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940. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « Brizeux. Œuvres Complètes »

Pas une seule fois, dans ces trois livres de vers, pas une seule fois, un mot, un tour, — une étrangeté, — une incorrection qui sente le dialecte et les âpres habitudes de sa province n’est venu se mêler à la langue de ce poète par trop francisé à la fin, de ce chantre des mœurs bretonnes, sans courage quand il s’agit de risquer à propos un mot patois ! […] Et le meilleur conseil à donner à tous ceux qui ont du talent et même à ceux qui ont du génie, c’est de le mêler à la sainte poussière du pays, c’est de le faire rentrer, ce génie, dans cette terre sacrée, afin qu’un jour il en ressorte, fils du sol, beau comme le coursier de Neptune !

941. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « M. Jean Richepin »

Il a l’âme ouverte à tous les sentiments de la vie, et il les mêle — et fougueusement !  […] Il est vrai que c’était le dandysme du dandy pur mêlé au poète, — le dandysme de Brummell, qu’il admirait, disait-il, presque autant que Napoléon, — tandis que le dandysme de M. 

942. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Appendice. — [M. de Latena, Étude de l’homme.] » pp. 523-526

La métaphysique préliminaire que M. de Latena expose, avec ses nobles professions de croyances, d’espérances consolantes, avec les incertitudes légères qui s’y mêlent et les lacunes qu’il faudrait combler, exprime assez bien la disposition commune en ce temps-ci à beaucoup d’esprits bien faits et distingués.

943. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Chateaubriand — Note »

J’ai souvent pensé combien, malgré tous les soins qu’on prend pour peindre la société de son temps et pour en donner l’idée aux générations survenantes, on y réussit peu et quelles étranges images s’en font ceux qui se mêlent ensuite d’en écrire.

944. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « SUR ANDRÉ CHÉNIER. » pp. 497-504

Il est toutefois, dans la vie des nations, des moments d’ardeur et d’orage où l’on ne conçoit guère ces rôles à part ; la masse alors absorbe toutes les nuances ; le foyer commun appelle à lui toutes les étincelles ; la mêlée convoque tous les poëtes.

945. (1874) Premiers lundis. Tome II « Mort de sir Walter Scott »

C’était, dans le roman, un de ces génies qu’on est convenu d’appeler impartiaux et désintéressés, parce qu’ils savent réfléchir la vie comme elle est en elle-même, peindre l’homme de toutes les variétés de la passion ou des circonstances, et qu’ils ne mêlent en apparence à ces peintures et à ces représentations fidèles rien de leur propre impression ni de leur propre personnalité.

946. (1874) Premiers lundis. Tome II « Revue littéraire et philosophique »

Un coloris vif, une naïveté mêlée de sensibilité, une mélodie heureusement d’accord avec l’émotion, recommandent ces courtes pièces.

947. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section première. Des passions. — Chapitre VI. De l’envie et de la vengeance. »

Il est une réflexion qui devrait servir de guide à ceux qui se mêlent des grands débats des hommes entre eux, c’est qu’ils doivent considérer leurs ennemis comme étant de leur nature ; il y a malheureusement de l’homme jusques dans le scélérat, et l’on ne se sert jamais cependant de la connaissance de soi, pour s’aider à deviner un autre.

948. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « André Theuriet »

» — Je sais que nul romancier, pas même George Sand, n’a su mêler aussi étroitement la vie des hommes et la vie de la terre sans absorber l’une dans l’autre ; ni mieux entrelacer l’histoire fugitive des passions humaines et l’éternelle histoire des saisons et des travaux rustiques  Je sais aussi que rien n’est plus charmant que ses jeunes filles ; car, tandis que la campagne les fait simples et saines, la solitude les fait un peu rêveuses et capables de sentiments profonds  La solitude, soit aux champs, soit dans les petites villes silencieuses, nul n’a mieux vu que M. 

949. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Rêveries sur un empereur »

  Naguère encore, il ne se mêlait, et pour cause, que fort peu de sympathie, même intellectuelle, aux sentiments que nous inspirait le nouvel Empereur.

950. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Le termite »

Autrefois, un écrivain était le plus souvent un honnête homme qui faisait des livres, et qui, le reste du temps, vivait comme les autres hommes ; et cela d’autant mieux qu’il avait besoin, pour réussir, de se mêler à la société polie de son temps, et de se distinguer d’elle le moins possible.

951. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Les derniers rois »

Les dissensions intestines de la plus puissante maison qui soit au monde, les discords tragiques d’un père et d’un fils, mêlés au plus effroyable drame de douleur et de mort, ont rempli pendant des mois nos gazettes bourgeoises.

952. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Bilan des dernières divulgations littéraires. » pp. 191-199

Je ne l’attends point des grands écrivains, ni des autres ; et dès lors le bien qu’on m’apprendra d’eux me causera un plaisir mêlé d’un peu d’étonnement, mais la découverte de leurs défaillances ne leur fera aucun tort dans mon affection.

953. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — H — Heredia, José Maria de (1842-1905) »

Lorsqu’on a pénétré leur ordonnance intime, ils vous mettent dans l’état d’harmonie où l’on aime les morts mêlés aux vivants.

954. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre VIII. Les Fedeli » pp. 129-144

Cette pièce est divisée en trois actes : le premier est une comédie, le second une pastorale, et le troisième une tragédie ; le tout est écrit en prose mêlée de quelques stances disposées pour le chant.

955. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XII » pp. 100-108

Dans le parti de la Fronde, les sexes, les âges étaient mêlés et confondus.

956. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — L’Empereur Néron, et les trois plus grands poëtes de son siècle, Lucain, Perse & Juvénal. » pp. 69-78

Il n’a été donné qu’à un seul prince d’écrire aussi bien qu’il gouverne, de mêler les lauriers de Mars à ceux d’Apollon.

957. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre premier. Vue générale des épopées chrétiennes. — Chapitre V. La Henriade »

« Comme le médecin qui, pour sauver le malade, mêle à des breuvages flatteurs les remèdes propres à le guérir, et jette au contraire des drogues amères dans les aliments qui lui sont nuisibles, etc. » Platon, de Leg.

958. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 41, de la simple récitation et de la déclamation » pp. 406-416

Comme les femmes ont une sensibilité plus soudaine, et qui est plus à la disposition de leur volonté, que la sensibilité des hommes, comme elles ont, pour parler ainsi, plus de souplesse dans le coeur que les hommes, elles réussissent mieux que les hommes à faire ce que Quintilien exige de tous ceux qui veulent se mêler de déclamer.

959. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 18, qu’il faut attribuer la difference qui est entre l’air de differens païs, à la nature des émanations de la terre qui sont differentes en diverses regions » pp. 295-304

La couleur du vague de l’air, celles des nuages qui font un horrison colorié au coucher comme au lever du soleil, dépendent de la nature des exhalaisons qui remplissent l’air et qui se mêlent avec les vapeurs dont ces nuages sont formez.

960. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Conclusion »

Elle gagnera ainsi en dignité et en autorité ce qu’elle perdra peut-être en popularité, Car tant qu’elle reste mêlée aux luttes des partis, tant qu’elle se contente d’élaborer, avec plus de logique que le vulgaire, les idées communes et que, par suite, elle ne suppose aucune compétence spéciale, elle n’est pas en droit de parler assez haut pour faire taire les passions et les préjugés.

961. (1915) La philosophie française « II »

Inutile de rappeler les fines études psychologiques qu’on trouve chez Descartes et chez Malebranche, intimement mêlées à leurs spéculations métaphysiques.

962. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXXII. Des éloges des hommes illustres du dix-septième siècle, par Charles Perrault. »

Nous avons vu jusqu’à présent, que dès qu’un homme en place, roi ou prince, cardinal ou évêque, général d’armée ou ministre, enfin quiconque, ou avait fait ou avait dû faire de grandes choses, était mort, tout aussitôt un orateur sacré, nommé par la famille, s’emparait de ce grand homme, et après avoir choisi un texte, fait un exorde ou trivial ou touchant, sur la vanité des grandeurs de ce monde, divisé le mérite du mort en deux ou trois points, et chacun des trois points en quatre ; après avoir parlé longuement de la généalogie, en disant qu’il n’en parlerait pas, faisait ensuite le détail des grandes qualités que le mort avait eues ou qu’il devait avoir, mêlait à ces qualités des réflexions ou fines ou profondes, ou élevées ou communes, sur les vertus, sur les vices, sur la cour, sur la guerre, et finissait enfin par assurer que celui qu’on louait, avait été un très grand homme dans ce monde, et serait probablement un très grand saint dans l’autre.

963. (1858) Du vrai, du beau et du bien (7e éd.) pp. -492

Est-il vrai qu’il n’y ait pas de jugement, même affirmatif dans la forme, qui ne soit mêlé d’une négation ? […] À la vue du ciel étoilé, de la vaste mer, de montagnes gigantesques, l’admiration est mêlée de tristesse. […] Mais de loin, les défauts disparaissent ou s’affaiblissent, les nuances se mêlent et se confondent dans le clair-obscur du souvenir et du rêve, et les objets plaisent mieux parce qu’ils sont moins déterminés. […] Oui, mais d’abord en une certaine mesure ; ensuite il doit y mêler quelque autre sentiment qui tempère ceux-là ou les fasse servir à une autre fin. […] Toutes les grandes choses se mêlaient ainsi, s’inspiraient et se soutenaient réciproquement.

964. (1894) Études littéraires : seizième siècle

Ce fut mêlé de bien et de mal, comme toutes choses humaines ; mais ce fut très fécond. […] L’homme d’action se sert de son intelligence pour agir, et l’homme intelligent qui est mêlé à l’action, ne se sert guère de l’action que pour comprendre plus de choses. […] Commynes est dedans, à l’intérieur même de ces choses-là ; il y est mêlé intimement, il les fait ; mais il est assez froid pour les observer cependant, et il les observe comme du centre. […] Pour un coup de main mêlé d’un coup d’adresse il en valait un autre. […] Les autres ne sont mêlés à aucune grande aventure ; et ils n’ont aucun vaste dessein, comique ou autre ; à proprement parler ils n’ont pas de dessein du tout.

965. (1890) Journal des Goncourt. Tome IV (1870-1871) « Année 1871 » pp. 180-366

La tête blanche de Hugo, dans un capuchon, domine derrière le cercueil ce monde mêlé, semblable à une tête de moine batailleur du temps de la Ligue. […] Nous entrons dans une chambre de baraquement, où se trouve le pittoresque de la guerre, mêlé au désordre d’une chambre d’étudiant. […] Bientôt un orage terrible se mêle au bombardement, et les déchirements de la foudre et des obus, me donnent, au fond de ma cave, la sensation d’une fin du monde. […] Toujours la foire du trottoir, où se mêlent aujourd’hui, les lilas aux herbages. […] Et l’horrible mêlé à cela.

966. (1848) Études sur la littérature française au XIXe siècle. Tome III. Sainte-Beuve, Edgar Quinet, Michelet, etc.

Mais tout cela se mêle, et le spectacle, à qui n’est qu’observateur, ne laisse pas d’être très divertissant. […] Le christianisme, milieu commun où se meuvent ces deux esprits, et où ils se sont rencontrés, devrait être plus fort, et, en dépit de tout, les unir et les mêler ; cela se voit aussi ; mais moins souvent que nous ne le voudrions. […] Il s’en montre imbu plus absolument qu’on ne peut dire, et sans aucune de ces diversions trop souvent mêlées, chez les directeurs des âmes, à cette idée qui (le christianisme posé) devrait être, ce semble, l’unique. […] Ce qu’on éprouve n’est même pas sans une sorte d’amère douceur ; un subtil amour-propre s’y mêle ; il est agréable de se sentir plus grand que sa destinée ; ce sont, dirait Pascal, misères de grand seigneur. […] Et comment, à tant de somptuosité, tant de grâce peut-elle être mêlée ?

967. (1888) Portraits de maîtres

Ce qu’il y a de plus curieux, c’est que Lamartine ait continué à en faire de tels au lendemain de ses Premières Méditations et toujours à en mêler à ses meilleurs. […] Il mêle à des idées plus modernes la philanthropie chrétienne de Fénelon et le fier sentiment de dignité que possédait le Tasse. […] Juge du passé, selon nous, il reste sans égal ; juge du présent, il risque de perdre beaucoup par les passions personnelles ou politiques qui se sont mêlées à ses enquêtes contemporaines. […] Déjà leurs habitudes de bien-être, l’élégance de leurs toilettes suffiraient pour empêcher nos étudiants de se mêler à la vie de nos ouvriers. […] Un enthousiasme sincère les possède ils trouvent des lumières soudaines au plus fort de la mêlée.

968. (1883) La Réforme intellectuelle et morale de la France

Que le préfet se mêle d’aussi peu de choses que possible, que l’impôt et le service militaire soient aussi réduits que possible, et la province sera satisfaite. […] Celui dont les ancêtres ont été mêlés à de grandes luttes n’est pas libre de mener une vie paisible et vulgaire ; les descendants de ceux que ses pères ont tués viennent sans cesse le réveiller dans sa bourgeoise félicité et lui porter l’épée au front. […] Le protestantisme en mêle bien une certaine quantité à son breuvage ; mais la proportion est faible et devient alors bienfaisante. […] Un libéral comme nous est ici fort embarrassé ; car notre premier principe est que, dans ce qui touche à la liberté de conscience, l’État ne doit se mêler de rien. […] Ne nous mêlez pas de ce que nous enseignons, de ce que nous écrivons, et nous ne vous disputerons pas le peuple ; ne nous contestez pas notre place à l’université, à l’académie, et nous vous abandonnerons sans partage l’école de campagne.

969. (1908) Jean Racine pp. 1-325

Seulement, c’est plus fort qu’eux, ils ne peuvent la peindre sans mêler à leurs peintures, trop menues, trop sèchement détaillées, de l’esprit et des pointes, et une trop piquante mythologie. […] Car il mêlait constamment les deux antiquités, païenne et chrétienne. […] Alexandre veut, de propos délibéré, rapprocher et mêler les peuples. […] Racine mêle et combine l’humanité supérieure de l’antiquité avec l’humanité supérieure de son temps. […] Je ne citerai qu’un passage, où le mythe primitif et le drame tout moderne, quoique séparés par tant de siècles, se mêlent et se fondent harmonieusement dans l’imagination du spectateur subtil.

970. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre V. Comment finissent les comédiennes » pp. 216-393

Ces derniers, une fois sortis de la mêlée Godard, prirent en main la défense des marionnettes, leurs bien-aimées protectrices. […] Singulier accident, quand il frappe ces gens heureux qui vivent de l’esprit des autres, et qui n’ont pas d’autres soucis que d’y mêler un peu de leur esprit ! […] Le faiseur de décorations n’était pas inventé du temps de Molière, et le poète, maître chez lui, eût violemment chassé le barbouilleur qui se fût mêlé de sa comédie ! […] Tantôt elle sépare le récit de l’action, tantôt elle mêle l’action au récit. […] Tel fut le dénouement de cette comédie, où le rire était mêlé aux larmes.

971. (1902) La formation du style par l’assimilation des auteurs

Il s’y mêle aussitôt le cri des hommes et le grincement des cordages. […] Ce sont deux modes d’écrire distincts, mais qui se mêlent. […] Hugo, Philosophie mêlée.) […] Il doit se délasser, reprendre haleine, mêler les tons. […] Quand elle ne fait pas saillie, elle est toujours mêlée au sang et à la chair de ce style.

972. (1803) Littérature et critique pp. 133-288

Cet écrit obtint de justes éloges : on aima jusqu’à l’excès de l’enthousiasme qui se mêlait à ses jugements. […] Il a mêlé dans son poème les méditations de Pascal et de Bossuet. […] Quant à la poésie descriptive, les anciens n’en ont jamais fait un genre à part ; ils l’ont sagement mêlée au tissu d’une composition épique ou didactique. […] Il s’élance avec Condé ; il s’échauffe avec la mêlée ; il en reproduit tout le désordre. […] Corneille dut être nécessairement frappé de ce tableau, dont le souvenir seul excite un étonnement mêlé de respect.

973. (1896) Le IIe livre des masques. Portraits symbolistes, gloses et documents sur les écrivains d’hier et d’aujourd’hui, les masques…

Jean Lorrain, au lieu de le manger tout cru, fait des sirops, des gelées, des crèmes, des fondants, mais il mêle à sa pâte je ne sais quel gingembre inconnu, quel safran inédit, quel girofle mystérieux, qui transforme cette amoureuse sucrerie en un élixir ironique et capiteux. […] Il ressemblerait à ces rivières qui coulent avec une fluidité riche sur un fond de sable doré mêlé de cailloux dont la résistance se résout en une musique lente, profonde et continue. […] Ô Bacchus, couronné d’un pampre épais, Poitrine contre poitrine, tu te mêles à mon sang terrestre ! […] Le mot lumière se traduit par de l’or mêlé de blanc et de bleu, ce qui est assez heureux. […] Comme méthode, le réalisme avait été inventé par les romantiques qui se vantaient, à l’imitation de Gœthe, de mêler exactement dans leurs œuvres la vérité et la poésie.

974. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre premier. Ce que devient l’esprit mal dépensé » pp. 1-92

Mais laissons en paix l’honnête Père théatin, et remarquez, je vous en prie, quel grand écrivain de feuilletons c’eût été là si Bossuet eût voulu s’en mêler. […] Et ce noble feu, mêlé de colère, que vous allez prodiguer à l’improvisation du premier venu, vous en seriez avare quand il s’agit de l’étude et de la contemplation d’une œuvre-maîtresse des poètes passés, et des œuvres à venir ! […] Et Desmousseaux avait été si terrible, que madame Menjaud avait poussé ce grand cri, tant son effroi était mêlé d’étonnement de trouver terrible… Desmousseaux ! […] Alcidas qui se mêle de porter l’épée ! […] La politesse du marquis, l’étonnement mêlé de peur du bourgeois, sont du plus haut comique.

975. (1891) Essais sur l’histoire de la littérature française pp. -384

En cherchant bien, on trouverait qu’un peu de Racine se mêle à presque toutes les œuvres d’imagination qui sont restées nos délices. […] Rien n’anime un paysage comme d’y mêler quelque bruit ; rien ne relève mieux, dans le récit même, un moment de crise. […] Saint-Simon fit le saut périlleux, et mêla, sans scrupule, le sang de Charlemagne à celui de M.  […] N’est-il pas, de tous les personnages auxquels il se mêle, le plus dégagé de scrupules ? […] Le prévôt s’en mêlait.

976. (1853) Histoire de la littérature française sous la Restauration. Tome I

Cette influence nouvelle se mêle à ce qu’on a appelé la Renaissance, c’est-à-dire au réveil de l’esprit des grandes civilisations païennes, et lutte contre la domination du catholicisme, qui régnait sur les idées et sur les faits. […] C’est la contradiction, la contradiction qui s’attaque à la vérité, mais qui, en cherchant ses points vulnérables, l’oblige à se dégager des ombres que les passions humaines ont pu mêler à son divin éclat, c’est-à-dire des abus. […] Plus tard, un sentiment de nationalité blessée par l’invasion étrangère a pu mêler dans nos âmes de l’amertume à ce souvenir, mais ce n’est que par réflexion que cette amertume est venue. […] La liberté que la restauration apportait à la pensée humaine allait ainsi, comme tous les biens de ce monde, se trouver mêlée d’avantages et d’inconvénients : si la vérité pouvait trouver une force dans la presse, l’esprit de parti pouvait y dresser ses embuscades. […] Non, la mélancolie de M. de Lamartine n’a rien de pareil : c’est le désenchantement des choses qui passent, mêlé à l’espérance des choses qui demeurent ; c’est la terre vue du ciel, un soupir jeté sur la vie du haut de l’immortalité.

977. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « M. THIERS. » pp. 62-124

Mais ce qu’il est impossible de rendre, c’est ce mouvement si varié des oiseaux de toute espèce, des troupeaux qui avançaient lentement d’une haie à l’autre, de ces nombreux chevaux qui bondissaient dans les pâturages ou au bord des eaux : ce sont surtout ces bruits confus des sonnettes des troupeaux, des aboiements des chiens, du cours des eaux et du vent, bruits mêlés, adoucis par la distance et qui, joignant leur effet à celui de tous ces mouvements, exprimaient une vie si étendue, si variée et si calme. […] Il y a là comme une mélancolie rapide qui ajoute à l’émotion heureuse et qui se mêle, pour l’aiguiser, à l’ivresse de la gloire non moins qu’à celle du plaisir. […] Tout ce qu’il voit pour la première fois, il le découvre, il le raconte avec la vivacité de la découverte, avec une netteté comme matinale, avec une sorte de naïveté (je demande bien pardon du mot) dans laquelle il se mêle bien assez de finesse pour qu’on ne sache plus comment la définir, avec une ampleur sans effort où l’on oublie bien aisément de trouver du superflu. […] Thiers (septembre 1845), nous a fait l’honneur de nous mêler pour une très-honorable part.

978. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — chapitre VII. Les poëtes. » pp. 172-231

Pareillement, ici, on voit l’art classique rencontrer son centre dans les voisins de Pope et surtout dans Pope, puis s’effacer à demi, se mêler d’éléments étrangers, jusqu’au moment où il disparaît dans la poésie qui l’a suivi. […] Il marque tout dans le vol du faisan, le frou-frou de son essor, « ses teintes lustrées, changeantes, —  sa crête de pourpre, ses yeux cerclés d’écarlate, —  le vert si vif que déploie son plumage luisant, —  ses ailes peintes, sa poitrine où l’or flamboie1121. » Il a la plus riche provision de mots brillants pour peindre les sylphes qui voltigent autour de son héroïne, « lumineux escadrons dont les chuchotements aériens semblent le bruissement des zéphyrs, —  et qui, ouvrant au soleil leurs ailes d’insectes, —  voguent sur la brise ou s’enfoncent dans des nuages d’or ; —  formes transparentes dont la finesse échappe à la vue des mortels, —  corps fluides à demi dissous dans la lumière, —  vêtements éthérés qui flottent abandonnés au vent, —  légers tissus, voiles étincelants, formés des fils de la rosée, —  trempés dans les plus riches teintes du ciel, —  où la lumière se joue en nuances qui se mêlent, —  où chaque rayon jette des couleurs passagères, —  couleurs nouvelles qui changent à chaque mouvement de leurs ailes1122. » Sans doute ce ne sont point là les sylphes de Shakspeare ; mais à côté d’une rose naturelle et vivante, on peut encore voir avec plaisir une fleur en diamants, comme il en sort des mains d’un joaillier, chef-d’œuvre d’art et de patience, dont les facettes font chatoyer la lumière et jettent une pluie d’étincelles sur le feuillage de filigrane qui les soutient. […] Il se vante « de les avoir tempérés » l’un par l’autre, et d’avoir « navigué contre les extrêmes. » La vérité est qu’il ne les a point entendus, et qu’il mêle à chaque pas des idées disparates. […] Il exagère et déclame, il cherche les effets de style, il mêle les deux garde-robes, la grecque et la chrétienne.

979. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Paul Féval » pp. 107-174

Seulement, il n’aurait pas mouillé son rire de ces belles larmes d’admiration et d’attendrissement qui se mêlent au rire si gai pourtant de cet enchanteur de Paul Féval, dont l’enchantement est précisément le mélange, divin à force d’être humain, du rire et des larmes ! […] … Ils chercheront peut-être encore le romanesque dans cette histoire trop sublime pour ne pas en avoir, mais ils se plaindront que le romancier qui l’exprime l’ait mêlé à trop de faste de foi : car la foi de Paul Féval va jusqu’au faste… et pour moi ce faste devient une splendeur ! […] Cette histoire, je le sais, il l’a mêlée à bien des choses qui, peut-être, ont nui à la composition et à l’art de son livre. Il l’a mêlée même à des choses modernes, que, polémiste autant qu’historien (le polémiste de Jésuites !)

980. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « L’abbé de Bernis. » pp. 1-22

Duclos, son ami, l’un de ceux qui ont le mieux parlé de lui, et dont la brusquerie habituelle s’est adoucie pour le peindre, a dit : « De la naissance, une figure aimable, une physionomie de candeur, beaucoup d’esprit, d’agrément, un jugement sain et un caractère sûr, le firent rechercher par toutes les sociétés ; il y vivait agréablement. » Marmontel enfin, moins agréable cette fois que Duclos, et avec moins de nuances, nous dit : « L’abbé de Bernis, échappé du séminaire de Saint-Sulpice, où il avait mal réussi, était un poète galant, bien joufflu, bien frais, bien poupin, et qui, avec le Gentil-Bernard, amusait de ses jolis vers les joyeux soupers de Paris. » Cette figure ronde et pleine, cette belle mine rebondie et à triple menton, qui frappe dans les portraits de Bernis vieilli, il la prit d’assez bonne heure : mais d’abord il s’y mêlait quelque chose d’enfantin et de délicat ; et toujours, jusqu’à la fin, le profil gardera de la distinction et de l’élégance : le front et l’œil sont très beaux. […] On a écrit et imprimé bien des choses plus ou moins romanesques, où l’on a mêlé le nom de Bernis à la date de cette ambassade : nous nous en tiendrons à ce qui est à l’usage des honnêtes gens.

981. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « De l’état de la France sous Louis XV (1757-1758). » pp. 23-43

Une idée politique se mêlait aux inquiétudes et aux angoisses croissantes de Bernis : M. de Choiseul n’était point engagé aussi directement que lui dans la politique de l’alliance, et, à son entrée, on était libre de rompre ou de modifier ce qui avait été réglé par d’autres. […] Avec cela, il continua d’y mêler sa chimère, laquelle consistait à rester dans le Conseil après avoir résigné son portefeuille à M. de Choiseul, à chercher à compléter le nouveau ministre et à se laisser compléter par lui : « Il peut se concerter avec moi, j’ai des choses qu’il n’a pas, il en a qui me manquent : tout cela ensemble ne peut produire qu’un bon effet. » Louis XV mécontent ne répondit pas sur cet article : il consentit à la démission de Bernis en faveur de M. de Choiseul par une lettre datée de Versailles (9 octobre 1758), qui commence ainsi : « Je suis fâché, monsieur l’abbé-comte, que les affaires dont je vous charge affectent votre santé au point de ne pouvoir plus soutenir le poids du travail… » Il y marquait nettement son système personnel en ces mots : « Je consens à regret que vous remettiez les Affaires étrangères entre les mains du duc de Choiseul, que je pense être le seul en ce moment qui y soit propre, ne voulant absolument pas changer le système que j’ai adopté, ni même qu’on m’en parle. » Choiseul n’avait plus qu’à arriver de Vienne.

982. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Sully, ses Économies royales ou Mémoires. — I. » pp. 134-154

Et ici, comme nous sommes au xvie  siècle, il est nécessaire de remarquer qu’un des précepteurs de Sully, nommé La Brosse, qui se mêlait de tirer des horoscopes et de prédire des nativités, voyant que son élève, de six ans plus jeune que Henri de Navarre, était né, comme ce prince, le 12 ou 13 décembre, jour de Sainte-Luce, l’avait plus d’une fois assuré, avec de grands serments, que le prince, après maint labeur, serait un jour roi de France, et que lui Rosny serait des plus avant dans sa faveur et des mieux participants de sa prospérité. […] Quatre ans après, à Nérac, pendant que la Cour huguenote est là comme dans son petit Paris et dans son lieu de délices, la guerre continuant aux alentours, Rosny qui veut s’y mêler, et qui voit que le roi de Navarre a défendu de sortir de la ville à cheval, se remettra à ce premier métier de fantassin et ira, parmi les vignes et les haies, faire le coup d’arquebuse avec les plus simples soldats.

983. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « M. Daru. Histoire de la république de Venise. — I. » pp. 413-433

Daru au milieu de cette école poétique régnante de la fin du xviiie  siècle à laquelle il est mêlé, et dont il ne se séparera jamais d’une manière tranchée, c’est l’étude, l’amour de l’investigation et des recherches, le besoin en tout de ne pas s’en tenir à l’aperçu, à la fleur et à la cime des choses, mais de les prendre, en quelque sorte, par la base, de s’en informer avec suite, avec étendue, par couches successives, et d’en dresser, soit dans des préfaces, soit dans des rapports académiques, soit dans des comptes rendus destinés à lui seul, un exposé judicieux, fidèle, qui donne un fond aux discussions et qui souvent les abrège. […] Et il s’y mêlait une sorte d’accompagnement patriotique, lorsque, célébrant le triomphe de la patrie romaine contre cette Cléopâtre qui, du haut de ses vaisseaux, avait osé menacer le Capitole, et qui fuyait à son tour, qui fuyait comme une femme, mais qui savait mourir comme une reine, le poète s’écriait : Et sans daigner chercher quelque houleux asile, Elle a voulu périr, d’un visage tranquille,          Sur son trône ébranlé.

984. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « William Cowper, ou de la poésie domestique (I, II et III) — III » pp. 178-197

on a toute la variété et les contrastes du tableau : un ancien eût fini peut-être par ce dernier trait et par cet image, mais Cowper ne s’y est pas tenu ; il y a mêlé son idée de fils d’Adam sur le travail qui est une peine et un châtiment, mais qui est devenu un moyen ou un gage de rachat. […] » Bernardin de Saint-Pierre, chez nous, a fréquemment mêlé aux peintures naturelles de vives images de la vie et de la félicité domestique : mais la poésie en vers était restée en arrière, on ne sait pourquoi.

985. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Le duc de Rohan — II » pp. 316-336

Le plus souvent il n’avait qu’à se montrer pour donner courage à ses alliés du dedans, aux bons habitants qui entraînaient les autres : les consuls et échevins, plus circonspects d’ordinaire et gens déjà de juste milieu, ont besoin pour se rendre que la rue s’en mêle et qu’on leur force la main. […] On a accusé Rohan, aussi bien que son frère Soubise, de s’être ménagé dans les entreprises et les engagements militaires, de n’avoir pas toujours été en tête et au plus fort des mêlées, l’épée à la main.

986. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « La marquise de Créqui — I » pp. 432-453

Son fils ne lui accordait aucune confiance ; elle apprenait ordinairement par d’autres, et après tous les autres, ce qu’il faisait, ce qu’il écrivait (car il se mêlait d’écrire et de se faire imprimer). […] Dans le Tacite traduit par d’Alembert, elle goûtait surtout les sentences. « S’il y a quelques maximes dignes de moi, envoyez-les, écrivait-elle à M. de Meilhan ; j’aime le genre, quoique très avili par la quantité d’ignares qui s’en mêlent. » Les ouvrages de ce dernier lui plaisent par le fond des sujets autant que par le tour.

987. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « I » pp. 1-20

Demandez donc de l’impartialité dans cette mêlée ! […] Je me contente de ricaner sans me mêler de rien.

988. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Histoire de l’Académie française, par Pellisson et d’Olivet, avec introduction et notes, par Ch.-L. Livet. » pp. 195-217

On ne se met pas de gaieté de cœur dans cette mêlée des discussions contemporaines, dût-on se flatter de la dominer. […] À un autre endroit, d’Olivet, parlant de La Bruyère, a dit : « Tout est mode en France : Les Caractères de La Bruyère n’eurent pas plutôt paru que chacun se mêla d’en faire » ; et M. 

989. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « M. De Pontmartin. Causeries littéraires, causeries du samedi, les semaines littéraires, etc. »

Enfin, après une vague et partiale peinture de l’état des Lettres sous les divers régimes qui se sont succédé depuis cinquante ans, et encore sous le coup de la Révolution de Février, qui le préoccupe extraordinairement, et qui n’a été, après tout, qu’une révolution plus ou moins comme une autre, il en vient à établir son principe et à proclamer son spécifique littéraire, — le mot peut paraître assez naïvement choisi : « Il fallait, s’écrie-t-il, il fallait (au lendemain de cette Révolution) proclamer le spiritualisme chrétien dans l’art, comme le seul spécifique assez puissant pour le guérir (pour guérir l’art, entendons-nous bien), comme la seule piscine assez profonde pour le laver de ses souillures. » Remarquez-vous comme ces esprits chastes, sitôt qu’ils se mêlent de critique, sont continuellement préoccupés et remplis d’immondices et de souillures ? […] Au surlendemain de la Révolution de Février, quand « tout ce qu’il y avait encore d’énergique, de viril, de passionné dans les cœurs, se réveillait, se réchauffait au feu de la lutte, et marchait au secours d’une société éperdue » ; quand « tout s’agitait, se heurtait, s’escrimait dans cette mêlée formidable d’où partait, de temps à autre, un cri de rage ou d’épouvante, où chaque vérité pouvait être le salut, chaque sophisme la perte, chaque blessure l’agonie », il y a eu des esprits modérés et de sang-froid qui se sont fait scrupule de déclamer à satiété contre M. 

990. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Œuvres inédites de F. de La Mennais »

Toutes ces réflexions se mêlent, se croisent et se combattent dans mon pauvre esprit : je m’y perds, et je tâtonne dans des ténèbres profondes. » On ne saurait être mieux initié que nous ne le sommes maintenant aux fluctuations et aux perplexités qui précédèrent, — et plus tard (on le verra) aux regrets, aux sombres amertumes qui suivirent incontinent cette fatale détermination au sacerdoce ; car c’est ainsi qu’on a acquis le droit de qualifier une vocation qui parut au monde si ardente, qui fut de tout temps si inquiète et qui se trouva en définitive si fragile. […] A cette école de la vie, s’il y avait été mêlé à temps et dans l’âge où l’on se forme, La Mennais aurait-il appris la tolérance, l’indulgence ?

991. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Madame Desbordes-Valmore. »

… » Et il mêlait à ses éloges quelques réserves pour certains défauts de distraction ou de négligence. […] C’est la douleur constante et son aiguillon, le travail aussi, l’avertissement de poètes plus mâles et à la grande aile, les exemples dont elle profita en émule et en sœur, un art caché qu’elle trouva moyen de mêler de plus en plus à ses pleurs et à sa voix, qui opérèrent cette transformation sensible vers 1834 environ, et qui l’amenèrent sinon à la perfection de l’œuvre, toujours s’échappant et fuyant par quelque côté, du moins au développement et à l’entier essor des facultés aimantes et brûlantes dont son âme était le foyer.

992. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « MME DESBORDES-VALMORE. (Les Pleurs, poésies nouvelles. — Une Raillerie de l’Amour, roman.) » pp. 91-114

La portion la plus ardente et la plus ferme de cette pensée dramatique ne se préoccupait même pas d’une initiation graduelle et indirecte de la foule à l’œuvre moderne, moyennant d’habiles reproductions d’œuvres antérieures ; elle était pour une application immédiate et franche, pour une mêlée décisive, pour une descente et un assaut au cœur du siècle. […] Pardon et la Crainte, l’idée religieuse se mêle tendrement au poids de la faute, à l’amertume du calice : Mme Valmore n’a jamais proféré en poésie de plus hautes paroles.

993. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. ALFRED DE MUSSET. » pp. 177-201

L’auteur de Marie pourtant a gardé chaste et noué le long vêtement de la Muse ; espèce de Bion chrétien, de Synésius artiste, en nos jours troublés ; jeune poëte alexandrin qui a maintenant rêvé sous les fresques de Raphaël, et qui mêle sur son front aux plus douces fleurs des landes natales une feuille cueillie au tombeau de Virgile. […] Nous ferons l’office de la vigie, et notre cri de découverte sera toujours mêlé d’émotion et de joie.

994. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « GRESSET (Essai biographique sur sa Vie et ses Ouvrages, par M. de Cayrol.) » pp. 79-103

De telles nuits marquent des âmes beaucoup trop éveillées, et assurément, si je me mêlais de me scandaliser, ma délicatesse serait bien déconcertée par un pareil dérangement, surtout après la grande et pompeuse retraite. […] On retrouverait en lui partout et dans le meilleur sens l’élève des jésuites et du Père Du Cerceau ; quand les jésuites ne se mêlaient pas de théologie, mais seulement de littérature, ils avaient de ce genre d’esprit dont Gresset représente la fleur la plus brillante et la plus mondaine : il suffit de nommer Commire, Cossart, Rapin, Porée, Bougeant et tant d’autres.

995. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « DU ROMAN INTIME ou MADEMOISELLE DE LIRON » pp. 22-41

La nouvelle position des deux amants, l’embarras léger des premiers jours, le rendez-vous à la chambre, le bruit de la montre accrochée encore à la même place, le souper à deux dans une seule assiette14, cette seconde nuit qu’ils passent si victorieusement et qui laisse leur ancienne nuit du 23 juin unique et intacte, les raisons pour lesquelles Mlle de Liron ne veut devenir ni la femme d’Ernest ni sa maîtresse, l’aveu qu’elle lui fait de son premier amant, cette vie de chasteté, mêlée de mains baisées, de pleurs sur les mains et d’admirables discours, enfin la maladie croissante, la promesse qu’elle lui fait donner qu’il se mariera, l’agonie et la mort, tout cela forme une moitié de volume pathétique et pudique où l’âme du lecteur s’épure aux émotions les plus vraies comme les plus ennoblies. […] La société s’y montre çà et là en quelques lignes dans sa dégradation rapide et sa frivolité mêlée de hideux.

996. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Seconde partie. De l’état actuel des lumières en France, et de leurs progrès futurs — Chapitre V. Des ouvrages d’imagination » pp. 480-512

Tout ce qui environnait les anciens leur rappelant sans cesse les dieux du paganisme, ils devaient en mêler le souvenir et l’image à toutes leurs impressions ; mais quand les modernes imitent à cet égard les anciens, on ne peut ignorer qu’ils puisent dans les livres des ressources pour embellir ce que le sentiment seul suffisait pour animer. […] Il faut étudier les modèles de l’antiquité pour se pénétrer du goût et du genre simple, mais non pour alimenter sans cesse les ouvrages modernes des idées et des fictions des anciens : l’invention qui se mêle à de semblables réminiscences, est presque toujours en disparate avec elles.

997. (1869) Cours familier de littérature. XXVIII « CLXIIIe entretien. Chateaubriand, (suite) »

Les deux astres mêlaient au zénith leurs teintes de céruse et de carmin. […] Toute cette époque où Chateaubriand est mêlé aux plaisirs, aux fêtes, aux intrigues de la famille Bonaparte, aurait besoin d’être publiée.

998. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série «  Paul Bourget  »

Sainte-Beuve mêle avec beaucoup de grâce les deux méthodes, apprécie quelquefois, mais plus souvent décrit, juge encore les œuvres d’après la tradition, du goût classique, mais élargit cette tradition, s’applique plus volontiers, se promenant à travers toute la littérature, à faire des portraits et des biographies morales, et fournit je ne sais combien de pièces, éparses, mais exquises, à ce qu’il appelait si bien l’histoire naturelle des esprits. […] Bourget est très nettement de ceux qui sont moins préoccupés du monde extérieur que du monde de l’âme, moins sensibles au plaisir de voir et de rendre la forme des choses ou les divers aspects de la mêlée humaine qu’à celui de décomposer des sentiments et des idées en leurs éléments primitifs et de remonter d’un phénomène moral à un autre, jusqu’à tant qu’il s’en trouve un qui soit irréductible.

999. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Victor Duruy » pp. 67-94

Et c’est pourquoi, en même temps que l’évidente solidité de son mérite lui valait, même avant qu’une volonté toute-puissante ne s’en mêlât, d’appréciables honneurs dans sa carrière professorale, sa franchise ne laissait pas de lui attirer quelques difficultés. […] D’abord, quand on veut signaler les maux qui se mêlent à une réforme, on a toujours soin d’oublier ou de taire ceux auxquels elle est venue remédier.

1000. (1887) Discours et conférences « Réponse au discours de M. Louis Pasteur »

Vous répudieriez nos éloges, habitué que vous êtes à n’estimer que les jugements de vos pairs, et, dans les débats scientifiques que soulèvent tant d’idées neuves, vous ne voudriez pas voir des appréciations littéraires venir se mêler au suffrage des savants que rapproche de vous la confraternité de la gloire et du travail. […] C’est la rage, Monsieur, qui est en ce moment l’objet de vos études ; vous en cherchez l’organisme microscopique, vous le trouverez ; l’humanité vous devra la suppression d’un mal horrible, et aussi d’une triste anomalie, je veux parler de la défiance qui se mêle toujours un peu pour nous aux caresses de l’animal dans lequel la nature nous montre le mieux son sourire bienveillant.

1001. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — Chapitre IV »

Au sortir du collège, la Nécessité passe à l’enfant sa robe virile, l’uniforme d’un métier ou d’une profession, et elle le pousse dans la mêlée humaine, comme les soldats orientaux qu’on chassait au combat, à coups de fouet. […] La vieillesse fait partie du type de ces Shyloks femelles des vieux falbalas et des vieux chinons ; elle s’harmonise avec leur commerce, avec leurs allures, avec ce qu’il y a de proxénétisme mêlé à leur friperie équivoque.

1002. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Histoire du Consulat et de l’Empire, par M. Thiers. Tome IXe. » pp. 138-158

Dans le livre de Baylen, on suit d’un bout à l’autre le soulèvement de l’Espagne, les atroces cruautés de la populace mêlées à l’énergie du patriotisme, et qui le souillent si aisément en tout pays. […] Puis il passa à la littérature moderne, la compara à l’ancienne, se montra toujours le même en fait d’art comme en fait de politique, partisan de la règle, de la beauté ordonnée, et, à propos du drame imité de Shakespeare, qui mêle la tragédie à la comédie, le terrible au burlesque, il dit à Goethe : “Je suis étonné qu’un grand esprit comme vous n’aime pas les genres tranchés.”

1003. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Lettres de Mlle de Lespinasse. » pp. 121-142

Une année après, dans une lettre de Mlle de Lespinasse, datée de minuit (1775), on lit ces mots qui laissent peu de doute : « C’est le 10 février de l’année dernière (1774) que je fus enivrée d’un poison dont l’effet dure encore… » Et elle continue cette commémoration délirante et douloureuse, dans laquelle l’image, le spectre de M. de Mora, mourant à deux cents lieues de là, revient se mêler à l’image plus présente et plus charmante qui l’enveloppe d’un attrait funeste. […] Il ne paraît pas, en effet, que l’ordre et l’exactitude aient été au nombre des qualités de M. de Guibert : il brouille volontiers les lettres de son amie, il les mêle à ses autres papiers, il les laisse volontiers tomber de ses poches par mégarde en même temps qu’il oublie de cacheter les siennes.

1004. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) «  Mémoires et correspondance de Mme d’Épinay .  » pp. 187-207

On joue éperdument la comédie, et cette comédie n’est qu’un prétexte à se mêler, à s’isoler, à se retrouver sans cesse : « Ils sont là une troupe d’amoureux, écrit Mlle d’Ette à son chevalier. […] Toutefois, il faut bien en convenir, cet ouvrage, dans lequel la fiction est souvent mêlée à la réalité, n’a de véritable valeur historique que comme tableau, malheureusement trop fidèle, des mœurs d’une certaine classe de la société parisienne au milieu du xviiie  siècle, et ne saurait être opposé avec confiance, en ce qui concerne J.

1005. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Fontenelle, par M. Flourens. (1 vol. in-18. — 1847.) » pp. 314-335

Déjà, dans Thomas Corneille, ces qualités secondaires et purement spirituelles de son illustre frère se montraient plus ouvertement et, pour ainsi dire, sur le premier plan, n’étant plus tenues en bride et comme ramassées à l’ombre du génie ; mais, chez Thomas, il s’y mêlait encore de la verve et du feu de poésie. […] En s’adressant à sa belle marquise, il s’adresse à l’esprit de tous les ignorants, et à la fois il aime à se les figurer sous cette forme coquette et à y mêler ce jeu perpétuel qui va autoriser toutes ses finesses.

1006. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Le Brun-Pindare. » pp. 145-167

Dès lors, toutefois, des circonstances fâcheuses se mêlèrent à cette action digne, et vinrent trahir les côtés faibles du caractère de Le Brun. […] Buffon, en entendant réciter cette ode, se surprit à verser des pleurs ; et il s’y mêle, en effet, une impression touchante à travers la machine lyrique et la magniloquence du ton.

1007. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Œuvres de Louis XIV. (6 vol. in-8º. — 1808.) » pp. 313-333

La douceur pourtant, qui se mêlait à ses paroles, nous est singulièrement attestée et dépeinte dans ce beau passage de Bossuet : Qui veut entendre combien la raison préside dans les Conseils de ce prince, n’a qu’à prêter l’oreille quand il lui plaît d’en expliquer les motifs. […] L’idée de gloire, qui est inséparable de Louis XIV, s’y mêle, et, comme l’avenir aura un jour à s’occuper de ses actions, comme la passion et le génie des divers écrivains devront s’y exercer, il veut que son fils trouve là de quoi redresser l’histoire si elle vient à se méprendre.

1008. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « M. Necker. — I. » pp. 329-349

« Il était né penseur, et les pensées d’autrui ne pouvaient se mêler avec les siennes. » Ce qu’il devait être un jour, ce n’était que par un long travail intérieur qu’il était destiné à le devenir. […] Son esprit fin, ironique, dédaigneux, plein de nuances, se plaisait à observer un monde dont il voyait à merveille les exagérations et les légers ridicules, un monde dont il jouissait et dont il allait se servir sans jamais s’y mêler entièrement.

1009. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Monsieur Arnault, de l’Institut. » pp. 496-517

Les autres intérêts, qui s’y trouvent mêlés, les intérêts d’amour surtout, qui dominent dans les tragédies françaises, ne sont que de la comédie dans la tragédie. — Ce n’est qu’une comédie non plus, qu’un drame, si sérieux, si pathétique qu’il soit, tout y étant fondé sur les intérêts privés. […] Au milieu d’une vie occupée de devoirs administratifs ou mêlée au monde, c’était sa forme favorite de poésie morale ou légère.

1010. (1864) William Shakespeare « Première partie — Livre I. Shakespeare — Sa vie »

Ces ondes, ce flux et ce reflux, ce va-et-vient terrible, ce bruit de tous les souffles, ces noirceurs et ces transparences, ces végétations propres au gouffre, cette démagogie des nuées en plein ouragan, ces aigles dans l’écume, ces merveilleux levers, d’astres répercutés dans on ne sait quel mystérieux tumulte par des millions de cimes lumineuses, têtes confuses de l’innombrable, ces grandes foudres errantes qui semblent guetter, ces sanglots énormes, ces monstres entrevus, ces nuits de ténèbres coupées de rugissements, ces furies, ces frénésies, ces tourmentes, ces roches, ces naufrages, ces flottes qui se heurtent, ces tonnerres humains mêlés aux tonnerres divins, ce sang dans l’abîme ; puis ces grâces, ces douceurs, ces fêtes, ces gaies voiles blanches, ces bateaux de pêche, ces chants dans le fracas, ces ports splendides, ces fumées de la terre, ces villes à l’horizon, ce bleu profond de l’eau et du ciel, cette âcreté utile, cette amertume qui fait l’assainissement de l’univers, cet âpre sel sans lequel tout pourrirait ; ces colères et ces apaisements, ce tout dans un, cet inattendu dans l’immuable, ce vaste prodige de la monotonie inépuisablement variée, ce niveau après ce bouleversement, ces enfers et ces paradis de l’immensité éternellement émue, cet infini, cet insondable, tout cela peut être dans un esprit, et alors cet esprit s’appelle génie, et vous avez Eschyle, vous avez Isaïe, vous avez Juvénal, vous avez Dante, vous avez Michel-Ange, vous avez Shakespeare, et c’est la même chose de regarder ces âmes ou de regarder l’Océan. […] IV La vie de Shakespeare fut très mêlée d’amertume.

1011. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome I « Bibliotheque d’un homme de goût. — Chapitre VI. Des Livres qui traitent de la Rhétorique. » pp. 294-329

On a souvent mis en question, (& depuis que tout le monde se mêle de donner de nouveaux plans d’étude, on l’agite plus que jamais,) si la Rhétorique est nécessaire. […] Mêle chrétiennement l’agréable & l’utile.

1012. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre III : Concurrence vitale »

Entre les variétés d’une même espèce, la lutte doit être en général presque également sérieuse, et nous voyons souvent la victoire bientôt décidée : si par exemple plusieurs variétés de Blé sont semées ensemble, et si la semence mêlée en est ressemée, celles d’entre ces variétés qui conviennent le mieux au sol et au climat, ou qui sont par nature les plus fécondes, l’emportent sur les autres, donnent plus de graines, et conséquemment supplantent celles-ci en peu d’années. Pour maintenir en masse un mélange de variétés, même aussi voisines que le sont les Pois de senteur (Lathyrus odoratus) de diverses couleurs, il est nécessaire de les récolter chaque année séparément et d’en mêler la semence en proportion convenable ; autrement les essences les plus faibles décroissent rapidement en nombre jusqu’à disparition complète.

1013. (1868) Curiosités esthétiques « VI. De l’essence du rire » pp. 359-387

Le comique est une imitation mêlée d’une certaine faculté créatrice, c’est-à-dire d’une idéalité artistique. Or, l’orgueil humain, qui prend toujours le dessus, et qui est la cause naturelle du rire dans le cas du comique, devient aussi cause naturelle du rire dans le cas du grotesque, qui est une création mêlée d’une certaine faculté imitatrice d’éléments préexistants dans la nature.

1014. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Appendice. — [Rapport sur les primes à donner aux ouvrages dramatiques.] » pp. 518-522

Ici l’enseignement peut être plus direct et plus en relief ; le genre vertueux, pour le nommer par son vrai nom, peut être plus décidément encouragé : mais que le talent y mêle toujours le plus d’observation réelle et de vérité possible, il agrandira et passionnera ses effets.

1015. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « [Addenda] »

Vous la mêlez à des remerciements pour les uns, à des compliments pour les autres : ceci est un procès, et il faut traiter les affaires en affaires.

1016. (1874) Premiers lundis. Tome I « M. A. Thiers : Histoire de la Révolution française. Ve et VIe volumes. »

Que si cependant, par suite de certaines circonstances, l’homme ou plutôt la majorité des hommes qui forment une société vient à se prendre d’une passion unique et violente ; si cette société, comme il arrive en temps de révolution, en proie à une idée fixe, s’obstine à ce qu’elle prévaille, et, irritée des obstacles, n’y répond que par une volonté d’une énergie croissante, n’est-il pas évident alors que l’historien peut et doit tenir compte de cette disposition morale, désormais ordonnatrice toute-puissante des événements, la mêler à chaque ligne de ses récits, et les pénétrer, les vivifier tout entiers de cette force des choses, qui n’est après tout que la force des hommes ?

1017. (1874) Premiers lundis. Tome I « Vie, poésies et pensées de Joseph Delorme. Deuxième édition. »

Joseph la méprisa et par moments s’irrita contre elle ; par malheur, l’association romantique, formulée par la Restauration, était trop restreinte elle-même, trop artificielle et trop peu mêlée au mouvement profond de la société ; le Cénacle n’était après tout qu’un salon ; il s’est dissous après une certaine durée, pour se refondre, nous l’espérons, en quelque chose de plus social et de plus grand.

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