Mais la grande originalité de la toilette féminine, c’est bien, au fond, d’exprimer ce que j’ai dit.
Nous pouvions tout au moins — avant de nous rabattre à l’« autonomie » crétoise avec vassalité et tribut payé à l’égorgeur — exprimer le désir qu’il fût permis à la Crète de disposer d’elle-même par un plébiscite.
Moréas nous entretient du Pinde ou de l’Eurotas, en termes si délicieux qu’il puisse s’exprimer, cela nous émotionne médiocrement.
Mais qu’un homme, un grand écrivain, si l’on veut, vienne préciser ce qui était nuageux, condenser ce qui était éparpillé, mettre en pleine lumière ce qui était encore enveloppé d’ombre, exposer brillamment ces besoins que beaucoup sentaient sans en avoir la conscience bien nette, alors on lui sait gré d’avoir « dit le secret de tout le monde », d’avoir exprimé tout haut ce que tant d’autres pensaient tout bas, d’avoir donné une voix à des aspirations jusque-là presque muettes.
Et pourquoi Molière était-il mécontent de l’introduction du mot qui exprimait la réprobation de certains autres mots ?
Exprimer l’humanité dans une espèce d’œuvre cyclique ; la peindre successivement et simultanément sous tous ses aspects, histoire, fable, philosophie, religion, science, lesquels se résument en un seul et immense mouvement d’ascension vers la lumière ; faire apparaître, dans une sorte de miroir sombre et clair ― que l’interruption naturelle des travaux terrestres brisera probablement avant qu’il ait la dimension rêvée par l’auteur ― cette grande figure une et multiple, lugubre et rayonnante, fatale et sacrée, l’Homme ; voilà de quelle pensée, de quelle ambition, si l’on veut, est sortie la Légende des Siècles.
Je ne puis cependant laisser échapper cette occasion d’exprimer ma profonde obligation au Dr Hooker, qui, pendant ces quinze dernières années, m’a aidé de toutes manières, soit par le fonds considérable de ses connaissances, soit par son excellent jugement.
Le kélé a exprimé ce souhait.
Ceux qui aiment avec passion les fortes individualités exprimeront peut-être ce regret.
Voilà pourquoi nous avons si souvent proclamé le respect que nous inspirait une œuvre contre laquelle nous avons, d’ailleurs, deux objections très graves… Or, un jour que nous avions ici même exprimé nos regrets d’une belle œuvre interrompue par la mort, nous avons reçu (d’une source sûre, mais qu’il importe peu d’indiquer) les notes que Taine avait rédigées sur « l’Association » et qui devaient se placer immédiatement à la suite de son tome II du Régime moderne.
Il semble que, par la bouche de l’honnête homme de la pièce, Shakespeare ait voulu exprimer l’effet général de ce charmant et singulier ouvrage. […] Le nom de Timon était devenu proverbial dans l’antiquité pour exprimer un misanthrope. […] Nulle part le contraste n’est plus frappant entre le fond des sentiments que peint le poëte et la forme sous laquelle il les exprime. […] Mais l’intrigue occupe constamment la curiosité, on doit y admirer une foule de pensées poétiquement exprimées, et plusieurs scènes excellentes. […] De ces deux pièces, l’une a servi de moule, si on peut s’exprimer ainsi, à la seconde partie de Henri VI, l’autre à la troisième.
Mais lui-même, dit-on, n’a-t-il pas exprimé le désir que, pour achever, pour couronner son œuvre pacificatrice, une voix autorisée réconciliât la religion même avec le monde ? […] Leurs catachrèses expriment leurs états d’âme, et leurs manières d’être se trahissent dans leurs métonymies. […] Quelque opinion que Bossuet, dans ses ouvrages que l’on appelle philosophiques, ait donc exprimée sur des questions de ce genre, elles ne sont pas « sa philosophie ». […] C’est ce que Voltaire exprime à sa manière, en disant quelque part que « Desmarets, sur la fin de sa vie, fut plus connu par son fanatisme que par ses ouvrages ». […] … » Et sans doute ce qu’il dit là, pas un des contemporains de Mme de Murat ou de Mlle de la Force n’oserait, ne pourrait l’exprimer avec la même franchise ou la même netteté.
Dans une lettre à son père, de cette année, il exprime l’intention de se consacrer comme peintre à la nature méridionale et de partir pour l’Algérie. […] Et le livre est là, non pour répéter l’œuvre du peintre, mais pour exprimer ce qu’elle ne dit pas. » Ainsi s’exprime-t-il dans cette curieuse et intelligente préface d’Un Été dans le Sahara, qui est comme son manifeste littéraire. […] Dix volumes de voyages en Afrique et en Asie eussent fort peu ajouté à l’idée de l’Orient et à l’idée de la lumière qu’il a exprimées dans ses deux livres algériens. […] Bouvier ont agi prudemment en ne retenant dans leurs extraits aucune des pages où il exprime ses sentiments sur la guerre de 1870. […] « Que ta pensée aille à sa conclusion, que ta parole exprime ta pensée ; achève tes phrases, tes gestes, tes lectures.
Sans entrer dans cette déploration tardive et sur laquelle il est permis à un membre de l’Académie française en 1857 de n’avoir point d’avis formel, on ne peut s’empêcher de remarquer que la personne qui eût été le plus à même de répondre aux regrets exprimés par M. de Falloux, et peut-être de les réfuter en les respectant, eût été M. le comte Molé, qui fut des premiers à accepter le régime issu des barricades de juillet, à le servir et à travailler à le constituer et à l’autoriser devant l’Europe, en qualité de ministre.
Cette démence sacrée, cette sainte fureur qui saisit les hommes ou les dieux et qu’exprime le mot μέμηνεν, se change en ce terme burlesque de fou qui tombe à la fin du vers, comme dans cette ballade du fou de Tolède, de Victor Hugo, où du moins l’effet est à sa place.
« Moins on sent une chose, plus on est apte à l’exprimer comme elle est », formula Flaubert.
de première classe), vous aurez maintes occasions d’être secourables aux pauvres gens, de faire payer pour eux les riches, de réparer ainsi, dans une petite mesure, l’inégalité des conditions et d’appliquer pour votre compte l’impôt progressif sur le revenu Notaires (car il y en a ici qui seront notaires), vous pourrez être, un peu, les directeurs de conscience de vos clients et insinuer quelque souci du juste dans les contrats dont vous aurez le dépôt Avocats ou avoués, vous pourrez souvent par des interprétations d’une généreuse habileté, substituer les commandements de l’équité naturelle, ou même de la pitié, aux prescriptions littérales de la loi, qui est impersonnelle, et qui ne prévoit pas les exceptions Professeurs, vous formerez les cœurs autant que les esprits ; vous… enfin vous ferez comme vous avez vu faire dans cette maison Artistes ou écrivains, vous vous rappellerez le mot de La Bruyère, que « l’homme de lettres est trivial (vous savez dans quel sens il l’entend) comme la borne au coin des places » ; vous ne fermerez pas sur vous la porte de votre « tour d’ivoire », et vous songerez aussi que tout ce que vous exprimez, soit par des moyens plastiques, soit par le discours, a son retentissement, bon ou mauvais, chez d’autres hommes et que vous en êtes responsables Hommes de négoce ou de finance, vous serez exactement probes ; vous ne penserez pas qu’il y ait deux morales, ni qu’il vous soit permis de subordonner votre probité à des hasards, de jouer avec ce que vous n’avez pas, d’être honnête à pile ou face Industriels, vous pardonnerez beaucoup à l’aveuglement, aux illusions brutales des souffrants ; vous ne fuirez pas leur contact, vous les contraindrez de croire à votre bonne volonté, tant vos actes la feront éclater à leurs yeux ; vous vous résignerez à mettre trente ou quarante ans à faire fortune et à ne pas la faire si grosse : car c’est là qu’il en faudra venir Hommes politiques, j’allais dire que vous ferez à peu près le contraire de presque tous vos prédécesseurs, mais ce serait une épigramme trop aisée.
Jamais une idée ingrate ou maussade, de ces idées qui peuvent faire soupçonner immédiatement d’insensibilité et d’égoïsme celui qui les exprime, ou rappeler que la réalité n’est pas du tout simple ou que l’homme, même du peuple, n’est pas toujours un très aimable animal.
Je tâcherai d’ailleurs de m’exprimer modestement.
Mais comme le lendemain était le sabbat, et un sabbat d’une solennité particulière, les Juifs exprimèrent à l’autorité romaine 1194 le désir que ce saint jour ne fût pas souillé par un tel spectacle 1195.
Or, à ce moment, le français paraissait aussi pauvre en termes abstraits que le latin classique, tandis que le latin du moyen âge, enrichi de toute la terminologie scolastique6, était devenu apte à exprimer, avec la dernière subtilité, toutes les idées ; ce latin médiéval a versé dans le français toutes ses abstractions ; la philosophie et toutes les sciences adjacentes s’écrivent toujours dans la langue de Raymond Lulle.
jamais la philosophie s’exprima-t-elle avec autant d’indépendance ?
Il s’est exprimé en homme de goût, avec une élégance naturelle et la vivacité d’une intelligence aiguë, qu’affina la pratique des affaires. […] En marchant, il faisait à chaque pas une grimace énorme et qui n’exprimait absolument rien. […] Il pensait vite et juste ; il s’exprimait avec une pureté et une fermeté classiques. […] Dès l’âge de sept ans, la princesse savait s’exprimer d’une façon intelligible en français comme en allemand. […] Ils écrivaient en latin, j’entends qu’ils faisaient effort pour exprimer dans cette langue morte leur pensée encore mal éveillée.
C’est aussi la pensée qu’exprime le Daniel du dramaturge philosophe. […] Elle se rattache à ce cycle d’Arthur dans lequel la race celtique exprima confusément son invulnérable idéalisme. […] Elles vivent, elles se transforment et elles expriment, en se modifiant sans cesse, la pensée de l’humanité. […] L’art exprima ce sentiment. […] Cet homme exprime puissamment le consentement de l’instinct aux lois universelles.
L’œuvre de Balzac est une œuvre de patience, d’observation continue, qui demandait une tête encyclopédique comme la sienne, un esprit prompt à saisir, mais lent à exprimer. […] « Peut-être les mots matérialisme et spiritualisme expriment-ils une même idée », a-t-il dit ; je ne suis pas éloigné de le croire. […] Science, art, philosophie, tout cela n’est que description ; aussi le réalisme est-il la plus juste compréhension de ce qui est qu’on en exprime par la plus juste description. […] C’est parce qu’on sent très bien que le soleil brille, qu’il fait beau, parce qu’on espère, parce qu’un événement agréable est arrivé, qu’on se trouve dans cet état de poésie, et si on voulait exprimer ce qu’on sent à ce moment-là, on n’exprimerait rien de vague, puisqu’on en exprimerait ces causes, qui sont bien réelles. […] Il n’y a pas au reste deux manières d’exprimer une même pensée, il y a des mots exacts qu’on ne peut éviter, mais que tous ne savent pas trouver ; ceux qui les trouvent sont les meilleurs écrivains.
Comme ils goûtaient profondément le seul bonheur qui leur restât permis, celui de savoir leurs souffrances si noblement comprises et si noblement exprimées ! […] Au fond il accepte et reproduit quelques-unes des critiques les plus violentes de ses devanciers, bien qu’il les exprime avec plus de modération. […] Mais il exprima deux ou trois fois son regret de ne pas voir Wieland, et la dernière, au bal de la duchesse de Weimar, en termes si pressants, qu’il fallut envoyer un carrosse de la cour à la recherche du poète. […] Substance exprime la tragi-comédie du dogme hégélien. […] Freytag la perçoit et l’exprime avec autant de bonheur que la poésie des champs et des bois : tant il est complètement poète !
Et suit un éloge de la monarchie en une de ces images qui vont devenir familières à l’écrivain et qui saisissent la pensée comme les yeux : « La monarchie est réellement, s’il est permis de s’exprimer ainsi, une aristocratie tournante qui élève successivement toutes les familles de l’État ; tous les honneurs, tous les emplois sont placés au bout d’une espèce de lice où tout le monde a droit de courir ; c’est assez pour que personne n’ait droit de se plaindre. […] Plus loin, pour exprimer que les Français ne sont pas encore guéris ni près de guérir du mal révolutionnaire : « S’ils étaient véritablement ennuyés d’être malades, dit-il, est-ce qu’ils ne se donneraient pas tous le mot pour faire venir de la thériaque de Venise ? […] Comme diplomate pratique, il n’est pas difficile de se figurer son caractère : « Le comte de Maistre est le seul homme qui dise tout haut ce qu’il pense, et sans qu’il y ait jamais Imprudence », ainsi s’exprimait un collègue qui avait traité avec lui. […] Lorsqu’une fois cette tâche est remplie, je me retrouve au-dehors, je suis en mesure de m’exprimer plus librement, me souvenant toujours, s’il est possible, de ce que j’ai dit et jugé ; mais je parle plus haut, s’il est besoin, et du ton que m’inspire la rencontre. […] , mais dans un but plus sérieux et plus grave, pour suggérer aux doctes dans l’usage et l’administration de leur science un meilleur régime, de meilleures méthodes, une prudence et une sagacité plus éclairées. « Il y a lieu, ajoute-t-il en concluant, de se donner le spectacle des mouvements et des perturbations, des bonnes et des mauvaises veines, dans l’ordre intellectuel comme dans l’ordre civil, et d’en profiter. » — Ainsi s’exprime Bacon en termes formels, et ce n’est que de nos jours, et depuis très-peu d’années, qu’en France une telle histoire est ébauchée à grand’-peine !
Les lettres, qui sont pleines de condescendance pour tout ce qui est de l’homme, et surtout pour les faiblesses des grandes âmes exprimèrent, sous mille formes cette faveur de l’opinion. […] Pour Boileau comme, plus tard, pour La Bruyère, il n‘y a en français qu’un mot pour exprimer une chose. […] Ce fut Bossuet qui lui parla le premier, « avec le respect d’un sujet, mais aussi avec la liberté d’un prédicateur. » A ce jeune prince si porté à la tendresse, si bien fait, si magnifique, « dont les belles qualités, dit Mme de Motteville, causaient toutes les inquiétudes des dames », il peignit la violence des désirs de la jeunesse, « ces cœurs enivrés du vin de leurs passions et de leurs délices criminelles, l’habitude qui succède à la première ardeur des passions, et qui est quelquefois plus tyrannique247. » Il lui découvrit les pièges de l’impudicité, « laquelle va tête levée, et semble digne des héros, si peu qu’elle s’étudie à se couvrir de belles couleurs de fidélité, de discrétion, de douceur, de persévérance 248. » Il lui représenta le « plaisir sublime que goûtent ceux qui sont nés pour commander, quand ils conservent à la raison cet air de commandement avec lequel elle est née ; cette majesté intérieure qui modère les passions ; qui tient les sens dans le devoir, qui calme par son aspect tous les mouvements séditieux, qui rend l’homme maître en lui-même249. » A ce roi si absolu, si maître de tout, si obéi, il montra le cœur d’un Nabuchodonosor ou d’un Balthasar, dans l’histoire sainte, d’un Néron, d’un Domitien dans les histoires profanes, « pour qu’il vît avec horreur et tremblement ce que fait dans les grandes places l’oubli de Dieu, et cette terrible pensée de n’avoir rien sur sa tête250. » Le premier, devant ce roi si plein de vie, et qui paraissait si loin de la mort, devant cette cour si attachée aux choses du monde, il ne craignit pas de soulever la pierre d’un tombeau, et d’y faire voir « cette chair qui va changer de nature, ce corps qui va prendre un autre nom, ce je ne sais quoi qui n’a plus de nom dans aucune langue, tant il est vrai que tout meurt en lui, jusqu’à ces termes funèbres par lesquels on exprimait ses malheureux restes251. » A ce roi entouré de tant de faveur, d’une si grande complaisance des jugements humains, il révéla les secrets de la justice « de ce Dieu qui tient un journal de notre vie, et qui nous en demandera compte dans ces grandes assises, dans cette solennelle convocation, dans cette assemblée générale du genre humain252. » Ce qui sied le mieux à l’âge où l’imagination et la passion dominent, ce sont de fortes peintures. […] Il n’en retint que la profondeur et ce vif sentiment des misères humaines qu’elle a exprimé par une si grande variété d’images tirées de la vie. […] Pendant qu’il parle avec tant de force, une douceur surprenante lui ouvre les cœurs et donne, je ne sais comment, un nouvel éclat à sa majesté qu’elle tempère263. » Les éloges sont suspects, lorsqu’ils sont exprimés en termes dont le vague et la généralité trahissent le lieu commun et l’admiration de commande, ou lorsque les détails en sont si particuliers qu’on peut soupçonner le panégyriste d’avoir, dans un intérêt de flatterie, substitué, à son original trop difficile à louer, un portrait de son invention.
Mon ami, En mettant la main à la plume pour vous écrire cette seconde lettre, je suis obligé de rappeler à vous et au public, que les griefs que j’y exprime seraient restés ensevelis dans le dégoût et la lassitude que m’a inspirés une lutte dans laquelle toute la force est du côté de nos adversaires, si votre voix n’était venue me forcer de vous répondre1. […] « J’affirme, sur la foi de confidences unanimes, que parmi tous les écrivains qui travaillent pour la scène française, il n’en est pas un qui ne partage les sentiments que je viens d’exprimer sur l’administration de cet homme, dont le maintien opiniâtre au poste qu’il occupe est un défi insolent à l’indulgence silencieuse de la presse, à la patience des comédiens et à la longanimité du ministère, qu’il fait flatter et menacer tour à tour dans les deux Revues dont il est l’âme, avec l’attention habile de ne jamais en être l’esprit. […] « Ce n’est pas le sujet de la pièce que nous blâmons, dit le critique (il a cette pudeur du moins), mais bien le mouvement et la nature des pensées que le poète appelle à son aide pour exprimer sa reconnaissance : il reproche aux canons de l’hôtel des Invalides de n’avoir pas tonné le glas aux funérailles de Charles X ; il les accuse de partager la lâcheté humaine et d’adorer tour à tour Henri IV et Louis XI. […] Peut-être, en dédiant son roman à une paysanne, George Sand a-t-il voulu justifier tous ces défauts, mais rien ne saurait excuser une semblable dégénérescence ; enfin, pour exprimer toute notre pensée, nous voyons George Sand, entre Walter Scott et M. de Balzac, se livrer tantôt étourdiment, tantôt d’une manière pénible à une double imitation. […] Nulle part on ne sent l’étude de la nature, nulle part le désir d’appliquer exactement le mot sur la chose ; les descriptions sont vagues, sans intérêt, et n’évoquent pas les objets qu’elles devraient représenter ; le style passe de l’afféterie la plus maniérée à la boursouflure la plus asiatique, et rien n’est plus désagréable que ce mélange du mignard avec le gigantesque : les comparaisons ne se rapportent pas aux choses qu’elles expriment, et détruisent l’effet des vers qui les précèdent. » Je m’arrête, mon ami, je n’ai pas assez d’haleine pour vous dire quatre pages de critique, et surtout lorsque cette critique frappe un de mes meilleurs amis.
Vous m’avez remis devant les yeux l’image d’un monde que j’avais presque oublié, et je me suis intéressé aux plaisirs et aux chagrins que vous avez exprimés dans vos ouvrages. […] C’est un disciple uu peu moins vif, mais doux, et qui fait bien comprendre, et par principes en quelque sorte, cette manière honnête et non sauvage de vivre avec le sexe ; l’abbé Goussault, dans cet écrit où il recommande « les réduits de gens d’esprit et de qualité », ne fait qu’imiter Fléchier, dans l’oraison funèbre de la duchesse de Montausier, se souvenant si complaisamment « de ces cabinets que l’on regarde encore avec tant de vénération, où l’esprit se purifiait, où la vertu était révérée sous le nom de l’incomparable Arthénice… » Ce que Saint-Simon a vivement exprimé et résumé à sa manière lorsqu’au sujet de M. de Montausier, dans ses notes sur Dangeau, il a dit : « L’hôtel de Rambouillet était dans Paris, une espèce d’académie des beaux esprits, — de galanterie, de vertu et de science —, car toutes ces choses-là s’accommodaient alors merveilleusement ensemble. » Je crois maintenant que nous sommes préparés à bien entendre le Fléchier des Grands Jours, celui qui même dans la bagatelle et le divertissement ne déroge jamais à l’homme comme il faut, et annonce par endroits l’homme vertueux : mais il était jeune, mais il voulait plaire, mais il avait sa fortune et sa réputation d’esprit à faire ; mais on lui avait dit en partant de Paris : « M. […] Fléchier nous fait discrètement sentir ces raisons combinées, et il exprime, en la partageant, l’opinion de M. de Caumartin, plus humain et plus équitable.
Oui, dans cette muse si neuve qui m’occupe, je crois voir, à la Restauration, un orphelin de bonne famille qui a des oncles et des grands-oncles à l’étranger (Dante, Shakspeare, Klopstock, Byron) : l’orphelin, rentré dans sa patrie, parle avec un très-bon accent, avec une exquise élégance, mais non sans quelque embarras et lenteur, la plus noble langue française qui se puisse imaginer ; quelque chose d’inaccoutumé, d’étrange souvent, arrête, soit dans la nature des conceptions qu’il déploie, soit dans les pensées choisies qu’il exprime. […] Mérimée, parmi nous, dans ses cadres restreints, s’est montré irréprochable sur ce point de la réalité : sa peinture serrée et fidèle, toute confinée à l’objet qu’elle exprime, laisserait percer plutôt une aversion, une méfiance trop contraires à ce qui est un faible chez M. de Vigny. […] En effet, dès ce temps-là et vers ces dernières saisons de la Restauration, j’avais pressenti dans ce coin de notre école romantique des germes de division déjà, des principes de refroidissement ou de rivalité, nés surtout des ambitions dramatiques, et dans la Préface des Consolations j’avais, sous forme voilée, exprimé mes craintes et mes regrets.
Les journées n’étaient pas rares pour lui où il pouvait écrire à son ami, après des pages toutes remplies d’effusions : « Je suis dans un jour où je vois tout idéalement et douloureusement, et enfin, s’il m’est possible de m’exprimer ainsi, lamartinement. » Faisant allusion à quelque projet de poème ou d’élégie, où il s’agissait de peindre un souvenir qui datait de l’âge de douze ans (ils en avaient seize), il écrivait à la date de juin 1832 : « Mais revenons au souvenir. […] Si, quand l’imprimé parut, tout le monde se récria de la sorte avec transport et adopta par acclamation l’amusante parodie comme vérité, en l’antidatant légèrement et lui attribuant un effet rétroactif, c’est que les honnêtes gens étaient si las de ces horreurs et de ces calamités prolongées, étaient si heureux de retrouver exprimé avec éclat et vigueur ce qu’ils pensaient et se disaient à l’oreille depuis longtemps, qu’ils se prirent à n’en faire qu’un seul écho, en le reportant tant soit peu en arrière par une confusion irrésistible : glorieux et légitime anachronisme, qui prouve d’autant plus pour l’effet moral de la Ménippée. […] Si de nos jours, à propos d’un autre pamphlet royaliste bien différent, qui n’exprimait que l’étincelante colère et les représailles d’un écrivain de génie, un moment homme de parti avant d’être l’homme de la France, — si Louis XVIII pourtant a pu dire de la brochure intitulée De Buonaparte et des Bourbons, apparue sur la fin de mars 1814, qu’ elle lui avait valu une armée , Henri IV n’aurait-il pas pu dire plus justement la même chose de sa bonne Satyre nationale ?
Ces paroles qui arrivent à votre oreille, ces gestes, ces airs de tête, ces vêtements, ces actions et ces œuvres sensibles de tout genre, ne sont pour vous que des expressions ; quelque chose s’y exprime, une âme. […] Si maintenant la conception générale à laquelle la représentation aboutit est poétique, mais non ménagée, si l’homme y atteint, non par une gradation continue, mais par une intuition brusque, si l’opération originelle n’est pas le développement régulier, mais l’explosion violente, alors, comme chez les races sémitiques, la métaphysique manque, la religion ne conçoit que le Dieu roi, dévorateur et solitaire, la science ne peut se former, l’esprit se trouve trop roide et trop entier pour reproduire l’ordonnance délicate de la nature, la poésie ne sait enfanter qu’une suite d’exclamations véhémentes et grandioses, la langue ne peut exprimer l’enchevêtrement du raisonnement et de l’éloquence, l’homme se réduit à l’enthousiasme lyrique, à la passion irréfrénable, à l’action fanatique et bornée. […] J’ai essayé plusieurs fois d’exprimer cette loi, notamment dans la préface des Essais de critique et d’histoire.
… » Y a-t-il dans la gamme des douleurs humaines un cri plus capable de tout peindre sans l’exprimer et de faire violence par le silence même à la compassion de Dieu que ce : Jusqu’à quand ? […] » On chercherait en vain dans toute la poésie antique ou moderne de telles prostrations de l’âme exprimées par de telles figures de style et de tels redressements de l’espérance rendus par de tels enthousiasmes de la piété. […] » XVIII Le problème de la félicité des méchants, qui agitait Job jusqu’à la sueur de son front, agite David à son tour ; il l’exprime dans une ode égale en doute à celle du patriarche de Hus.
J’ai toujours admiré qu’on refusât à Flaubert le don de sympathie, parce qu’il n’exprime point effrontément la sienne, et qu’on fît de ce don, une des caractéristiques, par exemple, de l’Anglaise Georges Eliot. […] Qui l’a mieux connue et exprimée que l’auteur de la Comédie humaine ou que l’auteur de Madame Bovary et de l’Éducation sentimentale ? […] Ou une force indéfinie, inaccessible, à qui je ne puis m’adresser, que je ne puis même exprimer par des mots, le grand tout ou le grand rien, — ou bien Dieu qui est cousu là, dans cette amulette que m’a donnée Marie ?
Ceci exprimé très en gros, sans tenir compte des nuances et des mélanges. […] Sur la scène personne ne peut demeurer en place, et des comédiens, assis tout une soirée, malgré les belles choses qu’ils tâcheraient d’exprimer, feraient un four noir. […] L’auteur dramatique charpente, assemble, groupe ; il s’efforce de faire vivre, par effets de mise en scène, une action, d’exprimer par des synthèses expressives des caractères d’humanité, de tirer des effets compliqués de certains conflits personnels, presque toujours les mêmes.
Toujours vêtu de sa lumière, il exprimera désormais la beauté qu’elle répand sur le monde et la joie dont elle le remplit. […] Leurs traits agrandis s’harmonisent, leurs noir regards n’expriment plus qu’une fixité vigilante ; le rictus grinçant de leur bouche dessine, en se pliant, le sourire ironiquement triste qu’on voit sur les belles têtes de Méduse. […] C’est ce qu’Eschyle a admirablement exprimé dans l’épilogue de son Orestie.
Tous les deux, la même année, faisaient une fin très honorable, seulement avec cette différence que Maucroix persista dans cette fin, si je puis m’exprimer ainsi, tandis que La Fontaine, vous savez d’avance… Je serai court sur le mariage de La Fontaine et ce qui s’en suivit. […] Il est certain qu’il y a, dans La Fontaine, des épigrammes très nombreuses contre le mariage — et aussi des regrets exprimés sur cette affaire. […] Mais enfin, il s’agit d’expliquer les amitiés de La Fontaine, et il s’agit d’expliquer pourquoi Mme de Sévigné, et La Fontaine, et quelques autres, sans compter ceux que j’appelle les nicodémites, c’est-à-dire ceux qui adorent le Seigneur sans rien en témoigner, en restant dans leur chambre, sans compter ceux-là, furent des amis déclarés, et qui s’exprimaient avec éclat, de Fouquet.
Pour les choses d’art, dont il doit être beaucoup plus préoccupé que des choses sociales et de gouvernement, il exprime des opinions opposées sans qu’on puisse présumer la sienne, et il les exprime comme il décrit les masques d’un bal masqué et leurs costumes. […] Croyez-vous qu’il soit possible de mettre plus de réflexion, d’effort, de recherche, à exprimer des choses plus dégoûtantes dans un style plus fastueux ?
ce n’est pas toutes ces gaîtés de l’œil, de l’oreille, de l’esprit et du style, mais c’est l’impression profonde qui sort de tous ces autres contes, si tristes au fond : La Cervelle d’or, qu’on dirait de Heine ; Les Deux Auberges, qu’on ne dirait de personne que d’un homme qui sait l’horreur de l’abandon ; La Sémillante, ce récit poignant et sombre, La Sémillante, — qui ne sémille plus, engloutie avec son vieux berger, « encapuchonné et lépreux », qui lève avec sa main sa lèvre, tombant sur sa bouche muette, pour raconter l’affreux naufrage ; — L’Île des Sanguinaires, enfin, le plus original de tous ces contes, non pas le plus terrible, — car ce gracieux Daudet se permet le terrible, comme vous venez de le voir ; — L’Île des Sanguinaires, où se trouve exprimée, toute seule, la mélancolie physique de la solitude. […] Daudet a voulu encore une fois sucer l’orange empoisonnée pour en exprimer les dernières gouttes. […] Ces giroflées ont la vie plus dure que les murs sur lesquels elles ont poussé ; et cela, avec le vaste génie de Balzac, de ce chef de Dévorants qui a tout dévoré, même le temps qui a suivi sa mort, est une double raison pour qu’une Étude de mœurs parisiennes, à cette heure, quelque force de rendu qu’elle ait, ne produise pas sur l’imagination l’effet profond d’une œuvre dans laquelle ces mœurs seraient saisies et exprimées pour la première fois.
Tandis que vous faites capituler les villes, moi je médite une comédie que j’appelle jusqu’ici Les Capitulations de conscience : ce titre est un peu long ; mais, comme il exprime bien ce que je veux peindre, je vous le livre. […] M. de Larnac avait quelque emploi qui ne convenait point à ses goûts, et qu’il ne pouvait concilier avec son ambition littéraire ; il en souffrait, et il l’exprimait vivement, oubliant trop que celui à qui il s’adressait aurait pu simplement lui répondre par le mot de Guatimozin : « Et moi donc !
Je ne me serais pas ainsi exprimé si j’avais eu vos Quatre Saisons un peu plus lot. […] Ces jugements exprimés en dix endroits, et qui ressemblent à des contrevérités sur tous les points, sont aujourd’hui un peu compromettants pour celui qui les a portés : dans la poésie élevée, ou sérieuse avec âme, Voltaire n’a pas eu le vrai style, et il est à craindre qu’il n’ait pas même toujours eu le vrai goût.
Il y avait dans cette fin de discours des choses d’ailleurs assez honorables sur les impôts, sur la paix dont l’orateur exprimait le vœu ; mais il s’y perdait de plus en plus dans des phrases qui, dès qu’elles n’amusaient plus, allaient donner de l’ennui. […] Simple organe de ses confrères en cette circonstance, et réduit à exprimer leurs sentiments, lors même qu’ils ne sont pas les siens, il est, au moins pour ce moment, voué ou, si l’on veut, condamné à l’éloge, comme le récipiendaire l’est à la timidité et à la modestie.
Ce n’est pas le style d’un académicien ni d’un homme essentiellement poli ; ce n’est pas celui d’un grand seigneur, mais plutôt d’un bourgeois comme du temps de d’Aubray dans la Satyre Ménippée, ou si l’on aime mieux, d’un gentilhomme campagnard, de bonne race, nourri de livres, et qui s’exprime crûment, rondement et avec sève. […] On comprend maintenant ce que Grim a dit de la platitude de ton et de la manière de s’exprimer triviale et basse qui fit plus de tort à M. d’Argenson dans son ministère que n’auraient fait des fautes plus graves.
Les sentiments qu’ils expriment l’un et l’autre sur ce roi redouté qui les a fait tant souffrir, et sur sa perte prochaine, sont ce qu’on peut attendre de natures sincères et dont le fonds n’est pas méchant. […] Séduit par l’esprit de Voltaire, Frédéric tient bon tant qu’il peut contre les tracas et les zizanies qu’a engendrées son séjour ; il exprime pourtant à ce sujet plus d’une pensée de pur bon sens et de morale pratique, et qui peut servir de leçon aux littérateurs de tous les temps : Après avoir goûté de tout et essayé de tous les caractères, écrit-il à sa sœur (29 décembre 1751), on en revient toujours aux personnes de mérite : Il n’y a que la vertu de solide, mais elle est rare à trouver.
Besenval vieillissant eut son moment très brillant de société sous Louis XVI, et il nous en exprime la nuance78 ; il étaitau de l’intimité de la comtesse Jules (duchesse de Polignac), et par conséquent du cercle familier de la reine. […] [1re éd.] et il nous en exprime bien la nuance ; il était av.
Ses amis luttaient le plus qu’ils pouvaient contre cette disposition découragée, dont il leur exprimait parfois les accès, les flux et reflux intérieurs, avec une délicatesse exquise, avec une lucidité effrayante ; ils le pressaient, à cette entrée dans la vie pratique, de se faire un plan d’études, de vouloir avec suite, d’appliquer et de concentrer ses forces intellectuelles selon une méthode et sur des sujets déterminés. […] Il a exprimé en mainte occasion cette sensation diffuse, errante ; il y avait des jours où, dans son amour du calme, il enviait « la vie forte et muette qui règne sous l’écorce des chênes » ; il rêvait à je ne sais quelle métamorphose en arbre ; mais cette destinée de vieillard, cette fin digne de Philémon et de Baucis, et bonne tout au plus pour la sagesse d’un Laprade, jurait avec la sève ardente, impétueuse, d’un jeune cœur.
Il y a quelque chose de gonflé, d’élastique jusqu’à l’infini, dans les idées des hommes du Septentrion, qui disloque et fait craquer, si je puis m’exprimer ainsi, nos phrases latino-françaises. […] Habituellement plongé dans ses méditations, ce n’était qu’en certaines occasions, lorsqu’il entendait exprimer des idées et des sentiments contraires aux siens, que cet homme, qui habituellement paraissait végéter plutôt que vivre, s’animait et parlait quelquefois avec une véhémence qui allait jusqu’à l’emportement.
Vous voulez nous parler du plus poli des écrivains, de l’auteur d’un livre à jamais immortel dans son expérience amère et son élégante concision, et voilà comment vous vous exprimez : « Dès son retour à Paris (en 1657), il (M. de La Rochefoucauld) devint un des fidèles du salon de Mme de Sablé, de précieuse mémoire, et se lia avec l’académicien Esprit, pour lequel il ne cessa, dans ses lettres à la noble marquise, de montrer une déférence marquée… Pendant sa retraite, il avait composé des Mémoires, mais il paraît avoir de bonne heure ensuite pris goût à la mode des Maximes, inaugurées par Mme de Sablé et par Esprit, dont il suivit à cet égard ponctuellement d’abord les conseils… » — Mais, jeune homme, vous n’avez donc pas eu en votre temps un maître de rhétorique ou de seconde qui vous ait appris à mesurer vos phrases, à écrire sinon élégamment, du moins suffisamment, à ne pas accumuler les adverbes ? […] É. de Barthélémy ne craint pas de s’exprimer ainsi : « Ce premier travail montre de sérieuses qualités et le soin que La Rochefoucauld apportait au polissement de son style : il ne témoigne pas grandement, par exemple, en faveur de la modestie du duc.
Ce Vireloque, au reste, comme il l’entend, exprime bien moins la haine des hommes que la haine de tous les mensonges humains. […] Et celai qui croirait que l’artiste a uniquement voulu plaisanter et se permettre une légèreté se tromperait fort : il a voulu, sous forme vulgaire, exprimer le côté humain bien senti et montrer l’honnêteté de la chose.
Que du moins Votre Excellence connaisse mes vœux ; qu’elle sache qu’elle perd en moi un serviteur dévoué, qui aurait voulu lui prouver son attachement, même au-delà de la mort… » Ces derniers sentiments exprimés par un mourant doivent couvrir le comte de Lemos auprès de la postérité ; car il est des biographes qui, plus amis de Cervantes que Cervantes lui-même, ont reproché à ce seigneur (sans savoir aucun détail) d’avoir trop peu fait pour l’illustre infortuné. […] Les Français qui le tenaient en grande estime exprimèrent aussitôt le désir de lui être présentés.
Objet de récentes études chez nous et d’une louable émulation de travaux19, ils n’ont nulle part été expliqués et exprimés aussi énergiquement que chez M. […] Pour exprimer un pareil sentiment, ce n’était pas assez des images et de la poésie qui ne s’adresse qu’aux yeux ; il fallait encore des sons, et cette poésie plus intime qui, purgée de représentations corporelles, va toucher l’âme : il était musicien et artiste ; ses hymnes s’avançaient avec la lenteur d’une mélopée et la gravité d’une déclamation… « Il fait comprendre ce mot de Platon, son maître, que les mélodies vertueuses enseignent la vertu… » Et ce mot encore : « Les paysages de Milton sont une école de vertu. » La vertu de Milton s’était accommodée de Cromwell.
Ces qualités, que l’auteur croit retrouver exprimées jusque dans les formes de l’église dédiée à sainte Élisabeth, il les a lui-même portées dans son récit. […] Ses livres peuvent attirer et forcer l’admiration pendant quelques pages, mais bientôt leur monotonie fatigue ; car ils sont le contraire de ces écrits chers à Montaigne, pleins de suc et de moelle intérieure, pétris d’expérience et d’indulgence, qui gagnent à être exprimés et pressés, et qui de tout temps ont fait les délices des hommes de sens, des hommes de goût, des hommes vraiment humains… Au résumé, c’est un militant ; il l’est en tout et partout ; comme tel, il laissera dans l’histoire des guerres politiques et religieuses de ce temps une trace lumineuse : Lacordaire et lui, deux lieutenants de La Mennais, et qui ont continué de tenir brillamment la campagne après que leur général avait passé à l’ennemi.
« C’est Baptiste et sa fiancée qui allaient chercher la jonchée48…. » Jamais gaieté nuptiale de jeunes garçons et de jeunes filles n’a été exprimée dans un rhythme plus dansant, dans une langue plus vive, plus claire de sons et d’images, plus fringante elle-même et plus guillerette, pour ainsi dire. […] Nous concevons, en effet, le peu d’estime que des antiquaires, épris de cette belle langue en ce qu’elle a de pur et de classique, expriment pour le patois extrêmement francisé qu’on parle dans une ville du Midi en 1836.
Philarète Chasles a depuis exprimé manifestement le dessein plus formel de les venger, ou du moins de les faire connaître. […] Comme il a précédemment loué et félicité Théophile d’avoir proscrit les divinités mythologiques et qu’il s’est écrié à ce sujet : « Ne croyez pas non plus qu’il fît un grand cas de ce pauvre petit cul-nud d’Amour ; il lui plume les ailes impitoyablement, » etc., etc. ; comme il vient à quelques pages de là de s’exprimer de ce ton absolu, que va-t-il faire lorsqu’il rencontre dans ces mêmes stances, qu’il proclame les plus admirablement amoureuses de la poésie française, le petit dieu Cupidon en personne : Ne crains rien, Cupidon nous garde… ?
Ce qu’Eugénie a senti palpiter d’obscur, il n’est point donné à des paroles de l’exprimer, ce serait à la mélodie seule de le traduire23. […] Dans un passage d’une bienveillance équivoque, l’auteur de ces Mémoires exprime, à propos du ton exquis de grand monde, qu’il ne peut refuser à l’auteur d’Adèle de Sénange, un étonnement singulier et tout à fait déplacé à l’égard de Mme de Flahaut.
Le salon de Mme de Duras, sa personne, son ascendant, tout ce qui s’y rattache, exprime, on ne saurait mieux, l’époque de la Restauration par un aspect de grande existence encore et d’accès à demi aplani, par un composé d’aristocratie et d’affabilité, de sérieux sans pesanteur, d’esprit brillant et surtout non vulgaire, semi-libéral et progressif insensiblement, par toute cette face d’illusions et de transactions dont on avait ailleurs l’effort et la tentative, et dont on ne sentait là que la grâce. […] L’auteur de ces touchants récits aime à exprimer l’impossible et à y briser les cœurs qu’il préfère, les êtres chéris qu’il a formés : le ciel seulement s’ouvre à la fin pour verser quelque rosée qui rafraîchit.
Le cinquième élément nécessaire de cette création ou de cette poésie, c’est le don d’exprimer par la parole ce que nous voyons et ce que nous sentons en nous-mêmes, de produire en dehors ce qui nous remue en dedans, de peindre avec les mots, de donner pour ainsi dire aux paroles la couleur, l’impression, le mouvement, la palpitation, la vie, la jouissance ou la douleur qu’éprouvent les fibres de notre propre cœur à la vue des objets que nous imaginons. […] On appelait le chant, alors, tout ce qui parle, tout ce qui exprime, tout ce qui peint à l’imagination, au cœur, aux sens, tout ce qui chante en nous, la grammaire, la lecture, l’écriture, les lettres, l’éloquence, les vers, la musique ; car ce que les anciens entendaient par musique s’appliquait à l’âme autant qu’aux oreilles.
Au contraire Racine, Molière, La Fontaine ont tous dans l’esprit un idéal d’art, un type formel où la nature s’exprime dans son énergie et son caractère, mais de plus se revêt d’une absolue beauté. […] On voit combien Boileau améliorait la théorie de Perrault, en substituant à cette loi de fer du progrès constant, universel, qui fait violence aux faits par la régularité mécanique et monotone de son jeu hypothétique, un principe infiniment plus flexible, plus voisin de la réalité, et qui s’y adapte sans peine pour l’exprimer : distinguer dans le mouvement général du monde intellectuel une pluralité de petits mouvements, des séries partielles ascendantes ou descendantes, se succédant, s’enchevêtrant, s’ajoutant, se contrariant, se figurer la marche de la littérature, non plus comme offrant la rigidité d’une ligne droite, mais comme une quantité de lignes brisées ou courbes du dessin le plus capricieux, c’était prendre la notion du rythme ondoyant des choses, et ni plus ni moins qu’introduire dans la critique la doctrine de l’évolution.
Ce qui semble rester, c’est un peu plus de largeur dans la conception du genre, et le droit de pousser l’impression jusqu’au sentiment et au pathétique ; ici encore on pourrait dire que Voltaire a exprimé la moyenne du goût de son temps. […] Le Cercle de Poinsinet (1771) est le type le plus fameux du genre : on ne saurait mieux exprimer le vide absolu des cervelles mondaines, la puérilité des engouements, des caquetages, des vanités, toute l’insignifiance de cette vie extérieurement brillante et exquise.
Mais cette allégresse monastique ressemble à la gaieté des enfants, exprime la légèreté d’âme et la sécurité complète. […] J’estimerais peu les efforts que j’ai faits pour l’obtenir si je ne me sentais appuyé par l’interprétation unanime de dix-huit siècles », etc Il a des façons violentes et hyperboliques d’exprimer des choses très simples : « Si j’allais vous dire, de mon autorité privée : Confessez-vous, est-ce que vous tomberiez à genoux ?
Il n’est point tourmenté du vague et perpétuel souci de les considérer du point de vue du livre pour les exprimer ensuite littérairement. […] La plus belle vie, la plus intelligente et la plus spirituelle, ce n’est peut-être pas celle des écrivains, même de ceux qui ont laissé de beaux livres : c’est celle des grands curieux qui ont vécu leur vie sans l’exprimer, et dont personne aujourd’hui ne sait les noms.
… L’auteur de l’Immortel est bien le même homme que j’ai entendu traiter Racine de haut en bas, parce que Racine exprime rarement des choses concrètes, et qui disait n’avoir retenu, de tout Tacite, qu’une phrase pittoresque sur les funérailles de Britannicus. […] Ces dessous ne sont pas exprimés, c’est vrai, mais la pantomime de ces véridiques et vivantes marionnettes est si juste que chacun de leurs gestes ou de leurs airs de tête nous révèle leur âme et tout leur passé ; et je ne croirai jamais qu’un romancier qui, rien qu’en notant des mouvements extérieurs et de brefs discours, a pu suggérer à M.
« Il y a, dit-il, quelque chose de gonflé, d’élastique jusqu’à l’infini dans les idées des hommes du septentrion, qui disloque et fait craquer, si je puis m’exprimer ainsi, nos phrases latino-françaises. » Ailleurs il remarque que les écrits de Shakespeare5 procurent un agrément d’une nature toute contraire à celle du plaisir que l’on goûte en lisant les ouvrages des écrivains des siècles de Périclès, d’Auguste, de Léon X et de Louis XIV. […] L’étude solitaire et passionnée de la nature dans un philosophe moral devait en effet produire presque nécessairement une association d’idées qui menait tout droit au style symbolique : car quand ce philosophe veut exprimer une pensée morale, voilà qu’une image physique s’offre en même temps à son esprit, donne un corps à son idée abstraite, en devient la formule et l’emblème.
Il y avait toujours en lui des reflets et des parfums retrouvés de la Grèce, mais le vieux Celte aussi reparaissait plus souvent ; et, pour appliquer ici le nom d’un écrivain qu’il cite quelquefois et qui exprime l’extrême recherche dans l’extrême décadence, on dirait que, dans les parties dernières de sa composition, il soit entré du Sidoine Apollinaire, tant l’œuvre semble subtile et martelée ! […] L’auteur n’est pas tout bonnement gai, ou du moins il l’est à la manière celtique plus qu’à la française, et sa gaieté, telle qu’il l’exprime, a bientôt l’air forcé et tiré.
L’œuvre d’art ne doit exprimer que ce qui élève l’âme, la réjouit noblement, et rien de plus. […] On dirait qu’en lui l’homme du monde accompli, l’honnête homme, comme on s’exprimait autrefois, a tenu de bonne heure l’artiste en échec.
Rousseau parut : le jour où il se découvrit tout entier à lui-même, il révéla du même coup à son siècle l’écrivain le plus fait pour exprimer avec nouveauté, avec vigueur, avec une logique mêlée de flamme, les idées confuses qui s’agitaient et qui voulaient naître. […] L’autre espèce d’altération et de corruption qu’on peut noter en lui est plus grave, en ce qu’elle tient au sens moral : il ne semble pas se douter qu’il existe certaines choses qu’il est interdit d’exprimer, qu’il est certaines expressions ignobles, dégoûtantes, cyniques, dont l’honnête homme se passe et qu’il ignore.
Les L’Hôpital, les de Thou, les Pithou, voilà de grands noms assurément, et dont chacun en particulier pourrait servir d’exemple pour une démonstration ; mais en français, et eu égard aux lecteurs d’aujourd’hui, nul mieux qu’Étienne Pasquier ne les représente au vif dans ses écrits, ne les développe et ne les résume commodément et avec fidélité ; il offre une vie de xvie siècle au complet, et il a exprimé cette vie dans des ouvrages encore graves et à demi familiers, dans des lettres écrites non pas en latin, mais dans le français du temps, et avec une attention visible de renseigner la postérité. […] L’un d’eux, pour exprimer qu’il était « prompt et dru à la besogne », ajouta, en lui parlant, qu’il était franc au trait : « métaphore, nous dit Pasquier, qui est tirée des bons chevaux qui sont au harnois ; dont je ne me fusse jamais avisé, pour n’avoir été charretier ; un pitault de village me l’apprit ».
[NdA] J’ai exprimé dans les pages qui précèdent mon dernier sentiment sur le poète distingué dont la veine ne s’est pas renouvelée depuis. — Brizeux, parti de Paris malade, est arrivé à Montpellier le 16 avril 1858, et y est mort le 3 mai. […] Fortoul, qui avait été son condisciple, me dit : « Non, il me ferait trop mal Horace. » — Il y a un vers de M. de Laprade qui exprime bien l’excès de son système, de son naturalisme métaphysique ; c’est quand il dit à un chêne : Pour ta sérénité je t’aime entre nos frères !
J’avoue que toutes mes craintes n’avaient pas été jusqu’à prévoir que nous serions réduits à désirer de voir le roi et la reine d’Espagne détrônés : il n’y a point de paroles, madame, qui puissent exprimer une telle douleur ; le roi en est pénétré. […] Mme des Ursins, qui est d’une tout autre race, nourrit et exprime des sentiments tout opposés.
À l’une des cérémonies qui accompagnèrent sa première communion, comme elle était en toilette avec une robe longue et traînante qui l’embarrassait, et qu’elle se retournait souvent pour la rejeter en arrière, une de ses compagnes lui dit : « Cette Sophie est ennuyeuse avec sa tête et sa queue. » — « Toi, ça ne te gênera pas, répondit-elle, car tu n’as ni queue ni tête. » Toute la personne même de Mlle de Lavalette était celle d’une jolie brune piquante, avec des regards pleins de feu, plus faits encore pour exprimer l’ardeur ou la malice que la tendresse ; d’une charmante taille, qu’elle garda jusqu’à la fin, d’une taille et d’une tournure bien françaises. […] Les variations du goût s’expriment dans ces types de beauté à la mode.
. ; Les Embarras de Paris), par celles qui suivirent immédiatement : Muse, changeons de style (1663), et la Satire dédiée à Molière (1664), Boileau se montrait un versificateur déjà habile, exact et scrupuleux entre tous ceux du jour, très préoccupé d’exprimer élégamment certains détails particuliers de citadin et de rimeur, n’abordant l’homme et la vie ni par le côté de la sensibilité comme Racine et comme La Fontaine, ni par le côté de l’observation moralement railleuse et philosophique comme La Fontaine encore et Molière, mais par un aspect moins étendu, moins fertile, pourtant agréable déjà et piquant. […] Les quatre premiers chants du Lutrin nous expriment bien la veine, l’esprit de Boileau dans tout son honnête loisir, dans sa sérénité et son plus libre jeu, dans l’agrément rassis et le premier entrain de son après-dînée.
Elle mêle et varie mainte fois tous ces noms de maître, de frère et de roi, qu’elle accumule en lui, et qui ne suffisent qu’à peine à exprimer son affection si pleine et si sincère : « Quoi que ce puisse être, jusques à mettre au vent la cendre de mes os pour vous faire service, rien ne me sera ni étrange, ni difficile, ni pénible, mais consolation, repos et honneur. » Ces expressions, qui seraient exagérées chez d’autres, ne sont que vraies dans la bouche de Marguerite. […] C’est à ce point précis de la société, et pour ce monde devenu plus chatouilleux, que La Fontaine a donné le précepte encore plus sûrement que l’exemple, en d’agréables vers souvent cités : Qui pense finement et s’exprime avec grâce Fait tout passer, car tout passe ; Je l’ai cent fois éprouvé : Quand le mot est bien trouvé, Le sexe, en sa faveur, à la chose pardonne : Ce n’est plus elle alors, c’est elle encor pourtant.
Si toute idée réelle, vraie ou fausse, doit pouvoir être exprimée clairement, et comprise par la bonne foi intelligente, ne serait-on pas autorisé à soupçonner qu’une prétendue doctrine, qui échappe à l’analyse et se refuse à la définition, est quelque chose de fantastique, dont l’apparence déçoit ceux qui l’attaquent, comme ceux qui la défendent ? […] Un sujet de la Grèce antique, où l’homme de tous les lieux et de tous les siècles sera peint fidèlement, sous le costume rigoureusement observé de Mycènes, d’Argos ou de Sparte, réunira, pour des spectateurs modernes, les deux conditions qui constituent cette vérité : un sujet moderne pourra les enfreindre l’une ou l’autre, si les sentiments naturels sont faussement exprimés, ou les mœurs sociales inexactement rendues.
Ils ont même fait synonymes ces deux appellations dont l’une exprime tout juste le contraire de l’autre. […] Artiste dans la plus forte acception du terme, il exprime sa pensée en phrases irréductibles et ne voit dans l’art que la science du nombre, le secret de la grande harmonie.
À mon sens, très humble, mais très convaincu, philosophiquement ou plutôt théologiquement, ce que de Maistre a exprimé dans tous ses livres est absolument vrai, et, littérairement, c’est absolument beau, — et d’une beauté à lui, qui n’imite et ne rappelle personne…·Ce livre-ci n’ajoute rien à cette Immensité, mais n’en diminue rien non plus, il devait être publié (tout ce qu’une pareille plume a tracé appartient au monde), et il l’a été avec intelligence. […] Nous sommes loin de 1810, et plus loin encore des idées que le comte de Maistre exprimait alors.
mais qui met trop de sucre et par là gâte son poison… Le seul sentiment que ce baveur de sucre candi arséniqué exprime dans sa Vie de Jésus, — je ne dis pas le seul sentiment qu’il éprouve, — c’est une préférence d’amateur pour l’homme charmant qu’il a la bonté de reconnaître dans Notre-Seigneur Jésus-Christ, et cette impertinence est même toute l’originalité de ce livre, qu’il nous donne pour remplacer les Évangiles. […] Je ne sais pas s’il y a des imbécilles qui peuvent le croire, mais ce que je sais, c’est qu’on dit « mentir comme un arracheur de dents » pour exprimer le comble du mensonge et sa confusion.
Le poète des Fleurs du mal a exprimé, les uns après les autres, tous ces faits divinement vengeurs. […] parce qu’il a exprimé et tordu le cœur de l’homme lorsqu’il n’est plus qu’une éponge pourrie, ou qu’il l’ait, au contraire, survidée d’une première écume, il est tenu de se taire maintenant, — car il a des mots suprêmes sur le mal de la vie, — ou de parler un autre langage.