Rien n’a de substance ni de réalité ; toute chose est le rêve d’un rêve ; et la Vision de Brahma est un obscur poème qu’il faut lire sous le poids d’un grand soleil, quand la tête se vide, quand la mémoire fuit, quand la volonté se dissout, quand on reçoit des objets voisins des impressions si intenses qu’elles tuent la pensée, quand on sent sur soi de tous côtés la molle pesée de la vie universelle et que le moi y résiste à peine et voudrait s’y perdre tout entier, quand la vie arrive à n’être plus qu’une succession d’images sur lesquelles ne s’exerce plus le jugement et que l’on conserve juste assez de conscience pour souhaiter qu’elle s’évanouisse tout à fait, parce qu’alors il n’y aurait plus rien, plus même d’images, et que cela vaudrait mieux.
Comme en Grèce les poésies et les discours étaient ou improvisés ou récités de mémoire, on négligea de donner à l’écriture des caractères propres à diriger le lecteur à haute voix dans les intonations et dans les mouvements de son débit.
La théorie de l’action réflexe a remis en mémoire à M.
Entre deux fragments de mémoires nobles et douloureux, l’auteur a placé, d’une audace heureuse, le journal d’une perversité qui s’éveille.
Pour achever son éducation, son nouvel ami lui esquisse le plan du demi-monde, en traits mordants et profonds qui se gravent dans la mémoire pour n’en plus sortir.
De plus, la conscience de la volition présente, en la fixant dans la mémoire, lui assure une influence sur les volitions à venir.
Il est vrai qu’en remontant au tems et aux circonstances, où une chose sublime a été dite, on reconnoît bien qu’elle a dû étonner alors ; et on l’admire soi-même, en la regardant dans son origine : mais l’imitateur qui la répete, ne peut plus que surprendre l’estime de ceux qui l’ignorent, et qui prennent sa mémoire pour du génie.
Les proscriptions de Rome sous les Marius et sous les Sylla sont atroces, mais ces proscriptions mêmes font partie de l’histoire de Rome et défient la mémoire d’oublier le nom de cette tragédienne du vieux monde.
Les anciens tragiques ne pouvaient faire ces monologues, à cause des chœurs qui ne sortaient point du théâtre ; et si ma mémoire ne me trompe, hors celui qu’Ajax (dans Sophocle) fait sur le point de mourir au coin d’un bois pendant que le chœur est sorti pour le chercher, je ne crois pas qu’il s’en trouve un dans les trente-cinq tragédies qui restent.
Je le crois bien, c’est que vous étiez de grands hommes, et ces soi-disant philosophes ne sont que des polissons, dont la vanité voudrait jouer un rôle : cela n’empêche pas que les injures si souvent répétées ne fassent du tort à la mémoire des grands hommes.
Engel, Mémoires de l’Académie de Berlin.
Béquet aussi la plus grande partie de la scène VIII du second acte, de la scène que je me suis amusé à appeler « la scène de la Sylphide » ; car, ma foi, elle annonce la Sylphide des Mémoires d’outre-tombe de Chateaubriand, et il semble qu’elle en soit une parodie par avance : En fait d’amour, le cœur d’un favori des muses Est un astre vers qui l’entendement humain Dresserait d’ici-bas son télescope en vain. […] J’en pourrais citer beaucoup d’autres ; mais il ne faut pas charger les mémoires. […] Dès lors, le pays sauvé, et Constantin n’ayant à sauver que lui-même, il ne tuera pas son père « une seconde fois » en ternissant sa mémoire.
Étant homme de lettres, malgré tout et quoi qu’il en ait, il n’a pu complètement résister au désir de l’impression ; mais il se replie et rentre dans la retraite, avec délices ; il est l’homme du volume introuvable ; au fond, il regrette vraisemblablement la faiblesse qui l’a empêché de rester tout à fait inédit, et il appartient à la famille des Amiel, des Marie Bashkirstsef, des Maurice et des Eugénie de Guérin, de tous ces auteurs clandestins, grands rédacteurs de mémoires et de confessions, que l’horreur de la foule et la passion de la solitude contemplative réservent pour les gloires posthumes. […] Mais mon récit n’a raison d’être, que véridique. » Et plus loin : « Ce n’est pas un roman que j’écris et j’ai résolu de ne me pas flatter dans ces mémoires, non plus en surajoutant du plaisant qu’en dissimulant le pénible. » On lui accordera que le pénible y abonde plus que le plaisant.
Comme Young en terre étrangère, il est obligé d’ensevelir lui-même les restes de ceux qui lui sont chers ; mais il n’a pas, comme lui, en mémoire les rites de sa patrie et de sa religion ; il est au milieu des hommes, il est sur sa terre natale, et il est seul en esprit sur la terre. […] Ainsi un bel animal, chef-d’œuvre de la création : il marche, il s’élance, il franchit les hautes montagnes ; il respire, il sent, il a de la mémoire, il aime, il engendre.
Charles Edmond nous amène Tourguéneff, cet écrivain étranger d’un talent si délicat, l’auteur des Mémoires d’un seigneur russe, l’auteur de l’Hamlet russe. […] Chez Gavarni une mémoire extraordinaire des faces humaines, un moment entrevues.
Il n’a conservé dans sa mémoire que des souvenirs agréables, et, à force de sagesse, il est parvenu à se mettre à l’abri des sensations pénibles. […] Sa philosophie, qu’il aime à proclamer si bien coordonnée dans toutes ses parties qu’on n’en peut comprendre un fragment sans avoir tout ce qui le précède dans la mémoire, leur demeurait inconnue. […] Il en diagnostique les symptômes avec une rare précision11 ; avec l’éloquence vibrante et nerveuse d’un homme qu’exaspère un spectacle auquel il est forcé d’assister, il montre le Moi, cet ennemi, son ennemi personnel, s’étalant avec impudence dans les correspondances que publient des héritiers irrespectueux, dans les mémoires, dans les « journaux intimes » dont la lecture le met en fureur, pénétrant jusque dans le roman, où il est encore plus déplacé qu’ailleurs, sous l’œil bénévole d’une critique complaisante, gagnée par la contagion, complice des empoisonneurs, avec le scepticisme subversif et le subjectivisme criminel dont elle se targue. […] Il a reçu la même culture qu’eux — plus forte peut-être — à cause de ses exceptionnelles facilités d’érudit, d’une infatigable curiosité de toutes les choses écrites, d’une puissance de travail sans égal, d’une mémoire infaillible, il a grandi au milieu des mêmes circonstances, sous les mêmes influences. […] Car elles y ont pénétré assez profondément et les moyens de contrôle ne manquent pas : on peut s’en assurer dans les salons où l’on aime à causer morale ou métaphysique en prenant le thé ; on peut s’en assurer en consultant ses propres souvenirs, en cherchant dans sa mémoire les livres qu’on a le plus lus à vingt ans, ce qu’on demandait à ces livres, l’impression qu’ils vous ont laissée, la hâte, la violence et l’irrévérence avec lesquelles on s’est un jour, après une de ces lectures, délivré du lest de ses croyances d’enfant ; on peut surtout s’en assurer, hélas !
Les plus jeunes vantaient Byron et Lamartine, Et frémissaient d’amour à leur muse divine ; Les autres, avant eux amis de la maison, Calmaient cette chaleur par leur froide raison, Et savaient, chaque jour, tirer de leur mémoire, Sur Voltaire et Lekain, quelque nouvelle histoire.
Cette humble pierre sur une si glorieuse mémoire me parut l’achèvement de la destinée poétique de ce grand homme.
Impatient de parcourir les régions de l’équateur, je ne pouvais porter mes yeux vers la voûte étoilée du ciel, sans penser à la Croix du sud, et sans me rappeler en mémoire le sublime passage du Dante1. » — Tous les passagers, notamment ceux qui avaient déjà habité les colonies d’Amérique, partagèrent la joie que Humboldt ressentit à la vue de cette constellation.
Voilà ce que l’on disait dans les montagnes du père Hilario ; mais lui, il n’en disait jamais un mot dans ses entretiens avec nous ; on eût dit que san Francisco lui avait ôté la mémoire de ses amours ou qu’il lui avait mis le doigt du silence sur les lèvres ; il ne parlait jamais que de nous, des anciens de la cabane qu’il avait connus, des mariages, des naissances, des morts de la famille, de l’abondance ou de la rareté des châtaignes, du prix de l’huile pour les lampes du sanctuaire, et quelquefois des révolutions qui se passaient là-bas dans les plaines, à Florence, à Sienne, à Rome ou à Lucques.
Les unes peignaient les douleurs d’une longue captivité, les autres l’isolement, la privation barbare des dernières ressources ; et ne craigniez-vous pas que ces mots : ils ont enlevé le fils à la mère, ne dévorassent tous les souvenirs dont vous retraciez la mémoire !
Mais déjà dans les Poèmes saturniens se rencontrent des poésies d’une bizarrerie malaisée à définir, qui sont d’un poète un peu fou ou qui peut-être sont d’un poète mal réveillé, le cerveau troublé par la fumée des rêves ou par celle des boissons, en sorte que les objets extérieurs ne lui arrivent qu’à travers un voile et que les mois ne lui viennent qu’à travers des paresses de mémoire.
Il est à peu près impossible d’embrasser de pareils ensembles, de tenir à la fois présentes à sa mémoire toutes les parties qui devraient conspirer la beauté de l’œuvre et, par conséquent, de connaître au juste et d’apprécier cette beauté.
C’est à cause de cela qu’ils nous entrent si avant dans l’imagination et qu’ils nous restent dans la mémoire. — Les personnages des romans « psychologiques » redeviennent pour nous, la lecture finie, des ombres vaines.
Et nous allons en voir le fantôme la nuit, pour mémoire, au théâtre.
Les textes se cantonnaient bien dans ma mémoire ; ma tête était à l’état d’un Sic et non d’Abélard.
On me disait que Georges, l’ancien garçon à la mémoire extraordinaire, était devenu le sacristain d’une chapelle protestante de la rue Royale.
Deslyons, dans une note de cet écrit, devenu très rare et que possédait, si notre mémoire est bonne, Charles Nodier, cite un passage du grand antiquaire numismate de Venloo, Hubert Goltzius, où, à propos des embaumements, Goltzius mentionne les Égyptiens d’Eschyle, et l’Apothéose d’Orphée, titre omis dans Pénumération de Meursius.
Beautés à jamais célèbres, dont les noms sont placés dans notre mémoire à côté des héros de ce siècle fameux, combien vous deviez aimer Racine !
Car c’en sera une pour sa mémoire !
Tel mémoire de Letronne et d’Eugène Burnouf, en apparence étranger à tout souci de la forme, est un chef-d’œuvre à sa manière. […] Pour avoir des renseignements précis, le mieux serait sans doute de lire avec soin les mémoires et les correspondances ; çà et là, on trouverait des faits. […] La mémoire de l’homme hésite devant les gros bagages. […] Évidemment, les vers ont chance de vivre plus longtemps, si l’on envisage ainsi l’immortalité comme un simple résultat de l’exercice des mémoires dans nos écoles. […] Voilà donc la seule supériorité que je consente à reconnaître au poème sur le roman : il est plus court et il se retient avec plus de facilité, ce qui le fait choisir de préférence dans les écoles pour exercer la mémoire des élèves.
Vous me vîntes aussi à la mémoire, vous, mes amis de vingt ans, compagnons de mes premiers essais dans la vie. […] Il a des parties admirables et des parties stériles comme des mémoires où l’art manque de temps en temps, mais où la vérité éclate toujours.
C’est chez nous l’incomparable Molière, et Dieu sait que presque tout son théâtre, ses scènes célèbres, ses mots que tout le monde a dans la mémoire, c’est presque toujours un vol, vol dont les critiques lui font un mérite, mais moi, non. […] » À propos du portrait de Baudelaire, Stevens me raconte, qu’il l’avait vu à sa première perte de mémoire, au retour de chez un marchand, chez lequel il avait acheté quelque chose, et à qui, dans le premier moment, il n’avait pu donner son nom, et il ajouta que la désolation du pauvre diable faisait peine.
La critique négative est nécessaire ; il n’y a pas dans la mémoire des hommes assez de socles pour toutes les effigies : il faut donc parfois briser et jeter à la fonte quelques bronzes injustes et trop insolents. […] Les Déracinés sont moins un roman qu’une thèse de philosophie sociale ou encore autre chose, les premiers mémoires d’un conspirateur qui analyse son système et inspecte son arsenal. […] Mais l’habitude constante de l’auteur de Tête d’or est de puiser dans le souvenir de ses yeux ; il a une puissante mémoire visuelle ; il voit les pensées écrites dans les gestes de la nature : « Les hommes, comme des feuilles dans le magnifique Mai, se donnaient des baisers tranquilles » ; et ceci, d’une femme pleurant sur un cadavre : Voyez comme elle se penche, pareille au tournesol défleuri, Qui tourne tout entier son visage de graines vers la terre.
À une telle distance, des souvenirs transmis par deux ou trois générations pouvaient s’être un peu confondus dans la mémoire des concitoyens de Shakespeare ; cependant les professions n’étaient alors ni distinctes, ni multipliées comme elles le sont de nos jours, et rien n’eût été moins étrange à cette époque, surtout dans une petite ville, que la réunion des différents états qui tenaient au commerce des bestiaux. […] Aucun reproche grave ne peut, en aucun temps, avoir pesé sur un homme dont ses contemporains n’ont jamais parlé qu’avec une affection pleine d’estime, et que Ben-Johnson déclare « véritablement honnête », sans tirer de cette assertion l’occasion ni le droit de rapporter quelque trait honteux à sa mémoire, quelque tort connu que l’officieux rival n’eût pas manqué de constater en l’excusant. […] Cependant sa mémoire ne périssait point.
M. de Meulan avait pris pour secrétaire à gros appointements Collé, dont Mlle de Meulan, dans le Publiciste, jugea plus tard les Mémoires, et à quielle reconnaissait, à travers la gaieté, beaucoup d’honneur et d’élévation d’âme91.
Et au même moment, dans une lettre adressée au plus compromettant, au plus brouillon des prélats de France, il trouve moyen d’insulter un de vos ministres il prétend vous imposer sa destitution : ce qui ne s’était jamais vu de mémoire de roi dans l’ancienne France, durant les siècles de la religion gallicane.
Quand on a vidé les caveaux de Saint-Denis, on a fait plus que quand on a vidé un cimetière banal de Saint-Eustache : ici on déplace des ossements, là on profane des mémoires.
Il refusa de laisser imprimer l’Aminta : sa seule édition était dans la mémoire de Léonora, pour qui il avait écrit ce drame de naïf amour.
Sa mort, expliquée par la politique, avait ressemblé à un martyre ; sa mémoire, exécrée par les presbytériens d’Écosse et par les protestants d’Angleterre, fut adoptée par les catholiques comme celle d’une sainte.
, Hachette, in-16) ; Roederer, Mémoire pour servir à l’Histoire de la société polie en France, Paris, 1835, in-8 ; Livet, Précieux et Précieuses, Paris, 1859, in-8 ; Cousin, la Société française au xviie s. ; Mme de Sablé ; Mme de Hautefort ; la Jeunesse de Mme de Longueville ; Mme de Longueville et la Fronde, 6 vol. in-12, Paris, Didier ; E. de Barthélémy, la Comtesse de Maure, Paris, in-16 ; 1863.
Que c’est le dévêtement de la liberté et le revêtement de la mémoire).
Le dernier Angélus du soir que j’avais entendu rouler sur nos chères collines et le dernier soleil que j’avais vu se coucher sur ces tranquilles campagnes me revenaient en mémoire comme des flèches aiguës.
Dans le premier volume, paru en 1789, de ses fameux Mémoires ou Essais sur la Musique.
Nous arrivons enfin à cet admirable tableau, où elle forme avec Gurnemanz et Parsifal ce groupe qui est resté dans la mémoire de tous ceux qui ont pu le voir : le vieillard bénissant Parsifal assis et rayonnant dans sa robe blanche, tandis que Kundry lève les yeux sur lui, comme anéantie dans sa contemplation.
Mais Paris n’est pas masqué comme Venise et il a la mémoire de ses maîtresses.
d’indignes bateleurs avec d’honnêtes gens, dont la fonction exige, pour y exceller, de la figure, de la dignité, de la voix, de la mémoire, du geste, de l’ame, de l’esprit, de la connoissance des mœurs & des caractères ; en un mot, un grand nombre de qualités que la nature réunit si rarement dans une même personne, qu’on compte plus d’excellens auteurs, que d’excellens comédiens.
La mémoire alourdie de formules apprises, ils sont comme les pseudo-classiques de 1830, — les Casimir Delavigne et les Baour-Lormian, — qui traitaient des sujets romantiques dans le style et avec les habitudes d’esprit du xviiie siècle.
Deux observateurs consciencieux, Kœlreuter et Gærtner, ont consacré leur vie presque entière à l’étude de cette importante question, et il est impossible de lire les divers mémoires ou traités qu’ils ont publiés à ce sujet, sans acquérir la conviction profonde que le plus généralement les croisements entre espèces sont jusqu’à un certain point frappés de stérilité.
Ils ressemblent à l’homme instruit dont la mémoire chancelle, et qui reçoit avec plaisir de la bouche d’un interlocuteur le mot qu’il cherchait sans pouvoir le trouver.
En un mot, la singularité n’étonne que les hommes communs, C’est pourquoi on oublie si vite nos romans contemporains qui représentent des fous raffinés dans une ambiance de vide, tandis que nous gardons dans notre mémoire le souvenir des vieux contes sur les hommes communs dans un monde fou.
Puisque l’esprit des romanciers de cette heure n’a plus assez d’énergie pour créer sans avoir un modèle sous les yeux ou dans la mémoire, et que les mannequins sont devenus de première nécessité, en littérature !
Cela peut se concevoir à la rigueur pour l’animal, auquel il est permis de refuser la conscience, tout en lui attribuant, outre la sensibilité et la mémoire, une certaine intelligence et le sentiment confus de son individualité.
Je puis choisir, dit-on, ou beaucoup d’ans sans gloire, Ou peu de jours suivis d’une longue mémoire. […] Un autre témoignage de Voltaire est peut-être plus énergique, puisqu’il semble être échappé à son cœur dans l’épanchement d’un entretien familier ; on le trouve consigné dans les Mémoires de Le Kain. […] Les Mémoires de la marquise de Frêne avaient dans ce temps-là beaucoup de vogue : cette marquise avait été vendue par son mari à un corsaire.
Mon corps marche en avant, et mon âme retourne en arrière, rebelle : ainsi fait l’étoffe d’un drapeau que l’on porte contre le vent. » — « Ô belle, belle, tu pars, et jamais tu ne quitteras ma mémoire. […] Si j’avais été tué, un soupçon aurait toujours plané sur ma mémoire. […] Il veut que son parricide serve du moins la mémoire de son père. […] Il n’est d’ailleurs pas nécessaire que l’homme soit de premier rang pour que nous lui pardonnions ces épanchements ; et ce qui nous plaît encore de Marmontel, esprit médiocre, ce sont ses Mémoires familiers.
La comédie ne corrige personne, puisque, pour qu’elle corrigeât quelqu’un, il faudrait qu’on se reconnût dans les portraits qu’elle présente, ce qui n’arrive jamais, M. de Soyecourt a laissé un agréable souvenir dans la mémoire de Molière ; car il a tracé à nouveau sa silhouette en quelques vers dans le Misanthrope : Dans le brillant commerce il se mêle sans cesse, Et ne cite jamais que duc, prince ou princesse : La qualité l’entête ; et tous ses entretiens Ne sont que de chevaux, d’équipage et de chiens… L’École des femmes Dans l’École des femmes, Molière a repris la question et la thèse dont il s’était occupé dans l’École des maris, mais à un point de vue nouveau et assez différent, Dans l’École des maris, il était question surtout de l’éducation des filles ; dans l’École des femmes, il est question surtout de l’instruction des filles. […] Aussi bien, Monsieur Dandin n’avez-vous pas mémoire que vous vous êtes marié pour avoir des enfants gentilshommes ? […] Tiens, voilà un louis d’or ; mais je te le donne pour l’amour de l’humanité. » « Cette scène, convenable au caractère impie de Don Juan, mais dont les esprits faibles pouvaient faire un mauvais usage, fut supprimée à la seconde représentation, et ce retranchement fut peut-être cause du peu de succès de la pièce. » Est-il assez singulier que Voltaire, d’abord connaisse si peu la mentalité du parterre de 1665 qu’il s’imagine que la scène du pauvre aurait fait le succès de la pièce ; ensuite que de cette scène, qu’il cite sans doute de mémoire, il oublie tout l’essentiel ? […] Remarquez en passant qu’Argan est avare aussi de son bien, ce qui est fort naturel, et réduit farouchement les mémoires de Monsieur Fleurant. […] Elle est intellectuelle, elle est littéraire en ce qu’elle a l’âme la plus livresque qui se puisse, une âme de cabinet de lecture, et quand elle sera tout à fait vieille, die écrira ses mémoires où l’univers apprendra qu’il a été amoureux d’elle pendant un demi-siècle et qu’elle l’a désespéré par les escarpements de sa vertu.
Aucun ne laissera même pas quelques pages volantes de ces mémoires piquants et joliment bavards, comme beaucoup en écrivaient au dix-huitième siècle. […] On a beau multiplier les monuments et les statues en l’honneur des médiocres heureux, rien ne demeure de ces constructions frêles et de ces fragiles images ; le temps use les mauvaises pierres aussi vite que les mauvais talents, il efface sur les bronzes durs, ainsi que sur la molle mémoire des hommes, les noms qui y furent gravés par la routine et par l’ignorance. […] Ces réserves faites, j’ai entendu, au cours de ce livre qui remue tant d’hommes et secoue tant d’idées, qui dévoile tant d’intimités, qui brave tant de confidences et ramasse tant d’indiscrétions, qui a très souvent la gaillardise et l’irrespect des mémoires secrets, j’ai entendu comme un écho précurseur de la postérité. […] Stuart Mill, qui n’était pas un fantaisiste, en sa qualité de logicien, mais qui aimait la musique, comme la seule consolation aux angoisses morales qui l’assaillirent durant une période critique de sa vie, faillit devenir fou à la pensée soudaine que les accords musicaux pouvaient s’épuiser : « L’octave — écrit-il dans ses Mémoires — se compose de tons et de demi-tons, qui ne peuvent former qu’un petit nombre de combinaisons, dont quelques-unes seulement sont belles.
. — Les Mémoires de Grammont. — Différence de la débauche en France et en Angleterre. […] Il les perdit, épousa une femme de mauvaises mœurs, se ruina, resta sept ans en prison pour dettes, passa le reste de sa vie dans les embarras d’argent, regrettant sa jeunesse, perdant la mémoire, écrivaillant de mauvais vers qu’il faisait corriger par Pope avec toutes sortes de tiraillements d’amour-propre, rimant des obscénités plates, traînant son corps usé et son cerveau lassé à travers la misanthropie et le libertinage, jouant le misérable rôle de viveur édenté et de polisson en cheveux blancs. […] Mémoires de Clarendon, t.
Et petit à petit, se lève pour moi, de son récit, de la mémoire de la journée, un paysage tout original et tout charmant, pour un roman de guerre. […] Ces hommes ont une pâleur particulière, avec un regard vague qui m’est resté dans la mémoire. […] J’étais resté le dernier du plat… Olready, lui, quand je suis sorti, faisait vingt-deux jours de cale. » « C’est drôle, au premier repas que j’ai fait dehors, quand j’ai trouvé une fourchette à côté de mon assiette, il m’a fallu un petit effort de mémoire pour savoir à quoi ça servait… » 3 décembre La composition, la fabulation, l’écriture d’un roman : belle affaire !
J’ai vu quelques rameaux de l’arbre de la gloire, Poussant avec vigueur leurs jets aventureux, Se pencher, il est vrai, sur l’onde sans mémoire De ce Léman vaudois que domine Montreux.
Il y a des pensées qui nous jouent le même tour ; elles se blottissent dans un coin de notre cerveau ; c’est fini ; elles sont perdues ; impossible de remettre la mémoire dessus.
Les ennemis du poète l’accusaient d’avoir acheté les mémoires de Guillot Gorju : c’est une fable, mais vraie d’une vérité de légende.
je pense qu’il faut se relever les manches et fouiller dans la loge des portiers et l’idiotisme des bourgeois : il y a un nouveau monde pour celui qui sera assez fort pour mettre la main dessus ; je pense que le génie est une mémoire sténographique… Je pense… je pense…, voilà ce que je pense !
Dans la mémoire du peuple.
II Une page entre autres m’a frappé dans Opéra et Drame, un des ouvrages théoriques les plus importants de Richard Wagner, et je la traduis de mémoire.
Mais elle est bien diffuse, bien incomplète aujourd’hui, la mémoire de ces pièces, et d’autres encore faites il y a près de trente ans, et que nous avons brûlées dans un jour, où nous ne voulions laisser rien de trop indigne de nous.
. — Don Juan, je ne sais pas… Et puis c’est peut-être pour l’Espagne seulement… quant à moi, je suis sûr de mon chiffre… J’ai une mémoire extraordinaire… je pourrais vous dire le nombre des Alice, des Laure… tenez, en Orient, j’ai couché avec plus de mille Fatma.
« Cependant la littérature sanscrite, grâce aux travaux des savants anglais dans l’Inde, acquérait de jour en jour une plus grande extension, et leurs mémoires de plus en plus intéressants, consignés dans le premier recueil des Asiatic-Researches, finirent par éveiller ma curiosité, au point que je me déterminai un beau jour (c’était vers la fin de 1806) à essayer de comprendre quelque chose à l’indigeste compilation dont je viens de parler, et je me suis mis à bégayer l’alphabet.
Mais mes premières relations dans la presse ne sont jamais sorties de ma mémoire.
Prestwich, dans ses remarquables mémoires sur les dépôts Éocènes de France et d’Angleterre, a pu établir un étroit parallélisme entre les étages successifs des terrains des deux contrées ; mais, lorsqu’il compare certains terrains anglais avec les dépôts correspondants de France, bien qu’il trouve entre eux un curieux accord dans le nombre des espèces de chaque même genre, cependant les espèces elles-mêmes diffèrent d’une manière très difficile à expliquer, si l’on prend en considération la proximité des deux régions.
Tout en conservant à la conscience des facultés comme la sensibilité, la mémoire, l’imagination sensible, que Maine de Biran avait reléguées dans la vie animale, Jouffroy admet avec Platon, Aristote, Descartes, Maine de Biran, une âme qui vit d’elle-même et par elle-même, qui agit, s’observe, se contemple dans les profondeurs de son essence, se voit elle-même et elle seule, en un mot, une âme à part du monde extérieur.
Si la cellule n’avait pas de mémoire, la conscience serait éternellement impuissante à interpréter ses impressions et ne parviendrait jamais à une représentation du monde extérieur. […] La première condition d’une activité cérébrale normale est donc la mémoire. […] Elle a de la mémoire pour l’excitation qu’elle a conduite, comme la cellule pour celle qu’elle a transformée en aperception et en mouvement. […] L’accomplissement de sa tâche est rendu possible au cerveau par la mémoire, et le mécanisme par lequel la mémoire est mise au service de la connaissance est l’association d’idées. […] Il enrichit leur mémoire de sons, non d’images nettement dessinées de la réalité.
« Nous pouvons observer, dit-il, que c’est ordinairement dans le milieu des cités, aux endroits les mieux garantis, les plus beaux et les plus marquants, qu’on choisit une place pour les statues et les monuments dédiés à la mémoire des hommes de bien qui ont noblement mérité de leur patrie ; pareillement nous devrions dans le cœur et le centre de notre âme, dans le meilleur et le plus riche de ses logis, dans les endroits les plus exposés à la vue ordinaire et les mieux défendus contre les invasions des pensées mondaines, élever des effigies vivantes et des commémorations durables de la bonté de Dieu832. » Il y a ici comme une effusion de gratitude, et sur la fin du discours, quand on le croit épuisé, l’épanchement devient plus abondant par l’énumération des biens infinis, où nous nageons comme les poissons dans la mer, sans les apercevoir, parce que nous en sommes entourés et inondés. […] Mémoires de Walpole, t.
Quand les livres saints et les Pères eurent ôté de ses mains, pour quelques années, les auteurs païens, il continua de les lire dans sa mémoire, entretenant ainsi, parmi ses austères études, des impressions de poésie et d’art qui ne s’effacèrent jamais. […] Bossuet commence par être le sujet d’un article pour un auteur de mémoires graveleux, et l’occasion d’une pointe pour un poète à la mode !
Le langage a ses « centres de mémoires d’images spéciales ». […] Elle imagine que son bien-aimé vivra éternellement, sorte de Béatrix-homme, dans la mémoire des femmes : Mes vers vous font un coin éternel dans l’espace, Tous vous ignoreront… mais des yeux aussi purs Que les miens, mon Héros, en des printemps futurs, S’ouvriront doucement, dans des clartés suprêmes Pour vous chercher, ô vous qu’ont chanté mes poèmes !
Ses habitudes étaient simples, et il semblait aussi heureux que jamais, même au bord de sa ruine. » Un de nos amis, de modeste et douce mémoire, feu d’Ortigues, a dit un beau mot sur Ballanche : « C’était un innocent, mais parfois un innocent sublime. » — Et un mot de M. de Barante : « Il vivait dans un nuage, mais le nuage s’entr’ouvrait quelquefois. » 1.
je le sais bien, moi, dit Thérésina : nous en étions à ce chant, si malheureusement interrompu par notre voyage, où le beau Médor, ce jeune Sarrasin, si tendre et si courageux de cœur pour sauver le corps de son maître mort, est blessé par les féroces Écossais de Zerbin, et où la belle Angélique, touchée de sa jeunesse et de sa beauté, va cueillir des simples dans les prés pour guérir ce charmant païen. » Léna sourit légèrement en admirant la mémoire heureuse de la jeune fille : « Qu’aurait-elle pu retenir de plus analogue à son âge et à son imagination d’enfant ?
« Je le reconnus aussitôt, et je fus saisi d’un frémissement subit ; mais lui : Rassure-toi, Scipion, me dit-il ; bannis la crainte, et grave ce que je vais te dire dans ta mémoire.