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950. (1841) Matinées littéraires pp. 3-32

L’instruction que trouve l’enfance dans les collèges, dans les pensionnats et dans l’intérieur des familles est nécessairement élémentaire, et les institutions du collège de France et de l’Université n’ont été fondées que pour donner à la jeunesse une seconde instruction, sans laquelle la première devient bientôt à peu près inutile. […] La jeunesse s’en va, la vieillesse arrive ; nous les retrouvons toujours fidèles ; ils ont été nos guides, ils deviennent nos soutiens, et leur immortalité nous console de la mort et nous aide à mourir. […] Combien nous préférons ces jeux de la Grèce où la jeunesse d’Athènes, à peine vêtue, venait se disputer à la course le prix d’une vigoureuse agilité, à ces ignobles joutes où, après avoir enfermé les jambes du coureur dans un sac, on lui dit Cours !

951. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Conclusion »

Quant aux jeunes qui sont encore débattus, dont quelques-uns n’ont pas fini de se débattre avec eux-mêmes, l’avenir dira si leur âge viril a tenu les promesses de leur jeunesse et réalisé des espérances que je partage avec les plus prévenus de leurs amis. […] Écho discret des enthousiasmes passagers de la jeunesse d’avant 1830, inventeur timide d’un art de transaction entre la grande tradition classique et la nouvelle école, Casimir Delavigne est plutôt un talent imposant qu’un vrai poète. […] Ce qu’il a gagné à cette sévérité envers lui-même, ce ne sont pas seulement quelques vers redressés par l’enclume, c’est l’inspiration vraie retrouvée sous ce qui n’en était que l’apparence ; c’est, en plus d’une pièce, au lieu des « trompeuses amorces » de la poésie, la poésie elle-même se révélant tout entière, sur le tard, à un cœur où s’est conservée la sensibilité première, à un esprit mûr qui a gardé la jeunesse.

952. (1888) Préfaces et manifestes littéraires « Romans et nouvelles » pp. 3-80

Jules Janin parlant tout le temps de notre livre, nous fouettait avec de l’ironie, nous pardonnait avec de l’estime et des paroles sérieuses, et présentait notre jeunesse au public en l’excusant, en lui serrant la main : une critique à la fois très blagueuse et très paternelle. […] La Jeune Bourgeoisie, le titre sous lequel mon frère et moi annoncions le roman, avant qu’il fût terminé, ne définissait-il pas mieux l’analyse psychologique que nous tentions, en 1864, de la jeunesse contemporaine ? […] C’était un morceau de notre vie, un meuble de notre appartement, une épave de notre jeunesse, je ne sais quoi de tendre et de grognon et de veilleur à la façon d’un chien de garde que nous avions l’habitude d’avoir à côté de nous, autour de nous, et qui semblait ne devoir finir qu’avec nous.

953. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Notes et éclaircissements. [Œuvres complètes, tome XIII] »

      Et comme il peint cette princesse,       Riche de grâce et de jeunesse, Tout à coup arrêtée au sein du plus beau sort, Et des sommets riants d’une gloire croissante,       Et d’une santé florissante,       Tombant dans les bras de la mort ! […] L’un qui, dès sa jeunesse errant et rebuté, Nourrit dans les affronts son orgueil révolté, Sur l’horizon des arts sinistre météore, Marqua par le scandale une tardive aurore, Et, pour premier essai d’un talent imposteur, Calomnia les arts, ses seuls titres d’honneur, D’un moderne cynique affecta l’arrogance, Du paradoxe altier orna l’extravagance, Ennoblit le sophisme, et cria vérité ; Mais par quel art honteux s’est-il accrédité ? […] IV, chap. 5] Voici ce que Montesquieu écrivait en 1752 à l’abbé de Guasco : « Huart veut faire une nouvelle édition des Lettres Persanes ; mais il y a quelques Juvenilia que je voudrais auparavant retoucher. » Sous ce passage on trouve cette note de l’éditeur : « Il a dit à quelques amis que s’il avait eu à donner actuellement ces Lettres, il en aurait omis quelques-unes dans lesquelles le feu de la jeunesse l’avait transporté ; qu’obligé par son père de passer toute la journée sur le Code, il s’en trouvait le soir si excédé, que pour s’amuser il se mettait à composer une Lettre Persane, et que cela coulait de sa plume sans étude. » (Œuvres de Montesquieu, tom. 

954. (1913) La Fontaine « V. Le conteur — le touriste. »

Il y a quelque chose à la fois de touchant, de mélancolique et de grave dans cette espèce d’avertissement donné à la jeunesse présomptueuse. […] Et ce qu’il y a de charmant dans cette fable, c’est précisément le contraste parfaitement voulu, parfaitement médité et concerté, le contraste entre la jeunesse présomptueuse qui n’accorde même pas au vieillard la liberté, la licence de travailler en quelque sorte à long terme ; et, tout au contraire, cette sorte de méditation du futur qui accompagne le vieillard dans son labeur et qui lui fait dire : Voilà des jeunes gens qui me suppriment dans leur pensée, et moi, c’est à des gens qui ne sont pas encore, c’est à mes arrière-neveux que je songe déjà   Voilà une très jolie leçon de sagesse, tout à fait dans la manière d’Horace en même temps que dans la manière de Virgile, une très jolie leçon de sagesse antique avec quelque chose, je crois, de plus attendri, de plus doux, de plus mouillé de la tendresse moderne et de la tendresse, j’allais dire chrétienne, mais il ne faut pas dire chrétienne, en parlant de La Fontaine, ce serait trop une erreur, enfin d’une tendresse qui avoisine déjà le christianisme et qui en a senti quelque légère influence. […] Vous savez que, jusqu’à la fin, l’admiration pour les jeunes filles a été une de ses manies, un de ses péchés légers ; jusqu’à la fin, il a jeté des regards du côté de la jeunesse féminine ; chez les Herwart, à la campagne, il tombait en extase devant une toute jeune fille, à ce point que, pour revenir à Paris, il s’égarait dans ses rêveries et dans les chemins, et finissait par s’apercevoir qu’il avait tourné absolument le dos au but de son voyage.

955. (1925) Feux tournants. Nouveaux portraits contemporains

Et l’honneur français, la jeunesse, l’amitié, voilà les thèmes qu’il maintient, et auxquels Philippe Barrès accorde ses premières musiques. […]Jeunesse, insouciance, travaux paisibles, charmantes escapades, que ces mots sont démunis de sens, privés aujourd’hui de leurs échos ! […] Mais sa jeunesse, il ne pourra la connaître, il ne l’utilisera donc pas. […] Cela devait lui rappeler sa jeunesse, et sa chambre de petit professeur de piano qu’il avait rue Lamennais. […] Mais il avait alors de quoi se faire estimer d’eux : une jeunesse, de la gaîté innocente et un esprit sportif.

956. (1898) Manuel de l’histoire de la littérature française « Livre II. L’Âge classique (1498-1801) — Chapitre III. La Déformation de l’Idéal classique (1720-1801) » pp. 278-387

2º La Jeunesse de Voltaire. — Sa famille et ses origines bourgeoises [Cf. ci-dessus les articles Molière, Boileau, Regnard] ; — son éducation au collège de Clermont ; — ses premiers maîtres [les PP.  […] Maugras, La Jeunesse de Mme d’Épinay, Paris, 1882 ; — L.  […] Eugène Ritter : La Famille de Jean-Jacques Rousseau, 1878 ; Nouvelles recherches sur les Confessions, 1880 ; La Jeunesse de Jean-Jacques Rousseau, 1896 ; — de M.  […] L’enfant terrible du parti : Victor de Riquetti, marquis de Mirabeau [Perthuis en Provence, 1715 ; † 1789, Argenteuil]. — Sa jeunesse tapageuse, et sa première campagne, 1734 ; — sa liaison avec Vauvenargues [Cf.  […] 2º L’Homme et l’Écrivain. — Sa famille et son éducation ; — sa jeunesse aventurière ; — ses voyages en Allemagne, — en Hollande, — en Russie. — Un enfant chéri des dames [Cf. 

957. (1862) Cours familier de littérature. XIV « LXXXe entretien. Œuvres diverses de M. de Marcellus (3e partie) et Adolphe Dumas » pp. 65-144

Quand vous allez parmi vos chefs faire entendre vos conseils, il vous sied à vous-même d’avoir des habits sans tache ; vous avez dans vos palais cinq fils mariés, et trois dans la fleur de la jeunesse. […] « J’aime à vous voir évoquer sous nos yeux la grande figure du poète créateur qui enchanta ma jeunesse, et me guida dans l’Orient au vif éclat de sa lumière ; j’aime également à retrouver dans son dernier historien la voix du chantre de ces Méditations qui, dès leur berceau, m’apparurent sous le même ciel, et m’apportèrent, aux rives de Scio et de Smyrne, de douces et mélancoliques jouissances. […] J’ai été sceptique dans ma jeunesse, un grand amour m’a ramené à une grande foi ; je me suis lavé avec les larmes de saint Augustin, ce fils converti par sa mère. […] Il m’adressa une fois une très belle épître en français, et j’y répondis comme un écho qui se souvient d’avoir été une voix dans sa jeunesse.

958. (1863) Cours familier de littérature. XV « LXXXVIIIe entretien. De la littérature de l’âme. Journal intime d’une jeune personne. Mlle de Guérin » pp. 225-319

XI Le père de M. de Guérin avait émigré tout jeune, mais son extrême jeunesse même avait empêché que la petite fortune de la famille ne fût confisquée. […] Ces figures d’autrefois font plaisir, il semble qu’elles ramènent la jeunesse. » Le 6 décembre. […] Mais sa jeunesse avait été très intéressante par ce contraste entre sa naissance et sa condition à Paris. […] Les confidences de l’espérance et de la jeunesse, pleines d’illusions, sont moins touchantes que celles de la dernière heure.

959. (1863) Cours familier de littérature. XVI « XCVIe entretien. Alfieri. Sa vie et ses œuvres (1re partie) » pp. 413-491

Et ainsi finit le récit de sa jeunesse. […] Mais quand j’ai imprimé ce livre, je n’ai pas voulu, avec le froid des années et le pédantisme de mon petit savoir, étouffer le feu de la jeunesse, et la généreuse, la légitime indignation que j’y vois briller à chaque page, et dont l’éclat n’ôte rien à une sorte de franche et véhémente logique qui me paraît y dominer le reste. […] Dans l’ardeur bouillante de cet âge, raisonner et juger n’étaient peut-être qu’une noble et généreuse manière de sentir. » XII Ici nous approchons du seul véritable intérêt de cette vie, l’amour conçu par Alfieri pour la comtesse d’Albany, reine légitime d’Angleterre, se rendant alors à Florence avec son vieux mari, le prétendant Charles-Édouard, héros de roman dans sa jeunesse, découragé et avili par l’adversité. […] Mais à l’approche de l’hiver, qui, à Sienne, n’est nullement agréable, comme d’ailleurs je n’étais pas encore bien guéri de ce besoin de changer de lieux, qui est une maladie de la jeunesse, au mois d’octobre, je me décidai à aller à Florence, sans savoir au juste si j’y passerais l’hiver, ou si je m’en retournerais à Turin.

960. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « IX »

Dans le premier poème ils exigeaient simplement des Dieux, en paiement de Walhall, le trésor de leurs ennemis, les Nibelungs : ici, au contraire, c’est Freia, la déesse de la jeunesse et de la beauté qu’ils ont voulu gagner, « pour qu’une femme vienne habiter chez nous autres, pauvres géants, une femme belle et douce ». […] Mais à mesure que le désir de le faire s’accentuait, il s’apercevait « que l’œuvre, dans cette forme-là, n’était point viable sur la scène » (iv, 416). — Pour essayer ce parer autant que possible aux défauts de cette pièce, il imagina, dans les premiers mois de 1851, de mettre sur la scène la jeunesse ce Siegfried (telle qu’il l’avait déjà conçue dans son Esquisse de drame), et de montrer dans cet autre opéra quelques-uns des exploits dont on parlait dans le premier ; il écrivit donc un poème d’opéra intitulé le Jeune Siegfried, qu’il termina le 24 juin 1851. […] D’ici le jour voulu, ils écoutent, « en ce théâtre que tout homme a dans l’esprit », l’écho du prodigieux cantique que Wagner entonna, de ce vaste chant séculaire, regret des antiques jeunesses, aspiration vers la Patrie chrétienne. […] Chamberlain cite ici des œuvres de jeunesse de Wagner totalement oubliées aujourd’hui et restées à l’état d’ébauches.

961. (1857) Cours familier de littérature. IV « XXe entretien. Dante. Deuxième partie » pp. 81-160

Son frère, Paolo Malatesta, était, par sa jeunesse, par sa beauté et par son caractère, le contraste le plus dangereux pour le cœur de Francesca. […] C’est que l’émotion, par tout ce qui constitue le beau dans l’expression, y est complète et pour ainsi dire infinie : la jeunesse, la beauté, la naïve innocence de deux amants qui ne se défient ni d’eux-mêmes ni des autres ; leurs deux fronts penchés sur le même livre, qui, semblable à un miroir à peine terni par leur haleine confondue, leur retrace et leur révèle tout à coup leur propre image, et les précipite, par la fatale répercussion du livre contre leur cœur et du cœur contre le cœur, dans le même délire et dans la même faute. […] « Trois fois », dit-il, « je passai mes bras derrière elle pour la serrer contre mon cœur, et trois fois mes bras vides revinrent frapper ma poitrine. » Cette âme est celle d’un musicien de ses amis qui lui chante un des vers amoureux de la jeunesse de Dante : Amour, qui dans le cœur me parles ! […] La sainteté de l’âme béatifiée, le ressentiment amoureux de la femme, la honte silencieuse de l’amant infidèle, la foi du chrétien repentant, la joie du poète qui retrouve sa jeunesse, son innocence et sa vertu dans la première créature qu’il a aimée, y sont fondus dans une telle harmonie de couleurs, de sentiments, de remords, de joie, de larmes, d’adoration, qu’ils rendent à la fois le drame aussi divin qu’humain dans l’âme des deux amants sur les confins des deux mondes.

962. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Mézeray. — I. » pp. 195-212

Tout cela est vrai ; mais, si Mézeray n’avait été que ce satirique et ce cynique que nous montrent certains biographes, il est douteux qu’il eût entrepris une œuvre aussi pénible et d’aussi longue haleine que sa grande Histoire : pour que cette noble ambition le saisît, il fallait que sa jeunesse s’inspirât des grandes choses auxquelles elle assistait, qu’il se sentît fier, comme il le dit, d’être d’une nation si généreusement conduite, si hautement relevée et honorée aux yeux de l’Europe par l’habileté vaillante de ses chefs. […] Je me trompe pourtant d’appeler cela un règne, ce fut une anarchie continuelle : d’autant qu’il vint à la couronne à treize ans ; il fut sous des régents plusieurs années, et puis, étant venu en âge, tomba sous la captivité de ses favoris, et à vingt-six ans en cette longue maladie qui mit presque cette monarchie au tombeau… Si bien que toute sa vie n’a été qu’une folie ou de cerveau ou de jeunesse, et, ni sain ni malade, il n’a jamais eu une once de bon conseil et de forte résolution, mais a toujours été hors de lui-même, ayant été en tout temps possédé par ceux qui l’obsédaient, et ferme seulement en un point, qui était de se changer à l’appétit de tous ceux qui se saisissaient de lui.

963. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Froissart. — I. » pp. 80-97

Jamais il ne se vit de curiosité plus vive, plus éveillée, plus enjouée, plus universelle ; jamais la vie extérieure avec tous ses accidents ne se peignit dans une imagination plus ouverte, plus avide, plus franchement amusée que la sienne : En ma jeunesse, dit-il en des vers que je traduis le plus légèrement que je peux, j’étois tel que je m’ébattois volontiers, et tel que j’étois, encore le suis-je aujourd’hui. […] Et pour vous informer de la vérité, je commençai jeune dès l’âge de vingt ans ; je suis venu au monde avec les faits et les événements, et y ai toujours pris grand’plaisance plus qu’à autre chose ; et Dieu m’a fait la grâce d’avoir toujours été de toutes les cours et hôtels des rois, et spécialement de l’hôtel du roi Édouard d’Angleterre et de la noble reine sa femme, Madame Philippe de Hainaut, de laquelle en ma jeunesse je fus clerc et secrétaire.

964. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Œuvres complètes de Buffon, revues et annotées par M. Flourens. » pp. 55-73

La jeunesse pourtant et les premiers débuts de Linné furent pénibles ; il eut à triompher des rigueurs et des obstacles de la pauvreté, comme Buffon, dans un autre sens, eut à s’arracher de l’écueil du plaisir et de l’opulence. […] Moi qui ai lu toute une correspondance de lui, des lettres de sa jeunesse et de son âge mûr, j’en ai reçu une impression indélébile.

965. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Sylvain Bailly. — II. (Fin.) » pp. 361-379

Il avait depuis peu (novembre 1787) assuré son bonheur domestique en épousant une femme qui avait eu autrefois une grande beauté, qui en gardait quelque chose, veuve, ayant déjà passé les belles années de la jeunesse, mais qui avait été l’amie intime de sa mère : il la voyait telle encore qu’il l’avait vue au premier jour. […] Ceci doit être dit pour la consolation des honnêtes gens et pour l’encouragement de la jeunesse à suivre le droit chemin.

966. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Ramond, le peintre des Pyrénées — III. (Fin.) » pp. 479-496

J’ai vu les hautes Alpes, je les ai vues dans ma première jeunesse, à cet âge où l’on voit tout plus beau et plus grand que nature ; mais ce que je n’y ai pas vu, c’est la livrée des sommets les plus élevés revêtue par une montagne secondaire. […] Son herbier, c’était bien, en effet, les mémoires les plus vifs et les plus parlants au cœur pour celui qui avait dit aux belles heures de sa jeunesse : « l’odeur d’une violette rend à l’âme les jouissances de plusieurs printemps ».

967. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Journal du marquis de Dangeau — II » pp. 18-35

Notez que Dangeau était lui-même un ancien protestant converti dès sa jeunesse ; il ne paraît jamais s’en ressouvenir. […] Le roi, bien qu’il n’ait pas encore à cette date la cinquantaine, n’est plus jeune et n’a plus rien de la jeunesse.

968. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Charron — II » pp. 254-269

Quant au fond, il recommande tout ce que son maître a également recommandé, de ne point laisser les valets ni servantes embabouiner cette tendre jeunesse de sots contes ni de fadaises ; de ne pas croire que l’esprit des enfants ne se puisse appliquer aux bonnes choses aussi aisément qu’aux inutiles et vaines : « Il ne faut pas plus d’esprit à entendre les beaux exemples de Valère Maxime et toute l’histoire grecque et romaine, qui est la plus belle science et leçon du monde, qu’à entendre Amadis de Gaule… Il ne se faut pas délier de la portée et suffisance de l’esprit, mais il le faut savoir bien conduire et manier. » Il s’élève contre la coutume, alors presque universelle, de battre et fouetter les enfants ; c’est le moyen de leur rendre l’esprit bas et servile, car alors « s’ils font ce que l’on requiert d’eux, c’est parce qu’on les regarde, c’est par crainte et non gaiement et noblement, et ainsi non honnêtement. » Dans l’instruction proprement dite, il veut qu’en tout on vise bien plutôt au jugement et au développement du bon sens naturel qu’à l’art et à la science acquise ou à la mémoire ; c’est à cette occasion qu’il établit tous les caractères qui séparent la raison et la sagesse d’avec la fausse science. […] À propos de certaines locutions de la langue française, à l’article faire croire ou faire accroire, Scipion Du Pleix, dans sa polémique contre les novateurs, disait : « Il me souvient que René Charron, Parisien (que j’ai connu familièrement en ma jeunesse, lui étant théologal à Condom), homme plus signalé par la pureté de son style que par celle de sa croyance, rejetait et condamnait ce verbe accroire et disait toujours faire croire.

969. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Henri IV écrivain. par M. Eugène Jung, ancien élève de l’École normale, docteur es lettres. — I » pp. 351-368

Henri, à cette distance et séparé de ce qu’il aimait, n’était pas homme à être longtemps ni exactement fidèle ; il pouvait l’être de cœur et de pensée, mais cela ne suffisait pas à la comtesse, qui d’ailleurs était défiante, comme n’étant plus de la première jeunesse : elle avait un fils déjà grand qui servait près de Henri. […] On aime à voir, dans le politique consommé qu’il devint, l’homme qui a hérité de ses divers âges, et qui a gardé de sa jeunesse, jusque dans l’expérience finale, un fonds d’indulgence, de bonne humeur et de bonté.

970. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Santeul ou de la poésie latine sous Louis XIV, par M. Montalant-Bougleux, 1 vol. in-12. Paris, 1855. — I » pp. 20-38

Il y a des hommes qui ne savent être qu’une chose, que de bonne heure une seule idée et une seule fumée remplit, et en qui une faculté irrésistible agit dès la jeunesse avec la force, la sagacité et aussi l’aveuglement d’un instinct. […] Pellisson qui, depuis qu’il s’était converti, avait beaucoup de zèle, et qui de plus avait titre et qualité spéciale d’économe de Cluny, engagea un jour Santeul à mieux employer son talent, et à faire des chants religieux, des hymnes qui lui seraient une occupation également lucrative et plus décente, plus digne d’un religieux : « Laissez là, lui disait-il, tous ces artifices menteurs des muses et d’Apollon ; c’est assez donner à Phébus et aux muses ; ces sortes de jeux ne siéent qu’à la jeunesse, et, pour n’être que des jeux, on y trouve aussi quelque gloire.

971. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Sénecé ou un poète agréable. » pp. 280-297

Des aventures romanesques vinrent agiter et disperser sa jeunesse. […] Il se compare à Clément Marot, poète et valet de chambre également, et qui s’est mal trouvé en Cour des accusations et calomnies de ses ennemis ; mais Sénecé n’a pas d’ennemis, il n’a pas été calomnié ; à lui, il ne lui est arrivé qu’un accident bien simple : une mort de reine l’a dégagé d’une domesticité honorifique, d’une chaîne dorée ; il est retombé dans son ordre et dans sa classe : c’est assez pour son malheur, pour son incurable ennui, car le bonheur le plus souvent dépend pour nous de ce premier cadre idéal dans lequel l’imagination, dès la tendre jeunesse, s’est accoutumée à placer et à découper la perspective flatteuse de la vie.

972. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Le duc de Rohan — I » pp. 298-315

Sa race ; sa jeunesse. — Sa carrière rompue à la mort de Henri IV, — Son rôle dans les troubles civils, — Guerrier tout politique ; sa physionomie. […] En un mot, il reçut des soins de son excellente mère une éducation hardie et mâle, que la nature en lui favorisait, et que l’austérité de sa communion religieuse confirma : il eut la jeunesse ardente, frugale et grave.

973. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « La princesse des Ursins. Ses Lettres inédites, recueillies et publiées par M. A Geffrot ; Essai sur sa vie et son caractère politique, par M. François Combes » pp. 260-278

qu’avant de se décider à écrire sur quelque portion de ce beau siècle, on devrait bien s’y être préparé de longue main, et, pour cela, dès la jeunesse, dès l’enfance, avoir insensiblement reçu une première couche générale de connaissance classique française, de bon et juste langage, comme du temps de Fontanes et de la jeunesse de M. 

974. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Charles-Victor de Bonstetten. Étude biographique et littéraire, par M. Aimé Steinlen. — II » pp. 435-454

De retour à Berne, et en attendant son entrée dans la vie publique, Bonstetten passa quelques années de fin de jeunesse, très animées encore et très variées, qu’on suit à la trace dans ses correspondances. […] Bonstetten déjeunait un jour chez eux en famille ; il n’y avait que M. et Mme Necker, et leur fille non encore mariée et dans sa première jeunesse.

975. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Correspondance de Lammenais » pp. 22-43

Jetons un regard sur nous-mêmes, et demandons-nous si dans notre vie, dans notre cœur, depuis l’âge de la jeunesse jusqu’à celui des dernières années, il n’y a pas de ces distances infinies, de ces abîmes secrets, de ces ruines morales peut-être, qui, pour être plus cachées, n’en sont pas moins réelles et profondes. […] On a fort discuté pour savoir si Lamennais, à un moment de sa jeunesse, et avant d’entrer dans l’état ecclésiastique, avait cessé entièrement de croire.

976. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Correspondance de Béranger, recueillie par M. Paul Boiteau. »

Le commencement de la Correspondance, qui remonte aux premières années de la jeunesse et qui l’embrasse tout entière (1794-1814), aurait eu tout son intérêt, si l’on avait supprimé quelques lettres et abrégé les commentaires. […] Il faisait partie d’une confrérie de jeunesse et de province fondée à Péronne, le Couvent des Sans-Souci ; Laisné, Mascré, Rouillard, l’ivrogne Beaulieu, M. 

977. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Madame de Staël. Coppet et Weimar, par l’auteur des Souvenirs de Mme Récamier »

J’ai aimé Mme de Staël et je l’aime toujours ; elle a été un des cultes de ma jeunesse, et ce culte, je ne l’ai pas abjuré. « Pourquoi voulez-vous vous occuper de ma mère ? […] Elle était une digne accompagnatrice dès sa jeunesse, elle eût été une rivale des Mirabeau, des Vergniaud, des Camille Jordan, et mieux même que d’un Constant.

978. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Entretiens de Gœthe et d’Eckermann (suite) »

La jeunesse d’Ampère le frappa et contrastait en effet avec l’étendue et l’impartialité de ses jugements. Nous étions alors, ou du moins quelques-uns, plus impartiaux dans notre jeunesse que nous ne le sommes devenus depuis.

979. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Ducis épistolaire (suite) »

Il avait été dévot dans sa jeunesse, dévot au point d’entrer à quinze ans dans la Société des Jésuites. […] Deleyre, dans le feu de la jeunesse, émancipé et venu à Paris, s’était concilié aussitôt des protecteurs et des amis par ses qualités aimables ; Montesquieu, Duclos, Diderot, le duc de Nivernais, lui portèrent intérêt, lui firent ou lui voulurent du bien.

980. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Théophile Gautier (Suite.) »

Je le vois encore tel qu’il était à cette date et à cette époque fortunée, dans toute la force et la superbe de la seconde jeunesse, dans toute l’ampleur et l’opulence de la virilité ; aspirant la vie à pleins poumons, à pleine poitrine ; ayant sa mise à lui, et, sur cette large poitrine dilatée, étalant pour gilet je ne sais quelle étoffe couleur de pourpre, une cuirasse pittoresque, de même que Balzac avait eu dans un temps sa canne à la pomme merveilleuse. […] on voit très au net ce qu’était alors Gautier aux yeux des amis de sa première jeunesse.

981. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Anthologie grecque traduite pour la première fois en français, et de la question des anciens et des modernes, (suite et fin.) »

J’ai souvent regretté qu’un travail tout spécial n’ait pas été fait en ce sens sur deux poètes amis qui vivaient du temps de Justinien, Agathias et Paul le Silentiaire, avocats tous deux, poètes et amoureux dans leur jeunesse, et qui devinrent, par la suite, des hommes sérieux comme on dit, l’un historien, l’autre fonctionnaire. […] C’est dans la jeunesse qu’il faut apprendre à lire les Anciens.

982. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Histoire de la littérature anglaise par M. Taine. »

Ils avaient tout d’abord un grand poids à soulever ; ils s’y sont mis tout entiers et y ont réussi ; le poids soulevé, ils ont pu se croire vieux de cœur et se sentir lassés ; le duvet de la jeunesse s’était envolé déjà ; le pli était pris ; c’est le pli de la force et de l’austère virilité ; on l’a payé de quelques sacrifices. […] Pour moi, j’avoue n’avoir vécu dans ma jeunesse qu’avec des gens que cela choquait, quoiqu’ils rendissent justice d’ailleurs aux auteurs en d’autres parties de leur talent.

983. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Méditations sur l’essence de la religion chrétienne, par M. Guizot. »

J’ai lu autrefois cette lettre manuscrite qui s’était conservée parmi quelques personnes du canton de Vaud, et qu’on citait comme un monument de foi et un témoignage de grave jeunesse. […] Mais je me souviens trop bien des phases morales par lesquelles j’ai passé dans ma jeunesse, de mes sensibilités et de mes inconstances poétiques, de l’âge où j’ai rêvé les Consolations de celui où j’ai écrit Volupté et nombre de pages de Port-Royal , pour avoir jamais la prétention de m’offrir à l’état d’un type quelconque.

984. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « DIX ANS APRÈS EN LITTÉRATURE. » pp. 472-494

N’aura-t-on eu décidément que de beaux commencements, un entrain rapide et bientôt à jamais intercepté, cette verve courageuse d’esprit que donne la jeunesse ? […] Dans la jeunesse, elle se recèle sous l’art, sous la poésie ; ou, si elle veut aller seule, la poésie, l’exaltation s’y mêle trop souvent et la trouble.

985. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. PROSPER MÉRIMÉE (Essai sur la Guerre sociale. — Colomba.) » pp. 470-492

Le propre de cette faculté, d’ordinaire, en ceux qui la possèdent à quelque degré, est de ne pas se limiter, comme la faculté lyrique, aux années de la jeunesse, et de récidiver bien avant, moyennant les acquisitions variées de l’expérience. […] Les voyages sont très-beaux à faire, mais on ne les fait pas toujours, et il en est qu’on n’exécute bien que dans la jeunesse.

986. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre IV. Les tempéraments et les idées (suite) — Chapitre VI, « Le Mariage de Figaro » »

Lindor et Rosine contre Bartholo, c’est Horace et Agnès contre Arnolphe, l’amour qui va à la jeunesse, selon la bonne, la sainte loi de nature, en dépit de la jalouse vieillesse armée par la société de droits tyranniques : mais la lutte se complique ici par l’introduction d’un élément qui donne à la pièce une très sensible actualité. […] Maugras :la Jeunesse de Mme d’Epinay ; les dernières années de Mme d’Epinay, 2 vol. in-8, Paris, 1883.

987. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Éloges académiques de M. Pariset, publiés par M. Dubois (d’Amiens). (2 vol. — 1850.) » pp. 392-411

Je laisse de côté les vivants, pour ne paraître flatter personne ; mais écoutons Cuvier en tête de son recueil d’éloges : Les petites biographies écrites avec bienveillance, dit-il, auxquelles on a donné le nom d’éloges historiques, ne sont pas seulement des témoignages d’affection que les Corporations savantes croient devoir aux membres que la mort leur enlève ; elles offrent aussi à la jeunesse des exemples et des avertissements utiles, et à l’histoire littéraire des documents précieux. […] Corvisart dans sa jeunesse est informé qu’une place de médecin est vacante à l’hôpital Necker : il se présente chez la respectable fondatrice, Mme de Necker ; mais il ne porte point perruque, nonobstant l’usage.

988. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Histoire de la Restauration, par M. de Lamartine. (Les deux premiers volumes. — Pagnerre.) » pp. 389-408

Dans son Histoire de la Restauration, M. de Lamartine revient aux premières scènes de sa jeunesse, et, bien qu’il y revienne avec un complet dégagement de vues, il saura en ressaisir suffisamment les émotions et le ton : il les embellira même peut-être ; mais, qu’il se montre plus ou moins indulgent ou sévère, il ne saurait ici être dangereux. […] Après l’avoir peint dans son costume ordinaire, avec ses bottes de velours, son habit de drap bleu, et avoir décrit ainsi sa tête : « Sa chevelure, artistement relevée et contournée par le fer des coiffeurs sur les tempes, se renfermait derrière la nuque dans un ruban de soie noire flottant sur son collet » (ce qui, sans périphrase, veut dire qu’il avait une queue) ; après avoir ajouté, en parlant toujours de sa tête : « Elle était poudrée à blanc à la mode de nos pères, et cachait ainsi la blancheur de l’âge sous la neige artificielle de la toilette », le peintre en vient au caractère de la personne et au visage : On eût dit que le temps, l’exil, les fatigues, les infirmités, l’obésité lourde de sa nature, ne s’étaient attachés aux pieds et au tronc que pour faire mieux ressortir l’éternelle et vigoureuse jeunesse du visage.

989. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Franklin. — III. Franklin à Passy. (Fin.) » pp. 167-185

Mais considérez combien nombreuse est la portion de l’humanité qui se compose d’hommes et de femmes faibles et ignorants, et d’une jeunesse inexpérimentée et inconsidérée des deux sexes, ayant besoin des motifs de religion pour les détourner du vice, les encourager à la vertu, et les y retenir dans la pratique, jusqu’à ce qu’elle leur devienne habituelle, ce qui est le grand point pour la garantir. […] Les compagnons de ma jeunesse, à la vérité, s’en sont allés presque tous, mais je trouve une agréable société parmi leurs enfants et leurs petits-enfants.

990. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Les Faux Démétrius. Épisode de l’histoire de Russie, par M. Mérimée » pp. 371-388

Pour ne pas confondre ses conjectures avec l’histoire, il a mis dans la Revue des deux mondes (du 15 décembre dernier), sous forme de scènes historiques, tout ce qui se rapporte à la première jeunesse et à l’éducation de ce brillant aventurier tel qu’il le conçoit ; il a expliqué comment l’idée, la tentation put venir peu à peu à un jeune Cosaque de l’Ukraine ressusciter en lui Démétrius, en même temps que la crédulité naissait aux autres en le regardant. […] Je prends pour points de comparaison chez M. de Musset Emmeline, par exemple, ou encore Frédéric et Bernerette, ces esquisses de cœur et de jeunesse, légères et touchantes.

991. (1912) L’art de lire « Chapitre III. Les livres de sentiment »

Il ne s’aperçoit pas des changements qui se sont produits depuis sa jeunesse dans le goût public. Il goûte ce que quelques-uns parmi les jeunes et parmi les vieux goûtaient déjà dans sa jeunesse et ce que quelques-uns parmi ses contemporains et aussi parmi les jeunes goûtent encore.

992. (1912) L’art de lire « Chapitre VIII. Les ennemis de la lecture »

L’ambition, l’amour, l’avarice, les haines, particulièrement les haines politiques, les jalousies, les rivalités, les luttes locales, tout ce qui fait la vie agitée et violente, éloigne prodigieusement de l’idée même de lire quelque chose, Millevoye, dans sa jeunesse, était commis de librairie. […] Dans ma jeunesse, vingt ans après 1848, Chateaubriand était ridicule.

993. (1911) Lyrisme, épopée, drame. Une loi de l’histoire littéraire expliquée par l’évolution générale « Chapitre premier. Le problème des genres littéraires et la loi de leur évolution » pp. 1-33

Le lyrisme est avant tout la jeunesse exubérante du sentiment, un débordement de forces sans but précis, un élan de foi ; ses objets principaux : Dieu, l’amour, la nature. […] Or, les idées, aussi bien que les hommes, naissent les unes des autres ; elles ont leur jeunesse, leur maturité, et leur crise finale qui est un nouvel enfantement ; c’est leur évolution logique.

994. (1929) Amiel ou la part du rêve

Cette habitude manque à la jeunesse d’Amiel, et il ne rattrapera jamais ce retard. À sa jeunesse, à son enfance, qui sait ? […] Dans leurs lettres de jeunesse, peu ou point de la blague et de la gaieté familières à cet âge. « L’ironie a de bonne heure atteint mon enfance. » Il en souffrait et s’en gardait. […] À Gaillard, voilà toute la jeunesse nue dans l’eau de l’Arve, trois sections : « Ici les petits enfants, là les jeunes gars, plus loin les filles du village ». […] Un tel présage serait émis aussi témérairement sur la jeunesse gaillarde, le Créateur n’ayant point, entre les mondes possibles, opté pour un univers amiélisé.

995. (1809) Tableau de la littérature française au dix-huitième siècle

Le roi voyait en lui une critique vivante de sa conduite ; en même temps il était un objet de ridicule pour cette jeunesse de la cour, qui voulait blâmer les fautes du souverain, mais pour autoriser un désordre plus grand. […] Il chercha à inspirer à la jeunesse le goût de toutes les choses honnêtes, en même temps que l’amour des lettres. […] Crébillon, qui vécut dans la solitude, qui avait passé sa jeunesse loin de Paris, s’éleva au-dessus d’eux, par cela seul qu’il se livra à son propre génie, et qu’il en sut donner la couleur à ses ouvrages. […] Quel spectacle plus triste qu’un vieillard insultant la Divinité au moment où elle va le rappeler, et repoussant le respect de la jeunesse en partageant ses égarements ! […] Dans les premiers ouvrages de sa jeunesse, il montra, comme dans sa conduite, de l’obéissance aux idées reçues et aux exemples donnés précédemment.

996. (1906) L’anticléricalisme pp. 2-381

Ils voudraient les effrayer par leur jeunesse. […] C’est ainsi que la communauté laïque a été conduite à intervenir pour inculquer à la jeunesse les principes de la raison. […] A défaut de la corporation congréganiste, il se formerait un grand nombre de monopoles privés désireux de conduire la jeunesse à leur gré. […] Ce n’est donc pas pour arracher la jeunesse à l’influence cléricale ? Ce n’est donc pas pour qu’il n’y ait plus « deux jeunesses » et « deux Frances » ?

997. (1854) Causeries littéraires pp. 1-353

Elle répand sur ces deux visages ridés et flétris une beauté mystérieuse, une ineffable jeunesse ; vous voyez que je ne me trompais pas, et que c’est bien là la muse de M.  […] Elle a fait comme ces prodigues qui commencent par dépenser des millions, et qui, au déclin de leur jeunesse, sont forcés d’aller vivre, en quelque obscur faubourg, d’une maigre pension alimentaire. […] Les hommes qui ont vingt-cinq ans aujourd’hui, et qui représentent par conséquent la jeunesse active et militante, ne savent pas, ne peuvent pas savoir ce que M. de Lamartine a été pour nous qui étions jeunes alors, pendant ces années qui vont des Harmonies à Jocelyn. […] Autran ayant ainsi condamné à mort les œuvres de sa première jeunesse, la critique n’a pas à s’en occuper. […] Jeune et belle, elle était pauvre ; elle a hérité de cent mille écus, mais trop tard ; la jeunesse et la beauté s’étaient enfuies.

998. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Rêves et réalités, par Mme M. B. (Blanchecotte), ouvrière et poète. » pp. 327-332

Mais tant que je serai forte, et que la jeunesse Débordera dans moi comme un fleuve orageux, Oh !

999. (1874) Premiers lundis. Tome I « Dumouriez et la Révolution française, par M. Ledieu. »

Il semblait, à mesure qu’il vieillissait dans l’exil, espérer de plus en plus fermement en l’avenir des peuples ; son âme, détrompée enfin des calculs d’autrefois et comme purifiée par les épreuves, s’attachait à la liberté avec la foi croissante de la jeunesse.

1000. (1874) Premiers lundis. Tome I « Fenimore Cooper : Le Corsaire Rouge »

Les luttes de la civilisation avec la nature, surtout celles du droit et de la liberté contre l’oppression et la force, sont venues jeter sur ces tableaux de jeunesse des teintes non moins variées que vives.

1001. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — V — Villiers de L'Isle-Adam, Auguste de (1838-1889) »

Mais quand on songe à sa grande jeunesse et quand on lit certaines strophes toutes frissonnantes d’inquiétude et de tristesse, on ne peut s’empêcher de penser au grand génie futur de ce jeune homme qui débute par des souffrances de doute et d’immenses désirs de foi, et dont la dernière parole écrite fut vraisemblablement celle-ci ajoutée au bas du manuscrit retouché à Axël : Ce qui est, c’est croire.

1002. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXIV » pp. 251-258

Elle corrigea non seulement la capitale et Molière lui-même, mais aussi la cour et le monarque que Sa jeunesse n’avait pas enlevé pour toujours aux lois de la bienséance et de la morale.

1003. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXXIV » pp. 394-401

Cette économie ruine plutôt qu’elle n’enrichit. » Dans les mois de novembre et de décembre, madame de Montespan épuisa, pour se rendre les charmes de la jeunesse, toutes les ressources qui restent à la beauté par les ans confirmée.

1004. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Joseph Scaliger, et Scioppius. » pp. 139-147

On y voit Jules représenté comme le plus grand guerrier de son siècle, parce que, dépourvu de fortune & de talent, il avoit fait, dans sa jeunesse, quelques campagnes en Italie, en qualité de simple soldat ; comme le plus habile médecin de l’Europe, parce qu’il avoit pris des dégrés dans la faculté de médecine de Padoue, & qu’il exerçoit cet art, moins pour guérir les autres, que pour s’empêcher de mourir de faim ; comme meilleur latiniste qu’Erasme, & supérieur en tout à Cardan, parce qu’il fut l’ennemi juré de l’un & de l’autre.

1005. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 4, objection contre la proposition précedente, et réponse à l’objection » pp. 35-43

Que ceux qui ne voudront pas se donner la peine de lire cette histoire, fassent du moins refléxion sur la vivacité de la jeunesse, sur sa docilité, sur les voïes sans nombre, dont nous n’avons indiqué qu’une partie, et qui peuvent toutes en particulier, conduire un enfant jusques à une situation où il puisse cultiver ses talens naturels.

1006. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Camille Jordan, et Madame de Staël »

La jeunesse de Lyon, brave et fière, sait se battre et non assassiner… » Il avait dit une chose juste : « S’il y avait une réaction à Lyon, cette réaction, après tout ce que Lyon a souffert, ne serait-elle pas assez naturelle ? […] Des soldats. — Qui vint combattre sous vos murs, ô mes concitoyens, les derniers et sublimes efforts de la liberté mourante, incendier vos habitations, massacrer votre jeunesse, présider aux plus féroces exécutions, tomber le sabre à la main sur des malheureux échappés aux mitraillades ? […] J’ai dit que, dans la nuit du 18 au 19 fructidor, Degérando, avec ce zèle dans l’amitié qu’on lui connut toujours, mais qui s’enhardissait alors de tout le feu de la jeunesse, avait dérobé Camille à l’horreur d’être déporté à Sinnamari avec Barbé-Marbois et autres nobles victimes. […] Je ne sais rien qui s’accorde mieux que votre jeunesse et sa vieillesse. […] Voici deux agréables lettres de Mme Récamier à Camille, qui donnent bien le ton de cette douce intimité ; elles témoignent en même temps d’une véritable justesse et finesse d’observation chez cette belle Juliette, dont le goût se formait et mûrissait au soleil de la seconde jeunesse : « 26 mars (1813).

1007. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Jean-Jacques Ampère »

Bien qu’il fût en quelque sorte la science pure, il avait des curiosités de tout genre : la poésie n’était point exclue de son universalité ; il savait quantité de vers par cœur, et lui-même il en avait fait pendant les ennuis amoureux et les courts intervalles de loisir de sa première jeunesse. […] Ce talent n’était pas assez fort ni assez original pour se créer à lui-même un genre, une langue et un rythme, et il ne fallait rien moins que tout cela alors, du moins dans l’ordre lyrique, dans tout ce qui était odes, élégies, méditations, si l’on voulait être un poète de la jeunesse, un de ceux dont elle saluerait l’avènement avec transport. […] Au nombre des influences vagues, mais ardentes, qui le saisirent à cette première époque, et qui planèrent sur sa jeunesse durant ces deux ou trois années passées entre le collège et le monde (1818-1820), je ne saurais omettre celle de Sénancour et d’Oberman. […] Il aimait toutes choses, il était par excellence le premier des amateurs en tout, comme l’appelait Royer-Collard, et cependant la politique déjà le préoccupait beaucoup, et plus encore que la littérature ; il avait je ne sais quelle teinte de maturité avant l’heure, et Goethe, en goûtant chez lui une finesse d’idées, une subtilité déliée, voisine et parente de la sienne, le charme des nuances, n’aurait pas également été frappé du contraste de sa jeunesse ; il n’aurait peut-être pas saisi tout d’abord aussi aisément que chez Ampère la pointe et la célérité françaises, persistant jusque dans les enrichissements nouveaux. […] Il est difficile de bien juger M. de Sénancour sans avoir entretenu avec lui, par les principaux ouvrages de sa jeunesse, un commerce intime et prolongé.

1008. (1927) André Gide pp. 8-126

André Gide peut invoquer ici l’autorité de Diderot : « Elle (une jeune aveugle, Mlle Mélanie de Salignac) était peu sensible aux charmes de la jeunesse et peu choquée des rides de la vieillesse. […] Gide propose cette fantaisie en modèle à la jeunesse ? […] André Gide qui viennent de paraître, et dont l’un est spécialement à l’usage de cette jeunesse qu’on l’accuse de vouloir corrompre. […] N’est-ce pas Louÿs, également ami de jeunesse de Paul Valéry, qu’il avait rencontré à Montpellier dans un congrès d’étudiants, qui le décida à sortir de sa longue retraite et à écrire la Jeune Parque ? […] André Gide et sa nouvelle acrimonie contre les maîtres et les amis de sa jeunesse.

1009. (1904) Zangwill pp. 7-90

Une humanité devenue Dieu par la totale infinité de sa connaissance, par l’amplitude infinie de sa mémoire totale, cette idée est partout dans Renan ; elle fut vraiment le viatique, la consolation, l’espérance, la secrète ardeur, le feu intérieur, l’eucharistie laïque de toute une génération, de toute une levée d’historiens, de la génération qui dans le domaine de l’histoire inaugurait justement le monde moderne ; hoc nunc os ex ossibus meis et caro de carne mea  ; elle est partout dans l’Avenir de la science, — pensées de 1848 ; — et quel arrêt imaginé pour l’humanité enfin renseignée, savante, saturée de sa mémoire totale ; quel arrêt de béatitude ; quel arrêt de béatitude et vraiment de divinité ; quel paragraphe singulier d’assurance et de limitation je trouve dans la préface même, écrite au dernier moment pour présenter au public, dans l’âge de la vieillesse, une œuvre de jeunesse : « Les sciences historiques et leurs auxiliaires, les sciences philologiques, ont fait d’immenses conquêtes depuis que je les embrassai avec tant d’amour, il y a quarante ans. […] Si je voulais chercher dans l’Avenir de la science tout cet orgueil, toute cette assurance et cette naïve certitude, il me faudrait citer tout l’Avenir de la science, et une aussi énorme citation m’attirerait encore des désagréments avec la maison Calmann Lévy ; ce livre n’est rien s’il n’est pas tout le lourd et le plein évangile de cette foi nouvelle, de cette foi la dernière en date, et provisoirement la définitive ; tout ce livre admirable et véritablement prodigieux, tout ce livre de jeunesse et de force est dans sa luxuriante plénitude comme gonflé de cette foi religieuse ; on me permettra de n’en point citer un mot, pour ne pas citer tout ; nous retrouverons ce livre d’ailleurs, ce livre bouddhique, ce livre immense, presque informe ; car j’ai toujours dit, et j’ai peut-être écrit que le jour où l’on voudra sérieusement étudier le monde moderne c’est à l’Avenir de la science qu’il faudra d’abord et surtout s’attaquer ; le vieux pourana de l’auteur, écrit au lendemain de l’agrégation de philosophie, comme elle était alors, passée en septembre, écrit dans les deux derniers mois de 1848 et dans les quatre ou cinq premiers mois de 1849, le gros volume, âpre, dogmatique, sectaire et dur, l’énorme paquet littéraire, le gros livre, avec sa pesanteur et ses allures médiocrement littéraires, le bagage, le gros volume, le vieux manuscrit, la première construction, les vieilles pages, l’essai de jeunesse, de forme naïve, touffue souvent abrupte, pleine d’innombrables incorrections, le vieil ouvrage, avec ses notes en tas, le mur aux pierres essentielles, demeure pour moi l’œuvre capitale de Renan, et celle qui nous donne vraiment le fond et l’origine de sa pensée tout entière, s’il est vrai qu’une grande vie ne soit malheureusement presque toujours qu’une maturité persévérante réalisée, brusquement révélée dans un éclair de jeunesse ; Renan lui-même en a beaucoup plus vécu, encore beaucoup plus qu’il ne l’a dit dans sa préface ; et le vieux Pourana de l’auteur est vraiment aussi le vieux Pourana du monde moderne ; combien de modernes, le disant, ne le disant pas, en ont vécu ; aujourd’hui encore, inconsciemment ou non, tous nous en vivons, sectaires et libertaires, et, comme le dit Hugo, mystiques et charnels. […] Nous sommes aujourd’hui moins accommodants que cet Eudoxe ; mais nous sommes moins tranquilles, plus inquiets, plus passionnés que ce Philalèthe ; et c’est justement parce que nous aimons le vrai que nous sommes plus passionnés ; je n’ai point voulu arrêter par des réflexions ou par des commentaires un texte aussi exubérant, aussi plein, aussi fervent ; je me rends bien compte qu’un texte aussi plein dépasse de partout ce que nous voulons lui demander aujourd’hui ; que de lui-même il répond à toutes sortes d’immenses questions que nous ne voulons point lui poser aujourd’hui ; et je suis un peu confus de retenir si peu d’un texte aussi vaste ; c’est justement ce que je disais quand je disais que tout le monde moderne est dans Renan ; on ne peut ouvrir du Renan sans qu’il en sorte une immensité de monde moderne ; et si le Pourana de jeunesse était vraiment le Pourana de la jeunesse du monde moderne, le testament de vieillesse est aussi le testament de toute la vieillesse de tout le monde moderne ; je me rends bien compte qu’ayant à traiter toutes les autres immenses questions qu’a soulevées le monde moderne c’est au même texte qu’il nous faudrait remonter encore ; et c’est le même texte qu’il nous faudrait citer encore, tout au long ; nous le citerions, inlassablement : nous l’avons cité aujourd’hui, tout au long, sans l’interrompre, et sans le troubler de commentaires, parce que s’il porte en même temps sur une infinité d’autres immenses questions, il porte aussi, tout entier et à plein, sur la grosse question qui s’est soulevée devant nous ; et sur cette question nous ne l’avons pas interrompu, parce qu’il est décisif, pourvu qu’on l’entende, et sans même qu’on l’interprète ; il est formellement un texte de métaphysique, et j’irai jusqu’à dire qu’il est un texte de théologie.

1010. (1898) Manuel de l’histoire de la littérature française « Livre II. L’Âge classique (1498-1801) — Chapitre premier. La Formation de l’Idéal classique (1498-1610) » pp. 40-106

De ces trois intentions, la première se marque surtout dans les Discours du brave La Noue, si l’on ne saurait être en effet plus soucieux que cet homme de guerre de l’intégrité des mœurs, de l’éducation de la jeunesse, et de l’avenir de son pays. […] Elle nous donne dans la prospérité a qui bien faire, avec qui nous réjouir de notre heur, en l’affliction qui nous secoure et console, en la jeunesse qui nous montre et enseigne, en la vieillesse qui nous aide et raisonne, en l’âge d’homme qui nous assiste et seconde. » Et d’abord on est tenté de ne voir là qu’un lieu commun de morale. […] — L’élève de son père, Jehan Marot, et des grands « rhétoricqueurs » ; — sa jeunesse et ses amours ; — son édition du Rommant de la Rose, 1527. — Le valet de chambre de François Ier. — Les prisons de Marot. — La publication de L’Adolescence clémentine, 1532 ; et l’édition des Œuvres de Villon, 1533. — Marot et le protestantisme. — Le séjour de Ferrare. — Retour à Paris. — La traduction des Psaumes, 1541. — Marot à Genève ; — ses démêlés avec Calvin ; — il quitte Genève pour Turin, où il meurt en 1544. […] 2º Le Poète. — Un cadet de grande famille au xvie  siècle. — La jeunesse de Du Bellay ; — sa grande maladie et ses études ; — sa liaison avec Ronsard. — Il entre au service de son parent le Cardinal. — Son séjour à Rome. — Liaison avec « Faustine » ; — Ennuis et dégoûts. — Retour en France. — Publication des Regrets. — Il se brouille avec le Cardinal. […] iv]. — L’origine et la jeunesse d’Amyot ; — ses études ; — ses préceptorats ; — sa traduction du roman d’Héliodore, 1547. — Il est nommé abbé de Bellozane. — Sa traduction de Diodore de Sicile, 1554. — Sa mission au Concile de Trente [Cf. de Thou, Hist. universelle, t. 

1011. (1909) Nos femmes de lettres pp. -238

Mais il advint qu’en dépit d’une merveilleuse sensibilité, la plus étrangement féminine qui eût jamais paru, les mouvements tumultueux d’une imagination jadis faussée par une extrême continence de jeunesse firent trembler sa main d’une émotion sénile et obscurcirent son regard d’inquiétantes visions. […] Emma épouse celui à qui l’unissait un si fidèle attachement : femme heureuse et mère comblée, elle voit, à l’automne de sa vie et dans une seconde jeunesse, s’épanouir à nouveau des charmes que la solitude avait flétris. […] … Je voudrais évoquer ici un souvenir de ma première jeunesse, dont la principale image se rattache d’invincible façon à l’héroïne de Mme Henri de Régnier. […] Il n’est pas jusqu’au style qui, par son accent, sa musique et certains rythmes ou façons de conduire la phrase, ne découvre de saisissantes analogies, surtout pour une oreille qui, dans sa première jeunesse, fut bercée au son de ces cadences. […] Ta royale jeunesse a la mélancolie Du Nord, où le brouillard efface les couleurs.

1012. (1932) Le clavecin de Diderot

C’eût été risible, si, de ces marionnettes, les programmes officiels n’avaient entendu (et n’entendent encore) faire les mentors d’une jeunesse, la jeunesse, qui, elle, de toute sa bonne foi cherche l’humain. […] Ainsi, m’égarai-je sous les combles de l’extravagance universitaire et ma jeunesse ne fut-elle pas exacte au rendez-vous qu’elle s’était fixé. […] Ainsi, l’abbé Violet relève ses jupes, et, d’un pied gaillard, s’en va au Club du Faubourg, discuter le coup : Faut-il que jeunesse se passe ? […] Ainsi, dans un Etat bourgeois, ira de soi-même à la justice, aux besognes judiciaires, ce qu’il y a de plus crétinement, abusivement bourgeois, réactionnaire, borné, obtus, sans cœur, jeunesse patriote, camelot du roi. […] J’ai toujours interprété mes excellents rapports avec Marius-Bébé volant, comme une revanche de l’animal, c’est-à-dire de tout ce dont ma jeunesse, à tort ou à raison, s’estimait avoir été frustrée.

1013. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Académie française — Réception de M. de Falloux » pp. 311-316

Il disait que la France s’en tirerait ; il l’avait vue, dans son enfance et dans sa jeunesse, sortir victorieuse et plus belle de bien d’autres périls et d’un plus affreux naufrage.

1014. (1875) Premiers lundis. Tome III «  Chateaubriand »

L’auteur, en retraçant dans la figure de René son propre portrait de jeunesse, son portrait idéalisé, a par là même présenté comme un type de la maladie morale des imaginations à cette époque et pour les générations qui ont suivi.

1015. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Quatrième partie. Élocution — Chapitre IX. Précision, brièveté, netteté »

On ne voit presque rien percer dans leurs écrits du feu et de l’emportement de la jeunesse : la plupart d’entre eux font terne et vieux.

1016. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « Éphémérides poétiques, 1891-1900 » pp. 179-187

1893 Auguste Dorchain : La Jeunesse pensive.

1017. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre III » pp. 30-37

La jeunesse ignorante et curieuse, à qui l’on assure que son ignorance est plus près du savoir que les bonnes notions acquises par la génération qui la précède, se précipite dans les écoles, flattée de franchir l’espace qui la sépare de cette génération avancée, de gagner même un rang sur elle, de la laisser en arrière, empêtrée qu’est celle-ci dans les anciennes traditions.

1018. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre quatrième. Éloquence. — Chapitre IV. Bossuet orateur. »

Tout consiste en quelques oppositions vulgaires de la beauté, de la jeunesse, de la grandeur et de la mort ; et c’est pourtant sur ce fond stérile que Bossuet a bâti un des plus beaux monuments de l’éloquence ; c’est de là qu’il est parti pour montrer la misère de l’homme par son côté périssable, et sa grandeur par son côté immortel.

1019. (1857) Réalisme, numéros 3-6 pp. 33-88

Son front busqué, sa bouche rentrée, que la jeunesse décorait jadis de teintes fines, changeaient alors son air, naturellement dédaigneux, en un air rechigné. […] On accuse les gens arrivés d’entraver la jeunesse laborieuse, quelle erreur ! […] Ces mêmes individus, après avoir employé leur jeunesse à frapper l’un, à mordre l’autre, sont étonnés de n’arriver à rien ; ils crient alors contre la chance et contre ceux qui arrivent. […] On a pourtant dit qu’il tenait à ces œuvres de sa jeunesse et qu’il avait pour elles un attachement qui ne s’est jamais tout à fait anéanti. […] Il n’est plus de la première jeunesse, et de même que le temps où Berthe filait, celui où Albéric raillait se perd dans le lointain.

1020. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Joseph de Maistre »

ou bien M. de Maistre eut-il en effet, lui aussi, une époque de tâtonnement et d’apprentissage, une jeunesse ? […] Ce qui n’est pas douteux, c’est que M. de Maistre passait, non seulement dans sa jeunesse, mais beaucoup plus tard, tout près de la Révolution, pour adopter les idées nouvelles, les opinions libérales. […] Cette année 96 est celle où parurent, à Neufchâtel d’abord, les Considérations sur la France, par lesquelles M. de Maistre entrait décidément dans la publicité européenne et devenait l’oracle éloquent d’une doctrine ; mais les écrits que je viens d’énumérer, et très-différents des deux productions de jeunesse précédemment citées, restent la préface naturelle, l’introduction explicative et immédiate des Considérations. […] Le Discours à madame la marquise de Costa nous le rend avec des défauts de jeunesse et presque de rhétorique encore, qui tiennent au genre ; mais en même temps on ne perd pas longtemps de vue l’écrivain nouveau, le penseur original et hardi qui se décèle, qui se dresse par endroits et va décidément triompher. […] — I believe. — En vérité, ceci ne peut se voir que dans ce pays, à cette époque. » Mais, pour dernière citation, voici une réflexion d’ironique et haute mélancolie que lui inspire la vue d’une pauvre jeune fille qui se meurt : La jeunesse disparaissant dans sa fleur a quelque chose de particulièrement terrible ; on dirait que c’est une injustice.

1021. (1910) Muses d’aujourd’hui. Essai de physiologie poétique

Les gens qui passent le feu de la jeunesse à étudier au lieu de sentir ne peuvent donc pas être artistes, rien de plus simple que ce mécanisme. » On peut constater que toute vraie poésie est sensuelle et même sexuelle : expression d’un état de désir physique, transposé, elle éveille en nous les images qui l’ont fait naître. […] C’est à sa jeunesse qu’elle parle, lorsqu’elle dit aux jeunes filles : Vous qui ne saviez pas combien c’est gravement, Combien c’est lentement qu’on devient une femme ! […] … Le désir qui croît, le vouloir qui sombre            Entre des bras nus… Elle est triste d’attendre, et nul amant n’est venu, pendant son sommeil, relever « le voile épars de sa jeunesse ». […] N’a-t-elle pas laissé dans ses vers la plus belle expression d’elle-même, de sa jeunesse et de ses désirs fous : « On n’écrit qu’un seul soir son âme… » Voici quelques stances de cet hymne À la Mort. […] l’expression première de ma vie, Dans la forme et dans le parfum d’une autre chair, Fruit d’avril au verger en fleurs, églantier vert Au seuil de ma jeunesse à peine épanouie !

1022. (1899) Préfaces. — Les poètes contemporains. — Discours sur Victor Hugo pp. 215-309

Nous sommes une génération savante ; la vie instinctive, spontanée, aveuglément féconde de la jeunesse, s’est retirée de nous ; tel est le fait irréparable. […] J’en prends à témoin le plus énergique lutteur de ce temps-ci, la plus vigoureuse nature d’artiste que je sache, l’homme qui a soutenu pendant trente ans l’assaut incessant de la critique sans recul, sans arrêt, et qui assiste encore à son propre triomphe, plus fort qu’aux heures orageuses de sa jeunesse littéraire, maniant avec une certitude puissante l’instrument magnifique qu’il s’est forgé. […] Il y a là une éruption de jeunesse pleine parfois d’énergie et d’éclat, bien que de trop fréquentes défaillances en rompent le jet vigoureux. […] À vingt ans, Victor Hugo se crut donc royaliste et catholique ; mais la nature même de son génie ne devait point tarder à dissiper ces illusions de sa jeunesse. […] Dès les brillantes années de sa jeunesse, et concurremment avec ses poèmes et ses romans qui sont aussi des poèmes, doué qu’il était déjà d’une activité intellectuelle que le temps devait accroître encore, Victor Hugo avait révélé dans ses drames une action et une langue théâtrales nouvelles.

1023. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. DE VIGNY (Servitude et Grandeur militaires.) » pp. 52-90

Chaque génération de jeunesse prodigue ainsi sa fleur la plus délicate à ces entreprises anxieuses, contradictoires, toujours interrompues et renouvelées. […] Le succès de Chatterton, dans lequel il a été si merveilleusement aidé par une Kitty27 digne du pinceau de Westall, a conféré à M. de Vigny un rôle plus extérieur et plus actif qu’il ne semblait appelé à l’exercer sur la jeunesse poétique, lui, artiste avant tout distingué et superfin, enveloppé de mystère. […] On lit dans l’Histoire de l’Académie des Inscriptions que Boivin l’aîné, savant original, disputeur et processif, avait dans sa jeunesse la fureur des vers français ; il en montra un jour à Chapelain, qui, de meilleur goùt dans ses jugements que dans ses œuvres, lui conseilla de les mettre au cabinet.

1024. (1875) Premiers lundis. Tome III « Les poètes français »

On noterait, sous cette forme gauloise de rondeau et dans plus d’un refrain heureux, quelques-uns des mêmes accents qui nous charment dans les odes épicuriennes d’Horace : charmant esprit que le sien, délicat, vif, naturel, léger, rendant avec fraîcheur toutes les impressions de jeunesse, de printemps, d’amour, de joie, — puis d’ennui, de déclin, d’hiver, de vieillesse ! […] Gringoire notamment, aux beaux jours de sa jeunesse, paraît avoir été un très-spirituel vaudevilliste, et dans un temps où le genre était neuf et supposait plus d’invention qu’aujourd’hui. […] Poésie du xixe  siècle qui fus l’espérance et l’orgueil de notre jeunesse, qui fus notre plus chère ambition aux heures brillantes, qui depuis as fait bien souvent notre soin, notre sollicitude, notre tristesse même et notre mécompte, nous n’avons pas en définitive à rougir de toi !

1025. (1866) Cours familier de littérature. XXII « CXXVIIIe entretien. Fior d’Aliza (suite) » pp. 65-128

Cependant, qui sait, me dis-je en m’éloignant et en reprenant un peu mes sens, qui sait si l’on ne pourrait pas lui faire grâce encore à cause de sa jeunesse ? […] Je m’approchai avec un visage gracieux, compatissant, de la loge de la femme du galérien qui donnait le sein à son nourrisson ; je la plaignis, je la flattai d’une prochaine délivrance, de la certitude de retrouver son amant après sa peine accomplie ; je la provoquai à me raconter toutes les circonstances que déjà je connaissais de ses disgrâces ; je fis vite amitié avec elle, car ma voix était douce, attendrie encore par l’émotion que j’avais dans l’âme depuis le matin ; de plus nous étions du même âge, et la jeunesse ne se défie de rien, pas plus que l’amour et le chagrin. […] La femme du bargello aimait bien les airs que je jouais ainsi pour un autre, et elle me disait le matin : — Je ne sais pas ce qu’il y a dans ta zampogne, mais elle me fait rêver et pleurer malgré moi, comme si elle disait je ne sais quoi de ma jeunesse à mon cœur ; ne crains pas, mon garçon, d’en jouer tout à ton aise, même quand tu devrais me tenir éveillée pour l’entendre : j’ai plus de plaisir à veiller qu’à dormir, en l’écoutant.

1026. (1895) Histoire de la littérature française « Seconde partie. Du moyen âge à la Renaissance — Livre I. Décomposition du Moyen âge — Chapitre I. Le quatorzième siècle (1328-1420) »

De là ces titres bizarres, qui dénoncent la fantaisie laborieuse des auteurs : le seul Froissart écrit l’Horloge amoureuse, le Traité de l’Epinette amoureuse, le Joli Buisson de jeunesse, que sais-je encore ? […] Et ce qu’il appelle l’Ëpinette amoureuse, c’est ce que nous intitulerions Souvenirs de Jeunesse. […] Avec les femmes, les enfants, le ménage, il a en aversion les jolis courtisans, peut-être un peu parce que leur élégance mortifie sa vulgarité, mais surtout, à coup sur, parce que cette jeunesse vole aux vieux conseillers bourgeois du précédent règne, dont il est, la faveur de Charles VI et des princes, et les marques solides de cette laveur.

1027. (1890) L’avenir de la science « XXIII »

En l’âge de la force, quand l’esprit critique est encore dans sa vigueur, que la vie apparaît comme une proie appétissante et que le plein soleil de la jeunesse verse ses rayons d’or sur toute chose, les instincts religieux se contentent à peu de frais ; on vit avec joie sans doctrine positive ; le charme de l’exercice intellectuel adoucit toute chose, même le doute. […] Ô Dieu de ma jeunesse, j’ai longtemps espéré revenir à toi enseignes déployées et avec la fierté de la raison, et peut-être te reviendrai-je humble et vaincu comme une faible femme. […] Adieu donc, ô Dieu de ma jeunesse !

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