action. […] Ils ont été, plus qu’eux, conscients d’une discipline morale qu’ils violaient quelquefois, mais qu’ils n’oubliaient pas, et qui restait présente à leur conscience. […] Les gens passionnés font désormais partie de l’aristocratie morale. […] Parrhasiana, ou pensées diverses sur des matières de critique, d’histoire, de morale ou de politique, avec la défense de divers ouvrages de M.L.C.

943. (1881) Le roman expérimental

Maintenant, je passe à la grande question d’application et de morale. […] C’est nous qui avons la force, c’est nous qui avons la morale. […] Du moment où nous sommes la vérité, nous sommes la morale. […] On nous accuse de manquer de morale, nous autres écrivains naturalistes, et certes oui, nous manquons de cette morale de pure rhétorique. […] Je ne connais pas d’école plus morale, plus austère.

944. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre III. La critique et l’histoire. Macaulay. »

La seule partie de la philosophie qui plaise aux hommes de ce caractère est la morale, parce qu’ainsi qu’eux elle est toute pratique, et ne s’occupe que des actions. […] La critique en France a des allures plus libres ; elle est moins asservie à la morale, et ressemble plus à l’art. […] Dans un pays où l’on s’occupe tant de morale et si peu de philosophie, il y a beaucoup de religion. […] Quelle que soit la question qu’il traite, économie politique, morale, philosophie, littérature, histoire, Macaulay se passionne pour son sujet. […] Mais la vertu elle-même contribue à la chute de celui qui croit pouvoir, en violant quelque règle morale importante, rendre un grand service à une Église, à un État, à l’humanité.

945. (1916) Les idées et les hommes. Troisième série pp. 1-315

La simplification littéraire qu’il a voulue coïncide avec une très heureuse et belle simplification morale. […] Un jour, telle est sa détresse morale que nous avons pitié de lui. […] Il a fallu, avant cela, deux modifications, l’une esthétique et, l’autre, morale. […] A-t-il une morale ? […] L’auteur n’a pas commis la faute de nous présenter un petit garçon comme un apôtre de morale.

946. (1923) Au service de la déesse

Jean Carrère déteste la mélancolie, « mal peu viril, une faiblesse, une tare morale ». […] Le prodige, c’est que, du trouble de son histoire et de sa farouche croyance aux dieux jaloux, elle ait tiré une « morale exquise », la morale de la mesure. […] Et l’on organisa une morale de l’égoïsme tendant aux mêmes préceptes que toute autre morale ; en effet, les moralistes sont en chicanes sur les fondements philosophiques de la morale et se réconcilient du moment qu’il ne s’agit plus que des commandements. […] Que faisait-il de la morale ? […] Pierre Hamp voudrait qu’une hagiographie du travail servît à l’enseignement de la morale.

947. (1890) Les romanciers d’aujourd’hui pp. -357

Paul Bourget rapprochait de la détresse morale que décrit M.  […] Que cette peinture vertueuse et morale de la société soit plus exacte que les autres, c’est dont je doute et dont se soucie fort peu, au reste, M.  […] Armand Charpentier, Peur de la vie (dont la morale optimiste quand même est un peu cousine de celle de M.  […] L’Invalide à la tête de bois, Zoologie morale, etc., et dans le roman Fusil chargé et Chimère. […] « Cette anatomie morale n’est pas sans dangers.

948. (1846) Études de littérature ancienne et étrangère

Quelques-unes même des narrations d’Hérodote ont l’air d’une allégorie morale, plutôt que d’un récit exact. […] Quelques-uns de ses traités de morale sont d’un intérêt médiocre, d’une philosophie commune, et même un peu déclamatoire. […] C’était le christianisme à sa naissance ; c’était la liberté morale réfugiée dans la religion. […] L’intention morale du livre d’ailleurs n’est pas douteuse. […] Du reste, nulle idée de bonté morale ne se mêle à ce tableau et ne vient l’épurer et l’embellir.

949. (1914) Une année de critique

Mais elle professait une autre esthétique, et une morale qui n’était pas celle de l’acceptation. […] que l’esthétique et la morale de la princesse émancipée ne soient de plus en plus répandues. […] Pécuchet et Joseph Prudhomme y prononcent des sentences alternées, et la morale, une morale fondée sur l’observation, l’histoire et une forte conception de la destinée humaine, gagne beaucoup à ces controverses. […] Il n’existe qu’une esthétique morale, il n’existe qu’un devoir pour l’homme supérieur : réaliser les plus hautes ambitions qu’il découvre en soi. […] La nature, il y croit aussi, comme à la morale, comme à tout, mais à la façon de Rousseau « ce jean-fesse, dit le porte-parole d’Anatole France, qui prétendait tirer sa morale de la nature, et qui la tirait en réalité des principes de Calvin ».

950. (1928) Quelques témoignages : hommes et idées. Tome II

C’est la preuve qu’à l’éducation morale et religieuse comme à l’éducation physique et intellectuelle, doit se joindre cette éducation que M.  […] On n’a voulu ici que dégager quelques traits d’une noble figure intellectuelle et morale d’un si haut enseignement. […] Il rappelle que dans les Origines de la France contemporaine, il a « toujours accolé la qualification morale à l’explication psychologique ». […] De ses personnages il a la tenue sociale et morale, et, pour tout résumer d’un mot, cette fois plus simple et bien français : le ton. […] Les traces de leur santé morale sont encore visibles dans leur maladie commençante.

951. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — S — Sainte-Croix, Camille de (1859-1915) »

Camille de Sainte-Croix, œuvre dont il n’est pas difficile de dégager la portée morale, de tirer tous les enseignements possibles.

952. (1891) [Textes sur l’école romane] (Le Figaro)

Je fonde l’École romane française, où viendront ceux à qui l’amour de notre langue gréco-latine fera jeter de superbes rameaux de renaissance littéraire et morale.

953. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — B — article » pp. 285-288

On est fâché de voir le même Ecrivain qui fait si bien nous peindre l’avénement du Messie, la sublimité de sa doctrine, la sainteté de sa morale, l’éclat de ses miracles, les circonstances de sa passion, les ignominies de sa mort, donner dans des écarts, dont une sagacité aussi profonde & aussi déliée que la sienne auroit dû le garantir.

954. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Table des chapitres et des paragraphes. Contenus dans ce second Volume. » pp. -

Morale, Livres de caractères, 353 Chap. 

955. (1913) Essai sur la littérature merveilleuse des noirs ; suivi de Contes indigènes de l’Ouest-Africain français « Préface »

Préface Maurice Delafosse, Administrateur en Chef des Colonies Pour bien connaître une race humaine, pour apprécier sa mentalité, pour dégager ses procédés de raisonnement, pour comprendre sa vie intellectuelle et morale, il n’est rien de tel que d’étudier son folklore, c’est-à-dire la littérature naïve et sans apprêts issue de l’âme populaire et nous la livrant dans sa nudité primitive.

956. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Saint-Martin, le Philosophe inconnu. — I. » pp. 235-256

Il a dit ailleurs avec une grande pénétration morale, et en rectifiant pour ainsi dire les âges de la vie, en les rétablissant dans leur première intégrité et dans leur véritable direction : … L’enfance ne s’annonce-t-elle pas par la rectitude du jugement et le sentiment vif de la justice ? […] Bien qu’il confessât qu’il n’était qu’un demi-esprit, qu’un demi-élu, et qu’il reconnût ce qui lui manquait en puissance et en véritable magie morale pour combattre des hommes complets en mollesse et en corruption, il se croyait l’émule des plus grands opérateurs apostoliques dans le passé, et il inclinait même à penser tout bas que sur certains points il était allé plus loin qu’aucun d’eux. […] S’il se sépare de son siècle par la pureté morale et par une vive pensée de spiritualité divine, il en participe sur d’autres points essentiels de sa doctrine, et il en porte le cachet.

957. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Gavarni. »

Ainsi, pour les Enfants terribles, le mot générateur de la série, c’est cet égoïsme profond de ces petits êtres qui, sans malice d’ailleurs ni arrière-pensée, leur fait tout voir par rapport à eux et les empêche de se rendre compte en rien de l’effet et de*la catastrophe morale que leur imprudence va produire au dehors chez autrui. […] Sans doute Gavarni ne fait pas fi de la morale, et lui-même ne serait pas fâché qu’on mît à son œuvre, entre autres épigraphes, celle-ci : « Jamais l’honnêteté ne lui a paru méprisable ni grotesque. » Il s’est moqué des maris fats ou benêts et ridicules : il ne les a pas systématiquement sacrifiés. […] En un mot, Gavarni résumant sa philosophie morale répéterait volontiers, pour son compte, avec ces deux bons vieux qui descendent de quelque barrière : « Vois-tu, Sophie, il n’y a que deux espèces de monde, les braves gens et puis les autres.

958. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Le général Jomini. [V] »

La mise en train des premières campagnes, les tâtonnements et les inexpériences, une opinion motivée sur la valeur de ces premiers généraux improvisés de la République, la mesure exacte et proportionnée de ces hommes tour à tour exaltés ou dépréciés, le compte rendu clair et intelligible de leur marche, de leurs essais, de leurs fautes et de leurs bévues, comme aussi de leurs éclairs de perspicacité stratégique et de talent, toutes ces parties sont rendues dans une narration bien distribuée et lumineuse, sans que le côté militaire devienne jamais trop technique, sans que la considération politique et morale des choses soit oubliée ; car ce tacticien éclairé est le premier à reconnaître que « la guerre est un drame passionné et non une science exacte 60. » Rien de tranché d’ailleurs ni d’absolu dans la pensée ni dans l’expression : la modération et un esprit d’équité président. […] Ce n’est pas la gloire que j’irai chercher, ce n’est pas non plus une maladie morale que j’irai guérir, ce sont des maux physiques et l’ennui d’une position à laquelle je ne puis plus faire honneur, auxquels j’irai mettre un terme66. […] La maladie dont il se plaint est évidemment plus morale qu’il ne croit.

959. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamartine — Lamartine »

C’est une sensibilité reposée, méditative, avec le goût des mouvements et des spectacles de la vie, le génie de la solitude avec l’amour des hommes, une ravissante volupté sous les dogmes de la morale universelle. […] Il passa là, avec ses sœurs, une longue et innocente enfance, libre, rustique, errant à la manière du ménestrel de Beattie, formé pourtant à l’excellence morale et à cette perfection de cœur qui le caractérise, par les soins d’une admirable mère, dont il est, assure-t-on, toute l’image. […] Il n’immole aux vastes pressentiments qu’il nourrit ni l’ordre continu de la tradition, ni la croyance morale des siècles, le rapport intime et permanent de la créature à Dieu, l’humilité, la grâce, la prière, ces antiques aliments dont le rationalisme veut enfin sevrer l’humanité adulte.

960. (1892) Boileau « Chapitre II. La poésie de Boileau » pp. 44-72

À chaque pas, dans un coin de satire ou d’épître morale, on rencontre de petits tableaux d’une couleur toute réaliste : c’est le directeur malade, et toutes ses pénitentes autour du lit, dans la chambre, empressées et jalouses : L’une chauffe un bouillon, l’autre apprête un remède. […] Pour rendre la physionomie de Paris, le mouvement de ses rues et de sa foule, ce Parisien, qui ne perdit presque jamais de vue les tours de Notre-Dame, prit le ton dolent d’un provincial réveillé trop tôt, qui regrette le silence morne de sa petite ville : cela, c’était l’idée, et une idée morale, qui faisait de l’impression une démonstration. […] Ces gens-là étaient moins blasés que nous sur tous ces lieux communs de morale ; et, après tout, il n’y avait guère plus d’un siècle qu’on les avait trouvés ou retrouvés.

961. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre IV. Les tempéraments et les idées (suite) — Chapitre IV. Le patriarche de Ferney »

Genève était restée la ville de la Réforme ; le maintien de l’austérité morale y était affaire de gouvernement. […] À lui aboutit toute cette lignée de conteurs facétieux ou satiriques qui depuis les origines de notre littérature ont si alertement traduit les conceptions bourgeoises de la vie et de la morale : Voltaire a élevé à la perfection leurs qualités de malice, de netteté, de rapidité. […] En fait, sa philosophie est absolument matérialiste ; sa morale, sa politique, son économie politique, tous ses désirs de réformes et d’améliorations sociales sont d’un homme qui borne ses pensées à la vie présente.

962. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre IX. La littérature et le droit » pp. 231-249

Donc ils écrivaient des pièces83 invitant à desserrer les mailles du filet qui enlace les époux, ou bien même ils revendiquaient fièrement pour chacun d’eux le droit de reprendre son indépendance, dès que l’affection mutuelle, seul lien ayant une valeur morale en pareille occurrence, a disparu par un coup brusque ou une usure lente. […] Quant à la morale, rien de plus vague, rien de plus élastique que la loi ayant la prétention de la faire respecter. […] Délicate affaire d’appréciation où, pour comble de difficulté, peuvent se cacher des motifs qui n’ont rien à voir avec la morale.

963. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XII. La littérature et la religion » pp. 294-312

La morale se proclame indépendante de la religion. […] Les jésuites, contemporains de la Ligue et vaincus avec elle, sont révolutionnaires, prêchent le régicide, lancent des pamphlets, cultivent l’éloquence populaire ; devenus au siècle suivant confesseurs et directeurs des rois, ils auront des souplesses de courtisans, une morale facile, une connaissance approfondie de la casuistique, des façons de parler onctueuses et doucereuses. […] Le théâtre et le roman ont singulièrement ébranlé le crédit de la morale ascétique, et les auteurs dramatiques, traités par Nicole d’empoisonneurs d’âme et maudits par Rousseau avec une égale âpreté, ont fait éclore en bien des cœurs les premiers germes de rébellion à l’égard des préceptes du catéchisme.

964. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXXVII et dernier » pp. 442-475

En 1680, la liaison était formée, l’affection morale avait commencé, l’âme était exaltée. […] Encore une fois, ce n’est point le mariage qui est la gloire de madame de Maintenon, c’est le désintéressement, c’est le sacrifice de son amour, c’est le vertueux usage de l’empire qu’il lui donnait sur le cœur du roi pour le remettre dans ses devoirs : et c’est à l’honnêteté morale de madame de Maintenon, à celle de sa société tout entière, à la considération et aux aimables qualités qu’elle tenait de ses nobles amies, qu’est due la gloire que j’ai pris plaisir à célébrer. […] Les Bossuet, les Fléchier, les Fénelon la regardaient comme l’élite de leurs troupeaux : elle regardait ces prélats comme les consécrateurs de la morale qu’elle pratiquait, comme les missionnaires chargés de lui donner la sanction religieuse.

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