/ 2753
1188. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « La marquise de Créqui — I » pp. 432-453

Après d’assez méchants propos sur le père, le médecin Senac, et sur sa femme, le fabricateur fait dire à sa marquise : « L’unique héritier de ce bon ménage est M. de Meillan, qui se pavane aujourd’hui dans son intendance avec tant de fatuité. […] Ce n’était qu’un jeu de le porter, pour quelqu’un qui aimait avant tout s’habiller et à babiller en vieille femme. […] On y chercherait en vain ce qu’il est trop ordinaire de rencontrer dans la jeunesse des femmes du xviiie  siècle, le tempérament ou le roman ; c’est à une personne tout à fait calme et vertueuse (s’il est permis de savoir si bien ces choses de si loin) qu’on a affaire ici. […] Mais pour que cette idée de métempsychose de Montaigne à elle fût autre chose qu’un compliment de l’amitié, il aurait fallu à Mme de Créqui ce qu’elle n’avait, ni elle, ni aucune des femmes distinguées de ce grand monde et de cette société accomplie mais finissante, la fertilité, la fraîcheur de détail, l’imagination. […] Désabusée comme elle était, elle avait à craindre pourtant le grand ennemi des personnes qui ont vécu dans la société et qui se sont fait une habitude de la conversation, l’ennui. « Je voudrais, disait-elle, trouver quelqu’un qui calculât la vie et qui en fît le cas qu'elle mérite. » Oui, mais pour en causer avec ce quelqu’un et pour se donner le plaisir de dire ensemble que la vie n’est rien. « J’ai eu une destinée singulière, disait-elle encore : j’ai voulu être lettrée, et les lettrés m’ont paru ignorants ; femme du monde, et, outre la bêtise des gens du monde, c’est qu’ils ne savent pas vivre.

1189. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Œuvres de Vauvenargues tant anciennes qu’inédites avec notes et commentaires, par M. Gilbert. — II — Vauvenargues et le marquis de Mirabeau » pp. 17-37

Ce sont deux jeunes militaires, ne l’oublions pas ; ils parlent de tout, même de femmes. […] Du sein même de ses études, de ses méditations économiques, dans un séjour au château de ses pères, où il s’est retiré pour une saison, Mirabeau confesse le vice qui est celui de tout son temps et qui lui gâtera sa vie, d’ailleurs intègre : « La volupté, mon cher ami, est devenue le bourreau de mon imagination, et je payerai bien cher mes folies et le dérangement de mœurs qui m’est devenu une seconde nature ; hors de là, je suis maintenant comme un poisson dans l’eau. » À côté de cet aveu que justifieront trop les futurs scandales et les éclats de sa vie domestique, mettez la sagesse et la sobriété de Vauvenargues, à qui son peu de santé interdirait sans doute les plaisirs, mais qui en est éloigné encore plus par la haute et pure idée qu’il se fait de l’amour, par le peu de goût qu’il a pour les femmes, « celles du moins qu’il connaît ». — « Je hais le jeu comme la fièvre, et le commerce des femmes comme je n’ose pas dire ; celles qui pourraient me toucher, ne voudraient seulement pas jeter un regard sur moi. » Vauvenargues avait toujours pris l’amour au sérieux : « Pour moi, je n’ai jamais été amoureux, que je ne crusse l’être pour toute ma vie ; et, si je le redevenais, j’aurais encore la même persuasion. » C’est pour cela qu’il recommençait rarement. […] Adieu, aimez-moi ; vous êtes quelques-uns dont l’amitié fera toute la douceur de ma vie, car les femmes, qui font maintenant toute l’occupation de ma folle jeunesse, n’y tiendront pas, j’espère, du moins en tant que sexe, le moindre petit coin à un certain âge. […] … — Mais il y a des femmes trop aimables à Bordeaux !

1190. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. ALFRED DE MUSSET. » pp. 177-201

Ce tableau d’alcôve au retour du bal, la blancheur de l’aube qui fait pâlir le croissant et l’ombre, tandis qu’une femme lasse, couchée et à demi sommeillante, livre aux yeux un bras nu qui pend ; le parfum qu’elle exhale, comme une fleur sous la brise des nuits, ce chant incertain accompagné de guitare au pied du balcon, toute cette scène mystérieuse qui aboutit au soupçon dans le cœur de l’époux, forme une ouverture d’un calme inquiétant, assez approchante, pour l’effet, du début de Parisina. […] Le poëte de dix-neuf ans remuait l’âme dans ses abîmes, il en arrachait la vase impure à une étrange profondeur ; il culbutait du pied le couvercle de la tombe : à lui les femmes en cette vie, et le néant après ! […] Pourtant, dès l’origine, quand Frank s’était égaré jusqu’à s’écrier : Tout nous vient de l’orgueil, même la patience : L’orgueil, c’est la pudeur des femmes, la constance Du soldat dans le rang, du martyr sur la croix. […] Le plus beau passage du volume, ces stances du milieu de Namouna, que nul ne se chantera sans larmes, ce Don Juan vraiment nouveau, réalisé d’après Mozart, qu’est-ce encore, je le demande, sinon l’amas de tous les dons et de tous les fléaux, de tous les vices et de toutes les grâces ; l’éternelle profusion de l’impossible ; terres et palais, naissance et beauté ; trois mille71 noms de femmes dans un seul cœur ; le paradis de l’enfer, l’amour dans le mal et pour le mal, un amour pieux, attendri, infini, comme celui du vieux Blondel pour son pauvre roi ? […] Le procédé d’exécution répond tout à fait à ce qu’on peut attendre : une simplicité parfaite, une force continue ; point de pomposo ni de bavardage ; point de réflexions ni de digressions ; quelque chose de droit qui va au but, qui ne se détourne ni d’un côté ni de l’autre, et pousse devant, en marquant chaque pas, comme un bélier sombre ; point de vapeurs à l’horizon ni de demi-teintes, mais des lignes nettes, des couleurs fortes dans leur sobriété, des ciels un peu crus, des tons graves et bruns ; chaque circonstance essentielle décrite, chaque réalité serrée de près et rendue avec une exactitude sévère ; chaque personnage conséquent à lui-même de tout point ; vrai de geste, de costume, de visage ; concentré et viril dans sa passion, même les femmes ; et derrière ces personnages et ces scènes, l’auteur qui s’efface, qu’on n’entend ni ne voit, dont la sympathie ni l’amour n’éclatent jamais dans le cours du récit par quelque cri irrésistible, et qui n’intervient au plus que tout à la fin, sous un faux air d’insouciance et avec un demi-sourire d’ironie.

1191. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Procès de Jeanne d’arc, publiés pour la première fois par M. J. Quicherat. (6 vol. in-8º.) » pp. 399-420

Plus loin encore, était le Bois-Chesnu, le bois des chênes, d’où, suivant la tradition, devait sortir une femme qui sauverait le royaume perdu par une femme (par Isabeau de Bavière). […] La pitié, ce fut là l’inspiration de Jeanne, non pas la pitié d’une femme qui pleure et se fond dans les gémissements, mais la pitié magnanime d’une héroïne qui se sent une mission et qui prend le glaive pour secourir. […] Une fois montée sur son coursier, la Pucelle, continue Gui de Laval, « se tourna vers l’huis de l’église qui était bien prochain, et dit en assez claire voix de femme : “Vous les prêtres et gens d’Église, faites procession et prières à Dieu.” » Puis elle reprit son chemin, en disant : « Tirez avant, tirez avant !  […] Voilà bien Jeanne dans toute sa beauté et sa grâce militaire, parlant d’une voix de femme, mais avec le ton du commandement, soit qu’elle s’adressât à ses pages, soit qu’elle donnât ses ordres aux prêtres et gens d’Église.

1192. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « M. Fiévée. Correspondance et relations avec Bonaparte. (3 vol. in-8º. — 1837.) » pp. 217-237

La Dot de Suzette, qui ne semblait qu’une anecdote vraie, racontée avec intérêt et délicatesse par une femme (car la première édition était anonyme), donna satisfaction à ce désir d’un goût plus simple. […] Elle doit se présenter avec une lettre de recommandation chez une jeune femme riche qui demande une espèce de dame de compagnie. […] Une femme, la veille d’être présentée à la Cour, n’était pas plus occupée de sa toilette que moi de la mienne. […] Le jour me surprit, et je n’avais encore rien résolu… On devine que cette femme riche, chez qui va se présenter Mme de Senneterre, n’est autre que Suzette, qui a changé de nom. […] On y trouve aussi quelques scènes vraies, où sont peintes les mœurs licencieuses et grossières des enrichis, des fournisseurs, des parvenus et des femmes qui les recherchent.

1193. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Rivarol » pp. 245-272

Voluptueux intellectuel, il se contenta de s’enivrer du plaisir qu’il donnait aux autres, et il le donnait sur place, à l’instant même, — avec l’idée, avec l’image, avec la parole, le geste, le regard, la voix, jouissant de son esprit comme les femmes jouissent de leur beauté ! […] Il avait le même mal que cette autre ennuyée, la marquise du Deffand, de cette femme, charmante aussi, que le monde fais ait mourir d’ennui pour sa peine de l’avoir aimé, de l’avoir diverti, et d’avoir mis à son service un esprit fait pour monter plus haut ! […] Oui, c’était là le vrai et le grand Rivarol, aussi pour moi le Rivarol impossible à retrouver, comme la beauté d’une femme morte, le Rivarol imaginé, puisque je ne l’ai pas entendu, et qui enivre toujours ma pensée comme si je l’avais entendu, et même peut-être davantage ! […] Dandy audacieux pour un cuistre d’homme de lettres, il osa porter l’habit rouge comme le comte d’Artois, alors dans toute sa magnificence (voir leurs portraits à tous les deux), et vraiment, quand on regarde ces portraits et qu’on les compare, on ne sait trop lequel des deux est le plus prince… Il y a des femmes qui diraient que c’est Rivarol ! […] En histoire, l’asiatique chez Rivarol reployait sa pourpre, laissait là ses ornements, comme une femme, plus belle sans eux, ôte ses bijoux quand elle est belle.

1194. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre VI. La poésie. Tennyson. »

. —  Ses portraits de femmes. —  Délicatesse et raffinement de son sentiment et de son style. —  Variété de ses émotions et de ses sujets. —  Sa curiosité littéraire et son dilettantisme poétique. —  The Dying Swan. […] Comme est le mari ainsi est la femme. […] Une âme fine peut s’emporter, atteindre parfois la fougue des êtres les plus violents et les plus forts ; des souvenirs personnels, dit-on, lui avaient fourni la matière de Maud et de Locksley Hall ; avec une délicatesse de femme, il avait eu des nerfs de femme. […] Elle, fière et toute nourrie de doctes raisonnements, s’est irritée de la domination des hommes, et pour affranchir les femmes, a fondé sur la frontière une Université qui relèvera son sexe et sera la colonie d’où sortira l’égalité future. […] Les dames ont été charmées des portraits de femmes.

1195. (1859) Cours familier de littérature. VII « XXXVIIIe entretien. Littérature dramatique de l’Allemagne. Le drame de Faust par Goethe » pp. 81-160

Jérusalem était épris d’une passion violente pour la femme future d’un de ses amis (la Charlotte du livre) : Charlotte était fiancée à un employé de la chancellerie impériale de Wetzlar. […] Il en attribua, peut-être imaginairement, la cause au même sentiment qu’il avait ressenti pour Charlotte et au désespoir qu’avait éprouvé Jérusalem en contemplant le bonheur paisible de cette jeune femme unie à son fiancé. […] Méphistophélès, c’est la propagande perverse du mal par le génie du mal pour corrompre et ruiner l’œuvre de Dieu, l’homme et la femme. […] C’est l’heure où le peuple, vieillards, ouvriers, femmes, soldats, jeunes filles, sortent en foule de la porte de la ville pour se répandre en repos, en liberté et en joie, dans la campagne. […] L’âme pieuse de la femme, être plus divin que nous dans ses aspirations, parce qu’il est moins distrait et plus sensible, s’y retrouve tout entière.

1196. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre onzième »

Une femme, des enfants, ne se payent pas de cette vaste tendresse pour le genre humain. […] Pour l’amitié, il crut la figurer dans deux caractères de jeunes femmes s’aimant d’une tendresse passionnée, ce qui n’est pas commun, mais aimant le même homme, l’une en amante, et l’autre plus qu’en amie, ce qui est d’utopie. […] « L’amitié, disait Socrate, se glissant à travers tous les obstacles, va trouver les gens de bien et les unit. » De même l’amour véritable nous mène sur le chemin de la femme que nous devons aimer. […] Dans l’usage, le précepteur recevait l’enfant des mains des femmes, comme on disait alors, et ne pénétrait pas dans le gynécée. […] Mais là encore notre gouverneur ne veut pas faire comme tout le monde, et il part avec son élève à la découverte d’une femme.

1197. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Fanny. Étude, par M. Ernest Feydeau » pp. 163-178

Roger jeune, aimable, élégant et gracieux, un peu faible, a été distingué et aimé par Fanny, qui, en femme du monde habile et aussi expérimentée que tendre, a pris sur elle toutes les difficultés de la situation et ne lui en veut laisser que les douceurs. […] Après avoir raconté qu’il a vu mourir sous ses yeux une vieille amie, une femme âgée et d’un esprit supérieur, avec qui il avait souvent épuisé, en conversant, toutes les réflexions morales et anticipé l’expérience de la vie : Cet événement, continue Adolphe, m’avait rempli d’un sentiment d’incertitude sur la destinée, et d’une rêverie vague qui ne m’abandonnait pas… Je trouvais qu’aucun but ne valait la peine d’aucun effort. […] Je vous présente, lui dit-il en riant, l’un des hommes que votre départ inattendu a le plus étonnés. — Ellénore parlait à une femme placée à côté d’elle. […] Tout à coup je ressaisis ma lucidité en sentant un pied de femme (on se contentait d’une main dans Adolphe) se glisser sur le mien… ; c’était elle qui me prévenait de ma préoccupation trop visible.

1198. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Mélanges religieux, historiques, politiques et littéraires. par M. Louis Veuillot. » pp. 44-63

Lundi 30 septembre 1861 « C’était le point attaqué, et j’aime la lutte. »VEUILLOT, L’Honnête Femme. […] Le lendemain de la victoire, une femme de la haute société et de beaucoup d’esprit disait à M. de Molènes : « C’est fort heureux, monsieur, que vos petits monstres n’aient pas tourné. » Cela tint à peu de chose, en effet. […] Pourquoi, dans ce même Çà et Là (car je ne m’astreins pas à l’ordre chronologique), à propos d’une visite et d’un séjour en Alsace, courir sus aux Juifs en masse, aux Luthériens, aux Piétistes ou non Piétistes, aux humbles pasteurs de ces contrées : « On rencontre par la campagne, dit l’auteur, des charretées de personnages, hommes et femmes, vêtus de noir, avec un certain air d’honnêteté douceâtre et de santé blafarde. […] Son roman de l’Honnête Femme(1844) ne peut être passé sous silence.

1199. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « M. de Sénancour — Note »

J’ai vu tomber père, mère, femme et fortune. […] Le défaut de force dans les membres, l’impossibilité de dire : « Je vivrai dans toutes les situations où un homme peut vivre ; » cet assujettissement joint à l’immense difficulté de soutenir une femme, des enfants, sans revenus fixes, sans autres moyens que des débris à recueillir à des époques inconnues, sans état (même très-longtemps sans papiers et sans droits de citoyen), sans dettes, sans aucune intrigue, surtout aussi avec le sort contre soi, avec ce qu’on appelle du malheur (excepté la faveur marquée du sort en 1798 et en quelques autres circonstances rares), tout cela a rendu ma vie morale laborieuse et triste. […] Il en est ainsi de la privation des bras ; cette faiblesse a bien d’autres effets que d’empêcher de faire certains mouvements et de rendre difficiles ou embarrassantes les moindres actions de la vie commune, ce qui serait déjà un mal bien triste par sa continuité ; cette faiblesse ôte toute confiance dans l’avenir, entrave la vie entière, borne toute perspective, assujettit à cent besoins qu’on eût méprisés et, à la place d’un rôle d’homme, vous jette dans une dépendance aussi grande que celle des femmes. […] « Je n’imagine rien de plus doux sur la terre humaine telle qu’elle est que de se confiner avec une femme tranquille et aimable dans une cabane heureusement située.

1200. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre XVII. De la littérature allemande » pp. 339-365

Ils respectent leur propre bonheur ; ils ménagent de certains préjugés, comme l’homme qui aurait épousé la femme qu’il aime serait enclin à soutenir l’indissolubilité du mariage. […] Comme ils sont naturellement penseurs et méditatifs, ils placent leurs idées abstraites, et les développements et les définitions dont leurs têtes sont occupées, dans les scènes les plus passionnées ; et les héros, et les femmes, et les anciens, et les modernes tiennent tous quelquefois le langage, d’un philosophe allemand. […] C’est quelquefois aussi par un désir mal entendu de plaire aux femmes, que les Allemands veulent unir ensemble le sérieux et la frivolité. Les Anglais n’écrivent point pour les femmes ; les Français les ont rendues, par le rang qu’ils leur ont accordé dans la société, d’excellents juges de l’esprit et du goût ; les Allemands doivent les aimer, comme les Germains d’autrefois, en leur supposant quelques qualités divines.

1201. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre III. Les grands artistes classiques — Chapitre V. La Fontaine »

En pleine force du corps et de l’esprit, il lâcha tout, charge, femme et fils, pour venir à Paris, et vivre à la solde d’amateurs généreux. […] Après la disgrâce de Fouquet, il écrit l’Élégie aux nymphes de Vaux ; et il accompagne Janmart exilé à Limoges ; il a raconté son voyage dans des lettres à sa femme. […] Il avait tout à fait abandonné Château-Thierry et sa femme. […] Cf. une lettre à sa femme du 30 août 1663.

1202. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 15 janvier 1887. »

Jean Richepinbn Tannhaeuser Vénus ouvre les bras à son cher chevalier ; Mais, sachant de l’amour l’amertume profonde, L’enfant blond ne veut plus aimer la femme blonde, Et déjà les doux liens paraissent se délier. […] Gabriel Moureybq L’or du Rhin Les fluides enfants du fleuve qui ruisselle, Chairs à peine, déjà femmes, ondes encor, Wellgunde avec Woglinde et Flosshilde, vers l’Or Lèvent leurs yeux d’eau verte où le rire étincelle. […] Dans son cœur, il sentit gémir l’humanité, Traînant ses lourds espoirs en ses métempsychoses   Les pensers de la joie et les secrets moroses, Il les connut, sondant le héros indompté Et la femme, puissante en sa fragilité, Et l’immémoriale antiquité des choses. […] Il fut également journaliste au Figaro, lecteur français à l’Université de Bonn et auprès de l’Impératrice Augusta, la femme de Guillaume premier.

1203. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Poésies nouvelles de M. Alfred de Musset. (Bibliothèque Charpentier, 1850.) » pp. 294-310

Comment M. de Chateaubriand lui-même, qui garda si bien les dehors, jugeait-il dans le principe M. de Lamartine poète, sinon comme un homme de grand talent et de mélodie, qui avait eu un succès de femmes et de salons ? […] Ce n’est d’ailleurs jamais un déshonneur pour une femme d’avoir été aimée et chantée par un vrai poète, même quand elle semble ensuite en être maudite. […] La mère n’en conseille pas encore la lecture à sa fille ; le mari le fait lire à sa jeune femme dès la première année de mariage. […] Il a eu plus que jamais le suffrage des gens du monde, des jeunes femmes ; il a mis en colère des critiques grotesques et grossiers : rien n’a manqué à sa faveur.

1204. (1824) Notes sur les fables de La Fontaine « Livre douzième. »

Lequel valait le mieux pour toi d’être l’appui de ton vieux père qui se meurt de douleur, de ta femme qu’on cherche à séduire depuis vingt ans quoiqu’elle n’en vaille pas la peine, de ton fils que les princes voisins vont dépouiller, de gouverner tes sujets avec sagesse, de nous rendre heureux en nous laissant pratiquer sous nos cabanes des vertus que tu aurais pratiquées dans ton palais ? Lequel valait mieux de goûter tous ces avantages de la paix et de la vertu, ou de t’expatrier, toi et la plus grande partie de tes sujets, pour aller restituer une femme fausse et perfide à son imbécille époux, qui a la constance de la redemander pendant dix ans ? […] Un singe qui bat sa femme, qui va à la taverne, qui s’enivre : qu’est-ce que cela signifie ? […] C’était une femme de beaucoup d’esprit.

1205. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 13, qu’il est des sujets propres specialement pour la poësie, et d’autres specialement propres pour la peinture. Moïens de les reconnoître » pp. 81-107

Il peut bien, pour donner à comprendre le soupçon qu’avoit Germanicus que Tibere fut l’auteur de sa mort, faire montrer par Germanicus à sa femme Agrippine une statuë de Tibere avec un geste et avec un air de visage propres à caracteriser ce sentiment ; mais il faut qu’il emploïe tout son tableau à l’expression de ce sentiment là. […] Après avoir traité les differens genres d’affliction des autres personnages du tableau comme des passions qui pouvoient s’exprimer, il place à côté du lit de Germanicus une femme noble par sa taille et par ses vêtemens, qui se cache le visage avec les mains, et dont l’attitude entiere marque encore la douleur la plus profonde. […] Ceux qui sçavent que Germanicus avoit une femme uniquement attachée à lui, et qui reçut ses derniers soupirs, reconnoissent Agrippine aussi certainement que les antiquaires la reconnoissent à sa coëfure, et à son air de tête pris d’après les médailles de cette princesse. […] Le peintre oppose à ces philosophes des jeunes gens et des femmes qui marquent leur étonnement et leur émotion par des gestes convenables à leur âge comme à leur sexe.

1206. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « LES FLEURS, APOLOGUE » pp. 534-537

LES FLEURS, APOLOGUE Un soir d’automne, dans un château où pourtant Voltaire avait autrefois passé251, deux ou trois jeunes femmes très-spirituelles et très-aimables s’étaient mises à causer métaphysique, spiritualisme, platonisme pur ; il avait été à peu près décidé par elles que l’âme, non-seulement était chose à part, mais qu’elle était tout. […] J’étais chez Cordélia, mais j’y étais sans qu’elle le sût ; une de ses femmes m’avait placée derrière un rideau et l’on ne me voyait pas, quoique je sois belle.

1207. (1874) Premiers lundis. Tome I « Le vicomte d’Arlincourt : L’étrangère »

Et, en effet, il y avait depuis quelque temps dans la contrée une femme mystérieuse, solitaire, vêtue de blanc, habitant une maison blanche : on l’appelait l’Étrangère. Que cette infortunée, qui n’est ni femme ni vierge, et qui pourtant n’est point coupable, soit la véritable Agnès, qui a trouvé moyen de courir les champs en laissant à sa place dans le donjon quelque amie complaisante, c’est ce que devine tout d’abord le lecteur qui sait tant soit peu son d’Arlincourt : mais c’est ce qu’Arthur ne saurait deviner ; et pourtant son cœur à tout hasard n’en préfère pas moins la proscrite de la vallée à l’héritière du château.

1208. (1874) Premiers lundis. Tome I « Mémoires de madame de Genlis sur le dix-huitième siècle et la Révolution française, depuis 1756 jusqu’à nos jours — I »

Mais, vous le savez trop bien, en dévotion comme en amour, il est une pudeur d’aveu qui sied trop à une femme pour que jamais elle s’en départisse ; et quand la Madeleine était pénitente, elle se voilait de ses cheveux, même pour pleurer. […] Enfin, si nous remontons plus haut encore, si nous la suivons au Palais-Royal, dans le monde, nous la verrons sans cesse briguant avec fureur la célébrité, dans un temps où celle-ci était le prix des talents d’éclat, poursuivant tous ces talents, cultivant tous les arts, jusqu’à y trop exceller, transportant le théâtre dans les salons et l’école dans le théâtre, cumulant dans sa tête dévotion, galanterie, sensibilité, pédantisme, en un mot, toutes les inconséquences dont est capable une femme d’esprit, décidée à se créer en toute hâte une existence supérieure et plus que privée.

1209. (1875) Premiers lundis. Tome III « Lafon-Labatut : Poésies »

Lafon-Labatut y reconnut le nom d’un ancien ami, et il partit là-dessus de Messine pour Paris, emmenant sa femme et son jeune enfant. La pauvre femme était morte de la peste en route, à Gibraltar ; le père et l’enfant, après mille traverses, exténués de misère et de besoin, arrivaient donc seuls ; ils furent reçus avec cordialité.

1210. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — B — Bouchor, Maurice (1855-1929) »

. — Aux femmes d’Alsace (1897). — Lectures et récitations (1898). — La Chanson de Roland, traduction en vers (1898). — Vers la pensée et vers l’action (1899). […] Henri Mercier Si la joie d’être débordait dans les Chansons joyeuses, les Poèmes de l’Amour et de la Mer, qui vinrent ensuite, révélèrent en Maurice Bouchor un autre poète, un poète du cœur, plein de tendresse pour la nature, de délicatesse en sa conception de la femme et de douce mélancolie.

1211. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre X » pp. 83-88

Quelle prévention que cette qui fait voir un bureau de fade bel esprit dans cette maison, ou le poète le plus mâle de notre littérature et le plus élevé, à qui il n’est arrivé qu’une seule fois de mettre une passion amoureuse sur la scène, allait chercher des conseils et des encouragements, échauffer et exalter son énergique talent, et où il trouvait l’inexprimable bonheur délie goûté, senti, admiré dans son élévation et dans sa profondeur, par des femmes qui s’étaient passionnées dans la noble conversation de Balzac pour la grandeur romaine ! […] Mais on voit dans les lettres de Mad. de Sévigné et dans d’autres documents que les femmes les plus illustres qui brillaient à l’hôtel de Rambouillet lorsqu’il a fini, étaient disciples et admiratrices passionnées de Descartes.

1212. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Racan, et Marie de Jars de Gournai. » pp. 165-171

C’étoit une prude, une femme philosophe. […] Elle écrivit dans la sienne mieux qu’aucune femme de son temps.

1213. (1761) Salon de 1761 « Peinture —  Carle Vanloo  » pp. 117-119

Cette caverne est plutôt l’asile de deux amants heureux que la retraite d’une femme affligée et pénitente. […] Ces femmes ont tant d’habitude d’épier et de coudre en même temps que l’un n’empêche pas l’autre.

1214. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Lundberg » pp. 169-170

Tout ce que je sais, c’est qu’il y avait cette année au sallon beaucoup de portraits, peu de bons, comme cela doit être, et pas un pastel qu’on pût regarder, si vous en exceptez l’ébauche d’une tête de femme dont on pouvait dire, ex ungue leonem ; le portrait de l’oculiste Demours , figure hideuse, beau morceau de peinture ; et la figure crapuleuse et basse de ce vilain abbé De Lattaignant , c’était lui-même passant sa tête à travers un petit cadre de bois noir. […] Il n’imite point les gestes du furieux ; il n’a point le sourcil relevé de l’homme qui dédaigne le regard de sa femme qui s’attendrit ; il ne s’extasie point, il ne sourit point à son travail, il reste froid, et cependant son imitation est chaude.

1215. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre IV. Des éloges funèbres chez les Égyptiens. »

L’un venait en habits de deuil, et disait : « Il a fait périr ma femme et mes enfants ; j’apporte ici les dernières plaintes qu’ils prononcèrent en mourant : ô juges, vengez-nous. » Un autre : « Il m’a ravi ma liberté et j’étais innocent ; voilà mes chaînes, elles déposent contre lui, et je viens les secouer sur sa tombe. » Des malheureux, en lambeaux, disaient : « Nous avons été arrachés de nos maisons pour bâtir ces pyramides et ces palais : sur chacune de ces pierres que vous voyez, a coulé quelqu’une de nos larmes » ; et souvent des milliers d’hommes, de femmes et d’enfants, étendant leurs bras à la fois, s’écriaient tous ensemble : « Il a causé la mort de nos pères, de nos frères, de nos époux, qui ont tous péri dans une guerre injuste ; ô juges !

1216. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « M. DE LA ROCHEFOUCAULD » pp. 288-321

On pourrait donner à chacune des quatre périodes de la vie de M. de La Rochefoucauld le nom d’une femme, comme Hérodote128 donne à chacun de ses livres le nom d’une muse. […] Le duc de La Rochefoucauld étoit philosophe et n’étoit pas peintre. » Quelqu’un a dit en ce même sens : « Chez La Bruyère, la pensée ressemble souvent à une femme plutôt bien mise que belle : elle a moins de corps que de tournure. » Mais, sans prétendre diminuer du tout La Bruyère, on a droit de trouver dans La Rochefoucauld un angle d’observation plus ouvert, un coup d’œil plus à fond. […] M. de la Rochefoucauld ne nous a point paru pouvoir se séparer des deux femmes qui ont tenu une si grande place dans sa vie ; en le mettant, par exception, dans ce volume tout consacré à des gloires plus douces, nous ne sommes pas pour cela de l’avis que son succès a été un succès de femmes, comme il nous revient de temps en temps qu’on le murmure autour de nous : nous entendons simplement lui faire une faveur dont il est digne et dont, certes, il ne se plaindrait pas. […] « Les femmes croient souvent aimer, encore qu’elles n’aiment pas : l’occupation d’une intrigue, l’émotion d’esprit que donne la galanterie, la pente naturelle au plaisir d’être aimées, et la peine de refuser, leur persuadent qu’elles ont de la passion, lorsqu’elles n’ont que de la coquetterie. »(Maximes. […] Le duc de La Rochefoucauld fut depuis victime des journées de septembre 1792, et massacré à Gisors par le peuple, derrière la voiture de sa mère et de sa femme qui entendaient ses cris.

1217. (1895) Histoire de la littérature française « Seconde partie. Du moyen âge à la Renaissance — Livre I. Décomposition du Moyen âge — Chapitre I. Le quatorzième siècle (1328-1420) »

N’étant pas un méchant homme, il trouve excessif de passer au fil de l’épée toute une population désarmée, les enfants et les femmes : mais il ne faut pas lui demander plus. […] Les dames le gênent, et il méprise la femme. […] Avec les femmes, les enfants, le ménage, il a en aversion les jolis courtisans, peut-être un peu parce que leur élégance mortifie sa vulgarité, mais surtout, à coup sur, parce que cette jeunesse vole aux vieux conseillers bourgeois du précédent règne, dont il est, la faveur de Charles VI et des princes, et les marques solides de cette laveur. […] Du haut de leurs chaires, sur les places, par les champs, les prédicateurs étaient les directeurs publics de la conscience des individus et des foules : tout et tous passaient sons leur âpre censure, et définis les coiffures effrontées des femmes, nulle partie secrète ou visible de la corruption du siècle ne déconcertait l’audace de leur pensée ou de leur langue. […] Il entre dans l’Église, et s’attache à la reine Philippe de Hainaut, femme d’Edouard III.

1218. (1857) Articles justificatifs pour Charles Baudelaire, auteur des « Fleurs du mal » pp. 1-33

Montrant leurs seins pendants et leurs robes ouvertes, Des femmes se tordaient sous le noir firmament, Et, comme un grand troupeau de victimes offertes, Derrière lui traînaient un long mugissement. […] Les moralités délicates disaient qu’il allait tuer comme les tubéreuses tuent les femmes en couche, et il tue en effet de la même manière. […] Mais il était écrit là-haut sans doute que tout ce qui désigne ce sexe deviendrait une injure ; et ce sont les femmes elles-mêmes qui se sont calomniées en rejetant comme indécents tous les mots qui avaient ce caractère. […] J’ai deux garçons et deux demoiselles, nous dira la femme du dernier artisan. […] J’ai parlé du don d’évocation comme d’un des plus particuliers à l’auteur des Fleurs du mal. — Un crime a été commis ; la police pénètre dans un appartement clos et mystérieux, où, parmi les splendeurs du luxe et de la volupté la plus délicate, un cadavre de femme gît sur un lit, la tête séparée du tronc. — De quel crime ténébreux, se demande le poète, cette malheureuse a-t-elle été victime ?

1219. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « Alphonse Daudet »

Tout n’y est pas de cette jolie triste couleur de robe de femme qu’on appelle cendre de rose ! […] Eh bien, c’est ce Bixiou que l’auteur des Lettres de mon moulin a peint vieux, décrépit, aveugle, méprisé de sa femme, idiot de sa fille… et cherchez le pastel du doux Chérubin littéraire dans cette peinture ! […] Journaliste, fou des journaux qui l’ont perdu, en ne le rendant propre à rien qu’à faire des journaux, il les ramasse partout sans y voir, les sent, trouve qu’ils sentent bon, lèche leur encre et maudit sa femme qui ne veut pas les lui lire, — une catin bégueule, — parce qu’elle y trouve des inconvenances. […] Il y a bien là une femme, — une femme héroïque, — la femme de Christian II, qui veut souffler dans le cœur de son mari le feu qui lui manque, qui ramasse comme elle peut, à chaque instant du roman, les morceaux de cette marionnette des vices de Paris pour les faire tenir debout et en reconstituer un homme, mais sans y réussir jamais… Elle est la seule qui ne soit pas ridicule dans le roman. Mais elle est inutile… Et, d’ailleurs, c’est un mauvais symptôme pour les races, quand les femmes y sont les héros.

1220. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Ducis épistolaire (suite et fin). »

Voici la plus grande partie de la lettre que Ducis adressait sur ce sujet à Bernardin de Saint-Pierre, lequel venait de perdre sa première femme : « Versailles, le 1er nivôse an VIII (21 décembre 1799). […] c’est au même âge que j’ai aussi perdu ma tendre femme, ma première, la mère de mes enfants, âme pure et sensible que je regretterai jusqu’au dernier soupir. […] Je suis assis sur le tombeau de ma première femme et de mes enfants : vous en avez deux en bas âge, un au berceau, une jeune épouse que vous ne pouvez trop aimer. […] Hue, peintre de marines, avec sa femme, et un M.  […] La seconde femme de Bernardin de Saint-Pierre.

1221. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre quatrième. La propagation de la doctrine. — Chapitre III »

 » — Dans toute la première moitié du dix-huitième siècle, je ne vois dans le Tiers-état que ce seul foyer d’opposition, le Parlement et, autour de lui, pour attiser le feu, le vieil esprit gallican ou janséniste. « La bonne ville de Paris, écrit Barbier en 1733, est janséniste de la tête aux pieds », non seulement les magistrats, les avocats, les professeurs, toute l’élite de la bourgeoisie, « mais encore tout le gros de Paris, hommes, femmes, petits enfants, qui tiennent pour cette doctrine, sans savoir la matière, sans rien entendre aux distinctions et interprétations, par haine contre Rome et les jésuites. Les femmes, femmelettes et jusqu’aux femmes de chambre s’y feraient hacher… Ce parti s’est grossi des honnêtes gens du royaume qui détestent les persécutions et l’injustice. » — Aussi, quand toutes les chambres de magistrature, jointes aux avocats, donnent leur démission et défilent hors du palais « au milieu d’un monde infini, le public dit : Voilà de vrais Romains, les pères de la patrie ; on bat des mains au passage des deux conseillers Pucelle et Menguy et on leur jette des couronnes » […] Le marquis de Mirabeau, apprenant que son fils veut être son propre avocat, ne se console qu’en voyant d’autres, et de plus grands, faire pis encore570. « Quoique ayant de la peine à avaler l’idée que le petit-fils de notre grand-père, tel que nous l’avons vu passer sur le Cours, toute la foule, petits et grands, ôtant de loin le chapeau, va maintenant figurer à la barre de l’avant-cour, disputant la pratique aux aboyeurs de chicane, je me suis dit ensuite que Louis XIV serait un peu plus étonné s’il voyait la femme de son arrière-successeur, en habit de paysanne et en tablier, sans suite, sans pages ni personne, courant le palais et les terrasses, demander au premier polisson en frac de lui donner la main que celui-ci lui prête seulement jusqu’au bas de l’escalier. » — En effet, le nivellement des façons et des dehors ne fait que manifester le nivellement des esprits et des âmes. […] Barnave, averti de l’affront, vint emmener sa femme et dit tout haut : « Je sors par ordre du gouverneur ». […] Le futur député se souvint plus tard de l’outrage, et dès lors se jura « de relever la caste à laquelle il appartenait de l’humiliation à laquelle elle semblait condamnée ». — Pareillement Lacroix, le futur conventionnel590, poussé, à la sortie du théâtre, par un gentilhomme qui donne le bras à une jolie femme, se plaint tout haut. — « Qui êtes-vous ? 

1222. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre VI. Premiers pas hors de Saint-Sulpice  (1882) »

Nous avons toujours été l’un avec l’autre comme on est avec une femme qu’on respecte. […] Les femmes ont, en général, compris ce que ma réserve affectueuse renfermait de respect et de sympathie pour elles. En somme, j’ai été aimé des quatre femmes dont il m’importait le plus d’être aimé, ma mère, ma sœur, ma femme et ma fille. Ma part a été bonne et ne me sera pas enlevée ; car je m’imagine souvent que les jugements qui seront portés sur chacun de nous dans la vallée de Josaphat ne seront autres que les jugements des femmes, contresignés par l’Éternel. […] Le public a l’esprit plus large que n’importe qui. « Tous » renferme beaucoup de sots ; c’est vrai ; mais « tous renferme les quelques milliers d’hommes ou de femmes d’esprit pour qui seuls le monde existe.

1223. (1823) Racine et Shakspeare « Chapitre II. Le Rire » pp. 28-42

J’ai remarqué que dans la société, c’est presque toujours d’un air méchant, et non pas d’un air gai, qu’une jolie femme dit d’une autre femme qui danse : Mon Dieu, qu’elle est ridicule ! […] Maclou de Beaubuisson, fort bien joué par Bernard-Léon, je pensais que j’avais senti, confusément peut-être, que cet être ridicule avait pu inspirer de l’amour à de jolies femmes de province, qui, à leur peu de goût près, auraient pu faire mon bonheur.

1224. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre II. Les formes d’art — Chapitre II. La tragédie »

Faites venir maintenant Rhadamiste sous le nom et le costume d’un ambassadeur romain : que Zénobie le reconnaisse ; voilà un effet, d’où naîtront : 1° une lutte de sentiments dans l’âme de Zénobie, prise entre le devoir et l’amour ; 2° la jalousie du mari, amoureux de sa femme, et qui, se souvenant de l’avoir assassinée, n’en attend pas beaucoup de retour ; 3° la jalousie de Pharasmane et d’Arsame, que les entrevues de la femme et du mari inquiéteront. […] Il ira jusqu’à faire une tragédie sans femmes, la Mort de César.

1225. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « La diplomatie au xviie  siècle »

Il avait l’humilité fière qui plaît tant aux femmes, dans les hommes faits pour les séduire, et qui plaît tant aussi aux Puissances, parce qu’elles sont des femmes aussi ! […] … Le cheval d’Attila, les femmes d’Attila, furent (dit-on) enterrés avec leur terrible maître… Lionne, qui fut un très digne serviteur des siens, devait-il être exhumé et mis à part d’eux, à part des traités où son nom brille abrité sous les leurs, comme sous un dais, pour que nous sussions mieux ce qu’il était et ce qu’il fit ?

1226. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Sophie Arnould »

— signifie sagesse, n’a plus de sagesse à l’extrémité d’une vie folle que de vivre en bonne intelligence avec les femmes que ses anciens amants ont épousées ; n’ayant plus même l’énergie ou la délicatesse d’une jalousie qui reste quelquefois aux femmes les plus perdues ; pourrie de cœur dans un corps pourri, — ce qui n’étonne guères dans une courtisane, — mais pourrie jusque dans son esprit même, cet esprit par lequel elle avait bien plus régné que par son corps et que MM. de Goncourt voudraient nous faire croire immortel ! […] Sophie Arnould n’est peut-être pas que le phénomène d’esprit que réellement elle était, mais un phénomène bien plus complexe ; car ils la font, dans leur livre, charmante de toutes les manières dont une femme puisse être charmante, comme ils l’ont faite spirituelle dans ces misérables lettres où elle ne l’est plus et qui inspirent à qui les lit, excepté eux, plus de dégoût encore que de pitié.

1227. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « A. Dumas. La Question du Divorce » pp. 377-390

Alexandre Dumas n’a pas ajouté un seul aperçu qui lui appartienne en propre… Une femme, dans un de ses romans (Delphine), madame de Staël, a discuté le pour et le contre de la question du divorce plus éloquemment que M. Dumas, et du point de vue raccourci de sa sensibilité de femme. […] Dumas, l’épicurien sentimental, qui croit, comme madame de Staël, que le but légitime de la vie est le bonheur individuel et non pas le perfectionnement moral, n’a pas mis à côté des idées de madame de Staël une idée qui prouvât à cette glorieuse jupe que l’homme, en matière d’État, est, comme en tout, au-dessus de la femme… Pour mon compte, j’accepte le tranchant de la hache qui a coupé une tête de plus dans nos institutions.

1228. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Le Docteur Favrot »

Je n’ignorais pas qu’il était carrément matérialiste, mais, excepté en fait de femmes, j’adore tout ce qui est carré. […] Avec le docteur Favrot, on allait avoir bien autre chose que des malices de grosse femme… pas méchante, qui veut faire des niches à l’Église Romaine et du bas bleuisme d’antiquité. […] je ne crois pas que dans ce siècle de progrès, qui fait des questions de toutes choses et qui s’imagine être un grand améliorateur du sort des hommes, il y ait question plus importante, plus pressante, plus menaçante, plus épouvantable que celle-là, si nous avions la force virile de regarder fixement dans cet abîme, et si, comme des femmes, nous n’en détournions pas les yeux.

1229. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Auguste Vacquerie  »

Mes monuments, mes parcs, mes princes et mes femmes, C’étaient ses vers, c’étaient ses romans et ses drames ; Les tours de Notre-Dame étaient l’H de son nom ! […] Il s’y montre l’irrévérent Hugo pour Molière à propos des femmes, le Hugo Trissotin quand il s’agit de sauver les Bélise et les. Philaminte : Avec ces vers on fit de toi, pauvre génie, Le complice du vieux préjugé bestial Qui voudrait empêcher l’ascension bénie Des femmes vers le beau, l’azur et l’idéal !

1230. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Ronsard »

Ce poète, ce grand seigneur, cet homme de cour, qui n’aima jamais que deux paysannes, deux filles tout près de la nature, rencontrées au bord des rivières et des bois : Simples glayeuls, à couleur arc-en-cine, et qu’il engrava en ses vers sous les noms, de Marie et de Cassandre, — car la troisième, qu’on y trouve aussi sous le nom de Synope, il n’est pas bien sûr qu’il l’ait aimée, — aima donc au-dessous de lui, comme les hommes vraiment grands, qui descendent presque toujours vers la femme qu’ils aiment, tandis que les petits veulent monter vers elle, — et il eut dans l’expression de son double amour une ampleur d’embrassement, un si vaste réchauffement de cœur, un emportement de geste si impérieux dans la caresse, que ses Sonnets et ses autres pièces intitulées : Amours, effacent par la passion, le mouvement et l’image, tout ce qui a jamais parlé d’amour. […] Les femmes ne sont-elles pas ainsi, du reste ? […] Frisottaient, mignottaient, aguignaient, sont des mots enfants, qui s’en sont allés où vont les charmes de l’enfance, ces charmes inouïs que jamais on ne retrouve plus, dans les femmes les plus accomplies et les plus belles, comme ils furent, deux jours, en ces petites filles inachevées qui, moins elles sont dans la vie, nous paraissent plus près du ciel !

1231. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Milton »

Milton, ce beau jeune homme qui ensorcelait les femmes, même quand il dormait ; Milton, cet Endymion de la poésie anglaise, auprès de qui une inconnue qui passait quand il dormait sur un gazon laissa les fameux vers : Occhi, stelle mortali, Si chiusi m’uccidite, Aperti, che farete 5 ? […] Marié trois fois successivement, il fut malheureux par sa première femme qui l’abandonna, et les deux autres ne lui constituèrent que le vulgaire bonheur du pot au feu et des chemises reprisées. […] Toujours pédagogue, il leur avait assez égoïstement appris à prononcer des mots comme des perroquets, et cela est dur, même pour des femmes.

1232. (1890) Les princes de la jeune critique pp. -299

Il ne dit pas au mari de la femme adultère : Tue-la, mais : Plains-la. […] Il est homme à s’absorber dans la contemplation d’une antique image de femme. […] Médire des femmes comme une femme, les aimer comme un homme, n’est-ce pas après tout ce qui convient à sa double nature d’homme à cœur de femme ! […] On dirait d’un Stendhal attendri qui aurait été femme dans une autre vie et qui s’en souviendrait. […] Une femme éveille en lui l’image d’une fleur.

1233. (1933) De mon temps…

Dans sa jeunesse, il avait connu Sainte-Beuve, voyagé en Egypte avec Théophile Gautier et entretenu, par supercherie, sous un nom de femme, une correspondance d’amour avec Alexandre Dumas fils. […] Mme Straus était une charmante femme aux réparties imprévues où le plus sain bon sens se mêlait à la plus amusante fantaisie. […] Mme Alice Mirbeau avait des talents de ménagère et des restes de jolie femme. […] Or, ç’aurait été durant un de ces rendez-vous nocturnes que l’on dut aller avertir la femme du grand romancier qu’il était temps de venir lui fermer les yeux. […] Elle y était représentée dans toute la singularité de sa grâce de jeune femme à la mode d’avant 1900.

1234. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Roederer. — III. (Fin.) » pp. 371-393

Il y a plus : les femmes jouèrent toujours un grand rôle dans la pensée de Roederer ; il les aimait, entre autres choses, pour leur esprit, pour leur conversation, pour le charme qu’elles mettaient dans la société, et pour la part de culture qu’elles apportèrent dans la formation de la langue. […] Comme François Ier avait, à bien des égards, bouleversé l’état de choses établi politiquement par Louis XII, il croyait de même que les femmes aimées par François Ier n’avaient pas moins dérangé l’honorable état de société établi par Anne de Bretagne. […] Pourtant l’âge venait ; Louis XIV se tempérait à son tour, et une femme sortie du plus pur milieu de la société de Mme de Rambouillet et qui en était moralement l’héritière, une femme accomplie par le ton, la raison ornée, la justesse du langage et le sentiment des convenances, Mme de Maintenon, s’y prenait si bien qu’elle faisait asseoir sur le trône, dans un demi-jour modeste, tous les genres d’esprit et de mérite qui composent la perfection de la société française dans son meilleur temps. […] Il y a d’ailleurs, indépendamment de toute conjecture, une idée vraie et neuve dans son livre, c’est de ressaisir à distance l’histoire de la conversation, d’en noter l’empire en France, de reconnaître et de suivre à côté de la littérature régulière cette collaboration insensible des femmes, à laquelle on avait trop peu songé jusque-là.

1235. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Horace Vernet (suite.) »

Au Caire, il a le cœur tout gros de fâcheuses réflexions en visitant le marché à esclaves, cet odieux marché, dit-il, « où de petits négrillons mâles et femelles sont par paquets rassemblés sur un mauvais carré de toile comme des pommes à cinq pour un sou, sans compter les hommes et les femmes de toutes couleurs qu’on tient dans des trous tout autour de cet infâme lieu, où, comme des rois, d’infâmes voleurs trafiquent de la chair humaine. » Mais, au sortir de là, c’est bien pis quand il entre dans la mosquée des fous, dont il décrit le spectacle horrible : « Figure-toi une cour de quarante pieds carrés, environnée de murailles prodigieuses de hauteur, qui laissent à peine entrer le jour ; dans l’angle, une petite porte de trois pieds de haut, barricadée de chaînes à travers lesquelles on passe avec peine. […] Un jour, dans une de ses courses en Algérie, il avait fait une première remarque : il lisait la Bible, et voyant une jeune femme arabe venir chercher de l’eau à un puit, il crut avoir sous les yeux la parfaite représentation de Rebecca à la fontaine, lorsque la fille de Bathuel, portant sa cruche sur son épaule gauche, la laissait glisser sur son bras droit pour donner à boire au serviteur d’Abraham : c’est ainsi du moins qu’il s’expliquait ce mouvement et ce jeu de scène. […] Vous allez rire de voir Gribeauval et Habacuc contemporanisés par moi : riez tant qu’il vous plaira, puis songez qu’il y avait des curieux autour de moi, ries femmes, des enfants regardant avec attention aussi, mais ne voyant dans ce que nous admirions de mécanisme dans ces machines de guerre, qu’une nouvelle volonté de Dieu, qu’un fléau d’une autre forme envoyé par lui pour les éprouver de nouveau. […] Un jour qu’à son retour d’Orient, à Smyrne, sa femme et sa fille lui avaient fait recommander, je ne sais pourquoi, de se tenir ferme contre les amis du duc de Bordeaux, lequel voyageait apparemment de ce côté, il avait répondu, en s’étonnant à bon droit de la recommandation : « Dans tous les cas, rassurez-vous ! […] La moindre esquisse d’un Napoléon à cheval qu’il croquait le soir chez l’impératrice, pendant que les femmes brodaient et que quelque chambellan faisait la lecture à haute voix, avait tous les honneurs de la soirée.

1236. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Essai de critique naturelle, par M. Émile Deschanel. »

Deschanel inaugura à Bruxelles et poursuivit dans les principales villes de la Belgique de libres conférences où les femmes étaient admises, et dans lesquelles il traitait des sujets de littérature sérieuse ou aimable. […] Deschanel a publiés pendant son séjour en Belgique, ce qui est resté très-amusant à parcourir, c’est cette suite de jolies anthologies dans la collection Hetzel : les Courtisanes grecques ; — l’Histoire de la Conversation ; — le Bien qu’on a dit des Femmes ; — le Mal qu’on a dit des Femmes ; — le Bien qu’on a dit de l’Amour ; — le Mal qu’on a dit de l’Amour ; — le Bien et le Mal qu’on a dits des Enfants. […] On peut remarquer, comme un fait moral assez naturel et digne de la race d’Adam, que le Mal qu’on a dit des Femmes a eu jusqu’à six éditions à 3,000 exemplaires, tandis que le Bien qu’on a dit d’elles n’en a eu que quatre à grand-peine. […] qu’on voit bien, dirai-je à mon tour au spirituel Horace de Lagardie — car c’est bien un peu à lui que je pense en ce moment15, — qu’on voit bien, en vous lisant, Monsieur, que vous êtes une femme d’esprit, mais aussi que vous n’êtes des nôtres que par le piquant, la vivacité et le tour, par bien des qualités qu’on vous envie, et que vous n’en avez pas été de tout temps !

1237. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Victor Hugo — Victor Hugo en 1831 »

Mme Hugo, femme supérieure, d’un caractère viril et royal, comme dirait Platon, s’était décidée à ne pas voir le monde, et a vivre retirée dans une maison située au fond du cul-de-sac des Feuillantines, faubourg Saint-Jacques, pour mieux vaquer à l’éducation de ses fils. […] Dans le Dernier Jour d’un Condamné, il s’est plu à rappeler le vieux puisard, la charmante Pepita l’Espagnole, et le tome II des Voyages de Spallanzani ; ailleurs il parle de l’escarpolette sous les marronniers ;le dôme gris et écrasé du Val-de-Grâce, si mélancolique à voir entre la verdure des arbres, lui apparaît sans doute encore toutes les fois qu’il se représente des jardins de couvent : c’est aussi dans ce lieu de rêverie qu’il commença de connaître et d’aimer cette autre Pepita non moins charmante, la jeune enfant qui, plus tard, devint sa femme. […] Le fond de la philosophie de leur mère était le voltairianisme, et, femme positive qu’elle était, elle ne s’inquiéta pas d’y substituer une croyance pour ses fils. […] Mais il apprend son danger : il avait deux logements, celui de la rue du Dragon, qu’il occupait, et celui de la rue Mézières, abandonné depuis peu et disponible ; vite il écrit à la mère de Delon, lui offrant un asile sûr pour son fils. « Je suis trop royaliste, madame, lui disait-il, pour qu’on s’avise de le venir chercher dans ma chambre. » La lettre fut simplement adressée à madame Delon, femme du lieutenant-de-roi, à Saint-Denis, et mise à la poste. […] Je n’exagère pas ; il y avait des formules de tendresse, des manières adolescentes et pastorales de se nommer ; aux femmes, par exemple, on ne disait madamequ’en vers ; c’étaient des noms galants comme dans Clélie .

1238. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre I. Renaissance et Réforme avant 1535 — Chapitre II. Clément Marot »

Elle est la femme accomplie, comparable aux plus beaux exemplaires que l’Italie ait offerts : une Isabelle de Gonzague n’a pas eu un plus riche développement. […] Ainsi s’affranchir par l’entendement, se donner par l’amour, voilà l’idéal de cette noble femme. […] Ce n’est au fond que le livre d’une honnête femme, qui tient école de savoir-vivre et de bonnes mœurs. […] Il était naturel que sa prose fût de meilleure qualité que ses vers : quand il s’agissait de conter et de causer, cette intelligente femme n’avait pas besoin d’être écrivain pour écrire excellemment. […] Cette vie de cour essayée par Anne de Bretagne, splendidement développée par François Ier, cette perpétuelle conversation des hommes et des femmes les plus illustres dans les maisons du roi, rendaient impossibles la lourdeur, le pédantisme, la prolixité, la platitude d’autrefois.

1239. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Madame de La Vallière. » pp. 451-473

Toutes les femmes du monde, toutes les femmes d’esprit, Mme de Sévigné elle-même, trouvèrent qu’elle manquait de dignité. […] Il l’a oubliée comme s’il ne l’avait pas connue. » Des trois femmes qui ont véritablement occupé Louis XIV, et qui se sont partagé son cœur et son règne, Mlle de La Vallière, Mme de Montespan et Mme de Maintenon, la première reste de beaucoup la plus intéressante, la seule vraiment intéressante en elle-même. Fort inférieure aux deux autres par l’esprit, elle leur est incomparablement supérieure par le cœur : on peut dire qu’à cet égard elle habite dans une autre sphère, où ces deux femmes d’esprit (et la dernière qui fut de plus une femme de raison) n’atteignirent jamais.

1240. (1864) William Shakespeare « Conclusion — Livre I. Après la mort — Shakespeare — L’Angleterre »

Admiration universelle, un grand peuple entre en frénésie, une grande ville tombe en pâmoison, on loue un balcon sur le passage du jeune homme cinq cents guinées, on s’entasse, on se presse, on se foule aux roues de sa voiture, sept femmes sont écrasées par l’enthousiasme, leurs petits enfants sont ramassés morts sous les pieds, cent personnes, un peu étouffées, sont portées à l’hôpital, la joie est inexprimable. […] Fière et magnanime avec des hypocrisies étranges, grande avec pédanterie, hautaine avec habileté, prude avec audace, ayant des favoris, point de maîtres, chez elle jusque dans son lit, reine toute-puissante, femme inaccessible, Élisabeth est vierge comme l’Angleterre est île. […] toutes les sectes bibliques se bouchent les oreilles, sans songer qu’Aaron adresse exactement la même épithète à Séphora, femme de Moïse. […] La vertueuse femme en qui le peuple anglais, royaliste, comme on sait, voit et vénère sa personnification actuelle, cette digne mère, cette noble veuve, vient, avec le respect profond qui convient, incliner la majesté matérielle devant la majesté idéale ; la reine d’Angleterre salue Shakespeare ; l’hommage de Victoria répare le dédain d’Élisabeth. […] Quelle oraison de l’évêque de Londres ou de l’archevêque de Cantorbery vaudra le cri d’une femme devant Desdemona, d’une mère devant Arthur, d’une âme devant Hamlet ?

1241. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Notes et éclaircissements. [Œuvres complètes, tome XII] »

Archéloüs avec sa femme et sa fille. […] C’étaient des paysans à l’entrée d’un village, faisant prix avec des femmes pour les porter sur leurs épaules à travers une mare, etc. […] On voit seulement, dans le Télèphe, une femme assise, couronnée de guirlandes, appuyée sur un panier rempli d’épis, de fruits et de fleurs. […] Un Faune joue de la flûte dans l’éloignement, et une femme ailée fait le fond de la figure d’Hercule. […] Des Égyptiens poursuivent des crocodiles ; des Égyptiennes sont couchées sous des berceaux ; une femme offre une palme à un guerrier, etc.

1242. (1874) Premiers lundis. Tome II « La Comtesse Merlin. Souvenirs d’un créole. »

Je me figurais bien la jeune femme artiste, non moins chose légère que l’abbé Delille, d’une joyeuse abondance de talent, active à tout peindre, les personnes, les cascades, l’arc-en-ciel de Tivoli, ses grâces au pinceau, au pastel, la draperie mythologique qu’elle savait jeter sur chaque objet ; j’assistais à l’inspiration mondaine et riante de l’art d’alors, et les Souvenirs me commenaient quelques-uns de ces portraits durables qu’on aime à revoir. […] Née à la Havane dans cet opulent climat qui plus tard lui faisait paraître l’Andalousie si chétive, et où les mouches volantes seraient seules des clartés suffisantes de la nuit, la jeune Mercedès Jaruco, élevée d’abord et très gâtée chez sa grand-mère, puis mise au couvent où elle ne peut tenir et d’où elle s’échappe un matin, puis auprès d’une tante de chez laquelle elle s’échapperait non moins volontiers, nous apparaît dans sa beauté native, sachant lire à peine, souvent sans bas, un peu sauvage, ne s’arrêtant jamais entre un désir et son but, courant à cheval et tombant, grimpant à l’arbre et s’évanouissant au toucher d’une couleuvre, bonne pour les nègres, dévouée au premier regard pour ce qui souffre ; on se plaît à admirer une enfance si franche et si comblée des plus riches dons, racontée avec finesse et goût par la femme du monde.

1243. (1874) Premiers lundis. Tome II « Revue littéraire »

si parfois une femme, Pensive, en les lisant, à la fuite du jour, Sent son œil qui se mouille et son cœur qui s’enflamme   A tes récits d’amour ; Si, parmi les amis qu’a chéris ton enfance, Un seul peut-être, un seul qui t’aurait oublié, Y trouve avec bonheur quelque ressouvenance   D’une ancienne amitié ; Ou, si d’enfants chéris une troupe rieuse Qu’amusent tes récits, que charment tes accents, En t’écoutant, devient meilleure et plus joyeuse,   Et t’aime pour tes chants : Ce rêve est assez beau pour enivrer ton âme ! […] Vivre au cœur d’un ami, d’un enfant, d’une femme…   Voilà ton immortalité.

1244. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre III. De la comédie grecque » pp. 113-119

L’exclusion des femmes empêchait aussi que les Grecs ne se perfectionnassent dans la comédie. […] On n’avait point encore imaginé de soutenir la curiosité par une intrigue romanesque ; l’intérêt des aventures particulières dépend absolument du rôle que jouent les femmes dans un pays.

1245. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Note III. Sur l’accélération du jeu des cellules corticales » pp. 400-404

Des femmes pâles, échevelées, se montraient silencieuses aux fenêtres et disparaissaient ; des gémissements sourds, inarticulés, remplissaient l’air, et j’étais seul dans la rue, seul, immobile de terreur, et sans force pour chercher mon salut dans la fuite. […] Au fond de la barque était un groupe de femmes auprès desquelles se tenait un bel enfant blond, dont je me rappelle fort bien le costumé, la figure et surtout les cheveux bouclés. — Puis je me retrouvai à cheval de l’autre côté de l’eau, te guide marchait près de moi, et je le voyais.

1246. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des pièces de théâtre — Préface de « Marie Tudor » (1833) »

Une reine qui soit une femme. […] Vraie comme femme.

1247. (1763) Salon de 1763 « Peintures — Vernet » pp. 227-230

Là une mère presse son enfant contre son sein ; d’autres s’exposent à périr pour sauver leurs amis ou leurs proches ; un mari tient entre ses bras sa femme à demi pâmée. […] Madame Geoffrin, femme célèbre à Paris, a fait exécuter par Vernet la Bergère des Alpes, sujet d’un conte de Marmontel.

1248. (1898) Essai sur Goethe

Il y a un Musée Goethe pour l’installation duquel le rigorisme allemand s’est adouci, car on y expose les portraits de toutes les femmes qu’il a aimées autour de ceux de sa femme légitime. […] Ce qu’un homme peut demander à une belle femme dans la nuit profonde. […] Il eut le malheur de s’éprendre de la femme d’un secrétaire de la légation palatine, M.  […] Ô douce et belle femme, joyeuse et toujours active ! […] Nous vois-tu du haut des cieux, sainte femme qui m’as donné ce trésor à garder ?

1249. (1902) La politique comparée de Montesquieu, Rousseau et Voltaire

Si les satires de l’homme et de la femme, écrites par Boileau, n’étaient pas des plaisanteries, elles pécheraient par cette faute essentielle de supposer tous les hommes fous et toutes les femmes impertinentes. […] Il y eut des femmes qui crurent en avoir été témoins. […] Le principe c’est de frapper l’inutile ; c’est de frapper la terre inutile, l’homme inutile, la femme inutile. […] Il y est dit que le roi d’Israël, en passant par le mur ou sur le mur de Samarie, une femme lui dit : « … Ô roi, une femme m’a dit : « Donne-moi ton fils, nous le mangerons aujourd’hui, et demain nous mangerons le inien » ; nous avons donc fait cuire mon fils et nous l’avons mangé. […] Les femmes mangeront-elles leurs enfants, qui ne sont pas plus grands que la main ? 

1250. (1886) Le naturalisme

Quels portraits de femmes ! […] Peu à peu ils se développent et dépravent l’âme de la jeune femme, mariée déjà et mère de famille. […] Alphonse Daudet a une collaboratrice qui est sa femme. […] Les femmes conquéraient le territoire dont elles sont maîtresses à cette heure. […] On nomme ainsi la femme écervelée, et c’est le titre d’un roman qui est l’œuvre capitale de Caballero.

1251. (1782) Essai sur les règnes de Claude et de Néron et sur la vie et les écrits de Sénèque pour servir d’introduction à la lecture de ce philosophe (1778-1782) « Essai, sur les règnes, de Claude et de Néron. Livre second » pp. 200-409

l’on se moque d’un époux, d’un amant, d’un fils, inconsolable de la mort de sa femme, de sa maîtresse, de son père, de son ami ! […] pourquoi ces larmes, lorsqu’on vous annonce la mort de votre femme ou de votre ami ? […] pourquoi votre femme porte-t-elle à ses oreilles la fortune d’une famille opulente ? […] ces études auxquelles j’assistais avec un plaisir si rare dans une femme ? […] Sa femme peut-être, ses frères, ses amis, une foule d’honnêtes et de braves citoyens.

1252. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre huitième. L’introduction des idées philosophiques et sociales dans la poésie (suite). Victor Hugo »

Avons-nous protégé ces femmes ? […] bien, ce qui dégoûtait cette femme est aujourd’hui de l’histoire, et cette histoire-là en vaut bien une autre. […] Selon Hugo, dans notre société, c’est la femme et l’enfant qui souffrent le plus […] — « Qui n’a vu que la misère de l’homme n’a rien vu, il faut voir la misère de la femme ; qui n’a vu que la misère de la femme n’a rien vu, il faut voir la misère de l’enfant. » On dit que l’esclavage a disparu de la civilisation européenne ; c’est une erreur, répond Hugo : il existe toujours ; « mais il ne pèse plus que sur la femme, et il s’appelle prostitution. » Qui a vu les bas-reliefs de Reims se souvient du gonflement de la lèvre inférieure des vierges sages regardant les vierges folles. « Cet antique mépris des vestales pour les ambubaïes, dit Hugo, est un des plus profonds instincts de la dignité féminine230… » Quand il parle de la hardie fille des rues, Eponine : « Sous cette hardiesse, dit-il, perçait je ne sais quoi de contraint, d’inquiet et d’humilié. […] Et cette âme trouvée et prouvée est une femme.Une main vous soutient, c’est la sienne ; une bouche effleure votre front, c’est sa bouche ; vous entendez une respiration tout près de vous, c’est elle.

1253. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre troisième. La connaissance de l’esprit — Chapitre premier. La connaissance de l’esprit » pp. 199-245

. — Une femme que j’ai vue à la Salpêtrière racontait, avec une précision et une conviction parfaites, une histoire d’après laquelle elle était noble et riche. […] Mais on lui a enlevé ses papiers et ses parchemins, et on a mis à la place un faux extrait de naissance qui la fait roturière et pauvre69. — Une autre femme placée dans le service de M.  […] L’un d’eux, nommé Dupré et traité par Leuret, se croyait et se disait à la fois Napoléon, Delavigne, Picard, Andrieux, Destouches et Bernardin de Saint-Pierre. — Une femme citée par Leuret, et qui s’appelait Catherine, n’est plus elle-même ; elle ne s’appelle plus Catherine ; il y a rupture entre son passé et son présent ; elle ne parle de soi qu’à la troisième personne, en disant : « la personne de moi-même ». — D’autres étaient transformés en animaux. […] « Parmi plusieurs femmes hypnotisées, dit le docteur Elliotson, l’une s’imaginait qu’elle était de verre, et elle tremblait qu’on ne vînt à la briser ; une autre, qu’elle n’était pas plus grosse qu’un grain de blé ; une autre, qu’elle était morte. » Pareillement, certains fous sont persuadés que leur corps est en cire, en beurre, en bois, et agissent en conséquence. Leuret cite des hommes qui se croyaient changés en femmes et des femmes en hommes. — Un soldat dont la peau était insensible se croyait mort depuis la bataille d’Austerlitz, où il avait été blessé.

1254. (1857) Cours familier de littérature. III « XIIIe entretien. Racine. — Athalie » pp. 5-80

En réalité, c’était une femme intrépide, une mère accomplie, une amie constante de son ministre jusqu’à la mort, une politique aussi consommée et plus magnanime qu’Élisabeth d’Angleterre. […] Mais cette réserve même était dans son vrai rôle de femme, de reine et de mère. […] Il fit à Dieu et à ses maîtres la promesse de ne plus écrire pour le théâtre ; il répudia ses amours ; il se maria à une femme vertueuse et sainte qui ne connut jamais de lui que l’époux et le père, et qui ne lut pas même ses chefs-d’œuvre de poète. […] Sa femme, fille d’un trésorier des finances d’Amiens, s’appelait Catherine de Romanet ; elle avait apporté en dot une fortune modeste à peu près égale à celle de son mari. […] Mais ce n’était pas, dans l’esprit de Racine, une tragédie : c’était une idylle simple à la portée des jeunes filles et des enfants qui devaient en être les acteurs ; comme poésie de style, images, langue, sonorité, douceur et majesté, c’est la Bible elle-même non traduite, mais transvasée comme un rayon de miel d’Oreb sur la langue des femmes et des enfants d’une autre Sion !

1255. (1882) Autour de la table (nouv. éd.) pp. 1-376

On a dit avec raison qu’elle avait eu le don et le charme de rester femme. […] Ce dont vous vous affligez comme d’une disgrâce est une conséquence logique de votre supériorité sur les autres femmes. […] ô ma femme ! […] L’idée de cette dissection répugne à la pudeur d’une femme. […] Les femmes enceintes avortaient à la représentation d’Oreste tourmenté par les furies.

1256. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Marivaux. — II. (Fin.) » pp. 364-380

Sans trop insister sur ce point délicat et souvent obscur, il est à noter que pour bien jouer Marivaux, pour représenter tous ces rôles de femmes à la Marianne, si distingués, si délicats, si calculés, il n’est pas besoin d’une grande sensibilité de cœur, et que cette qualité serait peut-être nuisible. […] Il était atteint de ce mal particulier que nous avons vu à certains amours-propres pointilleux de notre temps82 et qu’on a appelé le rhumatisme littéraire : « Je n’ai vu de mes jours à cet égard, nous dit Collé, personne d’aussi chatouilleux que lui ; il fallait le louer et caresser continuellement comme une jolie femme. » Les portraits de Marivaux nous le représentent avec la physionomie fine, spirituelle, bienveillante, mais inquiète et travaillée. […] Un nouveau siècle était né et avait grandi : Marivaux appartenait à l’époque de transition, à la génération ingénieuse et discrète de Fontenelle, de Mairan, de La Motte, et le monde désormais appartenait à Voltaire régnant, à Montesquieu, à Buffon, à Rousseau, à d’Alembert, à cette génération hardie et conquérante qui succédait de toutes parts et s’emparait de l’attention universelle : Marivaux a eu parmi nous, disait Grimm en 1763, la destinée d’une jolie femme, et qui n’est que cela, c’est-à-dire un printemps fort brillant, un automne et un hiver des plus durs et des plus tristes. […] Marié dans sa jeunesse, il perdit sa femme de bonne heure, et en eut une fille unique qui se fit religieuse.

1257. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Le Poème des champs, par M. Calemard de Lafayette (suite et fin) »

Se méfier toujours et de tous : « Aie un témoin, même quand tu ris avec ton frère. » Si Hésiode a mal pensé et parlé des rois, il n’épargne guère les femmes. […] moi, en revanche, je leur donnerai un mal auquel tous tant qu’ils sont prendront plaisir, en embrassant leur propre malheur. » Et ce mal, c’est la femme. « Celui qui se fie à la femme se fie aux voleurs », ajoute Hésiode ; il l’appelle enjôleuse et babillarde, et d’un autre mot encore qui revient à dire que, dans son ardeur de se parer, elle se met tout « sur le dos, sur les hanches ». […] C’est là, et on l’a remarqué avant moi, un sentiment de femme, ce n’est pas un sentiment de poule.

1258. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « La Grèce en 1863 par M. A. Grenier. »

… » Lui qui, dans le dernier chant de Childe Harold tout entier consacré à la glorification de l’Italie, appellera Rome une « mère sans enfants, la Niobé des nations », il avait fait auparavant, de la Grèce morte, cette admirable et divine comparaison avec une femme dont la beauté se conserve encore, dans une indéfinissable nuance de calme, de douceur et de majesté, pendant les premières heures du moins qui suivent le dernier soupir : « Tel est l’aspect de ce rivage, s’écrie-t-il ; c’est la Grèce encore, mais non plus la Grèce vivante. […] A un certain endroit de l’lliade, parlant de la blessure d’Agamemnon au bras ou à la main, et des douleurs aiguës qu’elle lui causait, Homère compare ces douleurs à celles qu’éprouverait une femme en travail d’enfant ; sur quoi Plutarque se récrie d’admiration : « Les femmes disent que ce n’est point Homère qui a écrit ces vers, mais la femme Homère, après avoir accouché ou pendant qu’elle accouchait encore » ; tant la douleur lancinante de l’enfantement y est bien rendue !

1259. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Le comte de Gisors (1732-1758) : Étude historique, par M. Camille Rousset. »

Soyez l’exemple du bonheur qui suit la vertu, et pardonnez cette tirade à la tendresse qui me l’a arrachée. » Tous enfin s’accordaient à célébrer en lui le don le plus rare, qui a été départi à si peu, et peut-être à moins d’hommes encore que de femmes, la raison précoce, le fruit dans la fleur, un esprit mûr dès le premier duvet : Sotto biondi capei canuta mento. […] Faites passer cette lettre à ma femme. […] Cela s’est vu souvent chez ces femmes du grand monde. […] On fit notamment ce couplet qui se chantait dans la galerie de Versailles, à la cantonade : J’ai perdu ma femme et mon fils, Après le chevalier mon frère ; Je suis sans parents, sans amis.

1260. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre V. Premiers aphorismes de Jésus. — Ses idées d’un Dieu Père et d’une religion pure  Premiers disciples. »

Le sentiment extrêmement délicat qu’on remarque en lui pour les femmes 211 ne se sépara point du dévouement exclusif qu’il avait pour son idée. Il traita en sœurs, comme François d’Assise et François de Sales, les femmes qui s’éprenaient de la même œuvre que lui ; il eut ses sainte Claire, ses Françoise de Chantal. […] Ses relations intimes et libres, mais d’un ordre tout moral, avec des femmes d’une conduite équivoque s’expliquent de même par la passion qui l’attachait à la gloire de son Père, et lui inspirait une sorte de jalousie pour toutes les belles créatures qui pouvaient y servir 212. […] Souvent des âmes très grandes et très désintéressées présentent, associé à beaucoup d’élévation, ce caractère de perpétuelle attention à elles-mêmes et d’extrême susceptibilité personnelle, qui en général est le propre des femmes 215.

1261. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Madame la duchesse d’Angoulême. » pp. 85-102

Elle oublia aussi de lui transmettre ce que les femmes ont si aisément, le désir de plaire et le naissant éveil d’une coquetterie même la plus innocente, ce semble, et la plus permise. […] C’est en songeant à ces scènes douloureuses du Temple que M. de Chateaubriand, qu’il ne faut pourtant pas confondre ici (comme on l’a fait trop souvent) avec Bossuet, a dit dans Atala, par la bouche du père Aubry : « L’habitant de la cabane et celui des palais, tout souffre, tout gémit ici-bas ; les reines ont été vues pleurant comme de simples femmes, et l’on s’est étonné de la quantité de larmes que contiennent les yeux des rois. » Un poète populaire, faisant allusion à cette phrase célèbre, mais continuant de mettre en opposition les classes, a dit : De l’œil des rois on a compté les larmes ; Les yeux du peuple en ont trop pour cela ! […] « Je n’aime pas les scènes », dit-elle un jour un peu brusquement à une femme qui, aux Tuileries, se jetait à ses pieds sur son passage pour la remercier d’un bienfait. […] Mirabeau avait dit de Marie-Antoinette : « Le roi n’a qu’un homme, c’est sa femme. » Mme la duchesse d’Angoulême mérita que Napoléon dît quelque chose de pareil pour sa conduite à Bordeaux.

1262. (1886) Quelques écrivains français. Flaubert, Zola, Hugo, Goncourt, Huysmans, etc. « J. K. Huysmans » pp. 186-212

Qui ne connaît de son passage dans les bouillons, « cette épouvantable tristesse qu’évoque une vieille femme en noir, tapie seule dans un coin et mâchant à bouchées lentes un tronçon de bouilli ?  […] Que l’on note encore le chapitre de A Rebours, où, par une boueuse nuit d’automne, le duc erre par tout le quartier anglican de Paris, des bureaux de « Galignani » à la taverne de la rue d’Amsterdam  dans Les Sœurs Vatard, le tumultueux intérieur d’atelier de femmes par un matin de paye après une nuit blanche, la plaisante énumération des manques de tenue de l’ouvrière Céline devenue la maîtresse d’un monsieur à chapeau de soie  le bruissant tableau des Folies-Bergère dans les Croquis parisiens, et les vues en grisaille de certains sites dolents de la banlieue  enfin, dans tous ses livres, cette qualité que M.  […] Tandis que dans ses premiers livres, l’organisme humain reste à peu près intact, dans ses derniers il le doue d’étranges timidités, d’une mollesse constante, d’un acquiescement résigné à toutes les vicissitudes, d’une absolue dépendance des circonstances extérieures, qui se traduit autant par l’incapacité d’André à travailler dans un appartement neuf, que par l’intolérable malaise qu’il ressent à vivre seul, sans le bruissement d’un jupon de femme autour de lui. […] « En effet, c’était de la gourme, des coliques et des fièvres, des rougeoles et des gifles, dès le premier âge ; des coups de bottes et des travaux abêtissants, vers les treize ans ; des duperies de femmes, des maladies et des cocuages, dès l’âge d’homme ; c’était aussi, vers le déclin, des infirmités et des agonies, dans un dépôt de mendicité ou dans un hospice. » Et, chose singulière, cette vue exclusive des misères humaines n’inspire aux pessimistes de M. 

1263. (1817) Cours analytique de littérature générale. Tome I pp. 5-537

Telle femme n’adore en son amant que les perfections imaginaires que son amour lui prête : c’est moins souvent lui qu’elle aime qu’un beau rêve : dès qu’elle voit ses vrais défauts, son roman finit. […] Mais, fort contre tous les vices, il est pourtant faible devant les attraits d’une femme séductrice qu’il mésestime et qu’il aime. […] Une femme, suivie de son enfant, la regardait, et s’écria d’un ton frénétique, qu’on aurait dû traiter de même le roi qu’elle représentait et tous ses pareils. […] Son Andromaque, épouse de Pyrrhus, et déjà mère de Molossus, est victime de la rivalité d’Hermione, première femme du fils d’Achille. […] Mais cette femme est Médée, et l’opinion reçue est qu’elle immola ses propres enfants pour mieux désoler son mari parjure : cette nécessité, que commande le sujet, est extraordinaire, puisqu’elle eût pu choisir une vengeance moins atroce.

1264. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre XX. Du dix-huitième siècle, jusqu’en 1789 » pp. 389-405

Phèdre vous inspire de l’étonnement, de l’enthousiasme ; mais sa nature n’est point celle d’une femme sensible et délicate. […] Défendre la patrie qui nous a proscrits, sauver la femme qu’on aime alors qu’on la croit coupable, l’accabler de générosité, et ne se venger d’elle qu’en se dévouant à la mort, quelle nature sublime, et cependant en harmonie avec toutes les âmes tendres ! […]  » Arie dit à Petus en lui remettant le poignard : « Tiens, cela ne fait point de mal. » Bossuet, en faisant l’éloge de Charles Ier dans l’Oraison funèbre de sa femme, s’arrête, et dit en montrant son cercueil : « Ce cœur, qui n’a jamais vécu que pour lui, se réveille, tout poudre qu’il est, et devient sensible, même sous ce drap mortuaire, au nom d’un époux si cher. » Émile, prêt à se venger de sa maîtresse, s’écrie : « Malheureux !

1265. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre XXIV. Conférence sur la conférence » pp. 291-305

Le drame en un acte annoncé par l’affiche pose la question vieille mais éternelle de la femme fatale, de la Sapho de Daudet, la question des relations intellectuelles et des confidences possibles de frère à frère ; l’autre tragi-comédie incitait à parler du divorce, ou de la fidélité, ou de la jalousie, mais ces fantaisies physio-psychologiques, de trop fortes lectures récentes m’en avaient ôté le goût. […] Quant aux jeunes femmes, c’est autre chose ; elles se disent assidues des conférences : ne les croyez qu’à demi. […] Demain j’y retournerai. » La phrase a trop servi, et maintenant la jeune femme répond à son seigneur inquiet de ses yeux fatigués : « Je n’ai pas cessé de courir de Faguet à la Sorbonne, à du Bled chez la duchesse, et à Vanor chez Bodinier, sans trouver la nuance d’âme que je cherchais ; je recommencerai demain. » Je remercie les auditrices, loyales celles-là ou momentanément inoccupées, qui aujourd’hui sont venues en personne entendre moquer leur prétendu passe-temps favori.

/ 2753